Notes
-
[1]
Voir par exemple, Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde, Paris, Gallimard, 1985, pp. 193-194.
-
[2]
Ainsi, à côté de publications remarquées dans Behavioral and Brain Sciences en 2000, ou dans Nature en 2005, des volumes de la revue Dreaming, où s?expriment des oppositions virulentes : un volume de 2004 est consacré au débat entre G. William Domhoff et Mark Solms (G. William Domhoff, « Why did empirical dream researchers reject Freud ? A Critique of historical claims », Dreaming, n° 14-1, 2004, pp. 3-17), repris par un autre volume de 2005 (G. William Domhoff, « Refocusing the neurocognitive approach to dreams : A critique of the J. Allan Hobson versus Solms Debate », Dreaming, n° 15-1, 2005, pp. 3-20.) avec une contribution de J. Allan Hobson dont le titre relate la tonalité générale des divergences : « In bed with Mark Solms ? What a nightmare ! A Reply to Domhoff 2004 », Dreaming, n° 15-1, 2005, pp. 21-29.
-
[3]
On trouvera une mine d?informations particulièrement précises et structurées dans la thèse de Sophie Schwartz, Matière à rêver : Exploration statistique et neuropsychologique des phénomènes oniriques au travers des textes et des images de rêves, Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne, 1999 [en ligne : http:// labnic. unige. ch/ nic/ papers/ SCHWARTZ_thesis. zip].
-
[4]
Ceux de l'École de Chicago avec William Dement entre autres, ou de l'école de Los Angeles avec Horace Magoun.
-
[5]
Soulignons, comme piste éventuelle de réflexion, que là où les Français « font » un rêve, les Anglo-américains en « ont » un ; les Grecs antiques en « voyaient » un.
-
[6]
L?EEG permet d?enregistrer à distance (ce qui est important) l'activité de groupes de nombreux neurones situés dans des régions peu profondes du cerveau. Il permet de détecter si ces régions sont actives ou non.
-
[7]
Il s?agit d?un enregistrement de l'activité des muscles de chacun des deux yeux, réalisé grâce à une électrode placée juste sur la peau au coin extérieur de l'?il.
-
[8]
Outre d?autres modifications physiologiques secondaires, comme l'accélération des rythmes cardiaque et respiratoire, par exemple. L?état de veille suppose un tonus musculaire, même faible, dans le cas où l'on est détendu.
-
[9]
Ce nombre de minutes est constant pour une espèce donnée ; il est chez l'homme de 90 minutes, de 9 à 10 minutes chez le rat.
-
[10]
Il s?agit du mésencéphale, du pont et du tronc cérébral, situés à l'arrière de la tête, là où l'encéphale va rejoindre la moelle épinière.
-
[11]
Car elles se repèrent par des « pointes » à l'enregistrement réalisé avec des électrodes implantées à demeure dans l'encéphale de l'animal.
-
[12]
À l'exception du comportement sexuel, sans que l'on sache pourquoi.
-
[13]
Michel Jouvet, « Paradoxical sleep : is it the guardian of psychological individualism ? », Canadian Journal of Psychology, n° 4-2, 1991, pp 148-168 ; repris dans Michel Jouvet, Le Sommeil et les rêves, Paris, Odile Jacob, 1992, p. 187, que nous citons.
-
[14]
Mais John S. Antrobus a récemment montré (John S. Antrobus, « How does the dreaming brain explin the dreaming mind ? », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 562-568) que les récits de rêves témoignent de cette « bizarrerie » même lorsque l'activité PGO est minimale. Qui plus est, plusieurs neurophysiologistes contestent aujourd?hui que les ondes PGO revêtent un caractère chaotique et produisent des activations aléatoires ; voir par exemple Brabara E. Jones, « The interpretation of physiology », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 8-11.
-
[15]
J. Allan Hobson, Edward F. Pace-Schott et Robert Stickgold, « Dreaming and the brain : toward a cognitive neuroscience of conscious states », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, p. 799.
-
[16]
Et directeur du Centre international de neuropsychanalyse de Londres et New York.
-
[17]
Mark Solms, « Reply to Domhoff (2004) : Dream research in the Court of public opinion », Dreaming, n° 15-1, 2005, p. 80.
-
[18]
Ibid., p. 77.
-
[19]
Voir Françoise Parot, « Les Thérapies comportementales, approches historiques et épistémologiques », in Jean-Noël Missa (dir.), Les Maladies mentales et leurs thérapies, Paris, PuF, 2007.
-
[20]
Ibid., p. 80.
-
[21]
Sur cette question déterminante, voir Mark Solms et Oscar Turnbull, The Brain and the inner world, New York, Other Press, 2002, 342 p. et les commentaires éclairants de G. William Domhoff, « Refocusing the neurocognitive approach to dreams? », art. cit.
-
[22]
Mark Solms, « Reply to Domhoff? », art. cit., p. 80.
-
[23]
Id.
-
[24]
John S. Antrobus, « REM and NREM sleep reports : Comparison of word frequencies by cognitive classes », Psychophysiology, n° 20, 1983, pp. 562-568.
-
[25]
David Foulkes et Marcella Schmidt, « Temporal sequence and unit composition in dream reports from different stages of sleep », Sleep, n° 6, 1983, pp. 265-280.
-
[26]
Rappelons qu?à côté du sommeil paradoxal, on distingue canoniquement quatre états de sommeil lent, les deux derniers (3 et 4) étant profonds et caractérisés par des ondes très lentes témoignant de la synchronisation des signaux cérébraux.
-
[27]
Sur cette « pénétrabilité cognitive », voir Zenon, W. Pylyshyn, « Computing in cognitive science », in Michael I. Posner (dir.), Foundations of cognitive science, Cambridge, MIT Press, 1989, XIV-888 p.
-
[28]
Notons qu?on ne sait pas si l'activité de « rêve », ou même le vécu onirique, disparaissent ; on ne dispose plus de récits en tout cas.
-
[29]
Qui est connectée, comme les structures limbiques, aux cellules du tegmentum, donc au circuit dopaminergique de la récompense.
-
[30]
Martin H. Feldman, « Physiological observations in a chronic case of ?locked-in? syndrome », Neurology, n° 21, 1971, p. 459.
-
[31]
Mark Solms, « Dreaming and REM sleep are controlled by different brain mechanisms », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 843-851. Solms explicite son argumentation dans le paragraphe intitulé « Dreaming is preserved with pontine brainstem lesions », p. 845.
-
[32]
J. Allan Hobson et alii, « The ghost of Sigmund Freud haunts Mark Solms?s dream theory », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 951-952.
-
[33]
Pierre-Henri Castel, Introduction à L?Interprétation des rêves de Freud, Paris, PuF, 1998, p. 305.
-
[34]
Comme le rappelle Castel, Sigmund Freud écrit : « lors de certains processus psychiques, l'excitation parcourt les systèmes psychiques, selon un ordre déterminé », ibid., p. 456.
-
[35]
Voir par exemple les articles de Jim Horne, « Variation sur la fonction du sommeil », La Recherche, Hors série, n° 3, 2000, pp. 8-11 ; ou de Irène Tobler, « Le sommeil a-t-il besoin du système nerveux central ? », La Recherche, Hors série, n° 3, 2000, pp. 12-13.
-
[36]
À la suite en particulier des travaux de Robert Cummins, « Functional analysis », Journal of Philosophy, n° 72, 1975, pp. 741-765 ; ou de Larry Wright, « Functions », Philosophical Review, n° 82, 1973, pp. 139-168.
-
[37]
On emploie de plus en plus fréquemment ce terme anglais pour désigner l'un des sens du mot français « adaptation », à savoir le résultat d?un processus (et non ce processus lui-même).
-
[38]
Pour une revue de ces études, voir par exemple, Robert P. Vertes et Kathleen E. Eastman, « The case against memory consolidation in REM sleep », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 867-876.
-
[39]
Voir par exemple Elizabeth Hennevin-Dubois, « Qui dort mémorise? », La Recherche, Hors série n° 3, 2000, pp. 18-24. ; Robert Stickgold, « Sleep-dependant memory consolidation », Nature, n° 437, 2005, pp. 1272-1278.
