Couverture de SSS_332

Article de revue

Les économies de la promesse anti-âge. Le cas de la DHEA

Pages 5 à 30

Notes

  • [*]
    Sébastien Dalgalarrondo, sociologue, Iris-CNRS UFR SMBH, 74, rue Marcel Cachin, 93017 Bobigny Cedex, France ; dalgala@ehess.fr
  • [**]
    Boris Hauray, sociologue, Iris-INSERM, 190-198, avenue de France, 75244 Paris Cedex 13, France ; hauray@ehess.fr
  • [1]
    Les scientifiques à l’origine de ces travaux contribuèrent eux-mêmes à l’utilisation de ce langage hyperbolique. Voir la publication, en septembre 1996, dans une revue américaine de premier plan, d’un article du Pr Baulieu intitulé « DHEA : a fountain of youth ? » (Baulieu, 1996).
  • [2]
    Le Point, 6 juillet 2001.
  • [3]
    Nous tenons à remercier les organisateurs du séminaire « Les nouvelles frontières de la médecine » (Triangle ENS de Lyon), T. Bujon, C. Dourlens, G. Le Naour, ainsi que F. Dedieu et S. Parasie, responsables du séminaire du LISIS de nous avoir donné l’opportunité de présenter et d’améliorer une première version de ce texte. Nous remercions également les deux évaluateurs anonymes pour leurs précieux commentaires.
  • [4]
    Chiffres diffusés par l’American Society of Plastic Surgeons.
  • [5]
    Néologisme apparu au début des années 2000 sur le marché américain.
  • [6]
    GlaxoSmithKline, l’un des leaders de l’industrie pharmaceutique.
  • [7]
    New York Times, 17/09/2014 : « FDA. Panel Backs Limits on Testosterone Drugs ».
  • [8]
    New York Times, 15/04/2007 : « Aging : Disease or Business Opportunity ? ».
  • [9]
    En 2007, la consommation« anti-âge » de DHEA aux États-Unis représente un marché estimé à 50 millions de dollars. New York Times, 17/04/2005 : « How One Pill Escaped the List of Controlled Steroids ».
  • [10]
    JT de 20 h de TF1, 07/01/1995.
  • [11]
    L’une des deux revues historiques de l’Association américaine d’endocrinologie, Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism.
  • [12]
    La région Île-de-France, la Fondation pour la recherche médicale, le secrétariat d’État à la Santé, le ministère de la Recherche, les sociétés AXA, L’OREAL, LVMH, la Fondation Edmond de Rothschild, l’Association APRES et les laboratoires Boehringer-Mannheim.
  • [13]
    Le Monde, 17/03/2001 : « Les accros de la pilule de jouvence ».
  • [14]
    JT de 20 h de TF1, 11/04/2000.
  • [15]
    JT de 20 h de France 3, 11/04/2000.
  • [16]
    Dépêche AFP du 1 juin 2000 reprise par plusieurs journaux. D’autres personnalités évoqueront leur « cure de jouvence », comme le Baron Guy de Rothschild, Claude Sarraute ou encore Françoise Giroux qui déclarera en prendre depuis 1996.
  • [17]
    C’est en février 1999 que le site drugstore.com, filiale d’Amazon.com, est par exemple officiellement lancé.
  • [18]
    Dépêche AFP, 10/04/2001 : Vieillissement : l’Ordre des médecins déconseille de prescrire la DHEA.
  • [19]
    Dans un éditorial de la revue Les Nouvelles Pharmaceutiques publié en avril 2001 (n° 218, 1-2), le président de l’Ordre des pharmaciens appelle sa profession à la prudence. L’éditorial est titré : « Sachez résister ».
  • [20]
    Les Echos, 23/05/2001 : « L’ “hormone de jeunesse” bientôt vendue en masse dans les pharmacies françaises ».
  • [21]
    Libération, 5/05/2001 : « Ruée vers la DHEA » ; Le Point, 20/04/2001 : « La ruée vers la pilule de jeunesse ».
  • [22]
    JT de 20 h de France 2, 10/07/2001.
  • [23]
    Dépêche AFP, 10/07/2001 : « La DHEA classée comme médicament : Cooper inquiet pour ses ventes ».
  • [24]
    Aujourd’hui Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
  • [25]
    Rapport DHEA de l’Afssaps – Groupe ad hoc du 3 juillet 2001, p. 6.
  • [26]
    JT de 20 h de TF1, 10/07/2001.
  • [27]
    Revue critique du secteur du médicament, d’audience principalement nationale, régulièrement citée dans la presse généraliste et constituant un lieu de contre- expertise.
  • [28]
    Libération, lundi 13 février 2006, p. 22.
  • [29]
    Aujourd’hui en France, 26/03/2006 : « Le boom de la médecine anti-âge ».
  • [30]
    Libération, 20/10/2006.
  • [31]
    Le Figaro, 19/10/2006.
  • [32]
    Le Monde, le 16/04/2002 : « La consommation de DHEA diminue en France depuis 6 mois ».
  • [33]
    Ouest-France, 1/10/2010 : « Santé Méfiance avec la DHEA ». Cette estimation est le produit d’une enquête plus vaste de l’Afssaps menée en 2007 sur les dangers des préparations magistrales après la mort d’un client d’une pharmacie à qui son médecin avait prescrit une préparation magistrale à base d’extraits thyroïdiens.
  • [34]
    Tiré du site de l’AFME : http://www.afme.org/anti-age/DHEA_anti-age.htm.
  • [35]
    Le 7 mars 2000, le ministère de la Jeunesse et des Sports classa la DHEA comme substance dopante.
  • [36]
    Déclaration du Pr Baulieu dans Le Figaro, le 11/04/ 2000 : « Vieillissement. La libido des femmes de plus de 70 ans, la peau et la densité osseuse sont améliorées. Les vrais effets de la DHEA révélés. A-t-on trouvé la pilule de jouvence ? ».
  • [37]
    Propos du Pr Baulieu, JT de 20 h de France 2, 07/01/2005.
  • [38]
    JT de 20 h de France 2, 07/01/2005.
  • [39]
    Le Progrès, Lyon, 8/05/1997 : « La longévité bouleverse la société ».
  • [40]
    Pr Baulieu dans Le Point, 14/04/2000 : « Contre le Vieillissement. Tout sur la molécule qui fait des prodiges ».
  • [41]
    Libération, 14/05/2003 : « La révolution du vieillissement. Par Baulieu Etienne-Emile ».
  • [42]
    Propos de Maryse Wolinski, journaliste et écrivain. Aujourd’hui en France, le 26/03/2006 : « Mes artères ont dix ans de moins que moi ».
  • [43]
    Libération, 14/05/ 2003 : « La révolution du vieillissement », E.E. Baulieu.
  • [44]
    Étude intitulée : « Impact du “phénomène DHEA” en médecine générale », menée en juin/juillet 2002, portant sur 400 généralistes des Alpes-Maritimes.
  • [45]
    Libération, 05/05/2001 : « Les marchands de jeunesse. Ni interdite ni autorisée, la DHEA, hormone de jeunesse, est vendue en France depuis un mois. Une demande qui flambe et un trafic qui s’épanouit ».
  • [46]
    JT de 20 h de TF1, 24/02/2001, voix off du reportage.
  • [47]
    Le Monde, 4/10/1996.
  • [48]
    Le Monde, 12/07/ 2001 : « Le gouvernement souhaite contrôler l’usage de la DHEA ».
  • [49]
    Sciences & Avenir, 1999, n° 625 : « Rester jeune jusqu’à 120 ans. DHEA, la molécule de l’espoir ».
  • [50]
    Pour un panorama des enjeux actuels du vieillissement, voir Caradec (2012) et Hummel et al. (2014).

