Couverture de SOCO_092

Article de revue

Sociologie de l'agence financière : enjeux et perspectives Introduction

Introduction

Pages 7 à 33

Notes

  • [1]
    Tr. Horacio Ortiz, italiques dans l’original.
English version

1 Ce dossier vise à déconstruire la notion d’« investisseur » à partir d’enquêtes empiriques sur l’industrie financière, sa régulation et le rôle qu’y joue l’État. La figure de l’investisseur est centrale dans la représentation des flux financiers que proposent la réglementation et le droit, la théorie financière et une partie importante du discours médiatique et politique. Les acteurs financiers s’y référent également pour parler de leur travail quotidien comme pour organiser leur activité de lobbying. Qu’elle relève d’une fonction assignée par des discours normatifs ou d’une identité socio-économique revendiquée par des professionnels financiers, la figure de l’investisseur est la notion centrale à partir de laquelle le monde financier se décrit et est décrit.

2 Plutôt que de considérer qu’il y a des investisseurs, pleinement investis d’une mission, le dossier vise à explorer, à partir d’études empiriques, comment les décisions d’investir sont prises au terme de relations nombreuses, établies entre différents types d’acteurs. Cette division du travail financier s’appuie sur un ensemble de dispositifs, juridiques, techniques et de représentations, qui constitue ce que nous appelons « agence financière ». Celle-ci se démarque de la représentation économique libérale qui consiste à réduire tout échange à une relation bilatérale entre acheteur et vendeur. Par contraste, l’étude de l’agence financière, en reconnaissant la variété des relations nécessaires à la prise de décision d’investissement, permet de travailler deux questions essentielles que les crises financières posent aux acteurs et aux institutions de la finance : à qui imputer la responsabilité des décisions d’investissement ? Comment sont construites et circulent les catégories de perception des acteurs financiers ?

3 Depuis les années 1980, en France, en Europe et aux États-Unis, la circulation des titres financiers des entreprises (actions et obligations) au sein d’institutions qualifiées de « marchés financiers » est devenue un élément majeur du pilotage entrepreneurial. Dans le même temps, comme le rappellent les évènements des dernières années en Europe, l’émission d’obligations d’État est devenue un rouage fondamental de l’action publique. Cette configuration s’est accompagnée du mot d’ordre reaganien de la finance pour tous aux États-Unis et, d’une politique fiscale française favorable à l’épargne financière des particuliers, qui a placé la France juste derrière le géant nord-américain en termes de capacités de gestion financière collective. Ces incitations ont attiré massivement les classes moyennes sur les marchés financiers. L’investisseur financier est désormais un salarié prévoyant, épargnant pour sa retraite, son assurance-santé, les études de ses enfants. Le détenteur états-unien de titres financiers est un monsieur-tout-le-monde exposé par les médias à l’injonction continue d’investir (Clark, Thrift, 2004) et dont la vie sociale est rythmée par l’achat de produits financiers « adaptés » à ses besoins changeants (Zelinsky, 2004) tandis que son homologue français adopte un taux d’épargne record et des placements ciblés.

4 Pourtant, si le renouveau de la catégorie d’investisseur a été soutenu, d’une part par la mise en marché de la propriété des entreprises par leurs dirigeants, et d’autre part par les injonctions politiques faites aux classes moyennes à devenir un « investisseur avisé », ces émetteurs et ces propriétaires de titres financiers ne sont généralement pas en relation directe. Les propriétaires ne prennent pas la décision d’investir dans les titres des entreprises et n’en connaissent pas personnellement les dirigeants. La décision d’investissement est déléguée : elle résulte d’un processus de division du travail, au sein d’un vaste réseau commercial, l’industrie financière. Cet ensemble de professionnels communément rassemblés sous le terme de « secteur de la gestion d’actifs » est composé de fonds d’investissement, d’entreprises d’assurance, d’agences de notation, de brokers, de banques d’investissement et d’une partie importante du système bancaire. Les employés de ces firmes financières sont chargés de collecter des fonds (issus de l’épargne des classes moyennes mais aussi de la trésorerie des entreprises, de fonds souverains et des grandes fortunes et des fondations), pour les allouer à différentes activités économiques et sociales selon des procédures standardisées dans un cadre bureaucratique. Ainsi, l’industrie financière occupe une place centrale dans l’attribution du crédit, avec des effets distributifs dont les enjeux sociétaux et politiques sont considérables.

5 Ce dossier s’intéresse au travail déployé pour produire une figure positive de l’investisseur financier alors même que la division des tâches qui préside à la décision d’investissement est devenue tellement importante qu’elle empêche d’imputer la décision à un individu précis. Le paradoxe réside donc précisément en ce que l’investisseur est évoqué de manière croissante, par les médias comme par la théorie économique néo-classique et la réglementation financière, comme incarnation d’une figure symbolique dont la fonction serait d’allouer le capital alors que « ce qui investit » est de moins en moins un individu, un sujet, une subjectivité. Les textes de ce dossier donnent à voir les ressorts institutionnels, pratiques et symboliques de l’allocation des ressources monétaires. Ce faisant, ils cherchent l’agence financière non dans un acteur typifié, mais dans des processus sociaux, analysés avec une approche génétique qui permet de montrer, à la fois, la prégnance de l’imaginaire d’un investisseur agissant dans des marchés et la distance qui le sépare de la réalité empirique.

6 Nous tenons donc l’investisseur pour un avatar historique de l’agence financière. Le terme « d’agence » permet de problématiser dans la longue durée les phénomènes d’allocation et leurs effets sociaux sans recourir à une ontologie du sujet de l’action. Ce dossier propose des analyses des institutions de la finance et des agents qui les incarnent dans l’objectif plus large d’alimenter une réflexion sur les enjeux politiques de la distribution des ressources monétaires, en combinant dans une analyse historique et génétique, la macro-économie, la sociologie, l’anthropologie et les sciences politiques. Ceci permet de mettre en relation l’étude des techniques financières, des jeux d’acteurs sociaux à l’intérieur et à l’extérieur de l’industrie financière et les processus politiques et macro-économiques dans lesquels ils s’inscrivent.

7 Cette introduction situe les travaux de ce dossier parmi les différentes conceptualisations de l’investisseur qui ont été développées dans la littérature en science économique, gestion, sociologie et anthropologie. Nous analyserons en première partie la prégnance de la figure de l’investisseur, et des marchés qui lui sont associés, dans les modèles analytiques des sciences sociales. Nous montrerons dans une deuxième partie comment le déplacement du regard proposé par ce dossier permet de questionner cette catégorie en ce qu’elle a de politique.

LES INVESTISSEURS ET LEURS MARCHÉS : UNE AMBIVALENCE ENTRE DES CATÉGORIES NORMATIVES ET DES CATÉGORIES ANALYTIQUES

8 La réglementation financière reprend aujourd’hui une théorie standard inspirée de l’économie néo-classique, qui considère l’allocation des ressources monétaires comme l’effet de la rencontre d’investisseurs dans des marchés. Ces concepts structurent ainsi la question de la distribution des ressources, et de la justice sociale qui en dépend, comme une question d’agence individuelle, de calcul, de gestion de l’information, et de formation de prix. Ces derniers, comme résultat d’une agglomération d’actions individuelles, établiraient alors le standard d’une valeur, financière et donc sociale, des activités financées. Cette première partie s’intéresse à la manière dont de nombreuses analyses économiques, en gestion et même en partie en sociologie et en anthropologie, sont articulées autour de ce questionnement.

