Couverture de SPUB_205

Article de revue

Facteurs d’adhésion et utilisation des Mutuelles de Santé (MS) : région Ziguinchor au Sénégal

Pages 563 à 570

Notes

  • [1]
    La pyramide médicale est le processus circulaire défini par l’État en collaboration avec les MS, qui oblige les malades membres des MS à passer par les cases de santé, ensuite par les postes et centres de santé avant d’aller à l’hôpital.
  • [2]
    La satisfaction dans ce cadre ne concerne qu’un seul aspect, c’est-à-dire la guérison de la maladie après avoir reçu le traitement.

Introduction

1La santé, tout comme l’éducation, a un impact significatif sur le développement économique [1]. Selon le document stratégique national de financement de la santé du ministère de la santé du Sénégal, la part du budget consacrée à la santé n’était que de 8 % du budget national en deçà des 15 % recommandés par l’OMS. Les collectivités locales ne participaient que de 1 % au financement de la santé du fait de leurs ressources limitées. Les partenaires techniques au financement participaient pour 13 %. Les dépenses privées de santé qui recouvraient les dépenses des ménages et des entreprises étaient évaluées à 52 % [2]. Pour aider les populations à sortir de cette situation de pauvreté entretenue, l’objectif du développement Durable 3.8 (ODD) a pour but « de faire en sorte que chacun bénéficie d’une couverture sanitaire universelle comprenant une protection contre les risques financiers et donnant accès à des services de santé essentiels de qualité et à des médicaments et vaccins essentiels, sûrs, efficaces et à un coût abordable ». Pour l’Afrique en particulier, les initiatives se sont multipliées pour assainir le secteur de la santé et réduire la pauvreté. À l’orée des bilans de ces politiques et programmes, le constat est moins encourageant et l’Afrique reste le continent où le taux d’accès aux soins de santé est le plus faible (8,2 %) [4]. Dans le même sens, le Sénégal aussi avait mis en place, les Mutuelles de Santé (MS) à travers la loi n° 2003-14 du 4 juin 2003 [7]. L’objectif de cette étude était d’identifier les facteurs qui expliquent l’adhésion et l’utilisation des MS et de formuler des recommandations d’actions qui permettraient d’inciter la population à la base à adhérer davantage aux MS dans la région de Ziguinchor au Sénégal.

Méthode

2L’étude a porté sur toutes les populations de la région de Ziguinchor concernées par les MS à base communautaire. La région était composée de trois départements et comptait 641 253 habitants (ACMU, 2017). Notre population cible est estimée à 435 471 après avoir soustrait de l’effectif total les populations non concernées, notamment les personnes âgées de 0 à 5 ans (99 316), les plus de 60 ans (35 928), les personnes liées aux Institutions de Prévoyance Maladies (IPM), l’imputation budgétaire et autres Assurances (70 538). Les informations recueillies auprès des services des soins infirmiers nous avaient permis d’estimer le nombre annuel des patients du centre hospitalier régional de Ziguinchor à 63 756 et à 43 206 pour l’Hôpital de la Paix.

Calcul de la taille de l’échantillon

3En vue de déterminer la taille de l’échantillon qui respectait les conditions de l’inférence statistique, nous avions défini une marge d’erreur de 5 %. Cette marge d’erreur implique un niveau de confiance de 95 %, qu’avec cette taille de l’échantillon retenu, les résultats issus des estimations devraient refléter approximativement ceux de la population-mère ; ce qui certifie que l’échantillon est bien représentatif de l’ensemble des populations de la région définie. Dans le cadre de cette étude, la population-mère était connue et, selon le théorème de la loi normale centrée et réduite, quand un échantillon aléatoire de taille n est supérieur à 30, la distribution de l’échantillon suit une loi normale N de moyenne p et d’écart type σ(p) avec :

5En admettant l’hypothèse de l’échantillon avec remise, on a : t* σ(p) ≤ L avec t le taux de confiance que nous établissons à 95 % (implique que t = 1,96) et L la marge d’erreur définie à 5 %. On obtient ainsi la formule de la taille de l’échantillon :

7P étant le taux d’adhésion de la population aux MS dans la région. D’après l’ACMU régionale de Ziguinchor, il s’établirait à 39,9 % (environ 0,4).