1Si l’espoir de stopper ou au moins de ralentir le vieillissement semble avoir toujours existé (Haycock, 2008), l’idée selon laquelle vieillir n’est plus une fatalité s’impose avec force depuis quelques années. Vieillir ne va plus de soi et les promesses issues de la recherche biomédicale sur les mécanismes du vieillissement, le développement et la démocratisation de la médecine esthétique (Brooks, 2010 ; Kinnunen, 2010) ainsi que l’apparition récente d’une médecine anti-âge (Cardona, 2007 ; Mykytyn, 2010) sont autant d’éléments remarquables dans le processus contemporain de médicalisation du vieillissement (Conrad, 2007). Ce texte porte sur une séquence importante dans l’émergence en France de cette promesse anti-âge. En 1995, les médias français titrent sur l’existence d’une hormone, la déhydroépiandrostérone (DHEA), dont la concentration dans le sang baisse régulièrement avec l’âge. Ils s’enthousiasment pour une idée défendue dans des travaux scientifiques américains : en compensant cette baisse, il serait possible de lutter contre de multiples maux, dont la détérioration des os, de la peau, des muscles et de la mémoire, l’obésité tardive et même la survenue de certains cancers. La molécule est rapidement qualifiée par les journalistes de « pilule de jouvence » [1] et on observe, au début des années 2000, un «  engouement fou pour la DHEA » [2]. Mise en cause par les autorités sanitaires et scientifiques, la DHEA quitte ensuite progressivement la scène médiatique sans, pour autant, que sa consommation ne disparaisse.

2L’étude de la science et des technologies (Science and technology studies) est marquée par l’émergence d’un courant de recherche qui place les discours sur le futur, les visions et autres anticipations, au centre de leur analyse. Ce travail sur la DHEA s’inscrit pleinement dans la perspective de cette sociologie des « expectations » (Borup et al., 2006 ; Brown et al., 2000) qui cherche à comprendre le rôle joué par ces problématisations stratégiques dans la création d’une réalité nouvelle, au sens où elles peuvent modifier les préférences des acteurs, leurs actions et le cadrage de leurs décisions. Il s’agit donc d’analyser comment la mobilisation du futur par la production de visions (Rajan, 2006) de métaphores (Nerlich et Halliday, 2007), la diffusion de concepts (Pickersgill, 2011 ; Rosengarten et Michael, 2009), l’utilisation de discours hyperboliques ou hype (Brown, 2003 ; Kitzinger, 2008 ; Racine et al., 2006) participent à la structuration de programmes scientifiques (Hedgecoe, 2004 ; Kitzinger et Williams, 2005 ; Selin, 2007), à la formation de nouveaux marchés (Pollock et Williams, 2010) et à l’inscription sociale de nouvelles technologies (Akrich, 1992). La publication de l’ouvrage « Contested futures : a sociology of prospective techno-science » (Brown et al., 2000) atteste de la volonté des chercheurs à l’initiative de cette perspective théorique de rendre compte de la pluralité des intérêts engagés et de l’aspect agonistique de cette incursion dans l’avenir. Ainsi, l’analyse sociologique des promesses offre l’opportunité d’interroger sous un nouvel angle les questions de l’innovation scientifique, de la diffusion de nouvelles technologies, des conditions de leur régulation et de leur appropriation (Gaudillière et Joly, 2006 ; Hauray, 2014).

3En choisissant l’expression « promesse médicale » plutôt que celle, plus classique, de « promesse thérapeutique » (Rubin, 2008), nous pointons la nécessité de porter le regard au-delà du pathologique et de la maladie afin d’inclure la question de la médecine améliorative et des techniques d’« enhancement » (Conrad et Potter, 2004 ; Coveney et al., 2009) qui mettent en jeu les frontières de la médecine. Cet article porte plus spécifiquement sur les économies de la promesse DHEA (Joly, 2010). Celles-ci sont, comme nous le verrons, des économies à la fois politiques et morales (Fassin, 2009 ; Novas, 2006). Dans son travail sur les maladies rares, Novas montre comment l’espoir et son pendant, le discours de la promesse, peuvent modifier radicalement les rapports entre les acteurs et favoriser de nouvelles formes de collaboration entre malades, industriels et pouvoirs publics, une dynamique de l’espoir soutenue et renforcée par la production d’agencements moraux originaux et la mise en circulation au sein de l’espace public d’émotions, d’obligations, de normes et de valeurs.

4L’intérêt de ce cas tient à trois éléments principaux :

  • la DHEA fut, au début des années 1990, l’une des molécules sur laquelle les médecins engagés dans la voie de l’anti-âge se sont appuyés pour démontrer le potentiel thérapeutique du rééquilibrage hormonal ;
  • le public français fut pour la première fois massivement confronté à cette promesse spécifique et à son discours sur le vieillissement lors de la commercialisation controversée de cette hormone ;
  • la mise sur le marché de ce traitement se situe à la période charnière de l’émergence du réseau Internet et nous donne à voir les effets structurants de cette circulation transnationale des produits pharmaceutiques, de l’information médicale et des promesses (Clarke et al., 2000).

5L’analyse de l’économie de la promesse DHEA poursuivra deux objectifs principaux :

  • décrire le processus de médicalisation à l’œuvre en révélant le rapport dynamique entre, d’une part, un discours hyperbolique et, d’autre part, un travail de normalisation/familiarisation effectué par les promoteurs de ce traitement ;
  • rendre compte de cette expérimentation médicamenteuse à grande échelle par l’analyse des conditions d’émergence d’un marché de la prise de risque.

6Sur le plan méthodologique, afin de nous donner les moyens de reconstituer précisément l’histoire de l’introduction en France de la DHEA et de rendre compte du débat public suscité par ce traitement, nous nous sommes appuyés sur le corpus documentaire suivant : publications scientifiques portant sur la DHEA de 1960 à 2012 (64 articles, source Medline), articles de presse publiés dans les journaux et magazines français de 1994 à 2014 (290 items, Europress : requête « DHEA » dans « Presse nationale »), archives audiovisuelles (TV hertzienne) disponibles au sein de l’Inathèque (dépôt légal) de 1995 à nos jours (132 items). Un corpus complété par l’analyse des ouvrages français de vulgarisation consacrés à la DHEA (Baulieu et Fourest, 2013 ; De Jaeger, 2001 ; Dufour et Pierre, 2001 ; Elia, 2002) ainsi que par le recueil et l’analyse classique des documents d’archives disponibles : dépêches d’agence, communiqués de presse, rapports et prises de positions des autorités publiques, comptes rendus de conférence. Nous avons réalisé, en 2013, deux entretiens auprès du Pr Baulieu, acteur clé de cette histoire et du Dr De Jaeger, leader d’opinion français dans le champ de la médecine anti-âge. Nous avons enfin réalisé deux entretiens complémentaires, en 2014, auprès de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé).

