Notes
-
[1]
Maladies et infections d’origine animale comme Ebola, le Sida ou la Covid-19.
-
[2]
Hélène Soubelet, « Modification des écosystèmes et zoonoses dans l’Anthropocène », janvier 2019, www.fondationbiodiversite.fr.
-
[3]
Michel Bauwens, « Le “peer to peer” induit que la production émane de la société civile », 20 mars 2015, www.liberation.fr.
-
[4]
CNRS Éditions, 2019
-
[5]
Entretien avec Daniel Kaplan, « L’Afrotopie, un laboratoire pour le monde », 14 novembre 2019, www.plurality-university.org.
-
[6]
Alain Caillé, Philippe Chanial, « Au commencement était la relation… Mais après ? », Revue du MAUSS, 2016, https://www.cairn.info.
-
[7]
Concept établi en 1964 par Ehrlich et Raven dans « Butterflies and plants : a study in coevolution », Evolution, 1964.
-
[8]
Ibid.
-
[9]
Leigh van Valen, « A new evolutionary law », Evolutionary Theory, 1973.
-
[10]
Pour plus de détails voir Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, L’entraide, l’autre loi de la jungle, Les Liens qui Libèrent, 2019.
-
[11]
Ibid.
-
[12]
Cette idée s’est d’ailleurs grandement répandue dans nos sociétés occidentales et s’est institutionnalisée comme seul prisme par lequel observer, comprendre et interagir avec le monde qui nous entoure, engendrant un monde violent. Ibid.
-
[13]
Nommés phytobiote.
-
[14]
Les comparaisons des travaux de Darwin et de Kropotkine ont montré que l’abondance relative d’un milieu riche en termes de ressources (ex. milieu tropical) favorise les comportements compétitifs tandis qu’un milieu où les conditions de vie sont plus dures/hostiles (ex. milieu polaire) favorise les comportements d’entraide.
-
[15]
Etienne Danchin, Luc-Alain Giraldeau, Frank Cézilly, Écologie Comportementale, Dunod, 2012.
-
[16]
Gustavo Turecki, Michael Meaney et leur équipe de l’Université McGill ont démontré que les mauvais traitements subis dans l’enfance altéraient de façon durable des gènes impliqués dans la réponse au stress. D’autres travaux menés par l’équipe du professeur Michael Kobor en 2017, ont démontré chez les humains que le simple fait d’être touché tôt dans la vie a des conséquences profondes et potentiellement permanentes sur l’expression génétique d’une personne.
-
[17]
John Bowlby, Attachement et perte, Puf, 2002.
-
[18]
Edward O. Wilson, Biophilia, José Corti, 2012.
-
[19]
Les observations faites par les sciences comportementales sur les éléphants, les bonobos, les baleines ou encore les fourmis amènent à reconsidérer que des phénomènes cognitifs tels que l’empathie ou l’altruisme ne sont pas réservées qu’à l’humain.
-
[20]
Cycles biogéochimiques : cycle de l’oxygène, du carbone, de l’hydrogène, de l’azote, du phosphore, du soufre, des métaux.
-
[21]
Lithosphère (croûte terrestre), hydrosphère (ensemble des eaux de la planète), atmosphère (enveloppe gazeuse de la Terre) et biosphère (ensemble des organismes vivants et leurs milieux de vie).
-
[22]
Victor Hugo, L’âme, Proses philosophiques – Deuxième partie, 1860-1865.
-
[23]
Le marqueur temporel fait débat. Nous aborderons ce sujet plus loin avec la notion de Plantationocène. Aussi voir l’article de Clive Hamilton, « Define the Anthropocene in terms of the whole Earth », 17 août 2016, www.nature.com.
-
[24]
Eloi Laurent, « La société française entre confiance et défiance », Alternatives Économiques n° 89, 2011.
-
[25]
Alain Deneault, L’économie esthétique, feuilleton théorique trois, Lux Éditeur, 2020.
-
[26]
Ces réflexions sont issues d’un cours donné par l’économiste Frédéric Gaschet à l’Université Bordeaux-Montaigne.
-
[27]
Michel Grossetti, « Concentration d’entreprises et innovation : esquisse d’une typologie des systèmes productifs locaux », Géographie, Économie, Société, 2004.
-
[28]
Diverses typologies de SPL ont été décrites par Ann Markusen dans un chapitre intitulé « Sticky places in slippery space : a typology of industrial district s », Economic Geography, 1996.
-
[29]
Défini par Norbert Elias comme « les personnes, les actions et les relations réciproques […] formant un ensemble de tensions » (Qu’est-ce que la sociologie ?, Édition de l’Aube, 1991).
-
[30]
Voir la thèse de Quy Nghi Nguyen, La reconfiguration des districts industriels au Vietnam, thèse de doctorat de sociologie, Université Lumière Lyon 2, 2009.
-
[31]
Jean-Marc Olivier, « Morez ou la conscience de place au service de la réussite industrielle », 10 octobre 2007, www.hal.archives-ouvertes.fr.
-
[32]
Divya Leducq, Bruno Lusso, « Le cluster innovant : conceptualisation et application territoriale », Cybergeo, 2011.
-
[33]
Label créé en 2004 par l’État français. Il en existe 55 en France en 2020. À noter qu’existent également depuis les années 1970 les technopoles (ex. Sophia Antipolis) et les pôles de technologie (ou technopôles).
-
[34]
Michael E. Porter, « Clusters and the New Economics of Competition », Harvard Business Review, 1998.
-
[35]
Johan Nylander, « How Shenzhen is challenging Silicon Valley », 11 décembre 2017, www.technode.com. Traduit en français par « Shenzhen, un rêve de geek », 25 avril 2018, www.courrierinternational.com.
-
[36]
Cherise Fong, « FAB12 : pourquoi fabriquer presque tout (à Shenzhen) », 30 août 2016, www.makery.info.
-
[37]
Christophe Beaurain, Jérôme Longuépée, Sabine Pannekoucke Soussi, « La proximité institutionnelle, condition à la reconquête de la qualité de l’environnement », Natures Sciences Sociétés, 2009.
-
[38]
Convention européenne du paysage de Florence (2000).
-
[39]
Alberto Magnaghi, La biorégion urbaine. Petit traité sur le territoire bien commun, Eterotopia, 2014.
-
[40]
7e session plénière de l’IPBES.
-
[41]
Michael Painter, David Wilkie, James Watson, « Indigenous Peoples Have a Critical Role in Conserving Nature », Scientific American, 2019.
-
[42]
Jerome Lewis, « How ‘Sustainable’ Development Ravaged the Congo Basin », Scientific American, 2020. En accès libre sur le site www.africanelephantjournal.com.
-
[43]
À l’image de la philosophie à l’origine de la création des Parcs Nationaux.
-
[44]
Dans cet article, les auteurs montrent comment la présence des peuples autochtones protège mieux à long terme contre la déforestation que l’instauration de zones protégées et a fortiori qu’un usage dit durable de la forêt.
Christoph Nolte, Arun Agrawal, Kirsten M. Silvius, Britaldo S. Soares-Filho, « Governance regime and location influence avoided deforestation success of protected areas in the Brazilian Amazon », PNAS, 2013. www.pnas.org. -
[45]
Augustin Berque, « Cosmiser à nouveau les formes », Design Ecosocial, 2018.
-
[46]
À l’époque présocratique, ce terme définissait la totalité de ce qui est ou se produit (événements ou processus). En Grèce Antique, la phusik était l’une des trois branches de la philosophie avec la logique et l’éthique. Sur ce sujet, voir les travaux de Georges Lloyd, historien des sciences et de la médecine ancienne.
-
[47]
Notamment avec les travaux de René Descartes.
-
[48]
Achille Mbembe, Brutalisme, La Découverte, 2020.
