Max Weber est décédé le 14
juin 1920. Le centenaire de
sa mort devait donner lieu à
la tenue de nombreux colloques de par
le monde. En raison de la pandémie du
Covid-19, ces colloques ont été dans
leur grande majorité déprogrammés,
remis dans les meilleurs des cas à l’année 2021, sans certitude quant à la possibilité de les tenir. Piètre compensation à ce report, le nom de Max Weber
a été fréquemment invoqué en France
depuis janvier dernier, et jusqu’à tout
récemment, dans des lieux très différents des milieux académiques : par des
représentants du personnel politique et
par des journalistes. La référence est
toujours la même, et elle se limite à une
formule : l’État possède le monopole
de la violence légitime. L’usage qui a
été fait de cette référence repose sur un
profond malentendu, je vais y revenir.
Mais avant même d’expliquer ce que
cette trop fameuse définition de l’État
moderne (et de lui seul) signifie chez
Weber, on peut s’interroger sur ce que
veulent dire les politiques ou les journalistes quand ils la citent, au demeurant de façon tronquée.
On connaît le contexte. L’enjeu est
la justification des violences commises
ces dernières années par les forces de
l’ordre en France lors de manifestations dont la police est supposée assurer la possibilité et la sécurité : manifestations contre la loi El Khomri en 2016,
manifestations des gilets jaunes depuis
l’automne 2018, contre la réforme des
retraites en 2019-2020, etc. Dans un
État dont le système politique limite
drastiquement l’éventail de la représentation des citoyens, rendant pratiquement impossible une opposition
parlementaire efficace, et où la concertation entre le gouvernement et les syndicats est souvent fictive, il n’est rien
d’étonnant à ce que la contestation des
réformes par ceux qui auront probablement à en souffrir se fasse dans la rue…