7La première partie de ce texte vise à contextualiser le cas sous étude en rendant compte de l’intensité contemporaine de la promesse anti-âge et de son caractère polymorphe. La deuxième partie est consacrée à l’exposition de la trajectoire française de ce traitement. La dernière partie vise à l’explicitation de l’économie politique et morale de la promesse DHEA [3].

Intensité et polymorphisme de la promesse anti-âge

8Il est possible de distinguer trois principaux vecteurs de diffusion et de crédibilisation de la promesse anti-âge. Le plus manifeste est sans doute le développement d’interventions et de produits censés gommer les marques visibles du temps. Plusieurs des opérations phares de la chirurgie esthétique sont promues comme des interventions « anti-âge ». L’introduction, en 2002, sur le marché américain, de la toxine botulique (Botox®) pour lutter contre les rides du visage (Mello, 2012) a ouvert un marché florissant, celui de la médecine esthétique. Ce produit s’est imposé comme l’intervention esthétique la plus populaire aux États-Unis avec plus de 6 millions d’interventions en 2012 [4]. La cosmétologie et ses crèmes antirides innovantes, avec l’arrivée récente des cosmeceuticals[5], sont aussi une source importante de production et de diffusion de la promesse. L’omniprésence des messages publicitaires pour ces produits contribue, au quotidien, à construire ce que Smirnova (2012), dans son analyse du secteur, qualifie de « will to youth » en s’adressant à une très large population « à risque » : la femme et l’homme vieillissant.

9La biogérontologie (Bourg, 2012) et les sociétés de biotechnologies qui lui sont liées sont une autre source de production et de diffusion de la promesse anti-âge. Les travaux menés dans ce domaine ont longtemps souffert du statut de « recherche défendue » (Lockett, 1983) mais, avec la montée en puissance de la problématique du vieillissement des populations, ce champ de recherche a peu à peu émergé comme un domaine stratégique (Vincent, 2006). L’histoire récente des États-Unis permet d’apprécier le degré de normalisation atteint par ce secteur. Mentionnons, en premier lieu, le rachat en 2008 par GSK [6], pour un montant de 720 millions de dollars, de la société de biotechnologie la plus en vue sur le marché du médicament anti-âge : Sitris Pharmaceuticals. Son projet phare sera un échec, mais il sera vite effacé par la perspective historique d’une convergence technologique (Roco et Bainbridge, 2003) dans ce secteur, avec l’annonce, en 2013, par l’un des fondateurs de Google, du lancement de la California Life Company (CALICO). Ce centre de recherche dédié exclusivement à la question de la longévité et du vieillissement a pour directeur général l’un des scientifiques-entrepreneurs les plus en vue du monde de la biotechnologie, A. Levinson. Le partenariat noué en 2014 avec le laboratoire pharmaceutique AbbVie (ex-Abbott) procure à CALICO l’expertise nécessaire au développement clinique, mais aussi et surtout au lancement commercial d’un nouveau produit. Cette société a, en effet, la particularité d’évoluer d’ores et déjà au cœur du marché de l’anti-âge avec son gel à la testostérone : Androgel®. Ce traitement connaît, depuis quelques années, un fort engouement aux États-Unis auprès d’hommes désireux de lutter contre la baisse naturelle du taux de testostérone au cours du vieillissement (Watkins, 2013). La FDA (Food and Drug Administration) estime qu’en 2014 un américain sur vingt-cinq est sous traitement substitutif de testostérone [7].

10Le troisième vecteur de diffusion de la promesse anti-âge est l’émergence, dans un premier temps aux États-Unis, d’une médecine anti-âge qui se propose de ralentir, voire d’inverser, le processus biologique du vieillissement. Cette nouvelle offre thérapeutique a pris, dès 1993, la forme d’une société savante : The American Academy of Anti-Aging Medicine (A4M). L’A4M, qui n’est pas reconnue par l’American Medical Association (AMA), fut dès sa création l’objet de critiques très virulentes, à la fois pour son manque de scientificité (Olshansky et al., 2002), mais aussi pour son mercantilisme [8]. L’A4M revendique, en vingt ans, plus de 22 000 adhérents répartis dans 105 pays. Si la médecine anti-âge attend beaucoup des développements relevant de la médecine dite régénérative (utilisation des cellules souches notamment), elle repose concrètement aujourd’hui sur la promotion combinée d’un anti-aging lifestyle — activité physique, diététique — et de thérapies hormonales compensatrices. La création de l’A4M est étroitement liée aux espoirs suscités par les premiers essais sur l’homme de l’hormone de croissance comme traitement anti-âge au début des années 1990. Les dénonciations et alertes répétées contre ce positionnement hétérodoxe des membres de l’A4M pour une thérapeutique encore expérimentale et potentiellement dangereuse n’ont pas freiné l’usage anti-âge des hormones aux États-Unis [9] (FDA, 2012), un phénomène massif perçu par les autorités sanitaires et une partie du corps médical comme un risque sanitaire majeur (Perls et al., 2005). Au-delà des produits utilisés, de leur efficacité/dangerosité, l’originalité de cette nouvelle offre médicale (Fishman et al., 2010) tient à la modification profonde de la relation thérapeutique qu’implique son caractère préventif et holistique. Le corps vieillissant devient l’objet d’une surveillance médicale et d’un management des risques constants adossé à une reprogrammation experte de son style de vie et la mise en place de dispositifs d’autocontrôle. La médecine anti-âge s’apparente ainsi à une véritable technique de soi articulée à une éthique de la responsabilité. Bien vieillir devient un devoir moral, une injonction à l’action, à l’investissement rationnel dans la préservation de son corps sous l’autorité scientifique de ces spécialistes du vieillissement réussi.

11De la crème antirides à l’espoir de molécularisation (Gaudillière, 2002) du remède contre le vieillissement, ce panorama rapide permet de constater la vitalité de la promesse anti-âge et son polymorphisme. Le halo informationnel qui se forme autour de ces multiples sources produit le sentiment diffus d’un futur « déjà-là » qui ne serait retardé que par le manque de moyens ou d’audace scientifique. La DHEA s’est inscrite au croisement de ces trois principaux vecteurs de la promesse anti-âge.