-
[49]
D’abord espagnole et portugaise puis essentiellement anglaise et française. Voir « Les vérités sur l’esclavage », Historia, avril 2020.
-
[50]
Traduction de l’auteur in « Reflections on the Plantationocene : A conversation with Donna Haraway and Anna Tsing », 18 juillet 2019, www.edgeffects.net.
-
[51]
Alexander Koch, Chris Brierley, Mark M. Maslin, Simon L. Lewis, « Earth system impacts of the European arrival and Great Dying in the Americas after 1492 », Quaternary Science Reviews, 2019.
-
[52]
Peut-être même le double. Pour cause d’épidémies mais aussi de guerres, d’exploitation dans les mines, d’esclavage ou de famines. Sans compter le viol des femmes indigènes. Sur ces sujets, voir Lissell Quiroz, « Épidémies, conquête et génocide dans les Amériques », 23 mars 2020, www.decolonial.hypotheses.org.
-
[53]
Christian Grataloup, Vision(s) du Monde, Histoire critique des représentations de l’humanité, Armand Colin, 2018.
-
[54]
Ibid.
-
[55]
Ibid.
-
[56]
Hors de la cité et donc du domaine politique.
-
[57]
Philippe Descola (dir.), Les Natures en question, Odile Jacob, 2017.
-
[58]
Les Tiers-Paysages sont des territoires de refuge à la diversité : ceux sont les landes, les tourbières ou encore les friches, là où les machines ne passent pas et où les cultures se sont oubliées. Voir Gilles Clément, Manifeste du tierspaysage, sens&tonka, 2014.
-
[59]
Selon le biologiste Thomas Heams dans son ouvrage Infravies, le vivant sans frontières, Éditions du Seuil, 2019.
-
[60]
Dans ses travaux dans Par-delà nature et culture, Folio Essai, 2005.
-
[61]
Animisme, totémisme, analogisme, naturalisme.
-
[62]
Philippe Descola (dir.), Les Natures en question, Odile Jacob, 2017.
-
[63]
Malcom Ferdinand, Écologie décoloniale, penser l’écologie depuis le monde caribéen, Anthropocène Seuil, 2019.
-
[64]
Après une intervention chirurgicale, les patients bénéficiant dans leur chambre d’hôpital d’une vue sur la nature ont un séjour post-opératoire moins long et consomment moins d’analgésiques que les patients ayant vue sur un paysage urbain bâti – Roger S. Ulrich, « View through a window may influence recovery from surgery », Science, 1984.
-
[65]
Rachel Kaplan, Stephen Kaplan, The Experience of Nature : A Psychological Perspective, Cambridge University Press, 1989.
-
[66]
Qing Li, « Effets des forêts et des bains de forêt (shinrin-yoku) sur la santé humaine : une revue de la littérature », Santé Publique, 2019.
-
[67]
Agathe Colléony, Anne-Caroline Prévot, Michel Saint Jalme, Susan Clayton, « What kind of landscape management can counteract the extinction of experience ? », Landscape and Urban Planning, 2017.
-
[68]
Températures de l’air plus chaudes au centre de la ville qu’à sa périphérie.
-
[69]
Joëlle Zask, « Il faut repenser notre rapport à la nature », revue en ligne Horizons Publics, 2019.
-
[70]
Un phénomène étant défini comme une chose ou un fait qui se manifeste à la sensibilité d’un être vivant.
-
[71]
Il évoque également les travaux de l’écologue Robert Pyle à propos de « l’extinction de l’expérience de la nature » (en milieu urbain). « Manières d’être vivant, avec le philosophe-pisteur Baptiste Morizot », La Terre au carré, 5 février 2020, www.franceinter.fr.
-
[72]
Dans un séminaire intitulé Projeter l’espace partagé : design de relation, entre espace et information qui s’est déroulé en 2019 à l’université de Strasbourg ainsi que dans la première séance intitulée « Vers un design de relations » d’un autre séminaire intitulé Projeter l’espace partagé : Le design civique et l’esthétique sociale organisé à l’EHESS en 2017.
-
[73]
Achille Mbembe, Brutalisme, La Découverte, 2020.
Faisant le constat de l’omniprésence du paradigme relationnel dans les sciences sociales aussi bien que dans les sciences du vivant, cet article investigue les domaines de la biologie, de l’économie et du paysage à l’aune de cette réalité actante bien qu’invisible, postulant ainsi la nature relationnelle du monde. Notre rapport sensible au règne du vivant est également abordé. En effet, nous sommes actuellement dans une crise de la relation à la Nature, or cette relation est vitale et donc nécessaire à l’existence et à l’épanouissement des humains. L’article propose aussi l’analyse d’un jardin partagé en permaculture comme manifestation d’une forme de design relationnel, entendue comme mode de conception centré sur la relation.
1La crise sanitaire mondiale que nous traversons durant ce printemps 2020 est une crise fondamentalement relationnelle. Elle révèle de manière abrupte à quel point les êtres humains de cette planète sont liés à d’autres formes de vies (ou infravies selon T. Heams) que sont les virus. Elle révèle aussi la réciprocité fondamentale de la relation entre humains et non-humains (aussi appelés autres qu’humains). En effet, nous savons que la recrudescence des zoonoses [1] au cours du siècle dernier est due notamment au phénomène de déforestation lié à la pression des activités humaines sur les écosystèmes naturels [2]. Cette crise révèle également les systèmes d’interdépendances économiques que nos sociétés globalisées ont mis en place. Cela a été particulièrement tangible quand nous nous sommes rendu compte de notre dépendance à la Chine pour la fabrication de masques, à la Malaisie pour la production de gants en latex ou à l’Inde qui approvisionne les usines pharmaceutiques en composants des médicaments. Enfin nous avons pris conscience, de manière plus intime et parfois aiguë, de notre dépendance relationnelle aux autres humains constituant notre milieu social.
2En dehors de cette situation sanitaire qui bien que globale et hyper impactante reste ponctuelle, la période contemporaine est marquée par une soif de nouvelles ontologies. En témoigne le surgissement récent et préalable à la crise actuelle de la notion de relation au sein de champs disciplinaires aussi variés que les technologies numériques, l’écologie, l’économie ou encore l’art et le design. Ainsi, Michel Bauwens, spécialiste des Communs, parle du développement des échanges en ligne en peer to peer tels que Wikipedia, Linux ou les systèmes de crowdfunding (financement participatif) comme d’une dynamique relationnelle [3]. Ceci concerne également la technologie de la Blockchain. L’anthropologue Damien Deville, dans un ouvrage éponyme, promeut l’écologie relationnelle, qui fait écho à l’ouvrage synthétique de Philippe Descola intitulé Une écologie des relations [4]. Sur l’économie, Felwine Sarr [5] invoque la nécessité d’inventer de nouvelles formes qu’il réunit sous le vocable d’économie relationnelle.
3Certains vont jusqu’à faire l’hypothèse que « la texture même de tout ce qui existe – la nature, le social, la subjectivité – est fondamentalement et exclusivement relationnelle, et ne peut être appréhendée qu’en ces termes », [6] ajoutant que « rien ne semble en effet échapper à l’empire de la relation ». Suivant le fil de la sociologue de l’art Nathalie Heinich, il est possible de considérer que « c’est la relation qui fait l’objet, et non pas l’objet qui fait la relation ». Il s’agit bien là d’une (r)évolution de perspective qui nous servira de fil conducteur dans l’article.
4Nous porterons dans un premier temps notre regard sur la nature relationnelle du monde, en ouvrant des fenêtres sur la biologie, l’économie et le paysage. Puis nous nous intéresserons aux relations tissées entre les êtres humains et le vivant (humain et autre qu’humain).