9 Nous étudierons d’abord le fait que cette problématisation commence avec les sciences sociales elles-mêmes, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, dans des termes qui constitueront souvent les balises des chemins suivis par la suite. L’investisseur échangeant dans des marchés, considéré comme un individu disposant de son capital, au regard maximisateur mathématisé, constitue le fondement de la théorie financière standard contemporaine. Dans ses différentes déclinaisons, cette dernière constitue aussi l’horizon analytique d’approches critiques qui reconduisent l’idée selon laquelle la distribution des ressources monétaires est le fait de types d’investisseurs, incarnés par des institutions, des entreprises ou des tâches professionnelles, ou encore qu’elle résulte de ce qui arrive dans des marchés.

? L’agence financière à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle : jalons pour l’analyse contemporaine

10 L’analyse de l’investissement financier par les sciences sociales semble reconduire un imaginaire de l’investisseur qui s’est tissé au tournant du XIXe siècle, au moment où les bourses et les sociétés par actions semblaient prendre une place centrale dans l’économie des États-Unis et d’Europe de l’Ouest. Il convient d’en rappeler quelques éléments, qui permettent de poser les termes d’une difficulté actuelle.

11 L’économie classique, par exemple celle de son père fondateur officiel, Adam Smith, considérait l’échange essentiellement comme l’acte d’individualités, notamment des sujets moraux agissant avec leur argent, leur capital, ou leur capacité de travail. Dans ce contexte, le crédit n’est qu’un échange parmi d’autres, le taux d’intérêt étant le prix de l’argent dans un marché qui, s’il est libre, permet la meilleure allocation possible. L’investisseur est conçu comme une personne concrète, détentrice d’argent, et protégée par le droit de propriété privée (Smith, 1991 [1776]).

12 Pour le Marx des écrits de 1844, le rapport capitaliste oppose des personnes aux rôles sociaux distincts, capitalistes et prolétaires, notamment, qui seront toutes libérées par la socialisation de la propriété des moyens de production (1996 [1844]). Cette dernière devait advenir par une révolution suivie d’une transformation des rapports de production (1962 [1848]). Cependant, plus de vingt ans plus tard, Marx considère que la forme de sociétés par actions établit un nouveau rapport de production. Il s’agit toujours d’un rapport d’exploitation, mais il n’y a plus de propriété privée. Il y a par contre une série d’intermédiaires financiers, au sujet desquels Marx ne cache pas son mépris, mais qui n’ont qu’un rôle secondaire dans le processus. Celui-ci est pour Marx une étape nouvelle vers la socialisation des moyens de production, qu’Engels, en commentant ces passages du Livre III du Capital, juge comme devant en découler nécessairement (Marx, 1968 [1894]).

13 L’industrie financière naissante est ainsi décrite dans une dichotomie politique dans laquelle elle n’a pas d’identité propre, et qui oppose l’individu aliéné (qu’il soit bourgeois ou prolétaire), caractérisé par son inscription dans une classe sociale, et la société comme totalité à laquelle il appartient. La figure d’un propriétaire qui détient l’entreprise dans sa totalité, et qui est donc responsable personnellement pour l’exploitation, est remplacée ici par un rapport d’exploitation sans propriétaires individuels. La figure de l’investisseur individuel semble ainsi disparaître.

14 Cependant, c’est encore cette figure de la personne « riche » que mobilisent Mauss et Keynes, comme figure emblématique des inégalités sociales que doit combattre la redistribution. Pour Mauss, ces « trésoriers de la société » sont contraints de « rendre » ce que la société leur a donné, selon la logique du don et du contre-don (1996 [1923-1934]). Pour Keynes, ils doivent être éliminés du système financier, dans lequel ils imposent un taux de rendement trop élevé, qui déprime l’investissement et l’emploi (1971 [1936]). Plus qu’une réalité sociologique et économique, l’investisseur bourgeois est érigé ici en figure antisociale, par opposition à l’idéal qu’il avait commencé à incarner à la fin du XIXe siècle (Zelizer, 1979 ; Preda, 2005).

15 Partant de l’idée que cette figure sociale ne correspond plus à l’organisation de la distribution du crédit et de la propriété des entreprises, Simmel propose néanmoins d’en retenir une image idéalisée comme catégorie analytique. Pour lui, dans une téléologie néo-kantienne explicite, l’aliénation des rapports de production, et l’inégalité qu’ils impliquent, se résoudront dans un développement, à la fois politique, moral et économique, dans lequel chaque individu finira par se réaliser comme sujet autonome à travers l’échange monétaire (Simmel, 1987 [1900]). Comme le remarquait Foucault au sujet des néo-libéraux, l’investisseur, dans cette analyse, n’est pas une catégorie empirique, mais un concept régulateur, qui doit orienter l’observation pour détecter les processus qui devraient permettre, dans un futur plus ou moins lointain, sa réalisation sociale via une construction institutionnelle (Foucault, 2004).

16 Sceptique face à toute téléologie de la réalisation du sujet, Weber reprend l’analyse marxienne de l’exploitation sans propriétaires et l’intègre dans la problématisation d’un capitalisme bureaucratique. Le problème méthodologique et politique est synthétisé dans un passage d’Économie et Société qu’il convient de traduire dans sa totalité : « Dans [le cas de la domination hiérocratique], des intérêts personnels et flexibles jouent à l’intérieur de limites larges, et l’action et le vouloir purement personnels peuvent changer de manière décisive la relation et la situation des participants. Le directeur d’une société par actions, par contre, aura beaucoup de mal à établir ce rapport avec les ouvriers d’usine, puisque son devoir est de défendre les intérêts des actionnaires en tant que ses véritables “maîtres” ; et ceci sera presque impossible pour le directeur de la banque qui finance la société par actions dans son rapport aux travailleurs, ou pour le détenteur d’une créance hypothécaire dans sa relation avec le propriétaire du bien sur lequel la banque a garanti la dette. Le comportement est déterminé de manière décisive par la “compétitivité”, par le marché (du travail, de la monnaie et des biens), par des considérations “objectives” qui, en n’étant ni éthiques ni anti-éthiques, mais simplement non éthiques, semblent absurdes à toute éthique, des facteurs qui tous introduisent des instances impersonnelles entre les personnes concernées. Cet “esclavage sans maître” dans lequel le capitalisme emmêle le travailleur ou le débiteur hypothécaire ne peut être discuté, du point de vue éthique, que comme institution. Mais, par principe, cette discussion ne peut concerner le comportement personnel de celui, dominant ou dominé, qui y participe. Sous peine de disparaître parce qu’il serait, de tout point de vue, économiquement inutile, ce comportement lui est prescrit pour l’essentiel dans des situations objectives et – c’est le point décisif – est caractérisé comme un “service” avec un but objectif impersonnel [1]. » (Weber, 1990 [1922] : 709). Cas extrême dans l’analyse wébérienne, la bureaucratie financière serait un univers social dans lequel toute éthique (ou rationalité en valeur) est « absurde ». Weber inscrit ainsi les pratiques de l’industrie financière, et des entreprises qu’on appellerait aujourd’hui « financiarisées », dans une problématique analytique qui évacue les individus : ceux-ci sont contraints de suivre des procédures pour survivre, et l’analyse critique ne peut donc se porter que sur l’institution, décrite comme une série de tâches fonctionnelles.

