Couverture de SOCO_075

Article de revue

Les premières règles des jeunes filles : puberté et entrée dans l'adolescence

Pages 109 à 129

Notes

  • [1]
    La menstruation est définie comme un écoulement de sang par le vagin, dû à la chute de la partie superficielle de la muqueuse utérine sous l'effet des hormones sexuelles qui se produit normalement tous les 25 à 30 jours, de la puberté à la ménopause. En France, l'âge médian à la ménarche est de 13,1 ans, 90 % des filles vivant leurs premières menstruations entre 11 et 14 ans (Rochebrochard, 1999). Cet âge a diminué de trois ans, en France, en passant de près de 16 ans dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle à près de 13 ans dans la deuxième moitié du XXe siècle, évolution qui s'observe dans l'ensemble des pays développés. Ce déclin se poursuit en 1994 (Rochebrochard, op. cit), et s'explique par l'amélioration de la qualité et de la quantité nutritionnelle (Levasseur et Thibault, 1980 ; Shorter, 1981).
  • [2]
    Dans son roman largement autobiographique intitulé Une Femme (1987), la romancière Annie Ernaux évoque ses premières règles et le silence gêné de sa mère à cette occasion.
  • [3]
    Les traités éducatifs véhiculent l'idée selon laquelle le dialogue s'établit plus facilement entre l'enfant et le parent du même sexe. Il n'existe pas de « devoir de parole » équivalent en ce qui concerne les premières éjaculations, certainement parce qu'elles renvoient directement à la sexualité. Les traités sur l'adolescence à destination des adolescents enjoignent cependant les garçons à s'adresser à leurs parents pour parler des changements pubertaires.
  • [4]
    L'école constitue une source d'information concernant les règles puisque, sur l'ensemble du cycle scolaire, quarante heures doivent désormais être consacrées à l'éducation à la santé, dont dix à la sexualité (Kniebiehler, 2002). Mais elle ne constitue pas systématiquement une source d'information préparatoire pour les jeunes filles, ces séances se déroulant souvent en classe de 4e et de 3e, c'est-à-dire à un moment où une majorité des filles a déjà eu ses règles.
  • [5]
    Les femmes identifient leur corps à celui des membres de la famille en ayant plus spécifiquement pour modèle identificatoire le corps de la mère et le corps de la grand-mère maternelle (Guyard, 2008). Nous avons pu constater que cette « filiation du corps » constituait un outil mobilisé par les mères pour situer l'âge des premières règles de leurs filles.
  • [6]
    Nous renvoyons le lecteur à l'encadré situé à la fin de cet article.
  • [7]
    La psychologie du développement parle de « timing » pubertaire (Ruble et Brooks-Gunn, 1982).
  • [8]
    C'est ce qui ressort des données de l'enquête ACSJ, présentées par Elise de La Rochebrochart (1999).
  • [9]
    Pour reprendre l'expression employée par Didier Le Gall et Charlotte Le Van (2002) à propos des récits de la première expérience sexuelle.
  • [*]
    L'auteure tient à remercier Célia Bense Ferreira Alves, Laurence Guyard, Aurélie Peyrin ainsi que les lecteurs de la revue pour leurs remarques sur les versions préalables de ce texte.
English version

1 La puberté désigne l'acquisition de la fonction reproductive et des caractères sexuels secondaires. Ce phénomène se traduit par l'augmentation de la masse générale du corps, un accroissement de la taille, et l'apparition de la pilosité pubienne et axillaire. Chez les filles, les seins se développent et les premières règles ou ménarche [1] apparaissent entre 11 et 14 ans. Chez les garçons, les transformations sont plus tardives d'environ deux ans et sont marquées par le développement des organes génitaux, les premières éjaculations ou spermarche et la mue de la voix. Parmi l'ensemble des transformations que vivent les filles, les premières règles requièrent une attention toute particulière. Ce phénomène biologique est en effet entouré d'un ensemble de croyances et de représentations. Dans nombre de sociétés, les femmes réglées sont considérées comme dangereuses et impures à cause du sang des règles et contraintes de respecter un ensemble de prescriptions et d'interdits (Verdier, 1979 ; Héritier, 2002). Par ailleurs, en Occident, les réalités biologiques de la sexualité et de la procréation ont longtemps été dissimulées aux jeunes filles afin de préserver leur virginité. Ce régime de non-dit a culminé au XIXe siècle, tandis que l'église sacralisait la virginité féminine en développant le culte marial (Segalen, 1981).

2 Les conceptions éducatives concernant la ménarche ont pourtant commencé à se transformer dès la fin du XIXe siècle, sous l'effet de la médicalisation croissante du corps féminin (Brumberg, 1997), la parole sur la physiologie féminine se libérant progressivement tout au long du XXe siècle au sein de la famille. Aujourd'hui, les modèles éducatifs, qui sont largement définis par la psychologie, incitent les parents à prévenir les enfants des transformations qui les attendent. Des ouvrages consacrés à la puberté et à l'adolescence, rédigés par des psychologues ou des journalistes expliquent aux filles les changements qu'elles vont traverser et aux parents la « bonne » manière de les y préparer. Depuis la circulaire Fontanet du 23 juillet 1973, l'école a une obligation d'information sur la sexualité (Kniebiehler, 2002). C'est pourquoi elle organise des séances d'éducation à la « vie sexuelle et relationnelle » et consacre une partie du programme de SVT à la reproduction et à la puberté. Cette évolution des normes éducatives questionne donc l'expérience contemporaine des premières règles des jeunes filles et sa place dans le passage à l'adolescence.

3 Des travaux anglo-saxons se sont penchés sur cette question, sans pour autant aboutir à des résultats similaires. La psychologie du développement, qui a fait des premières règles un indicateur du développement pubertaire, au sens biologique du terme, s'est intéressée à l'expérience de la ménarche. Elle a montré qu'il ne s'agissait pas d'un événement traumatisant pour une majorité de jeunes filles, à l'exception de celles peu informées et précoces par rapport à leurs camarades (Brooks-Gunn et Ruble, 1982). Certains travaux féministes anglo-saxons affirment au contraire que cette première fois constitue une expérience angoissante qui pousse les femmes à accorder plus d'importance à leur corps sexué (Lee, 1994). En France, la sociologie ne s'est pas intéressée à la puberté. La sociologie de la sexualité a en effet privilégié l'étude du passage à la « sexualité génitale » des jeunes, en lien avec la demande sociale et politique concernant la problématique du risque, notamment celui du Sida depuis les années 1980 (Bozon, 1993). La sociologie de la jeunesse, quant à elle, définit avant tout l'adolescence comme un moment intermédiaire entre l'enfance et l'âge adulte  nettement distinct par ses traits culturels (Galland, 2001). Elle a donc surtout insisté sur la disjonction qui s'est instaurée entre l'entrée dans l'adolescence et la puberté, les enfants adoptant les codes culturels adolescents avant même que la puberté se soit manifestée (Neyrand, 2002 ; de Singly, 2006).

