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Article de revue

Architecture pénitentiaire

Mémoire historique : l'ambivalence des représentations

Pages 83 à 96

Notes

  • [1]
    Voir le dernier rapport de l’Observatoire international des prisons (2005).
  • [2]
    Afin d’assurer le respect des nouvelles normes pénitentiaires européennes, la loi d’orientation et de programmation de la justice du 9 septembre 2002 prévoit la construction de 13 200 nouvelles places de détention. Ce programme « 13 200 » est actuellement en cours d’achèvement.
  • [3]
    Rappelons que l’architecture pénitentiaire, en tant que programme autonome, ne voit le jour qu’après la Révolution française avec l’avènement de la peine privative de liberté comme principale sanction des crimes et délits.
  • [4]
    Parmi ces bâtiments, les prisons de Mazas (1898), Saint-Lazare (1940), Petite Roquette (1974) – la Santé demain ?
  • [5]
    Voir l’ouvrage de Françoise Choay, L’Allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, 1991, 272 p., et le travail récent de Nathalie Heinich, La Fabrique du patrimoine : de la cathédrale à la petite cuillère, Paris, éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2009, p. 89-119.
  • [6]
    Nathalie Heinich, op. cit., p. 68.
  • [7]
    Nous ne retenons que les édifices, encore partiellement ou totalement conservés aujourd’hui, dont les fonctions carcérales dépassent l’utilisation temporaire et circonstancielle.
  • [8]
    Nous distinguons les prisons issues de réaffectations car, dans ce cas, l’intérêt patrimonial ne s’attache-t-il pas davantage aux qualités des édifices anciens qu’à celles des aménagements pénitentiaires ultérieurs ?
  • [9]
    D’autant que, s’ils n’ont pas déjà été détruits, nombre de bâtiments pénitentiaires construits au xixe siècle sont encore actuellement en activité : la question d’une éventuelle protection juridique ne se pose qu’au moment du déclassement.
  • [10]
    Bruno Foucart, Véronique Noël-Bouton, « Une prison cellulaire de plan circulaire au xixe siècle : la prison d’Autun », L’Information d’histoire de l’art, n° 1, janvier-février 1971, p. 11-24 ; Bruno Foucart, « Architecture carcérale et architectes fonctionnalistes en France du xixe siècle », Revue de l’art, n° 32, 1976, p. 37-56.
  • [11]
    Signalons le rapport interne intitulé L’Architecture pénitentiaire de l’Ancien Régime à nos jours, réalisé en 2001 pour le ministère de la Justice par Fabienne Doulat (dont la thèse est en cours de finalisation, et consacrée à l’architecte Guillaume Abel Blouet).
  • [12]
    Norman Bruce Johnston, The Human Cage : a Brief History of Prison Architecture, New York, Walter and Company, 1973, 68 p. ; Id., Forms of Constraint : a History of Prison Architecture, Urbana/Chicago, University of Illinois Press, 2000, 197 p.
  • [13]
    Ce projet a été développé suite aux reportages photographiques réalisés pour constater les dégâts occasionnés par les nombreuses émeutes survenues entre 1988 et 1991 dans les prisons anglaises, et dans un contexte de modernisation du parc pénitentiaire. Les cent trente édifices encore en activité en Angleterre et au pays de Galles, ainsi que cent prisons anciennes, ont été visités et photographiés à cette occasion.
  • [14]
    Allan Brodie, Jane Croom et James O. Davies, Behind Bars : the Hidden Architecture of England’s Prisons, Swindon, English Heritage, 1999, 97 p. ; Id., English Prisons : an Architectural History, Swindon, English Heritage, 2002, 297 p. Si l’on en juge par leur absence dans les catalogues des bibliothèques publiques françaises : pas d’occurrence à la BNF, un seul exemplaire du premier ouvrage à la bibliothèque de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine et un unique exemplaire du second à la bibliothèque universitaire de Tours (source : CCFR).
  • [15]
    Nathalie Heinich, op. cit., p. 64.
  • [16]
    « À Lyon. Prisons versus promoteurs », Vieilles maisons françaises, n° 228, juillet 2009, p. 21.
  • [17]
    Commentaire posté le 4 mars 2009 en réaction à l’article d’Annie-Laurence Ferrero, « Saint-Paul/Saint-Joseph : “Un moratoire, ça veut dire 5 ans à entretenir les locaux pour rien” », Lyoncapitale.fr [en ligne depuis le 26 février 2009, consulté le 8 mai 2010] <http://www.lyoncapitale.fr/lyoncapitale/journal/univers/Actualite/Prisons/Saint-Paul-Saint-Joseph-Un-moratoire-ca-veut-dire-5-ans-a-entretenir-les-locauxpour-rien>.
  • [18]
    Commentaire posté le 26 février 2009 en réaction au même article.
  • [19]
    Nathalie Heinich, op. cit., p. 76.
  • [20]
    Citons l’exemple de Mazas dont la destruction précoce (un peu moins de cinquante ans après sa construction) signe aussi l’échec du système pennsylvanien d’isolement de jour et de nuit.
  • [21]
    André Laugier, « Monuments détruits à raison de leur histoire et des souvenirs qui s’y rattachent. Opinion de Victor Hugo », Bulletin de la Société des amis des monuments parisiens, vol. 12, nos 39-40-41, 1901, p. 129-132.
  • [22]
    Ibid., p. 129.
  • [23]
    Tout-Paris, « Sainte-Pélagie », Le Gaulois, 12 octobre 1891.
  • [24]
    « Une fête foraine sur les ruines de Mazas », L’Éclair, 27 février 1899.
  • [25]
    PV Conseil des bâtiments civils, séance du 28 mai 1807 (AN, F21 2477).
  • [26]
    Jacques Hillairet, « Temple (rue du) », dans Dictionnaire historique des rues de Paris, vol. 2, Paris, Éditions de Minuit, 1963, p. 549.
  • [27]
    La question de la pression foncière, avec le lotissement de l’enclos du Temple en cours de finalisation à cette date, serait certes à interroger.
  • [28]
    Évoquons le cas d’Alphonse Humbert (1844-1922) dont nous reproduisons plus loin un témoignage. Internationaliste et blanquiste, il est emprisonné pour la première fois en 1866. Condamné après la Commune aux travaux forcés à perpétuité et déporté en Nouvelle-Calédonie, il est gracié en 1879 et aussitôt élu conseiller municipal de Paris. Il deviendra ensuite député, voir à ce sujet Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1895, p. 54-55.
  • [29]
    Ph. de Grandlieu, « À Sainte-Pélagie », Le Figaro, 15 janvier 1895. Précisons toutefois que se trouvent très certainement confondus ici véritables détenus pour délit d’opinion et hommes politiques véreux. « Mazas, dans ces derniers temps, était devenue “une prison bien parisienne”. Les rendez-vous de noble compagnie se donnaient volontiers, depuis Panama, dans ce charmant séjour », cité dans Gaston Mery, « Mazas », Libre Parole, 26 mai 1898.
  • [30]
    Charles-Marie Tresvaux du Fraval, Leurs Majestés les roi…telets de 1889, Saint-Brieuc, L. et R. Prud’homme, 1889, 34 p. ; l’idée de « distinction pénitentiaire » est ironiquement reprise dans la presse à l’occasion de la destruction de la prison politique de Sainte-Pélagie : « Ceux qui voudront mettre sur leur carte de visite “ancien détenu de Sainte-Pélagie” n’ont qu’à se hâter. On ferme » (BHVP, dossiers d’actualité, source inconnue).
  • [31]
    Ce dont Napoléon Ier avait justement peur avec la tour du Temple.
  • [32]
    « Dans les décombres de Mazas », Le Petit Journal, 3 août 1898.
  • [33]
    « Elle est menacée de mort, la vieille prison, contre laquelle ont si fort clabaudé ses anciens hôtes, les écrivains incarcérés sous l’Empire », Tout-Paris, loc. cit.
  • [34]
    Jules Lermina, « Pauvre Mazas ! », Le Radical, 11 octobre 1897.
  • [35]
    Pierre Joigneaux, Les Prisons de Paris, par un ancien détenu, Paris, 1841, p. 25.
  • [36]
    Gaston Bergeret, « Quinze jours à Sainte-Pélagie », Revue bleue, juillet 1892.
  • [37]
    C’est nous qui soulignons.
  • [38]
    Gaston Bergeret, loc. cit.
  • [39]
    « Évacuation de Sainte-Pélagie », Le Petit Journal, 1er août 1898.
  • [40]
    Alphonse Humbert, « Souvenirs de Mazas », L’Éclair, 29 mai 1898.
  • [41]
