Notes
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[1]
Les centres de soins communautaires et l’isolation pratiquée au sein d’une maison étant réputés faciliter l’acceptation par la population (Calain et Poncin, 2015).
-
[2]
Recherche financée par le Fonds National de la Recherche Suisse (2013-2016).
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[3]
Même si en interviewant de nombreuses personnes rentrant d’Afrique de l’Ouest, leurs témoignages ont sans nul doute éclairé bien des débats de pratiques, ayant cours à Genève.
-
[4]
Sur le fonctionnement du GOARN, cf. Ansell et al., 2012.
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[5]
Le directeur de la région AFRO sera remercié pendant l’été 2014 et une nouvelle directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, Matshidiso Moeti, est nommée le 25 janvier 2015 durant l’Executive Board de l’OMS (25 janvier-3 février 2015).
-
[6]
Liu, AFP, 2 sept. 2014.
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[7]
On entend par « équipement de protection individuelle (EPI) » tout équipement porté par une personne dans le but de se protéger contre les dangers susceptibles de constituer une menace pour sa santé. La prévention de l’infection au virus Ebola passe par la prise de précautions pour éviter le contact avec le sang et les liquides biologiques de sujets infectés et avec les objets contaminés par ces mêmes liquides. On a recours à des équipements de protection contre les infections afin d’éviter l’exposition de la peau et des muqueuses des yeux, du nez et de la bouche au sang, à d’autres liquides biologiques, aux sécrétions (y compris les gouttelettes de salive) ou aux excrétions. Durant l’épidémie d’Ebola en Guinée, l’EPI mis en place par MSF était constituée d’une tenue de bloc opératoire doublée d’une tenue complète de protection en plastique souple jetable, elle-même protégée par un long tablier en plastique épais. S’ajoutaient à cette tenue une double épaisseur de gants (chirurgicaux et de ménage), une cagoule, des lunettes de protection et deux masques buccaux placés l’un sur l’autre (masque à bec de canard et masque d’hygiène médicale).
-
[8]
WHO_EVD_Guidance_PPE_14.1_fre.pdf
-
[9]
Le masque à respirateur se justifierait s’il s’avérait que le virus ne se transmet pas uniquement par contact direct ou indirect mais également par l’air respiré. Au moment où nous écrivons ces lignes, il apparaît qu’un consensus domine sur le fait que le virus Ebola ne se transmet que par contact direct entre fluides corporels du malade (sang, selles, sueur, vomissures, urine, sperme, lait maternel) infectés et la bouche, le nez ou les yeux du soignant, soit que ces fluides infectés pénètrent l’organisme du soignant par le biais d’une lésion cutanée ou d’un contact indirect, avec par exemple une seringue mal stérilisée, de la salive projetée sur une surface après avoir éternué, postillonné.
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[10]
En 2015, la Cochrane Review de Verbeek et al. ne fournit pas plus de conclusions probantes sur les avantages du double gantage ou sur l’utilisation préférable d’une hotte munie d’un respirateur.
-
[11]
Ils ne font d’ailleurs pas que cela. Au décours de la lecture du journal de N. Georges (2015), on découvre que l’organisation MSF est également pourvoyeuse de différentes ressources, médicamenteuses ou logistiques (telles que des bases de vie pour les staffs), notamment, à destination des personnels d’autres centres que ceux qu’elle administre en direct.
-
[12]
Les patients atteints du choléra produisent une diarrhée abondante et vomissent souvent. Les soignants ont recours à des lits ou des chaises percés. Les selles sont recueillies dans un seau placé sous le patient, pour améliorer son confort et éviter la diffusion du germe dans l’environnement. Un deuxième seau est placé près du lit ou de la chaise pour recueillir les vomissements.
-
[13]
La vidéo de cet homme, testé positif à l’Ebola, en fuite et affamé, en quête de nourriture sur le marché local dans Monrovia, pourchassé par 3 hommes en tenue de protection complète, a fait le tour du monde en septembre 2014.
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[14]
Selon le récit qu’en fait Nadia Georges (2015, p. 196), urgentiste française, déployée durant 6 semaines à Macenta, en Guinée, le Favipiravir arrive dans le centre de traitement de Macenta autour de Noël 2014.
-
[15]
N. Georges écrit dans son journal : « Recette hypercalcémiante: 1 boite de sardines, + 3 portions de vache qui rit, apportant 780 + (120x3) mg de calcium, à prescrire 3 fois par jour » (2016, 111).
-
[16]
Département renommé depuis, en département des urgences.
-
[17]
Cf site web OMS: http://www.who.int/risk-communication/social-science-interventions/en/: Social Science: Revolutionizing Emergency Response.
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[18]
Cf. Johnson & Vindrola-Padros (2017).
1Durant le pic de la crise Ebola (été 2014 - printemps 2015), de nombreuses controverses ont secoué de part en part, le monde de la santé globale et ses acteurs incroyablement diversifiés. Nous nous attacherons dans ce texte à en décrypter trois en particulier : i) la lenteur de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à déclarer une urgence de santé publique de portée internationale ; ii) la mise à jour des protocoles concernant les Personal Protective Equipment (PPE) utilisés sur le terrain par les soignants ; iii) et le non-engagement, principalement de l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF), dans des solutions alternatives, délaissant le choix d’options comme les centres de soins communautaires ou le « home-based care », qui font pourtant partie de l’arsenal des protocoles à disposition, tant chez MSF que dans les recommandations de l’OMS [1].
2À la faveur d’une recherche portant sur l’organisation des systèmes de santé publique en cas d’épidémie dans trois pays (Suisse, États-Unis et Japon) [2], notre équipe a rencontré plus d’une centaine d’acteurs, et en particulier des acteurs de l’OMS et de MSF. Ces rencontres ont eu lieu à Genève, véritable hub de santé globale (Lempen, 2010), en Suisse plus généralement, brièvement à Tokyo en février-mars 2015 et aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC), à Atlanta en août 2015 (Bourrier, 2017). La focale dans ce texte est volontairement resserrée sur les tensions ayant émaillé les relations, depuis Genève, entre MSF et l’OMS, malgré le fait que de nombreux autres acteurs de poids ont contribué aux opérations durant cette crise (on pense par exemple aux gouvernements des pays concernés, aux Croix Rouge Nationales et aux autres organisations internationales comme l’UNICEF, aux Ministères de la santé, ou d’autres acteurs tels que les CDC, l’INSERM, ou de plus petites ONG ou laboratoires). Précisons d’entrée que nous n’avons pas enquêté en Afrique de l’Ouest, raison pour laquelle, nous ne pouvons prétendre solidement traiter du point de vue local [3]. Il s’agit là d’une coupe limitée, qui ne peut rendre justice au complexe système d’acteurs que cette épidémie a mis en branle. Cependant, il est important de rappeler que ces deux organisations ne sont pas marginales au regard des enjeux de la gouvernance de la santé globale. Durant cette période, un expert interviewé souligne un brin ironique : « En Afrique, on dit ‘OMSF’. » La contraction des deux sigles OMS et MSF traduit que sur le terrain, on ne fait pas forcément la différence : les deux organisations sont vues comme deux puissances extérieures. En dépit de la distance « théorique » qui les caractérise (Lakoff, 2010), vues du terrain, ces deux institutions « collaborent » et appartiennent à l’élite de la santé globale (Youde, 2012 ; Dupras, 2016). En conséquence, aussi limitée que soit notre analyse, elle révèle des controverses qui débordent du cadre strict de cette relation.