4 Les pratiques éducatives familiales à propos des règles, les modalités d'appropriation de cet événement par les jeunes filles, le sens qu'elles y accordent et la place qu'il prend dans leur processus de maturation n'ont donc jamais été explorés. En s'intéressant à ces aspects, cet article entend montrer que la ménarche peut-être considérée comme un moment critique, au sens qu'en donne Anselm Strauss (1992), c'est-à-dire un de ces moments dans le déroulement de la vie et de la carrière d'une personne qui, en tant que processus « socialisé et socialisant », l'oblige à reconnaître qu'elle n'est plus la même qu'auparavant. Tout en permettant de s'approprier un objet traditionnellement étudié par la psychologie, cette perspective nous permettra de montrer la place fondamentale qu'occupent les premières règles dans l'entrée dans l'adolescence.

MÉTHODOLOGIE

Cet article est issu d'une recherche traitant de la socialisation corporelle des adolescentes appréhendée à travers deux de ses enjeux, la puberté et l'apparence (Mardon, 2006). Il s'appuie sur 80 entretiens réalisés entre 2002 et 2006 avec des collégiennes et des lycéennes ainsi qu'avec des parents et des professionnels du monde scolaire. Il repose également sur une analyse de sources documentaires : des ouvrages rédigés par des pédiatres, des psychologues, des journalistes ou des « profanes », telles que des mères de famille ainsi que des brochures sur l'adolescence et la puberté, éditées par des marques de protections périodiques et récoltées dans les infirmeries des collèges où nous avons enquêté. Il s'appuie enfin sur des observations réalisées au sein de collèges de séances d'éducation à la vie sexuelle et relationnelle.

5 En s'intéressant à l'évolution contemporaine du régime éducatif et des pratiques familiales, l'article montre dans un premier temps que la ménarche est aujourd'hui présentée et accueillie par la famille comme un signe de féminité et de maturité. Il montre ensuite que cet événement et la façon dont il est accompagné par la famille agissent sur la définition que les jeunes filles se font d'elles-mêmes et de leur statut.

UN NOUVEAU RÉGIME ÉDUCATIF

6 L'analyse de l'évolution contemporaine des normes et des pratiques éducatives familiales concernant les premières règles révèlent que les jeunes filles sont aujourd'hui informées des transformations qui les attendent et éduquées dans l'idée que la ménarche constitue un événement important dans leur parcours, la définition de leur identité et de leur maturité.

L'ÉVOLUTION DES NORMES ÉDUCATIVES CONCERNANT LA MÉNARCHE

7 Si la parole sur la physiologie et les menstruations s'est progressivement libérée tout au long du XXe siècle, les menstruations ont constitué un tabou de la pudeur bourgeoise bien après la seconde guerre mondiale (Beaupré et Guérrand, 1997). Jusque dans les années 1960, les jeunes filles semblent avoir été peu informées par leur famille des réalités de la physiologie féminine. Qu'elles aient été éduquées dans un climat plutôt libéral ou, au contraire, plutôt autoritaire, les mères des adolescentes que nous avons rencontrées, évoquent ce domaine comme ne faisant pas partie des registres possibles de discussions entre les parents et les enfants [2]. C'est pourquoi les informations à propos des règles étaient glanées soit dans la lecture d'ouvrages sur l'adolescence fournis par les parents, soit du côté des s urs plus âgées ou des amies plus matures, comme en témoigne Mme Delignière, enseignante et mère de deux filles de 17 et de 14 ans, dont le père était lui aussi enseignant et la mère psychologue. Cette mère décrit le climat éducatif dans lequel elle a été élevée comme plutôt libéral mais reste néanmoins marquée par l'attitude réservée de ses parents qui n'ont jamais abordé la question des règles avec elle. Cette absence d'échange explique qu'à l'âge de 11 ans, elle était persuadée que les règles étaient « du sang qui sortait des seins », et qu'elle ait averti sa s ur aînée plutôt que sa mère lorsqu'elle a eu ses règles pour la première fois.

8 Tout au long du XXe siècle, plusieurs facteurs ont contribué à libérer la parole sur le corps et la physiologie féminine au sein de la famille. La déchristianisation, qui a affaibli les interdits religieux (Sohn, 1996), le mouvement de libération sexuelle, la libéralisation de la contraception et la seconde vague du féminisme ont joué un rôle. Même si la réflexion sur les modes d'éducation et la maternité fût un thème secondaire du mouvement des femmes, les militantes y ont réfléchi de manière individuelle et ont développé de nouvelles stratégies éducatives concernant les petites filles. Les premières règles étaient par exemple fêtées comme un anniversaire et construites comme une occasion de valoriser le féminin (Fortino, 1997). Les transformations de la famille et l'évolution des conceptions psychologiques et psychanalytiques sur l'adolescence y ont également contribué. En l'espace de trois générations, on a assisté à un assouplissement général des styles éducatifs, caractérisés entre autres choses par l'abandon des châtiments corporels et par l'adoption d'un dialogue avec des générations plus jeunes, placées sur le même pied d'égalité que les générations plus âgées (Attias-Donfut, Lapierre et Segalen, 2002). L'individualisme a également engendré une modification des conceptions développées à l'égard des enfants. Comme le souligne François de Singly, les parents « sont des individus chargés de décrypter, d'interpréter les besoins des enfants afin d'aider ces derniers à devenir eux-mêmes. Ils doivent aussi mettre en place un environnement susceptible de les aider dans cette ambition. » (de Singly, 2004, p. 20). Sous l'influence de ces facteurs, la pudeur et le régime de non-dit autour des menstruations ont laissé place à un véritable devoir de parole sur les premières règles. Popularisées notamment dans les années 1970 par les publications du mouvement en faveur de l'éducation sexuelle, L'école des parents, les normes éducatives incitent plus particulièrement les mères à préparer et à accompagner les filles dans cet événement parce qu'elles partagent la même expérience physiologique [3]. Il leur est rappelé la nécessité d'informer préalablement les filles, et ce, de manière assez précoce, afin qu'elles ne soient ni surprises ni effrayées. Elles sont également incitées à présenter et à accompagner les premières règles en mettant en avant leurs aspects positifs plutôt que le dégoût, la honte et la souillure :

9 « Il est donc essentiel d'informer l'enfant avant les premières transformations physiques, pour qu'elle ne s'affole pas devant le fait accompli. [...] Il faut préparer l'enfant à comprendre ce qui va arriver, puis l'aider à le vivre. Dire pour tout commentaire à une fille qui vient d'avoir ses règles : “Eh bien, te voilà une grande fille maintenant”, ou bien : “Alors te voilà demoiselle”, est un peu succinct. De plus c'est trop tard. Une information préalable s'impose pour que la fillette ne soit pas prise au dépourvu et ne s'inquiète pas inutilement. Mais cette information ne doit pas être marquée des craintes ou des dégoûts des adultes. Beaucoup de femmes éprouvent en face des règles des sentiments de honte, de souillure, les considérant comme la marque de la malédiction féminine. Devant ces femmes blessées et insatisfaites, comment la fillette pourrait-elle concevoir une féminité heureuse ? ». (L'école des parents, 1974, p. 168).

