Notes
-
[1]
R. Hofstadter, The Paranoid Style in American Politics and Other Essays (1964), Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1996.
-
[2]
Anthropologue des faits religieux, Dounia Bouzar est la fondatrice du Centre de Prévention contre les Dérives Sectaires liées à l’Islam (CPDSI).
-
[3]
K. R. Popper, Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique, trad. fr. Michelle-Irène et Marc B. de Launay, Paris, Payot, 1985.
-
[4]
R. Hofstadter, The Paranoid Style in American Politics and Other Essays, op. cit.
-
[5]
J. Giry, « Le conspirationnisme. Archéologie et morphologie d’un mythe politique », Diogène, n° 249-250, 2015, pp. 40-50.
-
[6]
F. Champion et D. Hervieu-Léger (dir.), De l’émotion en religion. Renouveaux et traditions, Le Centurion, Paris, 1990.
-
[7]
R. Boudon, L’art de se persuader des idées douteuses, fragiles ou fausses (1990), Fayard, Paris, 1995.
-
[8]
Ibid.
-
[9]
J.-F. Lyotard, La condition postmoderne, Éditions de Minuit, Paris, 1979.
-
[10]
G. Bronner, L’empire des croyances, Presses universitaires de France, coll. « Sociologies », Paris, 2003.
-
[11]
J. Jamin, L’imaginaire du complot. Discours d’extrême droite en France et aux États-Unis, Amsterdam University Press, Amsterdam, 2009.
-
[12]
J.-B. Renard, « Les causes de l’adhésion aux théories du complot », Diogène, n° 249-250, 2015, pp. 107-119.
-
[13]
M. Barkun, A Culture of Conspiracy: Apocalyptic Visions in Contemporary America, University of California Press, Berkeley et Los Angeles, 2003.
-
[14]
La MIVILUDES, Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, qui, comme l’atteste son rapport annuel d’avril 2015, s’intéresse de près à la pensée conspirationniste et met en lumière « les ravages du complotisme ». Le complotisme est, pour cette instance, un « mouvement de fond » pouvant s’affilier à des croyances extrêmes.
-
[15]
E. Taïeb, « Logiques politiques du conspirationnisme », Sociologie et sociétés, vol. 42, 2010, n° 2, pp. 265-289.
-
[16]
Nous pensons ici aux premières thèses antimaçonniques et conspirationnistes qui apparaissent avec les Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme (1797-1799), de l’abbé Barruel, ou encore, à l’ouvrage de John Robison de 1797 dénonçant les mauvais agissements de la société secrète des Illuminés de Bavière, cette société secrète « prétendument » dissoute en 1785.
-
[17]
G. Bronner, « Pourquoi les théories du complot se portent-elles si bien ? L’exemple de Charlie Hebdo », Diogène, n° 249-250, 2016, pp. 9-20.
-
[18]
Th. Meyssan, « Un 11 Septembre français ? Qui a commandité l’attentat contre Charlie Hebdo », http://www.voltairenet.org/article186408.html, publié le 7 janvier 2015.
-
[19]
R. Girardet, Mythes et mythologies politiques, Seuil, Paris, 1986.
-
[20]
En premier lieu, les Truthers, traduit par les « chercheurs de vérité », sont les membres d’un mouvement ayant pour but de défendre la vérité autour des attentats du 11 septembre 2001.
-
[21]
Données Alexa 2016, recueillies par Antoine Bevort. Cf. https://blogs.mediapart.fr/antoine-bevort/blog/211016/les-trente-sites-politiques-francais-ayant-le-plus-d-audience-sur-le-web-0.
-
[22]
Soral/Dieudonné, un duo s’inscrivant parfaitement dans un business de la conspiration fédérant autour d’eux une nouvelle communauté d’adeptes, d’adhérents, de fans… organisée autour d’une idéologie, de symboles et de signes, comme en témoigne « le geste de la quenelle », un geste qui fait débat entre « geste d’insoumission au système » et « geste antisémite ».
-
[23]
D. Icke, Le Guide de la Conspiration mondiale (Guide To The Global Conspiracy), Macro Éditions, Cesena, 2012.
-
[24]
G. Bronner, « L’effet “Fort” et les damnés du mythe du complot », Raison publique, n° 16, 2012, pp. 55-66.
-
[25]
R. Inglehart, « Extremist Political Positions and Perceptions of Conspiracy », in Carl F. Graumann et Serge Moscovici (eds.), Changing Conceptions of Conspiracy, Springer, New York, 1987, pp. 231-244.