-
[40]
Michel Jouvet, « The function of dreaming : A neurophysiologist?s point of view », in Michael S. Gazzaniga et Colin Blakemore (dir.), Handbook of Psychobiology, New York, Academic Press, 1975, pp. 499-527.
-
[41]
Voir Jerome M. Siegel, « Functional implications of sleep development », PloS biology, n° 5, 2005, pp. 113-115. ; Jerome M. Siegel, « Clues to the functions of mammalian sleep », Nature, n° 437, 2005, pp. 1264-1271.
-
[42]
Frederick Snyder, « Toward an evolutionary theory of dreaming », American Journal of Psychiatry, n° 123, 1966, pp. 121-136.
-
[43]
Voir Sigmund Freud, L?Inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Payot, 1985 (1ère éd. 1919), 342 p.
-
[44]
Antti Revonsuo, Revonsuo, « The reintrepretation of dreams : an evolutionary hypothesis of the function of dreaming », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 877-903.
-
[45]
Ibid., p. 879.
-
[46]
Ibid., p. 882.
-
[47]
La référence toujours citée sur ces contenus de rêve est Calvin Springer Hall et Robert L. van de Castle, The Content Analysis of Dreams, New York, Appleton Century Crofts, 1996, 320 p., où les auteurs ont analysé plus de cinq cents récits de rêve et constaté que 80 % d?entre eux exprimaient des émotions négatives. Tout réside évidemment dans cette dernière qualification. Car Susan Malcom-Smith et Mark Solms (« Incidence of threat in dreams : a response to Revonsuo?s threat simulation theory », Dreaming, 2004, n° 14-4, pp. 220-229.) n?ont trouvé que 8,41 % de rêves de menace sur les quatre cent un récits de rêves de sujets ayant pourtant déjà vécu des événements menaçants.
-
[48]
Antti Revonsuo, « The reintrepretation of dreams », art. cit., p. 892. Il est urgent que quelques travaux approfondis reviennent sur le fond même de cette conception, tant ceux des anthropologues du xxe siècle semblent oubliés. Immanquablement, ce qui est présenté comme mode de vie de nos ancêtres est devenu, dans ce corpus, le reflet de ce que nous sommes, nous Occidentaux, mais en plus simple ; comme les enfants étaient, il y a quelques siècles, considérés comme des adultes « en miniature », les chasseurs-cueilleurs qu?on nous donne à voir ont une vie d?occidental, mais en plus simple. L?immense travail accompli sur « les autres hommes » pendant le dernier siècle est passé à la trappe par les anthropologues évolutionnistes ; un exemple, que dire de la fonction d?un module de détection des tricheurs dans une société où le don est obligatoire et sacré ?
-
[49]
Ibid., p. 893.
-
[50]
Sous leurs nouveaux atours qui les fait ressembler de manière frappante aux béhavioristes puisque, comme eux, ils considèrent que toute conduite même le rêve est un phénomène physique dont il faut chercher la cause, et peu importe que celle-ci se passe à l'intérieur de la peau : comme le soulignait si simplement Burrhus F. Skinner : « la peau n?est pas une frontière », (Burrhus F. Skinner, L?Analyse expérimentale du comportement, Bruxelles, Dessart, 1971, p. 300.)
-
[51]
On lira avec grand profit ce qu?en dit Pierre-Henri Castel, Introduction à L?interprétation du rêve de Freud, op. cit., p. 160. Je tiens à le remercier très particulièrement des discussions que nous avons eues sur cette réplique lacanienne et l'éclairage qu?elle apporte, entre autres, à la multiplicité des interprétations possibles d?un rêve.
1Depuis qu?a été disqualifiée, au cours du xixe siècle [1], la possibilité d?apparition d?êtres relevant de la surnature, envoyés par elle pour délivrer un message, en particulier pendant le sommeil, le rêve est devenu une activité hallucinatoire, produite par l'intérieur du corps même et donc marquée de sa matérialité. Pourtant, si nous l'avons désenchanté, nous n?avons pas encore totalement renoncé à son caractère significatif : dans un langage considéré souvent comme plus obscur que l'immédiate révélation de l'invisible, le rêve demeure, quoi qu?il puisse en être dit, porteur d?un sens qui nous concerne. Mais le message est codé, opaque à celui dont il vient.
2Cette opacité, à laquelle le xxe siècle occidental s?est heurté, sur laquelle il a tenté de projeter des lumières, y compris freudiennes, continue de constituer un défi : le rêve concentre les motifs de l'inconfort de la psychologie, tenue de rendre raison des manifestations de l'appareil psychique de ceux qui viennent à elle, contrainte par ailleurs de ne pas se détourner d?une matérialité des corps qu?il lui faut étudier objectivement. À côté de la rationalité de la psychanalyse, la vaste entreprise de naturalisation du monde humain par les neurosciences a d?abord proposé une conception solide et étayée de l'état de sommeil si particulier où l'on produit des images oniriques ; elle affronte aujourd?hui, avec des outils intellectuels et techniques puissants, un autre sujet, le rêve lui-même, c?est-à-dire les scénarios vécus pendant le sommeil, leur production, leur construction, leur mémorisation et leur transformation en récits.
3Ce tournant décisif, que nous allons interroger du point de vue des neurosciences mais avec un regard critique, repose sur l'espoir d?une élucidation de la causalité psychique elle-même, sur la conviction qu?on peut en rendre compte par des processus naturels, et surtout l'objectiver. Ce déplacement tactique de l'objet des investigations neurophysiologiques se traduit par un regain de débats, sur des questions qui ne sont pas toutes nouvelles, et par un accroissement considérable de la littérature consacrée au rêve lui-même dans des revues prestigieuses spécialisées ou non, y compris dans celles qui étaient très majoritairement consacrées à l'anthropologie ou à la psychologie du rêve [2]. Comme nous allons le voir, la nouvelle donne est fondée sur les avancées considérables des études neurophysiologiques, grâce à l'imagerie cérébrale entre autres, et sur la constitution d?une discipline hybride, la neuropsychanalyse qui entend valider les thèses freudiennes grâce aux progrès des sciences du cerveau. Nouveautés auxquelles il convient d?ajouter, dans les toutes dernières années, une perspective évolutionniste en charge de l'élucidation des causes lointaines des phénomènes psychologiques ; cette nouvelle venue a également investi l'étude des états de vigilance et du rêve en proposant elle aussi des réponses à une question qui n?a cessé d?être soulevée : quelle est la fonction du sommeil où l'on rêve ?
Le rêve comme activité du corps : le consensus des pionniers
4Les travaux de Michel Jouvet en France, ceux de Allan J. Hobson dans les pays anglophones ont concouru à construire et à diffuser une conception de l'activité onirique qui est restée stable jusqu?au cours des années Quatre-vingt [3]. Sur la base de travaux antérieurs [4], on a considéré jusque-là que, les récits de rêves étant plus fréquents et plus clairs au cours ou à l'issue d?un état de sommeil qualifié de paradoxal (ou dans le domaine anglophone à REM ? Rapid Eye Mouvment). C?est pendant ce type de sommeil que se déroule la génération des images qui constituent le matériau du rêve. Cette conviction ne sera pas, pendant plusieurs années, vraiment remise en cause ; elle s?appuie pourtant sur un postulat selon lequel on se rappelle mieux ce qu?on est en train de « faire » ou ce qu?on vient de « faire » [5], alors qu?on pourrait envisager qu?on se rappelle mieux ce qu?on a eu le temps d?élaborer, de traiter, d?engrammer c?est-à-dire inscrire en mémoire.