1 – De la nature relationnelle du monde
1.1 – Perspectives relationnelles en biologie
5La relation est une composante fondamentale de la vie. Aucun individu ne vit seul et presqu’aucune espèce ne vit par elle-même. Toute entité vivante se retrouve directement ou indirectement dans des situations de dépendances mutuelles et croisées avec d’autres.
L’évolution, un processus relationnel
6Au xviiie siècle, de nombreux travaux de biogéographie, de la systémique ou encore de l’anatomie comparée promeuvent l’idée que les espèces suivent un processus évolutif physique au cours du temps. De Lamarck à Darwin, les travaux pro-évolutionnistes viennent bouleverser en profondeur les croyances de l’époque et instaurent une causalité entre comportement, physiologie et environnement. Plusieurs idées fondatrices émergent : l’hérédité des caractères acquis pour Lamarck ou bien la sélection naturelle et la sélection sexuelle pour Darwin.
7Ainsi, le milieu dans lequel évolue un individu influence les comportements, l’état physiologique et psychologique, les processus cognitifs et ses gènes. À l’inverse, les actions d’un individu déterminées également par son propre état physiologique, psychologique (passé et présent), son bagage culturel et génétique vont avoir un impact direct sur le milieu. Les relations qu’entretiennent les individus d’une population avec leur milieu est tellement intime qu’elles en impactent leurs corps biologiques.
8Certaines espèces évoluent les unes par rapport aux autres selon leurs influences réciproques, on parle alors de coévolution [7]. Ce phénomène de coévolution s’observe dans différents cas : par exemple entre espèces antagonistes (système hôte/parasite ou proie/prédateur) ainsi qu’entre espèces dites mutualistes. La coévolution entre espèces mutualistes a notamment été mise en lumière avec les nombreuses observations entomologistes notamment sur les papillons et les plantes [8]. Cette sélection réciproque aurait joué un rôle majeur dans leur évolution favorisant ainsi l’apparition de nouvelles espèces de plantes et de papillons et aboutissant à la diversité que nous connaissons aujourd’hui.
9Le biologiste L. Van Valen (1973) va plus loin avec son hypothèse de la reine rouge en affirmant que la persistance d’une espèce dans un environnement n’est possible que par un effort adaptatif permanent les poussant à se co-adapter réciproquement pour rester à la même place sur le plan adaptatif [9]. Par ailleurs, la sélection réciproque entre espèces agit comme un moteur évolutif et un engin de diversification amenant certaines espèces à une perpétuelle évolution qui façonne leurs traits, leur physiologie, leur morphologie mais aussi leurs comportements et leurs cultures.
10Héritée des nombreuses générations qui l’ont précédée, chaque espèce a donc une place primordiale dans le milieu dans lequel elle évolue. Ainsi, la perte d’une espèce dans un écosystème entraîne aussi bien la perte des interactions inter-espèces dans lesquelles l’espèce était placée que la perte de ce que l’on pourrait appeler l’empreinte relationnelle temporelle dont elles ont héritée (patrimoine génétique, comportemental et culturel). Même un léger appauvrissement du nombre d’espèces d’un écosystème entraîne un bouleversement dans le fonctionnement du milieu. Les interactions de type coévolution jouent donc un rôle important dans le maintien de la biodiversité, amenant la relation à un stade tel qu’elle en devient un élément pondérant l’évolution des espèces et des écosystèmes.
11On peut dessiner différents types de relation dont le résultat est plus ou moins bénéfique pour la survie des individus allant de la compétition à la coopération/mutualisme/symbiose en passant par le parasitisme/prédation, la coexistence, l’amensalisme, et le commensalisme [10].
12Il est intéressant de regarder de plus près l’idée de symbiose car les « innovations » résultant de cette typologie de relation représentent de véritables sauts de complexité par rapport à celles générées par la prédation ou la compétition. C’est fondamentalement autour de ce phénomène que la vie s’est construite telle qu’on la connaît aujourd’hui [11]. Cette forme de mise en relation mutuellement bénéfique se retrouve à la base même du vivant et est un facteur clé de l’évolution des espèces selon Pierre Kropotkine, géographe et activiste, ou plus récemment selon la microbiologiste Lynn Margulis. L’idée selon laquelle l’évolution est orientée sur des phénomènes de coopération et d’interdépendances bénéfiques entre organismes vivants complète la théorie darwinienne dont l’interprétation simpliste structurait les relations entre espèces autour de la compétition et de la prédation [12]. Les symbioses entre le corps humain (comme chez tout animal) et des millions de microorganismes (principalement des bactéries) appelés « microbiotes » sont un des nombreux exemples qui démontrent l’abondance de cette typologie de relation dans le vivant. Ces microorganismes, réunis sous forme de communautés écologiques complexes, ont un rôle capital dans l’efficacité de notre nutrition et la qualité notre système immunitaire. On retrouve ces communautés [13] chez les végétaux dont le rôle est déterminant dans la croissance de l’individu.
13Dans cette optique, le corps, qu’il soit animal ou végétal, est le point de départ qui permet la mise en relation de systèmes (digestif, nerveux, immunitaire…) et de diverses communautés de microorganismes fonctionnant ensemble au sein d’une même structure physique.
14L’explosion du nombre de découvertes sur le sujet de la symbiose a permis un progrès considérable dans la compréhension du monde dont nous faisons partie. Cependant, malgré le fait que l’entraide soit omniprésente, n’oublions pas que le vivant se définit aussi par la diversité des formes de vie et milieux qui le composent. Ainsi, chez un même individu ou dans un même groupe on pourra trouver les différentes typologies de relations évoquées précédemment. Ces variations relationnelles sont dépendantes des milieux [14], des espèces, des cultures, des situations et des états mentaux associés.
Le corps, empreinte d’une obsession relationnelle
15Moins flagrante que l’ouverture structurelle de l’arbre, l’humain, comme beaucoup d’autres animaux, embrasse à sa manière le monde par son corps. Tout d’abord d’un point de vue purement morphologique, la présence d’une motricité permet une mise en mouvement de l’être dans son milieu et donc une interaction choisie avec celui-ci. Aussi, les sens que nous possédons (toucher, vue, ouïe, goût, odorat, proprioception…) sont des indices tangibles de cette obsession relationnelle qui existe entre une personne et son milieu. Ils permettent de capter les stimulations que l’individu rencontre afin que celui-ci réagisse en conséquence.
16Dans cette ouverture à l’autre, les centres nerveux du corps interagissent avec les sens pour conditionner une interaction avec le milieu, selon un ensemble complexe de critères ontologiques, physiologiques, cognitifs et expérientiels. D’un point de vue biologique, l’humain est considéré comme une espèce prosociale où le relationnel, notamment coopératif, est une caractéristique prépondérante et ce dès les premières années. Ainsi le développement physiologique et psychologique de l’individu, de l’embryon jusqu’à l’âge adulte, implique une interaction continue entre son patrimoine génétique et culturel hérité et son milieu [15]. Aussi, l’environnement social auquel est soumis l’individu dans son développement prénatal et postnatal peut impacter durablement son génome et ses comportements [16]. Les précurseurs de la théorie de l’attachement (1958) [17], le psychanalyste John Bowlby puis le psychologue Harry Harlow, ont démontré que les relations étaient centrales pour générer de la vie, la carence relationnelle étant synonyme de mort.
17Plus généralement, la relation au milieu et à toute forme vivante qui le constitue a été abordée par Edward O. Wilson. Il écrivait en 1984 [18] qu’explorer la vie, s’affilier à elle, constitue un processus profond et complexe du développement mental d’un individu. Il définit cette attirance pour la vie et ses diverses formes sous le terme de biophilie.
18La relation à l’autre est vitale à la fois pour exister et se construire en tant qu’individu et personne mais aussi pour permettre aux autres de se construire. Tout le corps est en mouvement quand il s’agit de comprendre l’autre. L’empathie, la sympathie, la compassion, l’altruisme ou la contagion émotionnelle sont des empreintes de l’obsession relationnelle qui anime beaucoup d’êtres vivants [19].