17 Ces différentes approches semblent toutes butter devant un même problème : si, contrairement aux espoirs d’Engels, les intermédiaires méprisés par Marx n’ont pas disparu grâce à la socialisation des moyens de production, mais ont au contraire renforcé leur rôle dans la production des inégalités, ils ne peuvent néanmoins plus être caractérisés par la figure de l’investisseur bourgeois, libre d’utiliser son argent comme il le veut. Une fois reconnue l’obsolescence de l’image du bourgeois repu qui imposerait sa propriété privée du capital au reste de la société, la figure de l’investisseur se démultiplie selon les approches analytiques : comme dans l’analyse wébérienne, elle peut rester une catégorie analytique qui n’existe que par la constatation de son absence ; comme dans l’analyse simmelienne, son absence peut par contre être remplacée par un idéal qui n’aurait pas (encore) été réalisé ; ce dernier peut alors devenir une figure de plus étoffée d’attributs concrets, dans des combinaisons diverses, plus ou moins contradictoires, reprenant l’image du bourgeois capitaliste ou encore celle de l’individu maximisateur produit par la théorie économique. Une nouvelle figure de l’investisseur, qui s’ajoute aux antérieures, commence par ailleurs à s’établir avec le retour de l’industrie financière au-devant de la scène économique, aux États-Unis et en Europe de l’Ouest, dans les années 1960. L’investisseur n’est plus un bourgeois propriétaire des moyens de production, mais un épargnant des classes moyennes qui délègue son argent à l’industrie financière. Cette dernière est alors censée protéger et réaliser les intérêts de ses clients, définis selon la figure d’un investisseur théorique dont entre-temps la théorie financière a fourni les attributs. Les pages suivantes analysent comment une partie des sciences économiques et sociales contemporaines, reconduisent la figure de l’investisseur, comme catégorie empirique ou analytique, en adoptant une de ces définitions, ou en les recombinant.

? L’investisseur idéal et la relation bilatérale principal-agent dans la réglementation et la théorie financière standard

18 La réglementation financière aux États-Unis, en Europe, et souvent ailleurs, reprend une théorie financière standard, issue de l’économie néo-classique, comme cadre à la fois analytique et normatif, pour définir l’objet des règles qu’elle établit. Cette théorie, comme une grande partie de la théorie économique de la deuxième moitié du XXe siècle, se base sur un épistémologie affichée consistant à développer des modèles qui s’écartent de la réalité concrète, pour montrer les conditions nécessaires à la réalisation de l’idéal qu’ils promeuvent. Cet idéal, celui d’une société basée seulement sur des échanges individuels effectués dans des marchés efficients, constitue ainsi un cadre à la fois analytique et normatif. Analytique, parce que, comme les types wébériens, il constitue le modèle auquel la réalité sera comparée, pour voir comment elle s’en éloigne. Normatif, parce qu’il établit l’horizon que doit se donner un État dont le but doit être de s’effacer des échanges et de la distribution qu’ils produisent. Cet idéalisme, dont Foucault remarque la filiation directe avec le néo-kantisme (2004), produit une figure de l’investisseur stylisée, dont le regard et l’activité de crédit sont définis par les modèles d’évaluation et d’investissement établis dans une circulation entre les milieux académiques et professionnels de la finance (Whitley, 1986).

19 La représentation proposée par la théorie économique dominante prévoit un acteur préposé à la fonction d’investissement. La « théorie de l’agence » met en scène un dialogue entre un « principal », le propriétaire, et un « agent », le gestionnaire. Compatible avec les représentations des auteurs classiques qui ont stylisé l’agence économique selon un face à face (acheteur/vendeur) ou un conflit de classes (capitaliste/prolétaire), cette représentation est également compatible avec le droit libéral qui cherche à imputer les actes à des individualités. La littérature réglementaire reprend cette vision : le terme « investor » désigne le « principal » qui a délégué la gestion de ses biens au gestionnaire (OFR, 2013).

20 La « théorie des marchés efficients » qui valut un prix Nobel à son auteur, E. Fama, en 2013, est supposée apporter la légitimité aux « agents » qui sont opérateurs sur les marchés, pour le compte des « principaux », propriétaires des titres. En effet, ces opérateurs prennent des décisions dans un cadre organisationnel qui est supposé garantir que les échanges sont effectués à un prix « correct », révélant notamment toute l’information économique publique disponible. In fine, cette qualité d’efficience des marchés garantirait que le capital soit alloué de façon optimale.

21 La stylisation du face à face n’est pas cantonnée au monde financier. Elle est étendue aux relations que les propriétaires (ou plus exactement leurs représentants, les opérateurs financiers) entretiennent avec les entreprises ou les État dont ils détiennent les titres financiers (actions, obligations, emprunts d’État). Les opérateurs financiers deviennent « principaux » par rapport à ceux à qui ils ont délégué la gestion de leur propriété, les dirigeants des firmes et les dirigeants politiques. Cette modélisation des relations est menée dans la littérature académique, sous le vocable « corporate governance » (gouvernance d’entreprise), dans les années 1990. Elle sert de justification aux banquiers et fonds d’investissement pour exiger les restructurations industrielles comme aux organismes supranationaux pour exiger des pays endettés des plans d’austérité budgétaire.

22 Cette littérature économique fait l’impasse sur l’étude des acteurs financiers réels, firmes et organismes supranationaux. Les « investisseurs » et leurs représentants sont conçus comme de simples courroies de transmission, des porte-parole d’une rationalité économique et financière définie par les modèles analytiques et pratiques institués dans la théorie elle-même.

? L’investisseur présupposé et absent de la sociologie des marchés financiers

23 L’industrie financière est depuis une quinzaine d’années l’objet de recherches empiriques menées par des sociologues et anthropologues. Une partie de ces recherches s’est attelée à considérer les pratiques financières comme la rencontre d’opérateurs dans des marchés, mais en mettant au jour les processus concrets de manière à montrer la distance irréductible entre cette réalité et la formalisation de la théorie financière standard. Ce faisant, ces analyses mettent sérieusement à mal les prétentions descriptives et normatives de cette théorie. On peut retenir deux grandes orientations de recherche.