5L?état paradoxal est caractérisé, lors de cette période, par un électroencéphalogramme [6] (EEG) et un électrooculogramme [7] comparables à ceux de l'éveil (activité du cortex et Mouvements oculaires rapides, ou MOR) et par une abolition du tonus musculaire, incompatible avec la veille [8] et donc paradoxale, puisque accompagnée d?une activation corticale. La découverte, chez le chat (puis chez d?autres animaux de laboratoire), d?un état physiologiquement comparable a détourné les recherches neurophysiologiques des récits de rêves (évidemment inexistants chez l'animal) pendant plusieurs années ; on a considéré donc que le chat, le rat et quelques autres mammifères « rêvent » puisqu?ils ont un état de sommeil paradoxal. Mais, par ailleurs, cette découverte a ouvert un champ considérable à des expérimentations impossibles chez l'homme, qui ont permis rapidement de décrire les processus neurologiques de déclenchement et de déroulement de la phase paradoxale chez l'animal : quelques minutes après son endormissement [9], l'organisme entre en sommeil paradoxal lorsque certains noyaux de neurones situés dans les structures basses de son système nerveux central [10], dans la formation réticulée, cessent de produire un neurotransmetteur :
- en stoppant sa production de sérotonine, le noyau du raphé permet à un système activateur du pont (P) de produire de l'acétylcholine (ou ACTH) activatrice, qui se diffuse aux motoneurones oculaires (responsables des MOR), aux corps genouillés latéraux (G) et au cortex occipital (O), impliqués dans le traitement des signaux visuels. Dans ces trois structures, l'acétylcholine est diffusée par bouffées, appelées pointes [11] PGO. Le système activateur est déclenché pendant la veille lorsque la formation réticulée pontique répand des influx nerveux ascendants en provenance des organes sensoriels ou des organes internes ; il est, lors du sommeil paradoxal, mis en route par une source strictement endogène et responsable de la diffusion d?ACTH dans d?autres régions du cortex, entre autres motrices, censées animer la musculature en fonction des instructions corticales. Puisque cette activation n?aboutit pas à des comportements, c?est qu?un autre noyau de neurones joue le rôle de « frein moteur », inhibe la transmission des informations motrices :
- le locus c?ruleus cesse de produire de la noradrénaline ce qui permet à un noyau situé lui aussi dans la formation réticulée pontique, le locus c?ruleus alpha, de produire de la glycine qui inhibe la transmission des influx pré et post-synaptiques des moto-neurones de la moelle épinière aux muscles.
6Jouvet réalise à la fin des années Soixante-dix des expériences exemplaires en détruisant électriquement et bilatéralement le locus c?ruleus alpha de chats et observe qu?après une période de récupération, le chat qui entre en SP exécute dans sa cage tous les comportements typiques de son espèce [12], tout en dormant. Cette découverte implique que le cortex moteur du chat traduit en séquences systématiques de postures programmées héréditairement les informations activatrices qui lui parviennent. Jouvet fait alors l'hypothèse que le SP permet au système nerveux de l'animal de « réviser », de revoir tous les comportements qui lui sont nécessaires ; et il ajoute que le ?comportement onirique? du chat révèle que chaque animal possède son propre répertoire puisqu?un chat donné peut consacrer, chaque fois, 60 % de ce comportement à des postures d?agression alors qu?un autre ne leur consacrera que 10 % de son comportement onirique : « L?organisation de ces programmes, écrit Jouvet en 1991, est caractéristique de chaque animal [13] ». Selon lui, cette organisation serait sous contrôle génétique puisque, dans un groupe de souris de la même souche, tous les animaux ont la même organisation du SP.
7Hobson, pour tenter de rendre compte des particularités du rêve humain, insiste sur le caractère aléatoire de la diffusion de l'activation corticale (c?est la phase de sa théorie dite « activation-synthèse ») : le cortex devrait selon lui tenter, avec des signaux dont la structure n?est pas déterminée ou ordonnée, de construire une synthèse, un scénario, sur la base des seules informations dont il dispose, imparfaites et incomplètes, puisque les neurones de modulation, qui codent entre autres des informations sur la position spatio-temporelle de l'organisme, sont inactifs. Il en résulterait la bizarrerie si typique des rêves, exercices cognitifs approximatifs. Ainsi le contenu onirique ne serait-il déterminé ni par un quelconque contenu latent, ni par un facteur « psychique », mais le seul produit d?un « allumage » aléatoire des réseaux de neurones au moment des bouffées de PGO [14]. Comme il l'affirme lui-même, Hobson a l'ambition de retirer à la psychanalyse freudienne la juridiction qu?elle exerce sur la question du déterminisme des rêves. Pour cela, il lui faut non seulement rendre compte de la phase d?activation du cortex mais aussi de la phase de synthèse des informations fictives qu?il reçoit et des facteurs qui sont responsables du caractère involontaire du contenu, des changements soudains ou des interruptions des images, de la tonalité émotionnelle des rêves également. Cette synthèse cognitive, on le comprend, ne peut être approchée par des études sur l'animal.
8Dans le courant des années Quatre-vingt, l'ère des pionniers prend fin : le développement de la psychologie cognitive invite des chercheurs de plus en plus nombreux à relever le défi que constitue cette activité universelle, à laquelle chacun attache un prix malgré ce qui se présente comme cognitivement anormal. Comment et pourquoi un cerveau humain, habitué à rationaliser le monde, considéré et modélisé comme un instrument de computation, peut-il s?abandonner chaque nuit toutes les quatre-vingt-dix minutes à un emballement qui semble selon Hobson ne produire rien de sensé et qui, pourtant, charme ou préoccupe, laisse quelquefois un goût de nuit, une sorte de nostalgie s?infiltrer au milieu des petits calculs du jour. On comprend, devant l'ampleur de ces questions, que « les conclusions affermies de l'ère des pionniers (1955-1975) se soient apparemment dissoutes pour laisser place à des controverses grandissantes [15]. »
Remaniements et débats
9Un professeur de neuropsychologie à l'université du Cap [16], Mark Solms, se présente comme le champion d?une nouvelle discipline, censée remaniée totalement les connaissances sur le rêve, une psychanalyse refondée par les lumières des neurosciences : la neuropsychanalyse ; et comme pour l'auteur de la Traumdeutung, le rêve est bien entendu pour lui la pierre de touche de l'entreprise. Il entend traduire la théorie freudienne du rêve dans la langue de l'objectivité scientifique, ce qui, pour le lecteur européen peut s?accompagner de quelques platitudes : « Les visions nocturnes sont des aperçus de nos désirs inconscients », ou encore « Le circuit de la récompense serait le générateur primaire du rêve » [17]. Les énoncés de ce type émaillent les textes de Solms et révèlent l'essence même de son projet, qui ne se réduit pas à une volonté d?objectiver, de naturaliser les concepts de la psychanalyse, mais qui entend dominer un champ à peu de frais conceptuels, par le moyen d?une simplification qui nuit en dernière instance à l'entreprise tout en bénéficiant de l'écoute que continuent de susciter les débats sur la psychanalyse. C?est tout l'édifice de la neuropsychanalyse, fondamental dans la reviviscence des débats sur le rêve, qui révèle sa fragilité. Ainsi, pour son fondateur, l'objectif de cette « psychothérapie » est-il, comme pour les autres, « de plonger aux racines inconscientes des symptômes névrotiques, afin de les soumettre à un jugement rationnel, et de les priver ainsi de leur pouvoir compulsif » [18]. Le langage de la coercition, allié à l'aveuglement sur la fonction d?un symptôme et la nature de la souffrance qui le détermine, ne peut qu?évoquer celui des thérapies cognitives et comportementales [19], qui elles aussi affichent l'ambition ?cuménique de rendre tout simplement objectifs ces mécanismes et processus sur lesquels Freud nous aurait embrouillés alors que tout peut être si simple.
10Si l'ambition conceptuelle ? celle d?exhiber la rationalité de la psychanalyse ? est garante de sa survie, c?est ici au prix d?un renoncement fondamental, tellement évident dans les textes de Solms : la sexualité n?y paraît que sous l'évocation bien vague et générale des « plaisirs charnels » [20] et la libido n?est que recherche de récompense. L?inconscient lui-même est la simple somme des pensées, souvenirs, processus non conscients. Quant à la censure, fondamentale dans la théorie freudienne du rêve (dans la transformation d?un contenu latent en contenu manifeste), Solms doute de son existence ? et donc de la justesse de la théorie psychanalytique ? sur la base d?arguments neurophysiologiques : le cortex préfrontal dorsolatéral est inactif pendant la phase de synthèse alors que c?est lui qui est déclaré décisif pour les fonctions exécutives de la veille [21].
