Notes
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[1]
« “Un jeune un mentor” : Emmanuel Macron lance un nouveau dispositif pour accompagner la jeunesse en difficulté », France Info TV.com, 1er mars 2021, consulté le 15 mai 2023 [https://tinyurl.com/2wecumcx].
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[2]
Les appels à projet de mars 2021, juillet 2021 et avril 2022 ont permis de soutenir 22, 33 puis 6 associations, respectivement à hauteur de 18,5 millions, 8 millions et 30 millions d’euros.
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[3]
« Faire du mentorat le pilier d’une société de l’engagement », Le Monde.fr, 29 janvier 2020, consulté le 15 mai 2023 [https://tinyurl.com/3bnsrpp9].
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[4]
Ministère du Travail, du plein emploi et de l’insertion, Appel à projet 2021 – Plan de développement du mentorat en France 1e édition (juillet 2021) ; Appel à projet 2021 – Plan de développement du mentorat en France 2e édition (mars 2021) ; Appel à projet 2022 – Plan de développement du mentorat en France 3e édition (avril 2023).
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[5]
Label Grande cause nationale 2023, Gouvernement.fr, consulté le 15 mai 2023 [https://www.gouvernement.fr/communique/label-grande-cause-nationale-2023].
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[6]
« Le mentorat », Jeunes.gouv.fr [https://www.jeunes.gouv.fr/le-mentorat-310, consulté le 15 mai 2023].
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[7]
Le mentorat des jeunes est celui qui a été le plus étudié : ses effets sont attestés par plusieurs méta-analyses (Dubois et al., 2002 ; Eby .et al., 2013 ; Christensen et al., 2020 ; Raposa et al., 2019). Les effets cités pour le mentorat en entreprise et éducatif proviennent des résultats convergents d’études ponctuelles.
-
[8]
Afev et Trajectoires-Reflex, 2019, Enquête : l’accompagnement ; Chemins d'Avenir, 2019, Étude d'impact.
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[9]
Loi 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants : « il est systématiquement proposé à l’enfant pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance de bénéficier d’un mentor » (Art. L.222-2-6-II).
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[10]
Baromètre numérique 2023 du CRÉDOC : 93 % de la population a un ordinateur, une tablette ou un smartphone à domicile en 2022 mais seulement 68 % des non diplômés, 83 % des ruraux, 92 % des femmes.
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[11]
Données INSEE 2019 et 2020. Diplôme considéré pour les 35-54 ans, les mentor·es ayant en moyenne 43 ans.
Introduction
1 En visite en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine, en mars 2021, Emmanuel Macron présente un nouveau dispositif à destination de la jeunesse : le plan 1 jeune 1 mentor. « Je veux que chaque jeune qui en a besoin puisse avoir un mentor. (…) L'objectif est d'avoir 100 000 jeunes qui pourront bénéficier du dispositif et nous doublerons ce chiffre l'année d'après. J'espère même qu'on pourra aller plus loin, plus vite et plus fort », déclare à cette occasion le président de la République [1]. Cette annonce donne le coup d’envoi d’une politique publique d’ampleur de soutien et de structuration du mentorat français, portée conjointement par le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse et le ministère du Travail, de l’emploi et de l’insertion. Trois appels à projets successifs investissent plus de 56 millions d’euros pour soutenir les programmes de mentorat de 60 associations et fondations et le gouvernement mandate le Collectif Mentorat pour fédérer les structures et animer la plateforme 1 jeune 1 mentor.fr, via laquelle jeunes, mentor·es et associations peuvent entrer en relation [2].
2 Depuis les années 1980, le mentorat est pleinement intégré aux politiques de jeunesse au Québec et aux États-Unis, où il a été conçu comme une voie nouvelle pour l’intervention publique, une réponse individuelle et sur mesure aux difficultés persistantes qui fracturent la jeunesse (Fernandes-Alcantara, 2019 ; Walker, 2005). En France, le mentorat est longtemps resté dans l’ombre du « coaching » (Persson et Ivanaj, 2009) et sa mise à l’agenda résulte d’un effort de plaidoyer du monde associatif réuni en coalition de cause (Sabatier, 2010) : c’est suite à la publication, par les huit associations fondatrices du Collectif Mentorat, d’une tribune « Faire du mentorat le pilier d’une société de l’engagement » dans le quotidien Le Monde en janvier 2020 [3], qu’est née l’initiative interministérielle 1 jeune 1 mentor.
3 Dans le premier appel à projet 1 jeune 1 mentor de mars 2021, les ministères identifient dans le mentorat un outil de « lutte contre l’inégalité des chances », et la politique publique encourage les structures candidates à prioriser les « jeunes fragilisés par leur situation personnelle, sociale et géographique ». Cinq « potentiels facteurs de fragilité » sont initialement cités : l’origine géographique (jeunes issus des zones de revitalisation rurales et des quartiers prioritaires de la politique de la ville), la situation économique (jeunes boursiers ou équivalent), l’origine sociale (milieux modestes), les difficultés scolaires et le handicap. Le second appel à projet de juillet 2021 ajoute deux facteurs – le genre (public des jeunes femmes) et les « situations spécifiques » (aide sociale à l’enfance et protection judiciaire de la jeunesse). Enfin, le troisième appel d’avril 2022 complète la liste en mentionnant les jeunes d’Outre-mer et sportifs ou sportives de haut niveau [4]. Alors que le gouvernement vient de déclarer « le mentorat au service de l'émancipation professionnelle de tous les jeunes de France » Grande cause nationale 2023 [5], que sait-on des premiers effets de ce déploiement rapide des programmes de mentorat ? Comment les structures ont-elles déployé leurs dispositifs sur le territoire ? Comment jeunes et mentor·es ont-ils été recrutés ? L’investissement public est-il bien parvenu à atteindre sa cible : les jeunes les plus « fragilisés » ou les plus en difficultés ?
4 Après avoir dressé l’état des savoirs sur le mentorat et son évaluation à partir de la littérature scientifique internationale et des évaluations d’impact internes des structures, cet article présente les résultats d’une enquête de terrain qualitative et quantitative auprès de 65 associations (voir l’encadré « Terrain et méthodologie » ci-dessous). Nous montrons que le mentorat est un instrument équivoque pour la lutte contre les inégalités sociales en analysant son déploiement à plusieurs niveaux : d’abord du point de vue des structures et des mentor·es, ensuite du point de vue des jeunes, et enfin en tant que politique éducative nationale.
Définir et évaluer le mentorat : l’état des savoirs
5 Depuis leurs débuts dans les années 1980 dans les pays anglo-saxons et les années 2000 en France, les tentatives d’évaluation des programmes de mentorat se confrontent à trois obstacles principaux : d’abord l’absence d’une définition commune du mentorat ; ensuite la multiplicité des modalités de mise en œuvre (les publics, la durée, la fréquence et même les objectifs des programmes varient) ; enfin le fait que le études sur le mentorat parviennent rarement à l’isoler pour l’examiner seul, d’autres variables entrant toujours en jeu (Rhodes et DuBois, 2006). Ces difficultés expliquent l’existence d’un « paradoxe du mentorat » (Ziegler et al., 2021) : en dépit d’un engouement croissant, les effets démontrés restent faibles.
