Notes
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Pernelle Smits, santé publique, Université Laval et École Nationale d’Administration Publique, 2325 rue de la Terrasse, Québec, QC, Canada G1V 0A6 ; Pernelle.smits@fsa.ulaval.ca.
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Johanne Préval, santé publique, ENAP, 4750 Henri Julien, Montréal, QC, Canada H2T 3E5 ; Johanne.preval@enap.ca
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[***]
Jean-Louis Denis, gestion et organisation, ENAP, 4750 Henri Julien, Montréal, QC, Canada H2T 3E5 ; Jean-louis.denis@enap.ca
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[1]
Les données probantes comprennent ici les données produites par les scientifiques.
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[2]
Le pouvoir comprend ici les opinions, les logiques et les savoirs.
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[3]
Nous employons le terme « stratégie » dans le sens d’actions délibérées ayant un objectif commun, sans qu’il y ait de document officiel.
1Les initiatives horizontales consistent en la coordination d’actions émanant de plusieurs organisations. Elles sont aussi nommées initiatives transversales. Alors que ce type d’initiatives se multiplie dans différents secteurs de l’action publique (Agranoff et McGuire, 2001 ; Silvia, 2011 ; Zulfiqar, 2012) dont celui de la santé, la compréhension de leur pilotage spécifique au sein de l’appareil gouvernemental devient de plus en plus pertinent (Agranoff, 2001, 2006, 2007 ; Agranoff et McGuire, 2001, 2003 ; O’Toole, 1997 ; O’Toole et al., 2005). Les défis de gouvernance de ces actions horizontales sont variés. Ils concernent notamment la mise en place de processus de coordination de ces actions et de collaboration lors du développement de politiques publiques (Apro, 2006 ; Hwang et Chul, 2009 ; Klijn et Koppenjan, 2000). Un autre défi est d’agir en inter-sectorialité, alors même que les organisations ont tendance à se centrer sur elles-mêmes (Kernaghan, 2003), ont des missions propres, des responsabilités institutionnelles et des cultures organisationnelles et rendent des comptes de manière sectorielle (Bourgault et Lapierre, 2000).
2Ces défis sont largement valables dans le secteur de la santé, comprise ici dans une définition large comprenant la santé publique, les soins et le social. En effet, la complexité des problèmes de santé exige une approche holistique et une réponse faisant intervenir tous les secteurs de la société (OMS, 1986) avec une approche gouvernementale intégrée et un décloisonnement des politiques publiques (Kickbusch et Gleicher, 2012). La prise en compte de la santé dans les politiques publiques se heurte à deux difficultés majeures : l’une liée à la multiplicité des acteurs, l’autre à la place des données probantes [1] dans les décisions. En général, les politiques publiques sont le produit d’une série de décisions disparates et plus ou moins intégrées (Fafard, 2008) et dépendent des rapports de force et des compromis entre les parties en présence. En effet, le manque d’intégration et de coordination des secteurs d’activité et des programmes gouvernementaux (St-Pierre, 2009), voire la possibilité pour différents acteurs d’exercer un droit de veto (Papadopoulos, 2001), peuvent faire obstacle aux actions horizontales en santé. Le déploiement d’actions est souvent contingent à des relations de pouvoir [2] entre de multiples acteurs : ministères, acteurs privés, société civile, etc.
3Il est de plus en plus admis que les données probantes informent ou devraient informer davantage les politiques publiques (Boyle, 2010 ; Liebman, 2013 ; Nutley et al., 2000 ; O’Mullane, 2010), en particulier dans le secteur de la santé (Fafard, 2008 ; Liebman, 2013), ainsi que les décisions cliniques et managériales. Les acteurs doivent partager leurs points de vue et peuvent parvenir à une interprétation commune des données probantes (Kay, 2011), voire, en ce qui concerne les professionnels, à partager des savoirs expérientiels (Gabbay et Le May, 2004). Ce recours aux données a lieu à différentes étapes du processus d’élaboration d’une politique (Fafard, 2008) et contribuerait à améliorer l’efficacité de l’État (Howlett, 2009 ; Liebman, 2013). Par ailleurs, il peut y avoir des tensions entre les acteurs et des jeux de pouvoir en raison de leurs connaissances respectives (Solesbury, 2001). C’est notamment le cas lorsque le pouvoir est constitué non pas par un ensemble de connaissances spécifiques à un acteur, mais lorsque plusieurs acteurs détiennent une portion d’un ensemble de connaissances qui informent une initiative horizontale (Zulfiqar, 2012).
4Les formes de pilotage des actions horizontales nécessitent donc de prendre en compte les connaissances d’une pluralité d’acteurs détenant des pouvoirs spécifiques et exerçant leur influence de façon plus ou moins indépendante.
5Cet article vise, dans un premier temps, à mieux comprendre conceptuellement ces formes de pilotage et, dans un second temps, à approfondir méthodologiquement la notion de gouvernementalité.
6Nous proposons d’illustrer ce régime de gouvernance particulier par le cas de la prise en compte de la santé dans les politiques publiques au Québec. La prise en compte de la santé dans les politiques publiques au Québec est soutenue par une instrumentation législative : l’article 54, inclus dans la loi de santé publique depuis 2001. Ce dernier stipule : « [l]e ministre est d’office le conseiller du gouvernement sur toute question de santé publique. Il donne aux autres ministres tout avis qu’il estime opportun pour promouvoir la santé et adopter des politiques aptes à favoriser une amélioration de l’état de santé et du bien-être de la population. À ce titre, il doit être consulté lors de l’élaboration des mesures prévues par les lois et règlements qui pourraient avoir un impact significatif sur la santé de la population ». Par cet article, obligation est faite aux ministères et organismes du gouvernement de consulter le ministre de la Santé, appelé au Québec ministère de la Santé et des Services sociaux, sur toute question ayant un impact potentiel sur la santé (Gagnon et al., 2001 ; St-Pierre et al., 2012). Pour la mise en œuvre de cet article de loi, le ministère de la Santé a développé, sur plus d’une décennie, une stratégie comprenant trois grands volets (Smits et al., 2013) :
- l’implantation d’un mécanisme intra-gouvernemental d’évaluation d’Impact en Santé (Health Impact Assessment) reposant sur un réseau de répondants ministériels (avec une grille d’analyse de projet, politique ou règlement qui s’appuie sur les déterminants sociaux, économiques et environnementaux de la santé) ;
- le développement et le transfert des connaissances sur les politiques publiques favorables à la santé et au bien-être (savoirs scientifiques/données probantes à travers des publications, des notes thématiques, etc.) ;
- l’amélioration continue de la stratégie d’implantation avec, notamment, l’évaluation des pratiques de prise en compte de la santé (études de suivi, rapport d’évaluation sur la démarche).