11Solms entend faire irruption dans ce champ, y affirmer ses prérogatives, en créant une controverse avec celui qui semble le dominer, à savoir Hobson. La question en jeu, et qui est présentée comme décisive, est la suivante : y a-t-il un seul mécanisme de génération des rêves, celui du SP, ou y en a-t-il deux, un pour le SP, un autre pour le SL, comme le soutient Solms ? Ce dernier s?inscrit en faux contre la théorie de Hobson suivant laquelle le rêve ne peut être régulé que par l'ACTH produite, pendant le SP, par des structures nerveuses « sans esprit » [22], celles du tronc cérébral ? c?est-à-dire par des structures et des neuromédiateurs qui ne participent ni à la vie émotionnelle, ni aux motivations dont Solms fait au contraire des concepts centraux de la neuropsychanalyse. Il doit exister, affirme Solms, deux mécanismes distincts, l'un qui produit de l'activation neurale, l'autre qui engendre les rêves eux-mêmes, et celui qui fabrique les rêves relève nécessairement de structures centrées autour du circuit de l'instinct, celui de ces pulsions primitives et animales dans lesquelles Solms résume le « ça » freudien : « Au niveau profond, l'anatomie fonctionnelle et la chimie de nos cerveaux correspondent à celles de l'animal de basse-cour? » [23]. En comportementaliste qu?il est de fait, Solms affirme que l'homme instinctif est avant tout commandé par la recherche de récompenses et donc réglé par la dopamine et cette recherche de satisfaction, assure-t-il correspond à la libido freudienne.
12Au cours des années Quatre-vingt, des articles avaient mis en doute que les rêves ne soient produits que pendant la période de SP et lui soient ainsi intrinsèquement liés : Antrobus [24] et Foulkes et Schmidt [25] obtiennent des récits de rêves pendant le sommeil lent [26] (ou SL), même s?ils relèvent des différences quantitatives et qualitatives qui distinguent ces rêves-là de ceux qui surviennent en SP (le vécu onirique en SL s?apparente plus à des pensées et à des réflexions et les récits sont moins longs, moins animés sur les plans perceptif, moteur, émotionnel). De telles comparaisons ne peuvent se fonder que sur les récits des dormeurs à leur réveil. Mais cette méthode, qui témoigne du retour aux sujets humains, ne manque pas de soulever des problèmes méthodologiques inhérents à l'analyse des discours que constituent leurs récits : leur longueur est-elle corrélée à la richesse du contenu ? Qu?est-ce qu?un récit plus clair qu?un autre ? D?ailleurs le récit n?est pas l'expérience, et la réduction de celle-ci à celui-là implique entre autre une intrusion de la conscience vigile du réveil dans le souvenir du rêve. Or, cette conscience et les récits qu?elle produit sont poreux, « contaminés » par bien d?autres facteurs que le vécu onirique mémorisé [27].
13Dans le cadre de la nouvelle controverse, Solms propose la « théorie de la projection inverse » : le rêve résulte d?un enchaînement d?événements neurocognitifs, différents de ceux qui sont à l'?uvre à l'état de veille en ceci que la circulation des informations y est inversée. La stimulation (ou « activation » dans le langage d?Hobson) est traitée par des régions frontales de manière à ne pas être convertie en activité motrice (ce qu?ont montré les pionniers) ; d?autres mécanismes (perceptifs, associatifs, mnésiques) transforment cette stimulation en symboles puis en hallucinations. À l'appui de cette théorie, Solms utilise l'argument selon lequel des lésions du cortex font disparaître les rêves ; mais cet argument ne contredit en rien la thèse de Hobson selon laquelle c?est dans le cortex que s?effectue la phase de synthèse, de « fabrication » de scénarios. Solms présente pourtant cette observation comme novatrice et, de manière polémique, comme contredisant Hobson. On ne voit pas d?ailleurs qui pourrait soutenir la thèse inverse : c?est le cortex qui traite et transforme en symboles et en significations l'ensemble des signaux qu?il reçoit et à quelque moment que ce soit. Cependant, le neuropsychanalyste apporte des précisions, sur ce qui, chez Hobson restait vague, à savoir les structures qui opèrent la synthèse. Les récits de rêve [28] (résultats de la synthèse) disparaissent en effet en cas de lésions de la jonction pariéto-temporo-occipitale et disparaissent aussi chez les patients ayant subi une lésion de la partie ventro-médiane du lobe frontal [29]. C?est ce circuit « avec esprit » qui, pour Solms est le véritable générateur du rêve, c?est-à-dire de ce que Hobson appelle la synthèse. On ne peut que souscrire à cette évidence : sans ces régions, difficiles de faire des récits, de rêve ou de toute autre chose.
14Comment ne pas voir que Solms ne fait qu?énoncer les progrès réalisés depuis qu?Hobson a formulé sa théorie activation-synthèse, progrès de l'imagerie fonctionnelle surtout, et augmentation des observations sur les effets des lésions. En revanche, à aucun moment Solms ne réfute la thèse qu?il reproche à Hobson, à savoir que les circuits neuronaux qui reçoivent de l'ACTH sont activés selon une distribution dont on ne connaît pas le déterminisme et qui change à chaque épisode d?activation. Qu?on n?obtienne pas de récits quand le cortex est lésé semble, nous l'avons vu, une évidence ; qu?on n?en obtienne pas quand le pont (générateur du SP) est lésé est probable puisqu?il n?y a pas alors de diffusion d?une activation. Si l'on réserve le terme « rêve » au récit qu?on en fait (ce qui est sage), alors le pont ne génère pas le rêve, mais le SP ; mais sans SP, dispose-t-on de (récits de) rêves tout aussi élaborés, riches, longs, etc. ? La question est décisive puisque si le rêve se produisait quand le tronc est inactif, Solms serait fondé à contredire Hobson.
15L?argumentation de Solms sur ce point est essentielle, puisque fondant la controverse, elle mérite donc qu?on s?y arrête. Il souligne que des destructions du pont dans le tronc cérébral chez les chats éliminent le SP (ce qu?ont montré les pionniers) et que ceci a été retrouvé sur vingt-six cas humains de lésions accidentelles. Il poursuit la démonstration de sa thèse centrale :
Cependant, l'élimination du SP (ou sa quasi-élimination) par des lésions du tronc cérébral s?est accompagnée de la cessation du rêve dans l'un seulement de ces cas [30]. Dans les vingt-cinq autres cas, les chercheurs n?ont pas pu établir cette corrélation ou ne s?y sont pas intéressés [il donne ensuite la liste des auteurs en question]. Bien que la cessation du rêve n?ait pas été démontrée dans ces cas de disparition du SP due aux lésions du tronc, le contraire est tout aussi vrai : la préservation du rêve dans de tels cas n?a pas été clairement démontrée.
17et de poursuivre :
La pauvreté des observations de cette question résulte en grande partie de ce que des lésions du tronc qui entraînent la disparition du SP rendent le patient inconscient. [31]
19Il en ressort immanquablement l'impression que, sur ce point décisif pour la polémique, on ne sait rien. La controverse, avec toute l'entreprise qu?elle fonde, s?écroule d?un coup. Ce qui n?échappe pas à Hobson, qui oppose à Solms le fait qu?un demi-siècle de recherches incontestées a montré que le déterminant décisif de l'état du cortex pendant le SP est constitué par l'ensemble des systèmes du tronc cérébral qui envoient des influx ascendants [32].