24 D’une part, des études visant à comprendre les méthodes de calcul, les raisonnements et les outils de l’offre et de la demande, qui remettent en cause l’idée de représentativité informationnelle des prix. Ceci est en grande partie le résultat du travail de chercheurs provenant d’un champ disciplinaire désigné comme « études sociales de la science ». Ces chercheurs ont déplacé les différentes méthodes des sciences sociales utilisées pour dénaturaliser le positivisme scientifique, afin d’étudier les pratiques d’évaluation et d’investissement, en s’intéressant souvent à l’innovation financière, conçue comme proche de l’invention scientifique. Ils se sont ainsi intéressés à l’histoire des formules et des raisonnements financiers (MacKenzie, 2006 ; Preda, 2006), en insistant sur l’importance des outils techniques et des réseaux sociaux pour la détermination de la valeur et des prix (MacKenzie, Milo, 2003 ; Knorr Cetina, 2005 ; MacKenzie, 2011), qui n’étaient ainsi pas « découverts », comme le voudrait la théorie financière, mais produits à partir de dispositifs techniques et sociaux. Ces études ont aussi montré que les prix et les actifs financiers étaient ainsi définis selon des épistémologies floues et multiples, qui ne correspondaient pas à celles de la théorie financière (Muniesa 2000, 2007 ; Godechot, 2001 ; Riles, 2011).

25 D’autre part, de nombreuses recherches s’intéressent aux professions qui réalisent les échanges et à l’organisation sociale des marchés, en remettant en cause l’idée que l’échange serait le résultat d’individus maximisateurs tels que les définit la théorie. Plusieurs études ont montré que contrairement à l’idée d’individus isolés et libres de leurs actes, les traders sont des employés qui suivent des disciplines bureaucratiques strictes, selon des rapports hiérarchiques au sein des entreprises (Zaloom, 2006). Par ailleurs, les recherches montrent que leurs rapports ne se réduisent pas à une compétition pour la maximisation du profit, mais qu’ils établissent des relations qui sont à la fois de concurrence, de coopération et de complémentarité, dans l’organisation des échanges (Abolafia, 1996 ; Godechot, 2009) et dans la négociation des salaires et des bonus (Godechot, 2007).

26 Ces différentes analyses ont en commun de se focaliser sur la passation d’ordres d’achat et de vente, incarnée dans l’univers des salles de marché et le fonctionnement de la Bourse. Ce faisant, elles concentrent le regard sur des tâches (le trading, l’analyse financière) ou sur des savoirs et technologies (les formules de calcul) qui semblent ne pas questionner une idée centrale de la théorie financière : la décision d’investissement aurait une origine précise et identifiable, humaine ou algorithmique, dont il s’agit d’explorer le fonctionnement en mettant l’accent sur la cognition ou sur les règles organisationnelles.

27 Ces analyses constituent un apport fondamental à une critique du cadre réglementaire de la finance. Elles démolissent les prétentions descriptives de la théorie financière standard, en mettant en évidence le fait que les « marchés financiers » ne fonctionnent pas comme le veut cette théorie, ou alors ils ne le font qu’au prix de disciplines et de règles organisationnelles que cette dernière est incapable de concevoir. Cependant, consciemment ou inconsciemment, elles reconduisent ainsi le cadre analytique selon lequel l’agence financière doit se comprendre avant tout comme le fait d’une rencontre entre offre et demande, dont l’enjeu est la qualité du prix qu’elle produit. Elles ne s’intéressent ainsi pas aux volumes d’argent concrets que les employés distribuent, comme si l’enjeu n’était pas la distribution effective des ressources, mais le cadre formel de sa mise en œuvre. Par là, cette sociologie court le risque de déconnecter les pratiques et les personnes observées de leurs effets sur l’économie et la société.

? Une analyse institutionnaliste des rapports de force financiers

28 Adoptant des approches macro-sociologiques, plusieurs réflexions ont, au contraire, cherché à montrer les effets distributifs de transformations organisationnelles et institutionnelles du secteur financier des trente dernières années. S’intéressant à la distribution concrète de l’argent, elles permettent de comprendre des rapports de force financiers qui s’accompagnent de transformations dans les activités financées, voire dans des choix de société.

29 L’économie institutionnaliste et la science de gestion ont mis en relief le rôle d’un nouveau groupe d’acteurs, les « investisseurs institutionnels », c’est-à-dire les firmes financières chargées de gérer l’épargne collectée auprès des classes moyennes. Élaborés dans le contexte des OPA (rachat d’entreprise) suivies par des restructurations drastiques menées par des raiders financiers de Wall Street, à la fin des années 1980, ces travaux analysent un « investor capitalism » (Useem, 1996) dans lequel la propriété des firmes est détenue par ces fonds collectifs, qui vendent massivement les titres des firmes industrielles aux performances jugées insuffisantes. Ces acteurs sont placés au centre des processus de décision de l’allocation du capital, outillés par la nouvelle rationalité de la théorie économique des années 1960-1970, et si leur composition n’est pas homogène, ils s’unifient autour du pouvoir actionnarial financier.

30 Afin d’affiner l’analyse de l’impact de ces acteurs sur les entreprises, des économistes hétérodoxes développent une série de travaux qui cherchent à distinguer des catégories d’investisseurs institutionnels en fonction de leurs choix d’investissement différenciés et, en particulier, de leur durée de détention des titres. Le clivage entre investisseur de long terme et spéculateur de court terme est ainsi documenté (Boubel, Pansard, 2004 ; Baudru, Lavigne, Morin, 2001 ; Aglietta et al., 2007). S’y ajoute l’analyse des fonds souverains qui gèrent les rentes pétrolières et les réserves de change accumulées par les pays dits émergents (comme la Chine, Singapour ou les Émirats Arabes Unis) et dont les investissements dans les économies des pays du Nord, après la crise financière de 2007, bousculent la géopolitique économique (Blancheton, Jégourel, 2009).

31 Plusieurs recherchent montrent le passage d’un régime de relations finance-industrie fondé sur l’interconnaissance des dirigeants et la détention à long terme des titres à un régime fondé sur la circulation des élites et des titres financiers sur des marchés globaux (Morin, 1998 ; Dudouet, Grémont, 2010). Au-delà de ces relations bilatérales, la finance transforme les autres rapports sociaux économiques. Ainsi, les stratégies financières prédatrices menées par les entreprises industrielles elles-mêmes, dès les années 1970, transforment profondément l’emploi aux États-Unis (Clark, 1993).

32 Les stratégies d’investissement financier se multiplient et se globalisent avec la diversité croissante des types d’acteurs. La distribution des ressources monétaires se transforme au gré de nouvelles formes d’échange, complexifiées avec la privatisation des bourses (Lagneau-Ymonet, Riva, 2012), l’apparition du trading haute fréquence (qui permet de réaliser des transactions en quelques millisecondes) et des dark pools (bourses organisées par des plateformes bancaires privées, Lenglet, Riva, 2013). Ces changements organisationnels et institutionnels s’accompagnent d’une augmentation radicale des volumes monétaires mis en mouvement : en 2002, les transactions mondiales réelles, c’est-à-dire relatives à la production de biens et services et aux échanges commerciaux internationaux ne représentaient qu’un vingt-huitième des transactions interbancaires (Morin, 2011) ; sur les trente années précédant la crise de 2008, les revenus issus du trading, aux États-Unis, ont crû annuellement de 1,7 fois le PIB (McKinsey, 2013) ; les échanges d’actions états-uniennes sont passés de deux millions de titres par jour en 1951 à huit milliards et demi en 2010 (Bogle, 2012).