-
[26]
V. Campion-Vincent, La société parano. Théories du complot, menaces et incertitudes, Payot, Paris, 2005.
-
[27]
R. Girardet, Mythes et mythologies politiques, op. cit.
-
[28]
E. Soteras, « Rockin’ Squat : le conspirationnisme sur fond rythmique », Diogène, n° 249-250, 2015, pp. 229-239.
-
[29]
L. Nicolas, « Jésuites, Juifs, francs-maçons : la rhétorique au service de la conspiration », Diogène, n° 249-250, 2015, pp. 75-87.
Introduction
1Si, depuis les années 1960 [1], les études sur le conspirationnisme n’ont cessé de mobiliser l’attention de nombreux chercheurs en sciences humaines et sociales, c’est bien parce que celui-ci s’est immiscé dans toutes les sphères de nos sociétés. Appréhendé sous la forme d’une croyance contemporaine, qui ne cesse de traverser les décennies, le conspirationnisme se présente comme un porte-drapeau des mouvements antisystèmes, un faire-valoir politique, religieux, ou encore comme une plaque tournante de l’embrigadement des jeunes selon Dounia Bouzar [2]. C’est notamment au travers de ces différentes analyses que la théorie du complot et, plus particulièrement, le conspirationnisme, cette croyance que tous les événements de l’Histoire sont le fruit d’un seul et même complot orchestré par un seul et même groupe d’individus, une seule et même entité, peut s’entendre comme une véritable mythologie mêlant politique et religieux. Et si, en effet, on ne croyait plus aujourd’hui aux machinations des divinités homériques mais aux machinations des Sages de Sion, des capitalistes, des Illuminati ? Et si ces nouvelles entités, souvent déifiées, possédant des pouvoirs extra-ordinaires, avaient pris « la place des dieux de l’Olympe homériques » [3] ?
2Ainsi, nous nous attacherons à voir dans cette émergence de la pensée conspirationniste, non pas une simple montée en puissance d’une « paranoïa collective » [4], mais bien plus une nouvelle mouvance, une résurgence mythologique, mythique, renvoyant à une nouvelle forme de religiosité s’inscrivant parfaitement dans un réenchantement du monde. Dans notre contemporanéité, empreinte d’une modernité exacerbée, le bien et le mal s’affrontent, prophètes, révélations, anges et démons (re)viennent peupler notre monde social… L’ère postmoderne devient un terreau fertile, un facilitateur et un accélérateur pour le conspirationnisme qui s’impose, dans un premier temps, comme une croyance irrationnelle. Afin de dépasser les deux freins principaux pour une analyse sociologique du phénomène conspirationniste – à savoir l’explication simplement psychopathologique ou l’idée qu’il s’agit d’un phénomène dénué de sens et de rationalité –, une mobilisation de plusieurs champs de la sociologie tout comme une attention particulière à une pluridisciplinarité scientifique allant de l’histoire à la psychologie sociale en passant par les sciences politiques, sont nécessaires. Il faut alors considérer les théories conspirationnistes dans leur environnement historique, social et politique. D’où l’intérêt de s’intéresser de près aux logiques culturelles et sociales que sous-tendent les théories du complot.
1. Le conspirationnisme : un cadre théorique multidisciplinaire nécessaire
3La mobilisation de la sociologie des religions pour étudier le conspirationnisme prend tout son sens dès lors que l’on décèle des soubassements religieux dans cette forme de pensée. Cette dimension du conspirationnisme a été peu mise en valeur. Les enjeux sont multiples et, sans renier le caractère politique du mythe conspirationniste [5], il nous semble intéressant de poser l’hypothèse selon laquelle le mythe de la conspiration mondiale porterait aussi un caractère religieux traversé par ce qui est mis à l’œuvre aujourd’hui, c’est-à-dire une nouvelle religiosité, une nouvelle expérience du sacré et une transcendance conférée par une foi inébranlable en une Vérité absolue. D’une part, le croyant conspirationniste accède à un niveau de connaissance par le biais d’un chemin personnel et initiatique dont la voie est dictée par les leaders conspirationnistes. D’autre part, il s’enferme dans des vérités dogmatiques qu’il se doit de transmettre et de partager tandis qu’il se doit aussi de renier toutes les théories allant à l’encontre des siennes. De plus, le croyant voit en son guide la seule et unique autorité légitime. De facto, on s’aperçoit que le conspirationnisme possède de nombreuses analogies avec la religion. Sur ce point, la sociologie des religions et, particulièrement, des nouveaux mouvements religieux de ces dernières années va pouvoir nous aiguiller.
4Sans le confondre entièrement avec un nouveau mouvement religieux, le conspirationnisme, par sa structure multiforme et éclectique, renvoie à une « nébuleuse mystique-ésotérique » [6] observable dans le paysage des nouveaux mouvements religieux venus concurrencer les grandes religions. Dès lors, l’appel à une sociologie des croyances pour analyser le phénomène conspirationniste prend sens, notamment au travers de la perspective cognitiviste qui semble être la plus à même pour permettre une analyse compréhensive dudit phénomène. Cette perspective cognitiviste, fondée sur de « bonnes raisons de croire » [7], montre qu’il est possible de dépasser un point de vue irrationaliste – premier frein pour une analyse sociologique – qui nous conduit à une totale incompréhension des personnes adhérant à des idées « fragiles ou fausses » [8]. L’une des forces de ce paradigme est donc de pouvoir appréhender, comprendre et donner du sens à ces croyances perçues comme irrationnelles.
