Notes
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[1]
Ce numéro est le résultat d'une réflexion menée dans le cadre du colloque « Sans droits, sans travail, sans logement, sans papiers : des précaires en mouvement », tenu les 19 et 20 janvier 2006 à Strasbourg et organisé par le GSPE-PRISME (CNRS UMR 7012) et l'Association française de science politique avec le soutien du CNRS. Vincent Dubois a soutenu cette publication par ses conseils, son concours, qu'il en soit remercié. Merci également à Frédéric Chateigner. Pour leur lecture attentive et leurs remarques constructives, merci au membres du comité de rédaction.
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[2]
Voir Johanna Siméant (1998) à propos des sans papiers, Daniel Mouchard (2002) sur les mouvements de « sans » ; Sophie Maurer (2001) dans une approche comparée de populations mobilisées et non mobilisées, sur les chômeurs durant l'hiver 1997-1998 ; et Cécile Péchu (2004), s'intéressant aux mobilisations des sans logis.
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[3]
Sur cette distinction voir notamment Cingolani, 2005 ; Billiard, Debordeaux, Lurol, 2000. Au milieu des années 1980 déjà, André Villeneuve soulignait que la multiplication d'indicateurs « objectifs » susceptibles de « mesurer » la précarité ne devait pas dispenser le chercheur, même dans une perspective statistique, d'avoir une approche biographique, i.e. processuelle, du phénomène (Villeneuve, 1984 : 105).
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[4]
D'ailleurs ces discours ressurgissent régulièrement notamment dans le traitement médiatique de ce qui a été appelé « les émeutes des banlieues de novembre 2005 ». Sur ce point Gérard Mauger (2006b).
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[5]
Lénine, déjà, soulignait que ce n'était pas les classes laborieuses qui avaient une conscience de classe et qui se mobilisaient et surtout pas le Lumpenprolétariat. La prise de conscience provenait de classes moyennes qui se sentaient en danger et dont la tâche consistait à s'identifier aux ouvriers pour les convaincre du bien-fondé de la révolution prolétarienne.
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[6]
La colère est construite comme le moteur de l'action par les militants d'Act Up (Lestrade, 2000).
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[7]
Sur ce point on consultera avec profit la thèse de Cécile Péchu (citée) et plus particulièrement les pages 55 à 61.
1Depuis quelques années, en France, la précarité est brandie comme label unificateur de mobilisations dont les acteurs sont socialement très hétérogènes. Que l'on songe aux intermittents du spectacle constitués en collectifs de précaires, aux chercheurs sans statut lors du mouvement Sauvons la Recherche ou encore aux mobilisations de stagiaires lancées par le collectif « génération précaire ». Dans les travaux scientifiques, la précarité intéresse les sociologues du travail (Castel 1995, Demazière 2006), les sociologues de la pauvreté (Schultheis, Paugam 1998) et, comme on le verra plus particulièrement dans ce dossier, les spécialistes de l'action collective (Pierru, Maurer 2001). Les travaux sur les engagements et mobilisations de précaires se sont en effet multipliés. Les plus récents en France montrent que de telles mobilisations ont transformé l'action collective, conduisant à l'autonomisation d'un champ militant par rapport au champ partisan (Péchu 2004).
2Cela n'empêche pas que l'hypothèse classique de l'improbabilité de ces mobilisations [2] d'agents a priori dépourvus de capitaux économiques ou sociaux mérite d'être rediscutée ; nous y reviendrons. Cela ne doit pas davantage conduire à céder aux sirènes de la nouveauté des mobilisations de précaires. Nous montrerons a contrario qu'elles s'inscrivent dans des continuités. Verta Taylor (1989, 2005) a révélé le lien entre les mouvements de femmes des années 1920 et ceux des années 1960 aux États-Unis à partir du concept d'« abeyance structures », « structures de rémanence », qui sont mises en sommeil en contexte hostile, puis réactivées. L'usage de cette notion permet en l'espèce (Hmed, Pierru dans ce numéro) de comprendre comment le label de « précaires » s'est progressivement imposé au détriment de celui des « sans » à partir des années 2000. Doit-on y voir une euphémisation des discours sur les plus démunis qui seraient seulement fragilisés et non plus totalement dépourvus ? Doit-on y lire une volonté de relier la pauvreté aux transformations du marché du travail toujours plus flexible et répondant aux logiques instituées par le néolibéralisme (Willemez 2006, Lebaron, 2003) ? Doit-on encore y suggérer un label permettant aux mobilisés une identification moins stigmatisante que celle de « sans » ? Dans cette perspective il convient de revenir sur la façon dont la précarité est mobilisée par les entrepreneurs de cause, les prescripteurs du sens des mobilisations institutions, médias, adversaires de la cause, etc.