10 L'analyse de traités contemporains à destination des adolescents et de leurs parents et de brochures éditées par des marques de protections périodiques révèle que les préceptes concernant l'information préparatoire ont peu évolué depuis la publication de cet ouvrage, même si le ton se fait moins impératif, signe de la généralisation de ces principes. Dans ces ouvrages, les règles sont présentées aux jeunes filles comme un événement physiologique et symbolique important. Il leur est indiqué qu'en tant que signe de fécondité, elles participent à la définition de leur identité de femmes et de leur maturité. Les mères sont incités à les présenter comme telles. Ainsi, dans la brochure éditée en 2003 par la marque de protections périodiques Always, récoltée auprès de l'infirmière d'un des collèges où nous avons enquêté, figurent ces quelques précautions à l'intention des mères :

11 « Insistez sur le fait que les règles sont un signe de bonne santé chez une femme : elles ne sont pas une maladie. Essayez de la rendre positive et fière d'être une femme. »

12 Ces ouvrages rappellent également les normes sanitaires qui doivent accompagner cette manifestation et les douleurs ou les changements d'humeurs qui peuvent y être associés. Ce dispositif éducatif ne peut cependant fonctionner que s'il existe des relais se chargeant de transmettre ces informations auprès des jeunes filles.

UN ÉVÉNEMENT PRÉSENTÉ ET ACCUEILLI PAR LA FAMILLE COMME UN SIGNE DE FÉMINITÉ ET DE MATURITÉ

13 Au sein des familles, les principaux vecteurs des informations concernant les règles sont les mères, lesquelles sont généralement incitées à accorder plus d'importance et de temps aux tâches éducatives et de santé que les hommes (Cresson, 1995). Mais cette prise en charge peut également émaner d'autres membres féminins, comme une s ur, une grand-mère ou des amies [4]. Les premières règles sont présentées et accueillies dans nombre de familles comme un signe de féminité et de maturité, les filles étant préalablement informées de cet événement. Les mères qui ont eu une expérience négative de leurs premières règles sont particulièrement sensibles à la norme de prévention et d'information. Elles imputent en effet systématiquement leur expérience à leur absence de savoir, au manque de dialogue et de sollicitude à leur égard et en rendent responsable la pudeur familiale et plus particulièrement maternelle, à l'instar de Mme Joncour.

14 Cadre moyen et titulaire du baccalauréat, Mme Joncour est la mère d'une adolescente de 13 ans. Ses parents étaient commerçants en milieu rural. Elle a été élevée dans un climat éducatif qu'elle qualifie d'« autoritaire », et où la physiologie féminine constituait un sujet tabou. Sa mère ne lui a jamais fourni d'informations sur les règles et l'a même rabrouée sévèrement la seule fois ou elle a osé se montrer curieuse à ce sujet. Lorsqu'elle a eu ses règles pour la première fois, elle en a parlé à sa tante, qui a remis en cause sa parole. Ayant souffert de ces non-dits et du manque de sollicitude de sa famille à son égard, elle a souhaité en parler avec sa fille, mettant à sa disposition des ouvrages sur l'adolescence et la puberté.

15 À travers le discours de leurs proches, les filles apprennent que la féminité se définit par la capacité de procréation et que les règles témoignent de cette capacité. Cet apprentissage peut commencer à l'occasion de la lecture d'un livre de naissance, comme dans la famille Delignière :

16 « On a toujours parlé de ça [des règles], enfin il me semble qu'on en a toujours parlé parce que quand Laura était petite, son livre préféré, depuis qu'elle avait 9 mois, c'était le livre de Catherine Dolto, Neuf mois pour naître. C'était son livre préféré, donc je lui ai raconté, raconté, des dizaines de fois. Et voilà et le bébé il a un machin et comment ça se passe et cetera. Donc c'est des choses qu'on raconte, dont on parle. » (Mme Delignière, mère de deux filles de 17 et 14 ans).

17 Parfois, c'est la naissance d'un petit frère ou d'une petite s ur qui peut servir de support à ces explications, comme dans la famille Louvet :

18 « Les règles, tout le monde sait à la maison ce que c'est puisque moi j'ai fait beaucoup de bébés donc tout le monde a vu tout le monde...voilà. Donc à chaque fois ben moi j'ai plus de règles. Oui six bébés, au moins les quatre premiers ont vu, sûr, ont vécu les deux derniers arrivés, inévitablement, enfin dans tous les cas on en a parlé. [...] Y a une fille qui est dans les parages, pour eux, c'est potentiellement une maman. » (Mme Louvet, mère de six enfants).

19 Lorsqu'elles repèrent les premiers signes d'entrée dans la puberté (développement du buste, augmentation rapide de la taille de l'enfant), les mères réitèrent leur travail d'explication et engagent les filles à se préparer à un changement de statut. Elles peuvent aussi attendre que leurs filles leur posent des questions, ou se référer à l'âge où leurs autres filles où elles-mêmes ont vécues leurs premières menstruations [5], comme dans le cas de Julie, 15 ans :

20 « En fait, depuis un moment on en parlait parce qu'elle voyait que j'arrivais à peu près à l'âge où mes s urs les avaient eues et donc elle me disait : “Fais attention parce que toi ça va peut-être t'arriver”».