3Ce texte cherche à documenter certains éléments concrets du face à face entre OMS et MSF, depuis Genève, en interrogeant directement des protagonistes de la crise des deux côtés. La « raison humanitaire » de MSF (Fassin, 2010), pas plus que la raison « technico-politique » de l’OMS (Kamradt-Scott, 2010), ne vont de soi, lorsque les protocoles de déploiement restent peu discutés. Cependant, ces controverses autour des pratiques d’intervention ne sont pas spécifiques aux rapports entre MSF et l’OMS. Elles témoignent d’un malaise global et de malentendus perdurant sur la nature même des interventions qui traversent les acteurs du monde de la santé globale (Packard, 2016). L’épidémie à virus Ebola des années 2014-2015 est le théâtre de difficultés qui, pour spécifiques qu’elles soient à cette crise, sont nourries par trois phénomènes plus génériques, sur lesquels nous conclurons l’analyse : i) Les controverses touchent toutes les sphères de la santé globale et pas uniquement les acteurs sur le terrain ; ii) Les modes de fonctionnement dégradés sont la norme et pourtant ils font figure d’impensés ; iii) Des savoirs répertoriés offrant la possibilité d’une contextualisation des interventions sont systématiquement oubliés.
Réaction habituelle face à une épidémie classique ou lenteur de réaction face à une épidémie hors normes ?
Le cadre d’une urgence sanitaire connue
4Pour de nombreux experts durant le printemps 2014, Ebola est une urgence sanitaire maîtrisable, qui se « consumera » d’elle-même comme les dizaines d’autres jusqu’à présent. Durant les 40 dernières années, au Congo, au Soudan, en Ouganda, au Gabon, à chaque fois plusieurs dizaines de personnes sont infectées et meurent les trois-quarts du temps. Ces épidémies sont restées jusqu’à présent relativement limitées et n’ont pas tué aussi massivement que celle de 2014-2015. On parle de « flambées », qui se consument d’elles-mêmes, comme un feu de brousse. Une fois que le virus a pu attaquer tout ce qu’il pouvait, il se retire et se tapit dans la forêt, auprès des chauves-souris, gardiennes du virus (Preston, 2014 ; Constant, 2016).
5La doctrine opérationnelle des interventions de santé publique associe : i) la pratique d’isolement des patients et de quarantaines forcées, si nécessaire ; ii) la recherche de contacts systématiques dans l’histoire de chaque malade, de façon à remonter les chaînes de transmission de la maladie ; iii) la mise en place d’une communication de risque spécifique à destination des communautés touchées pour éviter que ne se répandent des comportements à risques ; iv) la mise en place de soins basés en priorité sur la réhydratation et la prise d’antidouleurs, en l’absence de véritable cure ; à v) la prise en charge de l’ensevelissement des corps, car les dépouilles sont très contagieuses.
6L’épidémie à virus Ebola de 2014 est officiellement avérée en mars 2014 en Guinée, grâce au diagnostic établi par le laboratoire Pasteur de Lyon ; il est probable que l’épidémie se soit enclenchée quelques mois plus tôt, en décembre 2013. Le cas index serait un enfant décédé en décembre 2013 à Méliandou, en Guinée forestière, dans le district de Guéckédou. La présence du virus est, pense-t-on alors, le fait de communautés reculées et vivant dans la forêt, en Guinée forestière, au contact d’animaux porteurs du virus comme le sont les chauves-souris : c’est le leitmotiv de la narration traditionnelle sur les épidémies Ebola. Au terme de deux ans de bataille, l’urgence de santé publique de portée internationale liée à Ebola en Afrique de l’Ouest a été déclarée terminée le 29 mars 2016. Au total, 28 616 cas confirmés, probables et suspects ont été notifiés en république de Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, et 11 310 personnes sont décédées (OMS, 2016).
7Deux autres éléments vont venir renforcer le cadrage initial et handicaper l’émergence d’une nouvelle représentation de la crise. Le premier est de nature logistique : le virus se répand dans une région, certes frontalière, mais où l’on pense que les moyens de communication sont peu nombreux et en mauvais état du fait de la guerre qui a sévi si longtemps. En réalité le système routier n’est pas si mauvais et les routes sont donc empruntées (Richards, 2016 : 45-48). Le deuxième est de nature météorologique. Certains experts pensent que la saison des pluies va mécaniquement ralentir les voyageurs et, conséquemment, la progression du virus et de la contagion.
8C’est ainsi que les autorités sanitaires mondiales et nationales vont agir selon cette représentation d’une épidémie classique et déployer des mesures en accord avec cette dernière. L’envoi de petits contingents d’experts de la maladie de l’OMS, des CDC et de MSF sous le label du Global Outbreak Alert and Response Network (GOARN) [4] et coordonné par l’OMS, est donc décidé, comme cela se pratique d’habitude. Ces mesures ont d’ailleurs fait leurs preuves ailleurs, comme nous le confie en août 2015 un expert des CDC, habitué de ces déploiements. De surcroît, ceux qui sont devenus au fil des ans les spécialistes d’Ebola et qui ont une expérience de première main largement éprouvée des épidémies d’Ebola récentes sont à la manœuvre : les MSF sont sur place, en l’occurrence MSF Suisse est à Guéckédou en Guinée depuis 2005. Ils connaissent très bien la région, ils y sont bien implantés et ils vont pouvoir réagir vite, y compris en passant les frontières de la Guinée en envoyant un détachement de médecins, quand le Liberia se déclare à son tour touché.
9En avril 2014, les chiffres leur donnent raison, la courbe commence à baisser, donnant l’impression que les foyers sont sous contrôle. Pourtant, à la fin du printemps 2014 des voix s’élèvent, pour alerter et reconsidérer les prémisses de la première analyse de la situation. À la fois des voix au cœur de la réponse, en particulier chez MSF, mais aussi dans les rangs des spécialistes de santé publique des pays concernés et des voix plus en marge de la réponse directe, notamment dans les ambassades des pays considérés ou du côté des anthropologues. La directrice générale de l’OMS attendra le 8 août 2014 pour déclarer une urgence de santé publique à portée internationale et actionner les provisions du règlement sanitaire international en conséquence. On avancera dans la crise en apprenant que la complexité des relations entre les niveaux du siège de l’OMS à Genève, le niveau de la région AFRO (Brazzaville) et le niveau des pays impactés a retardé significativement la prise en compte de la mesure des événements. La complexité de la structure de l’OMS est une nouvelle fois mise en cause (Cassells et al., 2014). La directrice générale de l’OMS ne peut agir sans mandat des Etats-membres. La nomination des directeurs régionaux de l’OMS, pas plus que celle des directeurs « pays », n’est de son ressort [5].