7Le ministère de la Santé bénéficie de l’appui et de l’expertise de certains partenaires scientifiques (universitaires, financeurs de la recherche, centres et institutions de recherche) produisant et diffusant des données (Gagnon et al., 2008). Début 2000, il a lancé la procédure d’évaluation d’impact en santé (visant à estimer les effets possibles de projets ou politiques à venir sur la santé et à minimiser les effets pervers anticipés), puis a élargi son action autour des trois volets cités ci-dessus. Le ministère fonctionne actuellement avec un réseau de répondants constitué d’un représentant de chaque ministère participant. Ces répondants s’informent sur les démarches du ministère de la Santé et sur les données probantes disponibles puis diffusent ces données dans leur secteur et s’assurent d’une prise en compte de la santé dans les développements de leur ministère d’attache.
8L’action publique étudiée ne correspond ni à un processus de type wébérien, selon lequel l’appareil gouvernemental apparaîtrait rationalisé, hiérarchique, linéaire et planifié, ni à une lecture en termes de nouvelle gestion publique orientée vers la productivité et les résultats. Nous optons pour un cadre analytique qui prend en compte les formes de savoirs et les relations de pouvoir autour du concept central de gouvernementalité. Le concept de gouvernementalité considère le gouvernement comme une forme de pouvoir et permet d’analyser les changements dans l’évolution des pratiques du gouvernement (Sending et Neumann, 2006). Les études sur la gouvernementalité s’intéressent aux différents aspects du gouvernement, tels les pratiques et les techniques spécifiques de gouvernement, la « mentalité » ou la « rationalité » qui caractérise la pensée, les modes de gouvernement et les formes de pouvoir (Sending et Neumann, 2006).
9Dans notre article, la gouvernementalité nous permettra d’analyser les processus ou la manière dont le ministère de la Santé, ses partenaires scientifiques et les ministères partenaires collaborent à travers différentes structures ou différents dispositifs et se prêtent à une intervention politique intégrée (Lövbrand et Stripple, 2012). L’intérêt d’une telle approche réside dans le fait que l’accent est surtout mis sur les processus dynamiques de gouvernance, en plus de l’instrumentation déployée et sur la place centrale du pouvoir et des savoirs. Nous utilisons le terme « savoirs » dans sa formulation englobante qui inclut les savoirs scientifiques issus du monde universitaire et les savoirs expérientiels issus des savoir-faire et de la connaissance empirique de projets implantés et en cours d’implantation.
10Nous avançons que cet article et l’angle analytique choisi ont une valeur ajoutée d’un point de vue conceptuel et méthodologique. Le concept de gouvernementalité nous apparaît particulièrement adéquat pour réfléchir, comprendre et démontrer les logiques et les enjeux autour des politiques publiques favorables à la santé (par exemple, la politique de régulation des pesticides, entre les secteurs de la santé et de l’agriculture, ou celle de la prise en charge des jeunes de la rue, entre les secteurs de la santé, de la sécurité publique, le secrétariat à la jeunesse, ou encore celles qui ont trait au développement durable, etc.) qui appellent à la mobilisation des savoirs et à l’exercice d’un pouvoir partagé.
11L’article présente d’abord une définition de la gouvernementalité et des éléments qui la caractérisent, une présentation des études empiriques existantes et une justification de la pertinence de ce cadre pour étudier notre cas. La section suivante présente la méthodologie employée pour documenter et analyser le cas. La troisième section présente le cas à la lumière des quatre éléments de la gouvernementalité. Nous mettons ensuite en évidence les implications et les options pour les chercheurs qui utilisent ce cadre analytique.
Définition de la gouvernementalité
12Le terme « gouvernementalité », développé par Foucault, est une combinaison des termes « gouvernement » et « rationalité » (Dhaouadi et Ben Kahla, 2010 ; Fimyar, 2008). « Gouvernement » doit être pris dans le sens de guider ou d’orienter la conduite d’une ou plusieurs personnes, comme une rationalité politique qui régit les « conditions de possibilité » pour réfléchir et agir d’une certaine manière (Collier, 2009). Les technologies de gouvernement et les moyens par lesquels le pilotage est exercé (enseignement, système de soutien, dispositifs et organisation du travail) sont les outils et manifestations du régime de gouvernementalité emprunté. La rationalité, ou façon de concevoir, sert à rendre visible, concret, une chose précise : l’objet de gouvernement (dans notre cas, la prise en compte de la santé dans les politiques publiques au Québec) (Olssen, 2003). La rationalité s’exerce par le savoir sur les gouvernés et vise à modeler les façons de concevoir. Les interventions et la structuration organisationnelle s’articulent donc dans un rapport pouvoir-savoir (Lacombe, 1993). L’État mobilise un ou des types de régime de gouvernementalité pour orienter les conduites.