La relation se manifeste aussi à l’échelle planétaire
19À l’échelle de la planète, la relation aussi fait loi. En effet, il existe tout un système d’interrelations dont la biosphère fait partie. Gravitant entre les différents états de la matière et les échelles locale et globale, les organismes vivants entretiennent un ensemble d’actions cycliques de dégradations, de transformations et de transports d’éléments et de composés chimiques. Ces cycles biogéochimiques [20] rendent compte des échanges de matière qui existent entre les différents grands réservoirs du système Terre [21].
20Les cycles biogéochimiques et la biosphère sont également liés aux mouvements tectoniques et aux courants atmosphériques et océaniques. Ainsi, il existe une relation étroite entre les forêts et les mouvements atmosphériques de l’eau. L’interruption des continuités de forêts entraîne l’interruption des déplacements de masses d’eau atmosphériques et par conséquent la sécheresse de certains territoires au cœur des terres continentales. Certaines régions du monde ont changé de paysage du fait de l’interruption des relations entre biosphère et atmosphère, notamment aujourd’hui le bassin méditerranéen avec la déforestation due à l’agriculture. La coupe intensive des forêts et la destruction des continuités écologiques n’ont pas qu’un impact sur le taux de carbone atmosphérique mais également sur la circulation d’éléments nécessaires à la vie et donc sur la biodiversité elle-même. Ces phénomènes que nous observons et dont nous faisons l’expérience aujourd’hui partout sur le globe sont liés à nos modes de vie destructeurs contemporains.
21À l’échelle d’un individu, d’un groupe, d’une espèce ou bien d’un écosystème, la relation qui existe entre les cycles, la biosphère et les mouvements atmosphériques et océaniques est nécessaire au maintien de chacun. Les uns dépendent des autres et vice versa car l’ensemble des phénomènes biologiques sont intimement liés. Comme l’énonçait Victor Hugo, « rien n’est solitaire, tout est solidaire […] Ôtez un terme de cette formule, le polynôme se désorganise » [22]. Les relations qui se sont développées au fur et à mesure de l’évolution des écosystèmes ont installé une dimension systémique multi-échelles au fonctionnement de notre monde. L’émergence de l’Anthropocène, nouvelle époque géologique marquée par les conséquences de l’activité industrielle [23] sur l’ensemble du système Terre, illustre l’impact de la relation entre l’espèce Homo sapiens et cette planète.
1.2 – Perspectives relationnelles en économie et en paysage
22Le fait que la relation soit centrale dans l’organisation du monde est évident dans des disciplines comme la sociologie ou la psychanalyse, dans les approches phénoménologiques ou dans la théorie de l’acteur-réseau. Nous allons développer ici ce que nous en disent certains travaux en économie et en paysage.
L’intensité relationnelle dans les Systèmes Productifs Locaux
23La notion de confiance apparaît comme centrale en économie. Elle peut être considérée comme une « espérance de fiabilité dans les relations humaines » [24] que celles-ci soient médiées par une institution ou non. L’économie étant parfois définie comme un « ensemble de relations fécondes entre acteurs d’un écosystème » [25].
24Au-delà de la vision classique de l’entreprise vue comme une institution autonome, la notion de système productif met en lien l’entreprise avec un ensemble d’interdépendances, à la fois internes et externes en lien avec son environnement (territoire d’implantation, autres entreprises, institutions…). L’économie globalisée contemporaine a accentué un mode de fonctionnement réticulaire et distanciel, assuré par des liaisons discontinues non locales dépendantes des capacités de transports et de télécommunications.
25Inversement, il est intéressant de prendre connaissance de travaux menés au sujet des systèmes productifs locaux [26] (SPL) considérant le territoire comme une forme d’organisation industrielle spécifique. Ces SPL peuvent se définir comme des « concentrations (géographiques) d’entreprises, […] entretenant entre elles des relations permettant la mise en commun de savoirs techniques et donc la création ou la diffusion d’innovations » [27]. Les SPL sont constituées d’entreprises, mais également d’institutions associées comme des universités [28]. Le mélange d’affrontement concurrentiel et de coopération dans des domaines particuliers produit un terreau économique fertile.
26Les sciences économiques citent souvent le cas des districts industriels italiens existant en Vénétie et en Toscane. Mais cette configuration [29] existe également de manière saillante dans la région d’Hanoï au Vietnam avec son réseau de villes satellites appelées « villages de métiers » [30] et dédiées chacune à une spécialité industrielle artisanale (par exemple Bát Trang et la céramique).
27Dans le cas italien de la fin du xixe siècle, les grappes de petites entreprises traditionnelles spécialisées (céramique, textile…) et à forte proximité spatiale avaient alors un succès économique notoire puisqu’elles remportaient des parts de marchés à l’export. L’explication de leur succès est notamment sociologique, puisqu’au-delà des relations économiques entre les entreprises, celles-ci se doublaient de fortes relations sociales et souvent familiales. Aussi il n’existe pas de hiérarchie entre ces entreprises, ni de contractualisation. Les relations informelles sont privilégiées via des engagements réciproques non écrits basés sur la confiance. Celle-ci permet également la flexibilité, sur les délais de livraison et la qualité, et évite une contractualisation génératrice de coûts et de temps de recours le cas échéant. Ainsi se crée ce que certains appellent la conscience de place, conjonction d’intérêts économiques et sociaux, de valeurs partagées et d’institutions, expliquant parfois l’irrationalité apparente d’une réussite industrielle comme celle de la lunetterie à Morez dans le Jura [31].
28Suivant cette logique, a été développé dans les années 1990 le concept de cluster [32] (plus tard pôle de compétitivité [33] en français) par un professeur de management états-unien, Michael Porter, basé notamment sur l’analyse de la Silicon Valley. Il définit le cluster comme une concentration géographique d’entreprises et d’institutions interconnectées dans un domaine spécifique, qui promeut à la fois la compétition et la coopération [34].
29Un exemple contemporain de ce type de système productif local est observé en Chine à Shenzhen avec son iconique marché électronique et informatique de Huaqiangbei [35]. La ville est aujourd’hui en capacité de réunir différents corps de métiers sur un plan à la fois logiciel et matériel grâce à l’hyper proximité d’usines, de fablabs et de studios de design. Ainsi la production d’un prototype peut se faire en moins d’une semaine [36]. Un certain nombre de clusters impulsés par l’État français dans les années 1990-2000 n’ont pas eu le succès escompté notamment à cause d’un manque de travail en commun entre les entreprises membres. En effet, la construction artificielle de la confiance entre acteurs aux intérêts contradictoires est difficile à instaurer, qui plus est par un acteur extérieur.
30Effectivement, la proximité géographique n’induit automatiquement pas la proximité sociale, c’est-à-dire qu’elle n’est pas suffisante pour créer des relations de confiance entre les acteurs. C’est ce que rappelle l’école de la proximité, courant de recherche français réunissant géographes, sociologues et économistes. Enfin, une des évolutions contemporaines de la science économique, appelée économie écologique, s’attache à appréhender la « coévolution entre les sociosystèmes (institutions en tant que système de règles sociales, politiques et économiques) et les écosystèmes » [37].
1.3 – Le paysage, un dialogue entre systèmes sociaux et systèmes naturels
31Le paysage est défini communément en Europe comme une « partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations » [38]. Ainsi, la notion de paysage exprime une relation entre les humains et leur milieu de vie, ce milieu étant lui-même le résultat d’une coévolution entre systèmes naturels et humains. Cette approche est défendue notamment par l’architecte et urbaniste Alberto Magnaghi, et avant lui par le biologiste et sociologue Patrick Geddes, avec le développement de l’idée de biorégion urbaine, définie comme « ensemble des relations sociales, économiques et culturelles qui caractérisent les espaces à l’âge de la révolution urbaine » [39].
