1L’avènement de la socialité numérique est le résultat, d’une part, de transformations technologiques qui ont commencé par le web 2.0 (le haut débit, les tablettes, les téléphones intelligents, les appareils mobiles), et de l’autre, d’une nouvelle situation sociale qui a accéléré les formes d’interaction en développant des pratiques et des dynamiques atopiques, ainsi qu’une écologie communicative où les individus, les dispositifs, les circuits et les environnements sont réunis dans une même ambiance.
2Cette socialité, caractérisée par des interactions omniprésentes et instantanées, nous oblige à repenser les dimensions de la vie sociale en élargissant son architecture au-delà des limites des relations humaines et des espaces publics, en portant l’attention sur des formes de relations complexes post-contractuelles et post-politiques. Dans cette socialité, les visions dialectiques et idéologiques de la sphère publique ne font plus le social ni n’en déterminent l’évolution. Au contraire, ces relations génèrent des formes sociales synchroniques et éphémères qui forment plusieurs écologies et, donc, génèrent une socialité sans totalité ; une socialité dont les agrégations sont constituées par des acteurs humains et culturels, mais aussi par des facteurs organiques (biodiversité) et inorganiques (circuits, dispositifs, etc.).
3Les différents mouvements sociaux de ces dernières années témoignent, au-delà de leurs valeurs politiques et de leurs contenus, de l’émergence d’une nouvelle forme de socialité caractérisée par la connexion simultanée des espaces, des rues, des places, des réseaux numériques, des données, de l’information et des organismes vivants. Plus que la manifestation d’une simple action rationnelle et téléologique des individus, ces interactions ou ces mouvements sont l’expression d’une architecture écologique et technologique complexe, qui les produit et qui en permet le développement.
4Les formes de l’activisme numérique expriment non seulement un affaiblissement de la dimension sociale et politique moderne, mais aussi le dépassement de l’architecture à travers laquelle le social a été construit et dessiné. Face à l’hétérogénéité des acteurs, humains ou non, reliés entre eux par des écosystèmes dynamiques et une socialité éphémère, nous sentons le besoin d’un lexique qui ne se limite pas à raconter la vie sociale à travers les concepts positivistes de l’anthropocentrisme (où le social devient un système composé par les individus, les sphères institutionnelles et symboliques). Nous sentons même l’insuffisance des termes tels que la technique, l’humain, l’environnement, qui ont toujours constitué les piliers des épistémologies sociales en créant une vision simplifiée et stérile. Les pratiques du net-activisme expriment des écologies complexes dont la description nous conduit à un exercice linguistique difficile qui nécessite un effort étymologique visant à découvrir des mots ainsi que de nouvelles significations, et nous oblige, tel le planeur avec le vent, à prendre toujours des formes différentes et temporaires dans la tentative d’accompagner les changements.