13Comme nous allons le voir, un régime de gouvernementalité est caractérisé par quatre éléments relativement génériques (Aggeri, 2005 ; Dean, 1999 ; Lenay, 2005). Plusieurs auteurs ont également proposé d’analyser la gouvernementalité selon différents angles complémentaires (Miller et Rose, 2008). Quelques auteurs ont réalisé des études empiriques en mobilisant la gouvernementalité dans le cadre du système de santé et des hôpitaux (Fassin, 1996 ; Foucault, 1973, 1974 ; Sinding, 1992). Nous débutons ici avec les quatre éléments et des marqueurs de leur opérationnalisation empirique repris d’études sur la gouvernance du système de santé.
14Quatre éléments peuvent servir de point de départ pour caractériser un régime de gouvernementalité :
- l’objet de gouvernement : il constitue le point d’application. Dans le secteur des soins, cet élément reprend en partie les hôpitaux, les spécialités médicales ou le parcours du patient (Lenay, 2005). L’outil « est conçu progressivement à partir de savoirs et de pratiques émanant de foyers multiples et hétérogènes qui, pas à pas, finissent par en définir les contours et le contenu » (Lenay, 2005 : 401). C’est le résultat de la rationalité que l’on souhaite mettre en place, sa matérialisation ;
- les cibles de gouvernement : elles concernent les actions à la fois aux niveaux individuel et collectif pour générer un changement de pratiques. Elles concernent également les capacités nécessaires pour y arriver (Dean, 1999, 2009 ; Lemke, 2000). Dans le secteur sanitaire, cet élément peut reprendre en partie la productivité et la qualité des équipements (Lenay, 2005) ;
- des formes de gouvernement, c’est-à-dire les mécanismes, procédures, tactiques et techniques selon lesquels l’autorité est établie, et ses effets. En d’autres termes, les formes incluent les modes de relation entre gouvernants et gouvernés (coopération, contrainte, incitation, négociation, etc.), les règles, les outils et les instruments (Dean, 1999, 2009 ; Lenay, 2005). Dans le secteur sanitaire, cet élément reprend en partie la régulation, la planification et l’organisation (Lenay, 2005). Les formes de gouvernement sont donc des mécanismes qui permettent de donner corps à l’objet ;
- un régime de visibilité : il reprend les efforts matériels et immatériels déployés pour que le nouvel objet soit exposé, perçu et rendu réel et actuel. Un régime comprend la manière et les moyens (techniques, dispositifs) par lesquels l’objet en question et les gouvernés sont objectivés sur les plans scientifique, technique et économique (Dean, 1999, 2009). Des marqueurs d’un régime de visibilité ont été proposés, comme la recherche d’engagements directs, la recherche d’une utilité collective, la responsabilisation des acteurs (Lascoumes et Le Galès, 2005). Le(s) régime(s) permet(tent) à l’objet de gouvernement d’être facilement identifiable par les acteurs et de révéler les formes de gouvernement choisies.
15Ce concept de gouvernementalité est utilisé dans divers domaines : philosophie, sociologie, science politique, économie, anthropologie et d’autres encore, en lien avec les sciences humaines, comme la psychologie ou la criminologie (Dupont, 2001 ; Harris, 2005), dans différents pays (États-Unis, Angleterre, Australie, Europe) (Marinetto, 2003 ; Sending et Neumann, 2006 ; Zimmermann et Favell, 2011). Il est également utilisé dans différentes thématiques : environnement (Aggeri, 2005), développement durable (Theys, 2002), etc. Dans le domaine de la santé, Foucault a étudié les hôpitaux comme objets de pouvoir des gouvernements (Foucault, 1973, 1974), Ferlie a étudié les pratiques de la médecine basées sur les évidences (Ferlie et al., 2012 ; Ferlie et Mcgivern, 2014) et Zuboff les technologies de santé (Zuboff, 1989). Une étude caractérise les régimes de gouvernementalité au niveau des centres de santé (Lenay, 2005). Un récent travail mené par Ferlie et McGivern (2014) aborde le concept de la gouvernementalité au niveau des professionnels de la santé et de l’utilisation d’outils cliniques. Par ailleurs, « il convient de remarquer qu’ils [les travaux] s’attachent peu à la question de l’organisation du système hospitalier aujourd’hui, entendue notamment du point de vue de la conception et de la mise en œuvre de politiques publiques » (Lenay, 2005 : 397-398).
16Dans le cas de cet article, notre analyse se situe hors des institutions de santé, au niveau des ministères et des réseaux d’acteurs impliqués, en se concentrant plus particulièrement sur les gestionnaires plutôt que sur les professionnels cliniques.
17Un des éléments essentiels à retenir de l’analyse des sources documentaires sur la gouvernementalité est le fait que l’accent soit mis sur les pratiques à travers lesquelles le pouvoir s’exerce et sur la conviction plutôt que sur la contrainte (Sending et Neumann, 2006). Ainsi, la gouvernementalité est comprise comme étant un ensemble de rationalités, de stratégies, de technologies et de techniques (Larner et Butler, 2005), un art de gouverner dans un contexte changeant (Theys, 2002) pour arriver à changer librement (Laurent, 2006). Dès lors, l’étude de la gouvernementalité d’une action publique nécessite de prendre en compte non seulement l’instrumentation de l’exercice du pouvoir mais également les pratiques d’exercice du pouvoir. La méthodologie empruntée, par entretiens semi-directifs, permet de sonder les pratiques déployées. Nous incluons les professionnels et gestionnaires du ministère de la Santé ainsi que les partenaires pour sonder la pluralité des avis et des pratiques déployées visant une action collective.
Méthodologie
18La collecte de données s’est échelonnée d’avril à novembre 2012. Le but initial était de mettre en évidence les avancées, les activités et les effets générés par l’implantation de l’article de loi présenté plus haut.