5La sociologie de l’imaginaire, quant à elle, possède la spécificité d’appréhender notre monde social en appuyant sur la complémentarité du réel et de l’imaginaire. Ainsi, cette sociologie offre une observation et une analyse de notre monde contemporain, rendant compte des caractéristiques de la postmodernité : la multiplication des interactions magico-rationnelles, analysées par Jean-François Lyotard [9], entre des nouvelles formes du croire et un « marché cognitif » [10], pour reprendre l’expression de Gérald Bronner, de plus en plus fourni, comme en témoigne le foisonnement des nouveaux mouvements religieux ; la remise en question collective des grands récits fondateurs de la modernité et des religions traditionnelles qui laissent place aux méta-récits alternatifs, à une nouvelle mythologie. Caractérisée aussi par un foisonnement de l’image, des symboles et un va-et-vient incessant entre expertise hypercritique et émotion, l’ère postmoderne se présente comme un terreau fertile pour le phénomène conspirationniste qui, loin d’être nouveau, est aujourd’hui, réactualisé, présent dans toutes les sphères de nos sociétés et ne cesse de relier de plus en plus d’adeptes dont les raisons et les degrés d’adhésion sont de plus en plus variés.
6Si le conspirationnisme requiert un cadre théorique transdisciplinaire et multi-champs, c’est bien dans une perspective de dépassement d’héritages scientifiques qui ne trouvent dans sa propagation que des explications psychopathologiques ou « populistes » [11]. Même si ces explications rendent compte d’une hiérarchie et d’une échelle dans la croyance conspirationniste, elles posent en même temps la question du pluralisme, de l’éclectisme et de la diversité de la pensée conspirationniste. En effet, il serait peut-être intéressant d’envisager non pas « le » conspirationnisme mais bien plus « les » conspirationnismes. À l’égal des différents degrés d’adhésion aux théories du complot, il semble approprié d’appréhender le conspirationnisme sous plusieurs angles, en déclinant celui-ci en fonction des différentes raisons d’adhésion et des différentes fonctions remplies par celui-ci. Ainsi, nous pouvons analyser dans la croyance conspirationniste plusieurs types de bonnes raisons de croire [12]. Dans un premier temps, les raisons culturelles, contextuelles semblent tenir une place importante dans les motifs d’adhésions au conspirationnisme. En effet, la société connaît une crise, morale, sociale et politique, entraînée notamment par une perte de confiance envers les institutions, et de fait, par une montée en puissance de la méfiance envers les représentants traditionnels, légaux du pouvoir, de l’information, de la science, de la religion… Dans un deuxième temps, les raisons idéologiques expliquent l’adhésion aux théories conspirationnistes d’individus aux idéologies souvent extrêmes et radicales. De facto, le conspirationnisme va se présenter comme un outil de légitimité idéologique. Dans un troisième temps, nous suggérons une dernière bonne raison de croire à la Grande Conspiration, une raison spirituelle. En effet, le conspirationnisme, possédant de nombreuses analogies avec la religion, participe à une quête de sens et de révélations incluses dans une recherche spirituelle et dont notre contemporanéité témoigne de son dynamisme.
7Les différents degrés de croyance [13], évalués par le politologue Michael Barkun, vont crescendo vers « l’irrationnel ». Le niveau 1, « the event conspiracy theory », renvoie à la croyance en un complot pour un événement isolé. Prenons l’exemple de l’assassinat de J. F. Kennedy qui ne cesse, encore aujourd’hui, de susciter de nombreuses théories du complot. Le niveau 2 représente « the systemic conspiracy theory ». Ce degré de l’échelle de classification de Barkun consiste à croire que plusieurs événements historiques sont liés entre eux par un plus vaste complot, dont les instigateurs seraient une société secrète (par exemple le complot judéo-maçonnique) qui chercherait à infiltrer les institutions déjà en place. Enfin, le niveau 3, dernier niveau de croyance, « the superconspiracy theory », le « super-conspirationnisme ». Ici, le conspirationniste va croire que tous les complots existants (réels ou supposés) sont ourdis par une seule et même entité ayant des attributs d’omniscience, d’éternité et de toute-puissance. Cette théorie est portée par de nombreux leaders conspirationnistes, dont David Icke apparaît comme un des représentants principaux comme nous le verrons plus tard. Ce troisième et dernier niveau est, vraisemblablement, le plus intéressant du point de vue de la sociologie des religions et de l’imaginaire, notamment au travers du pluralisme et de la diversité des boucs émissaires identifiés (sociétés secrètes, super-gouvernement, extraterrestres, reptiliens, satanistes…). Les contenus thématiques des croyances du troisième niveau attirent aussi toute notre attention en mêlant de manière quasi systématique la politique, l’histoire, l’économie, la géopolitique, la science, avec l’ufologie, l’ésotérisme ou encore le mysticisme.