3Pour ce faire, nous analyserons dans une première partie les multiples modalités d'usage du terme et du thème de la précarité. La diversité de ses usages sociaux et scientifiques en fait une notion floue, l'émergence de discours hybrides (Hamman et alii, 2001) pour qualifier ces mobilisations rendant particulièrement nécessaire un effort de clarification préalable. Nous pourrons, dans un second temps, cerner la manière dont s'établissent les passerelles entre le label précaire comme ressource collective mobilisable et l'action protestataire. Nous montrerons ainsi comment s'effectue le passage de l'indignité sociale (Collovald 2004, Pierru 2005) à des mobilisations qui prennent leurs agents dans le double jeu des logiques organisationnelles et des soutiens externes ; double jeu qui détermine à la fois les conditions pratiques des mobilisations et le travail symbolique de leur qualification.
USAGES ET MÉSUSAGES DE « LA PRÉCARITÉ »
4Un des premiers enjeux théoriques de ce numéro est de montrer la plasticité de ce label, apparu récemment dans les champs scientifique et politique. Aux mouvements des « sans » des années 1990 succèderaient des mobilisations de « précaires » qui doivent être lues à partir des évolutions des cadres théoriques sur l'action collective de la science politique et la tradition de la sociologie de la pauvreté. L'ambition est ici de relier les réflexions sur les acteurs à faibles ressources, parmi lesquels on range les précaires, et celles entamées sur les mobilisations des mouvements sociaux contestataires qui ont récemment suscité des controverses scientifiques.
RETOUR SUR LES USAGES SCIENTIFIQUES ET SOCIAUX D'UNE NOTION
5La récente bonne fortune tout à la fois médiatique, sociale, politique et savante du terme de précarité ne doit pas faire oublier qu'il vient de loin. Pour ne prendre que les usages savants, il était déjà repérable dans une publication de 1985 qui porte sur les liens entre pauvreté et précarité (Offredi, 1985). Comme le fait remarquer Barbier, la « précarité est déjà dans les années soixante-dix un terme courant dans les discours politiques et il s'inscrit essentiellement dans le secteur social et médico-social » (Barbier, 2005 ; 2002). En 1984, il fait l'objet d'une réflexion au sein de l'INSEE quant à la possibilité de sa traduction statistique (Villeneuve, 1984). Bien évidemment, son usage ne va cesser de se développer à l'orée des années 1990 dans un contexte d'aggravation des effets sociaux de la crise économique. Si le terme de précarité est alors largement inféodé à une autre catégorie en vogue (bien qu'il la précède), celle d'exclusion, il tend ces dernières années à s'autonomiser dans le débat public pour s'imposer peu à peu comme le référentiel du débat public pour parler de la question sociale. Il est impossible ici de retracer précisément l'histoire du terme et la multiplicité des usages inflationnistes de la notion de précarité À la suite des analyses de Barbier (Barbier, 2002), retenons simplement que la précarité a d'abord été une notion dans le champ de la sociologie de la famille (pour analyser « les cas sociaux »), puis qu'elle s'est appliquée progressivement aux problèmes du travail et de l'emploi pour finir par désigner la société dans son ensemble qui est ou serait devenue précaire. L'éclatement d'un salariat de plus en plus directement exposé aux aléas du marché, la montée structurelle de l'instabilité de l'emploi et de toutes ses formes atypiques (par rapport au modèle de l'emploi stable), la tertiarisation des économies (et son corollaire, la personnalisation croissante des relations d'échange dans des économies de services) révèleraient tout autant qu'elles produiraient une montée globale des « nouvelles précarités » ainsi qu'un isolement social toujours plus marqué des salariés (Maurin, 2005). Plus généralement, ce seraient les catégories de visions et de divisions du monde social, les principes de classement hérités des trente glorieuses qui seraient, dans cette nouvelle société française, frappées d'obsolescence (et, en premier lieu, les catégories socio-professionnelles).
6Ces constats de précarisation de la société et, en particulier, celui d'une croissance généralisée de l'instabilité de l'emploi, font toutefois l'objet de vifs débats notamment sur la pertinence des indicateurs statistiques retenus pour la mesurer. Plutôt qu'une instabilité croissante, certains diagnostiquent une augmentation des mobilités contraintes sur des marchés externes du travail de plus en plus segmentés en fractions spécifiques (les jeunes avec une faible ancienneté dans l'entreprise, les femmes, les non qualifié(e)s, etc.) (Ramaux, 2006). Trancher dans ces controverses n'est pas notre propos ici (Pierru, 2005). Notons simplement qu'elles révèlent une faible stabilisation de la précarité comme catégorie d'appréhension des problèmes sociaux et soulignent la fragilité des mesures (et donc des conventions d'équivalence qui les sous-tendent) d'un phénomène qui fait pourtant l'objet d'un très large consensus dans le débat public (au sujet de la « fin du modèle social français », de la « crise sociale française » et ses remèdes supposés : la « sécurisation des parcours professionnels », la « flex-sécurité », etc.). Si besoin supplémentaire était, pour le sociologue, de se défier du piège substantialiste, Barbier note enfin que, d'un strict point de vue notionnel, la notion de précarité, telle qu'elle est usitée dans le cadre hexagonal, est peu exportable et ne peut donc donner lieu à des comparaisons internationales. Par exemple, si la précarité de l'emploi, dans son acception française, recouvre à peu près la même réalité en Italie et en Espagne, elle ne se pose pas dans les mêmes termes en Allemagne et ne fait guère sens au Royaume-Uni (notamment parce qu'il n'existe pas d'emploi atypique par rapport à une norme standard). La précarité « à la française » est donc une notion inexportable (Barbier, 2005 : 363).