33 Occupée à mettre en évidence ce renversement de pouvoir macro-sociologique, cette littérature traite peu des détails de la division du travail financier. De ce fait, elle tend à emprunter la représentation portée par la théorie économique : un investisseur professionnel, instruit par la théorie, rendu puissant par la concentration des actifs financiers qu’il gère au nom des épargnants, et finalement unique agent de la décision. Cette position de pouvoir des investisseurs institutionnels, est compatible avec le statut et la fonction que la théorie financière accorde à celui qu’elle nomme « investisseur » : discipliner les managers, rationaliser l’allocation de fonds. Ce faisant, l’analyse du phénomène « nouveau pouvoir des investisseurs institutionnels » ne conteste pas la stylisation radicale que la théorie économique opère en réduisant les relations financières à une double relation bilatérale « principal-agent » : celle qui relie l’épargnant et son gestionnaire de portefeuille et celle qui relie ce gestionnaire au dirigeant d’entreprise dans lequel est investi une partie du portefeuille.

? La distribution des ressources financières au prisme de la sociologie et de l’anthropologie

34 Plusieurs approches font un lien entre pratiques quotidiennes, techniques de calcul, enjeux organisationnels, enjeux institutionnels, construction de champs et l’analyse des flux réels d’argent. Elles se dégagent de la dichotomie entre le macro (étude des conditions structurales des décisions d’investissement et de leurs effets sur l’économie) et le micro (étude des conditions individuelles de la prise de décision d’investissement), en utilisant les outils forgés par la macroéconomie institutionnelle et historique (Boyer, 2004), ou encore la sociologie structurale (Bourdieu, 2000). Elles permettent ainsi de mettre en évidence les processus sociaux concrets à travers lesquels s’effectuent les transformations dans la distribution des ressources monétaires.

35 L’analyse de la genèse d’une formule d’évaluation, l’EVA, massivement utilisée par les entreprises à partir des années 1990, constitue un exemple précoce (Lordon, 2000). La notion de valeur y est saisie en ce qu’elle traduit le pouvoir actionnarial, entendu comme pouvoir macroscopique constitué sous l’effet de la concentration du capital, en commandement de gestion, propre au niveau microéconomique des firmes. L’auteur développe ainsi une analyse à l’intersection d’une macro-histoire structurale, celle de l’émergence du pouvoir actionnarial et de micro-histoires individuelles.

36 Cherchant à rendre compte des institutions et agents de la finance, le dossier de Actes de la Recherche en sciences sociales (2003) développe une approche en terme « d’espace social de la finance ». Dans le milieu universitaire anglo-américain, au livre de référence de 2005, intitulé Sociology of Financial Markets (Knorr Cetina, Preda, 2005), succède, après la crise financière de 2007, un ouvrage dont le titre Sociology of Finance (Knorr Cetina, Preda, 2013), indique déjà la transformation par rapport à la focalisation précédente, sur la question des technologies des marchés et de l’information. La seconde version intègre de nombreuses contributions sur les enjeux organisationnels et de gouvernance. Concernant la Chine, E. Hertz (1998) analyse comment l’établissement de la bourse de Shanghai, au début des années 1990, a instauré « le marché » comme nouvelle catégorie politique, désignant une force incontrôlable notamment pour les classes moyennes urbaines, qui risquaient autrement de mettre en question le pouvoir de l’État. Au brésil, R. Grun (2009) et M. Chaves (2013) analysent la place de la finance dans les transformations économiques, sociales et politiques qui ont eu lieu pendant le gouvernement de Lula da Silva. En France, le cas de la Bourse parisienne, organisation par excellence de l’échange financier, est examiné dans une perspective historique qui restitue ses dimensions institutionnelle et sociale et permet de replacer les rapports de pouvoir proprement financiers dans le contexte politique plus large de l’économie nationale puis internationale (Lagneau-Ymonet, Riva, 2012).

37 Le secteur de la gestion d’actifs est analysé comme la construction d’un champ par des acteurs réformateurs qui promeuvent la professionnalisation, une nouvelle catégorisation des produits, l’établissement d’un mode de concurrence soutenable (Kleiner, 2003 pour la France ; Clark, 2000, Lounsbury, 2007 pour les États-Unis). Le secteur de la banque d’investissement est également étudié sous l’angle des nombreuses professions qui s’y créent des opportunités en « écrémant » le profit et, ce faisant, alimentent une économie de la restructuration permanente des firmes industrielles (Erturk et al., 2007). Ces recherches font voir combien les décisions d’investissement apparaissent tout autant informées par le respect du dogme théorique par les praticiens financiers que par le choix de certains types d’organisation de la concurrence et de stratégie d’entreprise que font les firmes financières et non financières afin de gagner de l’argent. Malgré le fait que, comme le remarque Fligstein (2009) l’étude des firmes financières réelles et de leur positionnement au sein du secteur financier reste encore peu développée, ces analyses montrent que loin d’être le seul fruit de l’exercice individuel d’une rationalité prévue par la théorie économique, l’activité d’investissement est affaire de positions de pouvoir dans un système complexe de relations socio-économiques où chaque profession tente de capturer une part des plus-values.

38 L’anthropologue Karen Ho analyse la financiarisation de l’économie américaine à partir d’entretiens auprès d’employés chargés de l’investissement et de l’évaluation dans les grandes banques d’investissement de Wall Street. Elle montre comment ces derniers érigent l’insécurité du rapport salarial en norme professionnelle et sociale (2009). Horacio Ortiz montre que la constitution de hiérarchies dans la distribution des ressources doit se comprendre dans les stratégies d’évaluation et d’investissement portées par l’industrie financière dans son ensemble, dont les employés appliquent des procédures standardisées, issues de la théorie financière standard et permettant des justifications politiques et morales en ligne avec les philosophies libérales dont elle est issue historiquement (2011, 2013). Sabine Montagne (2005, 2006) montre, à partir de l’analyse historique de la jurisprudence, comment la finance américaine des fonds de pension a été constituée, depuis les années 1970, de telle sorte qu’elle empêche les salariés et leurs syndicats de définir des normes d’investissement qui seraient structurellement favorables au salariat. Grâce au Trust, dispositif juridique anglo-américain de mise sous curatelle, le droit et les réglementations ont institutionnalisé le pouvoir des intermédiaires financiers, tant en termes de définition de la finalité des investissements qu’en termes de maîtrise de la liquidité financière. La mise à distance du salariat à la finance fait ainsi écho à la mise à distance marxienne du prolétaire à la production (Montagne, 2008).

39 Ces exemples témoignent donc de l’existence d’une littérature, constituée dans les années 2000, ayant pour préoccupation de relier phénomènes financiers et recomposition des rapports sociaux économiques à travers l’analyse des opérations d’investissement financier.

40 Le projet de ce dossier s’inscrit dans cette tentative de combiner plusieurs entrées méthodologiques, en se dégageant du cadre analytique des investisseurs et des marchés, pour mettre en évidence les processus sociaux à partir desquels les ressources monétaires sont effectivement distribuées.

