Notes
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Voir les actes et l’historique du colloque : www.colloque-pedagogie.org.
Introduction
1 Les ingénieurs en France constituent un groupe professionnel largement structuré autour de leur formation, c’est-à-dire du modèle historique des écoles constitué à partir des xviie et xviiie siècles, et en constante évolution depuis. Ce modèle, assez différent de ceux qui se sont construits dans d’autres pays industriels européens (notamment en Grande-Bretagne et en Allemagne), se recompose aujourd’hui sous les effets de l’internationalisation et des évolutions techniques, économiques et sociales. Malgré le nombre d’ingénieurs diplômés en France (36 000 par an, près d’un million en activité) et leur rôle dans le monde du travail, ce modèle bien spécifique reste assez peu exploré.
2 La recherche sur les formations d’ingénieurs en France, menée par un petit nombre de spécialistes, est relativement ciblée sur ce système des écoles. Ce dernier se révèle d’une assez grande complexité, qui s’explique en partie par son adaptation constante aux évolutions des besoins en termes de formation initiale et continue, venus de l’industrie et plus largement de la société. De l’École polytechnique aux Centres d’études supérieures industrielles (écoles de formation par alternance dédiées principalement à la formation continue), en passant par les écoles relevant des ministères techniques (industrie, agriculture, armées) et les écoles universitaires souvent issues d’anciens masters en ingénierie, les institutions présentent une diversité assez remarquable. Elles évoluent encore aujourd’hui, comme l’illustre le développement récent et spectaculaire des formations par alternance.
3 Comment le système de formation des ingénieurs, structuré par le modèle de la « grande école », a-t-il ainsi évolué au fil du temps ? Peut-on considérer, à l’heure de l’internationalisation massive, qu’il demeure un système spécifique et homogène ? Quels sont les enjeux de la formation et de la professionnalisation des ingénieurs aujourd’hui, entre les impératifs techniques et les finalités sociales ? Les perspectives de recherche qui s’ouvrent sont multiples, entre la place du modèle français par rapport aux autres systèmes européens et mondiaux, la production des curricula dans les institutions dédiées (écoles ou universités), la professionnalisation des ingénieurs par leurs activités et leurs carrières, les savoirs construits (scientifiques, techniques, sociaux, pratiques), et les problèmes éthiques soulevés par les formations et les pratiques professionnelles.
4 La littérature scientifique dédiée à la formation des ingénieurs en France est essentiellement francophone. Les revues spécialisées sur la formation des ingénieurs en général sont en langue anglaise (Journal of Engineering Education, International Journal of Engineering Education, European Journal of Engineering Education), mais largement orientées par ce que nous désignons en France comme la didactique, c’est-à-dire des recherches sur les façons d’enseigner les disciplines. Elles ne rendent que rarement compte des politiques de formation des ingénieurs en France – sauf lorsque des chercheurs français y écrivent. La complexité et la spécificité du système français peuvent expliquer ce faible nombre de recherches en langue anglaise et dans d’autres langues, à part quelques contributions sur l’histoire des écoles. Le paysage de la recherche sur cette question ressemble à une vaste étendue que certains ont défrichée en fonction de leurs centres d’intérêt (ex. : l’histoire des écoles, la question du genre, la formation par alternance, l’intégration des sciences humaines et sociales dans les curricula, etc.). Ce champ de recherche est donc faiblement polémique, même s’il fait ressortir des enjeux sociaux majeurs en termes de formation et de professionnalisation des diplômés du supérieur.
5 On peut rassembler ces recherches en trois familles distinctes et complémentaires : en premier lieu, celles qui portent sur la construction sociohistorique du système de formation ; en deuxième lieu, celles qui portent sur les contenus et les dispositifs de formation ; celles enfin qui étudient les relations entre les formations instituées et la société.
1. Construction d’un système d’enseignement : les origines sociohistoriques d’un modèle singulier
1.1. Le système des écoles d’ingénieurs en France
6 Les recherches socio-historiques nous montrent que la spécificité du modèle français, par rapport aux autres grands modèles européens (notamment l’université de recherche allemande et la formation par la pratique du modèle britannique), tire ses origines de l’Ancien Régime. Le système français est particulièrement complexe, du fait du nombre de formations : 206 formations sont à ce jour accréditées par la Commission des titres d’ingénieur. Cette commission a été créée par la loi de 1934, au moment où les ingénieurs se trouvaient socialement déclassés après la crise de 1929, où les formations ne répondaient pas exactement aux besoins des entreprises et où un désir de contrôle de la profession se faisait sentir (Grelon, 1983). Commission mixte, réunissant des académiques et des représentants des milieux industriels, elle édite des recommandations, audite régulièrement les écoles et leur confère l’autorisation de délivrer le diplôme d’ingénieur. La loi de 1934, qui installe la Commission des titres d’ingénieurs, vise à protéger la profession par le diplôme, en imposant ce système d’habilitation des écoles. L’objectif est de garantir un niveau de formation satisfaisant et de créer une certaine homogénéité dans les formations. Il n’y a pas eu en France de création d’un ordre des ingénieurs, à la différence d’autres pays (ex. : Canada, États-Unis), ni de réglementation la profession, comme ce peut être le cas pour les médecins ou les avocats. En définissant la profession par le diplôme, le système français se distingue des autres en donnant une place singulière aux écoles, qui se sont développées historiquement en dehors des universités (Grelon, Karvar et Gouzévitch, 2004). Le diplôme d’ingénieur est unique en France, au niveau master 2. La reconnaissance par le diplôme différencie fortement la France d’autres pays, notamment anglo-saxons, dans lesquels la reconnaissance se fait par l’activité professionnelle au sein des entreprises et des associations professionnelles. Les écoles en France se trouvent pour la plupart en dehors des universités, appartenant pour certaines à des ministères techniques (industrie, agriculture, armées), avec des modes de recrutement variés (après le baccalauréat, sur concours après les classes préparatoires, sur dossier au niveau BTS, DUT, licence ou master). Elles sont dotées de cultures institutionnelles variées liées à leurs spécialités techniques, à leurs implantations régionales et à leur histoire. L’ensemble est structuré par un puissant système de hiérarchie et de concurrence, entre les « grandes écoles parisiennes » (Polytechnique, Mines, Ponts et chaussées, etc.) et de nombreuses écoles plus ou moins prestigieuses situées pour la plupart dans les régions.