21 Toutes insistent sur les normes sanitaires que les filles devront respecter, afin que cette expérience se passe au mieux, notamment si elle survient en leur absence. Lorsqu'elles constatent ou apprennent que leurs filles ont leurs règles, elles les engagent à reconnaître qu'elles viennent de vivre un changement. Emma, 15 ans, se souvient des propos de sa mère : « Elle m'a dit des trucs du genre : “Tu deviens une femme.” ». Parfois, c'est l'organisation d'une fête, d'un repas, ou l'achat d'un cadeau qui vient souligner le changement de statut qu'instaurent les règles pour la jeune fille :

22 « Elle [Sa mère] avait acheté une espèce de petit livre qui s'appelle mères et filles ou de mères à filles, quelque chose comme ça. Elle l'avait acheté depuis un moment et elle a attendu et elle m'a dit : “Voilà, j'ai attendu que tu saignes aussi pour te l'offrir”. Donc voilà c'était le petit cadeau qui a marqué la venue de... oui, le fait de devenir une femme quoi. » (Anne, 19 ans).

23 Il arrive cependant que la pudeur empêche encore les mères d'informer leurs filles des transformations qui les attendent et les poussent à reproduire le silence qui avait entouré pour elles la survenue des menstruations. Les propos de Mme Bussière, employée, dont le père était ouvrier agricole et la mère employée communale, révèlent l'ambivalence dans laquelle se trouvent certaines mères d'origine populaire, tenaillées entre leur désir de créer des conditions favorables au développement de leur enfant et leurs difficultés à adhérer aux normes éducatives en la matière.

24 Mme Bussière n'a jamais parlé de la physiologie féminine avec sa mère, mais sans pour autant s'en plaindre car elle ne se souvient pas d'avoir été particulièrement angoissée par cet événement. C'est par pudeur qu'elle n'a jamais réussi à instaurer une discussion avec sa fille âgée de 16 ans. Cette mère décrit pourtant son comportement en le condamnant sévèrement, non seulement afin de montrer qu'elle connaît les normes éducatives dans ce domaine, mais aussi parce qu'elle les a intériorisées : « Je l'ai pas préparée avant. [...] Je l'ai fait quand elle m'a demandé mais j'ai pas été de l'avant. Moi c'est un sujet, je suis assez ... enfin pas gênée, mais c'est difficile pour moi d'en parler. [...] c'est pas bien mais je peux pas, c'est comme ça ». Même si elle pense qu'elle n'a pas joué son rôle de mère, elle se rassure en supposant que sa fille, qui ne lui a jamais posé de questions à ce sujet, en a parlé avec le médecin traitant et avec ses amies.

25 Il arrive également plus souvent dans les milieux populaires que les règles soient accueillies surtout comme une « crise hygiénique », c'est-à-dire que les mères mettent en avant les nécessités de l'hygiène associées aux règles plutôt que le changement de statut qu'elles instaurent. Ainsi, lorsque Mme Girard, caissière dans un supermarché, a constaté que sa fille Amélie, 12 ans, venait d'avoir ses règles, elle ne lui a pas offert de cadeaux mais a insisté sur la nécessité de se laver plus souvent pendant cette période, l'a incité à la prévenir au cas où elle éprouverait des douleurs et lui a fortement conseillé de noter la date de ses règles sur un calendrier.

26 Le régime de non-dit autour du corps a laissé la place à un devoir d'information concernant les menstruations. Même si le discours sur l'hygiène tient une place essentielle dans cet apprentissage, les filles apprennent que les règles constituent un signe de féminité et de maturité et l'événement est accueilli comme tel. Afin de savoir si ces pratiques contribuent à faire des règles un moment de transition identitaire, il convient désormais de s'intéresser aux récits que font les adolescentes de cette expérience, au sens qu'elles lui accordent et à la façon dont elles se l'approprient.

UN ÉVÉNEMENT QUI AGIT SUR LA DÉFINITION QUE LES JEUNES FILLES SE FONT D'ELLES-MÊMES ET DE LEUR STATUT

27 Dans le récit que les adolescentes font de leurs premières règles, plusieurs facteurs permettent de montrer que cet événement et la façon dont il est présenté et accueilli par la famille, agissent sur la définition qu'elles se font d'elles-mêmes et de leur statut. Les jeunes filles se souviennent de cette première fois qui a engendré des sentiments et des émotions fortes et la présentent comme marquante dans leur parcours. Elles y voient le signe de la fin de leur enfance et de leur accession à la catégorie des femmes, qui implique pour elles des changements d'actions et d'attitude à l'égard de leur corps.

UNE PREMIÈRE FOIS MARQUANTE QUI ENGENDRE DES ÉMOTIONS HÉTÉROCLITES

28 Dans les récits que font les jeunes filles des transformations pubertaires, les premières règles occupent une place prépondérante. Elles se souviennent de la découverte de leur premier écoulement menstruel comme d'un moment fort sur le plan émotionnel et le présentent comme marquant. C'est pourquoi elles ont trouvé les mots pour parler de cette manifestation intime du corps et ont évoqué les circonstances de son déroulement avec beaucoup de détails [6]. Le savoir qu'elles possédaient sur les règles et le contexte

29 dans lequel elles ont fait leur découverte expliquent cependant qu'elles aient pu y associer des sentiments très différents. Celles qui avaient été informées au préalable, que ce soit par leur mère, leurs pairs, ou l'institution scolaire expriment un vécu neutre ou positif des premières règles parce qu'elles ont immédiatement pu en comprendre le sens :

30 « Je savais ce que c'était mes règles. Ça s'est pas super mal passé, j'en garde pas un mauvais souvenir justement. [...] J'étais déjà un peu au courant, j'avais déjà des amies qui les avaient. » (Ariane, 15 ans, fille unique).

31 Contrairement à ce qu'avancent les travaux basés sur le souvenir que des femmes ont de leurs premières règles (Lee, 1994), la survenue de cet événement n'est donc pas systématiquement productrice d'angoisse. Conscientes que l'information reçue à ce propos les a protégées, beaucoup se montrent reconnaissantes envers leurs mères, comme c'est le cas d'Emma, 16 ans, qui relate l'expérience de sa grand-mère :

32 « [À l'époque de] Ma grand-mère, c'était particulièrement austère. Bon elle était dans le Nord et tout. C'était les années ... Je sais pas, elle est née en 1923, c'était dans les années 1930. Quand elle a eu ses premières règles, sa mère ne lui en avait jamais parlé, jamais, jamais parlé ! Et donc, quand elle a eu ses règles, elle était complètement paniquée parce qu'elle pensait qu'elle avait dû se faire mal ou se blesser. Donc là, je me suis dis que, quand même, ma mère m'a aidée. »