SOCIOLOGIE DE L’AGENCE FINANCIÈRE : ENJEUX DU DOSSIER

41 Ce dossier s’intéresse à l’activité sociale de l’investissement. Sans reprendre à bon compte l’idée que celle-ci serait le fait d’individualités agissant dans des marchés, dont on a vu les limites, les auteurs cherchent à décrire différents processus sociaux à travers lesquels l’allocation de capital est produite, mettant ainsi en évidence les logiques qui mènent à la production et la transformation des hiérarchies sociales. Dans tous les exemples étudiés, les concepts d’investisseur et de marchés ont un rôle central dans les pratiques et raisonnements des acteurs. Plutôt que de les considérer comme des catégories analytiques ou normatives de la recherche elle-même, on donne à voir les processus concrets qui les ont construit et entretenu, les processus qui ont qualifié des agents réels par le terme « investisseur ». Les articles rassemblés dans ce dossier, en abordant différents moments de transformation institutionnelle, retracent les conditions historiques qui ont permis à ces agents de créer une telle position dans l’économie et dans la société.

42 La perspective historique ou génétique ici adoptée consiste donc à rassembler dans un même dossier des travaux aux approches théoriques et méthodologiques différentes et aux terrains d’échelle variée mais dont l’objet principal est de répondre à une même question : comment l’investissement se fait-il ? Ces analyses permettent finalement d’appréhender à la fois la réalité de « ce qui investit » et la construction du mythe associé, « l’investisseur » comme dépositaire individué de la décision d’allocation du capital.

? Échelles et objets : l’agence financière comme configuration politique

43 Entre les « petits » objets étudiés par les sociologues, dans les interactions en salle de marché ou les négociations autour de la fabrication des instruments financiers, et les « grands » objets abordés par les analyses critiques de la globalisation de la finance qui soulignent la perte de pouvoir des gouvernements, les présentes contributions établissent des ponts méthodologiques et conceptuels. Orientés par un questionnement politique, celui de l’allocation des ressources et des hiérarchies sociales qui en résultent, les auteurs de ce dossier partent de la pratique quotidienne, des stratégies individuelles, pour couvrir plusieurs échelles d’activité sociale : la définition d’une formule de calcul, les stratégies de carrière personnelles, les enjeux des entreprises, de l’industrie financière dans son ensemble, de l’État et de la régulation de la distribution des ressources. L’approche par les normes professionnelles et l’institutionnalisation des pratiques permet de dépasser les cas étudiés, pour poser des questions sur des processus plus vastes dont ils sont représentatifs.

44 Les textes de Benjamin Lemoine et de Pascale Moulévrier montrent comment l’articulation entre différents espaces institutionnels et sociaux rend possible l’allocation des ressources en même temps que cette dernière contribue à les redéfinir. Benjamin Lemoine analyse ainsi comment les négociations entre hauts fonctionnaires et employés des banques, chargés de faire circuler la dette souveraine française, se font dans un rapport complexe de coopération et de compétition, dans lequel les deux parties brouillent la définition de leurs intérêts financiers, et donc, du point de vue de l’État, celle du bien commun. Pascale Moulévrier, analysant le développement du microcrédit en France, montre comment l’État, les banques privées et les associations sans but lucratif contribuent, de manière plus ou moins consciente ou assumée, à une substitution des services publics par l’endettement des pauvres.

45 Les textes de Horacio Ortiz et de Barry Cohen et Bruce Carruthers situent l’analyse au sein des entreprises. Horacio Ortiz montre que l’allocation du crédit décidée dans une grande multinationale de gestion de fonds pour tiers répond à différentes logiques, plus ou moins contradictoires, de stratégies de carrière, de hiérarchie organisationnelle, et de développement de réseaux d’échanges au sein de l’industrie financière sur un espace global. Barry Cohen et Bruce Carruthers montrent comment les agences de notation ont affiné progressivement le statut de l’évaluation du crédit, jonglant entre l’atout commercial consistant à proposer une opinion d’expert considérée comme vraie et l’enjeu légal consistant à la définir comme une opinion incertaine, et donc non passible de responsabilité juridique. Ces analyses situent les entreprises dans leur contexte commercial, et dans celui du secteur de la finance et de sa place dans l’économie, pour montrer à quel point l’idée qu’il s’agirait d’« investisseurs » individualisables, qui plus est portant une rationalité économique homogène, s’éloigne de la réalité.

46 Pour autant, les individus revendiquent d’être à l’origine de la décision d’investissement. Sabine Montagne propose de détailler les conditions dans lesquelles un petit groupe d’acteurs novateurs, dans l’économie états-unienne des années 1960, réussit à mettre en circulation une représentation héroïque de l’investisseur financier, caractérisée par un culte de la personnalité qui va perdurer bien après l’heure de gloire des acteurs qui en sont la source. Ce moment historique où, grâce à certaines stratégies d’affaire et positions sociales, des acteurs déclarent « l’investisseur c’est moi ! » est un élément important dans l’ensemble des processus qui contribuent à la création et la mise en scène de la figure symbolique de l’investisseur.

47 Liliana Doganova retrace l’histoire d’une formule, consistant à actualiser les flux monétaires futurs, qui constitue aujourd’hui l’outil fondamental de l’évaluation financière professionnelle. Elle montre comment, au long de son évolution historique, cette formule qui correspond à des intérêts très différents est portée par des agents de l’État, des universitaires, des consultants et remise en cause selon les configurations économiques et politiques. Cette formule, censée être un des attributs majeurs de la figure théorique de l’investisseur reprise par la réglementation et la théorie financière, recouvre ainsi elle-même plusieurs définitions de l’acte d’investir, qui se déclinent et se transforment selon les agencements institutionnels.

48 L’ensemble de ces textes permet ainsi de mettre en relief que la distribution des ressources monétaires n’est pas le produit d’un espace social unique, mais est le résultat de logiques multiples, à la fois institutionnelles, organisationnelles et cognitives, qui ne se comprennent que par la manière dont elles sont mises en pratique par des personnes concrètes. L’assemblage de ces différentes logiques constitue une configuration politique particulière, c’est-à-dire des hiérarchisations sociales spécifiques à un moment historique donné.

? Des processus sociaux plus larges que l’espace de l’industrie financière

49 Les historiens ont montré les multiples facteurs ayant concouru historiquement à la position centrale de l’industrie financière dans la distribution des ressources. Les États-Nation européens se sont créés dans une relation symbiotique et conflictuelle avec des institutions financières non étatiques (Carruthers, 1996 ; Théret, 1992), notamment dans le cadre de l’expansion coloniale (Eichengreen, 1996). Après les épisodes de contrôle de l’économie par l’État pendant les guerres mondiales et la période de Bretton Woods et de construction de l’État providence, les gouvernements de tous bords politiques, en Europe de l’Ouest et aux États-Unis (Abdelal, 2007 ; Krippner, 2011), ont créé les marchés financiers modernes afin de se financer et de capter une liquidité qui échappait à leur réglementation. Ils ont par là transféré les systèmes de croyances des institutions politiques vers les institutions financières, ces dernières ayant maintenant la charge de dire la vérité de la valeur sociale des activités accédant au crédit (Foucault, 2004).