1.2. Les bases historiques
7 Les historiens qui se sont intéressés à la naissance de la profession d’ingénieur au Moyen Âge, à la Renaissance et à l’époque moderne (Gimpel, 1975 ; Gille, 1964 ; Vérin, 1993) ont montré comment se géraient la production des savoirs techniques et leur divulgation, à travers les traités et les voyages effectués auprès de maîtres reconnus, avant même la création des premières formations. La structuration de formations instituées se fait à l’époque classique en France et détermine notablement le système de formation tel que nous le connaissons encore aujourd’hui, à travers l’existence des corps de l’État et des écoles destinés à les former. La Révolution industrielle et le XIXe siècle génèrent l’apparition des ingénieurs dits « civils », dédiés à l’industrie, et pour la formation desquels se créent alors de nouvelles écoles (Grelon, Karvar et Gouzévtich, 2004).
8 Selon Brigitte Albero et Catherine Roby (2014, p. 60), l’impulsion des recherches sur l’histoire des écoles d’ingénieurs est venue de premiers travaux américains, relayés ensuite dans les années 1980 par des historiens et sociologues en France. Les recherches de Charles Day sur les écoles des arts et métiers, ou celles de Robert Fox sur le Conservatoire national des métiers, ont en effet été traduites en français (Day, 1978 ; Fox, 1992). La plupart des recherches sont, à l’image des deux précitées, des monographies consacrées à des institutions en particulier, comme l’École polytechnique (Shinn, 1980 ; Belhoste, Dahan-Dalmenico et Picon, 1994), l’École des ponts et chaussées (Picon, 1992), l’École des mines de Saint-Étienne (Garçon, 2004), ou encore l’École des mines de Nancy (Champy-Remoussenard, 2006).
9 Terry Shinn (1978) nous offre également une synthèse de la constitution du groupe social des ingénieurs en France, liée à l’histoire des écoles, depuis l’époque classique jusqu’au début du xxe siècle. Il différencie les ingénieurs au service de l’État, apparus dès le xviie siècle, appartenant aux corps ainsi créés (génie militaire, artillerie, constructions navales, ponts et chaussées, mines), des ingénieurs apparus avec la Révolution industrielle pour favoriser le développement des entreprises privées, dissociation qui constitue un élément structurant du système français. Les ingénieurs de l’État forment une élite contrôlée, issue d’une forte sélection, destinée à servir les intérêts du pays sur le plan économique et militaire. Cette élite est fondée sur la maîtrise d’un ensemble de savoirs de haut niveau, dans le domaine des sciences, qui sont la marque d’une certaine distinction et d’un pouvoir hiérarchique. Les premières formations voient très rapidement le jour, dès le XVIIe siècle, pour répondre au « besoin d’une formation structurée, identique pour tous les membres d’une spécialité » (Grelon, 1983, p. 92). Ces écoles sont d’abord militaires, comme celle de Douai dédiée à l’artillerie (1698), puis plus largement dédiées à la formation des ingénieurs civils dans les domaines clés du développement du royaume (École des ponts et chaussées en 1747, École des mines en 1783). Un fait marquant est la création de l’École polytechnique en 1794, pendant la Révolution française, qui structure davantage encore le système dans la mesure où tous les ingénieurs d’État sont recrutés par cette école, avant d’entrer dans des écoles d’application dans lesquelles ils se spécialisent. Ces ingénieurs entièrement dévolus au service de l’État délaissent alors l’industrie privée. Le manque d’ingénieurs de terrain est déjà repéré au xviiie siècle par D’Alembert (ibid., p. 47), mais c’est avec la création du Conservatoire des arts et métiers, puis des Écoles d’arts et métiers que des initiatives sont prises pour former des personnels techniques au service des entreprises industrielles. Malgré leur rôle important dans le développement de ces entreprises, les diplômés des arts et métiers n’obtiendront le titre d’ingénieur diplômé qu’en 1907, ce qui démontre la conception élitiste française de l’ingénieur et la segmentation entre le groupe des ingénieurs voué aux administrations et celui des techniciens de l’industrie. Terry Shinn (1978) identifie l’apparition d’un troisième groupe d’ingénieurs, situé entre les ingénieurs d’État et les techniciens de l’industrie, concrétisée par la création de l’École centrale des arts et manufactures en 1829. La formation se distingue de celle de l’École polytechnique en ce qu’elle est bien davantage tournée vers les sciences utiles à l’industrie (physique, chimie) et à leurs applications, même si elle impose également une orientation mathématique, marque d’une certaine distinction sociale (ibid., p. 54).
10 C’est à partir de 1880 que, sous l’effet du développement de l’industrie, les besoins en ingénieurs poussent à la création de nombre d’écoles spécialisées comme l’École de physique et de chimie industrielle de Paris en 1883 ou l’École d’électricité de Paris en 1893, alors qu’un certain nombre de facultés des sciences mettent en place des cursus et des diplômes dédiés à la formation des ingénieurs. Au sein du curriculum, l’association entre les apports scientifiques théoriques et les savoirs appliqués, de même que l’ouverture aux pratiques industrielles, est caractéristique du modèle de formation de la plupart des ingénieurs français, hors l’élite formée dans les grandes écoles parisiennes. Ce modèle de formation à la fois scientifique et orienté vers les pratiques industrielles est encore dominant dans les écoles aujourd’hui, défendu par la Commission des titres d’ingénieur dans ses recommandations (voir www.cti-commission.fr). Il anime également les formations créées au xxe siècle, principalement pour démocratiser les accès à la profession et ouvrir davantage le monde universitaire à la formation des ingénieurs (Instituts nationaux de sciences appliquées, Écoles nationales d’ingénieurs, Universités technologiques, etc.). Il existe aujourd’hui également, au sein des grandes universités de sciences, des écoles d’ingénieurs internes accréditées par la Commission des titres d’ingénieur.
11 Le destin des écoles oscille souvent entre l’aspiration à former des cadres d’entreprise appelés à des fonctions dominantes et des spécialistes de la technique capables de résoudre les problèmes industriels de terrain. Lorsque leurs diplômés sont reconnus dans les entreprises et accèdent à des fonctions dominantes, les écoles ont tendance à orienter leurs curricula en direction d’enseignements plus fondamentaux sur le plan scientifique et plus généraux, pour correspondre aux compétences managériales attendues des cadres, selon une logique d’académisation (Bot, 2007 ; Lemaître, 2011). Par l’innovation pédagogique, la mise en place de dispositifs comme les stages ou l’alternance, les écoles s’efforcent alors souvent d’équilibrer la tendance à l’académisation par des activités pratiques orientées vers l’adaptation professionnelle. Cette tension apparaît comme un prolongement de l’opposition entre la figure de l’ingénieur « généraliste » diplômé des écoles dominant la hiérarchie et celle de l’ingénieur tourné vers la technique, la conception, la gestion de la production, et les innovations concrètes.