33 Toutes les adolescentes n'ont pas pu accéder à ce savoir parce qu'elles étaient plus précoces que leurs camarades ou parce que leurs mères ne leur en avaient pas parlé. Il s'agit souvent de filles uniques ou des aînées de leurs fratries qui, de ce fait, n'ont pas pu bénéficier d'autres sources d'informations. Ces jeunes filles, qui ont accueilli la ménarche dans l'incompréhension et parfois la panique, l'ont immédiatement associée à la honte et la saleté, et ont dû attendre les paroles de leurs proches pour donner un sens à cette manifestation corporelle. Les sentiments très différents que les jeunes filles associent à la découverte de leurs premières règles s'expliquent également par le contexte dans lequel elles en ont pris conscience. En effet, alors même que les premières règles surviennent de manière imprévisible, le sang menstruel doit rester invisible, sous peine d'être associé à la souillure, comme tout ce qui n'est pas à sa place (Douglas, 1967). Une seconde opposition se dessine donc entre les jeunes filles qui ont fait cette découverte dans un contexte favorable à son invisibilité et les autres. Même lorsqu'elles avaient été prévenues et préparées par leurs proches, celles qui s'en sont rendues compte dans un lieu public et ont eu peur de révéler leur état ont éprouvé des sentiments négatifs à l'égard de cette expérience. À l'inverse, celles qui ont fait cette découverte dans un lieu ou à un moment où le risque de visibilité était réduit et / ou qui n'ont pas rencontré de problèmes pour souscrire aux normes sanitaires ont un vécu neutre ou positif. Ainsi, Aude, 13 ans, qui reconnaît avoir été « pas mal préparée » par sa mère, parle pourtant de ses premières règles comme d'un moment « affreux ». Ce n'est pas parce qu'elle ne s'y attendait pas ou ne s'en réjouissait pas, mais plutôt parce que l'événement l'a prise au dépourvue, dans un contexte peu propice à cette découverte :

34 « Ça a été affreux parce que j'étais au restaurant avec mon père et ma s ur. Heureusement qu'il y avait ma s ur parce que pendant tout le repas j'avais mal au ventre et je croyais que c'était parce que j'avais trop mangé. Je suis allée aux toilettes et là le trou noir, j'ai rien fait. Je suis arrivée dans le restaurant, j'ai fait : “Laura viens voir !”. Mon père a fait : “Qu'est ce qui se passe ?”  Ma s ur est venue, je lui ai dit, elle m'a calmé, elle m'a rassurée. »

35 Comme le révèle son récit, la présence d'une personne proche est essentielle à ce moment, non seulement parce qu'elle rassure et calme face à un événement soudain, mais aussi parce que cette personne peut fournir les outils nécessaires à sa prise en charge sanitaire. Cette manifestation corporelle engageant des parties du corps qui ont trait à l'identité sexuelle, les jeunes filles comptent et s'adressent surtout à leur entourage féminin pour leur venir en aide. Celles qui étaient éloignées de leurs parents, soit parce qu'elles se trouvaient à l'école ou en colonie de vacances n'ont dû compter que sur elles-mêmes pour le cacher et l'ont regretté, même si quelques unes ont pu tirer une certaine fierté d'avoir réussi à se « débrouiller » toutes seules.

36 Le fait que les adolescentes se souviennent le plus souvent de façon très précise de cette expérience et la considèrent comme marquante, constitue un premier indice de l'importance que les règles revêtent pour elles. Afin de comprendre en quoi cet événement marque un changement de statut pour les jeunes filles, il convient de s'intéresser au sens qu'elles accordent à cette manifestation et aux bénéfices qu'elles en tirent. 

UN SIGNE MARQUANT LA FIN DE L'ENFANCE ET L'ACCESSION À LA CATÉGORIE DES FEMMES

37 Si les premières règles constituent pour les jeunes filles un événement marquant, c'est qu'elles agissent sur la définition qu'elles se font d'elles-mêmes et pensent qu'on a d'elles.

38 Si les premières règles constituent pour les jeunes filles un événement marquant, c'est qu'elles agissent sur la définition qu'elles se font d'elles-mêmes et pensent qu'on a d'elles. Dans leurs récits, il apparaît clairement qu'en tant que témoin de leurs capacités de procréation, cet événement a constitué un signe de leur accession à la catégorie des femmes et est venu marquer la fin de l'enfance.

39 « C'est vrai que c'est un passage où on se dit : “Ça y est, je suis plus une enfant, je suis une jeune fille maintenant. » (Anne, 19 ans).

40 Auprès de celles qui adhéraient au modèle du « garçon manqué », c'est-à-dire celles qui, du fait de leur socialisation sexuée, avaient des comportements atypiques pour leur sexe (Mennesson, 2004), cet événement est vécu comme un rappel de leur identité de femme. Comme le souligne Anselm Strauss (op. cit), au cours d'un changement de statut, les périodes de transition sont nécessaires car il n'est pas facile de se séparer de son ancien statut. C'est pourquoi l'émotion et la joie que nombre de parents n'hésitent pas à manifester à l'annonce des premières règles, n'est pas systématiquement partagée par les jeunes filles. Leur réaction dépend de la façon dont elles considéraient leur précédent statut au sein de la famille. Lorsqu'elles en étaient satisfaites, ce changement a produit chez elles un fort sentiment de mécontentement :

41 « J'ai pleuré parce que moi j'étais pas pressée de les avoir. Parce que j'étais encore un bébé dans ma tête. Ma mère m'a dit que quand on a ses règles, on devient une femme, qu'on était grande et tout. Et moi je ne voulais pas. Je voulais rester petite. » (Camille, 12 ans).

42 Au contraire, pour celles qui aspiraient à la maturité, il a été accueilli avec joie. Envieuse des prérogatives dont jouissait sa s ur aînée, Mélissa, qui l'a vécu à l'âge de 14 ans, a ainsi vu cet événement comme une occasion d'être considérée et traitée par ses proches comme une grande :

43 « Peut-être que ma mère elle a pris conscience que j'étais moins un bébé. Parce que justement j'avais l'impression qu'ils [ses parents] me considéraient plus comme un bébé parce que j'étais pas formée. Je sais pas dans ma tête je me suis dit, ils vont peut-être moins me prendre... »

44 Tiraillées entre la tristesse de quitter le monde de l'enfance et la joie de pouvoir partager la nouvelle avec leurs amies, nombre de jeunes filles éprouvent des sentiments ambivalents à l'égard de ce changement de statut :

45 « J'ai pleuré, je voulais pas du tout, j'étais pas contente. Et en même temps je me suis dit “Ah je vais pouvoir le dire aux copines !” ». (Edmée, 15 ans).