7Faiblement stabilisée comme notion, la précarité ne renvoie à rien d'institué : aucun secteur d'action publique ne se fonde sur cette notion. Un programme de recherche novateur, encore très peu exploré en France (Dubois, 1999, Ebersold, 2003) devrait, sur le fondement des acquis de la sociologie des problèmes publics, réfléchir aux modalités de traitement politico-institutionnel des précaires, i.e. aux formes d'intervention publique sur des populations labellisées comme telles ainsi qu'à leurs effets. Ce faisant, on serait conduit à penser les logiques d'institutionnalisation de la précarité, à savoir sa production et sa fabrication par un ensemble d'acteurs hétérogènes qui conduisent à des formes d'inculcation de rapports précarisés au monde et d'habitus flexible garantissant la docilité de certaines catégories de la population. On verrait alors à quel point l'individualisation n'est pas un fatum des sociétés modernes mais bien le produit des transformations des modes de domination, en particulier dans le travail (Gollac, Volkoff, 1996) mais aussi dans le non emploi. Les formes de traitement social du chômage ne contribuent pas seulement à dé-faire la catégorie de chômage elle-même mais aussi à transformer le rapport à soi qu'ont les individus en marge du salariat stable. Ainsi, la rhétorique insertionnelle et la catégorie d'inemployabilité qui la sous-tend (Mauger, 2001 ; Pierru 2005) inscrit l'absence momentanée ou définitive d'emploi dans une problématique du handicap personnel et d'une gestion individualisée des risques sociaux (Ebersold, 2003). « Faire du collectif » n'en devient dès lors que plus difficile quand les individus sont en permanence renvoyés à leurs manques supposés personnels (de responsabilité, d'autonomie, etc.) et dés-encastrés de tous les collectifs, au passage disqualifiés, sur lesquels pourraient se construire des résistances autres qu'individuelles (Beaud, Pialoux, 1999). C'est en ayant ces évolutions à l'esprit que l'on peut comprendre le succès de la notion de précarité.
8En tout état de cause, il apparaît que l'inflation discursive actuelle autour de cette notion tient à son caractère foncièrement hybride, à l'articulation du savant et du politique, autorisant des transferts d'autorité scientifique dans les discours militants contemporains. La prolifération du terme est telle que l'on parle désormais non seulement de précarité de l'emploi mais aussi de précarité du logement, de précarité en matière d'accès aux soins, etc., et ce dans les milieux savants mais aussi, et surtout dans les cercles militants (qui sont bien souvent sécants dans le champ des sciences sociales). « La » précarité se décline peu à peu en autant de précarités dans l'espace multidimensionnel des problèmes sociaux contemporains (Empan, 2006) et sert de bannière politique à de nombreuses entreprises de mobilisation sur des secteurs de mouvement social particuliers. Elle fonctionne de plus en plus comme un attracteur symbolique pour fédérer et condenser des causes hétérogènes comme l'ont été dans les dernières décennies les « exclus » ou les « sans » dans le mouvement social. La notion de précarité présente cette propriété d'élasticité militante qui incite aussi à tous les relâchements dans les usages (demi) savants.
UNE TENTATIVE DE CLARIFICATION ENTRE PAUVRETÉ, INSÉCURITÉ ET STIGMATISATION
9Dans un effort de clarification sémantique sans prétendre à une définition préalable tout à fait stabilisée on pourrait dire d'abord que le terme de précarité balise un espace de la fragilité ou de la vulnérabilité sociale et économique qui est marqué par un rapport incertain à l'avenir. Ou, si l'on veut le dire autrement, la précarité renvoie à une insécurité multiforme, on y reviendra. Ensuite, l'origine latine du terme précarité vient de precarius, « ce qui est obtenu par la prière, qui ne s'exerce que grâce à une autorisation révocable » rappelle qu'il a partie liée à des rapports sociaux de domination : « être en situation de précarité renvoie alors à l'absence de choix et à la faiblesse des marges de man uvre dans la conduite de l'existence » (Hélardot, 2005 : 31 ; Faguer, 1999). Vivre dans la précarité, c'est donc exister dans l'incertitude du lendemain, d'un côté, et subir la volonté voire l'arbitraire d'autrui, de l'autre. Ce faisant, on définit moins la précarité en tant que catégorie durcie et objectivée (donc statistiquement mesurable) que l'expérience de la précarité ou plutôt une multiplicité d'expérience(s) de la précarité : il n'existe pas en effet une seule et unique forme de domination ou même un seul type de rapport incertain à l'avenir. Un salarié peut être dans un emploi stable et éprouver une vive souffrance au travail (liée par exemple aux formes d'intensification et la pénibilité croissantes des tâches (Gollac, Volkoff, 1996)). De même l'instabilité de l'emploi n'est pas incompatible avec une certaine forme de satisfaction dans le travail : on reconnaît là les traits du « salarié de la précarité » tel que le définit, entre autres, Paugam (2000).