« Mentorat » : un terme unique pour des actions multiples
6 La littérature scientifique recense plus de quarante définitions du « mentorat » (Bach Ouerdian et al., 2018) et le sens du terme ne cesse de s’élargir pour intégrer de multiples modes d’accompagnement. Dans le contexte français, le dispositif 1 jeune 1 mentor a retenu une définition suffisamment souple pour pouvoir fédérer des associations très hétérogènes qui utilisent en interne les termes « coaching », « parrainage », « tutorat »… : « Le mentorat désigne une relation interpersonnelle d’accompagnement, de soutien, une relation bénévole, en profondeur, sur le moyen-long terme et basée sur l’apprentissage mutuel [6] ». Cette définition est en réalité restreinte au mentorat formel, c’est-à-dire à une intervention structurée dans laquelle une organisation détermine des modalités d’intervention (appariement, fréquence et durée de leur relation, activités collectives…) que les mentor·es s’engagent à respecter (Bernatchez et al., 2010). Cela s’oppose au mentorat informel, qui n’est pas structuré et ne fait pas l’objet d’un programme : mentor·es et mentoré∙es nouent alors une relation spontanée.
7 Le mentorat formel existe sous différentes formes. Dans les années 1970, les sciences de gestion et du management ont été les premières à étudier le mentorat en entreprise (mentorat professionnel), qui s’apparente à un accompagnement bénévole entre des salarié·es de la même organisation (entreprise, fonction publique…) et représente un moyen d’intégration et de formation des employé·es (Delobbe et Vandenberghe, 2001). Le mentorat d’entreprise vise à améliorer la formation interne, l’accomplissement des tâches professionnelles des jeunes recrues, le développement de carrière et le bien-être au travail. Le sujet est ensuite traité par la psychologie, qui interroge surtout le rôle du mentorat des jeunes dans leur développement : le mentorat des jeunes peut être déployé dans divers contextes (milieu scolaire, professionnel, communautaire…), s’adresse aux jeunes défavorisés (par leur classe sociale, leur lieu de vie, leur appartenance ethno-raciale, leur genre…) et est le plus souvent assuré par des personnes actives. Cette forme de mentorat est censée favoriser l’insertion professionnelle des jeunes et leur développement psycho-social, ou encore accroître leur estime de soi et leur ouverture socio-culturelle. Enfin, les sciences de l’éducation étudient l’impact du mentorat éducatif scolaire et universitaire sur la réussite des élèves et étudiant·es (Jacobi, 1991) : ce type de mentorat destiné aux élèves ou étudiant·es est mené par des enseignant·es, des étudiant·es plus avancés ou des alumni. Il peut prendre la forme d’un soutien scolaire ou être intégré à des formations, et cherche à aider aux choix d’orientation et à la lutter contre le décrochage. Les définitions retenues sont focalisées sur l’expérience relative des mentors et des mentoré∙es : « Le mentorat consiste en une relation dans laquelle une personne ayant de l’expérience ou des connaissances dans un domaine (le mentor) offre différentes formes de soutien à une autre personne plus jeune ou ayant moins d’expérience (le mentoré) » (Beaulieu et al., 2017).
8 Si ces définitions précises délimitent différents types de mentorat, ces derniers ne sont pas nécessairement distincts dans la pratique. Dans le contexte français actuel en particulier, l’étiquette « mentorat » rassemble des programmes de mentorat formel professionnel, des jeunes et éducatif (voir infra « Le mentorat, une réponse unique à des problématiques multiples »).
Les effets du mentorat : des évaluations paradoxales
9 Les effets pour les mentoré·es sont bien identifiés par les études expérimentales menées par la recherche psychologique anglo-saxonne (Eby et al., 2013), et ce pour tous les types de mentorat (professionnel, éducatif…). Dans le cadre professionnel, les jeunes employé·es mentorés par des membres de leur entreprise travaillent mieux et se disent plus satisfaits : leur connaissance de l’entreprise, leur intégration en son sein, leurs rémunérations et leurs progressions de carrière sont meilleures (Delobbe et Vandenberghe, 2001 ; Ivanaj et Persson, 2012). Le mentorat éducatif est quant à lui associé au développement des compétences sociales, de la confiance en soi et de la motivation, mais aussi à l’amélioration des performances scolaires et à une diminution du décrochage, surtout dans les premières années d’enseignement supérieur (Beaulieu et al., 2017) [7].
10 Pour le mentorat des jeunes en particulier, la littérature psychologique comme les évaluations d’impact social menées en interne par les structures de mentorat établissent des effets positifs concernant les parcours scolaires, l’orientation et l’insertion professionnelle, mais aussi pour le développement psycho-social. Les jeunes mentoré·es améliorent leurs résultats, affichent plus de motivation en classe et respectent davantage les règles scolaires (moins de retards, d’absences, etc.) (Falk et al., 2020). Durant les études secondaires, le mentorat augmente les chances des jeunes de milieux défavorisés de poursuivre leurs études dans le supérieur (Kanchewa et al., 2017), tout en réduisant les risques d’abandon à l’université. Les programmes de mentorat facilitent également l’accès à l’information en matière d’orientation, et offrent un meilleur accès aux débouchés visés (stages, formations, alternance…). Le mentorat actuellement mis en œuvre en France n’a pas fait l’objet d’études scientifiques, mais plusieurs évaluations internes des associations montrent que les jeunes mentoré·es perçoivent des effets des programmes sur la confiance en soi, la connaissance des filières scolaires et professionnelles ou encore l’acquisition de compétences relationnelles et communicationnelles [8].
11 Cependant, si les évaluations d’impact social produites par les structures attestent l’efficacité du mentorat, elles se confrontent à un paradoxe : les méta-analyses des recherches expérimentales avec groupe contrôle ne montrent que des effets très limités. La littérature académique établit de façon récurrente que le mentorat formel des jeunes a un effet faible « supposé plutôt que démontré » (Jacobi, 1991 ; Bernatchez et al., 2010 ; Raposa et al., 2019), ce qui entre en contradiction avec le soutien généralisé et rarement questionné que rencontrent les initiatives de mentorat (DuBois et al., 2002). De plus, le mentorat a beau être de plus en plus connu et évalué, il ne gagne pas en efficacité depuis les années 1980. Le mentorat formel n’est pas toujours plus efficace que d’autres politiques publiques de jeunesse (suivis psychologiques ou éducatifs, programmes de prévention en santé mentale pour la jeunesse…) ou que le mentorat informel (Rhodes et DuBois, 2006).