1.3. Les évolutions du système sous les effets de l’internationalisation de l’enseignement supérieur
12 Institutions de petite taille, conçues assez largement en dehors du système universitaire classique, reliées de près aux milieux professionnels auxquels elles destinent leurs diplômés et soucieuses de répondre aux recommandations de la Commission des titres d’ingénieur, les écoles d’ingénieurs manifestent une assez grande réactivité vis-à-vis des évolutions de leur environnement. Sur le plan technique, les évolutions industrielles (outils, procédés, innovations) se diffusent assez rapidement au sein des enseignements, pour répondre aux impératifs d’employabilité des étudiants. Sur le plan des politiques éducatives, les attentes de la société et les évolutions de l’enseignement supérieur, notamment à travers la création du processus de Bologne et la constitution d’un marché international concurrentiel, conduisent à des recompositions de fond depuis la fin du XXe siècle (Lazuech, 1999).
13 Historiquement, le curriculum des écoles d’ingénieurs respectait généralement l’unité de lieu (implantation dans une ville, une région), l’unité de temps (un seul cursus en trois ou cinq ans après le baccalauréat pour une même cohorte d’étudiants) et l’unité d’action (les mêmes enseignements pour un même diplôme). Ce principe d’unité a largement volé en éclats depuis peu d’années, principalement avec l’internationalisation du système (Lemaître, 2011). Les causes en sont notamment :
- la multiplication des types de formation offerts par les écoles (diplômes d’ingénieur, de bachelor, de master ou de master spécialisé, de doctorat ; semestres ou années d’échange ; stages de formation continue) ;
- la diversification des parcours proposés aux étudiants d’une promotion (options, modules, diplômes communs, années de substitution, séjours à l’étranger) ;
- le regroupement des écoles et la multiplication des sites (ex. : groupe des écoles de l’Institut Mines-Télécom, Réseau Polytech) ;
- la création de filiales dans les régions françaises ou à l’étranger (ex. : Centrale Pékin créée en 2005, Centrale Casablanca en 2013).
15 Un certain nombre d’écoles fonctionnent aujourd’hui moins comme des institutions géographiquement implantées que comme des marques ou des labels proposant des activités de formation, et positionnées comme des produits sur le marché international de la formation et de l’enseignement supérieur.
16 Les phénomènes d’adaptation identifiés par Gilles Lazuech (1999) au moment de l’internationalisation des grandes écoles dans les années 1990 se sont ainsi largement poursuivis et amplifiés. Dans sa récente thèse de doctorat, Adrien Delespierre (2016) montre la manière dont les écoles adoptent les impératifs de l’internationalisation tout en essayant de maintenir leurs positions sur le marché de l’enseignement supérieur. L’internationalisation porte concrètement sur l’accueil d’enseignants et d’étudiants étrangers, et inversement l’envoi d’enseignants et d’étudiants, la création de coopérations à travers des partenariats et la délocalisation de formations à l’étranger.
17 L’accueil d’étudiants maghrébins dans les écoles françaises a fait l’objet d’un projet de recherche spécifique (Gardelle et Benguerna, 2015), montrant certains écarts dans les représentations que l’on se fait de l’ingénieur selon les pays, et la manière dont ces étudiants maghrébins construisent leur parcours en fonction d’une offre de formation nationale mais qui ouvre aux standards de la mondialisation (Lemaître, Gardelle et Cardona Gil, 2016). L’adaptation aux standards internationaux de l’enseignement supérieur a également conduit les écoles d’ingénieurs françaises à développer des activités de recherche en créant ou en rejoignant des laboratoires, en recrutant des enseignants chercheurs, en proposant des formations doctorales. Le recrutement de docteurs à la place d’anciens ingénieurs a, dans un certain nombre d’écoles, contribué au processus d’académisation décrit plus haut.
18 La comparaison entre les modèles de formation à l’international (Gardelle, 2017) montre que les systèmes d’enseignement adoptent un certain nombre de standards internationaux liés au modèle productiviste mondialisé, remodelé par les impératifs du développement durable. Pour autant, on ne voit guère s’imposer dans les formations une figure du global engineer apparaissant parfois dans l’imaginaire de grandes institutions ou d’industries mondiales. Les grands modèles historiques de formation, en Allemagne celui de l’université de recherche, au Royaume-Uni celui de l’ingénieur formé sur le terrain des entreprises, en France le modèle de l’école orienté vers la science et l’industrie, aux États-Unis le modèle de l’ingénieur au service de la société, etc., se recomposent à l’échelle mondiale, dans une tension entre standardisation et défense des spécificités locales. Chaque système semble valoriser ses points forts et jouer de ses atouts dans la concurrence internationale, tout en se pliant à certains impératifs comme l’accréditation par les agences internationales et la multiplication des échanges.
19 En France Adrien Delespierre (2017) montre ainsi, à l’appui d’une étude sur quelques écoles emblématiques, dont l’École polytechnique et l’École centrale Paris, que « les principes d’organisation et de hiérarchisation de l’univers des grandes écoles ne se trouvent pas bouleversés » (p. 70) et que les nouvelles stratégies éducatives s’appuient sur les fondamentaux historiques et sociologiques pour répondre aux impératifs d’adaptation du système à de nouvelles règles de l’internationalisation. Les écoles sont capables d’intégrer des éléments nouveaux comme l’usage de l’anglais ou la formation au management, tout en conservant les attributs sociaux qui les maintiennent dans leur segment social. C’est ce que leur permet notamment leur capacité d’adaptation sur le plan pédagogique.