10Dans les couloirs de l’OMS et à l’extérieur, on nous confie que la déclaration d’une urgence de santé publique ne fait pas toujours l’affaire des gouvernements des pays concernés. Inévitablement, ce genre d’annonce risque d’avoir des effets collatéraux, en termes de boycotts des produits, de fermetures de frontières des pays de la région et de ralentissement, voire d’arrêt des échanges commerciaux. Durant ces mois d’attentisme du point de vue de l’aide directe, d’autres considérations sont au cœur des débats. Ce n’est pas, comme on l’a lu souvent, qu’il ne s’est rien passé. Ce qu’il s’est passé a obéi à d’autres logiques, diplomatiques et économiques, de manière à ne pas acculer les gouvernements des pays concernés.
Le scénario dérape
11Durant l’été 2014, le scénario dérape, mais sur l’échiquier global les acteurs jouent une partie qu’ils ont l’impression de connaître : l’OMS occupe la posture de la grande agence onusienne « empêchée » par ses Etats-membres (Lall, 2017) mais détentrice de ressources d’expertise diplomatique et de capacités de mobilisation de ressources d’expertise additionnelles via le GOARN. La figure du « Je ne peux mais… » est une nouvelle fois sur-jouée par l’agence onusienne, alors qu’elle s’avère incontournable, notamment dans la coordination très rapide des essais cliniques, qu’elle va réussir à assurer. En face, MSF, puissante organisation non-gouvernementale médicale, à fort capital réputationel, directement au front, se trouve rapidement débordée alors que ses équipes sont les spécialistes d’Ebola (Bot, 2014 : MSF, 2015). Le Dr. Liu, directrice de MSF international (organisation faitière des différentes sections MSF) fait pour la première fois dans l’histoire de l’organisation une déclaration à l’ONU pour demander que les États se mobilisent face à une épidémie qui risque de décimer les populations africaines [6]. MSF est par définition une organisation lanceuse d’alertes. Son usage de l’« advocacy », qui lui sert d’habitude, en particulier pour lever des fonds, limite peut-être sa capacité à être entendue assez tôt.
12Ainsi le scénario de départ (des flambées sporadiques que l’on parvient à contenir à chaque fois, et qui tuent par centaines et pas par milliers, qui frappent au cœur de communautés reculées) n’est pas réévalué suffisamment tôt. Comme nous le confiera un virologue déployé par l’OMS au Liberia, rencontré en février 2015 à Tokyo : « La question que nous avions à régler était : que faire quand Ebola est en ville ? Tout le reste n’était au fond qu’accessoire. C’est à cette question que personne ne donnait de réponse ni sur place, ni au niveau pays, régional ou de celui de Genève. »
13Enfin, à mesure que l’idée même d’une épidémie à multiples foyers laisse la place à des épidémies distinctes, il devient vital que les communautés s’approprient la lutte. Sur le terrain l’approche retenue trop strictement bio-sécuritaire, utilisée dans toutes les épidémies avant celle-ci, ne fonctionne pas. Certains anthropologues mettent en garde contre des simplifications culturalistes, pouvant handicaper les mesures prises sur le terrain (Wilkinson, 2014 ; Fairhead, 2014 ; Anoko et al., 2014). Ce n’est pas la première fois qu’ils montent au créneau sur de tels faits (Hewlett & Hewlett, 2008). Dans ce contexte, la bataille des tenues de protection individuelle signale le désarroi d’une réponse qui peine à trouver son souffle.
La bataille des tenues de protection individuelles [7]
14La controverse autour de la « bonne » tenue a cristallisé des différences d’approche dans le déploiement de la réponse. Qui décide de ce qu’est une « bonne tenue » ? Que faire quand on n’a pas sous la main certains morceaux spécifiques de la tenue ? Est-il autorisé de faire avec les moyens du bord ? De quels risques la tenue protège-t-elle ? Comment soigner avec compassion dans cet harnachement ? Au travers des EPI s’est déployée une bataille en actes sur ce que les soignants étaient amenés à réaliser sur place et surtout dans quelles conditions.
Un contexte très tendu
15Le contexte de 2014 est celui d’une grande difficulté de la part de toutes les organisations intervenantes à mobiliser du personnel qualifié pour participer à la « réponse Ebola » (MSF, 2015 ; Sprecher, 2016 : 74-75). Les soignants du monde entier ont peur et ne sont pas rassurés par des conditions de dialogue et donc de soin envers les populations très difficiles. Les rapports avec « les communautés » vont d’emblée poser des problèmes aux experts de santé, nationaux comme locaux. Retranchées parfois, suspicieuses et dans l’incompréhension le plus souvent, abandonnées à leur sort dans de nombreux cas dans les débuts, les populations « résistent », « sont dans le déni », ne sont pas « éduquées ». Nous reprenons ici les mots les plus fréquemment entendus dans les cercles concernés. Comme si les populations venaient perturber la mise en place des interventions de santé publique éprouvées dans d’autres contextes.
16Pourtant, de la bouche des experts rodés de MSF, ce n’est pas la première fois qu’ils rencontrent de la « résistance » : « Ah, non, mais moi, je ne suis pas surpris, non. Je suis surpris qu’elles durent aussi longtemps, mais des résistances, on en a eu partout… On en a eu à chaque fois qu’il y a eu des épidémies d’Ebola » (Expert MSF, Genève, Février 2015). Ce point est documenté (Kerstiëns et Matthys, 1999 ; Roddy et al., 2007). De la défiance se manifeste face aux experts de santé publique dans des pays où les populations ont, pendant des années, connu des guerres civiles sanglantes (Fribault, 2015). Les heurts, échauffourées et violences (jusqu’à la tuerie de Womey en septembre 2014) entre populations locales et experts de santé publique autour du sort réservé aux morts ont rapidement réclamé la présence de forces de l’ordre. Même situation du côté de l’OMS où les difficultés d’intervention étaient connues (Formenty et al., 2003).
17Durant l’été 2014, de nombreuses ONG estiment ne pas avoir les compétences techniques nécessaires pour s’engager dans cette bataille. Les rapatriements sanitaires n’étaient pas garantis, car les compagnies aériennes manquent à l’appel, hormis une compagnie américaine et une compagnie belge. La peur est partout, non seulement auprès des populations terrifiées par les ravages de la maladie, mais dans les rangs des répondeurs, à l’OMS et chez MSF y compris. À l’automne 2014, le management de la section Suisse à Genève doit mettre en place une campagne, intitulée « Welcome them back », pour accueillir les membres de ses équipes déployées sur place. Les collègues restés à Genève ont peur de se trouver au contact des répondeurs de retour d’Afrique de l’Ouest.
Echanges de points de vue
18En 2015, 815 soignants ont été infectés par le virus Ebola. Les deux tiers sont morts de la maladie. Dans ce contexte critique, où les personnels de santé en particulier locaux, ont déjà payé un lourd tribut, MSF cherche à assurer pour ses personnels une protection maximale. Les EPI des MSF sont des tenues « cosmonautes », qui ne laissent exposée aucune parcelle de peau. Les récits de l’extraordinaire inconfort dû à la chaleur et de la grande difficulté à prodiguer un soin compassionnel abondent (Pallister-Wilkins, 2016 ; Georges, 2015 ; Sprecher, 2016 ; Verbeek et al., 2016).