Une étude sur le champ français en pleine structuration
12 Au regard de la littérature internationale, la littérature en langue française sur le mentorat est très restreinte. La sociologie est aussi très peu représentée. Les évaluations des programmes abordent rarement le mentorat en tant que fait social : ses effets des programmes sont évalués à l’échelle individuelle seulement, et les études s’intéressent peu au poids des caractéristiques sociodémographiques des participant·es, comme ont pu le faire des travaux sur le tutorat ou le coaching (Allouch et van Zanten, 2008 ; Pavie, 2022). L’étude sur le mentorat en France sur laquelle repose cette contribution s’inscrit dans cette démarche en adoptant un double parti pris. D’une part, elle se donne pour objet le champ français du mentorat plutôt que des structures individuelles. L’enjeu n’est donc pas d’évaluer les effets d’un programme spécifique, mais de comprendre l’impact de la politique publique de développement et de structuration du mentorat. D’autre part, nous mobilisons une approche sociologique qui analyse le mentorat comme fait social et vise à différencier ses effets selon les caractéristiques sociodémographiques et les parcours des jeunes.~
Méthodes
Les données de terrain recueillies
Volet qualitatif :
L’enquête qualitative a été menée dans 10 associations retenues pour la diversité de leur implantation (nationale ou régionale), du volume de binômes impliqués dans les programmes (entre 20 et 4 000) et de leur public et champ d’intervention (scolarité, orientation, entrepreneuriat, jeunes réfugiés, aide sociale à l’enfance, jeunes en situation de handicap…). Nous avons mené 73 entretiens semi-directifs avec 21 responsables de structures (équipes de direction, chargées de mentorat), 18 partenaires des structures (publics, privés ou associatifs), 20 mentor·es et 18 jeunes mentoré·es appartenant à des mêmes binômes. Ces entretiens ont duré en moyenne une heure et ont eu lieu en majorité en face à face pour les jeunes et en majorité en visioconférence pour les mentors et les partenaires. Les noms et statuts et tous les participants sont anonymisés.
Les entretiens avec les mentor·es et les jeunes portaient sur leur profils (famille, études parcours…), leur entrée dans le mentorat (découverte de la structure, motivation, premiers contacts…), la structuration de la relation (appariement, fréquence et nature des échanges, éventuelles difficultés rencontrées) et les effets et apports perçus pour les deux membres du binôme. Les entretiens avec les responsables de structures et les partenaires abordaient l’organisation de l’activité de la structure (histoire, personnel, financement…), leur rôle dans la relation des binômes (recrutement, formation, suivi…), leur rapport à la politique publique de Mentorat et leur perception des enjeux actuels du champ.
L’échantillon des mentor·es comprend 10 femmes et 10 hommes âgés de 21 à 73 ans, pour les 3/4 actifs. Presque tous sont très diplômés (bac + 5 ou doctorat) et issus des classes favorisées (12), et plus rarement des classes populaires (4) ou moyennes (4). Parmi les 18 mentoré·es rencontrés (9 filles et 9 garçons), 11 sont des adolescent·es (15-19 ans) et 7 des jeunes adultes actifs (20-30 ans). Ils sont surtout issus des classes populaires (9), mais aussi des classes favorisées (6) et moyennes (3). Mentor·es et mentoré·es habitent dans 10 départements différents. La majorité des mentor·es (13/20) vivent en milieu urbain (4 vivent en milieu rural et 3 en milieu périurbain) ; les jeunes vivent pour 1/3 en milieu urbain et 1/4 en milieu rural. L’enquête quantitative menée ensuite a permis de confirmer la représentativité de l’échantillon des mentor·es, mais il n’existe aucune donnée de référence pour la population des jeunes (voir infra).
Volet quantitatif
Les données quantitatives viennent de deux questionnaires en ligne diffusés au printemps 2023, l’un adressé aux mentor·es et l’autre aux structures. Le premier questionnaire a été diffusé par des associations membres du Collectif Mentorat à l’ensemble de leur mentor·es (3 relances). Composé de questions fermées, il a été renseigné par 3 748 mentor·es issus de 45 associations (durée de passation moyenne : 15 mn). Il explore leur profil (sexe, âge, statut, diplôme, catégorie socio-professionnelle, lieu de vie…), leur implication (nombre d’associations fréquentées et de jeunes suivis ; modalités de recrutement…) leurs pratiques (fréquence et nature des contacts avec les jeunes et avec les membres de la structure), les effets qu’ils pensent avoir sur leurs mentoré·es et ceux qu’ils perçoivent sur eux-mêmes. Cet effectif de répondant·es correspondant à un taux de réponse d’environ 5 % pour l’ensemble des mentor·es du Collectif Mentorat (80 000 d’après les rapports d’activités des structures) et d’environ 10 % pour les 45 associations ayant diffusé le questionnaire. Le second questionnaire a été envoyé à 70 structures et renseigné par 58 salarié·es ou bénévoles au nom de leur association (3 relances ; 83 % de réponses). Il porte sur le fonctionnement et la structuration des programmes de mentorat : publics cible, modalités de recrutement des mentor·es et des jeunes, méthodes de suivi… Les données ont été analysées par tris à plats et tris croisés avec le logiciel R.
Autres sources mobilisées
Nous avons également réalisé une revue de la littérature scientifique et de la littérature grise, une analyse des rapports d’activité 2022 des 65 associations et fondations membres du Collectif Mentorat.
Les ambitions du mentorat : effets escomptés et perçus des dispositifs d’après les structures et les mentor·es
13 La politique publique de mentorat française impulsée en 2020 s’incarne aujourd’hui dans la soixantaine d’associations et fondations lauréates du plan 1 jeune 1 mentor, dont les deux tiers sont aussi membres du Collectif Mentorat. En contrepartie des financements publics, ces structures se sont engagées à multiplier par six le nombre de jeunes mentoré·es, qui devait passer de 30 000 en 2020 à 100 000 en 2021 et 200 000 en 2022.
Le mentorat, une réponse unique pour des problématiques multiples
14 Ces associations et fondations sont très hétérogènes. Certaines structures suivent chaque année des milliers de binômes à l’échelle nationale, alors que d’autres en suivent une vingtaine à l’échelle locale. L’analyse des rapports d’activités et les entretiens avec 21 responsables ont permis de dresser une typologie des structures en fonction de leur champ d’intervention et de leur spécialisation par types de publics. Suite à l’enquête quantitative auprès des structures, cinq champs d’intervention principaux se dégagent et dessinent autant d’objectifs du mentorat : l’insertion professionnelle (objectif d’accès des jeunes à l’emploi, cité comme prioritaire par 33 % des associations), l’orientation (transmission d’information sur les filières et métiers ; 24 %), la scolarité (amélioration des résultats scolaires ; 24 %), l’insertion sociale (accompagnement global sur plusieurs des aspects précédemment cités ; 12 %) et l’entrepreneuriat (création et développement d’entreprises ; 7 %). À cela s’ajoutent les associations focalisées sur l’ouverture sociale des élites, dont l’objectif est de favoriser l’accès à des filières, institutions ou carrières prestigieuses pour des jeunes dont les profils y sont statistiquement minoritaires.
15 Du point de vue des publics, on distingue les associations généralistes qui s’adressent à l’ensemble des jeunes des associations spécialisées qui accompagnent exclusivement des mentoré·es en situation de handicap, migrant·es, réfugié·es, ou encore de l’aide sociale à l’enfance (ASE). L’étude quantitative auprès des structures a établi qu’un peu plus de la moitié de l’offre de mentorat s’adresse spécifiquement à des jeunes défavorisés socialement. 59 % des associations déclarent que leur programme est conçu spécifiquement pour les jeunes des QPV, et 53 % pour les jeunes issus des classes populaires. 35 % ont pour public cible les jeunes en difficulté scolaire. Un peu plus d’un quart des associations proposent du mentorat spécifique pour les jeunes boursiers (28 %), de l’ASE (26 %), en situation de handicap (26 %), migrant·es (26 %) ou ruraux (26 %). À ce jour, il n’existe pas de données quantitatives accessibles sur la composition sociale de l’ensemble des mentoré·es accompagné par les structures, si bien qu’il est impossible de savoir quelle proportion d’entre eux correspond au public cible de la politique publique initiale. Notre étude quantitative auprès des structures et qualitative auprès des jeunes suggère cependant qu’une part non négligeable des mentoré·es ne sont pas des jeunes défavorisés.