2. Dispositifs institutionnels et chemins de formation
2.1. L’évolution pédagogique du modèle de formation
20 Créées pour une large part en marge des universités, les écoles d’ingénieurs ont de fait toujours profité de leur petite taille et de leur relative autonomie pour développer des formats pédagogiques différents ou complémentaires du modèle académique classique (cours magistraux, travaux dirigés). Le travail en atelier, l’accompagnement par les pairs, les stages, les projets, etc., ont constitué, depuis les écoles créées au moment de la Révolution industrielle et destinées à former des ingénieurs de terrain, des dispositifs de formation originaux reliés aux particularités locales, aux initiatives des enseignants et des responsables de formation, dans un mouvement d’adaptation continuelle répondant aux besoins sociaux et techniques naissants et aux attentes des milieux professionnels. C’est ce qu’illustrent, sur le plan historique, des monographies consacrées à certaines écoles en particulier, notamment celle d’Anne-Françoise Garçon sur l’École des mines de Saint-Étienne (Garçon, 2004), ou celle de Patricia Champy-Remoussenard sur l’École nationale supérieure d’électricité et de mécanique de Nancy (Champy-Remoussenard, 2006). C’est ce qu’illustre encore pour l’époque contemporaine le colloque international francophone Questions de pédagogie dans l’enseignement supérieur [11], né des écoles d’ingénieurs en France en 2001, du besoin d’offrir un lieu d’échange pour les enseignants-chercheurs afin de communiquer sur les méthodes et les recherches en pédagogie. Les premières éditions de ce colloque, qui se sont tenues dans des écoles d’ingénieurs (Télécom Bretagne, ENSIETA, Centrale Lille), ont rassemblé une majorité d’enseignants issus de ce milieu. Les thèmes du colloque illustrent les pratiques d’enseignement que développent ces enseignants, dans l’objectif d’adapter la formation aux pratiques professionnelles comme aux attentes des étudiants : la pédagogie par projets et par problèmes, et plus généralement les méthodes actives, caractéristiques des formes d’enseignement développées dans les écoles. Illustrant une continuelle volonté de rompre avec les enseignements théoriques des sciences au profit d’une formation par la pratique, les recherches en pédagogie rendent fréquemment compte des innovations en matière de dispositifs d’enseignement : c’est le cas par exemple du développement de la méthode TRIZ étudiée par Michel Sonntag (2007) ou du dispositif de simulation analysé par Bernard Fraysse (2007). Depuis les apprentissages par problèmes (années 1960) jusqu’aux fablabs et serious games à l’heure actuelle, les formations d’ingénieurs ont toujours été portées vers les innovations pédagogiques, aujourd’hui largement appuyées sur le numérique (Blandin, 2012).
21 Au-delà des pratiques pédagogiques en tant que telles, les recherches rendent compte également d’un nouveau dispositif qui révolutionne en partie le modèle classique de la formation des ingénieurs. Il s’agit des formations par alternance, conçues en 1990 sous l’impulsion de Bernard Decomps (Demur et Cannone, 2015), appelées à l’époque « Nouvelles formations d’ingénieurs » (NFI), et destinées à démocratiser l’accès au diplôme d’ingénieur, à augmenter le nombre d’ingénieurs diplômés et à former des ingénieurs très proches des besoins des entreprises (Malglaive, 1996). Depuis 2005 environ, ces formations connaissent un développement important, à tel point que 15 % environ des diplômés le sont aujourd’hui par la voie de l’apprentissage. Un ouvrage récent (Zaid et Lebeaume, 2015) rend compte des recherches en cours, auxquelles se consacrent un certain nombre de chercheurs intéressés par le phénomène. Le thème des temporalités, des formes d’organisation de l’alternance et des rythmes d’apprentissage est au centre des préoccupations. Le thème de la temporalité a été également étudié par Pascal Roquet (2004), comme un fait particulièrement problématique dans ce type de dispositif.
22 Ces filières conduisent à rompre avec le modèle classique de la grande école (Bouffartigue et Gadea, 1996), pour permettre à de nouvelles populations d’étudiants d’accéder au diplôme d’ingénieur, souvent issues d’IUT ou de classes de BTS. Elles permettent également aux techniciens d’acquérir le diplôme d’ingénieur par la voie de l’apprentissage, ce dont le Centre d’études supérieures industrielles (CESI) s’est fait la spécialité. Pascal Roquet a consacré sa thèse (1999) et divers travaux à ce passage de technicien à ingénieur, par la voie de l’apprentissage, en étudiant particulièrement le terrain de l’École nationale des ingénieurs en communication (ENIC), dont les filières ont été mises en place en collaboration avec l’entreprise France Télécom dans les années 1990. La formation continue des ingénieurs, jusque-là peu encouragée, a ainsi connu un net développement grâce à ces filières par alternance.
2.2. Le développement de la formation continue des ingénieurs
23 De manière générale, la formation continue des ingénieurs ne fait guère l’objet d’études. Cette formation a peu de spécificités et se trouve assez largement diluée dans la formation des cadres et des personnels techniques. Cette particularité vient sans doute du fait que le modèle des écoles et la définition de la profession se sont historiquement élaborés autour du diplôme, conférant ainsi aux écoles un rôle prépondérant. Depuis les origines et de manière continue, les écoles se sont ouvertes à la formation d’adultes, de manière plus ou moins confidentielle. Dans une très rare et déjà ancienne étude sur la formation continue des ingénieurs, financée par l’Unesco, Niels Krebs Ovesen notait en 1983, à propos du cas de la France, qu’au moment de la loi de 1971 sur la formation continue, « l’éducation permanente était déjà bien acceptée et pratiquée dans le milieu des ingénieurs » (p. 107). L’auteur observe à cette époque que les écoles agissent comme des acteurs privés sur le marché de la formation continue, dans une logique concurrentielle. Certaines d’entre elles ont pleinement investi cette mission en créant des services spécialisés, d’autres non. L’État a encouragé cette concurrence en aidant les écoles à trouver leur marché, et en finançant, pour les écoles publiques, des structures dédiées. À l’époque, l’auteur note que ce sont les écoles qui assurent les stages de formation pour les ingénieurs sans emploi (p. 110). Les ingénieurs en activité au sein des entreprises obtiennent des facilités pour encadrer les stages de formation continue au sein des écoles, selon un accord national interprofessionnel. L’auteur identifie donc ce moment de la loi de 1971 comme un déclencheur de la formation continue des ingénieurs, qui se sont alors davantage investis dans ces parcours. Aujourd’hui, les écoles continuent d’être des acteurs essentiels de la formation continue des ingénieurs. En attestent les efforts qu’elles produisent pour diversifier leur offre de formation par la création de structures dédiées comme Eurosae, filiale développée par l’Institut supérieur d’aéronautique de Toulouse, ou comme celle de l’Institut Mines Télécom. Le marché de la formation continue est une cible importante pour les écoles contraintes de se créer des ressources propres pour assurer leur fonctionnement, au-delà des dotations reçues de leurs tutelles. Cette formation continue est ciblée sur les domaines techniques, les ingénieurs venant se former aux dernières avancées de leur domaine de spécialité, ou visant des reconversions. Les formations au management concernent davantage les entreprises ou organismes se plaçant sur ce secteur de compétences et accueillant toutes les catégories de cadres.