10Plutôt que de parler métaphoriquement de la précarité en général, mieux vaudrait, pour ce qui nous concerne ici, parler des précaires ; ce qui renvoie à la diversité des conditions objectives d'existence et à la multiplicité des perceptions précarisées [3]. Loin de former un groupe social homogène, les précaires peuvent se définir au travers de couples d'opposition (non exclusifs les uns des autres) qui peuvent donner lieu les contributions à ce numéro le montrent à des expériences extrêmement variées et difficilement comparables : subordination ou indépendance/continuité (du contrat) de travail ou intermittence (de l'emploi)/régularité des ressources ou discontinuité des revenus par exemple.
11On pourrait ainsi proposer une topographie du phénomène en trois dimensions.
12La première, qui est aussi la plus évidente et la plus ancienne, renvoie à l'insécurité matérielle ou économique, c'est-à-dire à la discontinuité et/ou à la faiblesse des revenus. L'acception retenue sur cet axe est, pour une large part, synonyme de pauvreté (relative ou absolue). La faiblesse des ressources produit une misère de condition génératrice d'une multiplicité de fragilités (en terme de logement, de santé, d'éducation, etc.). Mais, encore une fois, il faut rappeler que ces deux catégories ne peuvent se confondre : on peut être, et se vivre comme précaire sans être pauvre au sens statistique du terme et inversement (il suffit de penser à la thématique en vogue des « nouveaux travailleurs pauvres »). Il n'en reste pas moins que les précaires désignent fréquemment des « populations à ressources faibles » sur lesquelles toute une riche littérature en sociologie des mouvements sociaux s'est largement déployée.
13La seconde dimension de la précarité serait celle de l'insécurité statutaire : elle peut prendre la forme d'un déficit de protection (par exemple, les trous dans les filets de la protection sociale). On retrouve là, la définition centrale de Castel de l' insécurité sociale qui se définit comme l'impossibilité de se ou d'être protégé(r) contre les aléas de l'existence (vieillesse, maladie, chômage, etc.) (Castel, 2003). La précarité est vue ici comme une conséquence de l'affaiblissement de l'État social et des formes de propriétés sociales qu'il avait assurées jusqu'alors. Cette insécurité statutaire peut aussi prendre la forme d'une insécurité juridique (Dubois, 1999 ; 2003). Le démantèlement de pans entiers du droit du travail (Willemez, 2006) est, on le sait, source d'une exposition aux aléas du marché pour des salariés toujours plus nombreux. Cet affaissement des ressources juridiques (donc collectives) fait que l'avenir se vit comme une menace (de déclassement voire de disqualification). Parce qu'ils sont de plus en plus collectivement « à découvert », les individus vivent généralement leur condition précaire sur le mode de la souffrance sociale et de la peur de la déchéance statutaire. Aussi même si la précarité ne peut être définie, on l'a dit, comme une catégorie statistique recouvrant un ensemble de situations homogènes, il ne faut pas oublier pour autant que la précarité existe dans les représentations en tant que rapport angoissé au travail et à l'avenir (Paugam, 2005). Toutes précautions méthodologiques et interprétatives gardées, un sondage IFOP de décembre 2006 montre par exemple que la moitié des Français craignent de devenir un jour sans domicile fixe. Moins caricaturales, toutes les enquêtes disponibles montrent qu'à un degré ou à un autre, les individus entretiennent un rapport pessimiste à leur avenir ou, le cas échéant, à celui de leurs enfants ou de leurs proches. La précarité (ou plus justement, le sentiment de précarisation) est donc étroitement arrimée à la question des droits et des protections institués soit sous la forme extrême de leur négation/absence à l'instar des sans-papiers soit du point de vue de leurs discontinuités (qui n'ouvrent pas de droit à l'assurance chômage par exemple). La problématique de « l'ayant-droit » recouvre presque toujours un enjeu existentiel : celui de l'identité sociale. Exister socialement, c'est d'abord avoir un statut juridiquement garanti, même si ce statut est stigmatisé...