32L’exemple de la forêt des Landes dans le Sud-Ouest de la France est évocateur puisque qu’un visiteur non informé n’aurait pas conscience que la plus grande forêt française est d’origine artificielle. Elle a été initiée par la main humaine, en l’occurrence par une loi de 1857 relative à l’assainissement et à la mise en culture des Landes de Gascogne, qui a transformé de vastes zones humides, dans lesquelles les bergers marchaient en échasses, en une forêt de pins maritimes permettant l’assèchement des terres (et la réduction du nombre de cas de paludisme) ainsi que le développement d’une activité industrielle de la filière bois.
33Inversement, l’activité humaine des peuples indigènes au sein d’une forêt Amazonienne, que l’on peut imaginer non anthropisée, contribue à sa gestion durable depuis des millénaires. Ceci a été reconnu par un rapport de l’ONU de 2019 [40], indiquant que les peuples autochtones ont une capacité inégalée de maintien de la biodiversité sur les terres qu’ils habitent. D’autres ajoutent que le soutien de ces peuples à maintenir leurs droits sur ces terres à forte valeur écologique représente un moyen efficace de redirection des pressions anthropiques exogènes [41].
34Ceci s’explique notamment par une relation fondamentalement différente au milieu naturel. Dans un article récent [42], l’anthropologue Jerome Lewis décrit le mode de vie symbiotique du peuple pygmée BaYaka au sein de la forêt du bassin du Congo. Il explique que ses membres se considèrent comme une incarnation humaine de la forêt elle-même (forest transformed into persons). Ceci, alors que leur mode de vie est menacé de toutes parts, non seulement par le développement d’activités d’extraction minière mais aussi par une approche purement environnementale du développement durable promue dans ce cas précis par l’association WWF. En effet, l’auteur explique que l’association promeut une approche conservatrice de l’écologie [43], l’activité des êtres humains (bien que vivant là depuis des siècles en harmonie avec la forêt) devant être découplée d’une protection stricte de l’environnement. Les actions de préservations des écosystèmes par le biais de zones protégées sont largement insuffisantes pour faire face aux défis environnementaux contemporains, ce qui a d’ailleurs été démontré concernant la forêt amazonienne [44].
35Un auteur a marqué les étudiants contemporains en école de paysage. Il s’agit du géographe et philosophe Augustin Berque, s’inscrivant lui-même dans la continuité du biologiste Von Uexküll, qui expliquait que tout animal est un contre-assemblage, un couplage dynamique du sujet avec son milieu propre. Berque évoque la relation d’interdépendance du milieu et du sujet (humain notamment). Cette nature trajective des formes du milieu fait que l’humain et son milieu s’élaborent réciproquement, alternativement empreinte et matrice l’un de l’autre [45]. Le paysage est alors défini comme ce lien concret entre les êtres et les choses, et ce à toute échelle, « de bibelots en territoires ».
36On le voit, l’imbrication des enjeux sociaux et environnementaux doit être pensée comme un postulat fondamental d’une approche véritablement durable de la relation entre êtres humains et milieux naturels.
2 – À propos de nos relations au vivant
2.1 – Considérations historiques, anthropologiques et « vitalistes »
37L’idée de Nature semble aller de soi tant elle est familière dans la conscience européenne. Elle est l’héritage du concept vitaliste de phusis [46] de la Grèce Antique qui a été ensuite objectivée au cours du Moyen-Âge et embarquée dans une perversion mécaniste depuis les travaux des naturalistes du xviie siècle [47]. Cette dernière évolution a contribué à l’éloignement des humains du reste du règne du vivant.
À propos de Plantationocène
38Au-delà de l’approche classique dissociant espace et temps, certains auteurs contemporains invoquent le terme de géohistoire pour exprimer la continuité de la relation entre faits historiques et situations géographiques. C’est notamment le cas d’Achille Mbembe [48] évoquant « l’universalisation de la condition nègre » devant le constat de l’épuisement généralisé des capacités organiques de l’humanité. L’exploitation systémique de toutes formes d’êtres vivants (humains et non-humains) remonte au xvie siècle lors de la première vague européenne [49] de colonisation des terres indigènes tropicales des Amériques et des Antilles, puis très rapidement de la mise en esclavage massive et organisée de peuples africains au profit de l’exploitation minière (or et argent) et des plantations sucrières.
39Cette exploitation continue, depuis cinq siècles et également contemporaine, de l’humain par d’autres humains et de la « nature » par l’humain peut être appelée Plantationocène. Cette terminologie est défendue notamment par Donna Haraway qui parle de la plantation comme d’une forme d’agriculture industrielle qui « requiert soit un génocide, soit un déplacement, soit un mode de captivité et de remplacement d’une force de travail locale par une main-d’œuvre contrainte par autrui, soit à travers diverses formes de servage, de contractualisation inégale ou d’esclavage total » [50]. Elle ajoute que dans ce système, le travail forcé des non-humains est également à l’œuvre, aussi bien plantes, animaux ou microbes et que ce contexte est radicalement incompatible avec des possibilités d’amour ou de soin des lieux.
40Certains chercheurs en climatologie évoquent la date de 1610 pour marquer la période géologique actuelle caractérisée par l’influence humaine sur le système-terre (ou Anthropocène). En effet, est observable, à cette date, une chute du taux de CO2 dans l’atmosphère ayant engendré un « petit âge glaciaire ». Celui-ci étant dû à un large phénomène de reforestation lié à la disparition [51] sur une période d’un siècle de plus de 50 millions [52] d’indigènes sur le continent américain et qualifié a minima d’ethnocide.
41Le système de plantations de canne à sucre qui a été instauré au début du xvie siècle tire son origine dans le développement en Europe de spécialités culinaires sucrées [53] comme les confitures et les dragées, alors marques de richesse pour la noblesse et la bourgeoisie avant de devenir le produit populaire que l’on connaît. La culture de la canne s’est d’abord développée à Madère, qui devint la première « île à sucre » coloniale portugaise, puis aux Canaries pour les Espagnols. Madère joua alors un « rôle de laboratoire pour les futures expéditions dans l’Atlantique à la fois pour les routes maritimes et la technologie de plantation esclavagiste » [54].
42Encore aujourd’hui le « petit-déjeuner » occidental à base de boissons exotiques (thé, café, chocolat) tire son origine dans des habitudes alimentaires prises au xviiie siècle et le plus souvent associé à la consommation de sucre [55].
Déconstruction de l’idée de « Nature »
43Domaine de régularité indépendant des actions humaines [56], ensemble des êtres dépourvus de conscience et de langage, espace-refuge échappant à l’anthropisation, toutes ces significations qui donnaient à la Nature sa troublante unité ont été remises en cause. En effet, « la Nature n’est plus ce qu’elle était » comme le dit Philippe Descola [57], référence de l’anthropologie contemporaine. La Nature n’est plus cette chose qui se développe indépendamment de l’humain, bien au contraire.
44Les avancées de ces dernières décennies en matière d’éthologie, d’écologie, de sociobiologie ou bien de philosophie et d’anthropologie ont permis de déconstruire, petit à petit, l’idée de nature profondément ancrée dans notre manière d’appréhender le monde. La frontière entre humain et non-humain devient de plus en plus floue. Tout ce qui séparait l’humain de la dite nature comme les techniques, la culture, la transmission, l’empathie ou encore la conscience de son propre corps est partagé par d’autres que des humains. Animaux, insectes voire certains végétaux démontrent de nombreuses aptitudes auparavant réservées à Homo sapiens sapiens. Terme globalisant et universalisant d’un vivant riche et diversifié, la Nature ne permet pas aujourd’hui de rendre hommage à la diversité des formes de vies et des cultures qui foulent cette Terre depuis des millions d’années.