8Sous des allures de prophètes, les leaders conspirationnistes diffusent des révélations et des prophéties qui vont séduire un grand nombre d’individus se questionnant sur ce qui est caché, sur ce qu’on ne nous dit pas. Ces leaders conspirationnistes, qui inspirent confiance auprès de leurs adeptes, tiennent un rôle primordial dans la formation et la diffusion de la croyance aux complots et méga-complots. Ils apportent, de manière quasi magique et héroïque, la preuve tant attendue de leur quasi-transcendance. Doté d’une mission, le leader conspirationniste fait preuve d’un messianisme qu’il légitime grâce à la dévotion qu’il porte à sa cause. Surveillés par la Miviludes [14], détectés et analysés par les chercheurs en sciences humaines et sociales, ces leaders de la pensée conspirationniste séduisent par leur caractère révolutionnaire mais aussi protestataire et contestataire. Leurs révélations prophétiques vont devenir un moteur de changement pour les individus demandeurs, notamment en temps de crise de sens et de repères. En tant que véritable guide spirituel, le théoricien de la conspiration mondiale va rallier à sa cause des adeptes qui vont le percevoir comme leur seul et unique référent légitime. Les croyances conspirationnistes peuvent alors apparaître comme une sorte de théologie de substitution.
9Même si nous trouvons de nombreuses variantes des théories conspirationnistes, nous pouvons y voir une rhétorique commune, que le politologue Emmanuel Taïeb décline en cinq points [15]. Tout d’abord, le discours conspirationniste va nier la « complexité du réel », c’est-à-dire opter pour une vision unique et mono-causale quant aux explications des différents événements survenus durant l’Histoire de l’humanité. La deuxième règle de la rhétorique conspirationniste est d’« établir des corrélations factices », c’est-à-dire de lier entre eux plusieurs indices, plusieurs faits et de les interpréter par le prisme d’un complot imaginé et voulu par des élites manipulatrices. De plus, l’une des principales logiques de la rhétorique conspirationniste est de réfuter toutes les théories officielles, « rester imperméable à la contre-démonstration », c’est-à-dire « éliminer des théories irréductibles à la vérité ». L’argumentaire va alors apparaître comme une analyse, une expertise, voire une contre-expertise d’événements majeurs constitutifs de l’Histoire. Le conspirationniste observe, pose des hypothèses et interprète notre monde social contemporain. Ainsi, c’est avec une attitude rationnelle, raisonnée – mais parfois peu raisonnable – que l’adepte des théories du complot suit le processus de la recherche scientifique. Aussi, si le mythe vise à expliquer les origines du monde ou de l’ordre social et tend à apaiser l’angoisse d’un devenir, la rhétorique conspirationniste possède avec lui de grandes similitudes en établissant une « structure mythique de l’Histoire ». Le mythe du méga-complot raconte une histoire du monde dominé par des forces occultes assimilées le plus souvent aux sociétés secrètes cherchant à asseoir leur pouvoir. Enfin, l’argumentation conspirationniste s’appuie sur l’identification de signes prouvant l’existence d’un complot ainsi que sur l’analyse et l’interprétation de ces indices. Les discours politiques, les décisions gouvernementales ou encore les informations données par des journaux télévisés vont être scrutés et décortiqués. Le « chercheur de vérité » est alors animé par une obsession du signe, de l’indice et de la preuve. Muni dès lors d’une mission, il transmet sa découverte au reste de l’Humanité afin de prêcher la bonne parole et continuer à convaincre un maximum d’adeptes.