24 En ce qui concerne la formation diplômante, Ovesen (1983) mentionne un effort continu en France pour permettre aux techniciens d’accéder au diplôme d’ingénieur, ce qui aboutit aux formations par apprentissage mentionnées plus haut. Dans la foulée de la loi du 1971, depuis 1974 l’État encourage les écoles à organiser des dispositifs de formation continue pour accéder au diplôme, et des procédures pour délivrer le diplôme d’ingénieur sur la seule présentation de travaux réalisés dans le cadre professionnel. On voit ici l’origine des dispositifs de Validation des acquis de l’expérience qui, même s’ils sont encouragés par la Commission des titres d’ingénieur, ne rencontrent encore aujourd’hui qu’un faible succès sur le terrain et peinent à prendre de l’ampleur.
25 Ovesen pointe également le rôle historique et spécifique du Cnam en ce domaine, qui s’est constitué depuis l’origine comme une université de formation pour adultes à l’échelle nationale, et dans laquelle les formations techniques occupent le premier plan. Pour autant, l’École d’ingénieurs du Cnam (EICnam) n’est créée qu’en 2011, au bout d’un long processus. Edwige Bombaron-Sabbagh, dans une thèse récente (2017), montre les difficultés concrètes que rencontrent les techniciens en formation d’ingénieur au Cnam dans leur démarche de transformation identitaire et professionnelle pour devenir ingénieurs.
26 Ovesen cite également le rôle novateur du Centre d’études supérieures industrielles (CESI), créé par des industriels et soutenu ensuite par l’État, pour permettre aux adultes exerçant déjà une activité professionnelle de devenir ingénieurs. Plus largement, la création des « nouvelles formations d’ingénieurs » dans les années 1990, installant la voie de l’apprentissage dans les écoles, peut être vue comme un moyen de revaloriser la dimension industrielle du métier d’ingénieur par rapport au système classique de la grande école. Il s’agit d’une nouvelle étape dans ce mouvement continuel de balancier, décrit plus haut, entre une tendance à l’académisation (développement de cours théoriques et de matières générales, recrutement d’enseignants-chercheurs) et une tendance à la professionnalisation au sens d’adaptation aux conditions du métier (Lemaître, 2007 ; Bot, 2007). Les nouveaux dispositifs de formation continue par la voie de l’alternance visent à répondre à nouveau aux besoins de former des ingénieurs de terrain.
2.3. La socialisation professionnelle des ingénieurs
27 La formation des ingénieurs ne s’arrête pas aux cadres institutionnels, les écoles. La pratique professionnelle et la carrière sont aussi des occasions de se former et de se professionnaliser, au sens de se socialiser comme professionnel dans son métier. Mais peu d’études portent sur la manière dont les ingénieurs apprennent à devenir ingénieur par la pratique de leur métier. La sociologie des professions nous offre des travaux sur la construction identitaire des ingénieurs (Bouffartigue, 1994 ; Bouffartigue et Gadea, 1996 ; Divay, 2005). Même si elle n’aborde la question de la formation que de biais, elle donne à voir la manière dont les ingénieurs se construisent comme tels au sein de leurs pratiques professionnelles, en produisant des savoirs issus de leur expérience, complémentaires des savoirs reçus en formation initiale. Offrant une autre approche que celle des élites et de la domination initiée par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, sur laquelle nous reviendrons (Bourdieu et Passeron, 1970 ; Bourdieu et Passeron, 1985 ; Bourdieu, 1989), cette sociologie s’intéresse davantage aux individus dans leur milieu, pour montrer à travers des parcours biographiques singuliers comment se jouent sur le terrain des carrières d’ingénieurs et des savoirs professionnels. L’approche par les récits de vie ou les entretiens biographiques permet de mettre en lumière l’acquisition d’une culture professionnelle par les pratiques, bien différente des apports de la formation initiale. Emmanuel Cardona Gil (2009), dans sa thèse consacrée aux ingénieurs militaires, montre ainsi comment au sein d’un groupe professionnel particulièrement emblématique les stratégies peuvent être très différentes, pour se construire une identité professionnelle à partir des parcours de vie et des aspirations personnelles. Malgré un recrutement commun (un concours spécifique après classes préparatoires), la culture institutionnelle forte (celle des armées), un statut d’état spécifique et des carrières relativement tracées, ce groupe d’ingénieurs illustre le fait que la manière de se socialiser professionnellement peut varier fortement en fonction des individus et des contextes précis dans lesquels ils évoluent. L’auteur montre que ces ingénieurs se construisent différemment en fonction du degré de « militarité » d’une part, d’adhésion aux valeurs de la réussite d’autre part, qui les animent dans la construction de leur identité professionnelle et dans leurs stratégies de socialisation. Le statut militaire, l’appartenance au corps, l’importance donnée à la spécialité technique, la référence à la profession d’ingénieur sont autant de traits identitaires que ces ingénieurs mobilisent ou minorent pour se construire leur identité professionnelle. Jean-Yves Robin, à travers sa thèse, attirait déjà l’attention sur cette dimension personnelle de la formation au sein même de la pratique professionnelle (1990). S’intéressant à la formation professionnelle des cadres en général il met en valeur, à travers des récits de vie d’ingénieurs, les parcours personnels depuis le passage par les écoles jusqu’aux activités professionnelles. Il montre le décalage entre la logique cumulative de la formation dans les écoles, centrée sur les techniques, et la réalité du métier de cadre, appelant à des compétences d’encadrement et de relations humaines. Sur le terrain des entreprises, les ingénieurs acquièrent d’autres formes de savoirs et de compétences professionnelles que celles auxquelles les écoles se réfèrent. C’est par exemple le cas des ingénieurs formateurs qu’étudie Damien Coadour (2015), confrontés à la nécessité de résoudre des dilemmes professionnels liés aux transferts de technologie dans leurs entreprises, pour parvenir à se construire une légitimité et soutenir leur propre engagement comme formateurs.