19Tout aussi présente dans les débats dès le mois de septembre 2014, la défense de cette tenue maximale par des professionnels inquiets, qui ne tardent pas à critiquer ouvertement le fait que l’OMS ne cherche pas à l’imposer dans ses recommandations, préférant recommander une tenue « suffisante » (MacIntyre et al., 2014, 2015). Des voix dissidentes, y compris au sein de MSF s’expriment : « L’équipement de MSF est inadéquat. On ne peut rester dans les PPE que 45 minutes (on étouffe). L’inconfort de la tenue ajoute au danger plutôt que de le réduire, (à son avis). (…) Le PPE soulève la question du contact avec les patients. Il y a un fondamentalisme de MSF sur les PPE. (…) En juillet-août (2014), OMS et MSF ont cohabité dans certains hôpitaux. Les cliniciens de l’OMS ont opté pour une tenue plus légère. Grand scandale à MSF sur le mode : ‘ils ne protègent pas leurs personnels’, ‘ils sont irresponsables’ ». (Expert MSF, Genève, décembre 2014)
20L’OMS, qui produira durant ces mois pas moins de 45 documents normatifs sur Ebola, va se saisir de la question pour évaluer la « juste » protection, celle qui est suffisante pour assurer la sécurité du soignant, tout en permettant un soin de qualité aux malades. L’analyse résumée qui suit provient de la revue d’un document sur la question des EPI [8]. Les questions étudiées systématiquement étaient les suivantes : « Quels sont les avantages et les inconvénients de porter des doubles gants, une protection faciale complète, la tête entièrement recouverte, des combinaisons imperméables, des appareils de protection respiratoire et des bottes en caoutchouc portés comme équipement de protection individuelle par rapport à d’autres articles d’EPI moins robustes pour les agents de santé s’occupant de patients ayant une maladie à filovirus ? (p. 12) ». Le contentieux entre les experts portent sur deux points : le port des doubles-gants et le respirateur plutôt qu’un masque chirurgical (et dans une moindre mesure l’en-capsulage total du cou et de la tête) [9].
21Le verdict du groupe de 13 experts travaillant à la demande de l’OMS est le suivant : « L’examen systématique n’a pas permis d’analyse comparative des données pour les différents types d’EPI. » Les résultats sont décevants. Les éléments d’« evidence-based medicine » manquent malgré l’analyse approfondie de la littérature. Toutes les recommandations dans le document seront indiquées comme « fortes », mais les éléments pour les étayer parfois ténus. Nous reproduisons dans l’encadré ci-après une partie des conclusions pour ainsi donner à voir la manière dont les recommandations sont formulées.
Encadré 1. Quelques recommandations OMS pour les EPI À propos des masques, des respirateurs, des gants
Recommandation forte, données de faible qualité sur la comparaison entre le masque médical/chirurgical et l’appareil de protection respiratoire concernant la transmission des infections à filovirus.
Recommandation 4 : Tout agent de santé doit porter un appareil de protection respiratoire résistant aux éclaboussures lorsqu’il s’occupe de patients atteints par une infection à filovirus, et ce pendant les procédures susceptibles de générer des aérosols, afin d’éviter l’exposition au virus.
Recommandation forte, données de qualité moyenne si l’on tient également compte des données sur les procédures susceptibles de générer des aérosols pour ce qui concerne les autres agents pathogènes.
Justification et remarques
Le masque médical/chirurgical a pour finalité de protéger les muqueuses buccales et nasales des éclaboussures et des gouttelettes de matières infectieuses. Comme les filovirus ne se transmettent pas à l’homme par voie aérienne, un appareil de protection respiratoire n’est pas forcément requis.
On considère que les masques médicaux/chirurgicaux rigides (type « bec de canard », coquille) sont plus confortables que les appareils de protection respiratoire pour les utilisateurs. En climat chaud et humide, un masque rigide qui ne colle pas à la bouche lorsqu’il est humide à cause de la respiration ou de la transpiration est plus sûr qu’un simple masque.
Le masque doit toujours être porté avec une protection oculaire adaptée (écran facial ou lunettes de protection ; voir recommandations 1 et 2 ci-dessus). Le masque/l’appareil de protection respiratoire doit résister aux éclaboussures s’il est porté avec des lunettes de protection. En revanche, ce n’est pas nécessaire s’il est accompagné d’un écran facial. Le fait de porter plus d’un masque en même temps n’offre pas de protection supplémentaire et n’est pas recommandé.
Tous les appareils de protection respiratoire de type N95 ne sont pas nécessairement résistants aux éclaboussures ; cette résistance n’a été testée que pour les appareils N95 « de type chirurgical ».
Recommandation 5 : Tout agent de santé doit porter des doubles gants lors des soins cliniques dispensés aux patients atteints d’une infection à filovirus pour éviter toute exposition.
Recommandation forte, données de qualité moyenne en faveur du double gantage comparé au gantage unique.
Justification et remarques
On recommande le double gantage par rapport au gantage simple pour diminuer le risque potentiel de transmission du virus à l’agent de santé si jamais les gants sont troués ou abimés par des désinfectants, chlorés par exemple ; le double gantage pourrait aussi réduire les risques dus aux blessures par piqûres d’aiguilles et la contamination des mains au moment de retirer l’EPI. La confiance dans l’efficacité a été évaluée comme modérée en fonction des données accumulées faisant état de la transmission d’autres agents pathogènes transmis par le sang, comme le VIH et les virus des hépatites.
Recommandation 10 : Tout agent de santé doit porter des bottes imperméables (latex/caoutchouc) lorsqu’il prend en charge des patients atteints d’une infection à filovirus pour éviter toute exposition.
Recommandation forte, données de très faible qualité sur la comparaison entre les bottes et d’autres types de chaussures de protection.
Recommandation 11 : Tout agent de santé doit avoir la tête et le cou couverts pendant les soins cliniques aux patients atteints d’une infection à filovirus afin d’éviter toute exposition au virus.
Recommandation conditionnelle, données de faible qualité sur l’efficacité de la tête couverte pour la prévention des transmissions.
Recommandation 12 : La protection portée au niveau de la tête doit être séparée de la blouse ou de la combinaison de sorte à pouvoir les enlever séparément.
Recommandation conditionnelle, données de faible qualité sur la comparaison entre différents types de protections pour la tête.