    « Le mur des otages à la Roquette », L’Illustration, n° 2928, 8 avril 1899, p. 213.
  • [42]
    À cet endroit furent fusillés cent quarante-sept combattants de la Commune le 28 mai 1871.
  • [43]
    Les « hagiographes » de Georges Darboy ne manquent jamais de rappeler que le prélat est « allé à la mort l’âme haute et en bénissant ses meurtriers », voir « La démolition de la Grande Roquette et de Sainte-Pélagie », Le Temps, octobre 1893 ; ceux de Louis-Bernard Bonjean, que la dernière lettre du magistrat invitait ses fils à ne pas chercher vengeance.
  • [44]
    À l’heure de la réconciliation nationale, la destruction du mur des Otages est interprétée comme une manière de faire oublier les exactions des communards : « Serait-ce trop demander que d’insister pour que ces souvenirs soient transportés dans un musée public ? On conserve bien, à la Conciergerie, le crucifix de Marie-Antoinette. Que toute pensée politique fasse trêve devant ces derniers restes (reliquiae) des victimes de nos discordes civiles. […] Devant la pioche de la destruction, nous demandons l’amnistie pour ces souvenirs, au nom de l’histoire de Paris », cité dans « La démolition de la Grande Roquette et de Sainte-Pélagie », loc. cit.
  • [45]
    Jean de Nivelle, « Le mur de la Roquette », Le Soleil, 6 avril 1899.
  • [46]
    « La conservation du mur des otages », L’Éclair, 13 avril 1899.
  • [47]
    La Commission municipale du Vieux Paris est fondée par arrêté préfectoral du 18 décembre 1897.
  • [48]
    Voir supra.
  • [49]
    Tout-Paris, loc. cit.
  • [50]
    Expression empruntée à Nathalie Heinich, op. cit., p. 46.
  • [51]
    Les visites, très courues, sont possibles sur présentation d’une carte délivrée par la préfecture de la Seine. Mazas est en outre ouverte à tous, en accès libre et gratuit, le 9 juillet 1898. Suite à des débordements, l’expérience n’est pas prolongée. Voir « Le scandale de Mazas », L’Éclair, 11 juillet 1898.
  • [52]
    « On n’attend pas de moi la description topographique de Mazas ; elle est partout. Nombre d’auteurs ont chiffré, à un centimètre près, la longueur des galeries, la superficie des préaux et l’épaisseur des murailles. », Alphonse Humbert, op. cit.
  • [53]
    « De toutes parts, on est venu prendre des vues documentaires de l’ignoble geôle appelée à disparaître », dans « Les clefs de Mazas. Le dépècement et la mise en vente de la vieille prison », L’Éclair, 1er août 1898. À ce sujet, voir notre précédent article : Caroline Soppelsa, « Photographie et sauvegarde du patrimoine. Les prisons de Paris, objets d’architecture et d’histoire », dans L’Impossible Photographie. Prisons parisiennes (1851-2010) [cat.], Paris, Paris-Musée, 2010, p. 156-163.
  • [54]
    Principalement des portes, des serrures, des pierres ou des bois gravés par les détenus… Ces vestiges sont aujourd’hui dans les collections du musée Carnavalet, du musée de la Préfecture de police ou bien encore du musée national des Prisons de Fontainebleau, mais également chez des particuliers, les matériaux de démolition ayant été vendus aux enchères.
  • [55]
    Celles occupées par les trois pères jésuites fusillés, rue Haxo, le 26 mai 1871, avec quarante-six autres otages de la Commune. Réalisé à partir de matériaux de démolition de la Grande Roquette, par la communauté jésuite venue s’installer au début du xxe siècle sur les lieux du massacre, cet aménagement était encore ouvert à la visite dans les années 1950. Seuls subsistent aujourd’hui « une porte et une grille adossées à un mur, visibles de la rue de Borrégo », voir Bref historique de l’église Notre-Dame-des-Otages.
  • [56]
    En témoignent les films récents consacrés au braqueur Jacques Mesrine (L’Instinct de mort et L’Ennemi public n° 1 de Jean-François Richet, 2008) ou au terroriste Carlos (mini-série télévisée et long-métrage d’Olivier Assayas en 2010).
  • [57]
    À l’occasion de la conférence de Jacky Tronel consacrée à « La prison militaire du Cherche-Midi : un trou noir de l’histoire » donnée à Paris, à la Fondation Maison des sciences de l’Homme, le 12 juin 2009, la parole était donnée au fils de la résistante Thérèse Lemoine, internée au Cherche-Midi en 1941.
  • [58]
    Voir la fiche Mérimée de cet édifice, qualifié d’abord de « témoin important des événements dramatiques du 19 au 23 février 1944 liés à la seule révolte armée en milieu carcéral ayant eu lieu au cours de l’occupation et à sa répression » et secondairement d’« ancienne abbaye bénédictine transformée à la Révolution en maison de force ou prison ».
  • [59]
    Depuis 2001, l’ancien résistant Georges Tassani, président de l’association, militait pour l’ouverture de la prison au public.
  • [60]
    La partie inscrite du site, gérée par le Centre d’histoire de la résistance et de la déportation, deviendra un musée, tandis que le reste des locaux est en cours de réaffectation à l’usage de l’université Lyon III (salles, locaux administratifs, logements d’étudiants).
  • [61]
    Saint-Joseph (1827-1831), due à l’architecte Louis-Pierre Baltard (1764-1846), adopte un plan en peigne (enfermement collectif avec séparation des détenus par catégorie), tandis que Saint-Paul (1860-1865), conçue à la génération suivante par Antonin Louvier (1818-1892) selon un plan radial à six branches, est conforme au modèle panoptique (enfermement individuel).
  • [62]
    Suite au dépôt par le ministère de la Justice d’un permis de démolir en février 2009, un groupe d’étudiants en histoire de l’art de l’université Lyon II crée le blog Sauvons les prisons de Perrache !, prend contact avec les associations locales de défense du patrimoine et lance une pétition contre la disparition des deux prisons. Face à la mobilisation, le préfet consent à lancer un appel à idées pour juger des possibilités de réhabilitation du site (printemps-été 2009). Après examen des dossiers, la conservation partielle des bâtiments est décidée en février 2010 et un appel à candidature a été lancé, dont les résultats devraient être connus le 15 décembre de cette même année.
  • [63]
    Notamment en tant que chefs-d’œuvre d’architecture fonctionnaliste.
  • [64]
    Philippe Artières, « La mémoire des ombres », dans L’Impossible Photographie, op. cit., p. 185.
  • [65]
    La prison est en effet le seul monument classé de Mont-de-Marsan.
  • [66]
    Voir par exemple Coulommiers qui a procédé récemment (1998-2003) à la reconversion exemplaire de son ancienne maison d’arrêt en bibliothèque municipale (arch. Pierre Gory et Béatrice Jullien).
  • [67]
    Citons par exemple la mobilisation de La Tribune de l’art : Didier Rykner, « Baltard à la casse (bis repetita) », La Tribune de l’art [en ligne depuis le 11 avril 2009, consulté le 8 mai 2010] <http://www.latribunedelart.com/baltard-a-la-casse-bis-repetita-article002018.html> ; Pierre Pinon, « La prison Saint-Joseph à Lyon de Louis-Pierre Baltard », La Tribune de l’art [en ligne depuis le 11 avril 2009, consulté le 8 mai 2010] <http://www.latribunedelart.com/la-prison-saint-joseph-a-lyon-de-louis-pierre-baltardarticle002017.html>.
  • [68]
    Quel avenir pour les prisons de Lyon Saint-Joseph et Saint Paul ?, Lyon, 25 juin 2009, colloque organisé par le CAUE du Rhône, ICOMOS France et la Commission française pour l’Unesco.
  • [69]
    Les membres de l’Association pour la sauvegarde du Panopticon de la Petite Roquette (APSPPR) étaient en très grande majorité des architectes, historiens de l’art ou philosophes (Guillaume Gillet, André Chastel, Bruno Foucart, Michel Vernes, Michel Foucault…). Le dossier de demande de classement déposé par l’association s’appuie essentiellement sur l’analyse architecturale de Pierre Saddy, « La prison de la Petite Roquette », AMC, n° 33, mars 1974, p. 86-87 (Médiathèque du Patrimoine, Archives, 0081/075-11/0024).