8D’après les calculs, la taille minimale de l’échantillon s’établit à 369. À ce chiffre, nous faisons une pondération en ajoutant une marge de 10 % pour tenir compte des non-réponses ou des erreurs d’enregistrement. Ceci nous a permis de déterminer la taille de l’échantillon à 405 participants.

Répartition de l’échantillon dans les départements et dans les hôpitaux

9Par rapport aux effectifs des départements et des hôpitaux, nous avions interrogé les 73 % des patients de l’échantillon total à l’Hôpital Régional et les 27 % restants à l’Hôpital de la Paix. Ensuite, nous avons interrogé également 54 % des patients de l’échantillon dans le département de Ziguinchor, 36 % dans le département de Bignona et 10 % dans le département d’Oussouye.

Déroulement de l’enquête sur le terrain

10Nous avons utilisé le logiciel sphinx pour faire la saisie et la codification des données. Nous avons travaillé sur la base de questionnaire standardisé.

Choix des variables et du modèle utilisé

11L’analyse descriptive de l’enquête avait permis d’avoir un aperçu des facteurs susceptibles d’influencer l’adhésion et l’utilisation des MS. Elle avait permis également de voir le taux d’adhésion par rapport aux différentes caractéristiques analysées précédemment. Pour approfondir les analyses en vue d’identifier les facteurs liés à l’adhésion et à l’utilisation des MS, nous avions réalisé la modélisation économétrique. Elle était composée de la modalité « oui » si le patient est membre MS et « non » dans le cas contraire. La variable dépendante étant une variable qualitative binaire avec deux modalités et les variables explicatives soit qualitatives soit quantitatives, le modèle logistique a été choisi pour l’analyse des données.

L’analyse de la régression

12Pour capter tous les effets possibles des variables explicatives, nous avions procédé à l’ajustement du modèle afin de sélectionner le meilleur modèle par rapport aux données. Pour ce faire, nous avions réalisé le test d’ajustement de Khi2, ce qui avait permis de sélectionner le modèle final dont les résultats sont présentés dans le tableau I. Les résultats issus des estimations montrent que ni le revenu, ni l’appartenance associative, ni la présence d’enfants dans le ménage, ni l’âge des patients, ni la satisfaction liée aux traitements reçus, ni les délais d’attente ne sont significatifs. Pour confirmer les résultats de l’estimation, nous avions établi un modèle de robustesse. L’analyse de ce dernier confirme les résultats précédents. Ainsi, dans le cadre de cette étude, les résultats des estimations ont montré que les variables précitées n’ont aucun impact significatif sur l’adhésion aux MS.

Tableau I

Les caractéristiques socio-économiques des patients enquêtés

CaractéristiquesMembreNon-membreTotal
(%)
Sexe
 Féminin24,1575,8560,46
 Masculin20,9279,0839,54
Situation matrimoniale
 Célibataire15,3884,6233,16
 Concubin.e01000,26
 Divorcé.e30,7769,236,63
 Marié.e27,0372,9757,4
 Veuf/Veuve10902,55
Niveau d’études
 Aucun13,6486,3616,84
 École coranique257510,2
 Primaire15,5684,4411,73
 Secondaire24,3975,6142,35
 Universitaire31,0868,9218,88
Statut socioprofessionnel
 Agriculteur/Éleveur26,4773,538,67
 Artisan7,6992,313,32
 Autres22,2277,7811,48
 Commerçant208027,3
 Employé(e) (privé.e)36,1163,8918,62
 Étudiant.e/élève18,9281,0818,88
 Ménagère17,3982,6111,73
Appartenance associative
 Dans le passé27,572,511,8
 Non20,1679,8438,35
 Oui28,1471,8649,85
Revenu des patients
 Moins de 3015,5284,4829,59
 ]30-60]24,4675,5414,54
 ]60-100]26,5673,443,06
 ]100-200]28,0771,9335,97
 ]200-500]33,3366,6716,58
 Plus de 50001000,26

Les caractéristiques socio-économiques des patients enquêtés

Résultats

13L’analyse des résultats a été effectuée en deux parties : la première partie concerne l’analyse descriptive, et la seconde partie l’analyse économétrique à travers la régression logistique.