20Tout au plus peut-on concéder à Solms qu?il intègre aux savoirs déjà acquis le rôle des systèmes de l'émotion. Qu?il n?y ait de vécu onirique que lorsque les circuits de l'émotion, les circuits limbiques, l'amygdale, sont touchés, est une thèse probable. Mais est-ce l'essentiel ? L?ambition de la neuropsychanalyse est-elle atteinte ou même approchée par ces progrès ? Rappelons par exemple que la thèse freudienne supposerait que des zones où sont engrammés des souvenirs refoulés soient activées préférentiellement pendant le rêve, même si le sont également des zones où sont emmagasinées les expériences diurnes et des connaissances générales. Freud ne peut voir dans le rêve une voie royale d?accès à l'inconscient que si cette voie entretient avec ce dernier des liens qui ne doivent rien au hasard. De plus, rien chez Solms qui approche la conviction freudienne que le rêve se construit aussi au cours du récit qu?on en fait et qu?il n?a de sens que si on l'interprète. En fait, cette neuropsychanalyse n?a plus grand-chose en commun avec la psychanalyse ; elle ne consiste qu?à tenter de traduire en termes neurologiques certains des concepts de la psychanalyse en leur faisant subir une dénaturation qui les déleste de leur véritable contenu conceptuel.
21Hobson comme Solms, en adhérant à un naturalisme intégral et non critique, ne répondent pas à la question de ces liens complexes par lesquels l'imaginaire onirique produit un récit chaotique certes mais d?où l'on peut extraire des traces mnésiques qui, selon Freud, entretiennent avec l'ombilic du rêve, le noyau de souvenirs refoulés, une relation constante. La signification, celle des rêves à laquelle nous « croyons », implique des règles de production et de réception du message, des régularités, un sens, c?est-à-dire une orientation. Pour Freud l'influx psychique, comme le rappelle Pierre-Henri Castel [33], a une direction, au sens où il emprunte des voies déjà tracées, des frayages antérieurs qui incluent des détours tenant entre autres aux impressions archaïques de l'enfance et à leur pouvoir d?attraction [34].
Les fonctions du sommeil paradoxal
22À côté de ces querelles factices entre nouveaux spécialistes sur les structures nerveuses et sur leur responsabilité dans le déclenchement du stade paradoxal, comme du contenu des rêves, s?est développée, en continuité avec les interrogations des pionniers, une recherche sur les fonctions de ce stade de sommeil d?abord, du scénario onirique ensuite. Sur chacun de ces points, force est aujourd?hui de constater ? ce qu?admettent la très grande majorité des spécialistes [35] ? qu?aucune certitude n?est acquise.
23Depuis les travaux des philosophes fonctionnalistes largement inspirés par la biologie évolutionniste [36], la question des fonctions se pose le plus souvent sous une forme qui implique une réponse en termes d?évolution biologique : « quelle est la fonction du comportement X ? » revient à se demander « quels sont les facteurs évolutifs qui ont déterminé l'apparition, à l'échelle évolutive, et le maintien du comportement X ? » Les mêmes travaux philosophiques fonctionnalistes ont convaincu que s?interroger sur les fonctions d?un comportement ou d?un organe ne peut se résumer à s?interroger sur ses effets : ainsi, si les battements cardiaques ont entre autres comme effet qu?on peut les entendre à l'auscultation, ce n?est pas la fonction de ces battements que d?être entendus ; si le sommeil paradoxal a pour effet que les vibrisses du chat soient agitées, ce n?est pas la fonction pour laquelle le chat a du SP. La fonction est ici l'effet en raison duquel le comportement a été sélectionné, sur la base de sa capacité à accroître l'adaptation (ou la fitness [37]) de l'organisme ; qu?il reste latent à titre de disposition, ou qu?il s?exprime régulièrement dans le répertoire de l'organisme, ne change pas le caractère adaptatif de l'effet sélectionné. Parallèlement, il faut se garder de confondre la satisfaction d?un besoin par un comportement avec la fonction de ce comportement, distinguer la satiation des bénéfices de la consommation de nourriture.
24Pourquoi observe-t-on, chez les mammifères et les oiseaux en tout cas, un état de sommeil paradoxal ? Pourquoi ne l'observe-t-on pas chez les autres espèces ? Cette question a reçu de très nombreuses réponses. Beaucoup d?entre elles ont mis en exergue un lien entre le sommeil paradoxal et la mémorisation, en particulier le fait que le sommeil paradoxal constitue une activité nocturne d?engrammation des apprentissages effectués pendant la journée et se produit donc d?abord chez les espèces susceptibles d?apprentissages. Cette hypothèse a surtout été testée entre 1960 et 1980 par ceux qui travaillaient sur le sommeil en général des animaux de laboratoire [38] : l'une des méthodes consistait à faire par exemple apprendre le parcours d?un labyrinthe à un rat pour constater qu?après cet apprentissage le sommeil paradoxal était plus intense ; on en déduisait que ce phénomène résultait d?une consolidation des acquis.
25L?autre méthode consistait à priver l'organisme de sommeil paradoxal avant ou après un apprentissage pour évaluer les effets de cette privation sur les performances. La privation de SP chez l'animal s?effectue en le plaçant sur un plot au milieu d?un bassin d?eau de telle façon que, dès que son tonus musculaire se détend quand il entre en SP, il tombe à l'eau et est évidemment réveillé. Alors que les résultats des privations après comme avant l'apprentissage constituaient des motifs de désaccord d?un auteur à l'autre, des critiques furent opposées à cette méthode qui ne pouvait manquer d?entraîner, outre une disparition du SP, d?autres phénomènes comme le stress, la fatigue, la déperdition de chaleur, tous susceptibles de faire perdre des capacités au réveil. C?était plus la capacité à utiliser des acquis que leur mémorisation elle-même qui semblait atteinte par ces privations. Les privations de sommeil paradoxal chez l'être humain ont mené à la même conclusion.
26Cependant, le lien entre mémoire, souvenirs et rêve demeure interrogé [39]. On peut avancer qu?un cortex en état de travail, pendant la veille ou le SP, mais aussi à certains moments de SL, ne traite que ce qu?il a « en tête » : ce qui est déjà engrammé dans les neurones du cortex. Autrement dit, comment se pourrait-il que les rêves ne concernent pas des souvenirs, ne réactivent pas ces souvenirs, puisque nous sommes ces souvenirs, notre cortex en est le magasin. Quand on rêve, on ne peut pas tomber hors du magasin, hors du monde ; et ce ne peut être la fonction du rêve de réactiver ou d?engrammer ; c?est celle du cortex qui fabrique entre autres les rêves. Que les structures sous corticales comme l'hippocampe, qui intervient de façon déterminante dans le traitement des souvenirs, ou comme l'amygdale, qui traite les émotions, soient impliqués dans la synthèse onirique, invite cependant à persister dans l'approfondissement de ces liens entre souvenirs et rêves.
27Les observations de Jouvet l'avaient mené à proposer [40] une autre réponse à la question des fonctions du SP, à savoir qu?il sert à reprogrammer les comportements héréditaires chez les espèces homéothermes, alors que les autres n?en auraient pas besoin ; Jouvet fondait cette conviction sur une hypothèse qui se révéla ultérieurement fausse, à savoir que contrairement à ce qui se passe chez les poïkilothermes, la neurogenèse s?arrêterait à la fin de la maturation de l'organisme chez les homéothermes, ce qui « nécessiterait » l'apparition d?un nouveau mécanisme de reprogrammation itérative des comportements spécifiques (or, on sait aujourd?hui que la neurogenèse est permanente au moins dans certaines régions de l'encéphale au-delà de la maturation). Il reste vrai cependant que sommeil paradoxal et régulation thermique demeurent corrélés dans l'échelle évolutive. Mais les données comparatives sont ici encore contradictoires et par ailleurs difficiles à obtenir : seules 4 % des espèces vivantes ont été étudiées tant il est difficile de procéder à des enregistrements et des mesures sur un bon nombre d?espèces.
28Cependant, le lien entre la présence de sommeil paradoxal et la régulation de la température corporelle a été confirmé par d?autres observations. Jouvet et son équipe ont montré en 1988, par exemple, que le refroidissement artificiel du tronc cérébral isolé produit un accroissement d?activité de type SP dans ces régions, ce qui suggère que chez l'animal intact, les mécanismes de déclenchement du SP sont facilités lors de la baisse de température. De fait, les périodes de sommeil paradoxal sont toujours plus longues dans la seconde partie de la nuit, quand la température corporelle est plus basse. Par ailleurs, on admet aujourd?hui que la quantité de SP est fortement corrélée à la maturité de l'organisme à sa naissance : les animaux qui naissent immatures ont plus de SP que les autres, et ceci même après la période qui suit la naissance [41] ; or, chez les espèces où les petits naissent immatures, il n?y a pas de thermorégulation à la naissance.