19Les données qualitatives proviennent d’entretiens semi-directifs et de sources documentaires. Nous avons joint les personnes responsables du déploiement de la santé dans les politiques publiques au Québec, les acteurs responsables de l’implantation au ministère de la Santé, dans d’autres ministères et institutions partenaires. En plus de la documentation identifiable et directement reliée à l’article 54, nous avons inclus dans l’analyse certaines actions interministérielles à propos desquelles le ministère de la Santé a été interpellé et a mobilisé des ressources humaines lors de plusieurs réunions (utilisation de pesticides, etc.). Ces actions ont servi de traceurs pour mieux comprendre l’influence du ministère de la Santé sur l’intégration de la santé, le cas échéant, dans des actions définies et délimitées par des politiques, stratégies ou programmes portés par d’autres ministères. Par ailleurs, la stratégie d’implantation de l’article 54 constitue également une action interministérielle. De plus, quelques actions sont menées au niveau municipal avec le soutien du ministère de la Santé.
20Au total, nous avons conduit 61 entretiens. La recherche documentaire a porté sur les rapports annuels d’activité, les études scientifiques et les rapports d’évaluation liés à la stratégie d’implantation de la prise en compte de la santé dans les politiques publiques au Québec.
21Dans la perspective d’une analyse factuelle, un rapport a été produit et les changements opérés et à maintenir ont été mis en évidence. Dans le cadre de cet article, les données ont été revues au prisme d’un régime de gouvernementalité. Initialement, l’intégralité des données a été codée dans le logiciel QDA Miner en fonction des apprentissages, décisions, processus et facteurs mis en évidence. Ce premier niveau de codage a permis de se familiariser avec le contenu. Un second niveau d’analyse a permis d’identifier les éléments des données qui correspondaient aux quatre éléments de la gouvernementalité. Deux personnes ont réalisé cette analyse secondaire, puis ont triangulé leurs analyses. Chaque élément cité au moins par deux sources de données et pour lequel les deux codeurs étaient en accord a été conservé.
Étude de cas
22Dans la section suivante, nous revenons sur les quatre éléments qui caractérisent un régime de gouvernementalité pour dévoiler comment le cas de la prise en compte de la santé dans les politiques publiques au Québec s’y apparente. L’étude de la stratégie [3] de prise en compte de la santé permet de mettre en évidence la traduction de chacun des éléments dans le contexte actuel et de dégager des constats, certaines difficultés et de possibles pistes pour l’emploi de ce cadre analytique.
Objet
23Selon Foucault, l’objet de gouvernement est le résultat des interactions entre pouvoir et savoir qui vont faciliter l’émergence ou la consolidation de l’objet (Duineveld et Van Assche, 2011 ; Lenay, 2005). À un moment dans le temps, l’objet de gouvernement correspond donc à un état des lieux de la façon de penser.
24Dans le cas étudié, l’objet est le réflexe des acteurs à prendre en compte la santé dans les politiques publiques. Il couvre à la fois le cheminement et le résultat actuel d’un système organisé pour prendre en compte la santé. Ainsi, le niveau d’acceptation des acteurs à prendre en compte la santé, le caractère acceptable, ou non, d’une telle prise en compte, et les interventions récurrentes mises en place composent l’objet de gouvernement.
25Plusieurs acteurs œuvrent à l’implantation de l’article de loi et à donner forme à l’objet de gouvernement : une direction du ministère de la Santé, l’ensemble du ministère de la Santé, les ministères en général, les partenaires scientifiques et le réseau de répondants. Qui porte la responsabilité d’avoir le réflexe de prendre en compte la santé dans les politiques ? L’imputabilité théorique semble multiple bien que la gouvernance soit « uni-ministérielle ». Le réflexe santé a été porté par une direction du ministère de la Santé et relayé dans les ministères par un réseau de personnes ayant peu ou pas d’informations sur les décisions ultimes de leur organisation. La responsabilité incombe en partie à l’ensemble du ministère de la Santé, qui fait une veille active des projets sectoriels et de l’information stratégique de projets en développement. La responsabilité incombe également aux ministères sectoriels de qui l’on attend qu’ils parviennent à développer ce réflexe. Comme nous le verrons, certains ministères sectoriels se sentent peu concernés. Ainsi, le ministère de la Santé peut agir en tentant de développer un réflexe chez d’autres, ou peut développer son propre réflexe à établir des liens avec les spécificités des autres secteurs.
26À des degrés divers, plusieurs ministères ont contribué à développer un réflexe à prendre en compte la santé dans les politiques publiques. Par exemple, les documents stratégiques de plusieurs ministères (ministère du Travail, ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale) font référence à la santé et à ses déterminants de façon explicite. Les ministères centraux reçoivent des documents sectoriels : « Ces enjeux-là (santé), maintenant, sont mieux reflétés dans les mémoires, donc on a moins, nous, à aller chercher l’information, disons que ça a permis de mieux circonscrire les impacts, de mieux caractériser les impacts (des actions des ministères sur la santé) » (fonctionnaire hors ministère de la Santé et des services sociaux, MSSS).
27Ce réflexe de prise en compte de la santé semble plus faible au sein des ministères à vocation économique que chez ceux à vocation sociale, dont la mission est perçue comme étant plus proche de celle du ministère de la Santé. Cependant, les collaborations se développent et se renforcent, car le ministère de la Santé a aussi adopté une attitude de plus en plus ouverte aux positions et enjeux de chaque ministère. Il intègre les savoirs expérientiels d’autres ministères : « Il y a une prise de conscience du secteur de la santé publique de la réalité du monde agroalimentaire aussi et des prérogatives avec lesquelles ils doivent travailler » (fonctionnaire hors MSSS).
28Le réflexe de prise en compte de la santé est également alimenté par les partenaires scientifiques et leurs productions financées par le ministère de la Santé. De façon générale, la logique d’influence repose sur l’alimentation en données probantes, lesquelles sont transmises du secteur de la santé vers les autres secteurs.