50 Cette évolution historique met à mal la distinction analytique de sphères aux logiques différentes, opposant le politique à l’économique ou l’économique (ou le réel) au financier. Elle remet en question la focalisation de l’analyse sur le seul secteur financier contemporain. Elle montre le caractère réductionniste des approches qui considèrent que la finance imposerait des règles endogènes au reste de la société. Au contraire, les articles du dossier montrent comment les espaces sociaux se distinguent et se définissent mutuellement à travers les activités d’investissement.

51 Les enquêtes soulignent combien l’État est actif dans la formation de la finance. Benjamin Lemoine montre que « l’État dépensier », du fait de ses propres objectifs de financement, non seulement s’accommode fort bien de l’expansion financière mais la promeut directement, lui donne sa forme et l’alimente. Pascale Moulévrier décrit comment l’État social soutient activement une nouvelle forme de finance, celle du microcrédit dont il fait un substitut aux aides directes aux plus pauvres. Liliana Doganova montre que la formule d’actualisation des flux futurs naît dans une problématique étatique de gestion des biens communs, aux XVIIIe et XIXe siècles, et ne trouve sa place centrale, à partir des années 1950, que parce qu’elle est intégrée dans les stratégies publiques de croissance du PIB.

52 Le texte de Pascale Moulévrier montre comment la financiarisation des services publics ne peut se faire sans le soutien de catégories socio-professionnelles du travail social qui y trouvent un moyen de réorienter leurs carrières personnelles. Le texte de Sabine Montagne relève combien les entreprises « corporate » c’est-à-dire industrielles ou de services, sont à l’origine des pratiques d’investissement à court terme, dans les années 1960, avant de devenir les victimes du pouvoir actionnarial dans les années 1980. Leur stratégie d’augmentation du rendement de leurs placements financiers les conduit à faire pression sur leurs gérants d’investissement et contribue ainsi à modifier la structure du champ financier. Le texte de Barry Cohen et de Bruce Carruthers montre les attitudes ambivalentes des entreprises notées et des acheteurs de l’analyse de la notation, et comment cette dernière est le produit d’un rapport de forces entre ces différents acteurs plutôt que l’invention d’une technique d’évaluation par un segment social isolé. Le texte de Horacio Ortiz rappelle comment l’investissement en dérivés de crédit ne peut se comprendre sans les politiques réglementaires et monétaires du début des années 2000. C’est donc en reconnaissant le rôle des acteurs non financiers dans l’exacerbation de la concurrence et l’accroissement de la division du travail financier que l’on peut comprendre la formation d’un secteur financier aux pratiques plus agressives.

53 Ces analyses inversent donc la perspective des économistes néo-classiques relayée par une sociologie trop attentive au fonctionnement internaliste de la finance : les investisseurs ne sont pas déjà là, constitués et prêts à exercer leur puissance sur les autres agents et à diffuser leur logique dans les autres champs. On assiste bien plutôt à une co-construction des investisseurs (opérateurs individuels et firmes d’investissement) par les différents espaces sociaux, qui se redéfinissent en contribuant à constituer un champ financier. Se pose ainsi la question des types de rapport à travers lesquels l’agence financière devient effective.

? L’agence financière à travers les conflits, les intérêts, les imaginaires

54 Les articles du dossier permettent de voir la diversité des rapports entre personnes, groupes sociaux, et organisations, à travers lesquels se fait l’allocation financière. Les rapports de rivalité et de concurrence s’accompagnent souvent de différentes formes de coopération. Par ailleurs, les personnes mobilisent des formes de raisonnement plus ou moins partagées selon les cas, qui créent des dynamiques d’alliance et de fragmentation spécifiques. Cette diversité met à mal l’idée que l’investissement, ou la financiarisation, seraient le résultat direct d’intérêts bien définis, qui pourraient être ainsi assimilés à ceux d’un investisseur, qu’il s’agisse d’un individu, d’une classe sociale, d’une catégorie socio-professionnelle ou d’un secteur d’activité économique ou institutionnelle. Au contraire, l’agence financière est le résultat de rapports sociaux bien plus complexes et variés.

55 Plusieurs articles montrent comment, à différentes échelles et dans différents espaces sociaux, l’allocation du crédit et la constitution de la figure de l’investisseur sont le résultat de rapports à la fois de conflit et de coopération. Bruce Carruthers et Barry Cohen exposent le processus conflictuel de définition de la notation crédit, processus au cours duquel s’opposent les trois protagonistes en cause, agences, souscripteurs et entreprises émettrices. Pascale Moulévrier montre comment s’opère la double conversion des financiers et des travailleurs sociaux au nouveau dispositif du microcrédit. Les banquiers solidaires y trouvent une source de revenus certes peu rentable mais garantie par l’État et aisément mobilisable pour justifier du caractère socialement responsable des activités bancaires. Les travailleurs sociaux y voient une procédure efficace pour prouver qu’ils accompagnent activement les pauvres à sortir de leur état.

56 Benjamin Lemoine décrit les négociations serrées entre hauts fonctionnaires et banquiers pour parvenir à une relation donnant-donnant dans laquelle les intérêts réciproques des deux parties sont redéfinis. En acceptant de rémunérer « convenablement » les grandes banques, l’État accède à une clientèle plus large mais dont les objectifs sont également plus variés : la revente des titres à brève échéance, peu pratiquée dans la phase antérieure, se développe. Cette nouvelle stratégie d’investissement augmente la liquidité du marché qui assure, en retour, une plus grande attractivité des emprunts d’État et donc la possibilité d’en augmenter le volume.

57 Sabine Montagne montre que si les entreprises « corporate » trouvent un gain monétaire à mettre en concurrence leurs prestataires financiers, deux groupes d’acteurs financiers, nouveaux, distincts et rivaux, y trouvent également leur compte aux dépens des acteurs plus traditionnels. Cette concurrence au sein du secteur aboutit à des transformations des pratiques d’investissement et à des revendications d’identité nouvelle des protagonistes. C’est dans l’affrontement entre groupes que s’élabore une représentation de l’investisseur exceptionnel. Horacio Ortiz expose les rivalités à l’intérieur d’une équipe de travail et la façon dont les options possibles sont finalement sélectionnées. L’auteur montre comment la décision d’investir sur de nouveaux produits est, d’une part, revendiquée par les salariés exécutants comme étant le résultat d’un jugement personnel, d’autre part, produite par un choix commercial fait par la hiérarchie de la grande entreprise financière qui emploie ces salariés et, enfin, conséquence du positionnement de cette firme dans le réseau d’échanges financiers. La décision apparaît ainsi à la fois devoir aux conflits de trajectoires professionnelles individuelles, aux restructurations des départements d’une entreprise financière et à la hiérarchie de l’expertise au sein de l’industrie financière.

58 En même temps, les textes montrent l’importance de la constitution de standards de raisonnement et d’organisation. Liliana Doganova montre ainsi comment un raisonnement semblable se développe et se transforme au long de l’histoire, alors qu’une même formule de calcul est appropriée et mobilisée par différents acteurs, dont on peut voir rétrospectivement qu’ils ont contribué de manière fondamentale au développement des pratiques d’investissement contemporaines. Dans une logique semblable, le texte de Benjamin Lemoine montre comment une compréhension commune des phénomènes financiers est partagée par des employés de l’État et des banques privées, malgré les positions institutionnelles antagonistes qui ne masquent qu’à peine des parcours scolaires et professionnels très proches.