2. État des lieux de la « contagion » du conspirationnisme : les canaux de diffusion
10En s’appuyant sur des théories véhiculées depuis le XVIIIe siècle par des antirévolutionnaires, antisémites ou encore antisatanistes [16], de nombreuses théories dénonçant le Grand Complot circulent à travers de nouveaux supports de prédilection comme Internet et ses réseaux sociaux. Internet donne ainsi, depuis son avènement, une audience globale inégalée à toutes les thématiques déclinées par la Grande Conspiration. Depuis des siècles, certains événements de l’histoire échappent à la compréhension des acteurs sociaux, notamment quand les faits suscitent autant d’émotions que de biais cognitifs. Ainsi, la peur, l’effroi, le sentiment d’injustice et/ou d’incompréhension, la haine ou la tristesse, sont des émotions pouvant jaillir du corps social, à la suite de certains faits d’actualité. Le gouvernement et les médias traditionnels, conventionnels, sont alors amenés à fournir des explications, des « versions officielles ». Dès lors, la logique conspirationniste va entraîner, notamment sur Internet, un foisonnement de contre-expertises discréditant les thèses officielles. Par exemple, dans les heures qui ont suivi l’attentat mené contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, de nombreuses théories complotistes sont apparues sur la Toile [17]. Certains se sont empressés d’afficher leurs doutes quant aux premières versions officielles, tels que Thierry Meyssan sur Réseau Voltaire [18] ou encore les rédacteurs de Égalité & Réconciliation. Ce qui est intéressant ici, c’est la rapidité de diffusion de ces contre-expertises qui s’inscrivent dans la logique conspirationniste, c’est-à-dire l’attitude systématique de remise en question des versions officielles. Les informations recueillies sur le Net participent à un véritable marché cognitif dont l’envergure offre à l’internaute curieux, suspicieux et en quête de réponses, un choix considérable d’interprétation du réel. De ce fait, l’individu va préférer se former sa propre vision des événements et des faits divers et c’est une des principales conséquences de la transformation du système de pensée de notre contemporanéité : une mutation d’un système vertical en un système horizontal, donnant plus de valeurs à son voisin, internaute soupçonneux et conspirationniste qui n’a aucune raison de nous mentir ou de nous manipuler, qu’au gouvernement ou qu’aux élites, ces entités insaisissables. Cette logique simpliste et manichéenne du conspirationnisme, avec le Bien d’un côté et le Mal de l’autre, le diable et le « sauveur » [19], entraîne le foisonnement de nombreuses recherches menées par des Truthers [20] – avec un recyclage et une réadaptation des plus grandes théories du complot – et l’apparition en simultané de nouveaux leaders en matière d’informations alternatives au profil divers et varié. Il serait ici impossible de dresser une liste exhaustive des sites, blogs et réseaux sociaux qui diffusent des thèses conspirationnistes dans un but d’éveil de la conscience collective. Néanmoins, nous pouvons mettre l’accent sur l’un d’eux, bien institutionnalisé d’ailleurs, notamment via son président et fondateur, Alain Soral.
11Égalité & Réconciliation, « Gauche du travail et droite des valeurs, pour une réconciliation nationale », est le site officiel de l’association créée par Soral en 2007 et dont l’audience lui confère une forte visibilité avec au 1er octobre 2016, 8 100 000 visites par mois [21], en dénonçant le système et en imputant la responsabilité de tous les maux de la Terre à un complot judéo-homo-maçonnico-américano-sioniste. Très proche des idées de l’extrême droite, le site véhicule de manière peu discrète une idéologie antisémite et antisioniste, ce qui lui vaut sa place au cœur de la polémique depuis maintenant quelques années. Comme les croyants au complot du Nouvel Ordre Mondial, des Illuminati, des extraterrestres reptiliens, des sociétés secrètes et réseaux d’influence qui dirigeraient le monde, Soral présente sur son site une actualité interprétée par le prisme de son idéologie antisémite et antisioniste dont les visions négationnistes et conspirationnistes peuvent être des alliées. Un monde contrôlé par les francs-maçons, les juifs, les sionistes et l’État d’Israël, dont il faut s’affranchir par tous les moyens. Évidemment, lorsque l’État s’organise pour lutter contre les théories conspirationnistes, leurs actions sont immédiatement interprétées comme le signe d’une collaboration entre sociétés secrètes et gouvernement, soit une vision pour le moins conspirationniste en mobilisant la logique du bouc émissaire et la négation de toutes les théories allant à l’encontre des leurs. Le président d’Égalité & Réconciliation est une personnalité de grande notoriété publique, contrairement aux internautes anonymes qui tiennent de très nombreux sites et blogs. Assigné régulièrement pour propos racistes et antisémites, Soral se retrouve régulièrement au cœur de la polémique, lui conférant la place d’un martyr qui ne cesse d’accélérer sa notoriété et d’augmenter le nombre de partisans et de visiteurs sur son site. De plus, sa large collaboration avec Dieudonné [22] lui a permis de s’attirer la sympathie d’un public différent et souvent plus jeune, créant ainsi une nouvelle communauté d’adeptes dynamiques réunis autour d’idéologies parfois différentes mais finalement transversales et que la dénonciation d’un complot juif et/ou sioniste finit par unir sous un même drapeau.