14Et on en arrive précisément à une troisième dimension de la précarité : celle du stigmate ou de l'indignité sociale. La vie précaire est, en effet, bien souvent empreinte de stigmatisations puissantes qui, conjuguées à ce rapport incertain voire angoissé à l'avenir, sont à l'origine des formes d'individualisme négatif dont parle Castel. Ces dénis identitaires (qui peuvent aller jusqu'au déni d'humanité) sont plus souvent à l'origine de comportements auto-destructeurs (toxicomanies, conduites à risques, etc.) que porteurs de revendications politiquement structurées et collectivement organisées (Mauger, 2006a). C'est bien sûr ce qui rend improbables les mobilisations de précaires qui sont donc aussi des mobilisations précaires puisque travaillées intérieurement par l'entropie identitaire de leurs acteurs. Ce fait est bien connu dans le cas des mouvements de chômeurs qui, par définition, ne peuvent être que des mouvements à la marge et intrinsèquement instables tant la condition même de chômeur reste paradoxalement très stigmatisée dans un contexte de chômage de masse. Ceci dit, il ne faut pas oublier qu'il y a une emprise très variable, selon les moments et les lieux, des stigmates sociaux qui en outre, peuvent faire l'objet d'usages sociaux et politiques de la part des individus concernés. La capacité à retourner le stigmate (Goffman, 1975) reste le fondement de la construction collective des causes précaires. Il n'en reste pas moins que ces retournements sont toujours provisoires, et que les indignités sociales reprennent vite leurs droits en renvoyant dans l'illégitimité ceux qui s'y étaient investis, laissant après coup déceptions, ressentiment et amertume. La construction sociale des identités précaires et, partant, leur gestion militante et politique (ou, comme on voudra, leur politisation) doit être au c ur de la réflexion sur les mobilisations précaires.
DE L'INDIGNITÉ SOCIALE À LA MOBILISATION
15Avant de revenir précisément sur ce point et le cas spécifique des mouvements de précaires, nous rappellerons plus généralement les grands paradigmes d'analyse des mouvements sociaux afin de poser leurs possibles articulations.
LES THÉORIES CLASSIQUES DES MOBILISATIONS COLLECTIVES
16Les théories du comportement collectif, de la mobilisation des ressources et des nouveaux mouvements sociaux constituent un triptyque que l'on se propose de revisiter à l'aune des travaux sur les mouvements de pauvres et par extension des précaires.
17Les mouvements sociaux ont suscité l'analyse dès la fin du XIXe siècle. Les tenants des théories du comportement collectif constituent une première école qui s'intéresse à la protestation collective, hormis les travaux de Karl Marx. Deux courants symbolisent cette école, les pionniers de la théorie de la contagion et leurs héritiers américains des années 1950-60 de la frustration relative. Leur objectif est de trouver ce qui est au principe de l'explosion sociale des masses, dans une conception normative de la mobilisation synonyme de pathologie sociale, et donc sans rendre compte des contextes politiques, des représentations des agents mobilisés. Les auteurs de la contagion (Le Bon, 1895 ; Tarde, 1901) conservateurs envisagent des foules qui disposent de caractéristiques propres : violentes, irrationnelles, débauchées... Pour ces derniers, les mobilisations de masse sont facteurs de désordre, de destruction [4]. Leurs héritiers américains amendent ces analyses en reconnaissant aux mouvements protestataires une rationalité, une capacité au changement social. Ils s'intéressent aux croyances des agents mobilisés et tentent de sociologiser le propos initial. Le modèle de la frustration relative (Gurr, 1970), rend (trop) partiellement compte de cette volonté de s'intéresser aux perceptions subjectives des agents et, comme les autres approches psychosociales, ne permet pas de comprendre comment les frustrations individuelles convergent vers une expression commune. Les contributions réunies dans ce dossier ne laissent pas de tels angles morts. Elles s'intéressent aux raisons invoquées et subjectivement évaluées par les précaires qui s'engagent. Elles resituent ces motifs dans le cadre plus large des ressorts de l'action. Ici, ce ne sont pas tant les précaires totalement démunis qui s'engagent que les fractions en déclin qui, percevant le risque de perdre le peu qu'il leur reste ou celui de leur déclassement, militent [5] et se mettent en colère [6].
18Le paradigme de la mobilisation des ressources apparaît aux États-Unis dans les années 1960-70 dans un contexte de mobilisations des afro-américains pour l'obtention des droits civiques et des mouvements contre la guerre du Vietnam. Les auteurs (McCarthy, Zald, 1977) s'intéressent aux modalités de mobilisations et visent à cerner les logiques de l'action collective (Olson, 1966) dans une perspective entrepreneuriale et économique. Olson montre que si des incitations sélectives ne sont pas prévues pour les mobilisés, les individus rationnels adopteront une attitude de free rider moins coûteuse et permettant d'obtenir le gain de la mobilisation. La théorie de la mobilisation des ressources souligne donc la place et le poids des organisations dans des mobilisations protestataires, ce qui permet d'aborder les enjeux des processus de spécialisation et de professionnalisation. Ce modèle ignore toutefois les rétributions symboliques de la mobilisation et plus généralement de l'engagement que Daniel Gaxie (1977) pointe dans le militantisme partisan communiste.