16 Les modalités des programmes de mentorat sont elles aussi variables, mais elles convergent vers un modèle unique : la plupart du temps, le mentorat prend la forme d’une relation de 6 mois au cours de laquelle les binômes mentor·es/mentoré·es se rencontrent une à deux heures par mois en personne ou à distance. En dépit de leur diversité d’objectifs, de publics et de pratiques, les structures partagent donc une vision commune du mentorat, dont elles attendent des effets similaires. Selon son champ d’intervention, chaque association fixe des objectifs qui répondent à des besoins précis (améliorer ses résultats scolaires, trouver un stage, accéder au monde de l’emploi, lancer son entreprise…), mais toutes attendent aussi du mentorat des effets d’ordre relationnel et psychologique, en premier lieu l’amélioration de l’estime de soi. « La confiance en soi c’est le premier impact, qui est un préalable au reste », explique ainsi une responsable d’une association de mentorat scolaire. L’élaboration en cours de référentiels communs d’évaluation des effets et des compétences des mentor·es ou encore d’un label qualité des programmes vont aussi dans le sens d’une standardisation. Le mentorat, et plus spécifiquement ses effets attendus d’augmentation de la confiance en soi, apparaît ainsi comme une réponse unique à l’ensemble des difficultés qui touchent la jeunesse.
Côté mentor·es, des perceptions et des pratiques qui varient selon le profil des jeunes
17 Dans leurs réponses au questionnaire, les mentor·es semblent partager les attentes des structures quant à l’impact du mentorat. Les effets du mentorat qui leur paraissent les plus visibles chez les jeunes sont le gain d’estime de soi (perçu par 71 % des mentor·es), l’amélioration des compétences relationnelles (66 %), celles de la connaissance du monde du travail (59 %) et de l’accès à l’information sur l’orientation (57 %) et l’augmentation des chances d’accès aux débouchés professionnels souhaités (59 %). Les effets les moins identifiés sont ceux liés à la découverte de nouvelles activités culturelles (perçus par 23 % des mentor·es) et la progression des résultats scolaires (30 %). Cependant, les entretiens individuels réalisés avec les mentor·es montrent que leurs perceptions des jeunes et de leurs besoins varient en fonction de l’origine sociale de ces derniers.
Dans les milieux favorisés, du mentorat spécifique au service des ambitions
18 Les besoins identifiés chez leurs mentoré·es issus des classes moyennes et supérieures sont généralement spécifiques et correspondent à ceux qui sont exprimés par les jeunes (cf. infra « Des besoins exprimés différemment »). La proximité sociale entre les mentor·es et les mentoré·es facilite alors chez les premiers la reconnaissance de la légitimité des besoins exprimés (76 % des mentor·es en activité ou retraite sont cadres ou exercent une profession libérale et plus de 30 % viennent des classes favorisées). Dans ce cadre, les besoins perçus par les mentor·es s’incarnent en une déclinaison de mesures concrètes permettant d’atteindre un objectif prédéfini : besoin d’apprendre à réaliser un CV adapté à un secteur spécifique, de maîtriser une présentation orale pour candidater dans une grande école, de choisir entre plusieurs établissements prestigieux… C’est ce qu’explique Thierry (universitaire à la retraite), mentor d’Elias (mère employée, père technicien) dans une association d’orientation :
« Son besoin, c’était de mieux comprendre les chemins à partir de son bac, quelles formations sont a priori les plus adaptées pour qu’il puisse suivre ses souhaits, son dessein ; et après on est venus aussi sur la nécessité de pas fermer des portes et d’avoir une vision plus large que celle qu’il peut avoir au début. »
20 Si par la suite les mentor·es peuvent identifier le besoin d’un travail sur le savoir-être des mentoré·es, par exemple pour leur permettre de renforcer leur confiance en eux, il est davantage perçu comme un moyen au service de la mise en place du projet que comme une finalité en soi. Il s’agit ainsi de prendre confiance en soi pour ne plus douter de sa légitimité à rejoindre une grande école, de travailler son aisance à l’oral dans l’optique de démarcher de potentiels prospects… La proximité sociale et la communauté de normes entre mentor·es et mentoré·es contribuent à ce que les besoins en termes de savoir-être soient identifiés comme moins prioritaires. Ici, le mentorat est avant tout conçu comme une ressource complémentaire qui permet d’atteindre un objectif précis ; les apports en termes de savoir-être (confiance en soi, maîtrise des codes) sont des outils au service d’un projet et non une finalité.
Dans les milieux populaires, du mentorat généraliste pour transformer les jeunes
21 A contrario, les mentor·es perçoivent le besoin d’un accompagnement plus généraliste chez les jeunes issus des classes populaires. Ces derniers entretiennent un rapport plus distant à l’institution scolaire ou au monde de l’emploi, qu’elles et ils soient en risque de décrochage scolaire ou bien dans des situations sociales ou financières précaires (jeunes des quartiers politiques de la ville, de l’ASE, réfugié·es). Les mentor·es perçoivent alors rapidement chez leurs mentoré·es la nécessité d’acquérir un savoir-être ou un savoir-faire préalable à une insertion sociale ou professionnelle réussie – nécessité qui n’est pas sans lien avec l’écart social conséquent entre des mentor·es majoritairement issus des classes moyennes et supérieures (elles et ils représentent 4/5e de l’échantillon du volet qualitatif) et leurs mentoré·es issus des classes populaires. Didier (directeur marketing à la retraite), évoque ainsi son accompagnement des jeunes en lycée professionnel :
« Harouna, mon premier mentoré, est arrivé en seconde du Sénégal où il avait fait sa scolarité. (…) Il fallait qu’il trouve un stage en janvier, il n’a pas les codes pour se présenter en entreprise, il n’a pas les codes, je dirais. Et notre rôle c’est de les aider, dans le CV, dans la lettre de motivation, mais c’est aussi leur montrer un certain nombre de choses ».
23 Cette conception du mentorat repose sur l’idée que les jeunes ont besoin de s’adapter. Aux yeux des mentor·es, la situation des jeunes des classes populaires est donc renversée par rapport à celle des jeunes des classes favorisées : le mentorat ne vient pas répondre à un besoin précis formulé par les mentoré·es, mais vise au contraire une transformation globale des façons d’être, d’agir et de penser. Les projets et les objectifs spécifiques y sont au service de l’acquisition de savoir-être.
Cette approche apparaît notamment chez le responsable d’une association de mentorat scolaire : « On va prendre le jeune à 360. L’idée, ce n’est pas de fournir seulement une aide aux devoirs. On va pouvoir accompagner les jeunes sur plein de champs différents », explique-t-il. La littérature scientifique montre pourtant que le mentorat est d’autant plus efficace qu’il est spécifique : plus l’intervention est individualisée et focalisée sur un petit nombre de besoins et d’attentes identifiées par les jeunes, meilleurs sont les résultats (Bernatchez et al., 2010). À l’inverse, l’accompagnement est deux fois moins efficace lorsque les mentors adoptent une approche non ciblée et encouragent une relation amicale et des objectifs transversaux (Christensen et al., 2020 ; Silke et al., 2019).