28 Les recherches dédiées à ces phénomènes de professionnalisation sont donc relativement récentes et peu nombreuses. On peut expliquer cette faible attention portée à la professionnalisation, au sens de construction d’un ensemble de savoirs professionnels spécifiques et de traits identitaires, par le fait que le système français a structuré la profession par le diplôme et l’école, ce sur quoi l’attention se porte d’abord. Une autre raison, soulignée par Pascal Roquet (2014), tient au fait que le modèle dominant est celui de l’acquisition des savoirs abstraits (celui de l’École polytechnique), par rapport à un modèle dominé qui est celui de « l’apprentissage de savoirs pratiques et expérientiels » (p. 54). Cependant, l’internationalisation du système, l’allongement des temps de carrière, la diversification des parcours et l’évolution rapide des techniques et des types d’emplois donnent une importance plus grande à la manière dont les ingénieurs en poste se construisent des savoirs et des identités professionnelles à travers leurs pratiques. Le système de formation s’adapte à ces évolutions. Pascal Roquet (ibid.) note l’effort des écoles pour diversifier leur offre de formation, pour valoriser les apports de l’expérience professionnelle dans la formation, comme dans l’apprentissage ou la formation continue.
29 Dans son travail sur les nouvelles formations d’ingénieurs apparues dans les années 1990, le même Pascal Roquet (2004) analyse également la manière dont les techniciens deviennent ingénieurs. Son attention se porte ainsi sur les « articulations entre les trajectoires individuelles et les dispositifs institutionnels » (p. 103). Le dispositif de formation étudié (celui de l’Enic) rejoint celui de l’entreprise (France Telecom) qui souhaite promouvoir ses techniciens au grade d’ingénieur par la voie du diplôme. L’auteur montre que les savoirs construits par les ingénieurs ne sont pas les mêmes selon les catégories professionnelles dans lesquelles ils s’inscrivent. Cette nouvelle catégorie d’ingénieurs passant par la formation continue développe des savoirs différents des trois autres catégories identifiées (« grande école », ingénieur de production et ingénieur promu au sein de l’entreprise), c’est-à-dire mieux équilibrés entre les savoirs théoriques, les savoirs d’organisation et les savoirs d’expérience, les autres privilégiant l’une ou l’autre de ces formes de savoirs. Paul Bouffartigue (1994a), à l’appui d’enquêtes réalisées dans les années 1980 sur l’insertion professionnelle des jeunes diplômés BTS, IUT et ingénieurs, repère également cette remise en cause du modèle classique de carrière, d’un poste technique dans les premières années vers des postes de dirigeant, modèle assis sur la formation des grandes écoles d’ingénieurs. Il identifie l’apparition d’un nouveau modèle de généralistes mais adaptables, « capables à la fois de spécialisation rapide et de reconversions multiples, plus tournés vers la recherche et la production, et dotés en même temps de capacités gestionnaires et relationnelles » (p. 54). Il voit dans cette évolution des types de savoirs et savoir-faire attendus des ingénieurs une des raisons de l’apparition des nouvelles formations d’ingénieurs par alternance, laissant une large place à la formation continue. Apparaîtraient ainsi conjointement de nouvelles modalités de formation et de nouveaux types d’ingénieurs, à partir de la fin du siècle précédent, tournant le dos au système dominant, par un moindre attachement à l’entreprise, une plus grande mobilité, un recul de l’esprit de corps. Ces études n’ont pas été poursuivies mais on peut imaginer que ce modèle a continué de se développer aujourd’hui dans les carrières d’ingénieurs. Ces nouvelles aspirations font écho à des évolutions de société qui caractérisent également les contextes dans lesquels évoluent les ingénieurs, en prise avec la réalité sociale de leur temps.
3. La dimension sociale de la formation et l’influence des enjeux sociétaux
30 Le monde de la formation des ingénieurs n’est pas à l’écart de questions sociales plus vastes qui le marquent ou qu’il s’approprie. C’est ce dont rendent compte un certain nombre de recherches qui s’attachent aux rapports entre le système de formation et la société en général. Ces recherches portent sur deux dimensions croisées et complémentaires : d’une part la manière dont le système de la formation reflète les questions sociales vives, notamment les problèmes de sélection et de rapports de domination ; d’autre part la manière dont ce même système de formation produit des conceptions du progrès et de l’innovation visant à agir sur la société, ce qui s’exprime notamment par la question de la place des sciences sociales dans les écoles.
3.1. Sélection, hiérarchies et rapports de domination
31 La sociologie de l’éducation et des élites met en avant les rapports sociaux qui traversent et structurent le domaine de la formation des ingénieurs. Parmi les très françaises « grandes écoles » figurent au premier rang – au moins par leur nombre – les écoles d’ingénieurs (École polytechnique, École des mines de Paris, École nationale des ponts et chaussées, École centrale Paris, etc.). Ce sont ces écoles qui font l’objet de la plupart des monographies (Shinn, 1980 ; Picon, 1992), les « petites » écoles d’ingénieurs de province faisant moins l’objet d’études, malgré leur plus grand nombre. Pierre Bourdieu (1989) consacre une large partie de sa célèbre étude sur la « noblesse d’État » aux grandes écoles d’ingénieurs, comme un lieu de la sélection et de la reproduction des élites destinées à gouverner la haute administration et les grandes entreprises françaises. Il met au jour la segmentation entre les écoles de la « grande porte » et celles de la « petite porte » (ibid., p. 198) qui, par leurs rites, leurs codes et leurs mécanismes de socialisation, installent les rapports de domination entre les ingénieurs issus des grands corps de l’État et les ingénieurs diplômés des écoles moins prestigieuses, voués à être leurs subalternes au sein des grandes entreprises. Les mécanismes de la reproduction (Bourdieu et Passeron, 1970) passent également par les grandes écoles d’ingénieurs. La sociologie met en lumière les mécanismes de la transmission des savoirs comme ceux de la socialisation dans un groupe d’élèves et de diplômés. L’étude menée par Denys Cuche (1985) sur l’École des arts et métiers met en valeur l’importance des rites d’initiation à travers la mise en place des « traditions » et en particulier de « l’usinage », destiné à forger l’esprit des « gadzarts » – nom que se donnent les élèves de cette école emblématique sur la question des rites. Il existe au total toute une gamme de formations et de voies d’entrée dans le métier, qui ne bénéficient pas toutes du même prestige et de la même reconnaissance en termes de salaires et de positions dans l’entreprise. La vieille hiérarchie installée aux origines du système, entre les formations par la culture générale et les sciences abstraites et les formations à la pratique industrielle, continue de marquer le paysage. Les ingénieurs qui accèdent à la profession autrement que par la formation initiale classique peinent à obtenir la reconnaissance de leur statut, comme c’est le cas pour les ingénieurs du Cnam (Divay, 2005).