1Régulièrement épinglé sur la question des conditions de détention dans les prisons françaises [1], l’État procède depuis 2002 à la modernisation de son parc pénitentiaire [2]. Une politique de constructions nouvelles a été lancée, entraînant le déclassement accéléré de nombreuses prisons du xixe siècle [3] aujourd’hui inadaptées. Si Mont-de-Marsan est, depuis le 10 avril 1990, déjà en partie classée au titre des monuments historiques, si Avignon deviendra bientôt un hôtel de luxe, Nancy, quant à elle, est promise à la destruction. Le sort des maisons d’arrêt de Lyon, Rennes ou Toulouse reste en suspens.

2Cette actualité interroge la capacité de notre société à intégrer l’architecture carcérale à son patrimoine, à considérer la légitimité de l’appartenance de ce type d’édifices à la mémoire collective. En somme, les bâtiments pénitentiaires sont-ils dignes d’être conservés au-delà de leur période d’usage carcéral ? Cette question est d’autant plus importante que l’histoire de leur patrimonialisation s’apparente plutôt, pour l’heure, à une suite de rendez-vous manqués. En témoigne l’exemple de Paris qui a successivement vu disparaître des bâtiments comptant parmi les constructions les plus marquantes de leur temps [4].

3Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de dresser un rapide bilan de l’action patrimoniale menée en France en matière d’architecture pénitentiaire, avant de tenter d’identifier les mécanismes de la « fabrique » de ce patrimoine singulier. Notre étude – principalement fondée sur l’analyse des cas parisiens – interrogera en particulier le rôle fondamental de la mémoire (mémoire historique, mémoire des détenus) en ce qu’elle permet ou, au contraire, empêche l’émergence d’une conscience patrimoniale à l’égard des prisons.

L’architecture pénitentiaire dans le champ patrimonial

4Ces dernières décennies, le champ patrimonial n’a cessé de s’élargir, englobant progressivement l’urbain, le récent, le banal, l’industriel, l’immatériel, au point que la communauté scientifique, depuis longtemps mise en garde contre les dérives du « tout-patrimoine [5] », en appelle désormais à une redéfinition des limites du concept. En dépit de cette large ouverture, l’architecture pénitentiaire ne semble pas avoir beaucoup attiré l’attention.

5Cette catégorie d’édifices publics, qui a tant préoccupé philosophes, juristes, architectes et autres philanthropes tout au long du xixe siècle, s’apparente pourtant à celle des « grands monuments commandités par les institutions d’État ou par l’Église », dont Nathalie Heinich explique qu’ils ont généralement « connu une patrimonialisation précoce [6] ». Les impératifs tant fonctionnels (l’isolement des détenus) que symboliques (l’interpellation du passant dans l’espace public) de ce type de programme, ainsi que leur évolution au cours du temps en réponse aux revirements de la « science pénitentiaire », sont d’ailleurs à l’origine de formes architecturales inédites, tels les promenoirs cellulaires ou les chapelles alvéolaires. Dans les faits, la base Mérimée du ministère de la Culture compte une petite centaine de fiches relatives à des établissements pénitentiaires en activité, entre le lendemain de la Révolution française et le début du xxe siècle [7], soit une soixantaine de constructions nouvelles pour une trentaine de réaffectations de bâtiments anciens [8] (abbayes, couvents et châteaux principalement). La plupart de ces fiches correspondent à de simples signalements dans le cadre des inventaires topographiques ou préliminaires. Un peu plus d’une vingtaine d’édifices (près de la moitié issus de réaffectations) bénéficient d’une inscription au titre des monuments historiques et moins d’une dizaine (les trois quarts issus de réaffectations) sont partiellement ou totalement classés. Bien entendu, l’intérêt patrimonial ne se mesure pas uniquement au nombre de protections juridiques [9] : l’état de la recherche scientifique sur le sujet est un autre indicateur à prendre en compte.

6Si la connaissance des édifices carcéraux s’est progressivement enrichie depuis les deux textes fondateurs publiés dans les années 1970 par Bruno Foucart [10], c’est surtout par l’accumulation tous azimuts de contributions isolées (monographies d’architecte ou de ville principalement). En effet, aucun inventaire systématique ni de grande synthèse nationale n’ont été entrepris à ce jour en France [11]. Les études les plus poussées sont le fruit d’initiatives anglo-saxonnes. Le sociologue et criminologue américain Norman Johnston est ainsi l’auteur d’une synthèse internationale [12], tandis que la Royal commission on the historical monuments of England (English Heritage), a financé le seul inventaire systématique national réalisé à ce jour : une enquête de terrain de trois années [13] qui a donné lieu à deux publications exemplaires [14], encore mal connues en France.

7Voici pour le regard des experts, mais l’on sait que lorsqu’il s’agit plus précisément d’interroger l’existence d’une « conscience patrimoniale », le regard du profane compte tout autant, sinon davantage. Nathalie Heinich rappelle en effet l’importance des « émotions patrimoniales », c’est-à-dire de la mobilisation conjointe de divers acteurs de la société civile (édiles, associations, simples citoyens…), dans la « fabrique du patrimoine » : « Si la preuve du pudding, selon un célèbre adage, est qu’on le mange, la preuve du patrimoine serait qu’on en est ému [15]. » Qu’en est-il pour les prisons ? Quelques commentaires récents, suscités par le débat autour de l’avenir des prisons de Lyon déclassées en juin 2009, sont des plus éclairants. Retenons tout d’abord l’étonnement d’un journaliste du magazine Vieilles maisons françaises, pourtant sensibilisé à la question patrimoniale :

8

Il est assez inhabituel de considérer les établissements pénitentiaires sous l’angle patrimonial. C’est pourtant ce qui advient aux vénérables prisons de Lyon [16].