24 Cette tension entre conception standardisée et pratiques hétérogènes du mentorat est déterminante pour l’expérience des mentoré·es. Dans la mesure où la plupart des jeunes – tous milieux sociaux confondus – n’expriment pas spontanément de demande de mentorat, leurs appropriations sont fortement structurées par l’offre des structures et les perceptions et pratiques des mentor·es.
Pour les jeunes mentoré·es, des parcours et des effets socialement différenciés
25 Les trajectoires juvéniles d’entrée dans le mentorat, les besoins formulés à son égard et la perception de ses bénéfices sont socialement situés. Les jeunes des classes moyennes et supérieures formulent des attentes plus spécifiques que celles des classes populaires, si bien que le mentorat prend plus fréquemment la forme d’une aide ponctuelle et ciblée chez les premiers, mais d’un accompagnement global chez les seconds, visant leur « transformation » par l’acquisition de savoir-être et de savoir-faire socialement distinctifs.
Devenir mentoré·e : des trajectoires juvéniles divergentes
26 Tous les jeunes n’entrent pas dans le mentorat de la même façon : leurs trajectoires varient selon leur situation et difficultés initiales, leur milieu social d’origine et le champ d’intervention des structures. Un premier type de trajectoires d’entrée dans le mentorat concerne les jeunes qui ne rencontrent pas de difficultés particulières mais ressentent le besoin d’un accompagnement ponctuel. C’est d’abord le cas des jeunes mentoré·es d’associations pour l’orientation ou l’accès aux grandes écoles. Issus des classes moyennes ou favorisées, elles et ils avaient des projets de poursuite d’études très précis avant de se voir présenter l’offre de mentorat ; suite à cette présentation, tous ont identifié le mentorat comme une ressource complémentaire à celles dont ils disposaient déjà. Leur intérêt pour l’accompagnement proposé est doublement motivé, d’abord par le fait d’avoir « un second avis » sur leurs projets d’orientation de la part d’une personne très spécialisée, et ensuite par le souhait de bénéficier de toutes les « opportunités » possibles (week-ends entre mentoré·es, visites culturelles, etc.). C’est donc de leur propre initiative que ces jeunes s’inscrivent dans les programmes de mentorat – avec le soutien de leurs parents et par l’intermédiaire des enseignant·es qui réceptionnent leur inscription.
27 L’entrée dans le mentorat se passe bien différemment pour les jeunes qui rencontrent des difficultés sur le plan scolaire, de l’insertion professionnelle ou familial. Pour les quatre jeunes accompagnés scolairement de notre échantillon, qui ont en commun de venir de familles populaires et issues de l’immigration, le mentorat a été imposé et non choisi. Les élèves les plus jeunes ont été inscrits par leur mère, mais ce sont des professeures qui ont inscrit Harouna et Kubra (respectivement 17 et 18 ans) au mentorat. Harouna (mère ATSEM, père électricien) explique : « Au début, j’étais pas trop emballé. Je savais pas c’était quoi le mentorat. Après, je me suis renseigné, j’en ai parlé à ma mère, et comme j’avais des difficultés j’ai accepté. Ça m’a beaucoup aidé ». Tous ces jeunes évoquent leurs « difficultés » pour justifier leur participation à ces programmes imposés. S’ils sont aujourd’hui satisfaits de leur implication, leur adhésion aux dispositifs est incomplète : plusieurs d’entre eux disent ne pas savoir ce que signifie le terme « mentorat ».
28 Pour les jeunes qui sont accompagnés pour des difficultés d’insertion professionnelle liées à leur handicap ou à leur statut de réfugiés, le mentorat n’a pas été imposé mais prescrit par des associations spécialisées qu’elles et ils fréquentent déjà (Agefiph, France Terre d’Asile…). Il s’inscrit dans le cadre d’un suivi plus global et est présenté comme la réponse au problème précis que pose la recherche d’emploi ou de formation. Le mentorat est également prescrit pour les jeunes qui rencontrent des difficultés familiales et qui sont suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Ce sont alors les éducatrices qui estiment les besoins, le plus souvent en termes d’isolement affectif, et formulent les demandes auprès des associations. Ces différentes trajectoires montrent l’existence d’une inégalité de capacité d’agir – ou agency (Garnier, 2015) – des jeunes face au mentorat. Dans les milieux favorisés, il résulte plus souvent d’un choix actif que dans les milieux populaires, où il est plus couramment prescrit ou imposé.
Des besoins exprimés différemment
29 Les attentes que les jeunes expriment vis-à-vis du mentorat varient également en fonction de leur origine sociale et de leurs parcours : elles sont plus spécifiques pour les jeunes des classes favorisées et plus généralistes dans les classes populaires, et font en cela écho aux perceptions des mentor·es.
30 Ce sont particulièrement les jeunes issus des classes moyennes et favorisées qui formulent des attentes d’accompagnement sur un projet précis (intégrer une filière ou une institution donnée, atteindre un objectif chiffré avec son entreprise, réaliser une performance sportive, etc.), mais aussi, dans le cas de projets à l’accomplissement incertain, sur l’identification de « plans B » (par exemple en cas d’échec à l’intégration d’une école). Pour ces jeunes, généralement bien dotés en capitaux social et culturel (parents issus des classes favorisées, relation de proximité aux enseignant·es, etc.), le rôle des mentor·es est conçu comme complémentaire à celui d’autres figures de référence que sont notamment les parents et les enseignant·es. Les mentor·es sont alors mobilisés spécifiquement comme expert·es d’un sujet donné (en orientation, en conseils financiers…) non maîtrisé par les autres adultes de l’entourage.
31 Chez les jeunes mentoré·es des classes populaires, moins dotés en capitaux économiques, sociaux et culturels que leurs camarades des milieux favorisés, le mentorat est plus fréquemment saisi comme une opportunité, sans réellement être motivé par la mise en œuvre d’un projet spécifique. Les jeunes en difficulté expriment particulièrement le souhait d’être accompagnés de manière individualisée et globale par un adulte de référence, surtout lorsque leurs relations familiales font défaut (jeunes réfugiés et de l’ASE). Elles et ils n’ont pas nécessairement d’attentes prédéfinies vis-à-vis du mentorat, ou celles-ci restent vagues (« Je me suis aussi dit que ça pourrait m’aider pour mon avenir, pour mon orientation », explique ainsi Harouna, jeune migrant en première professionnelle), mais perçoivent qu’une aide quelconque est bienvenue pour pallier certaines difficultés globales. Ces jeunes remettent alors leur confiance aux mentor·es, érigés en personnes expérimentées susceptibles d’identifier des besoins et modalités d’accompagnement spécifiques.
32 Néanmoins, même les jeunes qui n’ont pas d’attentes spécifiques vis-à-vis du mentorat sont motivés par la perspective d’un suivi concret qui repose sur des objectifs précis (« trouver un stage », « améliorer ses résultats scolaires ») plutôt que sur une approche généraliste (« améliorer sa confiance en soi », « acquérir des codes »). De fait, si les objectifs de gain d’estime de soi et d’acquisition de savoir-être peuvent être a posteriori exprimés comme des résultats de la relation mentorale, il ne s’agit que très rarement d’attendus de la part des jeunes – ce qui témoigne d’ailleurs d’un certain hiatus entre la manière dont ils conçoivent les objectifs de leur accompagnement et celle dont les mentor·es et les structures la décrivent.