45Gilles Clément, paysagiste reconnu pour ses travaux sur le concept de Tiers-Paysage [58] nous invite à nous lier au mouvement du paysage. L’idée de mouvement, une des caractéristiques du vivant [59], immerge l’être dans une relation horizontale, non-contractuelle et décoloniale avec son milieu. Le tiers paysage est une clé de sortie de notre dominance et notre marchandisation de la biodiversité. Ce concept confronte le regard occidental du paysage aux autres cultures planétaires notamment celles dont les fondements reposent sur le lien fusionnel entre l’humain et le vivant.
46Philippe Descola [60] investit l’opposition Nature/ Culture par le prisme des peuples amérindiens et propose quatre modes de rapport au monde [61]. Déconstruisant l’ethnocentrisme occidental et questionnant les façons dont les humains façonnent leur vision du monde, il propose l’idée de faire collectif (et non plus celle de faire société) en intégrant les associations humains/non-humains en son sein. Dans les groupes dits totémiques, toute chose du monde est partie d’un tissu dont les fils (formant les motifs) sont les humains, les animaux, les plantes, les territoires, les savoir-faire, les divinités… Quant aux peuples dits animistes, où tous les existants ont une vie sociale, ils considèrent le monde comme peuplé de collectifs sociaux avec lesquels les collectifs humains nouent des relations conformément à des normes supposées communes à tous. Selon Descola, dans les collectifs animistes, les véritables sujets politiques ne sont plus les individus, les groupes ou les espaces mais les relations entre les collectifs. Cette approche a pour signe distinctif de traiter l’autre comme une personne de statut égal peu importe sa condition. En ces termes, l’animisme nous offre « une formidable stimulation pour peser à nouveau vers l’action politique et le vivre ensemble dans un monde où nature et société ne sont plus irrémédiablement séparés » [62].
47C’est à partir de l’instauration cosmopolitique d’un monde fait d’humains et de non-humains que la Terre peut devenir non pas seulement ce que l’on partage mais ce que l’on a en commun, sans le posséder en propre comme le décrit l’anthropologue Malcom Ferdinand [63].
Un rapport vital au végétal
48Le rapport de l’humain à la « nature » ne date évidemment pas d’hier. Si les peuples racines (appelés aussi indigènes, autochtones, premiers) ont su conserver une relation symbiotique avec le milieu naturel, ce sont des avancées scientifiques contemporaines qui ont œuvré pour prouver notre lien viscéral avec le monde du vivant.
49En 1984, les travaux menés en psychologie environnementale par Roger S. Ulrich ont montré le lien causal entre la puissance symbolique de la nature et la physiologie humaine [64] dans un cadre hospitalier. C’est également le sens des travaux de Seiko Goto qui prouvent l’influence de l’expérience des jardins japonais sur la santé mentale de patients atteints de démence, ou encore des jardins dits thérapeutiques, qu’ils soient récents ou historiques. Certains travaux élaborent une « théorie de la restauration de l’attention » [65] établissant un rapport de causalité entre vue de la nature et relâchement intellectuel. C’est également le sens d’un courant venu du Japon et appelé en français sylvothérapie (shinrin-yoku en japonais) et qui promeut les bains de forêts, simplement sous forme d’une présence prolongée dans un milieu forestier « dans un objectif de détente et de loisir ». Les vertus de ces immersions végétales ont été prouvées sur le plan physique, mental, émotionnel et social et peuvent durer plusieurs semaines [66].
50Il est intéressant de remarquer que les formes profanes d’expérience de la nature ne sont pas forcément corrélées à la valeur écologique intrinsèque des lieux parcourus. Il a été montré que les lieux considérés comme naturels par ses habitant.e.s ne sont pas ceux qui sont dotés de qualités écologiques particulières par les experts. C’est plutôt la fréquence de l’expérience d’une zone de nature plutôt que l’attachement à un lieu particulier qui crée la relation à la nature [67].
51Concernant nos villes contemporaines, elles se rappellent chaque été lors des épisodes de vagues de chaleur que les arbres nous rendent bien des services, et notamment celui d’abaisser la température localement jusqu’à 8 degrés et d’atténuer ainsi le phénomène d’îlot de chaleur urbain [68]. De la même manière, les jardins partagés ne permettent pas seulement de nous nourrir ou d’occuper notre temps libre. Ils sont aussi une manière de « construire son individualité et de forger une nouvelle expérience commune de la vie » [69]. Les externalités sociales bénéfiques de ces lieux entraînent une recrudescence de tels projets, en particulier à proximité de logements sociaux.
2.2 – Analyse relationnelle d’un jardin
Le Collectif TAMA, une pratique du design inspirée par la permaculture
52Au-delà de l’activité de conception de lieux, services, produits centrée sur les utilisateurs, propre au design, le Collectif TAMA infuse de la permaculture une éthique et des principes de mise en relation de l’humain à son milieu considérant les choses dans leur ensemble et non de manière fragmentée. Il diffuse ainsi une approche qualifiée de design relationnel considérant les projets comme des outils de médiation qui permettent par leur usage de mettre en relation certaines entités d’un territoire considéré.
53Le collectif travaille en collaboration avec l’association Les Vergers de Mareil (VDM) basée à Mareil-Marly dans les Yvelines. Cette association, créée en 2013, gère quatre jardins partagés sur le territoire communal d’un village situé à l’interface urbain-rural.
Analyse relationnelle d’un jardin partagé
54Fondu au cœur d’un vaste réseau de vergers datant du début du xxe siècle, le Jardin de la Châtaigneraie est un laboratoire permaculturel pour les membres de l’association et ses sympathisants. Il est propriété de la commune et géré par l’association de manière collégiale et participative.
55Pour mieux comprendre le fonctionnement systémique du jardin, le collectif a entrepris de cartographier son système de relations pour analyser le niveau de reliance du jardin au territoire et au vivant. Une fois les données récoltées (éléments entrants et sortants du jardin ainsi que leurs sources et leurs destinations finales) via un entretien avec une référente du jardin, elles ont été agglomérées et reliées dans la figure ci-dessous qui représente le métabolisme du jardin partagé.
56Remarque : cette analyse relève d’un métabolisme fonctionnel situé. Elle rend compte de la perception de la personne interviewée, dans une approche phénoménologique [70]. Certaines interactions non perçues peuvent ne pas apparaître sur la figure.
Cartographie du métabolisme du Jardin de la Châtaigneraie
Cartographie du métabolisme du Jardin de la Châtaigneraie
57Mode d’emploi : le cercle jaune au centre désigne le jardin. Dans la partie gauche du graphe sont localisés les flux entrants et dans la partie droite les flux sortants. Sur le premier cercle figurent à gauche les éléments entrants, à droite les éléments sortants. À la périphérie sont placées les sources des éléments entrants et la destination des éléments sortants. Les éléments vivants sont marqués en vert pour ceux qui relèvent du végétal, en orange de l’animal et en rouge de l’humain. Les éléments non vivants sont figurés en gris. Les sources et les destinations considérées comme locales apparaissent en cercle jaune. En haut de la figure sont situées les « fonctions de cœur », associées aux activités humaines.
58Ce jardin est lié à une majorité de flux vivants, principalement végétaux. Il est caractérisé par un ancrage local très fort puisque sept sources ou destinations (sur les neuf) sont locales. Les sources des éléments entrants sont très diversifiées (jardin, compost, forêt, association, site internet…). On note que la majorité des flux entrants (plantes, fleurs, arbres) entrent individuellement et de sources toutes différentes. Peu d’entrées sont groupées, sauf les graines via l’achat sur un site internet. À l’inverse, les éléments sortants sont clusterisés en récoltes différenciées : graines, aromates, fruits et légumes. Certaines récoltes alimentent des évènements (Fête du Printemps, Marché de Noël).