32 Malgré ces phénomènes de segmentation, la profession d’ingénieur est en France relativement homogène et prestigieuse, à la différence d’autres pays, notamment anglo-saxons, dans lesquels le terme engineer peut désigner aussi bien un conducteur d’engin ou un plombier (Laurini, 2013). Le système de formation des ingénieurs en France, structuré autour du modèle des écoles et de la Commission des titres d’ingénieur qui contrôle le diplôme, préserve en grande partie l’image de la profession. Le fait que la formation et le diplôme définissent le groupe social place en effet la catégorie « ingénieur » parmi les professions intellectuelles fortement sélectionnées par l’enseignement supérieur, à l’image des médecins ou des avocats. C’est ce qui explique sans doute également que les relations entre la formation et l’emploi soient relativement contrôlées (Bouffartigue et Gadea, 1996).
33 Pour autant, l’évolution des métiers et des rôles sociaux des ingénieurs, de même que le mouvement d’internationalisation décrit plus haut, rendent ces systèmes de domination plus complexes et diffus, traversés par d’autres phénomènes comme l’adaptation des politiques de formation des écoles au marché de l’emploi (Ghaffari, 2003). L’apparition de nouveaux types d’ingénieurs, sous les effets de la mondialisation et de la révolution numérique, reconfigure largement les hiérarchies entre écoles et les types de diplômes (Sainsaulieu et Vinck, 2015).
34 Les hiérarchies et rapports de domination au sein du système de formation concernent également la question du genre. Catherine Marry a consacré une grande partie de ses travaux aux femmes ingénieurs, développant une recherche naissante dans ce domaine (Michel, 1970). Parmi ses nombreux travaux, certains abordent les questions de formation comme causes des modes de sélection et de déclenchement des parcours (1997). Même si la question de la formation n’est pas centrale dans ses études, elle y tient une place importante comme élément de contexte décisif sur les phénomènes de féminisation de la profession. Son ouvrage Les femmes ingénieurs. Une révolution respectueuse (2004) propose une étude de la féminisation lente et progressive de la profession au cours du xxe siècle. Dans l’étude de cette profession structurée par la formation initiale, elle consacre une large part au système des grandes écoles, comme lieux de manifestation de la sélection et de l’exclusion des femmes. Faisant le constat que « ces écoles et ce groupe professionnel concentrent en effet depuis très longtemps un ensemble de traits symboliques et pratiques de la domination masculine » (p. 67), elle voit dans la place donnée aux mathématiques dans les écoles les plus prestigieuses et à la mécanique dans d’autres écoles une cause supplémentaire d’exclusion, les écoles dédiées à la chimie, l’agronomie et la biologie étant davantage féminisées. Catherine Marry, rompant avec la dichotomie installée par Bourdieu (1989) entre les écoles de la grande porte et les autres, identifie trois « types d’ingénieurs » structurés par le système de formation : le « pôle élitiste » formé par les écoles destinées depuis l’Ancien Régime à structurer les grands corps de l’État (École polytechnique, École des ponts et chaussées, École des mines, etc.), « les ingénieurs civils du début du XIXe siècle », issus des écoles créées depuis la Révolution industrielle pour fournir des ingénieurs aux entreprises, et « les ingénieurs promus à partir d’une longue expérience professionnelle », issus d’écoles techniques ou du terrain (pp. 69-74). L’auteure constate que les résistances à la féminisation sont beaucoup plus fortes dans le premier et le troisième modèle de formation, le troisième modèle ayant d’ailleurs du mal à trouver sa place dans le paysage des formations. Historiquement, elle situe à la fin de la Première Guerre mondiale les débuts de la féminisation des écoles d’ingénieurs. Mais c’est à partir des années 1960, avec l’ouverture aux femmes des concours des écoles formant les grands corps de l’État (École polytechnique en 1970), et la création de nouvelles écoles d’accès socialement plus ouvert (INSA, ENI) que la féminisation arrive, pleinement aboutie seulement dans les écoles spécialisées en chimie et en agronomie (p. 103). L’École polytechnique féminine a joué un rôle historique dans cette féminisation, étudié par Biljana Stevanovic (2013). Mais au total, la féminisation des écoles reste relative. À la différence d’autres secteurs professionnels comme les écoles de commerce (aujourd’hui appelées business schools), la médecine ou le droit, la parité est encore loin d’être acquise dans les filières d’ingénieurs.
3.2. La prise en compte des enjeux sociétaux et la place des sciences humaines et sociales dans les écoles
35 Les recherches sur les formations d’ingénieurs n’interrogent pas les contenus techniques des formations au regard de la dimension sociale du métier. C’est surtout la place des sciences humaines et sociales dans les curricula qui se trouve interrogée comme un révélateur des finalités éducatives des formations, sur le plan des conceptions du progrès et de la société. La question de la place et du rôle des sciences humaines et sociales dans la formation des ingénieurs constitue ainsi un objet d’étude spécifique et récurrent (Chosson et Gueneau, 1996 ; Bardel-Dedonain et Chaix, 1998 ; Lemaître, 2003, 2014 ; Roby, 2014 ; Audran, 2016). C’est probablement que les sciences humaines et sociales jouent, dans les curricula d’ingénieurs, un rôle politique dans la définition du rôle social de l’ingénieur et des compétences attendues des diplômés, les objectifs de formation humaine et de formation technique pouvant d’ailleurs entrer en tension (Cuche, 1991). Dès le début de l’histoire des grandes écoles, les humanités ont joué un rôle dans les mécanismes de la distinction, la culture générale constituant un attribut de la classe dominante des ingénieurs, par rapport aux ingénieurs spécialisés dans des champs étroits de la technique (Lemaître, 2003).
36 Les orientations données aux enseignements en sciences humaines et sociales dans les écoles représentent les types d’ingénieurs que l’on cherche à former : dirigeants d’entreprise disposant d’une culture de large spectre, ingénieurs de terrain gérant les systèmes sociotechniques, innovateurs épanouis, etc. La formation humaine et sociale des ingénieurs s’est ainsi construite autour de trois objectifs concurrents et complémentaires, celui de la conscience réflexive et de la culture, celui du développement personnel, et celui de l’adaptation socioprofessionnelle (ibid.).