Une perception inégale des effets
33 Les entretiens menés avec les jeunes confirment que tous perçoivent certains des effets du mentorat visés par les structures et les mentor·es, surtout l’augmentation de l’estime de soi et des gains en termes de capitaux culturels et sociaux. Néanmoins, la perception de ces effets est elle aussi différenciée selon leur origine sociale et leur parcours.
Des apports pour la confiance en soi
34 Le principal effet du mentorat que perçoivent les jeunes est celui d’une augmentation de leur confiance en eux. Le simple fait d’être accompagné par un ou une mentore qui s’engage bénévolement, les écoute et les soutient, constitue aux yeux des mentoré·es une forme de reconnaissance de leur valeur et rejaillit positivement sur l’estime qu’ils et elles ont d’eux-mêmes : « Quand quelqu’un a le nez dans mes affaires à ce point, qu’il me fait confiance, qu’il pense que ma société va être rentable de dingue, la confiance en soi qu’il vous donne… », explique Louise, mentorée gérante d’entreprise (mère cadre, père ingénieur), qui souligne que le soutien de son mentor lui a permis de persévérer dans son projet entrepreneurial dans des moments de découragement.
35 La confiance en soi qui découle de la relation de mentorat est généralement le fruit de mesures d’accompagnement très concrètes ; elle résulte d’un travail d’identification et de mise en œuvre d’étapes, d’objectifs et de stratégies pour faire aboutir un projet. C’est ce qu’explique Maïlys (mentorée créatrice d’entreprise ; mère secrétaire, père employé), qui juge que l’accompagnement très « technique » que lui prodigue son mentor (aide à la réalisation d’un tableau d’activités, d’un business plan, etc.) contribue à ce qu’elle acquière certains savoir-faire lui permettant d’endosser le rôle de « cheffe d’entreprise » qu’elle peinait jusqu’alors à assumer.
36 Pour les jeunes de classes moyennes ou supérieures, qui avaient déjà pu formuler des vœux relativement précis en amont du mentorat et attendent de celui-ci davantage un « coup de pouce » qu’une aide décisive, la confiance naît d’une validation par les mentor·es de projets déjà formulés ou nourris en amont de l’accompagnement : « Moi évidemment, je préparais tout le travail en amont, mais Vincent était important pour sceller la décision prise », explique Antoine, mentoré pour l’entrepreneuriat (parents médecins). Pour des mentoré·es issus de milieux plus modestes et aux projets d’orientation ou de professionnalisation plus incertains, la confiance en soi résulte de la disponibilité rassurante d’une personne compétente qui saura leur transmettre les compétences ou connaissances qui leur font défaut : certaines manières de parler, de se présenter, certains savoirs scolaires, etc., qui visent une « socialisation de transformation » (Darmon, 2006) par l’acquisition de savoir-être validant et légitimant leur inscription dans de nouveaux univers sociaux, professionnels notamment.
Des ressources culturelles et sociales
37 Outre un apport en termes de confiance en soi, le mentorat constitue un gain immédiat en ressources sociales pour l’ensemble des jeunes. Les mentor·es en sont l’incarnation directe puisqu’ils deviennent une employeuse et une garante pour Zeineb (mentorée réfugiée), une « famille » pour Ryad (mentoré ASE), une adulte qui assure la liaison avec les enseignant·es pour Elora (mentorée pour l’orientation). Le gain est aussi indirect lorsque les mentor·es ouvrent leurs réseaux professionnels aux mentoré·es pour les aider à trouver un stage ou un emploi, favorisant leur insertion professionnelle.
38 Le mentorat constitue enfin un gain de ressources culturelles pour les jeunes qui acquièrent de nouvelles connaissances et compétences. Par le mentorat, les jeunes des classes favorisées disent d’abord mieux appréhender les rouages de l’orientation, du système scolaire et des études supérieures, dans un jeu scolaire très compétitif, mais aussi s’acculturer au monde du travail et à ses réalités concrètes. Il leur permet de prendre un temps d’avance et d’acquérir plus rapidement que d’autres les codes socioprofessionnels de secteurs prestigieux. Ces apports en termes de savoir-être et de connaissances restent cependant périphériques pour ces jeunes qui ont déjà des ressources familiales suffisantes (« C’est difficile de distinguer ce que j’avais déjà et ce [que la relation mentorale] m’a permis d’acquérir », explique Evan, mentoré pour l’orientation ; mère universitaire, père militaire), et peuvent plus facilement considérer les mentor·es comme leurs égaux : « Je n’attends pas qu’il ait la science infuse (…). On cherche souvent tous les deux », estime Hakima (mentorée migrante, parents médecins).
39 Par contraste, chez les mentoré·es des classes populaires, ce sont les acquisitions de connaissances et de compétences qui sont particulièrement visibles : « Je me souviens que j’avais moins de 10 de moyenne. Et le troisième trimestre (…), j’avais 13 ou 14 ! » (Elora, mère employée de mairie). Si les jeunes des classes populaires apprennent eux aussi à mieux comprendre les rouages du système scolaire ou des études supérieures, leurs apprentissages ne portent pas sur les filières les plus sélectives : il s’agit plutôt pour les mentor·es de gérer l’urgence des échéances les plus proches (une menace de redoublement en fin du trimestre, un choix pour l’année à venir, l’inscription Parcoursup…) et la compréhension globale du système scolaire ne semble d’ailleurs pas consolidée chez les jeunes. De la même façon, pour les mentoré·es des milieux modestes, l’acculturation au monde du travail sert à rattraper un retard lié à l’insuffisante maîtrise des codes plutôt qu’à prendre de l’avance. Les mentor·es de ces jeunes se concentrent alors sur la transmission d’un « savoir-être » qui passe par l’explicitation de normes et règles à respecter – et de pratiques à réprimer. Il s’agit notamment de conseils relatifs à l’expression orale – « changer certains mots pour faire plus sérieux » (Sofian, mentoré scolaire ; mère au foyer, père mécanicien) pour s’exprimer « sans être familier » (Elora) –, mais aussi au comportement dans le milieu professionnel.
40 Cette différenciation des appropriations et des effets du mentorat en fonction du profil des mentoré·es nous permet d’identifier plusieurs limites de ce nouvel outil des politiques socioéducatives, qui s’avère particulièrement ambivalent pour les jeunes les plus vulnérables en contexte de déploiement rapide d’une politique éducative nationale.
Le mentorat, un instrument équivoque pour la lutte contre les inégalités
41 Le passage à l’échelle rapide impulsé par la politique publique via le plan interministériel 1 jeune 1 mentor fait du mentorat un instrument à double tranchant pour les jeunes les plus en difficultés. Si les mentor·es et les jeunes en perçoivent bien les effets positifs sur l’estime de soi, le niveau d’information en matière d’orientation ou encore l’accès à certaines ressources culturelles, le mentorat tend également à légitimer et à reproduire les inégalités sociales. Cette tendance s’observe à trois niveaux : à l’échelle nationale, le mentorat s’inscrit dans l’évolution récente des politiques socioéducatives vers l’individualisation des phénomènes sociaux ; à l’échelle des structures, une croissance trop rapide peut rendre les programmes moins efficaces ; à l’échelle des binômes enfin, le mentorat s’accompagne d’une psychologisation des inégalités.