Trajectoire française de la DHEA

12Le 7 janvier 1995, l’hebdomadaire Le Point consacre un dossier spécial à la DHEA et titre : « Les formidables promesses de la molécule DHEA ». Une révolution thérapeutique est annoncée : il sera bientôt possible de « vieillir jeune ». Un chercheur français très réputé vient de découvrir « le médicament du bien-vieillir » : « Celui qui nous prépare cette potion magique, ce n’est pas un de ces charlatans à la bouche menteuse, mais un homme prudent, un vrai scientifique, à la fois médecin et chimiste, l’un des plus grands chercheurs français, Étienne-Émile Baulieu, directeur de l’unité 33 de l’INSERM, membre de l’Académie des sciences, professeur depuis 1993 au Collège de France, prix Lasker (le Nobel américain), spécialiste mondialement reconnu des hormones stéroïdes, père du célèbre RU 486 et découvreur, voilà trente ans, de cette molécule sur laquelle il travaille à nouveau aujourd’hui avec tant de passion, le sulfate de DHEA » (Le Point, 7/01/1995).

13La dernière phrase de ce dossier permet de mesurer tout l’engagement du Pr Baulieu dans ce projet lorsqu’il déclare : « je ne veux pas crever sans savoir ce que vaut ma DHEA ! ». Le journal télévisé du soir de TF1 en fait son ouverture : « Un sérieux espoir dans le domaine médical, des gérontologues français s’apprêtent à tester une nouvelle molécule qui permettrait de vieillir mieux » [10]. C’est dans les années 1980 que le potentiel thérapeutique de la DHEA a progressivement émergé suite à la publication de recherches épidémiologiques mettant en évidence une possible corrélation entre le taux de DHEA et la mortalité/ morbidité (Barrett-Connor et al., 1986). De nombreux essais sur l’animal ont également participé à matérialiser cet espoir en montrant la capacité de cette hormone à agir sur les effets du vieillissement : perte de la densité osseuse, diminution de la mémoire, baisse des défenses immunitaires ou encore prise de poids. Mais l’article du Point s’appuie sur un élément nouveau majeur : la publication, six mois plus tôt dans une revue américaine d’endocrinologie clinique prestigieuse [11], des résultats d’un essai montrant pour la première fois l’effet positif (« amélioration du bien-être physique et psychologique ») de l’administration de DHEA chez l’homme (Morales et al., 1994). Le responsable de cet essai, celui que le Pr Baulieu présente dans cet article du Point comme son « ami » et « le plus grand endocrinologue » américain, est le Pr Yen de l’université de San Diego. La puissance statistique de cet essai contrôlé en double aveugle est très modeste : le suivi n’est que de six mois et il ne porte que sur 13 hommes et 17 femmes âgés de 40 à 70 ans. Le Pr Baulieu, en contact régulier avec son homologue américain, considère ces travaux suffisamment encourageants pour décider, dès 1994, de tester la DHEA en France.

14Il faudra attendre 1998 pour que cet essai clinique intitulé DHEAge voit le jour. Le Pr Baulieu, en véritable entrepreneur de la recherche biomédicale, parviendra à convaincre un panel hétéroclite de financeurs [12] et à obtenir le soutien d’institutions prestigieuses : l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui assumera la promotion de l’essai et la Fondation nationale de gérontologie (FNG) qui prendra en charge sa coordination. La direction de cet essai est partagée entre le Pr Baulieu et le Pr Forette, une gérontologue française de premier plan, alors directrice de la FNG. Cet essai contrôlé en double aveugle contre placebo étudie, chez 280 hommes et femmes de plus de 60 ans, l’effet de la prise de 50 mg de DHEA pendant un an. À l’annonce de l’ouverture de l’essai, l’équipe sera submergée par les sollicitations d’un public issu « pour la plupart des affaires, de l’enseignement, de l’administration, des professions libérales », et qui formera ce que la responsable du recrutement qualifie de « cohorte la plus huppée de France » [13].

15Les résultats sont publiés en 2000 (Baulieu et al., 2000) dans une revue américaine généraliste de premier plan. Ils sont globalement décevants : des effets positifs (amélioration de la densité osseuse, de la libido et de la peau) n’ont pu être montrés que pour une sous-population de l’essai, les femmes de plus de 70 ans. Pourtant, tout en faisant allusion à certaines limites des résultats de l’étude DHEAge, la presse, aidée par un Pr Baulieu enthousiaste, déploie majoritairement, dans les jours qui suivent, la rhétorique de la grande découverte médicale. Les journaux télévisés mettent en scène des témoignages extrêmement positifs de participantes à l’essai pour illustrer l’annonce de ces résultats : « Hein, elle est belle ma peau ! Depuis que j’ai commencé le protocole de DHEA, je n’ai plus aucune crise d’asthme, je ne vais plus chez mon médecin. Si je ne regardais pas ma date de naissance, je ferais abstraction de mon âge » [14] ; « (…) depuis que j’en prends, je me sens bien et je me sens tonique et avec l’envie de faire des choses et cela je trouve que c’est extraordinaire, parce qu’il y a quelques années, il fallait vraiment que je me pousse à faire des choses » [15].

16L’évocation régulière d’une « pénurie », combinée à l’annonce publique de personnalités du monde du spectacle et des médias, comme Johnny Hallyday [16] qui, en juin 2000, déclare « en prendre » depuis son « retour de Californie », a pour effet de renforcer la désirabilité de ce traitement. À cette période, la DHEA n’est en effet accessible en France qu’auprès d’un nombre très réduit et confidentiel de pharmaciens qui acceptent de la délivrer sous la forme de préparations magistrales. Elle reste donc réservée à des individus particulièrement bien informés ou capables de se fournir à l’étranger, notamment aux États-Unis où cette hormone est en vente libre comme complément alimentaire (Denham, 2011). Le réseau Internet alors naissant [17] offre une voie d’accès supplémentaire pour les plus technophiles d’entre eux. L’Ordre des médecins[18] et celui des pharmaciens [19] prennent position en avril 2001. Leurs communiqués respectifs, largement repris par les médias, soulignent le manque de données probantes, les risques potentiels d’effets secondaires et déconseillent finalement la consommation de cette hormone. Dès le mois de mai 2001, l’entreprise Cooper, leader dans l’approvisionnement des officines françaises en matière première, annonce qu’elle est en mesure de fournir toutes les pharmacies de France afin que « des millions de gélules » puissent être produites par an [20]. Les médias décrivent une véritable « ruée » [21] : « Depuis le mois de juin, la DHEA pullule en petites pilules sur les comptoirs des pharmacies, un véritable succès pour ce produit miracle » [22]. L’entreprise affirme avoir écoulé en seulement un mois le stock de matière première prévu pour le semestre [23]. La création soudaine de ce marché de la DHEA pousse les autorités sanitaires à réagir. Le 3 juillet 2001, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) [24], sur demande du ministre de la Santé, organise une expertise collective des données disponibles. Le Pr Baulieu est auditionné par ce groupe ad hoc formé de 18 scientifiques, dont une statisticienne. Dans leur rapport, les experts pointent des risques et affirment sans ambiguïté qu’il n’existe « aucune preuve formelle » d’efficacité de la DHEA dans le domaine du vieillissement : « Concernant le critère principal de jugement (échelle de sensation de bien-être), aucun effet positif n’a été mis en évidence ni dans la population globale ni dans aucun des sous-groupes étudiés. Des effets positifs ont été mis en évidence pour des critères secondaires, dans des sous-groupes particuliers, avec des résultats parfois discordants (densité osseuse, peau, libido). On ne peut éliminer que ces effets bénéfiques soient liés au hasard (…) » [25].