Caractéristiques socio-économiques des patients

14D’après l’analyse des résultats issus de l’enquête, les femmes représentaient 60 % de l’échantillon contre 40 % des hommes. Le taux d’adhésion chez les femmes était légèrement supérieur (24 %) à celui des hommes qui était de 21 %. Dans l’échantillon, les patients mariés étaient majoritairement représentés (57 %), suivis par les célibataires (33 %). Par contre, le taux d’adhésion était plus élevé chez les divorcés (31 %) qui ne représentaient que 7 % de l’échantillon total.

15L’analyse descriptive des résultats a montré que le taux d’adhésion évolue progressivement selon les niveaux d’études. Ainsi, les patients qui disposaient d’un niveau universitaire présentaient le taux d’adhésion le plus élevé (31 %), suivis par les patients du niveau secondaire (24 %), du niveau primaire (16 %) et ceux qui ne disposaient d’aucun niveau d’études, à l’exception de ceux issus de l’école coranique, qui avaient un taux d’adhésion de 14 %.

16Dans ce cadre, la majorité (36 %) des patients interrogés avaient déclaré avoir un revenu mensuel compris entre 100 000 et 200 000 FCFA, et étaient suivis par des patients ayant déclaré un revenu inférieur à 30 000 FCFA par mois (30 %). Tout comme l’éducation, les résultats ont montré également un taux d’adhésion linéaire au revenu. En effet, les patients ayant déclaré un revenu mensuel compris entre 200 000 et 500 000 FCFA présentaient le taux d’adhésion le plus élevé (33 %) et étaient suivis par les patients disposant d’un revenu mensuel compris entre 100 000 et 200 000 FCFA (28 %). Ensuite, les patients ayant un revenu compris entre 60 000 et 100 000 FCFA (27 %), suivis par les patients ayant un revenu compris entre 30 000 et 60 000 FCFA (24 %), et enfin, par les patients disposant d’un revenu mensuel inférieur à 30 000 FCFA (16 %).

17Par ailleurs, une analyse réalisée par rapport au consentement à payer les cotisations annuelles des non-membres aux mutuelles a montré que ce consentement est fonction du revenu des patients enquêtés. Quand le revenu des patients augmente, leur consentement à payer les cotisations aux MS augmente aussi. L’ensemble des résultats sur les caractéristiques socio-économiques des patients interrogés sont présentés dans le tableau I.

Facteurs démographiques des patients

18Dans l’ensemble de l’échantillon de cette étude, la taille moyenne des ménages était de 10 personnes et d’un maximum de 30 personnes pour les familles de taille plus élevée. Les patients interrogés avaient dans leurs familles en moyenne deux enfants de moins de cinq ans et également, en moyenne, deux personnes âgées de plus de 60 ans. L’âge moyen des patients était de 34 ans.

Facteurs liés à l’utilisation des MS

19Dans la région de l’étude, le taux d’adhésion est de 40 % selon les autorités responsables de la gestion de la politique d’Assurance Maladie Universelle. D’après l’analyse des résultats issus de notre enquête réalisée auprès des patients des hôpitaux de la région, ce taux était inférieur (23 %) au taux de la région. Cette situation s’expliquerait sans doute par le fait que la population jeune (étudiants et élèves) majoritairement couverte était moins représentée dans les hôpitaux concernés par l’étude. Concernant les patients qui ne disposaient d’aucune couverture maladie (77 % de l’échantillon), 53 % parmi eux déclarent n’avoir jamais entendu parler de la couverture maladie universelle ou communautaire. Le reste (47 %) en avait au moins une fois entendu parler soit dans les médias, soit par des proches, soit dans les hôpitaux. Parmi les patients ayant entendu au moins une fois parler des MS, 67 % déclaraient n’avoir pas d’informations claires sur les processus d’adhésion, les prix, l’endroit et le contenu du programme. Le reste (33 %) déclaraient n’avoir pas confiance dans les MS parce que certains centres de santé et pharmacies refuseraient les carnets des membres ou que les procédures seraient trop longues ou que « Le programme n’avance plus parce que l’État ne donne plus de financement ». Par contre, parmi les adhérents aux MS, 97 % en avaient une bonne perception et leur faisaient confiance. Le respect de la pyramide médicale [1] convenait à la majorité (64 %) des patients enquêtés. Selon ces derniers, les postes de santé avaient un bon accueil et disposaient de moins de patients, ce qui réduirait les délais d’attente. À l’inverse, les 36 % restants affirment qu’il y aurait des cas d’urgence ou des risques de gravité des maladies ou même de mort si l’on veut respecter la pyramide médicale définie. Nous présentons les détails de ces résultats dans le tableau II.