3. Un prophète du conspirationnisme contemporain
12Avec David Icke, nous sommes face à un conspirationnisme mêlant une ambition politique, avec la remise en question de l’ordre établi et une ambition quasi religieuse, spirituelle, sur l’avènement de l’Histoire de l’humanité. Au mythe biblique d’origine, d’Adam et Ève, s’est substitué ici le mythe des reptiliens. À la suite de ses recherches personnelles, Icke va très vite développer sa thèse selon laquelle l’Humanité serait sous la coupe d’une lignée « humano-reptilienne-extraterrestre » dont certaines entités nées de cette hybridation ont pris une apparence reptilienne et d’autres une forme humaine. Les « dieux reptiliens » vivraient dans des souterrains tandis que les autres, d’apparence humaine, vivraient à la surface de la Terre et se seraient immiscés au sein de tous les gouvernements et institutions afin d’assouvir leur soif de pouvoir. Toute la thèse, toute la prophétie de Icke, résulte de son analyse des mythes du monde, dont une thématique commune ne ferait en réalité qu’une seule et même mythologie. En étudiant les différents mythes des quatre coins du monde, Icke analyse une structure, une thématique et des figures mythiques similaires. Dès lors, il dévoile la synergie de tous ces mythes témoignant d’un imaginaire universel. Des aborigènes d’Australie aux Aztèques d’Amérique du Sud en passant par les Égyptiens, tous possèdent des mythes d’origine inspirés de reptiles, de serpents, de dragons, des « dieux reptiliens » vénérés. Icke, à la suite d’Erich von Däniken par exemple, rassemble et combine tous ces mythes fondateurs des sociétés les plus anciennes et en conclut que le reptile est à la source de toute l’Histoire de l’humanité. Il n’en est pas moins vrai que le serpent, ou le reptile en général, a toujours tenu une place centrale dans les mythes d’origines, les mythes fondateurs. Néanmoins, les récits liés aux reptiliens et à leur lignée ne se limitent pas à la mythologie de peuples aujourd’hui disparus. En effet, l’auteur, durant son voyage, va compiler un grand nombre de témoignages de transformations de reptiliens ou encore de « victimes d’enlèvements suspects ». Il pointe alors du doigt les questions existentielles auxquelles de nombreuses personnes sont confrontées : D’où venons-nous ? Qui suis-je ? Où suis-je ? Pourquoi le monde est-il tel qu’il est ? Questions reflétant cette crise de sens, crise de repères que connaît notre contemporanéité. En 1980, il commence son « itinéraire conscient », comme il le nomme, cherchant les pièces manquantes du puzzle de l’Humanité. Une sorte de voyage à travers l’espace-temps, alternant l’analyse de témoignages et l’analyse des mythes fondateurs de toutes les sociétés humaines. Il en conclut très rapidement que rien de tout ce qui s’est passé durant l’histoire n’est le fruit du hasard et que tout a été orchestré. Un de ses nombreux pamphlets, Le guide de la conspiration mondiale (et comment y mettre un terme), est divisé en plusieurs « points » allant de 1 à 28 [23]. Cette division n’est, d’ailleurs, pas sans rappeler la structure des textes dogmatiques tels que le Catéchisme de l’Église catholique ou encore Le Livre des Esprits, d’Allan Kardec, ouvrage fondateur du spiritisme. Le livre de Icke se veut un guide – comme le suggère son titre – pour conduire le lecteur à prendre conscience que tout n’est que mensonge et que nous n’avons pas accès aux informations nous permettant de répondre à ces questions qui marquent notre temps présent. À la manière d’un prophète, il déconstruit toute notre manière de penser, notre manière de nous percevoir et de percevoir le monde. L’auteur conspirationniste remet absolument tout en question, de notre propre corps à notre identité en passant par notre place dans la société humaine.
13Icke se présente comme un prophète qui, par ses révélations sensationnalistes, va déchaîner les passions. Sa place de leader conspirationniste est incontestable, notamment lorsque les conférences qu’il anime aux quatre coins du monde font toujours salle comble. Néanmoins, si le leader du conspirationnisme New Age continue de séduire de nombreux adeptes, il ne fait en aucun cas l’unanimité. Néanmoins, le « mille-feuille » [24] argumentatif, proposé par Icke, constitué à chaque étage de théories sensationnalistes recueillies aux quatre coins du monde, jette le trouble par la profusion d’arguments, de preuves et d’indices qui, mis bout à bout, crée une théorie construite qui, aux yeux du lecteur, ne peut être entièrement fausse. Ce leader contemporain du méga-complot, avec l’aspect prophétique de ses révélations et le caractère hybride de ses théories – dans lesquelles New Age, ufologie, mysticisme et physique quantique se mêlent –, trouve sa place parmi les promoteurs sensationnalistes de ces dernières années en attisant la curiosité, en réveillant les passions et en séduisant toujours plus de nouveaux adeptes. Le conspirationnisme de Icke témoigne du caractère polymorphe et pluridimensionnel de ce phénomène en multipliant les boucs émissaires – Illuminati, reptiliens, francs-maçons, sionistes, juifs… –, en faisant se rejoindre des théories ufologiques, New Age, complotistes et mystiques ou encore en s’alimentant de nombreuses rumeurs et en alimentant, en même temps, celles-ci. En effet, la récupération conspirationniste de rumeurs n’est pas surprenante et tient à un contexte d’apparition, des fonctions et un contenu très souvent similaire.