29Ces observations ont mené à formuler aussi l'hypothèse que le SP intervient de façon décisive dans le développement du cerveau (puisque là où le cerveau n?est pas encore mature, il existe beaucoup de SP). On pense que ce sont surtout les structures de traitement des messages visuels, structures impliquées dans le SP, qui ont ici un rôle fondamental : elles simuleraient un message visuel pour préserver le système perceptif de la dégénérescence qui se produirait en absence de stimulations. Le SP servirait à établir et à maintenir des connexions cérébrales pendant les périodes cruciales de développement.
30Mais à quoi sert-il à l'âge adulte ? Snyder [42] a fait, à la fin des années Soixante, l'hypothèse qu?il maintient le système nerveux dans l'état d?alerte nécessaire pour le réveil. De fait, le temps de SP s?allonge lorsqu?on s?approche du moment du réveil. Cette fonction d?alerte du SP est devenue centrale dans une nouvelle discipline, la psychologie évolutionniste ; bien entendu inspirée par le darwinisme, elle a sur la question des fonctions du rêve et du SP des réponses formatées par ce contexte théorique, importées là où l'on ne les attend pas toujours, censées révéler les causes « les plus lointaines » des phénomènes humains, déclenchant aussi un sentiment d?« inquiétante étrangeté ». Ce sentiment, évoqué par Sigmund Freud [43], vient certes de ce qui paraît d?abord d?une insondable pauvreté conceptuelle, mais aussi, de ce sur quoi Freud fondait ce sentiment à savoir le lien avec la pulsion de mort : quelque chose a quoi nous tenons, de l'ordre du sens de notre vie, et de celui de nos rêves, de l'ordre de notre irréductible humanité semble sourdement « menacé » par les propos tenus par ces psychologues d?une nouvelle espèce. De quoi s?agit-il ? De montrer que certains (tous ?) comportements humains sont déterminés (aussi) par les pressions sélectives qui ont modelé le patrimoine génétique de notre espèce, aux temps où celle-ci évoluait, à savoir le Pléistocène.
31Un article récent concerne les rêves de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs (nouveaux héros de cette fable, qui n?ont pourtant laissé aucun récit de rêve), en reprenant l'argumentation qui fonde cette psychologie improbable : celui de Antti Revonsuo, l'inspirateur de la théorie, paru dans Behavioral and Brain Sciences en 2000 [44]. L?effet du rêve pour lequel il a été sélectionné, sa fonction, était, dans l'environnement de l'évolution adaptative, de simuler des événements effrayants pour mettre en éveil fonctionnel les aptitudes et les comportements d?évitement et, ainsi, contribuer à l'accroissement de la fitness inclusive. Revonsuo y insiste : la fonction du rêve est, comme toutes les fonctions naturelles (sélectionnées par l'environnement), d?ordre biologique ; mais le rêve à d?autres fonctions, psychologiques et culturelles, qu?on décide ici de qualifier d?« inventées » [45]. Nonobstant ces inventions humaines, la question devient donc : le vécu onirique résout-il un problème adaptatif ? Là où certains (Hobson par exemple) font du contenu du rêve un épiphénomène, les évolutionnistes voient au contraire un signe de ce que vivaient nos fameux ancêtres. Le contenu de leurs rêves, pas plus que celui des nôtres, n?était pas le fruit du hasard de la diffusion de l'ACTH : il leur faisait vivre et revivre les situations de menace dans lesquelles se déroulaient apparemment leur existence peu enviable. En installant dans les cerveaux pour le long terme cette peur généralisée, la sélection naturelle ? selon une formule de Revonsuo ? « ne se soucie pas de notre confort [46] ». Les rêves sont donc organisés. Ils simulent le monde perçu mais de manière sélective, car ils nous font toujours tomber sur des événements menaçants, sur la mort attendue. Des arguments viennent justifier cette sourde menace ancienne qui surgit dans notre sommeil : les rêves de nos enfants eux-mêmes n?y échappent pas, ils sont peuplés d?animaux terrifiants (mais ces fables qu?on leur lit n?y sont-elles pour rien ?) ; nous ne rêvons jamais d?activités apparues tardivement dans notre évolution comme écrire, calculer, lire (ce qui est en réalité faux, mais asséné avec une tranquillité qui peut faire illusion ; nous rêvons tous d?ascenseurs fous et de trains inaccessibles) ; nous rêvons par contre de ce qui ne nous menace plus mais menaçait les grands-pères de nos grands-pères, des serpents, des rats, des araignées? [47].
32L?argument d?un lien entre angoisse et rêve est évidemment de poids : les freudiens y retrouveraient la trace d?un refoulé que la censure parvient plus ou moins bien à travailler ; le surgissement du désir, tant au moment du rêve lui-même qu?au moment de son récit, s?accompagne parfois d?angoisse. Les neurophysiologistes aussi, que les évolutionnistes ne manquent pas de citer, soulignent le rôle des structures de traitement des émotions pendant le SP, et en particulier de celles qui sont actives au moment de la peur ressentie ; ce que viennent confirmer les cauchemars post-traumatiques qui sont considérés par les psychologues évolutionnistes comme paradigmatiques de la formation du rêve. La vie de nos ancêtres n?était « pas drôle tous les jours », les traumatismes s?ajoutaient les uns aux autres et, chaque nuit, le sommeil paradoxal les rejouait et préparait aux suivants. Et en effet, les expériences de simulation ou de « réalité virtuelle » de menace dans lesquelles on plonge un sujet éveillé ont montré qu?elles augmentaient les aptitudes aux réponses d?évitement. Le rêve aurait cette fonction de préparation au pire.
33Tant qu?à émettre des hypothèses sur nos lointains ancêtres, ils ont eu l'idée surprenante d?aller les vérifier sur nos contemporains chasseurs-cueilleurs, dont la vie d?après eux ressemble à celle de ces ancêtres (their « lives have remained essentially traditional » [48]). On choisit par exemple les peuples réputés (par nous) violents et agressifs, comme les Yanomami d?Amazonie, et l'on relève qu?une part importante de leurs rêves ont une tonalité violente ; on ne dit rien des peuples les plus pacifiques, comme les San de l'ethnie Kung du désert du Kalahari. Que peut-on en conclure sinon cette évidence que quand on rêve on ne tombe pas hors de son monde, que la vie rêvée ressemble, comme celle des dieux, à la vie humaine de tous les jours ?
34Mais un pas manque, qu?on franchit vite : le rêve des mammifères (dont pourtant on ne sait strictement rien) témoignerait de cette dualité d?agression et de défense perpétuelle :
Il existe des preuves empiriques que, pour d?autres mammifères aussi, le cerveau qui rêve répète des aptitudes spécifiques à l'espèce, confirmant l'hypothèse actuelle que le système de production de rêves est avant tout un système de simulation de menace. [49]
36Rappelons que, comme Jouvet l'a montré sur ses chats sans « frein moteur », le pourcentage de SP consacré aux postures de menace varie d?un chat à l'autre et que certains chats passent très peu de temps de SP à ces postures.
37Par ailleurs, les lions sont de grands dormeurs en SP ; qui les menace ?
38Les arguments proposés, dans le domaine du rêve comme dans d?autres domaines de la psychologie, sont donc peu convaincants, les résultats sont forcés, tronqués.
39Devant l'entreprise, comment ne pas se demander jusqu?où les neurophysiologistes iront avant de trouver le noyau dur qui résistera à leurs assauts ? On a, d?un côté, une neurophysiologie qui affiche régulièrement des avancées réelles, mais semble ne faire que reculer le but ? même si elle est agrémentée des variations évolutionnistes ? ; de l'autre, une neuropsychanalyse qui fait l'impasse sur les concepts clés de la conception freudienne du rêve (travail, contenus latent et manifeste, pulsion, entre beaucoup d?autres). À certains égards, les percées de cet assaut-là évoquent des transgressions, comme s?il s?agissait, là où Freud et quelques autres ont niché de l'irréductible, d?aller de l'avant sans entraves, sans égards conceptuels, en aplatissant. Comme si les raisons des actes humains pouvaient s?épuiser dans leurs causes, ici neuronales (alors qu?en bonne méthodologie on ne devrait y voir que des corrélats). Le naturalisme contemporain, auquel les auteurs que nous avons cités voudraient apporter leur contribution, suppose que tous les faits humains qui ont trait à la signification ou à l'intentionnalité, s?ils ont une influence sur les comportements, peuvent être ramenés à des schémas de causalité simples. Si l'on admet la légitimité de cette ambition, ce qui déjà prête à débat, force est de constater qu?on est encore assez éloigné de sa réalisation.