19Enfin le paradigme des nouveaux mouvements sociaux (NMS) qui apparaît en France dans les années 1960-70 (Touraine, 1978) tente de montrer l'avènement d'une société postindustrielle dans laquelle on se mobilise pour des valeurs plus symboliques (écologie, féminisme). Ce qui pose problème dans ce modèle c'est le caractère artificiellement novateur des mouvements. Ainsi, le mouvement féministe est ancien et les mobilisations de femmes existaient déjà à la fin du XIXe siècle.
MOUVEMENTS DE PAUVRES, RÉPERTOIRE D'ACTION, CADRAGE ET ANALYSE IDENTITAIRE
20Sans oublier les apports de ces théories classiques, quatre courants d'analyse nous semblent plus directement utiles à l'analyse des mobilisations de précaires et seront plus particulièrement utilisés dans ce dossier : la sociologie des mouvements de pauvres, l'analyse des répertoires d'action, celle du cadrage des mobilisations et enfin les perspectives identitaires.
21Si l'on s'attache à lire les mobilisations de précaires à partir de la base sociale, la sociologie des mouvements de pauvres ouvre des perspectives en termes d'action collective. La perspective classique des approches entrepreneuriales accorde davantage d'importance aux ressources dont disposent les élites (McCarthy et Zald) qu'à la mobilisation de masse. Dans cette perspective, les mouvements par les pauvres i.e. par les bénéficiaires des mobilisations seraient fortement improbables, seuls les mouvements pour les pauvres menés par les contributeurs par conscience étant viables. S'inscrivant dans le modèle du processus politique, Piven et Cloward initient les travaux sur les Poor People's Movements qui renversent cette perspective. Ils montrent que ces mouvements protestataires émergent de façon spontanée en mobilisant des ressources négatives telles que le désordre, les méthodes illégales. Si les pauvres ne peuvent offrir d'incitations positives (soutiens en termes de vote par exemple), ils peuvent faire valoir des incitations négatives perturbatrices du fonctionnement normal de la société. Ce potentiel perturbateur qualifié tantôt de « défi de masse » (Piven et Cloward, 1977) tantôt d'« action perturbatrice » (Mc Adam, 1982 ; Jenkins, 1985 ; Lipsky, 1970) leur octroie la possibilité d'obtenir des concessions des pouvoirs publics. De plus, ces auteurs reconnaissent aux mouvements de pauvres la capacité de mobiliser des ressources indigènes en termes d'organisation du mouvement, de réseaux de solidarité entre les membres qui sont autant de ressources positives (cf. Hmed dans ce dossier). Ces travaux sont amendés par les tenants de la sociologie de l'action collective (Cress et Snow, 1996) qui reprécisent la nature des ressources mobilisables en distinguant les ressources morales, immatérielles, informationnelles et humaines [7]. Les ressources morales non étudiées par Piven et Cloward jouent cependant un rôle important en ce qu'elles font agir des organisations externes au mouvement de pauvres qui soit manifestent leur sympathie à l'égard du mouvement, soit y participent de façon plus ostensible. La cause gagne alors en légitimité. On ajoute que ces soutiens influencent le traitement médiatique de la cause, soit en le présentant de façon positive ou en en soulignant les aspects négatifs. S'agissant enfin de la question des soutiens, Piven et Cloward semblent regretter que les soutiens externes euphémisent les mouvements de pauvres, leur ôtant leur radicalité, et surtout que dès lors que les soutiens s'attèlent à organiser le mouvement, ce dernier perd en potentiel spontané, perturbateur. Or les travaux sur les précaires montrent que si certaines mobilisations perdurent, elles le doivent à la volonté affichée d'organiser le mouvement (Hmed, Sinigaglia).
22Les mobilisations de précaires conduisent également à reposer la question du répertoire d'action, c'est-à-dire du « modèle où l'expérience accumulée d'acteurs s'entrecroise avec les stratégies d'autorités, en rendant un moyen d'actions limitées plus pratique, plus attractif, et plus fréquent que beaucoup d'autres moyens qui pourraient, en principe, servir les mêmes intérêts » (Tilly, 1984 : 99). Envisager l'action collective de groupes peu dotés de ressources, c'est mettre l'accent sur le travail d'organisation, de construction, de captation de ressources matérielles et humaines, c'est-à-dire montrer dans un premier temps la rationalité des acteurs qui mobilisent des ressources. Plusieurs modes d'actions sont privilégiés chez les précaires : ils sont prêts à descendre dans la rue pour manifester, ils organisent des concerts de soutien animés par des artistes se sentant proches des intermittents par exemple. Les communiqués, les pétitions, les sit-ins ou les occupations de lieux symboliques, mais aussi les manifestations culturelles (expositions), constituent des registres mobilisables par les précaires. Last but not least, la revendication collective s'appuie sur différents types d'actions. Encore faut-il la situer dans l'espace où elle s'accomplit (Boumaza, Hamman, 2007). Les contributions de ce dossier montrent la diversité des lieux investis par les précaires.