17Sur la base de cet avis, le ministre de la Santé affirme quelques jours plus tard sa volonté d’inscrire la DHEA à la pharmacopée française. Cette décision, qui ne sera effective qu’en janvier 2003 fait de la DHEA un « médicament » sans indication. Une décision administrative rarissime qui a pour bénéfice de normaliser les circuits de distribution et de sécuriser ainsi sa dispensation sous la forme de préparations magistrales. Le soir de l’annonce de cette décision, le directeur général de l’Afssaps est interrogé dans le 20 heures de TF1. Il met en garde cette très large audience contre les risques encourus, le journaliste de préciser : « selon les données actuelles, la prise non surveillée de DHEA peut dans certains cas augmenter les risques cardiovasculaires ou même favoriser le développement de certains cancers notamment chez des femmes ménopausées qui suivent un traitement hormonal » [26]. En 2002, la revue Prescrire[27] adopte le ton de la dénonciation dans un long article de synthèse comportant 113 références bibliographiques et qualifie le phénomène DHEA de « nouvelle esbroufe » : « l’engouement actuel pour la DHEA ne repose sur aucune donnée solide. Il ne faut ni prescrire ni conseiller cette mystification multi-médiatisée » (Prescrire Rédaction, 2002).

18À partir de 2003, la DHEA quitte progressivement le devant de la scène médiatique. Mais son commerce est toutefois confirmé en février 2006 [28] lorsque l’Afssaps lance une mise en garde du grand public contre les dangers de l’achat de médicaments sur Internet. Le communiqué s’appuie notamment sur l’exemple de la DHEA pour matérialiser ce risque d’autoconsommation. Un mois plus tard se tient à Paris le 4e Congrès mondial de l’anti-âge, une occasion pour les promoteurs de la DHEA de partager leurs résultats de recherche devant, selon les organisateurs, près de 2 700 médecins : « dermatologues, endocrinologues, médecins généralistes… Ils sont de plus en plus nombreux (…) Même des scientifiques reconnus — comme le professeur Étienne-Émile Baulieu (…) n’hésitent plus à montrer leur intérêt pour cette discipline » [29].

19Une nouvelle étude publiée en 2006 dans le très prestigieux New England Journal of Medicine conclut à l’inefficacité de la DHEA (Nair et al., 2006). La DHEA fera l’objet, dans ce même numéro, d’un éditorial dans lequel l’auteur pointe en conclusion la responsabilité de l’administration américaine qui, en laissant cette hormone circuler sur le marché peu réglementé des compléments alimentaires, offre de fait l’opportunité d’une exploitation commerciale de cette fausse promesse (Stewart, 2006). L’aspect définitif de la réponse apportée par cette revue scientifique est perceptible dans les titres proposés par les quotidiens français : « DHEA : l’hormone de jouvence prend un coup de vieux » [30], « La DHEA n’empêche pas de vieillir » [31]. La carrière anti-âge de la DHEA semble définitivement stoppée. La consommation de DHEA, pendant ces années 2000, est difficile à évaluer. Le Pr Baulieu avancera à de nombreuses reprises des centaines de milliers de consommateurs français (autour de 400 000), évaluation contestée par l’Afssaps qui affirme, en 2002 [32], que ceux-ci ne sont déjà plus que 40 000 avec, toujours selon cette institution, une baisse régulière des prescriptions. Cette tendance sera contredite par une nouvelle estimation réalisée en 2008 [33], toujours par l’Afssaps et l’annonce de près de 130 000 consommateurs, chiffrages officiels qui ne tiennent pas compte des achats effectués sur Internet. L’absence actuelle de suivi du dossier « DHEA » au sein de l’ANSM indique par ailleurs que cette consommation d’hormone, dont on ignore l’importance, s’est en quelque sorte normalisée. De leur côté, des promoteurs de l’usage de DHEA continuent de vanter ses incroyables vertus. On peut ainsi toujours lire, en 2014, sur le site de l’Association française de médecine morpho-esthétique et anti-âge (AFME) : « Elle (la DHEA) stimule nos défenses immunitaires (…), réduit l’apparition des maladies liées à l’âge, dont les cancers et les maladies coronariennes (…), améliore l’état général des patients atteints de Alzheimer, lupus, HIV, fatigue chronique. Elle atténue les symptômes de la ménopause et de la dépression. Elle améliore la mémoire et facilite ainsi l’apprentissage. Enfin, elle augmente l’espérance de vie » [34].

Les économies de la promesse

20L’histoire française de la DHEA est marquée par un fait singulier : en quelques mois, des dizaines de milliers d’individus se sont lancés dans l’expérimentation d’un traitement antivieillissement, aux bénéfices et aux risques incertains, au statut juridique flou, et ce, malgré une opposition quasi unanime des scientifiques. Pour comprendre cette prise de risque délibérée de la part des patients/consommateurs et d’une partie du corps médical, nous analyserons dans un premier temps le discours des promoteurs de la DHEA : celui des Pr Baulieu et Forette. Il ne s’agit pas de réduire cette adhésion populaire à une argumentation réussie, mais d’identifier le cadrage moral dont a bénéficié l’introduction de ce traitement en France. Par ailleurs, cette consommation à risque n’aurait pas eu cette ampleur sans la création parallèle d’un marché de la DHEA. Nous envisagerons dans un deuxième temps les conditions de constitution de ce marché à risque, le rôle d’Internet et les effets de cette sollicitation atypique du système de soin sur la décision politique.

Normaliser et responsabiliser

21Le caractère innovant de la DHEA, qui vise l’optimisation du processus de vieillissement, obligea les promoteurs français à s’engager dans un travail d’euphémisation de cette dimension améliorative [35]. Ainsi, il ne sera pas question « d’améliorer », de créer des « surhommes ou des superwomen » mais de « normaliser certains effets du vieillissement » [36]. La prise de DHEA est régulièrement présentée par le Pr Baulieu comme une pratique équivalente à la thérapeutique substitutive de la ménopause : « cela veut dire qu’on ferait un pas vers une thérapeutique de compensation de l’âge. Regardez chez la femme à la ménopause, on donne des hormones et c’est bienvenu pour éviter par exemple l’ostéoporose » [37]. La diminution avec l’âge du taux de DHEA est conceptualisée sous la forme d’un « déficit », susceptible d’être compensé par un dosage qualifié de « physiologique », au sens où la norme est donnée par un état antérieur, la biologie du corps jeune, et en opposition à une dose « pharmacologique » qui fait référence à l’univers du dopage. Les promoteurs de la DHEA empruntent à leur tour le cheminement conceptuel de leurs prédécesseurs gynécologues qui, dans les années 1930, ont transformé la ménopause en un « deficiency disease » (Bell, 1987), une analogie régulièrement utilisée qui a pour effet de produire de la familiarité, d’inscrire la DHEA dans la longue histoire des traitements hormonaux (Oudshoorn, 1994) et de créer ainsi les conditions de la confiance : « Ce que nous avons fait, et ce que beaucoup de collègues décrivent avec nous, ça n’est ni fantastique ni fantasmatique : (…) c’est notre travail (…) cela existe véritablement et les résultats sont plus intéressant que nous ne l’espérions » [38], une mise en confiance propice à l’expérimentation (Möllering, 2001), qui permet aux consommateurs d’aller « au-delà des faits » (Luhmann, 2006 : 28).