22En clair, les experts réunis par deux fois en octobre 2014 ne donnent pas un blanc-seing aux mesures strictes prises par MSF. Et la note se conclut par : « Un principe fondamental guidant la sélection des différents types d’EPI consiste à s’efforcer de parvenir à un équilibre entre la meilleure protection possible contre l’infection à filovirus et le fait de permettre aux agents de santé de dispenser les meilleurs soins possible avec le maximum de facilité, de dextérité, de confort et le minimum de stress thermique associé. Le stress thermique associé au port d’EPI imperméable est particulièrement préoccupant car il peut exposer les agents de santé à un risque accru d’exposition accidentelle aux filovirus. Il limite aussi le temps pendant lequel les agents de santé peuvent porter l’EPI tout en soignant les patients. Quoi qu’il en soit, les agents de santé doivent porter l’EPI tel que recommandé pour se protéger de l’exposition au virus » (p. 12).
23Une bataille oppose les tenants des tenues « maximalistes » de MSF aux tenants de tenues « raisonnables » à l’OMS [10]. Ces derniers, explique un de nos interlocuteurs à l’OMS, vont in fine devoir « se plier », voire « se coucher » (we had to bend) face à l’inflexibilité des responsables de MSF, soucieux de maintenir des niveaux de protection maximum pour leurs personnels et prêts à un peu plus dégrader l’image publique, déjà très écornée, d’une OMS aux prises avec une coordination de la réponse contestée sur le terrain.
EPI et mode dégradé
24Sur place, les répondeurs de MSF, ainsi que d’autres, totalement encapsulés, organisent la prise en charge dans de nombreux Centres de Traitement Ebola [11]. Les malades se cachent dans les forêts, parfois rejetés de leurs villages où ils cherchent à mourir, terrorisés à l’idée d’être emportés dans des structures où durant l’été et l’automne 2014 on meurt beaucoup (Woltz, 2014 ; Georges, 2015). Le film Affliction de MSF (Caesar, 2015) retrace le désarroi à la fois des malades mais aussi des soignants de MSF : « By the end of August, ELWA 3 could only be opened for 30 minutes each morning.Only a few patients could be admitted tofill beds made empty by those who haddied overnight. People were dying onthe gravel outside the gates. » (MSF, 2015 : 10).N.Georges, infirmière déployée sous l’égide de l’Établissement de Préparation et de Réponse à l’Urgence Sanitaire (EPRUS) français fait les mêmes constats (Georges, 2015).
25Ces tenues ont choqué et ce n’est pas la première fois. Les humanitaires ont déjà par le passé fait appel aux anthropologues pour les aider à imposer des mesures de coercition, de quarantaine et d’isolation (Calain et Poncin, 2015). Certains ont depuis dénoncé que dans cette alliance, les humanitaires cherchaient essentiellement des figures de médiateurs sociaux, utiles pour les aider à appliquer les mesures draconiennes bio-sécuritaires (Faye, 2015). Une de nos interlocutrices à MSF Suisse confirme : « Les anthropologues, on les a placés à l’entrée des centres de traitement, pour parler à la population et faire le tri ». Faire le tri, c’est-à-dire pouvoir au mieux orienter les malades, entre les cas avérés, les cas suspects, qu’il faut vérifier, et tous les autres qui peuvent avoir des symptômes proches de ceux du virus Ebola, et pourtant ne pas être atteints, mais qu’il faut protéger d’une possible contagion.
26Dans le contexte largement hors de contrôle de la crise sur le terrain, le respect strict de la tenue répondait aussi à des exigences internes à MSF. Cela permettait d’envoyer le signal qu’aucun compromis n’était fait en matière de sécurité des soignants. Cette guerre des tenues va s’amplifier à la faveur de la remise en question du mode d’intervention centralisé choisi en particulier par MSF pour organiser les centres de soin et de traitement. Les éléments présentés ici ne sauraient rendre compte de la totalité des fonctionnements dans les centres de soins, qu’ils soient gérés par MSF ou pas, ni de la variété des situations et des adaptations locales, qui ont émergé pour dépasser certains points de blocage (Georges, 2015 ; Richards, 2016). En forçant le trait, ils obligent à considérer le rapport des équipes et de leur management au mode dégradé - plus souvent subi que réellement pensé durant la crise – et permettent aussi de saisir la nature politique des recommandations de l’OMS.
Des centres de traitement ou des camps ?
27La lutte contre le virus Ebola a vu refleurir l’arsenal des mesures de coercition, qui sont un des moyens du maintien de la paix bio-sécuritaire (Calain et Poncin, 2015). Certains anthropologues ont utilisé le vocable du « camp » (Le Marcis, 2015 ; Gomez-Temesio et Le Marcis, 2017) qui a permis de capturer la nature de ces mises à l’isolement, souvent pour y mourir (Georges, 2015). Un mode dégradé de fonctionnement se met en place dans l’été 2014. Il est bien résumé par cette infirmière de MSF de retour de mission : « Oui c’est vrai qu’on avait théoriquement instruction de laisser entrer les familles, pour qu’elles puissent voir comment on prenait soin des leurs, et en général on y arrive, on fait des espaces délimités, oui c’est vrai qu’on doit déployer des activités de communication de risque dans les villages autour des centres où nous intervenons, mais cette fois, nous n’avions pas assez de personnels pour faire tout cela, et on s’est concentré sur le cœur d’une réponse de santé publique : l’isolation et on a laissé tomber tous les autres piliers d’une réponse construite » (Infirmière MSF, Genève, janvier 2015). Ce témoignage nous place au cœur d’une situation de pilotage, qui loin d’être idéale, a conduit les équipes sur le terrain à des arbitrages réalisés dans l’urgence. Pendant des semaines, certains experts constatent que les mesures sont inefficaces, car est oublié l’impératif de donner quelque chose en retour aux populations mises en quarantaine : « On a adopté le concept du cerclage en Guinée, où finalement, on apporte de la nourriture, un support médical gratuit, des désinfectants, des minutes de téléphone. Et puis il faut donner du lustre à l’infirmier du poste médical, il faut donner quelque chose à chaque village. J’ai dit cela depuis le début mais je n’ai pas été entendu : on a toujours pris, les corps notamment, et on a rien donné en échange » (CDC Expert Ebola, Atlanta, Août 2015). Ce n’est qu’en septembre 2014, que le World Food Program commence à délivrer des vivres auprès des familles et communautés placées en quarantaine. Cette obligation d’un don en retour n’est elle-même pas si simple à manier, car elle renvoie aux pratiques d’échanges de substance, aux extractions des corps et des organes ou au prélèvement de sang, tous reliés aux modalités de contrôle sur le corps et ses fluides, en particulier dans un contexte africain (White, 1997 ; Geissler, 2005) et colonial (Packard, 2016).
28Cette analyse est partagée à l’OMS. Au plus haut niveau, certains protagonistes majeurs s’estiment peu entendus. Ils réclament une prise en charge plus globale et notamment le passage par des centres de soins communautaires. Les questions d’éthique s’invitent brutalement dans les débats. Des voix s’élèvent pour défendre l’idée que quand on est sûr de mourir, rien ne sert de se rendre dans un centre loin de chez soi, où l’on mourra seul. Comment véritablement remporter l’adhésion des populations et les convaincre d’acheminer leurs malades dans les centres, quand dans les premières semaines, le taux de mortalité était tel que les soignants rendaient plus de « body bags » que de personnes en rémission ? Comment convaincre de la supériorité de la « médecine moderne », quand il n’y a pas de traitement, pas de vaccin disponible ?