29Malgré les savoirs scientifiques développés et diffusés, plusieurs ministères ne semblent pas y être réceptifs, sauf ponctuellement ou lors de l’implication des médias (exposition d’une situation incongrue d’un citoyen, par exemple). Chaque ministère a aussi le choix de prendre en compte les données fournies ou les avis émis par le ministère de la Santé vers ses collègues de tous les secteurs d’intervention gouvernementale dans l’optique de favoriser le développement et l’adoption de politiques publiques favorables à la santé (CCNPPS/INSPQ, 2012). La stratégie privilégiée au sein de l’administration publique est le transfert relativement unidirectionnel de savoirs scientifiques, plus précisément le transfert de ces savoirs depuis le ministère de la Santé vers les ministères à influencer.
30Les savoirs mobilisés sont donc de plusieurs natures : les savoirs issus des recherches scientifiques et les savoirs expérientiels des ministères.
31Notre analyse permet de faire ressortir trois sous-éléments pour caractériser l’objet de gouvernementalité : l’acteur imputable, le type de savoirs mobilisés, la direction du partage des savoirs.
Cibles de gouvernement
32Les cibles de gouvernement représentent les acteurs ou les groupes d’acteurs visés par le régime de gouvernementalité, ceux que l’on désire influencer et dont on désire orienter la conduite. Dans le cas étudié, les cibles du gouvernement correspondent au réseau de répondants, aux partenaires scientifiques et aux ministères sectoriels et centraux.
33Considérant que les partenaires scientifiques assurent la production de savoirs sur ces sujets identifiés par le ministère de la Santé et que le réseau de répondants provenant des ministères est en place, les cibles directes (partenaires scientifiques et certains ministères) semblent à ce stade relativement couvertes par les actions du ministère de la Santé.
34Les ministères avec lesquels peu de liens historiques ont été formellement établis avec le ministère de la Santé, avec lesquels il y a peu de rencontres avec les professionnels du ministère de la Santé, avec lesquels le ministère de la Santé doit initier les contacts, apparaissent comme des cibles potentielles pour développer le réflexe de prise en compte de la santé. Des institutions qui n’ont pas le statut de ministère (par exemple celles qui œuvrent dans le domaine de la santé au travail) peuvent être des cibles à intégrer pour mener des actions conjointes indirectes auprès de groupes de la population.
35Finalement, les cibles que le ministère de la Santé atteint sont dans un premier cercle de contacts immédiats : partenaires scientifiques et certains ministères. Les cibles indirectes sont issues d’un cercle de contacts éloignés : notamment des ministères sectoriels avec lesquels peu de contacts ont été historiquement établis avec le ministère de la Santé (certains pouvant avoir une conception de la santé restreinte aux soins). Un troisième cercle de contacts, comprenant la population générale avec laquelle on peut entrer en contact par des audiences publiques, la diffusion scientifique ou d’autres voies, semble moins prioritaire.
36On peut donc décomposer les cibles de gouvernementalité en trois sous-éléments différents : le premier cercle de contact, le second cercle de contact et la population (troisième cercle).
Formes de gouvernement
37Les formes de gouvernement font référence aux techniques et mécanismes mis en place pour la gouvernance et la gestion de l’action. Dans notre cas, les formes de gouvernement correspondent à la structuration de la stratégie d’implantation de l’article 54.
38Notre analyse s’est concentrée sur les aspects formels et les interactions régulières dans les actions interministérielles et le réseau de répondants. La stratégie repose sur la gouvernance par le ministère de la Santé, plus précisément par une direction de ce ministère, sur un accompagnement des ministères et du réseau de répondants et sur la production de données probantes. Certaines structures et actions étaient déjà en place et d’autres ont été créées pour les besoins. La direction de la santé publique au ministère de la Santé collabore de longue date avec certains ministères et, parfois, il existe des liens formels, par exemple des réunions statutaires à intervalles réguliers. Ces liens facilitent l’inclusion de la santé dans les considérations d’autres ministères. Ces autres ministères fonctionnent parfois avec des logiques informationnelles et décisionnelles propres, voire différentes du ministère de la Santé. Sans connaître les logiques à l’origine des décisions ou sans les intégrer, l’influence de l’action du ministère de la Santé peut être limitée.
39En 2013, une modalité d’interaction s’est déployée, caractérisée par une approche ponctuelle et informelle : « Si on est au fait de ça puis qu’on n’a pas été consulté, à cause de notre lien privilégié avec le ministère X., on peut appeler et dire : “Au fait, il y a eu telle affaire, on n’a pas été consulté.” Puis à certains moments on a pu rattraper certaines choses » (fonctionnaire hors MSSS). Étant donné le taux de roulement élevé des membres du réseau de répondants, les anciens constituent un pool de personnes déjà sensibilisées aux enjeux de santé et qui œuvrent dans différents ministères. Ainsi, un potentiel d’influence supplémentaire peut être envisagé à travers les anciens répondants du réseau. De même, le ministère de la Santé emploie des personnes qui étaient précédemment dans d’autres secteurs et qui sont susceptibles de lui apporter une compréhension des contenus et des stratégies à déployer.
40Les prochaines études consacrées à l’implantation d’une politique publique comme objet de gouvernementalité gagneraient donc à préciser, afin de définir les formes de gouvernement en question, la fréquence et le caractère formel ou informel des interactions.
Régime de visibilité
41Le régime de visibilité représente les moyens mis en œuvre ou prévus pour permettre à l’objet de gouvernement de s’installer de façon régulière et non contestée. Il comprend à la fois les modes de communication mis en place pour que l’objet soit visible et connu et les moyens mobilisés pour que l’objet soit reconnu et légitime aux yeux des acteurs.