40On revient là au caractère crucial du rêve ; un récit de rêve, est-ce une chose mentale ? Les cognitivistes [50] répondront bien entendu que oui, que cette chose qu?est le récit, écrit ou dit, est le résultat d?une activité mentale. Mais un doute les étreindrait : n?est-ce pas, en effet, l'ensemble de cette activité qui est mentale, et non son résultat, qui est dialogique, social, même entre soi et soi ? C?est important puisqu?on ne le dira jamais assez : pas de rêve en tant qu?objet constitué sans le récit qu?on en fait. Or, celui-ci n?est construit que par la conscience vigile (et donc sociale), au réveil, il se construit dans une situation sociale aussi déterminée que déterminante (même si le rêveur est seul, même s?il n?a pas conscience de ces déterminismes). Pour preuve : on ne fait pas toujours le même récit d?un rêve chaque fois qu?on en parle. Qu?est-ce qui change et pourquoi ?
41Un début de réponse à ces questions, insolubles par la causalité mécaniste, peut surgir d?un conseil que Lacan donnait à ses élèves lorsqu?ils lui demandaient comment s?exercer à la psychanalyse ; il leur répondait « faites des mots croisés [51] ». C?est qu?une grille donnée avec ses cases blanches et noires fixées et inchangeables (pourrait-on comparer cette contrainte structurale à la circuiterie neuronale et à sa mécanique dans le cas du rêve ?) peut, au moins potentiellement, être remplie de diverses manières : les définitions qui l'accompagnent, parce qu?elles sont d?ordre langagier, peuvent convenir pour plusieurs mots ; remplir la grille, c?est interpréter ces définitions dans un cadre donné puisqu?il faut que l'appareil au total soit rempli. Dans ce cadre, l'interprétation des données de la conduite (symptômes ou rêves) doit produire un tout cohérent, dont la cohérence relève aussi du monde partagé entre l'analyste et l'analysant. On peut, dès lors, imaginer qu?un même vécu onirique puisse faire l'objet de récits légèrement différents, mais il faudra que sa signification, produite par l'interprétation, soit cohérente avec l'ensemble des autres données de la conduite, bref, qu?il y ait une convergence construite, jamais là a priori, entre ce rêve et d?autres manifestations. La norme de l'interprétation (du rêve ou d?une définition) n?est donc pas, comme le souligne Pierre-Henri Castel, uniquement rationnelle (si elle l'était, il n?y aurait pas plusieurs interprétations possibles). On peut, en revanche, rendre compte rationnellement des états cérébraux ; ce sont par définition des états dont on pourrait finir, idéalement, par tout dire sans avoir à tenir compte des récits, ni du monde dans lequel ils se font. Mais le sujet qui rêve est situé et ce qu?il dit est aussi (surtout ?) fonction du monde dans lequel et auquel il fait ce récit. Même avec l'exigence légitime qu?une science du rêve soit une science empirique, il reste qu?identifier jusqu?au réseau de neurones « allumés » pendant le sommeil qui déclenche un récit de rêve, ne permettrait pas (si cela était possible) de prédire sans l'interroger ce dont le dormeur a rêvé ; car ce dont il a rêvé est le propre de son histoire, inscrite évidemment dans le réseau (parmi d?autres), mais ce qu?il en dit est déterminé par des facteurs d?abord extérieurs à son cerveau, même s?il les a intégrés dans son cerveau. Au point qu?avec le même réseau de neurones activé, chaque sujet a un vécu onirique qui lui est spécifique et donc impossible à prédire, mais qui plus est, avec une même succession d?hallucinations, deux sujets ne feraient pas le même récit ; et généralement un même sujet enfin n?en ferait pas plusieurs fois le même récit. Or, toute la science neurologique revisitée du rêve ne peut se dispenser méthodologiquement de ces récits ; jusqu?aujourd?hui elle en ignore les déterminismes. ?
Notes
-
[1]
Voir par exemple, Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde, Paris, Gallimard, 1985, pp. 193-194.
-
[2]
Ainsi, à côté de publications remarquées dans Behavioral and Brain Sciences en 2000, ou dans Nature en 2005, des volumes de la revue Dreaming, où s?expriment des oppositions virulentes : un volume de 2004 est consacré au débat entre G. William Domhoff et Mark Solms (G. William Domhoff, « Why did empirical dream researchers reject Freud ? A Critique of historical claims », Dreaming, n° 14-1, 2004, pp. 3-17), repris par un autre volume de 2005 (G. William Domhoff, « Refocusing the neurocognitive approach to dreams : A critique of the J. Allan Hobson versus Solms Debate », Dreaming, n° 15-1, 2005, pp. 3-20.) avec une contribution de J. Allan Hobson dont le titre relate la tonalité générale des divergences : « In bed with Mark Solms ? What a nightmare ! A Reply to Domhoff 2004 », Dreaming, n° 15-1, 2005, pp. 21-29.
-
[3]
On trouvera une mine d?informations particulièrement précises et structurées dans la thèse de Sophie Schwartz, Matière à rêver : Exploration statistique et neuropsychologique des phénomènes oniriques au travers des textes et des images de rêves, Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne, 1999 [en ligne : http:// labnic. unige. ch/ nic/ papers/ SCHWARTZ_thesis. zip].
-
[4]
Ceux de l'École de Chicago avec William Dement entre autres, ou de l'école de Los Angeles avec Horace Magoun.
-
[5]
Soulignons, comme piste éventuelle de réflexion, que là où les Français « font » un rêve, les Anglo-américains en « ont » un ; les Grecs antiques en « voyaient » un.
-
[6]
L?EEG permet d?enregistrer à distance (ce qui est important) l'activité de groupes de nombreux neurones situés dans des régions peu profondes du cerveau. Il permet de détecter si ces régions sont actives ou non.
-
[7]
Il s?agit d?un enregistrement de l'activité des muscles de chacun des deux yeux, réalisé grâce à une électrode placée juste sur la peau au coin extérieur de l'?il.
-
[8]
Outre d?autres modifications physiologiques secondaires, comme l'accélération des rythmes cardiaque et respiratoire, par exemple. L?état de veille suppose un tonus musculaire, même faible, dans le cas où l'on est détendu.
-
[9]
Ce nombre de minutes est constant pour une espèce donnée ; il est chez l'homme de 90 minutes, de 9 à 10 minutes chez le rat.
-
[10]
Il s?agit du mésencéphale, du pont et du tronc cérébral, situés à l'arrière de la tête, là où l'encéphale va rejoindre la moelle épinière.
-
[11]
Car elles se repèrent par des « pointes » à l'enregistrement réalisé avec des électrodes implantées à demeure dans l'encéphale de l'animal.
-
[12]
À l'exception du comportement sexuel, sans que l'on sache pourquoi.
-
[13]
Michel Jouvet, « Paradoxical sleep : is it the guardian of psychological individualism ? », Canadian Journal of Psychology, n° 4-2, 1991, pp 148-168 ; repris dans Michel Jouvet, Le Sommeil et les rêves, Paris, Odile Jacob, 1992, p. 187, que nous citons.
-
[14]
Mais John S. Antrobus a récemment montré (John S. Antrobus, « How does the dreaming brain explin the dreaming mind ? », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 562-568) que les récits de rêves témoignent de cette « bizarrerie » même lorsque l'activité PGO est minimale. Qui plus est, plusieurs neurophysiologistes contestent aujourd?hui que les ondes PGO revêtent un caractère chaotique et produisent des activations aléatoires ; voir par exemple Brabara E. Jones, « The interpretation of physiology », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 8-11.