9Quant au jugement du grand public, il varie de la réticence économe à la franche indignation :

10

Je ne vois pas l’utilité de conserver ces bâtiments que personnellement je trouve très laids. En ce temps de crise, il faut se montrer vigilant avec l’argent des contribuables [17].
Classer les prisons aux monuments historiques ? C’est une moquerie ou quoi ? Comment certains peuvent vouloir cela ? C’est une honte, un endroit où tant de drames humains se sont déroulés, suicides, etc. Détruisons cet endroit dont les Lyonnais ne veulent plus entendre parler. Tournons la page à cette honte pour notre ville [sic] [18].

Entre effacement et commémoration

11C’est qu’en matière d’architecture pénitentiaire, les imaginaires sociaux sont très forts et si émotion il y a, elle est d’abord négative. La « mise à distance de la fonction utilitaire » indispensable à l’entrée d’un objet dans le champ patrimonial [19], est ici particulièrement difficile à obtenir. La prison reste le lieu dans lequel un groupe humain décide de reclure ceux de ses membres qui ont enfreint les règles communes. Or, le principe initial d’une régénération morale de l’individu par la privation de liberté et l’isolement temporaires a fait long feu. Ne reste que l’échec d’un système que l’on juge mauvais, mais dont on ne sait quel autre lui substituer – le malaise s’accentuant aujourd’hui avec la dénonciation récurrente des conditions de vie déplorables des détenus du fait de la surpopulation, de l’inadaptation et de la vétusté des locaux. Outre la protestation contre l’institution pénitentiaire elle-même, l’image des prisons est encore affectée par l’éventuel ressentiment entretenu à l’égard du pouvoir politique, en tant que prescripteur de la nature des crimes et délits. On pense bien sûr à la pratique de l’enfermement politique ou pour délit de presse. Avec l’alternance rapide des régimes au cours du xixe siècle, l’histoire des prisons rencontre régulièrement l’histoire de France : incarcérations devenues illégitimes, insurrections, massacres… La tentation est donc grande de reporter symboliquement sur les pierres le poids de l’échec [20] ou le poids du passé dont elles constituent la matérialisation dérangeante dans l’espace public. L’acte de destruction prend alors une véritable fonction cathartique.

12André Laugier, membre de la Commission municipale du Vieux Paris, abordant en 1901 la question des « Monuments détruits à raison de leur histoire et des souvenirs qui s’y rattachent [21] », constate ainsi en pensant – à tort – la pratique révolue :

13

Se venger sur les pierres des actes imputés aux hommes ou aux peuples a été longtemps une coutume enracinée dans l’âme humaine. C’est là un vandalisme sentimental ou expiatoire, comme on voudra l’appeler, et l’on peut ajouter : une des formes les plus dangereuses du vandalisme[22].

14Parmi les neuf édifices parisiens présentés dans cet essai, on ne sera pas surpris de retrouver six bâtiments pénitentiaires : Petit et Grand Châtelet, Abbaye, Force, Temple et Bastille. La démolition de la Bastille, symbole de l’arbitraire royal, constitue évidemment l’exemple paradigmatique de cette stratégie d’effacement des traces. Le souvenir du « Ici l’on danse » ne manquera jamais d’être convoqué à l’occasion des destructions ultérieures. Ainsi de Sainte-Pélagie :

15

Au fond, tout cela est une question de rancune contre des murs détestés. Les républicains rageurs veulent que Sainte-Pélagie ne soit plus qu’un souvenir à l’instar de leur autre ennemie d’autrefois, la Bastille. Au besoin même, ils fonderont exprès un bastringue sur les ruines afin qu’on puisse mettre aussi sur cet emplacement l’enseigne : « Ici l’on danse », campée en 1789 sur les débris de l’ancienne prison des rois [23].

16Dans les faits, c’est sur Mazas que l’on dansera en 1899, à l’occasion d’une fête foraine :

17

[…] les chevaux de bois tourneront aujourd’hui sur le terrain à peine nivelé, où se dressait encore il y a quelques semaines la prison cellulaire de Mazas. […] « Ruines de Mazas » […] éclatent en énormes caractères [sur l’affiche] et l’on sent bien que c’est le principal attrait d’une fête qui, sans cette évocation, n’aurait rien que de très banal [24].

18Le cas du Temple, dernière demeure de Louis XVI, répond également à une logique d’effacement. C’est Napoléon Bonaparte, inquiet de voir la tour devenir un lieu de pèlerinage pour les monarchistes, qui décide de la faire détruire en 1808, soit moins d’un an après l’adoption d’un plan général de restauration de la prison et le vote d’un crédit de 40 000 francs pour l’achèvement du bâtiment neuf du greffe [25]. L’édifice, pourtant pleinement opérationnel, est alors vendu au prix des matériaux, pour la somme dérisoire de 33 100 francs [26]. Nulle autre justification à cette destruction que la volonté d’abattre un « lieu de mémoire [27] ».

19Mémoire, voici le maître-mot de la fabrique du patrimoine pénitentiaire : mémoire collective, historique d’abord, mais également mémoire individuelle, celle des anciens détenus, et en particulier celle des anciens « politiques ». Si les prisonniers de droit commun suscitent rarement autre chose que l’opprobre, l’image des prisonniers politiques est ambivalente. Au siècle des révolutions, les opposants de la veille sont souvent devenus les dirigeants du moment, passant parfois sans transition du statut d’ennemi public à celui de notable [28].

20

[…] Sainte-Pélagie et Mazas ! Ces deux établissements résument toute la vie contemporaine, et on pourrait dire à nos politiciens, en parodiant un distique célèbre : « Vous y avez été, vous y êtes, ou vous y serez [29] ! »

21Dans ce contexte, certains n’hésitent pas à inscrire un séjour en prison au nombre de leurs faits d’armes, tel Charles-Marie Tresvaux du Fraval qui fait figurer sur la page de titre de l’un de ses écrits, en lieu et place des qualités et distinctions habituelles, la mention « ex-pensionnaire de Sainte-Pélagie [30] ». Ce possible renversement des valeurs n’est pas sans conséquence sur la perception des lieux d’enfermement. Lieux de la souffrance anonyme des humbles (négatif), les prisons deviennent alors potentiellement lieux de l’illustre martyr des puissants (positif) [31]. Et ces lieux-ci sont bien entendu plus aisément intégrables au champ patrimonial.

22L’évocation mémorielle commande donc, en fonction des stratégies politiques du temps, l’effacement volontaire des traces ou la conservation de reliques. Un bon exemple de pratique commémorative nous est fourni par la Conciergerie (en service jusqu’en 1934) dont le traitement patrimonial – quasiment inchangé depuis le xixe siècle et la création du musée en 1909 – est essentiellement axé sur le souvenir des tribunaux révolutionnaires en général et la figure de Marie-Antoinette en particulier. En témoignent les choix muséographiques (les reconstitutions d’intérieurs de cellules) et l’imagerie véhiculée (les cartes postales et surtout leurs légendes).