46 Comme en témoignent les propos de cette interlocutrice, la façon dont les filles accueillent ce changement de statut engage également leurs pairs et dépend de leur « calendrier » pubertaire [7]. Les transformations pubertaires débutent à un âge chronologiquement variable selon les individus, ce qui provoque des décalages de plusieurs mois, voire de quelques années entre les premières et les dernières [8]. À l'âge de 11 ans, 16, 5 % d'entre-elles ont déjà eu leurs règles. À 12 ans, c'est le cas de 46 % et à 13 ans de 75, 9 %. Les travaux de psychologie du développement ont montré que les filles précoces avaient une expérience plus négative que les autres parce qu'elles étaient moins informées et se sentaient différentes de leurs pairs (Ruble et Brooks-Gunn, op. cit). L'importance du calendrier pubertaire des jeunes filles dans le vécu de ce changement de statut prend sens à l'aune du conformisme des sociabilités juvéniles, qui touche tout autant les goûts musicaux et culturels que les apparences qu'affichent les adolescents au collège (Dubet et Martuccelli, 2001 ; Mardon, op. cit) comme au lycée (Pasquier, 2006). Pour être intégré, il faut être comme les autres, afficher les mêmes goûts musicaux et adopter les mêmes codes vestimentaires. Le corps et les transformations pubertaires n'échappent pas à cette règle. Si les jeunes filles « précoces » ou se pensant comme telles sont mécontentes de changer de statut, c'est qu'elles sont insérées dans un univers où il convient encore d'être une enfant. C'est pourquoi certaines vont jusqu'à le cacher à leurs proches, familles ou pairs et à mentir. C'est le cas de Sophie 14 ans, qui a eu ses règles à l'âge de 10 ans. La première fois, elle n'a pas prévenu sa mère. Lorsque celle-ci a tenté d'en parler avec elle, elle a même nié le phénomène à plusieurs reprises. Mais, dès lors que la majorité des filles a ses règles, le statut de jeune fille réglée devient désirable. Les plus précoces tirent alors un certain prestige de leur avance auprès de leurs camarades.

47 Audrey qui a eu ses règles à 11 ans, se souvient d'avoir très mal réagi, alors même que sa mère (infographiste), était présente lorsqu'elle les a découvertes. Seule fille réglée parmi ses camarades de classe, elle ne se sentait pas encore prête à endosser ce signe de maturité, au point qu'elle remette en cause la parole de sa mère sur le moment : « Elle m'a dit : “Oh t'as tes règles.”. J'ai dit : “Non ! Je veux pas”, que c'était pas vrai, que je m'étais fait mal, qu'elle mentait. Bon c'est vrai que je les ai eues très tôt aussi, vers 11 ans et demi, enfin vraiment j'étais la première par exemple de ma classe avec ma meilleure amie... ». Pour rassurer Audrey, sa mère tente de modérer l'impact et l'importance de ce changement : « Elle a essayé de me rassurer, de me dire que c'était normal, que ça changeait rien de spécial ». Mais c'est seulement lorsqu'Audrey a pu en parler avec sa meilleure amie et constater « la jalousie » de ses camarades, qui n'étaient pas encore réglées, que son encombrante précocité s'est muée en une véritable source de fierté.

48 Celles qui sont et se pensent « en retard » par rapport à leurs pairs sont également mécontentes. Tout en se sentant différentes des autres, elles s'inquiètent de la normalité de leur corps. L'absence de règles pose pour ces jeunes filles la question de leur identité, puisqu'être une femme, c'est posséder cette capacité de reproduction dont témoignent les règles :

49 « Au collège, on était un groupe de quatre et j'étais la seule encore à pas les avoir. Et forcément quand on sait ça, on souhaite les avoir, on prie tout le temps, tous les soirs. On se dit “Mais mon dieu pourquoi je les ai pas ? Est-ce que c'est normal, je veux pas être stérile et tout” ». (Marine, 15 ans).

50 Leur inquiétude et leur mécontentement sont souvent renforcés par leur absence de formes. Si les règles jouent un rôle crucial dans la définition de la féminité, c'est également le cas des autres transformations pubertaires tel que le développement de la poitrine et des hanches. Or, à l'âge des premiers flirts, celles qui n'ont pas encore acquis les attributs corporels visibles de la féminité se sentent désavantagées sur le marché amoureux du collège, où l'apparence physique, plus particulièrement pour les filles, constitue une donnée essentielle (Juhem, 1995). Ainsi, lorsque les premiers couples se sont formés dans son collège, en classe de 5e, Sarah, 14 ans, a pu constater que « pour sortir avec des garçons, fallait avoir de la poitrine ». Comme dans le cas des adolescentes « précoces », le désir de conformité aux pairs est si pesant que certaines peuvent aller jusqu'à mentir à leurs proches pour ne pas paraître immatures. Elodie, 13 ans, souhaitait se faire périodiquement dispenser de piscine par sa mère afin de faire croire à ses amies qu'elle avait ses règles. D'autres tentent d'afficher une maturité corporelle qu'elles n'ont pas encore acquise à travers leur vêtement et les outils de l'apparence. Elles soulignent leurs formes en portant des vêtements près du corps ou utilisent du maquillage afin de se vieillir. Le plus souvent, c'est donc avec soulagement et même joie qu'elles accueillent leur statut de jeunes filles réglées, s'empressant, comme Marine, de publiciser la nouvelle auprès de leurs amies :

51 « J'étais avec une de mes meilleures amies, dans ma maison de campagne et je lui ai fait “Ça y est, je les ai !”. Donc c'était... un peu la folie ».

52 Si les premières règles doivent être considérées comme un moment de transition identitaire, c'est non seulement parce qu'elles participent, pour les jeunes filles, à la définition de leur identité de femmes et les poussent à se sentir plus matures, mais aussi parce que comme tout passage d'un statut à un autre, elles impliquent pour elles des changements d'actions et d'attitudes.

CHANGEMENT DE STATUT ET CONTRAINTES SANITAIRES

53 Les règles obligent les jeunes filles à respecter un ensemble de normes sanitaires. Elles doivent rendre leur état imperceptible dans la sphère public et, pour cela, repérer le temps des règles, « surveiller » non seulement le moment « où ça va tomber », mais aussi se munir des outils nécessaires pour assurer son hygiène et prévoir des vêtements qui ne laissent rien deviner, dans l'éventualité où surviendrait un incident. Elles doivent donc faire preuve de ce que Norbert Elias (1976) nomme l'autocontrôle. Ces contraintes sociales expliquent que nombre d'entre-elles éprouvent des sentiments ambivalents à l'égard de leur statut de jeune fille réglée, et pas seulement celles à qui les règles ont été présentées comme une « crise hygiénique ». Lorsqu'elle découvre ses premières règles Lucia, 17 ans, qui en avait discuté avec ses amies et sa mère, se sent immédiatement partagée entre sa joie d'avoir acquis ce signe de maturité et de féminité, comme ses amies, et son mécontentement de devoir gérer ces contraintes sanitaires :