23La notion de « cadres » ou de « schèmes » de l'action collective formulée par des auteurs s'inscrivant dans la théorie de la mobilisation des ressources s'avère également particulièrement utile pour notre propos. Le framing (cadrage) invite à envisager les mobilisations collectives comme une construction sociale de la réalité et ce dans une dimension interactionniste (Bateson 1954, Goffman 1974). Robert Benford et David Snow considèrent le cadre comme un schéma cognitif individuel, qui n'a d'importance pour l'action collective que dans la mesure où il est commun à assez de personnes pour lier leurs comportements dans des modèles partagés (Snow, Benford et alii, 1986 ; Benford & Snow, 2000). La question du cadrage du problème de la précarité revêt un caractère émotionnel et saturé : émotionnel car les précaires mobilisés construisent un cadre d'action collective basé sur le registre de la colère, de la compassion ; saturé parce que la précarité est comme on l'a vu un thème polysémique dont la multitude d'acteurs s'en saisissant accroît les cadres d'interprétation.
24La perspective identitaire quand elle prend au sérieux les effets de la stigmatisation (Mathieu, 2007 : 250-251) fournit un quatrième outil utile ici. Les travaux de Xavier Dunezat sur les mobilisations de sans emploi et de sans papiers ouvrent en ce sens des perspectives intéressantes pour saisir les impacts de l'engagement sur les mobilisés. Le sociologue se demande comment analyser ce type de « mobilisations d'identifications dites difficiles, en termes de dynamiques identitaires » (2006 : 1-2). Il propose de suivre Riva Kastoryano (2005 : 17) qui s'interroge sur la façon dont se construit le rapport à l'altérité dans chaque société à partir de schèmes de catégorisation. Ainsi les mobilisations de « sans » et pour ce qui nous concerne les mobilisations de précaires résultent de processus de classement du monde social permettant de labelliser, en somme « d'identifier ». Dunezat montre in fine en quoi l'émergence d'identités de « sans » dans les années 1990 et le travail d'identification par des constructeurs de sens de l'action, en l'espèce des militants aguerris, sont au principe des mobilisations de « sans », des causes devenues audibles, défendables. Il n'en demeure pas moins que si l'on se place au niveau micro, les précaires mobilisés deviennent visibles et donc exposés aux regards et aux réactions d'autrui. Ainsi, la mobilisation au sein d'organisations de précaires affecte la trajectoire de ces acteurs et agit sur la construction identitaire (Neveu, 1996 : 75-87).
25***
26Les articles que l'on va lire ont en commun de reposer sur du matériel de première main constitué d'observations in situ, de travail sur archives, de recueil d'entretiens et donnent à lire à travers différentes périodes, des années 1930 à nos jours, des mobilisations d'agents à faibles ressources, que l'on pourrait labelliser précaires. Ils montrent que les précaires constituent un groupe hétérogène qu'il ne faut pas systématiquement assimiler aux agents sociaux à faibles ressources, et explorent systématiquement les liens non univoques qui s'établissent entre la précarité au sens où on l'a définie dans cette introduction et les mobilisations collectives.
27Jérémy Sinigaglia analyse le mouvement des intermittents du spectacle qui reprend en juin 2003. Ce mouvement s'inscrit dans une entreprise d'identification aux précaires déjà pensée en 1996 , fondée sur la précarité salariale et sectorielle des intermittents. Leurs caractéristiques et ressources sociales (jeunes, indemnisés, disposant de titres universitaires) permettent de conjurer les effets démobilisateurs de la précarité, et l'expérience collective de la « galère de cachet » forme une condition utile à la mobilisation. Au sein de celle-ci, des militants aguerris parviennent à élargir la cause aux précaires à partir d'une argumentation en faveur de l'élargissement de la cause des intermittents contre l'enfermement dans le corporatisme. Ce label d'abord fédérateur car permettant une mobilisation multisectorielle s'avère dans la durée un label qui brouille les messages et qui démobilise les agents fatigués par la lutte qui ne souhaitent pas voir leur cause première diluée dans un discours à portée générale. Enfin Sinigaglia insiste sur les effets de la durée d'une mobilisation qui épuise les plus précaires devant repartir à la quête de cachets.
28Choukri Hmed, dans son étude sur la grève des loyers dans les foyers Sonacotra durant les années 1970, rend compte de la longévité surprenante d'une mobilisation a priori improbable. En effet, les travailleurs immigrés vivant dans les foyers Sonacotra, en grève, s'exposent à l'époque non seulement à l'expulsion de la résidence mais également à celle du territoire français. Comment alors une population dotée de peu de ressources peut-elle faire face à une institution d'État pendant plusieurs années ? Hmed en donne plusieurs raisons. Tout d'abord les agents mobilisent des ressources indigènes pertinentes qu'ils puisent dans des expériences antérieures, notamment leurs actions au moment de la décolonisation, rappelant l'hypothèse de la rémanence des structures de Verta Taylor. Les leaders de la mobilisation ont en effet été socialisés dans les mouvements de libération nationale et ont acquis des capitaux militants transférables dans les foyers. Les ateliers d'alphabétisation des travailleurs, les clubs de cinéma éveillant la conscience d'une domination perpétuée constituent des instances de socialisation. Les incitations négatives i.e. les sanctions contre les non grévistes permettent une organisation durable facilitée par la concentration des agents mobilisés sur un lieu (Auyero, 2005). Mais surtout, Hmed montre comment s'opère la subversion de l'institution par les agents et leurs soutiens qui apportent une expérience d'organisation de mouvements sociaux, le recours au droit et la contre-expertise savante. C'est cette subversion des infrastructures de l'institution Sonacotra qui garantit la pérennisation de la mobilisation.