-
[15]
J. Allan Hobson, Edward F. Pace-Schott et Robert Stickgold, « Dreaming and the brain : toward a cognitive neuroscience of conscious states », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, p. 799.
-
[16]
Et directeur du Centre international de neuropsychanalyse de Londres et New York.
-
[17]
Mark Solms, « Reply to Domhoff (2004) : Dream research in the Court of public opinion », Dreaming, n° 15-1, 2005, p. 80.
-
[18]
Ibid., p. 77.
-
[19]
Voir Françoise Parot, « Les Thérapies comportementales, approches historiques et épistémologiques », in Jean-Noël Missa (dir.), Les Maladies mentales et leurs thérapies, Paris, PuF, 2007.
-
[20]
Ibid., p. 80.
-
[21]
Sur cette question déterminante, voir Mark Solms et Oscar Turnbull, The Brain and the inner world, New York, Other Press, 2002, 342 p. et les commentaires éclairants de G. William Domhoff, « Refocusing the neurocognitive approach to dreams? », art. cit.
-
[22]
Mark Solms, « Reply to Domhoff? », art. cit., p. 80.
-
[23]
Id.
-
[24]
John S. Antrobus, « REM and NREM sleep reports : Comparison of word frequencies by cognitive classes », Psychophysiology, n° 20, 1983, pp. 562-568.
-
[25]
David Foulkes et Marcella Schmidt, « Temporal sequence and unit composition in dream reports from different stages of sleep », Sleep, n° 6, 1983, pp. 265-280.
-
[26]
Rappelons qu?à côté du sommeil paradoxal, on distingue canoniquement quatre états de sommeil lent, les deux derniers (3 et 4) étant profonds et caractérisés par des ondes très lentes témoignant de la synchronisation des signaux cérébraux.
-
[27]
Sur cette « pénétrabilité cognitive », voir Zenon, W. Pylyshyn, « Computing in cognitive science », in Michael I. Posner (dir.), Foundations of cognitive science, Cambridge, MIT Press, 1989, XIV-888 p.
-
[28]
Notons qu?on ne sait pas si l'activité de « rêve », ou même le vécu onirique, disparaissent ; on ne dispose plus de récits en tout cas.
-
[29]
Qui est connectée, comme les structures limbiques, aux cellules du tegmentum, donc au circuit dopaminergique de la récompense.
-
[30]
Martin H. Feldman, « Physiological observations in a chronic case of ?locked-in? syndrome », Neurology, n° 21, 1971, p. 459.
-
[31]
Mark Solms, « Dreaming and REM sleep are controlled by different brain mechanisms », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 843-851. Solms explicite son argumentation dans le paragraphe intitulé « Dreaming is preserved with pontine brainstem lesions », p. 845.
-
[32]
J. Allan Hobson et alii, « The ghost of Sigmund Freud haunts Mark Solms?s dream theory », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 951-952.
-
[33]
Pierre-Henri Castel, Introduction à L?Interprétation des rêves de Freud, Paris, PuF, 1998, p. 305.
-
[34]
Comme le rappelle Castel, Sigmund Freud écrit : « lors de certains processus psychiques, l'excitation parcourt les systèmes psychiques, selon un ordre déterminé », ibid., p. 456.
-
[35]
Voir par exemple les articles de Jim Horne, « Variation sur la fonction du sommeil », La Recherche, Hors série, n° 3, 2000, pp. 8-11 ; ou de Irène Tobler, « Le sommeil a-t-il besoin du système nerveux central ? », La Recherche, Hors série, n° 3, 2000, pp. 12-13.
-
[36]
À la suite en particulier des travaux de Robert Cummins, « Functional analysis », Journal of Philosophy, n° 72, 1975, pp. 741-765 ; ou de Larry Wright, « Functions », Philosophical Review, n° 82, 1973, pp. 139-168.
-
[37]
On emploie de plus en plus fréquemment ce terme anglais pour désigner l'un des sens du mot français « adaptation », à savoir le résultat d?un processus (et non ce processus lui-même).
-
[38]
Pour une revue de ces études, voir par exemple, Robert P. Vertes et Kathleen E. Eastman, « The case against memory consolidation in REM sleep », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 867-876.
-
[39]
Voir par exemple Elizabeth Hennevin-Dubois, « Qui dort mémorise? », La Recherche, Hors série n° 3, 2000, pp. 18-24. ; Robert Stickgold, « Sleep-dependant memory consolidation », Nature, n° 437, 2005, pp. 1272-1278.
-
[40]
Michel Jouvet, « The function of dreaming : A neurophysiologist?s point of view », in Michael S. Gazzaniga et Colin Blakemore (dir.), Handbook of Psychobiology, New York, Academic Press, 1975, pp. 499-527.
-
[41]
Voir Jerome M. Siegel, « Functional implications of sleep development », PloS biology, n° 5, 2005, pp. 113-115. ; Jerome M. Siegel, « Clues to the functions of mammalian sleep », Nature, n° 437, 2005, pp. 1264-1271.
-
[42]
Frederick Snyder, « Toward an evolutionary theory of dreaming », American Journal of Psychiatry, n° 123, 1966, pp. 121-136.
-
[43]
Voir Sigmund Freud, L?Inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Payot, 1985 (1ère éd. 1919), 342 p.
-
[44]
Antti Revonsuo, Revonsuo, « The reintrepretation of dreams : an evolutionary hypothesis of the function of dreaming », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000, pp. 877-903.
-
[45]
Ibid., p. 879.
-
[46]
Ibid., p. 882.
-
[47]
La référence toujours citée sur ces contenus de rêve est Calvin Springer Hall et Robert L. van de Castle, The Content Analysis of Dreams, New York, Appleton Century Crofts, 1996, 320 p., où les auteurs ont analysé plus de cinq cents récits de rêve et constaté que 80 % d?entre eux exprimaient des émotions négatives. Tout réside évidemment dans cette dernière qualification. Car Susan Malcom-Smith et Mark Solms (« Incidence of threat in dreams : a response to Revonsuo?s threat simulation theory », Dreaming, 2004, n° 14-4, pp. 220-229.) n?ont trouvé que 8,41 % de rêves de menace sur les quatre cent un récits de rêves de sujets ayant pourtant déjà vécu des événements menaçants.
-
[48]
Antti Revonsuo, « The reintrepretation of dreams », art. cit., p. 892. Il est urgent que quelques travaux approfondis reviennent sur le fond même de cette conception, tant ceux des anthropologues du xxe siècle semblent oubliés. Immanquablement, ce qui est présenté comme mode de vie de nos ancêtres est devenu, dans ce corpus, le reflet de ce que nous sommes, nous Occidentaux, mais en plus simple ; comme les enfants étaient, il y a quelques siècles, considérés comme des adultes « en miniature », les chasseurs-cueilleurs qu?on nous donne à voir ont une vie d?occidental, mais en plus simple. L?immense travail accompli sur « les autres hommes » pendant le dernier siècle est passé à la trappe par les anthropologues évolutionnistes ; un exemple, que dire de la fonction d?un module de détection des tricheurs dans une société où le don est obligatoire et sacré ?
-
[49]
Ibid., p. 893.
-
[50]
Sous leurs nouveaux atours qui les fait ressembler de manière frappante aux béhavioristes puisque, comme eux, ils considèrent que toute conduite même le rêve est un phénomène physique dont il faut chercher la cause, et peu importe que celle-ci se passe à l'intérieur de la peau : comme le soulignait si simplement Burrhus F. Skinner : « la peau n?est pas une frontière », (Burrhus F. Skinner, L?Analyse expérimentale du comportement, Bruxelles, Dessart, 1971, p. 300.)
-
[51]
On lira avec grand profit ce qu?en dit Pierre-Henri Castel, Introduction à L?interprétation du rêve de Freud, op. cit., p. 160. Je tiens à le remercier très particulièrement des discussions que nous avons eues sur cette réplique lacanienne et l'éclairage qu?elle apporte, entre autres, à la multiplicité des interprétations possibles d?un rêve.