29Certains spécialistes, minoritaires, à la fois chez MSF, aux CDC ou à l’OMS tout particulièrement – nous les appelleront les « communautaires » –, ont clamé l’urgence qu’il y avait à aider les communautés à prendre elles-mêmes en charge les malades, en les équipant de gants, de seaux, d’eau potable, de médicaments pour calmer les douleurs, de « lits choléra » [12] et de nourriture. Cette solution aurait pu éviter les arrachements mal vécus et les suspicions d’abandon circulant à propos des centres de traitement, voire les chasses à l’homme qui ont aussi eu lieu pour récupérer dûment des fugitifs en quête de nourriture [13]. Cependant, l’énonciation de cette solution va provoquer l’ire d’autres spécialistes, qui vont accuser les « communautaires » de mettre en danger la vie des membres des communautés et des soignants. Seuls l’isolement des malades et leur regroupement dans un centre peuvent enrayer la contamination, vont-ils inlassablement marteler.
30Sur ce point, trois modèles semblent à disposition (Sterk, 2008) : i) le centre d’isolement et de soins centralisé où l’on achemine, de gré ou de force, les malades, pour qu’ils soient isolés et si possible soignés ; ii) le « home-based care », où on délivre du matériel de protection, de l’eau potable et des vivres au sein des familles pour que les malades, souvent condamnés, puissent y mourir sans compromettre la santé de leur famille et celle de leurs voisins ; et iii) le centre de soins communautaires, sur le modèle du dispensaire de soins de premier recours, qui affecte une maison au regroupement de malades, soignés par des responsables de la communauté dédiés à cette tâche, formés par des experts de santé publique. Le premier modèle est celui que MSF a utilisé et préconisé. Le second modèle n’a pas été utilisé, mais certains experts de MSF pensent aujourd’hui qu’il aurait pu être mis en place, notamment comme alternative, lorsque le débordement était tel que les malades mourraient aux portes des centres (comme à Monrovia durant l’été 2014). Enfin le troisième modèle, que certains experts de l’OMS préconisaient, a été testé en Sierra Leone où 46 Centres de Soins Communautaires ont été mis en place à partir du mois de novembre 2014 (UNICEF, 2015 ; Richards, 2016).
31Sur le mode de la fiction Sybille Vardin, pseudonyme d’un haut cadre de l’OMS, place son lecteur au cœur des débats du milieu, incarné par ce dialogue entre Matilda et Marc : « – On pourrait faire de l’hospitalisation à domicile, suggéra Matilda. – De l’hospitalisation à domicile ? S’écria Marc un peu brusquement. Il venait de sortir de sa torpeur. Il était resté silencieux durant tout le début de la réunion, manifestement absorbé par des soucis. Depuis qu’il devait composer avec le ministère de la Santé et les militaires, il avait perdu tout sourire (…). Il regrettait les petites épidémies de virus émergents, au fond de la forêt équatoriale, qu’il avait connues dans le passé. Là, loin de toute ville et de tout aéroport, il pouvait opérer tranquillement sans qu’aucun ministre ni conseiller ne vint jamais fourrer son nez dans la conduite des opérations. (…) –Tu veux que l’on perfuse les gens chez eux ? Lança Marc, de plus en plus agressif, laissant sous-entendre que cette idée était tellement saugrenue qu’il aurait voulu qu’elle ne l’émit jamais en public » (Vardin, 2015 : 292-93).
32Durant la partie la plus aiguë de la crise Ebola (juin 2014 à mars 2015), MSF est traversée par des querelles intestines, dont le journal Libération se fera l’écho (3 février 2015) en publiant la lettre ouverte rédigée par 9 membres du mouvement MSF à l’initiative de Thomas Nierlé (Nierlé, 2014). Y étaient dénoncées certaines pratiques des centres de traitement et demandé que soient placés au cœur des actions les patients et leurs familles dans le respect des droits des patients. Symétriquement, l’OMS sera percluse de luttes internes, que l’on pourrait lire a priori comme une lutte classique pour les places, les carrières et les postes (Bourrier, 2017), mais qui traduisent aussi le désarroi et la quête éperdue de sens dans l’action. Tandis que la presse se faisait l’écho des prouesses accomplies par les soignants de MSF, locaux comme internationaux, mais aussi par ceux d’autres organisations, dans les couloirs de l’OMS à Genève, mais au sein même des bureaux de MSF, on s’alarmait de certaines mesures expéditives : les experts de l’OMS accusant ceux de MSF d’être à la racine des problèmes avec les populations, en raison de leurs méthodes d’intervention brutales et ceux de MSF taxant ceux de l’OMS d’incurie profonde.
33De surcroît, la question-même du soin sera ouvertement posée, provoquant d’âpres débats dans les coulisses de la réponse internationale. Lorsque le virus Ebola s’invite en Espagne et aux États-Unis en septembre 2014, mais aussi alors que les premiers rapatriés malades sont soignés dans les hôpitaux européens et américains, il apparaît que leurs chances de survie sont bien meilleures (on parle alors de 20 % de mortalité si on est soigné en Europe contre 60 % à 70 % si on reste en Afrique de l’Ouest). D’un côté, on aurait un soin dégradé pour les centres Ebola en Afrique ; de l’autre des médicaments expérimentaux et des perfusions efficaces pour les malades soignés en Europe. D’un côté, des ressources médicales limitées qui conditionnent le niveau de soins prodigués (Sprecher, 2016) ; de l’autre une abondance d’options thérapeutiques (ce qui n’a pas empêché des contaminations d’intervenir en Europe et aux États-Unis). C’est véritablement l’afflux massif de malades en septembre 2014, notamment dans le centre de Monrovia, qui a amené MSF à fermer temporairement son centre et à interrompre l’administration par voie veineuse de fluides réhydratants jusqu’à ce que le nombre de soignants disponibles pour réaliser ces voies veineuses soit redevenu satisfaisant (Sprecher, 2016 : 78). Au départ, la base du traitement de masse a consisté à administrer des soins de support (Sprecher et al., 2017). Ensuite des progrès ont été faits et des essais cliniques ont eu lieu, tant pour les traitements que pour les vaccins [14]. Des suppléments nutritionnels ont aussi été administrés, y compris réalisés avec les moyens du bord [15]. Un certain nombre de patients ont aussi reçu du plasma de convalescents, des anticorps monoclonaux, des inhibiteurs de la polymérase virale (Sprecher et al., 2017).