À l’échelle du champ du mentorat, une politique publique individualisante
42 La volonté politique d’une augmentation rapide du nombre de jeunes mentoré·es a imposé une définition élargie et englobante du mentorat qui tend à l’éloigner des publics les plus vulnérables. Une responsable d’association le reconnaît : « Pour satisfaire les objectifs quantitatifs, on recrute les jeunes les plus faciles à trouver, et ce ne sont pas les plus en difficulté. Alors évidemment on observe un embourgeoisement des profils des mentoré·es, c’est le résultat logique de la course aux chiffres ». En réunissant sans distinction mentorat professionnel, mentorat éducatif et mentorat de jeunesse sous une seule et même étiquette, la politique publique actuelle s’éloigne d’une conception du mentorat comme politique de discrimination positive compensatoire. Cette tendance est porteuse de deux risques. Le premier est que les investissements publics n’atteignent pas la cible annoncée, et que le mentorat bénéficie de plus en plus à des jeunes issus des classes moyennes et favorisées, au détriment de celles et ceux les plus en difficultés. Le second est celui d’une restriction du profil des jeunes issus des classes populaires accompagnés, si ceux-ci sont sélectionnés pour leur « mérite », leur « talent », leur « excellence » ou encore leur « potentiel » d’ascension sociale. Une dizaine de structures de mentorat affichent en effet des objectifs d’élargissement du recrutement social des élites via l’accès aux grandes écoles et aux filières les plus prestigieuses. Or, comme l’a bien souligné Agnès van Zanten à propos des conventions éducation prioritaire de Sciences Po, « il faut à tout prix éviter de confondre, autour de la notion ambiguë d’“égalité de chances”, des actions destinées à renouveler partiellement le profil des élites en place et celles visant à réduire de façon significative les inégalités d’éducation » (2023, p. 2). La comparaison avec les politiques d’éducation prioritaire est pertinente pour comprendre l’orientation du mentorat, qui s’inscrit dans une histoire que Jean-Yves Rochex a décrite en identifiant trois âges : celui de la compensation des années 1980-2000 (« donner plus à ceux qui ont moins »), celui de la lutte contre l’exclusion des années 2000-2010 (« ne laisser personne derrière ») et celui de l’individualisation des chances de réussite depuis 2014 (déceler les talents individuels « des plus méritant·es ») (Rochex, 2019).
43 À l’échelle nationale, l’idée « d’aller vers un droit au mentorat pour tous les jeunes qui en ont besoin » qui sous-tend le plan 1 jeune 1 mentor comme l’inscription dans la loi d’une proposition systématique de mentorat dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance [9] peuvent également devenir des impositions pour les jeunes les plus vulnérables si elles ne tiennent pas compte des contraintes qui pèsent sur eux. En effet, qui détermine qu’un ou une jeune a « besoin » de mentorat, et à quel point les enfants peuvent-ils refuser les « propositions » d’accompagnement qui leur sont faites ? Comme on l’a vu, la capacité d’agir des jeunes devant l’accompagnement est très inégale. Si les jeunes de milieux favorisés qui ne rencontrent pas de difficultés particulières tendent à s’inscrire au mentorat de leur propre initiative, les jeunes les plus en difficultés se voient au contraire prescrire ou imposer du mentorat par leur famille ou les équipes enseignantes et éducatives.
À l’échelle des structures, un difficile équilibre entre croissance et qualité
44 Pour les associations et fondations porteuses des programmes de mentorat, l’investissement gouvernemental s’accompagne de fortes attentes chiffrées de croissance des effectifs de jeunes et de mentor·es. Cette montée en charge implique une rapide structuration et professionnalisation qui a des conséquences pour l’offre de mentorat.
45 Premièrement, le regroupement des structures en collectif a produit un consensus autour de modalités d’accompagnement peu contraignantes. À l’échelle nationale, le mentorat prend aujourd’hui la forme d’une relation de 6 mois au cours de laquelle les binômes se rencontrent une à deux heures par mois (42 % des structures proposent un programme de 6 mois, 40 % un suivi compris entre 6 mois et un an et 12 % seulement des suivis longs d’1 à 5 ans). Il est aussi admis que le mentorat peut être réalisé à distance, en visioconférence : 63 % des structures proposent du mentorat hybride, 27 % uniquement du face à face, 10 % uniquement du distanciel. En conséquence, 48 % des mentor·es enquêtés n’ont jamais rencontré leur mentoré·es en personne. Or, la littérature internationale établit que la durée et la fréquence des programmes sont les premiers facteurs d’efficacité du mentorat, dont les impacts sont très faibles pour des relations de moins de 6 mois et proportionnels à la durée. Les programmes de 16 à 20 mois avec des rencontres de 2 à 3 heures par mois sont les plus efficaces (Kanchewa et al., 2017). L’efficacité du mentorat à distance, pas envisagé avant 2019, n’est pas encore connue. Pour ne pas creuser les inégalités, sa croissance devra cependant tenir compte de la fracture numérique qui existe pour les personnes non diplômées, les habitant·es des zones rurales et les femmes – qui sont moins bien équipées en ordinateurs, tablettes et smartphones [10].
46 Deuxièmement, les cibles chiffrées et l’impératif d’efficacité liés à l’octroi des financements 1 jeune 1 mentor ont rejailli sur les pratiques des associations. Le nombre de jeunes accompagné·es et de mentor·es a en effet connu une très forte croissante depuis 2018 : dans les 10 associations de l’étude qualitative, il a été multiplié par 2 au moins, et parfois par 5. L’enjeu de recruter davantage de binômes en peu de temps a amené les structures à transformer leurs pratiques dans le sens d’une rationalisation et d’une dépersonnalisation de certains programmes : recours croissant à l’appariement automatisé des binômes, réduction ou réalisation à distance des temps de formation des mentor·es, développement d’outils de suivi standardisé... Par exemple, 57 % des associations proposent des formations en présentiel pour les mentor·es, mais seulement 21 % des mentor·es déclarent en avoir suivi une.
À l’échelle des binômes mentor·es-mentoré·es, une psychologisation des inégalités sociales
47 Le passage à l’échelle accéléré du mentorat a enfin des conséquences sur la relation des binômes de mentor·es et mentoré·es. La nécessité de recruter rapidement des mentor·es, notamment via les grandes entreprises, aboutit à une homogénéité sociale du groupe, où les cadres très diplômés sont largement surreprésentés : 77 % des mentor·es sont cadres ou professions intellectuelles supérieures contre 19 % dans la population générale ; 87 % ont un diplôme supérieur à bac + 2 contre 25 % de leur génération [11]. En conséquence, lorsque ces mentor·es accompagnent des jeunes issus des classes populaires, la relation mentorale est régulièrement porteuse d’une injonction d’adopter les codes sociaux des classes supérieures au nom d’une indispensable adaptation aux normes de milieux sociaux convoités. C’est en effet l’impératif de rendre les mentoré·es « performant·es » dans des champs scolaire, universitaire ou professionnel concurrentiels qui justifie l’injonction qui leur est faite de « se transformer » en acquérant un ethos distinctif des classes supérieures, comme l’illustrent de manière emblématique les incitations récurrentes à faire évoluer leurs manières de s’exprimer.