54 « Je me suis dis : “Ah ! Ça y est, moi aussi je les ai ! [Rires]. Moi aussi je les ai et je ne suis plus une petite fille, encore plus une femme”. Et en même temps, ça m'a fait un peu chier, dans le sens où je me suis dit : “Ça y est, je rentre dans les problèmes.” J'étais contente tout de suite. Bon maintenant quand même c'est chiant. C'est une responsabilité quand même. »

55 Même celles qui avaient attendu avec impatience cette première fois, comme Marine, révisent a posteriori leur jugement :

56 « Après quand on les a, c'est bon et on se fait : “Ben mince, je me demande comment j'ai pu souhaiter les avoir”. Parce que quand on les a, ben non, c'est pas marrant. [...] Au départ c'est que des petites traces quoi et puis après... quand on voit que c'est vraiment un liquide rouge qui tombe, qui colle [...]. »

57 Avec la répétition des règles et l'intensification du flux menstruel, l'écoulement du sang leur apparaît sous un jour nouveau. Il ne représente plus seulement un signe de maturité et de féminité, mais aussi une manifestation gênante, potentiellement source de souillure et de saleté. La peur de subir l'humiliation et la honte qui sanctionnent le manquement à ce devoir d'hygiène et de dissimulation imposé aux femmes est à l'origine de ce changement de perception et se retrouvent dans tous les récits des jeunes filles. Sans compter que l'autocontrôle n'est pas facilité par l'irrégularité des cycles durant les premiers mois, celles ayant des règles « abondantes », « douloureuses », ou éprouvant des changements d'humeur, se déclarant d'autant plus gênées, comme Marine, 15 ans, qui oppose son tempérament « actif » à celui « mou » qu'elle possède pendant cette période de sa vie. Les plus sportives sont aussi frustrées par les restrictions qu'engendrent ces nécessités sanitaires :

58 « Là où j'ai vu que ça pouvait m'énerver [les règles] c'était que j'étais quelqu'un qui nageais beaucoup, j'adorais l'eau et là, je pouvais pas faire comme je voulais, fallait que je surveille. » (Aurélie, 19 ans).

59 Le mécontentement des jeunes filles à l'égard de leur nouveau statut est renforcé par les techniques qui leur sont conseillées du fait de leur jeune âge. Dans la plupart des familles, elles sont en effet incitées à user de serviettes hygiéniques, le recours aux tampons, qui évitent taches et odeurs, ne faisant pas consensus. Le fait que l'objet s'insère dans le vagin, qu'il nécessite un contact avec les organes génitaux et leur « exploration » sont autant d'obstacles à son usage. Pour les filles d'origine maghrébine, son utilisation est proscrite car on craint qu'il ne vienne rompre l'hymen, qui constitue la matérialisation de la virginité de la jeune fille (Sissa, 1987). L'insistance avec laquelle les jeunes filles reviennent sur ce thème tant en entretien que lors de séances d'éducation à la vie sexuelle et relationnelle traduit l'insistance des mères à ce sujet.

60 Au cours d'un entretien collectif réalisé avec des élèves de quatrième du collège J, une jeune fille précise que sa mère l'a bien mise en garde contre ce type de protection. Son amie intervient pour expliquer la raison de cet avertissement et pour s'assurer auprès de moi de sa justesse : « Après on perd notre virginité, c'est vrai ? ». Lors des séances d'éducation à la vie sexuelle et relationnelle organisées en classe non mixte dans le même collège, plusieurs filles ont systématiquement sollicité les intervenantes sur cette question. L'une d'elles mi-interrogative, mi-affirmative s'adresse à l'intervenante pour demander : « C'est interdit les tampons ?». Une autre intervient à la cantonade pour affirmer : « Ma mère, elle veut pas que j'en mette ».

61 Quelques mères luttent pourtant contre ce type de restrictions qui sont associées aux règles et engagent les filles à utiliser très tôt des tampons. D'autres se gardent bien de trop insister sur la nécessité de se laver plus fréquemment, pour ne pas associer menstruations et souillure dans l'esprit de leurs filles. Mais ces résistances individuelles sont loin de transformer la représentation largement dominante des adolescentes.

62 L'attitude des jeunes filles à l'égard des règles, des contraintes sanitaires qu'elles imposent et des symptômes qu'elles peuvent entraîner, n'est cependant pas dénuée de ressorts stratégiques. Elles peuvent se servir de ces contraintes pour négocier une dispense sportive, souvent en mobilisant la complicité de leur mère, ou pour réclamer une meilleure considération au sein de leur famille. En témoigne l'attitude de Lucia, lycéenne de 17 ans qui s'en sert comme d'un moyen légitime pour exprimer son mécontentement à l'égard de son frère, lorsqu'il se montre trop taquin, ou des obligations familiales qu'on lui impose. Si la gêne des filles à propos des contraintes de l'hygiène s'atténue avec le temps, ce changement traduit moins la disparition des normes que leur intériorisation ou la sédimentation des habitudes sanitaires ainsi qu'une modification des produits utilisés. De même, nombre de médicaments sont susceptibles de soulager leurs souffrances, notamment la pilule, qui régule le cycle et le flux des règles, et peut également remédier à l'acné (Guyard, 2006), mais il les inscrit irrémédiablement sur la voie de la médicalisation du corps dont on sait qu'elle n'a pas que des effets « bénéfiques » et libérateurs.

CONCLUSION

63 En s'intéressant aux pratiques éducatives concernant la ménarche, mais aussi au sens que les jeunes filles accordent à cet événement et à la façon dont elles se l'approprient, cet article montre que les premières règles constituent un véritable moment de transition identitaire, c'est-à-dire un événement qui agit sur la définition qu'elles se font d'elles-mêmes et pensent qu'on se fait d'elles. Que leur découverte ait été vécue comme effrayante, neutre ou positive, les premières règles signent la fin de l'enfance et participent à la définition de leur identité de femme, ce qui implique pour elles des changements d'actions et d'attitudes.

64 Alors que la sociologie de la jeunesse occulte généralement la question du corps lorsqu'elle étudie l'adolescence, notre article réhabilite donc cet objet d'étude. Il montre en effet que l'entrée dans l'adolescence est tout autant déterminée par la puberté, entendu comme un événement socialement construit, que par les changements qui s'opèrent dans les pratiques culturelles. Il permet par conséquent de mieux définir l'expérience des jeunes, qui n'est pas seulement caractérisée par leur volonté de « faire reconnaître » à leur entourage le changement de taille symbolique dû à l'entrée au collège (de Singly, 2006), mais bien aussi par la nécessité de « s'adapter » aux changements symboliques entraînés par la puberté.