59Il existe un fort lien avec des particuliers résidant localement et avec la biodiversité locale (asperges sauvages, animaux…). Il y a peu de relations avec le village de Mareil-Marly (où est situé le jardin) mais il existe des liens informels avec le territoire voisin de Saint-Germain-en-Laye. Malgré une forme de gouvernance horizontale, une des référentes du jardin (Anaïs) constitue un hub ultra-central dans l’approvisionnement et la gestion du jardin. Enfin ce jardin constitue une interface active majeure entre l’association VDM et le monde extérieur notamment par la visite de promeneurs du dimanche venus des villes alentour.
60Ce travail a permis de rendre compte graphiquement du métabolisme du jardin, défini comme ensemble du système de relations qu’il entretient avec son territoire. À la suite de cette analyse, des recommandations ont été formulées afin d’améliorer les interactions de celui-ci avec son territoire et proposées aux membres de l’association.
61Cette mise en scène des données récoltées permet de les visualiser en un coup d’œil et de manière globale. La carte est alors performative au sens où elle produit un niveau d’information supérieur à une retranscription juxtaposée des données issues des entretiens.
Conclusion : vers un design relationnel
62À toutes les échelles du système Terre et entre toutes ses parties, la relation est une composante essentielle. Vivre le monde sous le prisme de la relation permet de rétablir un ordre duquel s’est émancipé l’humain depuis déjà trop longtemps, réduisant son propre milieu de vie à une machinerie aujourd’hui usée.
63Dans l’ouvrage Lo-TEK, Design by Radical Indigenism (Taschen, 2020) la designer et activiste Julia Watson nous rappelle que nous ne prenons pas assez en considération la perte de relations au monde vivant et son impact psychologique. C’est ce que dit aussi le philosophe Baptiste Morizot, qui indique que nous sommes bien actuellement dans une « crise de nos relations au vivant et une crise de la sensibilité au vivant » [71], plus que dans une crise du vivant lui-même – même si cela est vrai également.
64Le designer Ruedi Baur utilise la terminologie de design de relation [72]. Ceci fait écho à l’exposition Post Médium de la biennale internationale de design graphique de Chaumont de 2019 qui présentait une sélection de travaux « envisageant la relation comme forme ». La même année, l’exposition Cosmopolis #2 : repenser l’humain, organisée au Centre Pompidou à Paris et critiquant l’universalisme euro-centré, se construisait avec des artistes « qui s’engagent dans la production de relations et l’échange de savoirs, participant à une résurgence d’intérêt pour les approches cosmopolitiques » et dans « l’enchevêtrement de l’humain et du non-humain ».
65Dans cet esprit, le Collectif TAMA revendique une pratique de design relationnel, permettant la relation par la forme (matérielle ou immatérielle). L’objectif attendu étant celui de tisser des mondes entre humains et non-humains au croisement des sciences, des arts, des imaginaires, des cosmologies et des savoir-faire indigènes.
66Achille Mbembe rappelle que dans les pensées antiques d’Afrique le vivant est considéré « comme un tissu en devenir », sa clinique ayant alors pour objet de recomposer la relation. Il nous invite à « revenir à une conception intégrale du monde, voire de la Terre », plaidant pour l’avènement d’une conscience planétaire qui nécessite la « représentation d’un monde commun » [73] ce qu’a malheureusement et indirectement entraîné la pandémie de Covid-19. Pour incarner cette intégralité souhaitée du monde, il est temps d’accueillir la diversité des manières de vivre et de faire monde, qu’elles soient humaines ou non-humaines, pour les entraîner dans un horizon politique commun.
Mots-clés éditeurs : relation, design relationnel, anthropocène, plantationocène, métabolisme, vivant, jardin partagé, nature
Date de mise en ligne : 14/10/2020
https://doi.org/10.3917/sdes.026.0111Notes
-
[1]
Maladies et infections d’origine animale comme Ebola, le Sida ou la Covid-19.
-
[2]
Hélène Soubelet, « Modification des écosystèmes et zoonoses dans l’Anthropocène », janvier 2019, www.fondationbiodiversite.fr.
-
[3]
Michel Bauwens, « Le “peer to peer” induit que la production émane de la société civile », 20 mars 2015, www.liberation.fr.
-
[4]
CNRS Éditions, 2019
-
[5]
Entretien avec Daniel Kaplan, « L’Afrotopie, un laboratoire pour le monde », 14 novembre 2019, www.plurality-university.org.
-
[6]
Alain Caillé, Philippe Chanial, « Au commencement était la relation… Mais après ? », Revue du MAUSS, 2016, https://www.cairn.info.
-
[7]
Concept établi en 1964 par Ehrlich et Raven dans « Butterflies and plants : a study in coevolution », Evolution, 1964.
-
[8]
Ibid.
-
[9]
Leigh van Valen, « A new evolutionary law », Evolutionary Theory, 1973.
-
[10]
Pour plus de détails voir Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, L’entraide, l’autre loi de la jungle, Les Liens qui Libèrent, 2019.
-
[11]
Ibid.
-
[12]
Cette idée s’est d’ailleurs grandement répandue dans nos sociétés occidentales et s’est institutionnalisée comme seul prisme par lequel observer, comprendre et interagir avec le monde qui nous entoure, engendrant un monde violent. Ibid.
-
[13]
Nommés phytobiote.
-
[14]
Les comparaisons des travaux de Darwin et de Kropotkine ont montré que l’abondance relative d’un milieu riche en termes de ressources (ex. milieu tropical) favorise les comportements compétitifs tandis qu’un milieu où les conditions de vie sont plus dures/hostiles (ex. milieu polaire) favorise les comportements d’entraide.
-
[15]
Etienne Danchin, Luc-Alain Giraldeau, Frank Cézilly, Écologie Comportementale, Dunod, 2012.
-
[16]
Gustavo Turecki, Michael Meaney et leur équipe de l’Université McGill ont démontré que les mauvais traitements subis dans l’enfance altéraient de façon durable des gènes impliqués dans la réponse au stress. D’autres travaux menés par l’équipe du professeur Michael Kobor en 2017, ont démontré chez les humains que le simple fait d’être touché tôt dans la vie a des conséquences profondes et potentiellement permanentes sur l’expression génétique d’une personne.
-
[17]
John Bowlby, Attachement et perte, Puf, 2002.
-
[18]
Edward O. Wilson, Biophilia, José Corti, 2012.
-
[19]
Les observations faites par les sciences comportementales sur les éléphants, les bonobos, les baleines ou encore les fourmis amènent à reconsidérer que des phénomènes cognitifs tels que l’empathie ou l’altruisme ne sont pas réservées qu’à l’humain.
-
[20]
Cycles biogéochimiques : cycle de l’oxygène, du carbone, de l’hydrogène, de l’azote, du phosphore, du soufre, des métaux.
-
[21]
Lithosphère (croûte terrestre), hydrosphère (ensemble des eaux de la planète), atmosphère (enveloppe gazeuse de la Terre) et biosphère (ensemble des organismes vivants et leurs milieux de vie).
-
[22]
Victor Hugo, L’âme, Proses philosophiques – Deuxième partie, 1860-1865.
-
[23]
Le marqueur temporel fait débat. Nous aborderons ce sujet plus loin avec la notion de Plantationocène. Aussi voir l’article de Clive Hamilton, « Define the Anthropocene in terms of the whole Earth », 17 août 2016, www.nature.com.
-
[24]
Eloi Laurent, « La société française entre confiance et défiance », Alternatives Économiques n° 89, 2011.
-
[25]
Alain Deneault, L’économie esthétique, feuilleton théorique trois, Lux Éditeur, 2020.
-
[26]
Ces réflexions sont issues d’un cours donné par l’économiste Frédéric Gaschet à l’Université Bordeaux-Montaigne.