« Émotions patrimoniales » autour de 1900

23Le rôle de la mémoire des anciens prisonniers politiques dans la patrimonialisation des bâtiments pénitentiaires nous paraît particulièrement visible à travers le cas des prisons parisiennes de Sainte-Pélagie, Mazas et la Grande Roquette, toutes trois détruites peu avant 1900. Tandis que la démolition d’un seul bâtiment serait passée relativement inaperçue, la concomitance des trois événements crée un effet de loupe qui, lui-même, engendre un climat de réflexion propice à l’émergence d’une conscience patrimoniale. Nous constatons en effet que les étapes de la « cessation d’activité » des trois prisons sont relatées dans la presse, presqu’au jour le jour pendant des mois, à la manière d’un véritable feuilleton. Le moment de la destruction est en outre l’occasion de dresser un bilan, d’interroger une dernière fois le bien-fondé de la décision – ces commentaires étant d’autant plus intéressants qu’ils ne proviennent pas des décideurs eux-mêmes. Des acteurs sociaux qui se seraient tus se mettent à parler, notamment un certain nombre d’hommes politiques ou de journalistes, anciens détenus pour délit de presse, qui ont pu faire l’expérience de l’enfermement à Mazas ou à Sainte-Pélagie.

24

C’est que, si des générations de malfaiteurs vulgaires ont dormi dans les cellules de Mazas, des financiers, des hommes politiques, des innocents ont connu, eux aussi, la dureté du règlement cellulaire [32].

25Cette expérience change évidemment leur regard sur les bâtiments qui les ont accueillis pour quelques heures ou quelques mois de leur existence. L’exercice du « je me souviens » fait émerger le sentiment de la perte. Dans la perspective de la disparition, quelques-uns, tels les journalistes Jules Lermina, Pierre Joigneaux ou Gaston Bergeret, développent en effet une certaine forme d’attachement symbolique à ces vieux murs qu’ils auraient sans doute volontiers jetés bas dans l’immédiateté de leur détention [33].

26

On va me démolir mon Mazas. L’autre jour, en passant au pied de ses murs […], j’ai eu un serrement de cœur. La chose peut paraître excentrique : elle est pourtant tout à fait réelle. Je n’ai que de bons souvenirs de Mazas, où j’ai eu l’honneur – je dis l’honneur – d’être trois fois incarcéré [34].
[…] je cherchai inutilement du regard l’hôtel Bazancourt. Il avait été démoli de fond en comble, et les gardes nationaux avaient été relégués dans une nouvelle prison cellulaire. Je ne sais pourquoi j’en ressentis une vive contrariété. Est-il donc dans la nature de regretter même les lieux qui rappellent des souvenirs désagréables [35] ?
Au fond, je ne suis pas fâché d’avoir passé par là ; j’ai payé ma dette à la société puisque j’ai fait mes quinze jours de prison […]. Je puis ajouter qu’il m’a été fait amende honorable : une amnistie intervenue sous l’Empire même a effacé jusqu’aux dernières traces de ma condamnation […]. Bien plus, la doctrine que je soutenais est devenue officielle : elle est maintenant enseignée dans les écoles. La réparation est donc aussi complète que j’aurais pu le souhaiter. Il ne me reste que le souvenir d’avoir, au sortir de l’enfance, joué un petit bout de rôle dans les affaires du temps. Et c’est pourquoi je ne verrai pas sans une pointe d’attendrissement la démolition de cette vieille geôle où il m’a été donné d’être victime à peu de frais, au grand scandale de personnes honorables qui m’ont cru alors perdu sans retour, et pour le plaisir que trouve la jeunesse à prendre sa part de bruit et de mouvement [36].

27Chacun se pose inconsciemment cette question : une fois la prison détruite, que restera-t-il de mon passage en ces lieux dans la mémoire collective ? Ou plutôt, par extension, puisque cet enfermement (petite histoire) est souvent lié à des événements politiques (grande histoire), que restera-t-il de tel combat, ou de tel drame ? Dans cette optique, c’est la mémoire de personnages et/ou de faits historiques que l’on honore en respectant le bâtiment. Cette idée de respect, d’hommage rendu apparaît nettement dans les termes choisis [37] :

28

Mais les lettres ne peuvent laisser disparaître Sainte-Pélagie sans lui adresser un adieu ému[38].
Aujourd’hui que, atteinte d’infirmités incurables, on va la faire mourir, saluons cette vieille Sainte-Pélagie, qui abrita en ses murs hospitaliers tant de nos aînés qui nous ont devancés dans la carrière de la liberté et de la République [39].
Ayant été autrefois, à diverses reprises, l’hôte de cette « moderne Bastille » [Mazas], je ne puis décemment la laisser disparaître, sans saluer de la plume les vieux murs que guette la pioche du démolisseur et sans évoquer le souvenir déjà lointain des jours de ma jeunesse qu’ils ont un instant abrités [40].

29La disparition des trois prisons suscite donc cette « émotion patrimoniale » susceptible de faire pencher la balance dans le sens de la conservation – tout au moins partielle – des bâtiments. Le cas le plus intéressant est ici celui de la Grande Roquette, dont l’histoire est liée à plusieurs épisodes sanglants de la Commune, en particulier l’exécution sommaire le 24 mai 1871 de six « otages du peuple de Paris ». Parmi eux, l’archevêque de Paris, Monseigneur Darboy, et le président de la Cour de cassation, Louis Bernard Bonjean. En souvenir de cet événement, une plaque commémorative a été apposée – probablement dès la fin des années 1870 – à l’intérieur du chemin de ronde de la prison, sur une portion de l’enceinte rebaptisée « mur des Otages ». Le lieu est depuis lors l’objet d’un « discret pèlerinage [41] » à l’instar de son pendant « versaillais » du cimetière du Père-Lachaise, le « mur des Fédérés [42] ». Démolir la Grande Roquette, c’est donc effacer la mémoire des martyrs [43], à un moment où le traumatisme de la Commune est encore bien présent dans l’esprit des contemporains [44]. La presse se fait l’écho de l’émotion de certains qui demandent que le mur des Otages au moins soit épargné de la destruction.

30

Une inscription commémorative est fixée sur la muraille sinistre, mais elle va disparaître, si l’on n’y prend garde et si l’État ne fait point le nécessaire pour conserver au moins un pan de ce mur historique, celui qui porte l’inscription. […] Je crois bien […] que les braves gens seraient quelque peu déçus si l’on ne prenait aucune mesure à cet égard et si le mur de la Roquette tombait sous la pioche des démolisseurs [45].
Rien n’est plus simple que de réserver, au moment de la démolition, les murailles qui le circonscrivent déjà presque complètement. Et, une fois les terrains voisins construits, le terrain réservé, vu du dehors, présentera l’aspect d’un enclos dépendant des immeubles qui l’entourent [46].

31Malgré la proposition d’un des fils de Louis-Bernard Bonjean de racheter la parcelle, la Grande Roquette est entièrement rasée, tout comme Mazas et Sainte-Pélagie.

32Rien de très surprenant : les structures à caractère patrimonial qui auraient pu relayer l’émotion populaire auprès des édiles viennent à peine de naître [47] et/ou ne s’intéressent pas à ce type d’architecture [48]. Toujours est-il que l’argument mémoriel et la sensibilisation d’élites ayant pu être confrontées à l’expérience de l’enfermement ont permis l’émergence d’un climat favorable à la conservation de bâtiments pénitentiaires. On emploie désormais pour les qualifier le terme de « monument historique ». On avoue qu’avec eux « c’est un peu du Paris pittoresque qui s’en va [49] ». Et si la sauvegarde matérielle n’a pu être obtenue, le coup de projecteur braqué sur les trois prisons a provoqué une sauvegarde immatérielle [50] des lieux : études historiques, visites des prisons transformées en musées éphémères [51], relevés et descriptions détaillées des bâtiments [52], campagnes photographiques [53], prélèvement de reliques [54] et même reconstitution, rue Haxo, de trois cellules de la Grande Roquette [55].