Discussion
34Il est indéniable que ces controverses ont joué un rôle dans la difficulté qu’ont eu les équipes à s’ajuster sur un modus operandi minimal. Il ne s’agit pas ici uniquement de débats sémantiques ou de posture éthique, à froid. Il s’agit de débats en actes qui ont déchiré les soignants et qui se sont répercutés sur la coordination des activités sur place. La réponse à cette épidémie disposait : a) d’un cadre d’action éprouvé (les 4 piliers), au fondement de la doxa professionnelle des soignants (la bio-sécurité) ; b) d’une narration habituelle et attendue (des flambées se produisant dans des régions forestières reculées) ; c) d’experts opérationnels reconnus (le GOARN, MSF). Pourtant, les pratiques d’intervention utilisées n’étaient en fait pas stabilisées. Chacune charriait des débats de pratiques, qui dans le contexte dégradé ont trouvé matière à s’exprimer. Le mode d’intervention faisait légitimement l’objet de débats et des marges de manœuvre dans les choix de dispositifs existaient. S’il est facile rétrospectivement d’analyser comment et pourquoi le scénario a dérapé, plusieurs points peuvent être soulevés à la lumière du compte-rendu que nous avons pu faire des controverses qui ont émaillé l’organisation de la réponse internationale. Leur portée va au-delà de la crise Ebola de 2014-2015 et au-delà de l’examen du rapport entre les équipes de MSF et de l’OMS.
Les controverses sont partout
35Une idée tenace vise à suggérer que des « résistances » ne se sont en fait manifestées que sur le terrain, en Afrique. Or ce que nous avons pu montrer est que les controverses sur les modes d’intervention biomédicale dans le cadre d’épidémies complexes existent à tous les niveaux. Même si elles ne sont pas divulguées au grand jour, elles ont en fait irrigué toutes les strates de décisions. Il n’y a pas d’un côté, divers centres rationnels, à l’OMS, aux CDC, dans les sections MSF, chargés de coordonner la réponse et de l’autre, de multiples terrains émotionnels, qui ne comprennent pas, ne veulent pas comprendre, ne peuvent pas comprendre, sont mal informés, sont victimes de rumeurs. Les centres de décisions ont aussi été le théâtre de rumeurs, de batailles sémantiques, de jeux de pouvoir, de choix et de non-choix davantage chahutés par les incertitudes du moment que par la médecine de santé publique « evidence-based », dont on n’aurait qu’à appliquer les bonnes méthodes génériques.
L’impensé des modes dégradés
36Aucune arène n’a pu permettre de poser les termes d’un débat sur des alternatives. À chaud, cela semblait difficile. Pourtant, cette absence de dialogue sur les différentes manières de se déployer a handicapé les équipes durant de nombreux mois. Les modes dégradés font partie des registres d’action. Les interventions aux limites des dispositifs ont toujours existé et ont existé durant la gestion de cette situation hors norme. Pourtant, ils ont fait figure d’impensés. Les voies de repli, les deuils qu’il faut faire, les sacrifices qu’il faut anticiper ont été le lot quotidien de tous les répondeurs sur le terrain comme dans les états-majors. Nombre d’entre eux y sont habitués. Mais là où les situations ne dépassaient pas des centaines de victimes, dans ce cas il s’est agi de plusieurs milliers de victimes. Les modes dégradés et les choix aux limites n’ont pas fait l’objet d’un minimum de consensus car les principes de déploiements nominaux n’étaient pas non plus totalement partagés. Le monde de la lutte contre les épidémies de type Ebola est traversé de nombreuses polémiques. Il offre des « résistances » au moins aussi importantes que celles qui se sont déployées sur le terrain, du côté des populations. La controverse autour des recommandations concernant les tenues de protection individuelles ou celle concernant le « home-based care » sont exemplaires de ces débats enfouis.
Les savoirs oubliés
37Enfin, à notre grande surprise nous avons pu constater et reconstituer après coup, que les anthropologues et les organisateurs de réponse aux épidémies Ebola ne se découvrent pas en 2014. Tandis que certains experts au sein de l’OMS comme aux CDC, rencontrés en 2014 et 2015, laissent clairement entendre que le monde de la santé globale « découvre » des pratiques particulières, nécessitant l’apport des anthropologues et qu’une percée spectaculaire dans les discours des acteurs, notamment à l’OMS, apparaît en faveur des sciences sociales, notre enquête démontre que tel n’est pas le cas. Il y a lieu de s’interroger sur cet oubli massif des données issues des recherches antérieures et des collaborations initiées sur Ebola.
38Dès le début de l’intervention, les « rituels d’enterrement africains » en apparence totalement méconnus de nos interlocuteurs à l’OMS (et aux CDC) viennent perturber la bonne gestion de la crise. Rapidement, les pratiques funéraires et les préparations des corps traditionnelles seront mises en cause par les experts des autorités de santé, créant un désarroi sans précédent auprès des populations, venant renforcer l’image d’une Afrique aux prises avec ses pratiques culturelles d’un autre âge (Kidjo, 2014 ; Fairhead, 2014). Cependant, de nombreuses connaissances existent sur la manière d’engager un dialogue avec les populations, aux prises avec une épidémie Ebola. L’un des experts Ebola du département Pandemic and Epidemic Diseases de l’OMS [16], le Dr. Pierre Formenty a, depuis plus de 10 ans, engagé des collaborations avec des anthropologues (Les Hewlett, anthropologues de l’université de Washington à Vancouver ; Alain Epelboin du Musée de l’Homme à Paris notamment) permettant d’écrire des protocoles d’intervention (notamment dans le cas des ensevelissements sûrs et respectueux, mais également dans l’amélioration de la connaissance des chaines de transmission de la maladie), informés des pratiques locales, de manière à les communiquer de la façon la plus respectueuse possible (Boumandouki et al. 2003 ; Epelboin et al., 2003 ; Hewlett et al., 2005 ; Hewlett & Hewlett, 2008 ; Brunnquell et al., 2007 ; Epelboin et al., 2008 ; Epelboin, 2009 ; Formenty, 2014).
39Partout, et dans toutes les réunions d’experts qui s’ensuivirent, nous avons été témoin de cet appel incessant aux anthropologues faisant « partie de la réponse », dont les connaissances auraient si cruellement manqué (Faye, 2015). Or, de nombreux documents, à la fois sous forme de publications scientifiques, mais également sous forme de protocoles d’intervention, ou de documents à l’usage des personnes sur le terrain, et même des DVD existaient depuis le début des années 2000. Cet oubli institutionnel ou cette « production involontaire d’ignorance » pour reprendre les termes de Dedieu et Jouzel (2015, p. 106) ne laissent pas de nous questionner depuis. Des savoirs cruciaux pour l’action, pas si anciens, ont ainsi été laissés de côté, comme enfouis et oubliés.