-
[27]
Michel Grossetti, « Concentration d’entreprises et innovation : esquisse d’une typologie des systèmes productifs locaux », Géographie, Économie, Société, 2004.
-
[28]
Diverses typologies de SPL ont été décrites par Ann Markusen dans un chapitre intitulé « Sticky places in slippery space : a typology of industrial district s », Economic Geography, 1996.
-
[29]
Défini par Norbert Elias comme « les personnes, les actions et les relations réciproques […] formant un ensemble de tensions » (Qu’est-ce que la sociologie ?, Édition de l’Aube, 1991).
-
[30]
Voir la thèse de Quy Nghi Nguyen, La reconfiguration des districts industriels au Vietnam, thèse de doctorat de sociologie, Université Lumière Lyon 2, 2009.
-
[31]
Jean-Marc Olivier, « Morez ou la conscience de place au service de la réussite industrielle », 10 octobre 2007, www.hal.archives-ouvertes.fr.
-
[32]
Divya Leducq, Bruno Lusso, « Le cluster innovant : conceptualisation et application territoriale », Cybergeo, 2011.
-
[33]
Label créé en 2004 par l’État français. Il en existe 55 en France en 2020. À noter qu’existent également depuis les années 1970 les technopoles (ex. Sophia Antipolis) et les pôles de technologie (ou technopôles).
-
[34]
Michael E. Porter, « Clusters and the New Economics of Competition », Harvard Business Review, 1998.
-
[35]
Johan Nylander, « How Shenzhen is challenging Silicon Valley », 11 décembre 2017, www.technode.com. Traduit en français par « Shenzhen, un rêve de geek », 25 avril 2018, www.courrierinternational.com.
-
[36]
Cherise Fong, « FAB12 : pourquoi fabriquer presque tout (à Shenzhen) », 30 août 2016, www.makery.info.
-
[37]
Christophe Beaurain, Jérôme Longuépée, Sabine Pannekoucke Soussi, « La proximité institutionnelle, condition à la reconquête de la qualité de l’environnement », Natures Sciences Sociétés, 2009.
-
[38]
Convention européenne du paysage de Florence (2000).
-
[39]
Alberto Magnaghi, La biorégion urbaine. Petit traité sur le territoire bien commun, Eterotopia, 2014.
-
[40]
7e session plénière de l’IPBES.
-
[41]
Michael Painter, David Wilkie, James Watson, « Indigenous Peoples Have a Critical Role in Conserving Nature », Scientific American, 2019.
-
[42]
Jerome Lewis, « How ‘Sustainable’ Development Ravaged the Congo Basin », Scientific American, 2020. En accès libre sur le site www.africanelephantjournal.com.
-
[43]
À l’image de la philosophie à l’origine de la création des Parcs Nationaux.
-
[44]
Dans cet article, les auteurs montrent comment la présence des peuples autochtones protège mieux à long terme contre la déforestation que l’instauration de zones protégées et a fortiori qu’un usage dit durable de la forêt.
Christoph Nolte, Arun Agrawal, Kirsten M. Silvius, Britaldo S. Soares-Filho, « Governance regime and location influence avoided deforestation success of protected areas in the Brazilian Amazon », PNAS, 2013. www.pnas.org. -
[45]
Augustin Berque, « Cosmiser à nouveau les formes », Design Ecosocial, 2018.
-
[46]
À l’époque présocratique, ce terme définissait la totalité de ce qui est ou se produit (événements ou processus). En Grèce Antique, la phusik était l’une des trois branches de la philosophie avec la logique et l’éthique. Sur ce sujet, voir les travaux de Georges Lloyd, historien des sciences et de la médecine ancienne.
-
[47]
Notamment avec les travaux de René Descartes.
-
[48]
Achille Mbembe, Brutalisme, La Découverte, 2020.
-
[49]
D’abord espagnole et portugaise puis essentiellement anglaise et française. Voir « Les vérités sur l’esclavage », Historia, avril 2020.
-
[50]
Traduction de l’auteur in « Reflections on the Plantationocene : A conversation with Donna Haraway and Anna Tsing », 18 juillet 2019, www.edgeffects.net.
-
[51]
Alexander Koch, Chris Brierley, Mark M. Maslin, Simon L. Lewis, « Earth system impacts of the European arrival and Great Dying in the Americas after 1492 », Quaternary Science Reviews, 2019.
-
[52]
Peut-être même le double. Pour cause d’épidémies mais aussi de guerres, d’exploitation dans les mines, d’esclavage ou de famines. Sans compter le viol des femmes indigènes. Sur ces sujets, voir Lissell Quiroz, « Épidémies, conquête et génocide dans les Amériques », 23 mars 2020, www.decolonial.hypotheses.org.
-
[53]
Christian Grataloup, Vision(s) du Monde, Histoire critique des représentations de l’humanité, Armand Colin, 2018.
-
[54]
Ibid.
-
[55]
Ibid.
-
[56]
Hors de la cité et donc du domaine politique.
-
[57]
Philippe Descola (dir.), Les Natures en question, Odile Jacob, 2017.
-
[58]
Les Tiers-Paysages sont des territoires de refuge à la diversité : ceux sont les landes, les tourbières ou encore les friches, là où les machines ne passent pas et où les cultures se sont oubliées. Voir Gilles Clément, Manifeste du tierspaysage, sens&tonka, 2014.
-
[59]
Selon le biologiste Thomas Heams dans son ouvrage Infravies, le vivant sans frontières, Éditions du Seuil, 2019.
-
[60]
Dans ses travaux dans Par-delà nature et culture, Folio Essai, 2005.
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[61]
Animisme, totémisme, analogisme, naturalisme.
-
[62]
Philippe Descola (dir.), Les Natures en question, Odile Jacob, 2017.
-
[63]
Malcom Ferdinand, Écologie décoloniale, penser l’écologie depuis le monde caribéen, Anthropocène Seuil, 2019.
-
[64]
Après une intervention chirurgicale, les patients bénéficiant dans leur chambre d’hôpital d’une vue sur la nature ont un séjour post-opératoire moins long et consomment moins d’analgésiques que les patients ayant vue sur un paysage urbain bâti – Roger S. Ulrich, « View through a window may influence recovery from surgery », Science, 1984.
-
[65]
Rachel Kaplan, Stephen Kaplan, The Experience of Nature : A Psychological Perspective, Cambridge University Press, 1989.
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[66]
Qing Li, « Effets des forêts et des bains de forêt (shinrin-yoku) sur la santé humaine : une revue de la littérature », Santé Publique, 2019.
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[67]
Agathe Colléony, Anne-Caroline Prévot, Michel Saint Jalme, Susan Clayton, « What kind of landscape management can counteract the extinction of experience ? », Landscape and Urban Planning, 2017.
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[68]
Températures de l’air plus chaudes au centre de la ville qu’à sa périphérie.
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[69]
Joëlle Zask, « Il faut repenser notre rapport à la nature », revue en ligne Horizons Publics, 2019.
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[70]
Un phénomène étant défini comme une chose ou un fait qui se manifeste à la sensibilité d’un être vivant.
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[71]
Il évoque également les travaux de l’écologue Robert Pyle à propos de « l’extinction de l’expérience de la nature » (en milieu urbain). « Manières d’être vivant, avec le philosophe-pisteur Baptiste Morizot », La Terre au carré, 5 février 2020, www.franceinter.fr.
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[72]
Dans un séminaire intitulé Projeter l’espace partagé : design de relation, entre espace et information qui s’est déroulé en 2019 à l’université de Strasbourg ainsi que dans la première séance intitulée « Vers un design de relations » d’un autre séminaire intitulé Projeter l’espace partagé : Le design civique et l’esthétique sociale organisé à l’EHESS en 2017.
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[73]
Achille Mbembe, Brutalisme, La Découverte, 2020.