Conclusion
14À travers cette réflexion, nous avons tenté de montrer l’importance d’une pluridisciplinarité pour une analyse compréhensive du phénomène conspirationniste. En tentant de dépasser une simple approche psychopathologique ou populiste dudit phénomène, nous avons pu analyser les logiques sociologiques qui sous-tendent le conspirationnisme et les relations auxquelles il donne lieu. Le mythe de la conspiration mondiale, au-delà de son caractère politique, possède aussi un caractère religieux, notamment lorsque le caractère sacré des révélations, les figures prophétiques et quasi héroïques de ses promoteurs ou encore lorsque le caractère mystico-ésotérique de ses théories, sont mis en lumière. En tenant compte des diverses raisons d’adhésion – contextuelles, idéologiques, spirituelles –, nous ne pouvons qu’apercevoir l’éclectisme des profils sociologiques des adeptes allant des extrémistes religieux et politiques de droite comme de gauche [25] aux athées et anarchistes. Le mythe de la conspiration mondiale possède alors un caractère politico-religieux, relevant autant d’une relative conception du gouvernement, de ceux qui détiennent le pouvoir et l’exécutent, que de la conception du sacré, de son expérience et du besoin inéluctable de croire. De fait, nous pouvons inscrire le conspirationnisme dans l’ensemble des mythes postmodernes qui acquièrent audience et adhésion par l’actualité médiatique, dont la ritualisation peut parfois passer inaperçue, mais qui mettent en avant de manière systématique des figures héroïques de sauveurs – les prophètes – et en même temps d’anti-héros – les boucs émissaires. Le pouvoir indiscutable du mythe conspirationniste est celui de conjurer et d’exorciser l’angoisse du devenir [26], en expliquant que tous les événements de l’Histoire ne sont que le fruit d’actions cachées d’un petit groupe complotant, depuis plusieurs siècles, pour asservir le reste de l’Humanité. Voilà qui va sacraliser l’Histoire et rendre intelligible l’in-sensé, l’impensable, l’insaisissable, en offrant une « explication d’autant plus convaincante qu’elle se veut totale et d’une exemplaire clarté : tous les faits, quel que soit l’ordre dont ils relèvent, se trouvent ramenés, par une logique apparemment inflexible, à une même et unique causalité, à la fois élémentaire et toute-puissante » [27]. Puisant ses sources dans les mythes cosmogoniques et anthropogoniques, le mythe de la conspiration tend à initier l’adepte à la véritable création et marche du monde, à la véritable origine de l’Homme et à la place que chacun se doit d’occuper. En s’immisçant au cœur de la culture populaire, à travers les réseaux sociaux, les blogs, la littérature, la musique [28] ou les productions cinématographiques, le conspirationnisme reflète à la fois les peurs, les angoisses et les idéologies de nos sociétés contemporaines mais aussi ses attraits, ses besoins, ses désirs et ses rêves, son imaginaire. Il n’est donc pas étonnant de retrouver des signes conspirationnistes, à différentes doses, dans des produits culturels de masse et non plus seulement dans des produits spécifiques à destination d’un petit nombre d’intellectuels cherchant à comprendre les mécanismes sous-jacents de la situation géopolitique contemporaine ou d’adeptes de science-fiction, d’ufologie et/ou de mysticisme. Enfin, en usant d’une rhétorique spécifique, une rhétorique dont la forme n’est pas sans rappeler celle des romantiques, lorsque la volonté est d’expliquer l’inexplicable, de mettre l’accent sur l’origine des choses et des êtres et d’une nature inébranlable [29], le conspirationnisme ne cesse de séduire de plus en plus d’adeptes aux horizons idéologiques bien variés. D’ailleurs, dans son slogan propagandiste « On nous ment et tout n’est que mensonge ! », il ne reste seulement qu’à définir ce « on » – les multiples boucs émissaires – selon les aspirations idéologiques de chacun, qu’elles soient religieuses et/ou politiques.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : idéologie, religion, croyance, mythe
Date de mise en ligne : 27/02/2019
https://doi.org/10.3917/soc.142.0007Notes
-
[1]
R. Hofstadter, The Paranoid Style in American Politics and Other Essays (1964), Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1996.
-
[2]
Anthropologue des faits religieux, Dounia Bouzar est la fondatrice du Centre de Prévention contre les Dérives Sectaires liées à l’Islam (CPDSI).