48 Présentée comme un vecteur d’estime soi, la transformation attendue implique pourtant que les jeunes issus des classes populaires reconnaissent la supériorité des normes et codes qu’elles et ils ne maîtrisent pas, et par là même admettent l’infériorité de leur propres normes et codes, et donc de l’éducation qu’elles et ils ont reçue. « Gagner confiance en soi » suppose pour ces jeunes d’aspirer à s’extraire de leur milieu d’origine, si bien que l’estime de soi est gagnée au prix d’une dévaluation de sa famille et de ses pairs. L’accompagnement prend dès lors la forme d’une violence symbolique, « douce, insensible, invisible pour ses victimes mêmes » (Bourdieu, 1998, p. 7), qui invisibilise les rapports sociaux de pouvoir à l’œuvre entre les mentor·es occupant des positions dominantes et les mentoré·es issus des milieux modestes.
49 Ces injonctions contribuent en outre à légitimer les inégalités sociales : en poussant les jeunes à faire évoluer leurs manières d’être et de faire, elles véhiculent l'idée qu’eux, et eux seuls, sont responsables de leur ascension sociale éventuelle. L’approche individualisante et psychologisante qui est au principe même du mentorat contribue ainsi à dépolitiser le sujet de l’égalité des chances au profit d’une responsabilisation des jeunes. En cela, le mentorat est comparable à l’engagement associatif dans des associations de quartier, dont Camille Hamidi a montré qu’il peut amener les bénévoles à ignorer la dimension sociale et politique des inégalités pour au contraire « analyser les problèmes comme étant très micro, de façon à ce que les solutions apportées, nécessairement limitées, puissent paraître satisfaisantes » :
« Parce qu’une caractérisation psychologique des problèmes permet de concevoir une réponse individuelle que l’association peut facilement apporter (…) [l]es responsables sont conduits à privilégier cette grille de lecture plutôt que de rechercher les causes collectives, sociales ou politiques, des difficultés des bénéficiaires, ce qui fait là encore obstacle à la montée en généralité. » (Hamidi, 2010, p. 175 et 179)
51 Pour fonder sa légitimité, le traitement « micro » de problèmes de justice sociale proposé par le mentorat laisse de côté la question des transformations institutionnelles et politiques indispensables à l’accès de tous et toutes à une réelle égalité des chances. Le mentorat véhicule alors une vision asociale et dépolitisée de l’égalité des chances, axée sur du mérite individuel. Il s’inscrit en cela dans la dynamique d’individualisation des politiques socioéducatives (Goirand, 2009), dont il hérite des limites.
Conclusion
52 Le déploiement rapide du mentorat comme nouvel outil des politiques publiques de jeunesse a des effets ambivalents pour la lutte contre les inégalités sociales. En dépit de la diversité de leurs champs d’intervention et de leurs publics cibles, les structures ont une communication consensuelle sur les effets du mentorat. À l’échelle individuelle, ces effets sont d’autant mieux perçus que la structuration du champ associatif national s’accompagne d’une standardisation des programmes, focalisée sur un objectif commun d’augmentation de la confiance en soi des mentoré·es. Les programmes agiraient ainsi de façon similaire sur les publics indépendamment du type de mentorat proposé (professionnel, éducatif, des jeunes…) et des caractéristiques des jeunes.
53 Cependant, ce consensus comme l’idée que le mentorat est un outil adaptable à la variété des situations individuelles dissimulent la récurrence de déclinaisons socialement différenciées de l’accompagnement. En effet, les mentor·es perçoivent différemment les besoins des jeunes en fonction de leur origine sociale et n’agissent pas de la même façon avec les jeunes des milieux favorisés et avec ceux des classes populaires. Les besoins exprimés par les premiers leur semblent plus légitimes, et le mentorat devient alors une déclinaison de mesures concrètes permettant d’atteindre des objectifs prédéfinis. Par contraste, pour les jeunes défavorisés, les programmes portent plutôt une intention de transformation globale des façons d’être, d’agir et de penser. Ainsi conçue, l’offre de mentorat structure des appropriations socialement différenciées chez les jeunes, qui n’entrent pas dans les programmes de la même façon : le mentorat est davantage choisi par les jeunes des classes favorisées, mais imposé aux jeunes des milieux populaires. En conséquence, les mentoré·es n’expriment pas les mêmes besoins et n’identifient pas les mêmes effets des programmes : le mentorat se fait « coup de pouce » émancipateur pour les jeunes des classes favorisées, mais acculturation imposée pour les plus vulnérables. Ces inégalités s’expliquent par les conditions de déploiement rapide du mentorat en tant que politique éducative nationale.
54 À l’échelle du champ associatif national, des structures et de la relation mentor·es/mentor·ées, les effets positifs du mentorat coexistent donc avec les dynamiques habituelles de reproduction des fractures sociales qui traversent la jeunesse. En encourageant un traitement individuel et psychologique des vulnérabilités au détriment de leur prise en compte politique, et en mesurant sa réussite par l’atteinte de cibles quantitatives génériques cette politique risque de creuser les écarts de traitements entre jeunes favorisés et défavorisés.
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Mots-clés éditeurs : inégalités sociales, accompagnement, jeunes, politiques publiques, mentorat
Mise en ligne 08/02/2024
https://doi.org/10.3917/sas.020.0008Notes
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[1]
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[2]
Les appels à projet de mars 2021, juillet 2021 et avril 2022 ont permis de soutenir 22, 33 puis 6 associations, respectivement à hauteur de 18,5 millions, 8 millions et 30 millions d’euros.
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[3]
« Faire du mentorat le pilier d’une société de l’engagement », Le Monde.fr, 29 janvier 2020, consulté le 15 mai 2023 [https://tinyurl.com/3bnsrpp9].
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[4]
Ministère du Travail, du plein emploi et de l’insertion, Appel à projet 2021 – Plan de développement du mentorat en France 1e édition (juillet 2021) ; Appel à projet 2021 – Plan de développement du mentorat en France 2e édition (mars 2021) ; Appel à projet 2022 – Plan de développement du mentorat en France 3e édition (avril 2023).
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[5]
Label Grande cause nationale 2023, Gouvernement.fr, consulté le 15 mai 2023 [https://www.gouvernement.fr/communique/label-grande-cause-nationale-2023].
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[6]
« Le mentorat », Jeunes.gouv.fr [https://www.jeunes.gouv.fr/le-mentorat-310, consulté le 15 mai 2023].
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[7]
Le mentorat des jeunes est celui qui a été le plus étudié : ses effets sont attestés par plusieurs méta-analyses (Dubois et al., 2002 ; Eby .et al., 2013 ; Christensen et al., 2020 ; Raposa et al., 2019). Les effets cités pour le mentorat en entreprise et éducatif proviennent des résultats convergents d’études ponctuelles.
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[8]
Afev et Trajectoires-Reflex, 2019, Enquête : l’accompagnement ; Chemins d'Avenir, 2019, Étude d'impact.
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[9]
Loi 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants : « il est systématiquement proposé à l’enfant pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance de bénéficier d’un mentor » (Art. L.222-2-6-II).
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[10]
Baromètre numérique 2023 du CRÉDOC : 93 % de la population a un ordinateur, une tablette ou un smartphone à domicile en 2022 mais seulement 68 % des non diplômés, 83 % des ruraux, 92 % des femmes.
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[11]
Données INSEE 2019 et 2020. Diplôme considéré pour les 35-54 ans, les mentor·es ayant en moyenne 43 ans.