22L’économie morale de la promesse DHEA participe également à la légitimation de nouveaux horizons. La présentation du vieillissement de la société française, comme une « révolution démographique négligée (…) dans l’aveuglement le plus complet de tous les décideurs politiques, industriels, universitaires » (Forette, 1997 : 15) nécessite d’explorer de nouvelles pistes thérapeutiques, d’innover avec des hommes et des femmes ambitieux : « La gériatrie doit devenir une spécialité attractive. Comme les greffes, le sida ou le cancer, la gériatrie a besoin, explique Françoise Forette, de Rambos » [39]. Le rééquilibrage hormonal est présenté comme une réponse émergente et très prometteuse — « Je suis confiante, mélatonine, DHEA, hormone de croissance … L’administration de ce type de substance dont le taux diminue avec l’âge permettra un jour sans doute de lutter contre le vieillissement physiologique » (Forette, 1997 : 25) — et l’essai DHEAge comme un protocole scientifique rigoureux permettant d’obtenir des résultats « indiscutables et clairs » [40]. Dans ce discours du défi sociétal, le vieillissement est exclusivement envisagé comme une lente dérive vers la vulnérabilité, la maladie et la perte d’autonomie : « Le vieillissement (…) transforme un sujet adulte en bonne santé en un individu fragile (…) vulnérable à de nombreuses maladies » [41]. Cette invitation à l’action se mêle au discours classique de la santé publique contemporaine sur la responsabilité individuelle (Lupton, 1995). La lutte contre le vieillissement se transforme en une gestion de son capital santé par la prévention d’un facteur de risque majeur : « La DHEA (…) favorisera un meilleur fonctionnement physiologique (…) Chacun devra alors élever son degré de conscience préventive pour utiliser tous les moyens susceptibles d’éviter les maladies … » (Forette, 1997 : 59), un appel à la responsabilité individuelle véhiculé par les consommateurs les plus en vue médiatiquement : « avec le rallongement de la durée de vie, il est temps de prendre les commandes du poste de pilotage si l’on ne veut pas finir dans un hospice. C’est une responsabilité envers soi, sa famille, mais aussi la société tout entière » [42]. Enfin, ces discours trouvent dans les théories gérontologiques du vieillissement réussi un cadrage normatif porteur : « Un successful ageing doit être un objectif de toute la société, évidemment pour des raisons éthiques, mais aussi pour obtenir de meilleures conditions psychologiques, économiques et sociales » [43]. Les théories du « bien vieillir » posent comme un devoir pour la gérontologie de rompre avec le registre du destin et d’accompagner chacun dans la construction de son propre projet de vieillissement. Cette prise en charge est décrite dans la littérature de référence comme une « optimisation sélective par compensation » (Baltes et Baltes, 1993), une conceptualisation très proche de celle utilisée dans le domaine du rééquilibrage hormonal.

23L’efficacité de cette économie morale est en partie attestée par l’absence de débat éthique durant l’épisode médiatique de la DHEA. La question des fins poursuivies n’est jamais apparue comme un objet controversé. Ce jeu de la familiarité, qui privilégie une vision incrémentale de l’innovation à un discours de la rupture permet de faire évoluer à bas bruit les frontières de la médecine.

Un marché de la prise de risque

24Le phénomène DHEA a reposé sur la constitution d’un marché de la prise de risque. Ce marché supposait des consommateurs prêts à combattre leur vieillissement par une thérapie aux propriétés mal connues, des pharmaciens et des médecins disposés à accompagner leurs patients dans cette expérimentation sauvage et, enfin, des autorités publiques soucieuses de réguler sans pouvoir véritablement interdire. L’intensité de la demande fut un élément clé dans la constitution de ce marché, comme l’atteste une étude [44] menée en 2002 auprès de 400 médecins généralistes (Rojnic et al., 2004) qui montre qu’une très grande majorité de ceux-ci (89 %) déclarent avoir été confrontés au « phénomène DHEA », plus de la moitié (56%) déclarent en avoir prescrit et dans plus de 90 % des cas, cette prescription est le résultat d’une « demande pressante des patients ». Pour légitimer leur positionnement atypique, les professionnels de santé évoquèrent régulièrement les dangers d’une autoconsommation via Internet. Une pharmacienne de l’Essonne déclarait ainsi en 2001 : « De toute façon, les gens vont se la procurer ailleurs, sur l’internet ou à l’étranger » [45]. L’existence d’un marché parallèle de DHEA sur Internet décrit par les médias et les administrations comme un « trafic » —« même si on peut en commander facilement via internet, où le trafic est intense, on n’est pas à l’abri d’un mauvais dosage ou d’une escroquerie » [46] — apparaît comme un élément central dans la constitution de ce marché de la prise de risque. Dès octobre 1996, les autorités françaises s’inquiètent de l’inadaptation de la législation française face à la vente croissante de médicaments et de « substances interdites en France » [47] sur le réseau. La DHEA et la mélatonine sont données en exemple. Le compromis réglementaire qui transforma, en juillet 2001, la DHEA en un médicament sans indication est donc pour une grande part dicté par les contraintes nouvelles que faisait peser le réseau internet sur le marché pharmaceutique hexagonal. Le ministre de la Santé B. Kouchner justifiait sa décision atypique par la nécessité d’une « pédagogie du risque » en rupture avec l’histoire de la régulation de ce marché (Hauray, 2006) : « Je n’allais pas interdire cette substance alors que nous ne disposons pas à l’heure actuelle de preuve formelle des risques qu’elle ferait courir. Nous avons déjà assez d’interdits dans notre société et je préfère développer une pédagogie du risque. Plutôt que d’interdire le rêve, j’ai choisi de le sécuriser » [48]. En faisant le choix de « sécuriser » une pratique à risque, le ministre répond par l’élaboration de ce que Foucault qualifie de dispositif de sécurité. La particularité de cette modalité de gestion du risque tient à ce que le comportement approprié est ici le produit d’un « jeu à l’intérieur de normalités différentielles », une normalisation — par opposition au processus de normation — qui laissait aux acteurs de ce marché à risque le soin de décider de l’avenir commercial et thérapeutique de la molécule. La consommation importante et ancienne de cette hormone aux États-Unis fournissait l’équivalent d’un test d’innocuité à grande échelle. Le Pr Baulieu déclarait dès 1999 : « Des millions d’Américains en prennent et ils ne sont pas morts » [49].