40L’hypothèse que l’on fait est qu’ils révèlent des pans entiers de savoirs issus des sciences sociales inconfortables pour les répondeurs majoritairement issus des sciences biomédicales. Ce qui a été oublié inconsciemment ou ce qui pose problème aux répondeurs aux épidémies est cette nécessaire contextualisation de pratiques et de dispositifs biomédicaux, qui sont déployés de manière top-down, et qui sont censés s’appliquer de façon générique, indépendamment du contexte. En suivant le cadre conceptuel de Proctor (2011) sur la « production culturelle de l’ignorance », repris par Dedieu et Jouzel (2015) qui insistent sur le caractère involontaire et systémique de ces oublis, nous sommes arrivés à la conclusion que les données produites sur Ebola par les anthropologues en particulier antérieurement à la crise de 2014, étaient de nature à déranger la doxa professionnelle des répondeurs. Pourtant, bien évidemment une rapide recherche sur Google scholar confronte le moindre curieux à une série de textes datant du milieu des années 90 et qui font état de recherches conjointes, y compris au niveau international avec l’OMS. En démontrant que le point de départ à toute intervention repose sur la connaissance la plus précise possible du contexte et sur la reconnaissance des savoirs préexistants sur les maladies à combattre, les travaux de sciences sociales obligent à remettre en cause l’un des fondements sur lesquels les dispositifs déployés fonctionnent : leur universalité et leur versatilité supposées. Cette primauté du contexte (Moulin, 2015) et ce potentiel contre-récit ou « réservoir critique » (Castagnino, 2017) offert par les travaux des sciences sociales s’accommodent mal de messages centralisés et standardisés qui visent à déployer des dispositifs, qui ont fait leurs preuves ailleurs (i.e. : les centres de traitement Ebola). Les voix qui prônaient une adaptation et un pluralisme des approches, voire une hybridation ont été rendues silencieuses. C’est le cas aux CDC, lorsqu’un expert nous dit : « il fallait donner quelque chose en échange, personne ne m’écoutait », c’est le cas à l’OMS, où les centres communautaires auraient pu « permettre de laisser une trace (des seaux, des bassines) », nous dit cette experte de très haut niveau. C’est encore le cas chez MSF quand certains suggèrent que face à l’ampleur de la crise à Monrovia, les « lits choléra » constituent peut-être une véritable option. Toutes ces prises de position ont systématiquement été écartées, car elles étaient potentiellement trop subversives pour la doxa professionnelle des répondeurs biomédicaux, qu’ils soient des CDC, de l’OMS ou de MSF.
41Il importera de suivre comment les sciences sociales, désormais intégrées dans les structures de la réponse d’urgence mondiale aux épidémies, avec la création à l’OMS en 2016 du « social science response team », [17] seront véritablement incorporées aux prises de décision et pas uniquement sommées de fournir de « bonnes » bases rapidement établies [18] au déploiement des opérations de communication de risque.
Liens d’intérêts
42l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts en rapport avec cet article.
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Mots-clés éditeurs : Médecins Sans Frontières, équipements de protection individuelle, Organisation mondiale de la Santé, santé globale, crise Ebola (2014-2016)
Date de mise en ligne : 10/07/2019
https://doi.org/10.1684/sss.2019.0139Notes
-
[1]
Les centres de soins communautaires et l’isolation pratiquée au sein d’une maison étant réputés faciliter l’acceptation par la population (Calain et Poncin, 2015).
-
[2]
Recherche financée par le Fonds National de la Recherche Suisse (2013-2016).
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[3]
Même si en interviewant de nombreuses personnes rentrant d’Afrique de l’Ouest, leurs témoignages ont sans nul doute éclairé bien des débats de pratiques, ayant cours à Genève.
-
[4]
Sur le fonctionnement du GOARN, cf. Ansell et al., 2012.
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[5]
Le directeur de la région AFRO sera remercié pendant l’été 2014 et une nouvelle directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, Matshidiso Moeti, est nommée le 25 janvier 2015 durant l’Executive Board de l’OMS (25 janvier-3 février 2015).
-
[6]
Liu, AFP, 2 sept. 2014.
-
[7]
On entend par « équipement de protection individuelle (EPI) » tout équipement porté par une personne dans le but de se protéger contre les dangers susceptibles de constituer une menace pour sa santé. La prévention de l’infection au virus Ebola passe par la prise de précautions pour éviter le contact avec le sang et les liquides biologiques de sujets infectés et avec les objets contaminés par ces mêmes liquides. On a recours à des équipements de protection contre les infections afin d’éviter l’exposition de la peau et des muqueuses des yeux, du nez et de la bouche au sang, à d’autres liquides biologiques, aux sécrétions (y compris les gouttelettes de salive) ou aux excrétions. Durant l’épidémie d’Ebola en Guinée, l’EPI mis en place par MSF était constituée d’une tenue de bloc opératoire doublée d’une tenue complète de protection en plastique souple jetable, elle-même protégée par un long tablier en plastique épais. S’ajoutaient à cette tenue une double épaisseur de gants (chirurgicaux et de ménage), une cagoule, des lunettes de protection et deux masques buccaux placés l’un sur l’autre (masque à bec de canard et masque d’hygiène médicale).
-
[8]
WHO_EVD_Guidance_PPE_14.1_fre.pdf
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[9]
Le masque à respirateur se justifierait s’il s’avérait que le virus ne se transmet pas uniquement par contact direct ou indirect mais également par l’air respiré. Au moment où nous écrivons ces lignes, il apparaît qu’un consensus domine sur le fait que le virus Ebola ne se transmet que par contact direct entre fluides corporels du malade (sang, selles, sueur, vomissures, urine, sperme, lait maternel) infectés et la bouche, le nez ou les yeux du soignant, soit que ces fluides infectés pénètrent l’organisme du soignant par le biais d’une lésion cutanée ou d’un contact indirect, avec par exemple une seringue mal stérilisée, de la salive projetée sur une surface après avoir éternué, postillonné.
-
[10]
En 2015, la Cochrane Review de Verbeek et al. ne fournit pas plus de conclusions probantes sur les avantages du double gantage ou sur l’utilisation préférable d’une hotte munie d’un respirateur.
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[11]
Ils ne font d’ailleurs pas que cela. Au décours de la lecture du journal de N. Georges (2015), on découvre que l’organisation MSF est également pourvoyeuse de différentes ressources, médicamenteuses ou logistiques (telles que des bases de vie pour les staffs), notamment, à destination des personnels d’autres centres que ceux qu’elle administre en direct.
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[12]
Les patients atteints du choléra produisent une diarrhée abondante et vomissent souvent. Les soignants ont recours à des lits ou des chaises percés. Les selles sont recueillies dans un seau placé sous le patient, pour améliorer son confort et éviter la diffusion du germe dans l’environnement. Un deuxième seau est placé près du lit ou de la chaise pour recueillir les vomissements.
-
[13]
La vidéo de cet homme, testé positif à l’Ebola, en fuite et affamé, en quête de nourriture sur le marché local dans Monrovia, pourchassé par 3 hommes en tenue de protection complète, a fait le tour du monde en septembre 2014.
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[14]
Selon le récit qu’en fait Nadia Georges (2015, p. 196), urgentiste française, déployée durant 6 semaines à Macenta, en Guinée, le Favipiravir arrive dans le centre de traitement de Macenta autour de Noël 2014.
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[15]
N. Georges écrit dans son journal : « Recette hypercalcémiante: 1 boite de sardines, + 3 portions de vache qui rit, apportant 780 + (120x3) mg de calcium, à prescrire 3 fois par jour » (2016, 111).
-
[16]
Département renommé depuis, en département des urgences.
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[17]
Cf site web OMS: http://www.who.int/risk-communication/social-science-interventions/en/: Social Science: Revolutionizing Emergency Response.
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[18]
Cf. Johnson & Vindrola-Padros (2017).