37 S’intéressant aux conceptions des sciences humaines et sociales qui ont traversé l’histoire des écoles, Catherine Roby (2014) met en évidence les visions de l’ingénieur, les orientations du progrès technique et les volontés de transformation de la société qui se cachent derrière les armatures curriculaires. Les programmes proposés par les écoles sont fortement liés à leur histoire, leur positionnement social, leur environnement, à leurs enseignants et dirigeants. La chercheure s’intéresse ainsi au développement progressif des sciences humaines et sociales dans les écoles, révélateur à ses yeux des épistémologies et des courants de pensée spécifiques à ce milieu, notamment à partir de l’influence de Frédéric Leplay. Dans cette même perspective, Luc Rojas (2017) montre l’influence d’un autre ingénieur célèbre en son temps, Henri Fayol, qui plaide au début du xxe siècle pour le développement, chez les ingénieurs civils dédiés au monde industriel, de la culture générale et d’une capacité à comprendre les mécanismes sociaux des entreprises.
38 Les sciences humaines et sociales jouent pour les écoles d’ingénieurs un rôle réflexif, en permettant de penser les finalités des formations et le rôle des écoles dans la société. Les savoirs construits par ces sciences constituent des références pour l’orientation des formations, comme c’est le cas pour l’éthique des ingénieurs étudiée par Christelle Didier (Didier, 2008 ; Didier et Huët, 2008). L’expertise scientifique sur les formations d’ingénieurs s’est construite en partie à l’intérieur même des institutions, par les équipes de chercheurs qui s’y trouvaient (Sonntag, Lemaître, Fraysse, Becerril et Oget, 2008). C’est ce qui explique aussi probablement l’intérêt de la recherche pour cette question. Les contenus scientifiques et techniques des formations ne font pas l’objet de tels enjeux politiques, dans la mesure où ils correspondent à l’état des connaissances et à l’avancée des techniques. Même si Bot (2007) met en lumière certains enjeux épistémologiques des orientations curriculaires scientifiques dans les écoles d’ingénieurs, de manière générale les enseignements techniques sont abordés sous l’angle de la didactique, dans l’objectif de savoir comment il faut enseigner. Il en est de même, à quelques exceptions près, des revues internationales de langue anglaise dédiées à la formation des ingénieurs, déjà citées (Journal of Engineering Education, International Journal of Engineering Education, European Journal of Engineering Education) ; ces revues traitent des systèmes de formation dans d’autres pays et, dans le domaine scientifique, des manières d’enseigner les disciplines, les concepts ou les savoir-faire. Dans la littérature, la dimension technique de l’enseignement n’est donc que faiblement contextualisée sur le plan social et politique.
39 Pour autant, la conception que l’on se fait du travail technique de l’ingénieur relève d’enjeux sociétaux. Une question émerge, celle des finalités de la formation. Comme le constatent les travaux de nature historique (voir partie 1), l’apparition de l’ingénieur est fortement liée au développement de la modernité, à partir de la Renaissance en Europe et du développement des sciences et des techniques. Après les espoirs du positivisme, la Révolution industrielle, puis le désenchantement amorcé à la fin du xixe siècle à l’égard de la technique, après les guerres, les crises économiques et le taylorisme, la figure de l’ingénieur connaît aujourd’hui des recompositions à l’heure de la société numérique, de la mondialisation et des défis techniques nouveaux liés au respect de l’environnement. La question de savoir quel type d’ingénieur former commence à émerger dans la recherche finalisée. Joëlle Forest, Marianne Chouteau et Cécile Nguyen (2011) proposent de dépasser le modèle classique de formation dévolu aux seules applications techniques, dans une logique de résolution de problèmes. Elles en appellent à une formation tournée vers l’innovation sociotechnique, abordant les questions de manière holistique, à l’appui des sciences humaines et sociales pour garantir la dimension réflexive sur l’innovation. Les sciences humaines et sociales ne sont plus là comme un supplément d’âme ou un outil d’insertion professionnelle, mais elles participent alors du travail même de l’ingénieur, dans son cœur de métier. Un ouvrage collectif récent (Lemaître, 2018), issu d’un programme de recherche sur les formations des ingénieurs à l’innovation en Europe et dans quelques pays émergents historiquement liés, montre comment la dimension sociale est de plus en plus associée à la dimension technique dans les curricula des écoles d’ingénieurs, traversées néanmoins par des tensions entre les logiques de marché et des logiques humanistes.
Conclusion
40 Le système de formation des ingénieurs en France apparaît comme relativement singulier dans l’enseignement supérieur et la formation des adultes, fortement structuré autour du système des écoles. Créées pour les premières à l’époque classique, puis tout au long de la Révolution industrielle, du xxe siècle et jusqu’à aujourd’hui, elles continuent de se transformer pour répondre aux attentes sociales et économiques de leur époque. Le lien entre la profession (au sens de groupe professionnel) et le système des écoles demeure très fort.
41 L’internationalisation du marché de l’enseignement supérieur et la mise en concurrence accrue des écoles conduisent ces dernières à repenser et à diversifier leur offre curriculaire, tout en essayant de maintenir leurs spécificités. Les phénomènes de segmentation et de hiérarchisation, mis au jour par la sociologie des élites, sont à relier à d’autres phénomènes de tensions entre des finalités éducatives liées aux nouveaux rôles socio-économiques des ingénieurs et à la prise en compte des impératifs éthiques et du développement durable.
42 À travers les questions de formation, le contexte contemporain questionne la figure de l’ingénieur français et européen qui s’est imposée depuis la Renaissance comme incarnant les valeurs du progrès technique au service de la société, puis reléguée par l’organisation taylorienne à des rôles spécialisés de cadre technique. Le passage général de l’idée de progrès à l’impératif d’innovation, couplé à la révolution numérique et aux nouveaux défis sociétaux, rendent nécessaire l’adaptation forte et rapide des systèmes de formation des ingénieurs. Au-delà des phénomènes sociohistoriques classiquement étudiés, c’est la question des finalités éducatives qui semble dominer aujourd’hui toutes les investigations actuelles autour de l’organisation des formations, des formes de sélection et d’orientation des étudiants, de structuration des curricula, des pratiques pédagogiques et de l’offre en formation continue. Les tensions entre des objectifs de développement industriel au service des marchés mondialisés, des objectifs de prise en compte des problèmes globaux (dans leurs dimensions techniques, économiques, sociales, environnementales, éthiques, politiques), des objectifs de développement du bien-être des cadres au sein des entreprises, des objectifs de valorisation de l’image des diplômés et des écoles, etc., configurent fortement les politiques des institutions de formation. Elles offrent à la recherche des pistes d’exploration nouvelles pour comprendre les évolutions en cours dans les systèmes de formation des ingénieurs.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : ingénieur, école d’ingénieurs, professionnalisation
Mise en ligne 11/07/2018
https://doi.org/10.3917/savo.047.0011Notes
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