65 Mettre au jour la place des phénomènes physiologiques dans l'entrée dans l'adolescence ouvre de nouvelles pistes de recherche. En effet, nous avons souligné que les transformations pubertaires avaient un impact sur la façon dont les adolescentes adoptaient les codes culturels de leur classe d'âge et, plus particulièrement, les codes vestimentaires. Ces premiers résultats, qui mériteraient de plus amples développements, suggèrent que les interactions entre les transformations pubertaires et le processus de maturation sociale constituent une des spécificités de l'entrée dans l'adolescence.

66 À ce stade de notre réflexion, la question des garçons et de la place de la puberté dans la définition qu'ils se font d'eux-mêmes et de leur statut reste entière. On peut cependant faire l'hypothèse que si les premières éjaculations ou la mue de la voix ne constituent pas véritablement des moments de transition identitaire, elles participent cependant à la construction de leur expérience adolescente, notamment à travers les échanges dont elles font l'objet entre pairs.

UN RÉCIT QUI NE VA PAS DE SOI

67 L'expérience des premières règles fait partie de ces événements dont les jeunes filles se souviennent même si son évocation ne va pas de soi. Elle engage en effet des parties du corps et des sécrétions intimes que les normes sociales imposent de cacher et de taire depuis la Renaissance (Elias, op. cit). C'est pourquoi les récits sont marqués par les codes qui régissent l'expression de l'intimité corporelle. L'expérience ne se raconte pas en présence d'un garçon même si elle peut l'être devant plusieurs autres filles. Et même dans ce cas, les règles sont désignées par des tournures impersonnelles telles que « ça » ou « les avoir ». Le sang et son écoulement sont rarement évoqués, même si c'est bien le constat de cet écoulement qui a alerté les jeunes filles. Lorsque c'est le cas, c'est souvent de manière détournée, à travers la référence à la « flaque », la « tache », ou encore au sentiment de dégoût que sa vue a provoqué, la mise en exergue de ce sentiment rendant acceptable une évocation qui passe pour téméraire. C'est d'ailleurs moins le sang en lui-même qui pose problème que le fait qu'il s'écoule des parties génitales du corps, ce qui n'apparaît jamais dans les récits. La survenue des menstruations peut aussi être décrite sous l'angle de la douleur qui les accompagne. Ici, le corps n'est pas absent mais l'événement est décrit sous une forme acceptable du partage de l'intimité corporelle avec un autre. Chez les lycéennes et les plus âgées des collégiennes, l'euphémisation des manifestations corporelles est plus exacerbée, ce qui témoigne d'une plus grande intériorisation des règles qui structurent l'expression des manifestations intimes du corps. Le récit des jeunes filles se structure moins autour de ce qui se passe sur le plan corporel, que du contexte dans lequel il se déroule et des sentiments qu'elles ont alors éprouvés. Des premières menstruations, on saura donc qu'elles ont eu lieu tôt le matin, avant de partir à l'école, tard le soir, avant de se coucher, en vacances dans la maison familiale ou en centre de vacances, qu'elles ont surpris ou étaient attendues avec impatience, que la mère était présente ou, au contraire, absente, qu'elles ont été l'occasion d'un échange ou ont été entourées d'un lourd silence. Les adolescentes évoquent ce qu'il est socialement possible d'en dire, ce qu'on pourrait nommer le « bon scénario social » du récit [9], mais aussi, ce qu'il est important d'en dire pour elles, cet événement provoquant souvent des émotions et des sentiments très forts.

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    La menstruation est définie comme un écoulement de sang par le vagin, dû à la chute de la partie superficielle de la muqueuse utérine sous l'effet des hormones sexuelles qui se produit normalement tous les 25 à 30 jours, de la puberté à la ménopause. En France, l'âge médian à la ménarche est de 13,1 ans, 90 % des filles vivant leurs premières menstruations entre 11 et 14 ans (Rochebrochard, 1999). Cet âge a diminué de trois ans, en France, en passant de près de 16 ans dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle à près de 13 ans dans la deuxième moitié du XXe siècle, évolution qui s'observe dans l'ensemble des pays développés. Ce déclin se poursuit en 1994 (Rochebrochard, op. cit), et s'explique par l'amélioration de la qualité et de la quantité nutritionnelle (Levasseur et Thibault, 1980 ; Shorter, 1981).
  • [2]
    Dans son roman largement autobiographique intitulé Une Femme (1987), la romancière Annie Ernaux évoque ses premières règles et le silence gêné de sa mère à cette occasion.
  • [3]
    Les traités éducatifs véhiculent l'idée selon laquelle le dialogue s'établit plus facilement entre l'enfant et le parent du même sexe. Il n'existe pas de « devoir de parole » équivalent en ce qui concerne les premières éjaculations, certainement parce qu'elles renvoient directement à la sexualité. Les traités sur l'adolescence à destination des adolescents enjoignent cependant les garçons à s'adresser à leurs parents pour parler des changements pubertaires.
  • [4]
    L'école constitue une source d'information concernant les règles puisque, sur l'ensemble du cycle scolaire, quarante heures doivent désormais être consacrées à l'éducation à la santé, dont dix à la sexualité (Kniebiehler, 2002). Mais elle ne constitue pas systématiquement une source d'information préparatoire pour les jeunes filles, ces séances se déroulant souvent en classe de 4e et de 3e, c'est-à-dire à un moment où une majorité des filles a déjà eu ses règles.
  • [5]
    Les femmes identifient leur corps à celui des membres de la famille en ayant plus spécifiquement pour modèle identificatoire le corps de la mère et le corps de la grand-mère maternelle (Guyard, 2008). Nous avons pu constater que cette « filiation du corps » constituait un outil mobilisé par les mères pour situer l'âge des premières règles de leurs filles.
  • [6]
    Nous renvoyons le lecteur à l'encadré situé à la fin de cet article.
  • [7]
    La psychologie du développement parle de « timing » pubertaire (Ruble et Brooks-Gunn, 1982).
  • [8]
    C'est ce qui ressort des données de l'enquête ACSJ, présentées par Elise de La Rochebrochart (1999).
  • [9]
    Pour reprendre l'expression employée par Didier Le Gall et Charlotte Le Van (2002) à propos des récits de la première expérience sexuelle.
  • [*]
    L'auteure tient à remercier Célia Bense Ferreira Alves, Laurence Guyard, Aurélie Peyrin ainsi que les lecteurs de la revue pour leurs remarques sur les versions préalables de ce texte.
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