29Cette question des soutiens à la cause de populations précaires est posée par Emmanuel Pierru dans son article sur les mobilisations des chômeurs dans les années 1930, en France. Il indique comment le jeune parti communiste et la jeune CGTU (sur)investissent cette cause des chômeurs alors même que les partis politiques n'ont pas vocation à les soutenir. Mieux, les deux organisations construisent la cause des chômeurs à l'insu des agents concernés. Bien au-delà de la réhabilitation de la dignité des sans emploi, les entrepreneurs de cause jouent leur propre survie dans l'espace politico-syndical de la France des années 1930. Les stratégies discursives des leaders syndicaux et politiques communistes sur la nécessité d'éduquer l'avant-garde révolutionnaire au sein des populations au chômage invitent à réfléchir sur les ressorts du « militantisme par conscience » qui a fait florès dans la sociologie des mouvements sociaux depuis le milieu des années 1970. Les causes précaires se construisent aussi dans des rapports ambivalents que les soutiens externes peuvent nouer avec le groupe de référence qu'ils se proposent de mobiliser. C'est aussi dans cette ambiguïté des relations entre les agents mobilisateurs et les groupes mobilisables qu'il faut rechercher la fragilité des mobilisations.
30Enfin, Lionel Okas, en partant de la non mobilisation des journalistes précaires, questionne en creux les transformations du marché du travail dans l'espace médiatique en France. À partir des exemples de Radio France et de France 3, il montre comment deux dispositifs visant à gérer la précarité des pigistes, souvent de jeunes entrants dans la carrière, sont présentés comme des instances de formation de l'impétrant dans le métier, vu comme un Tour du compagnon avec tout ce que cela comporte de représentation de l'excellence. Du coup, la précarité est présentée comme un passage obligé pour entrevoir une carrière stabilisée souvent synonyme de « paresse ». Les valeurs sont ainsi inversées, être précaire signifie travailler de façon exemplaire et répondre aux exigences managériales de l'entreprise prise dans des contraintes économiques.
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Notes
-
[1]
Ce numéro est le résultat d'une réflexion menée dans le cadre du colloque « Sans droits, sans travail, sans logement, sans papiers : des précaires en mouvement », tenu les 19 et 20 janvier 2006 à Strasbourg et organisé par le GSPE-PRISME (CNRS UMR 7012) et l'Association française de science politique avec le soutien du CNRS. Vincent Dubois a soutenu cette publication par ses conseils, son concours, qu'il en soit remercié. Merci également à Frédéric Chateigner. Pour leur lecture attentive et leurs remarques constructives, merci au membres du comité de rédaction.
-
[2]
Voir Johanna Siméant (1998) à propos des sans papiers, Daniel Mouchard (2002) sur les mouvements de « sans » ; Sophie Maurer (2001) dans une approche comparée de populations mobilisées et non mobilisées, sur les chômeurs durant l'hiver 1997-1998 ; et Cécile Péchu (2004), s'intéressant aux mobilisations des sans logis.
-
[3]
Sur cette distinction voir notamment Cingolani, 2005 ; Billiard, Debordeaux, Lurol, 2000. Au milieu des années 1980 déjà, André Villeneuve soulignait que la multiplication d'indicateurs « objectifs » susceptibles de « mesurer » la précarité ne devait pas dispenser le chercheur, même dans une perspective statistique, d'avoir une approche biographique, i.e. processuelle, du phénomène (Villeneuve, 1984 : 105).
-
[4]
D'ailleurs ces discours ressurgissent régulièrement notamment dans le traitement médiatique de ce qui a été appelé « les émeutes des banlieues de novembre 2005 ». Sur ce point Gérard Mauger (2006b).
-
[5]
Lénine, déjà, soulignait que ce n'était pas les classes laborieuses qui avaient une conscience de classe et qui se mobilisaient et surtout pas le Lumpenprolétariat. La prise de conscience provenait de classes moyennes qui se sentaient en danger et dont la tâche consistait à s'identifier aux ouvriers pour les convaincre du bien-fondé de la révolution prolétarienne.
-
[6]
La colère est construite comme le moteur de l'action par les militants d'Act Up (Lestrade, 2000).
-
[7]
Sur ce point on consultera avec profit la thèse de Cécile Péchu (citée) et plus particulièrement les pages 55 à 61.