25Revenons pour finir sur l’originalité de cette consommation médicamenteuse. Le comportement de ces milliers d’individus engagés dans cette expérimentation sauvage relève de la prise de risque délibérée. La littérature sociologique qui traite de ce comportement atypique a en commun de souligner sa dimension politique. La prise de risque délibérée (Lupton, 1999) correspondrait à une remise en cause de la normalité, un jeu avec les frontières « edgework ». Ce comportement se distingue des « conduites à risque » dès lors que cette expression de la santé publique renvoie à une incapacité de l’individu à se conformer à une norme (Peretti-Watel, 2003 ; Peretti-Watel et Moatti, 2009). La quête d’authenticité, de réalisation de soi et la volonté d’autonomie apparaissent comme des éléments centraux dans ce jeu du risque (Lyng, 1990). Le comportement de ces milliers de consommateurs français nous semble relever de la même dynamique et atteste a minima de l’intensité de cette volonté de lutter contre le vieillissement. L’existence, à partir des années 2000, de controverses très vives sur les risques liés au traitement hormonal substitutif de la ménopause en France (Löwy et Gaudillière, 2006) — qui connaît son acmé en 2002 avec la publication retentissante de l’étude WHI et l’arrêt de traitement de plus d’un tiers des patientes françaises (Thoër-Fabre et Levy, 2007) — est un élément supplémentaire à prendre en compte pour apprécier le contexte de cette prise de risque. L’étude de Rojnic et al. (2004) montre en effet que les femmes représentaient 80 % des prescriptions : « avec un niveau socioculturel moyen à élevé (…) qui n’acceptaient pas leur vieillissement ». Notons enfin que ces consommateurs profanes et isolés sont très différents des publics habituellement associés à ce type de comportement dans le domaine de la médecine. Leur consumérisme médical à risque ne peut être caractérisé, comme chez les culturistes (Monaghan, 1999), les ravers expérimentant l’usage récréatif de la kétamine (Thoër et Aumond, 2011) ou les « pro-anorexiques » (Fox et al., 2005), par une connaissance experte et communautaire de la pharmacopée et de ses usages détournés (Lévy et al., 2008). Les malades du sida (Barbot, 2002 ; Dalgalarrondo, 2004 ; Epstein, 2001), ou ceux touchés par les maladies rares (Callon et Rabeharisoa, 1998 ; Dalgalarrondo, 2007 ; Huyard, 2009) offrent également un modèle très différent dans la mesure où, dans ces deux cas, la prise de risque est socialisée par des collectifs experts et où elle répond à une urgence vitale. Ce consumérisme médical à risque, situé aux marges du réglementaire et des connaissances scientifiques, représente un terrain de recherche encore peu exploité. La structure atomisée de cette consommation en est sans doute la raison. L’analyse de ces comportements et des promesses qui leur sont liées permet pourtant d’identifier de nouvelles plaintes et de nouvelles attentes sociales vis-à-vis de la médecine.

Conclusion

26La sociologie des promesses médicales, par son attention spécifique à la question des frontières et de leur évolution, permet d’aborder les processus de médicalisation sous un angle renouvelé. Nous avons notamment tenté de montrer le jeu de complémentarité entre les discours hyperboliques, la DHEA comme fontaine de jouvence, capable de générer une demande forte et le travail parallèle de normalisation/familiarisation mené par les promoteurs de ces promesses afin de faciliter l’expérimentation par les patients. La consommation massive de DHEA à cette période, contre l’avis consensuel des expertises officielles (Afssaps) et critiques (revue Prescrire) atteste la puissance de cette configuration où « hypes » et « hopes » fonctionnent en synergie et rendent possible un incrémentalisme technologique (Shim et al., 2006) qui, à bas bruit et à distance des grands débats bioéthiques, fait évoluer concrètement le domaine légitime de la médecine.

27L’analyse de la trajectoire de la DHEA comme traitement anti-âge permet de mesurer l’intensité de la quête de rajeunissement dans la population française et, notamment, chez les femmes. La normalisation réussie de ce traitement préventif à visée améliorative, la décision politique visant à sécuriser ce marché de la prise de risque sont autant d’éléments qui attestent d’une modification profonde de l’appréhension du vieillissement dans nos sociétés [50]. Envisagé comme un processus biologique susceptible d’être optimisé, le vieillissement ne relève plus seulement du registre du destin (Elliott, 2003), de la fatalité familiale ou génétique, mais aussi de celui de l’action préventive. L’étude du cadrage moral de cette commercialisation révèle une individualisation des risques liés au vieillissement (Déchamp-Le Roux, 2012) couplée à une morale de la responsabilité. Le patient/consommateur est renvoyé à son idiosyncrasie, aux questions posées par ce diagnostic de déficit hormonal « inéluctable » et à la gestion rationnelle de son capital santé, une problématisation du vieillissement qui, parce qu’elle est déconnectée de la question structurante des déterminants sociaux des inégalités devant la santé, mérite toute l’attention des sociologues.

28Enfin ce cas, qui se situe sur le plan historique à l’orée de l’ère Internet montre comment ce nouveau média, devenu un élément central de la dimension transnationale de nos sociétés, favorise les échanges entre les différentes cultures thérapeutiques (Daemmrich, 2004). L’existence d’un marché gris de DHEA sur Internet, en plus de révéler le rapport spécifique qu’entretiennent les Américains aux hormones, renvoyait les consommateurs français à la possibilité concrète d’une autoconsommation expérimentale. La promesse pouvait immédiatement être transformée en pratique. Le réseau Internet participe ainsi à révéler la dimension socioculturelle du médicament, à la fois support d’investissements idéels (Desclaux et Lévy, 2003 ; Fassin, 2007) — la consommation de DHEA traduit un rapport spécifique à la nature et à sa perfectibilité —, mais aussi véhicule « discret » de rôles, de rapports de pouvoir et d’inégalités — le rééquilibrage comme pratique distinctive (Bourdieu, 1979). Ce nouveau mode de circulation et d’appropriation des produits pharmaceutiques (Akrich et Méadel, 2002 ; Hardey, 2004 ; Thoër et Lévy, 2012) correspond à une configuration nouvelle de ce marché où l’enjeu n’est plus seulement constitué par le risque médicamenteux, mais aussi par la prise de risque délibérée de consommateurs profanes et de membres du corps médical engagés dans la dynamique d’une promesse médicale.

29Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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Mots-clés éditeurs : promesse, hormone, prise de risque, médicalisation, vieillissement, anti-âge

Mise en ligne 18/06/2015

https://doi.org/10.1684/sss.2015.0201

Notes

  • [*]
    Sébastien Dalgalarrondo, sociologue, Iris-CNRS UFR SMBH, 74, rue Marcel Cachin, 93017 Bobigny Cedex, France ; dalgala@ehess.fr
  • [**]
    Boris Hauray, sociologue, Iris-INSERM, 190-198, avenue de France, 75244 Paris Cedex 13, France ; hauray@ehess.fr
  • [1]
    Les scientifiques à l’origine de ces travaux contribuèrent eux-mêmes à l’utilisation de ce langage hyperbolique. Voir la publication, en septembre 1996, dans une revue américaine de premier plan, d’un article du Pr Baulieu intitulé « DHEA : a fountain of youth ? » (Baulieu, 1996).
  • [2]
    Le Point, 6 juillet 2001.
  • [3]
    Nous tenons à remercier les organisateurs du séminaire « Les nouvelles frontières de la médecine » (Triangle ENS de Lyon), T. Bujon, C. Dourlens, G. Le Naour, ainsi que F. Dedieu et S. Parasie, responsables du séminaire du LISIS de nous avoir donné l’opportunité de présenter et d’améliorer une première version de ce texte. Nous remercions également les deux évaluateurs anonymes pour leurs précieux commentaires.
  • [4]
    Chiffres diffusés par l’American Society of Plastic Surgeons.
  • [5]
    Néologisme apparu au début des années 2000 sur le marché américain.
  • [6]
    GlaxoSmithKline, l’un des leaders de l’industrie pharmaceutique.
  • [7]
    New York Times, 17/09/2014 : « FDA. Panel Backs Limits on Testosterone Drugs ».
  • [8]
    New York Times, 15/04/2007 : « Aging : Disease or Business Opportunity ? ».
  • [9]
    En 2007, la consommation« anti-âge » de DHEA aux États-Unis représente un marché estimé à 50 millions de dollars. New York Times, 17/04/2005 : « How One Pill Escaped the List of Controlled Steroids ».
  • [10]
    JT de 20 h de TF1, 07/01/1995.
  • [11]
    L’une des deux revues historiques de l’Association américaine d’endocrinologie, Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism.
  • [12]
    La région Île-de-France, la Fondation pour la recherche médicale, le secrétariat d’État à la Santé, le ministère de la Recherche, les sociétés AXA, L’OREAL, LVMH, la Fondation Edmond de Rothschild, l’Association APRES et les laboratoires Boehringer-Mannheim.
  • [13]
    Le Monde, 17/03/2001 : « Les accros de la pilule de jouvence ».
  • [14]
    JT de 20 h de TF1, 11/04/2000.
  • [15]
    JT de 20 h de France 3, 11/04/2000.
  • [16]
    Dépêche AFP du 1 juin 2000 reprise par plusieurs journaux. D’autres personnalités évoqueront leur « cure de jouvence », comme le Baron Guy de Rothschild, Claude Sarraute ou encore Françoise Giroux qui déclarera en prendre depuis 1996.
  • [17]
    C’est en février 1999 que le site drugstore.com, filiale d’Amazon.com, est par exemple officiellement lancé.
  • [18]
    Dépêche AFP, 10/04/2001 : Vieillissement : l’Ordre des médecins déconseille de prescrire la DHEA.
  • [19]
    Dans un éditorial de la revue Les Nouvelles Pharmaceutiques publié en avril 2001 (n° 218, 1-2), le président de l’Ordre des pharmaciens appelle sa profession à la prudence. L’éditorial est titré : « Sachez résister ».
  • [20]
    Les Echos, 23/05/2001 : « L’ “hormone de jeunesse” bientôt vendue en masse dans les pharmacies françaises ».
  • [21]
    Libération, 5/05/2001 : « Ruée vers la DHEA » ; Le Point, 20/04/2001 : « La ruée vers la pilule de jeunesse ».
  • [22]
    JT de 20 h de France 2, 10/07/2001.
  • [23]
    Dépêche AFP, 10/07/2001 : « La DHEA classée comme médicament : Cooper inquiet pour ses ventes ».
  • [24]
    Aujourd’hui Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
  • [25]
    Rapport DHEA de l’Afssaps – Groupe ad hoc du 3 juillet 2001, p. 6.
  • [26]
    JT de 20 h de TF1, 10/07/2001.
  • [27]
    Revue critique du secteur du médicament, d’audience principalement nationale, régulièrement citée dans la presse généraliste et constituant un lieu de contre- expertise.
  • [28]
    Libération, lundi 13 février 2006, p. 22.
  • [29]
    Aujourd’hui en France, 26/03/2006 : « Le boom de la médecine anti-âge ».
  • [30]
    Libération, 20/10/2006.
  • [31]
    Le Figaro, 19/10/2006.
  • [32]
    Le Monde, le 16/04/2002 : « La consommation de DHEA diminue en France depuis 6 mois ».
  • [33]
    Ouest-France, 1/10/2010 : « Santé Méfiance avec la DHEA ». Cette estimation est le produit d’une enquête plus vaste de l’Afssaps menée en 2007 sur les dangers des préparations magistrales après la mort d’un client d’une pharmacie à qui son médecin avait prescrit une préparation magistrale à base d’extraits thyroïdiens.
  • [34]
    Tiré du site de l’AFME : http://www.afme.org/anti-age/DHEA_anti-age.htm.
  • [35]
    Le 7 mars 2000, le ministère de la Jeunesse et des Sports classa la DHEA comme substance dopante.
  • [36]
    Déclaration du Pr Baulieu dans Le Figaro, le 11/04/ 2000 : « Vieillissement. La libido des femmes de plus de 70 ans, la peau et la densité osseuse sont améliorées. Les vrais effets de la DHEA révélés. A-t-on trouvé la pilule de jouvence ? ».
  • [37]
    Propos du Pr Baulieu, JT de 20 h de France 2, 07/01/2005.
  • [38]
    JT de 20 h de France 2, 07/01/2005.
  • [39]
    Le Progrès, Lyon, 8/05/1997 : « La longévité bouleverse la société ».
  • [40]
    Pr Baulieu dans Le Point, 14/04/2000 : « Contre le Vieillissement. Tout sur la molécule qui fait des prodiges ».
  • [41]
    Libération, 14/05/2003 : « La révolution du vieillissement. Par Baulieu Etienne-Emile ».
  • [42]
    Propos de Maryse Wolinski, journaliste et écrivain. Aujourd’hui en France, le 26/03/2006 : « Mes artères ont dix ans de moins que moi ».
  • [43]
    Libération, 14/05/ 2003 : « La révolution du vieillissement », E.E. Baulieu.
  • [44]
    Étude intitulée : « Impact du “phénomène DHEA” en médecine générale », menée en juin/juillet 2002, portant sur 400 généralistes des Alpes-Maritimes.
  • [45]
    Libération, 05/05/2001 : « Les marchands de jeunesse. Ni interdite ni autorisée, la DHEA, hormone de jeunesse, est vendue en France depuis un mois. Une demande qui flambe et un trafic qui s’épanouit ».
  • [46]
    JT de 20 h de TF1, 24/02/2001, voix off du reportage.
  • [47]
    Le Monde, 4/10/1996.
  • [48]
    Le Monde, 12/07/ 2001 : « Le gouvernement souhaite contrôler l’usage de la DHEA ».
  • [49]
    Sciences & Avenir, 1999, n° 625 : « Rester jeune jusqu’à 120 ans. DHEA, la molécule de l’espoir ».
  • [50]
    Pour un panorama des enjeux actuels du vieillissement, voir Caradec (2012) et Hummel et al. (2014).
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