42Dans notre cas, le régime de visibilité correspond aux actions et modalités choisies, afin de publiciser l’enjeu de santé dans les ministères et auprès de la population. Le ministère déploie un régime de visibilité qui mobilise des données probantes. La production et l’émission de données probantes semblent privilégiées, par exemple en rédigeant des fiches thématiques. Ces données doivent ultimement profiter aux ministères sectoriels, aux décideurs des dossiers sectoriels en cours et à la population générale. Afin que ces différents acteurs adhèrent à cet objet de gouvernement, le ministère de la Santé a choisi de les rejoindre et de les convaincre par des modalités relativement habituelles et communes à tous.
43Dans le cadre des prochaines études consacrées à l’implantation de la prise en compte de la santé dans les politiques publiques comme objet de gouvernementalité, définir le régime de visibilité en question peut être facilité en mettant en évidence les sous-éléments suivants : la spécificité des moyens de communication, la vulgarisation de la communication et la légitimation de l’objet.
44Notre analyse du cas de la santé au Québec comme régime de gouvernementalité a soulevé plusieurs sous-éléments pour chacun des éléments d’un régime de gouvernementalité. Ces sous-éléments présentent l’avantage de mettre l’accent sur le volet pratique de l’action analysée et d’offrir un cadre plus opérationnel pour comprendre les régimes de gouvernementalité.
Discussion
45Nous abordons ici la contribution méthodologique de l’article, soit l’approfondissement de la notion de gouvernementalité, et sa contribution conceptuelle, soit la compréhension des formes de pilotage qui associent pouvoir et savoir.
46Les auteurs qui ont mobilisé le concept de gouvernementalité pour comprendre le régime mis en place dans le secteur de la santé y voient quelques avantages. Ferlie mentionne l’adéquation du concept et de la perspective de Foucault avec le contexte actuel d’organisation du système de soins en Angleterre et présente la gouvernementalité comme un reflet de la gouvernance des administrations publiques contemporaines (Ferlie et al., 2012). À ce titre, c’est un concept adapté puisqu’il permet de s’intéresser au pilotage de l’action publique indirecte plutôt qu’à l’institution publique. Ainsi, la gouvernementalité permet de poser un regard détaché de la nouvelle gestion publique et de la domination unique des professionnels de la santé. En ce sens, le cadre analytique convient aux mutations en cours dans le secteur de la santé.
47Alors que le cadre de la gouvernementalité a été employé pour comprendre une stratégie interministérielle, d’autres cadres peuvent permettre de mettre en lumière certains aspects particuliers de la dynamique interministérielle. Les dynamiques de pouvoir pourraient ainsi être davantage affinées en mobilisant la notion d’intersectionnalité (Bilge, 2009 ; Jaunait et Chauvin, 2012) pour comprendre les rapports entre les acteurs impliqués dans les actions horizontales, qui négocient leur potentielle double appartenance à une institution d’attache et à une démarche interinstitutionnelle. Les méthodes utilisées dans les études sur l’intersectionnalité et les tentatives de classification qui reflètent la complexité de la réalité pourraient être reprises. Des configurations de pouvoir permettraient ainsi de compléter le portrait de l’implantation d’une action interministérielle, pour autant que l’accès aux informations sur les détenteurs de pouvoir soit directement ou indirectement disponible.
48La contribution de l’article quant au pilotage qui allie pouvoir et savoir se reflète dans les sous-éléments proposés. Ainsi, la mobilisation de savoirs s’est traduite dans les actions du ministère de la Santé et des partenaires scientifiques par la production et la mobilisation de savoirs, principalement scientifiques, en direction des ministères avec lesquels collaborer, et en tentant de traduire les messages. Pour certaines actions ciblées et récentes, une place a été accordée aux besoins et aux particularités des ministères avec lesquels le ministère de la Santé interagit. Des aspects liés aux exigences sectorielles, aux fenêtres d’opportunité d’un ministère, etc. pouvaient être abordés. Cette connaissance fine « du terrain » fait partie des savoirs expérientiels quant à la stratégie d’implantation de l’article 54. Par ailleurs, certains auteurs mentionnent les savoirs produits par les communautés de pratique (Ranmuthugala et al., 2011) ainsi que des savoirs issus du réseau dans lequel un acteur exerce. Ces réseaux, les quelques gestionnaires, collègues, conseillers autour de soi, sont à même de former une idée et une compréhension des connaissances actuelles et de la pratique à favoriser (Gabbay et Le May, 2004).
49L’exercice d’un pouvoir d’influence indirect pourrait alors passer par le ciblage d’un environnement décisionnel élargi, au-delà des répondants ministériels, par exemple. Le pouvoir s’est en effet opéré essentiellement par influence formelle auprès des ministères historiquement proches du secteur de la santé et du réseau de répondants. Notons que les rapports politiques ont été moins au centre de la démarche du ministère et de notre analyse, et que l’accent a été mis sur les savoirs, soit l’alimentation des secteurs, la production et le partage de savoirs parfois expérientiels et de données scientifiques. Toutefois, la notion de pouvoir est incarnée à travers des sous-éléments proposés, qui touchent à la fois à la notion de savoirs (type de savoirs mobilisés, direction du partage des savoirs, spécificité et vulgarisation du régime de visibilité) et de pouvoir (acteur imputable de l’objet, premier, deuxième et troisième cercles de contacts, fréquence et caractère formel des interactions). En effet, indirectement, l’influence des données (notamment quantitatives) sur les prises de décision stratégique est de plus en plus remarquée et constitue une source de pouvoir (Denis et al., 2006). Enfin, Lascoumes avance que les rapports politiques sont organisés par le type d’instruments qui est choisi (Lascoumes, 2005). Ceux-ci peuvent être soit législatifs et règlementaires, soit économiques et fiscaux, soit conventionnels et incitatifs, soit informatifs et communicationnels, avec des normes et des standards. En ce qui concerne la prise en compte de la santé dans les politiques publiques au Québec, plusieurs de ces instruments ont été mobilisés, mettant en évidence une préférence pour certains rapports politiques. Ainsi, l’emploi de l’instrument législatif et règlementaire (article de loi) favorise un État gardien du bien collectif. La santé de la population, considérée comme un bien collectif, serait alors soutenue par une instrumentation cohérente. De plus, le ministère de la Santé cherche à mobiliser ses partenaires et ministères sectoriels. Ce type de rapport, selon Lascoumes, passe par des instruments conventionnels et incitatifs. Les partenaires scientifiques du ministère de la Santé reçoivent des incitations, notamment financières. Les ministères sectoriels participent, ou non, sans incitatifs directs. La stratégie de développement futur pourrait intégrer l’ensemble des instruments et renforcer ainsi les conditions de déploiement du régime de gouvernementalité via la mobilisation de rapports politiques.