59 Sabine Montagne montre de même que la figure d’un investisseur mythique, surpuissant par rapport aux marchés, à la société et à l’économie, devient le point de ralliement de groupes sociaux distincts, comme les gestionnaires ou les universitaires. C’est cette figure que retrouve Horacio Ortiz dans son terrain. Son article permet de montrer que malgré les oppositions entre employés, les méthodologies formalisées dans la théorie financière et l’appel explicite à la figure de l’investisseur et aux marchés efficients constituent un cadre commun reconduit dans les conflits, et donc affirmé comme la seule manière de rendre compte des pratiques.

60 Barry Cohen et Bruce Carruthers, Pascale Moulévrier et Liliana Doganova s’intéressent à la naissance de nouveaux dispositifs d’allocation du crédit. Ils montrent comment ceux-ci ne sont possibles que par une négociation non seulement sur les intérêts financiers et de carrière des institutions et des personnes concernées, mais aussi sur le sens des pratiques et de leurs résultats distributifs. Établir la notation comme un système scientifique d’évaluation financière mais non redevable d’une responsabilité légale, considérer l’endettement des pauvres comme une libération de leur subjectivité, actualiser les flux futurs comme seule définition de la valeur de la terre, impliquent la constitution de formes de raisonnement communes qui, comme le montre le cas des agences de notation et de la formule d’évaluation des flux futurs, peuvent par la suite devenir des standards globaux.

61 Cette multiplicité des rapports permet finalement de mettre en relief la multiplicité des légitimités à travers lesquelles l’allocation hiérarchique des ressources financières se reproduit et se transforme aujourd’hui.

? Les raisonnements et légitimités multiples de l’agence financière

62 Produit de rapports divers, constituée par de multiples standards, et localisée dans une industrie qui dépend de processus sociaux qui la dépassent, l’agence financière n’est ainsi pas le produit d’un mode de raisonnement unique, celui que voudrait la théorie économique néo-classique, ni ne fait appel à une seule forme de légitimité, celle de la théorie néo-libérale de la gestion des rapports sociaux par les marchés. Ceci ne nie pas la prégnance de ces théories dans la réglementation financière et dans la plupart des discours économiques, politiques et médiatiques, au sujet de la distribution du crédit. Au contraire, cela montre à quel point cette prégnance est le produit d’un travail actif, dans les terrains étudiés, et dans le reste de la société, dont la conséquence est un certain camouflage des logiques sociales à l’œuvre. Les contributions de ce volume permettent de mettre en relief le fait que l’allocation des ressources est le résultat de logiques multiples, évoquant différentes formes de légitimité.

63 Les contributions du dossier argumentent donc que l’allocation du capital telle qu’orchestrée sur les marchés financiers ne peut être imputée à des individualités, que la finance n’est pas un champ autonome mais que les autres sphères d’activité contribuent activement à l’organisation des actes d’investissement et que des conflits fréquents opposent les protagonistes.

64 Le parti pris empirique du dossier permet aussi de réfuter que la rationalité financière soit le motif exclusif des décisions. En considérant que les firmes financières sont d’abord des entreprises œuvrant dans un champ concurrentiel, que les décideurs sont d’abord des salariés et dirigeants, on admet que les stratégies entrepreneuriales, la concurrence entre firmes, la concurrence entre salariés, sont les moteurs premiers des décisions. La décision d’investissement n’est informée par la théorie que pour autant que son interprétation en situation, par les salariés préposés, convient aux objectifs entrepreneuriaux et managériaux de base. Or ces objectifs sont communs à toute entreprise : survivre dans un champ concurrentiel (Fligstein, 1990), persévérer dans son être économique (Lordon, 2002). Pour ce faire, la recherche de profit financier n’est pas le seul objectif. Les formes de la performance sont multiples pour se maintenir : les enjeux de légitimité, morale et politique, informent le champ des possibles des acteurs, qui les transforment dans des processus historiques.

65 Ainsi, les acteurs financiers et non financiers pris dans l’acte d’investissement cherchent à développer un « régime » de relation durable. Cette durabilité reconduit et renforce l’imaginaire d’un « investisseur » libre qui se confronterait à ses pairs au sein de marchés dont l’efficience permettrait une allocation optimale des ressources.

CONCLUSION

66 La notion d’agence financière désigne un ensemble de processus sociaux à travers lesquels l’investissement se fait. Elle dégage l’analyse de la recherche d’un acteur unique porteur de la décision d’investir, qu’il s’agisse de la figure théorique de l’investisseur ou de son incarnation supposée dans un type d’employé ou un type d’organisation. Plusieurs acteurs et institutions sont au contraire en jeu, comme l’État, des entreprises de l’industrie financière, certains types de professions et d’acteurs a priori non financiers, mobilisant des méthodes et des discours qui se transmettent et se transforment. Cette analyse permet alors de comprendre la finance comme un élément constitutif d’une configuration politique définie en partie par la distribution des ressources monétaires à un moment historique donné.

67 Les textes de ce dossier montrent la portée heuristique de ce déplacement du regard. Celui-ci permet en effet de faire le lien entre des configurations historiques différentes, dans lesquelles les États, les entreprises et les personnes ont des rôles qui varient. Cette capacité de porter un regard comparatif dans le temps et dans l’espace permet de situer le moment actuel, et d’ouvrir l’analyse à l’émergence de configurations nouvelles. D’une part, la distribution des ressources monétaires à travers les activités de l’industrie financière, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est en effet le résultat d’un assemblage historique beaucoup plus complexe que ne le laisserait transparaître la notion de « financiarisation », du fait des acteurs et des logiques d’action et de légitimation qu’il implique.

68 D’autre part, l’analyse de la distribution des ressources doit rester attentive aux transformations historiques qui se poursuivent. L’émergence de nouveaux acteurs, comme les fonds souverains et, surtout, d’espaces institutionnels et de circuits financiers puissants, comme la Chine et son industrie financière, implique d’intégrer dans la recherche de nouvelles logiques et de nouveaux processus sociaux. Plutôt que de garder la figure de l’investisseur et de ses marchés comme idéal type auquel tout nouveau phénomène serait comparé, il s’agit au contraire de continuer à se focaliser sur les processus sociaux de distribution des ressources monétaires. C’est ainsi qu’on peut à la fois comprendre ces nouveaux acteurs et leurs logiques, et étudier la manière dont ils s’intègrent et transforment la configuration politique actuelle.

69 Ce dossier, qui se veut une contribution empirique et théorique à ce projet, fait l’objet de deux numéros consécutifs. Ce premier volet présente les contributions d’Horacio Ortiz, de Benjamin Lemoine et de Pascale Moulévrier ; le second proposera les textes de Sabine Montagne, de Barry Cohen et Bruce Carruthers et de Liliana Doganova.

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Date de mise en ligne : 28/03/2014.

https://doi.org/10.3917/soco.092.0007

Notes

  • [1]
    Tr. Horacio Ortiz, italiques dans l’original.
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