-
[3]
K. R. Popper, Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique, trad. fr. Michelle-Irène et Marc B. de Launay, Paris, Payot, 1985.
-
[4]
R. Hofstadter, The Paranoid Style in American Politics and Other Essays, op. cit.
-
[5]
J. Giry, « Le conspirationnisme. Archéologie et morphologie d’un mythe politique », Diogène, n° 249-250, 2015, pp. 40-50.
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[6]
F. Champion et D. Hervieu-Léger (dir.), De l’émotion en religion. Renouveaux et traditions, Le Centurion, Paris, 1990.
-
[7]
R. Boudon, L’art de se persuader des idées douteuses, fragiles ou fausses (1990), Fayard, Paris, 1995.
-
[8]
Ibid.
-
[9]
J.-F. Lyotard, La condition postmoderne, Éditions de Minuit, Paris, 1979.
-
[10]
G. Bronner, L’empire des croyances, Presses universitaires de France, coll. « Sociologies », Paris, 2003.
-
[11]
J. Jamin, L’imaginaire du complot. Discours d’extrême droite en France et aux États-Unis, Amsterdam University Press, Amsterdam, 2009.
-
[12]
J.-B. Renard, « Les causes de l’adhésion aux théories du complot », Diogène, n° 249-250, 2015, pp. 107-119.
-
[13]
M. Barkun, A Culture of Conspiracy: Apocalyptic Visions in Contemporary America, University of California Press, Berkeley et Los Angeles, 2003.
-
[14]
La MIVILUDES, Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, qui, comme l’atteste son rapport annuel d’avril 2015, s’intéresse de près à la pensée conspirationniste et met en lumière « les ravages du complotisme ». Le complotisme est, pour cette instance, un « mouvement de fond » pouvant s’affilier à des croyances extrêmes.
-
[15]
E. Taïeb, « Logiques politiques du conspirationnisme », Sociologie et sociétés, vol. 42, 2010, n° 2, pp. 265-289.
-
[16]
Nous pensons ici aux premières thèses antimaçonniques et conspirationnistes qui apparaissent avec les Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme (1797-1799), de l’abbé Barruel, ou encore, à l’ouvrage de John Robison de 1797 dénonçant les mauvais agissements de la société secrète des Illuminés de Bavière, cette société secrète « prétendument » dissoute en 1785.
-
[17]
G. Bronner, « Pourquoi les théories du complot se portent-elles si bien ? L’exemple de Charlie Hebdo », Diogène, n° 249-250, 2016, pp. 9-20.
-
[18]
Th. Meyssan, « Un 11 Septembre français ? Qui a commandité l’attentat contre Charlie Hebdo », http://www.voltairenet.org/article186408.html, publié le 7 janvier 2015.
-
[19]
R. Girardet, Mythes et mythologies politiques, Seuil, Paris, 1986.
-
[20]
En premier lieu, les Truthers, traduit par les « chercheurs de vérité », sont les membres d’un mouvement ayant pour but de défendre la vérité autour des attentats du 11 septembre 2001.
-
[21]
Données Alexa 2016, recueillies par Antoine Bevort. Cf. https://blogs.mediapart.fr/antoine-bevort/blog/211016/les-trente-sites-politiques-francais-ayant-le-plus-d-audience-sur-le-web-0.
-
[22]
Soral/Dieudonné, un duo s’inscrivant parfaitement dans un business de la conspiration fédérant autour d’eux une nouvelle communauté d’adeptes, d’adhérents, de fans… organisée autour d’une idéologie, de symboles et de signes, comme en témoigne « le geste de la quenelle », un geste qui fait débat entre « geste d’insoumission au système » et « geste antisémite ».
-
[23]
D. Icke, Le Guide de la Conspiration mondiale (Guide To The Global Conspiracy), Macro Éditions, Cesena, 2012.
-
[24]
G. Bronner, « L’effet “Fort” et les damnés du mythe du complot », Raison publique, n° 16, 2012, pp. 55-66.
-
[25]
R. Inglehart, « Extremist Political Positions and Perceptions of Conspiracy », in Carl F. Graumann et Serge Moscovici (eds.), Changing Conceptions of Conspiracy, Springer, New York, 1987, pp. 231-244.
-
[26]
V. Campion-Vincent, La société parano. Théories du complot, menaces et incertitudes, Payot, Paris, 2005.
-
[27]
R. Girardet, Mythes et mythologies politiques, op. cit.
-
[28]
E. Soteras, « Rockin’ Squat : le conspirationnisme sur fond rythmique », Diogène, n° 249-250, 2015, pp. 229-239.
-
[29]
L. Nicolas, « Jésuites, Juifs, francs-maçons : la rhétorique au service de la conspiration », Diogène, n° 249-250, 2015, pp. 75-87.