50Enfin, l’articulation entre pouvoir et savoir reste à discuter. Le concept de gouvernementalité fait référence au pouvoir, au savoir et implicitement à leur articulation. La stratégie d’implantation de la prise en compte de la santé dans les politiques publiques au Québec a mis l’accent sur le pouvoir (instrument législatif, cercles rejoints, caractère formel des interactions, etc.) et les savoirs essentiellement scientifiques. L’articulation pouvoir-savoir n’a pas fait l’objet d’actions particulières. Cependant, on peut y réfléchir au cours de l’analyse et lors de l’actualisation des notions de pouvoir et de savoir. En effet, on peut se demander comment maximiser un pouvoir fondé sur des instruments législatifs : avec des savoirs scientifiques ou des savoirs expérientiels ? L’implantation serait-elle alors différente, plus efficace et ultimement avec une influence plus marquée de la prise en compte de la santé ?
Conclusion
51Nous avons utilisé la perspective de Foucault pour comprendre le déploiement d’un régime de gouvernance particulier qui allie un pouvoir central et multiple, et des savoirs surtout scientifiques, en analysant le cas de la prise en compte de la santé dans les politiques publiques au Québec.
52L’analyse comporte des limites. D’abord, les sous-éléments proposés sont issus de l’étude d’un seul cas et demanderaient à être validés par d’autres cas, provinciaux ou internationaux. De plus, la perspective de Foucault apporte des outils de lecture plus que des concepts opérationnalisés et directement applicables. Les sous-éléments proposés devraient alimenter l’opérationnalisation des démarches d’analyse. Ils sont le fruit de l’interprétation de la perspective de Foucault par une seule équipe de recherche. Une triangulation élargie de l’analyse renforcerait la solidité des conclusions.
53La réflexion sur l’objet de gouvernementalité appliqué au cas de la santé au Québec permet de tirer quelques leçons pour de prochaines analyses, et quelques leçons pour les praticiens.
54Une leçon a trait à la difficulté d’application du cadre analytique pour une loi ou une démarche publique aux délimitations floues. En effet, notre analyse de l’objet de gouvernementalité a soulevé une difficulté : celle de définir le périmètre de l’objet, en prenant en compte que celui-ci est changeant au cours des années. Ainsi, au Québec, le choix initial était de privilégier les évaluations d’impact dans le domaine de la santé, procédure par étape publicisée par l’OMS, puis de favoriser les politiques publiques favorables à la santé, et enfin de définir la prise en compte de la santé dans les politiques publiques de façon moins dogmatique, avec une moindre préséance de la santé sur les autres secteurs que ce qui s’était fait dans le passé. L’identification de l’objet correspond donc à une identification temporaire qui régit l’ensemble de l’analyse des autres éléments du régime de gouvernementalité étudié. Ainsi, analytiquement parlant et dans le cas de la santé, l’objet nous semble être l’élément à identifier précisément, en tout premier lieu, et en collaboration avec plusieurs acteurs pour s’assurer de sa couverture globale.
55Une seconde leçon porte sur les personnes à interroger et les actions à approfondir. Définir les cibles de gouvernement en question, les premier, deuxième et troisième cercles, peut faciliter l’analyse. La prise en compte de la santé est appuyée par un article de loi, l’article 54, et permet au ministère de la Santé d’agir auprès des autres ministères. Cet appui législatif fournit un groupe de cibles potentielles souvent compris comme le premier cercle. D’un autre côté, le cadre de gouvernementalité s’appuie sur une logique de rationalité multiple de l’action collective et reconnaît l’existence d’une diversité d’acteurs modelant l’objet de gouvernement. Dans le cas étudié, la santé de la population est un objectif ultime. Une partie des groupes de population ciblés font partie des cercles à rejoindre, qui, au Québec, dépendent d’organismes qui ne sont pas soumis à l’article 54. Donc, un cadre analytique qui ne remettrait pas en cause les limites de l’application de la loi omettrait des acteurs importants dans l’atteinte des objectifs de cette loi.
56Les leçons suivantes concernent davantage les praticiens. Une des leçons porte sur la rareté des régimes spécifiques et de la vulgarisation de l’objet étudié. En effet, nous avons pu identifier quelques rares expériences ponctuelles et très circonscrites dans le temps pour lesquelles le ministère de la Santé a co-développé des activités d’échanges à partir d’exemples, enjeux, prémisses propres au ministère partenaire (co-rédaction de brochures documentaires, préparation conjointe d’exercices sur les évaluations d’impact en santé, etc.). Il revient au ministère de la Santé d’assurer cette traduction, sans quoi les partenaires, ne possédant pas l’expertise dans le domaine de la santé, ne pourront faire avancer des politiques prenant en compte la santé. De telles expériences peuvent être vues a priori comme des événements isolés ayant peu de répercussions, alors qu’elles ont été très positivement reçues et qu’une demande explicite pour reproduire l’expérience a été citée à plusieurs reprises. Lors des prochaines études, une attention particulière pourra porter sur ces événements rares qui facilitent et vulgarisent les messages et fournissent des supports adaptés aux spécificités de chaque secteur. Une autre leçon concerne l’opportunité de déployer des moyens spécifiques pour toucher les ministères moins engagés. Un différentiel d’engagement entre les ministères à vocation sociale et ceux à vocation économique existait lors de l’adoption de l’article. Dix années après, le fossé se comble. Une manière de continuer de réduire l’écart et d’accélérer la collaboration de certains ministères peut être de multiplier les modalités spécifiques pour renforcer l’emploi des données probantes produites, la mobilisation des savoirs expérientiels disponibles, et de déployer des modalités spécifiques par ministère. Une dernière leçon concerne les stratégies de diffusion des données probantes produites. Une fois produites, les données doivent arriver sous un format utile, voire traduit et vulgarisé, aux personnes qui en ont besoin et en feront l’usage. Quelques ministères pilotes pourraient être l’objet d’une modalité de diffusion distincte de celles déjà mobilisées dans le passé, afin de tester l’intérêt de diffusions spécifiques.