La mémoire dans les débats patrimoniaux d’aujourd’hui ?

33Depuis la fin du xixe siècle, délits d’opinion et de presse ont été heureusement supprimés. Mise à part l’aristocratie pénitentiaire des braqueurs de banque, de la délinquance financière ou du terrorisme international qui exerce encore une certaine fascination [56], les détenus d’aujourd’hui sont des malfaiteurs anonymes qui suscitent peu de compassion. Que reste-t-il du rôle de la mémoire et du mécanisme de renversement des valeurs mis en évidence précédemment ? Il reste la Seconde Guerre mondiale et la mémoire de la Résistance.

34Alors que les qualités architecturales des grands édifices publics du xixe siècle sont aujourd’hui reconnues et suffisent ordinairement à les faire entrer de droit dans le champ patrimonial, nous constatons qu’en matière d’architecture carcérale, c’est encore bien souvent l’argument de la mémoire qui est déterminant : quasi systématiquement, celle du second conflit mondial qui a produit les derniers martyrs pénitentiaires (juifs, résistants, otages…) de notre société contemporaine. Lors de conférences consacrées à des prisons dont la période d’activité englobe les années 1939-1945, les débats ne manquent jamais de glisser vers l’évocation des souvenirs de l’occupation allemande [57]. Concernant les questions de protection juridique, certains bâtiments pénitentiaires ne sont inscrits au titre des monuments historiques que parce qu’ils ont été le théâtre d’événements liés à la Seconde Guerre mondiale ou la dernière demeure de célèbres résistants. Ainsi en va-t-il de la centrale d’Eysses à Villeneuve-sur-Lot, dont l’inscription se limite à l’« angle sud-est du mur d’enceinte, dit mur des Fusillés, et sol de la cour correspondante » (29 avril 1996) [58]. De même pour l’ancienne prison militaire de Montluc à Lyon, qui accueillit jadis des hôtes aussi illustres que Marc Bloch, Jean Moulin ou le maréchal Delattre de Tassigny. L’inscription d’une partie du site, le 25 juin 2009, a été obtenue très rapidement après le déclassement intervenu en février 2009 et « sans grande difficulté », sous l’impulsion de l’Association des rescapés de Montluc [59]. Pourtant, de l’aveu même des architectes chargés de se prononcer sur l’intérêt patrimonial des bâtiments, Montluc (construite en 1921) ne présente guère de qualités architecturales. La légitimité de la protection repose donc uniquement sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, matérialisée par un inévitable mur des Fusillés et la future cellule « reconstituée » de Jean Moulin [60]. Pendant ce temps, l’avenir des deux autres prisons lyonnaises, Saint-Joseph et Saint-Paul, dont les noms sont plus difficilement associables à la « grande histoire » mais qui constituent à elles deux une véritable leçon d’architecture pénitentiaire [61], aura été longtemps incertain et la sauvegarde partielle arrachée de haute lutte [62].

35L’analyse des débats patrimoniaux, anciens ou plus récents, a donc été l’occasion de souligner l’importance de la mémoire – en particulier celles d’événements politiques majeurs – dans la conservation des bâtiments pénitentiaires, ceci aussi bien dans le sens d’un effacement volontaire des traces que d’une célébration théâtralisée du souvenir. Les prisons, répulsives par essence, ne seraient-elles donc « patrimonialisables » qu’en tant que témoins et supports d’une mémoire qui leur est en grande partie étrangère ? À quand une sauvegarde des édifices carcéraux également pour eux-mêmes, pour leurs qualités architecturales [63] ? À quand – et cette question découle de la précédente – une prise en charge de la mémoire des individus pour lesquels ces bâtiments ont été conçus, les détenus anonymes, les petits, les sans-grade ? « Patrimoine noir qui n’a pas l’éclat d’un objet précieux ni la puissance évocatrice d’un journal intime », pour reprendre les mots de Philippe Artières [64].

36Mais gardons-nous de dresser un tableau trop noir, justement. Si les grands édifices – par leur taille et leur place dans les imaginaires sociaux – posent problème, il est à noter que le « petit patrimoine » est généralement mieux préservé. Parmi les prisons inscrites ou classées au titre des monuments historiques, on trouve en effet nombre d’anciennes maisons d’arrêt de petites préfectures (Mont-de-Marsan), sous-préfectures (Autun, Fontainebleau, Guingamp, Condom) ou plus petites communes encore (Coulommiers, Pont-l’Évêque). Le patrimoine historique et monumental de ces municipalités n’ayant pas, bien souvent, la richesse et la diversité de celui des plus grandes villes [65], il est dans leur intérêt de conserver et de valoriser leurs édifices pénitentiaires déclassés [66]. L’affaire des prisons de Lyon est, par ailleurs, encourageante en cela que la parole des experts, relayée par la presse [67], s’est accompagnée d’une véritable et décisive « émotion patrimoniale » (mobilisation des associations locales, lancement d’une pétition, ouverture d’un blog, organisation d’un colloque [68]). À la lumière du cas lyonnais, peut-être pouvons-nous relire l’échec de la bataille de la Petite Roquette en 1974 comme la conséquence de l’indifférence du grand public, qu’un argumentaire scientifique uniquement axé sur la « valeur architecturale exceptionnelle » du bâtiment [69], et donc oublieux des enjeux de mémoire, n’est pas parvenu à mobiliser.


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Date de mise en ligne : 01/06/2011