57Nous voyons un avantage à employer le concept de gouvernementalité appliqué aux actions interministérielles en général. En plus de paraître adapté au contexte actuel, ce concept permet de mettre précisément en valeur la fonction hybride de l’administration publique, informatrice et réformatrice, et éventuellement les ressources qui devront appuyer cette fonction. Hatchuel apporte un élément de réponse intéressant : « L’exercice du pouvoir ne reposerait plus sur le seul souci de connaître et de contrôler les populations (bio-pouvoir), mais aussi sur une connaissance nouvelle du gouvernement sur lui-même et sur son appareil administratif » (Hatchuel, 2005 : 11).
58Il convient de souligner que l’action interministérielle étudiée et la prise en compte de la santé dans les politiques publiques au Québec a permis une implication active du ministère de la Santé dans une réflexion sur l’appareil administratif. Le ministère de la Santé s’est impliqué activement dans l’introduction d’innovations administratives et dans l’agenda de réformes concernant l’administration publique. En effet, les nouvelles structures ou entités avec des gestionnaires qui doivent composer ensemble (Moynihan, 2009) rendent possible la création d’un contexte propice à l’innovation (Cooper et Stephenson, 2012 ; Jaskyte, 2004). Notre étude ajoute à la réflexion sur la gouvernance innovante au sein des administrations publiques (UN, 2006) au-delà de la littérature sur la place de la privatisation, de l’imputabilité envers les citoyens et des décentralisations (Osbourne, 2007). La réflexivité dans l’acte de gouvernement (Hatchuel, 2005) caractériserait d’ailleurs les mutations actuelles. L’initiative horizontale que nous avons étudiée et évaluée en est une illustration : une volonté de questionner et d’améliorer la gouvernance et la gestion de la prise en compte de la santé dans les politiques publiques est bien présente. Grâce aux études commanditées par le ministère de la Santé sur l’implantation de l’article 54, le ministère met en avant une capacité réflexive sur l’appareil administratif et l’instrumentation (Smits et al., 2013). Ces actions démontrent un certain degré de changement institutionnel plutôt qu’une accoutumance et une routine de l’acte de gouverner, une sorte d’activisme de la gestion et de la gouvernance publique. Le régime de gouvernementalité mis en place au Québec contribue ainsi à un état réflexif quant à sa gouvernance de l’administration publique.
59Notre étude peut-elle être utile et transférable à d’autres secteurs que la santé ? Nous considérons que l’article contribue à une compréhension approfondie des actions horizontales dans le domaine de la santé caractérisées par un régime de gouvernementalité, soit avec des formes de savoirs et des relations de pouvoir en forte interaction et en constante évolution. D’autres initiatives horizontales répondant à des logiques similaires pourraient être analysées sur le même schéma, selon une méthodologie semblable, avec les éléments et sous-éléments suggérés ici. En effet, d’autres secteurs paraissent soumis à des logiques semblables à celles de la prise en compte de la santé dans les politiques publiques (Commission de l’administration publique, 2008, 2011, 2012 ; Smits et al., 2013) : le développement durable, la lutte contre la pauvreté et la lutte contre le changement climatique. Ainsi, l’analyse que nous proposons sur le cas de la prise en compte de la santé dans les politiques publiques devrait avoir une plus-value méthodologique en ce qui a trait aux difficultés relevées et aux suggestions d’utilisation du cadre de la gouvernementalité pour l’analyse de l’implantation d’actions intersectorielles et interministérielles.
60Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article. Le rapport initial a été subventionné par la Direction générale de la Santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec avec la collaboration de Lyne Jobin et Caroline Druet. L’article a été rédigé entièrement par les co-auteurs. Il n’a été ni relu ni commenté par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
Remerciements
Les auteurs remercient la Direction générale de la Santé publique du MSSS.Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : santé, gouvernementalité, action horizontale
Mise en ligne 20/06/2016
https://doi.org/10.1684/sss.2011.0203Notes
-
[*]
Pernelle Smits, santé publique, Université Laval et École Nationale d’Administration Publique, 2325 rue de la Terrasse, Québec, QC, Canada G1V 0A6 ; Pernelle.smits@fsa.ulaval.ca.
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[**]
Johanne Préval, santé publique, ENAP, 4750 Henri Julien, Montréal, QC, Canada H2T 3E5 ; Johanne.preval@enap.ca
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[***]
Jean-Louis Denis, gestion et organisation, ENAP, 4750 Henri Julien, Montréal, QC, Canada H2T 3E5 ; Jean-louis.denis@enap.ca
-
[1]
Les données probantes comprennent ici les données produites par les scientifiques.
-
[2]
Le pouvoir comprend ici les opinions, les logiques et les savoirs.
-
[3]
Nous employons le terme « stratégie » dans le sens d’actions délibérées ayant un objectif commun, sans qu’il y ait de document officiel.