https://doi.org/10.3917/sr.030.0083

Notes

  • [1]
    Voir le dernier rapport de l’Observatoire international des prisons (2005).
  • [2]
    Afin d’assurer le respect des nouvelles normes pénitentiaires européennes, la loi d’orientation et de programmation de la justice du 9 septembre 2002 prévoit la construction de 13 200 nouvelles places de détention. Ce programme « 13 200 » est actuellement en cours d’achèvement.
  • [3]
    Rappelons que l’architecture pénitentiaire, en tant que programme autonome, ne voit le jour qu’après la Révolution française avec l’avènement de la peine privative de liberté comme principale sanction des crimes et délits.
  • [4]
    Parmi ces bâtiments, les prisons de Mazas (1898), Saint-Lazare (1940), Petite Roquette (1974) – la Santé demain ?
  • [5]
    Voir l’ouvrage de Françoise Choay, L’Allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, 1991, 272 p., et le travail récent de Nathalie Heinich, La Fabrique du patrimoine : de la cathédrale à la petite cuillère, Paris, éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2009, p. 89-119.
  • [6]
    Nathalie Heinich, op. cit., p. 68.
  • [7]
    Nous ne retenons que les édifices, encore partiellement ou totalement conservés aujourd’hui, dont les fonctions carcérales dépassent l’utilisation temporaire et circonstancielle.
  • [8]
    Nous distinguons les prisons issues de réaffectations car, dans ce cas, l’intérêt patrimonial ne s’attache-t-il pas davantage aux qualités des édifices anciens qu’à celles des aménagements pénitentiaires ultérieurs ?
  • [9]
    D’autant que, s’ils n’ont pas déjà été détruits, nombre de bâtiments pénitentiaires construits au xixe siècle sont encore actuellement en activité : la question d’une éventuelle protection juridique ne se pose qu’au moment du déclassement.
  • [10]
    Bruno Foucart, Véronique Noël-Bouton, « Une prison cellulaire de plan circulaire au xixe siècle : la prison d’Autun », L’Information d’histoire de l’art, n° 1, janvier-février 1971, p. 11-24 ; Bruno Foucart, « Architecture carcérale et architectes fonctionnalistes en France du xixe siècle », Revue de l’art, n° 32, 1976, p. 37-56.
  • [11]
    Signalons le rapport interne intitulé L’Architecture pénitentiaire de l’Ancien Régime à nos jours, réalisé en 2001 pour le ministère de la Justice par Fabienne Doulat (dont la thèse est en cours de finalisation, et consacrée à l’architecte Guillaume Abel Blouet).
  • [12]
    Norman Bruce Johnston, The Human Cage : a Brief History of Prison Architecture, New York, Walter and Company, 1973, 68 p. ; Id., Forms of Constraint : a History of Prison Architecture, Urbana/Chicago, University of Illinois Press, 2000, 197 p.
  • [13]
    Ce projet a été développé suite aux reportages photographiques réalisés pour constater les dégâts occasionnés par les nombreuses émeutes survenues entre 1988 et 1991 dans les prisons anglaises, et dans un contexte de modernisation du parc pénitentiaire. Les cent trente édifices encore en activité en Angleterre et au pays de Galles, ainsi que cent prisons anciennes, ont été visités et photographiés à cette occasion.
  • [14]
    Allan Brodie, Jane Croom et James O. Davies, Behind Bars : the Hidden Architecture of England’s Prisons, Swindon, English Heritage, 1999, 97 p. ; Id., English Prisons : an Architectural History, Swindon, English Heritage, 2002, 297 p. Si l’on en juge par leur absence dans les catalogues des bibliothèques publiques françaises : pas d’occurrence à la BNF, un seul exemplaire du premier ouvrage à la bibliothèque de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine et un unique exemplaire du second à la bibliothèque universitaire de Tours (source : CCFR).
  • [15]
    Nathalie Heinich, op. cit., p. 64.
  • [16]
    « À Lyon. Prisons versus promoteurs », Vieilles maisons françaises, n° 228, juillet 2009, p. 21.
  • [17]
    Commentaire posté le 4 mars 2009 en réaction à l’article d’Annie-Laurence Ferrero, « Saint-Paul/Saint-Joseph : “Un moratoire, ça veut dire 5 ans à entretenir les locaux pour rien” », Lyoncapitale.fr [en ligne depuis le 26 février 2009, consulté le 8 mai 2010] <http://www.lyoncapitale.fr/lyoncapitale/journal/univers/Actualite/Prisons/Saint-Paul-Saint-Joseph-Un-moratoire-ca-veut-dire-5-ans-a-entretenir-les-locauxpour-rien>.
  • [18]
    Commentaire posté le 26 février 2009 en réaction au même article.
  • [19]
    Nathalie Heinich, op. cit., p. 76.
  • [20]
    Citons l’exemple de Mazas dont la destruction précoce (un peu moins de cinquante ans après sa construction) signe aussi l’échec du système pennsylvanien d’isolement de jour et de nuit.
  • [21]
    André Laugier, « Monuments détruits à raison de leur histoire et des souvenirs qui s’y rattachent. Opinion de Victor Hugo », Bulletin de la Société des amis des monuments parisiens, vol. 12, nos 39-40-41, 1901, p. 129-132.
  • [22]
    Ibid., p. 129.
  • [23]
    Tout-Paris, « Sainte-Pélagie », Le Gaulois, 12 octobre 1891.
  • [24]
    « Une fête foraine sur les ruines de Mazas », L’Éclair, 27 février 1899.
  • [25]
    PV Conseil des bâtiments civils, séance du 28 mai 1807 (AN, F21 2477).
  • [26]
    Jacques Hillairet, « Temple (rue du) », dans Dictionnaire historique des rues de Paris, vol. 2, Paris, Éditions de Minuit, 1963, p. 549.
  • [27]
    La question de la pression foncière, avec le lotissement de l’enclos du Temple en cours de finalisation à cette date, serait certes à interroger.
  • [28]
    Évoquons le cas d’Alphonse Humbert (1844-1922) dont nous reproduisons plus loin un témoignage. Internationaliste et blanquiste, il est emprisonné pour la première fois en 1866. Condamné après la Commune aux travaux forcés à perpétuité et déporté en Nouvelle-Calédonie, il est gracié en 1879 et aussitôt élu conseiller municipal de Paris. Il deviendra ensuite député, voir à ce sujet Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1895, p. 54-55.
  • [29]
    Ph. de Grandlieu, « À Sainte-Pélagie », Le Figaro, 15 janvier 1895. Précisons toutefois que se trouvent très certainement confondus ici véritables détenus pour délit d’opinion et hommes politiques véreux. « Mazas, dans ces derniers temps, était devenue “une prison bien parisienne”. Les rendez-vous de noble compagnie se donnaient volontiers, depuis Panama, dans ce charmant séjour », cité dans Gaston Mery, « Mazas », Libre Parole, 26 mai 1898.
  • [30]
    Charles-Marie Tresvaux du Fraval, Leurs Majestés les roi…telets de 1889, Saint-Brieuc, L. et R. Prud’homme, 1889, 34 p. ; l’idée de « distinction pénitentiaire » est ironiquement reprise dans la presse à l’occasion de la destruction de la prison politique de Sainte-Pélagie : « Ceux qui voudront mettre sur leur carte de visite “ancien détenu de Sainte-Pélagie” n’ont qu’à se hâter. On ferme » (BHVP, dossiers d’actualité, source inconnue).
  • [31]
    Ce dont Napoléon Ier avait justement peur avec la tour du Temple.
  • [32]
    « Dans les décombres de Mazas », Le Petit Journal, 3 août 1898.
  • [33]
    « Elle est menacée de mort, la vieille prison, contre laquelle ont si fort clabaudé ses anciens hôtes, les écrivains incarcérés sous l’Empire », Tout-Paris, loc. cit.
  • [34]
    Jules Lermina, « Pauvre Mazas ! », Le Radical, 11 octobre 1897.
  • [35]
    Pierre Joigneaux, Les Prisons de Paris, par un ancien détenu, Paris, 1841, p. 25.
  • [36]
    Gaston Bergeret, « Quinze jours à Sainte-Pélagie », Revue bleue, juillet 1892.
  • [37]
    C’est nous qui soulignons.
  • [38]
    Gaston Bergeret, loc. cit.
  • [39]
    « Évacuation de Sainte-Pélagie », Le Petit Journal, 1er août 1898.
  • [40]
    Alphonse Humbert, « Souvenirs de Mazas », L’Éclair, 29 mai 1898.
  • [41]
    « Le mur des otages à la Roquette », L’Illustration, n° 2928, 8 avril 1899, p. 213.
  • [42]
    À cet endroit furent fusillés cent quarante-sept combattants de la Commune le 28 mai 1871.
  • [43]
    Les « hagiographes » de Georges Darboy ne manquent jamais de rappeler que le prélat est « allé à la mort l’âme haute et en bénissant ses meurtriers », voir « La démolition de la Grande Roquette et de Sainte-Pélagie », Le Temps, octobre 1893 ; ceux de Louis-Bernard Bonjean, que la dernière lettre du magistrat invitait ses fils à ne pas chercher vengeance.
  • [44]
    À l’heure de la réconciliation nationale, la destruction du mur des Otages est interprétée comme une manière de faire oublier les exactions des communards : « Serait-ce trop demander que d’insister pour que ces souvenirs soient transportés dans un musée public ? On conserve bien, à la Conciergerie, le crucifix de Marie-Antoinette. Que toute pensée politique fasse trêve devant ces derniers restes (reliquiae) des victimes de nos discordes civiles. […] Devant la pioche de la destruction, nous demandons l’amnistie pour ces souvenirs, au nom de l’histoire de Paris », cité dans « La démolition de la Grande Roquette et de Sainte-Pélagie », loc. cit.
  • [45]
    Jean de Nivelle, « Le mur de la Roquette », Le Soleil, 6 avril 1899.
  • [46]
    « La conservation du mur des otages », L’Éclair, 13 avril 1899.
  • [47]
    La Commission municipale du Vieux Paris est fondée par arrêté préfectoral du 18 décembre 1897.
  • [48]
    Voir supra.
  • [49]
    Tout-Paris, loc. cit.
  • [50]
    Expression empruntée à Nathalie Heinich, op. cit., p. 46.
  • [51]
    Les visites, très courues, sont possibles sur présentation d’une carte délivrée par la préfecture de la Seine. Mazas est en outre ouverte à tous, en accès libre et gratuit, le 9 juillet 1898. Suite à des débordements, l’expérience n’est pas prolongée. Voir « Le scandale de Mazas », L’Éclair, 11 juillet 1898.
  • [52]
    « On n’attend pas de moi la description topographique de Mazas ; elle est partout. Nombre d’auteurs ont chiffré, à un centimètre près, la longueur des galeries, la superficie des préaux et l’épaisseur des murailles. », Alphonse Humbert, op. cit.
  • [53]
    « De toutes parts, on est venu prendre des vues documentaires de l’ignoble geôle appelée à disparaître », dans « Les clefs de Mazas. Le dépècement et la mise en vente de la vieille prison », L’Éclair, 1er août 1898. À ce sujet, voir notre précédent article : Caroline Soppelsa, « Photographie et sauvegarde du patrimoine. Les prisons de Paris, objets d’architecture et d’histoire », dans L’Impossible Photographie. Prisons parisiennes (1851-2010) [cat.], Paris, Paris-Musée, 2010, p. 156-163.
  • [54]
    Principalement des portes, des serrures, des pierres ou des bois gravés par les détenus… Ces vestiges sont aujourd’hui dans les collections du musée Carnavalet, du musée de la Préfecture de police ou bien encore du musée national des Prisons de Fontainebleau, mais également chez des particuliers, les matériaux de démolition ayant été vendus aux enchères.
  • [55]
    Celles occupées par les trois pères jésuites fusillés, rue Haxo, le 26 mai 1871, avec quarante-six autres otages de la Commune. Réalisé à partir de matériaux de démolition de la Grande Roquette, par la communauté jésuite venue s’installer au début du xxe siècle sur les lieux du massacre, cet aménagement était encore ouvert à la visite dans les années 1950. Seuls subsistent aujourd’hui « une porte et une grille adossées à un mur, visibles de la rue de Borrégo », voir Bref historique de l’église Notre-Dame-des-Otages.
  • [56]
    En témoignent les films récents consacrés au braqueur Jacques Mesrine (L’Instinct de mort et L’Ennemi public n° 1 de Jean-François Richet, 2008) ou au terroriste Carlos (mini-série télévisée et long-métrage d’Olivier Assayas en 2010).
  • [57]
    À l’occasion de la conférence de Jacky Tronel consacrée à « La prison militaire du Cherche-Midi : un trou noir de l’histoire » donnée à Paris, à la Fondation Maison des sciences de l’Homme, le 12 juin 2009, la parole était donnée au fils de la résistante Thérèse Lemoine, internée au Cherche-Midi en 1941.
  • [58]
    Voir la fiche Mérimée de cet édifice, qualifié d’abord de « témoin important des événements dramatiques du 19 au 23 février 1944 liés à la seule révolte armée en milieu carcéral ayant eu lieu au cours de l’occupation et à sa répression » et secondairement d’« ancienne abbaye bénédictine transformée à la Révolution en maison de force ou prison ».
  • [59]
    Depuis 2001, l’ancien résistant Georges Tassani, président de l’association, militait pour l’ouverture de la prison au public.
  • [60]
    La partie inscrite du site, gérée par le Centre d’histoire de la résistance et de la déportation, deviendra un musée, tandis que le reste des locaux est en cours de réaffectation à l’usage de l’université Lyon III (salles, locaux administratifs, logements d’étudiants).
  • [61]
    Saint-Joseph (1827-1831), due à l’architecte Louis-Pierre Baltard (1764-1846), adopte un plan en peigne (enfermement collectif avec séparation des détenus par catégorie), tandis que Saint-Paul (1860-1865), conçue à la génération suivante par Antonin Louvier (1818-1892) selon un plan radial à six branches, est conforme au modèle panoptique (enfermement individuel).
  • [62]
    Suite au dépôt par le ministère de la Justice d’un permis de démolir en février 2009, un groupe d’étudiants en histoire de l’art de l’université Lyon II crée le blog Sauvons les prisons de Perrache !, prend contact avec les associations locales de défense du patrimoine et lance une pétition contre la disparition des deux prisons. Face à la mobilisation, le préfet consent à lancer un appel à idées pour juger des possibilités de réhabilitation du site (printemps-été 2009). Après examen des dossiers, la conservation partielle des bâtiments est décidée en février 2010 et un appel à candidature a été lancé, dont les résultats devraient être connus le 15 décembre de cette même année.
  • [63]
    Notamment en tant que chefs-d’œuvre d’architecture fonctionnaliste.
  • [64]
    Philippe Artières, « La mémoire des ombres », dans L’Impossible Photographie, op. cit., p. 185.
  • [65]
    La prison est en effet le seul monument classé de Mont-de-Marsan.
  • [66]
    Voir par exemple Coulommiers qui a procédé récemment (1998-2003) à la reconversion exemplaire de son ancienne maison d’arrêt en bibliothèque municipale (arch. Pierre Gory et Béatrice Jullien).
  • [67]
    Citons par exemple la mobilisation de La Tribune de l’art : Didier Rykner, « Baltard à la casse (bis repetita) », La Tribune de l’art [en ligne depuis le 11 avril 2009, consulté le 8 mai 2010] <http://www.latribunedelart.com/baltard-a-la-casse-bis-repetita-article002018.html> ; Pierre Pinon, « La prison Saint-Joseph à Lyon de Louis-Pierre Baltard », La Tribune de l’art [en ligne depuis le 11 avril 2009, consulté le 8 mai 2010] <http://www.latribunedelart.com/la-prison-saint-joseph-a-lyon-de-louis-pierre-baltardarticle002017.html>.
  • [68]
    Quel avenir pour les prisons de Lyon Saint-Joseph et Saint Paul ?, Lyon, 25 juin 2009, colloque organisé par le CAUE du Rhône, ICOMOS France et la Commission française pour l’Unesco.
  • [69]
    Les membres de l’Association pour la sauvegarde du Panopticon de la Petite Roquette (APSPPR) étaient en très grande majorité des architectes, historiens de l’art ou philosophes (Guillaume Gillet, André Chastel, Bruno Foucart, Michel Vernes, Michel Foucault…). Le dossier de demande de classement déposé par l’association s’appuie essentiellement sur l’analyse architecturale de Pierre Saddy, « La prison de la Petite Roquette », AMC, n° 33, mars 1974, p. 86-87 (Médiathèque du Patrimoine, Archives, 0081/075-11/0024).

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