Tableau II

Les facteurs liés à l’utilisation des MS

CaractéristiquesFréq.%
Appartenance à une MS
 Non30077,12
 Oui8922,88
Motifs de non appartenance aux MS
 Autres13746,60
 Ne connaît pas les MS15753,40
Raisons de non adhésion aux MS
 Procédures trop longues21,52
 Désistement10,76
 Les pharmacies refusent les carnets21,52
 Manque d’info8866,67
 Manque de confiance3022,73
 Manque de moyen32,27
 Programme arrêté53,79
 En cours10,76
Moyens d’information sur les MS
 Autres1712,98
 Sensibilisation en masse139,92
 Un Membre aux MS2821,37
 Les médias2720,61
 Un proche4635,11
Perception des membres aux MS
 Bonne9984,62
 Mauvaise43,42
 Très bonne1411,97
Préférence des modes d’adhésion des membres aux MS
 Individuel108,70
 Familial9986,09
 Groupe (Associatif)65,22
Respect de la pyramide médicale
 Non2136,21
 Oui3763,79

Les facteurs liés à l’utilisation des MS

Facteurs liés aux prestations de soins

20Dans le cadre de cette étude, les résultats obtenus selon la satisfaction varient légèrement d’un centre à l’autre et d’un service à l’autre. Les résultats des analyses descriptives montraient que la majorité (95 %) des patients de la région de l’étude, disposaient d’un service de santé à moins de cinq km de leur domicile. Le taux d’adhésion aux MS suivait également les distances par rapport aux domiciles des patients. Ainsi, les patients disposant d’un centre de santé à moins de deux kilomètres de leurs domiciles enregistraient le taux d’adhésion le plus élevé (27 %), et étaient suivis par les patients qui disposaient d’un centre de santé entre deux et cinq kilomètres de leurs domiciles (19 %). Les patients dont les domiciles étaient à plus de 10 kilomètres d’un centre de santé n’étaient pas membres des MS.

21En ce qui concerne les prestations de services et de soins, les patients interrogés ne doutaient nullement de la compétence des prestataires de soins. La plupart (84 %) des patients interrogés avouaient que les prestataires de soins maîtrisaient leur travail et qu’ils étaient donc compétents. Les patients qui pensaient que les prestataires de soins étaient très compétents (25 % de l’échantillon global), présentaient un taux d’adhésion de 44 %, alors que ceux qui pensaient que les prestataires n’avaient aucune compétence n’étaient pas membres des MS. Dans le même sens, la majorité des enquêtés (85 %) étaient satisfaits [2] des traitements reçus. Le taux d’adhésion ne présentait pas de différences significatives par rapport à la satisfaction qui était de 23 % pour les patients satisfaits et de 21 % pour les non satisfaits. En ce qui concerne la satisfaction globale, la majorité des patients interrogés déclaraient ne pas être satisfaits ; 55 % d’entre eux affirmaient que les délais d’attente sont trop longs et qu’ils étaient mal accueillis. À l’inverse de la satisfaction par rapport aux traitements, les taux d’adhésion ici étaient fonction de la satisfaction par rapport aux délais d’attente des patients. Les patients qui affirmaient que les délais d’attente sont courts (3 % de l’échantillon global) présentaient un taux d’adhésion de 38 % et étaient suivis par ceux qui affirmaient que les délais d’attente sont normaux avec un taux d’adhésion de 29 % ; ceux qui affirmaient que les délais d’attente étaient trop longs présentaient un taux d’adhésion de 18 %. Parmi les personnes enquêtées, 71 % affirmaient que les inégalités existaient comme partout ailleurs, mais qu’elles ne constitueraient pas un problème pour leur prise en charge. Ces derniers présentaient à contrario un taux d’adhésion de 22 %. Cela s’expliquerait sans doute par le fait que ces inégalités pouvaient exister mais n’étaient visibles que quand on avait une prise en charge, et que les patients qui disposaient d’une prise en charge étaient plus exigeants et qu’ils attendaient des prestations de soins supérieures à celles qu’ils recevaient. Le tableau III présente l’ensemble de ces résultats.

Tableau III

Les facteurs liés aux prestations de soins

CaractéristiquesMembreNon membreTotal (%)
Distance au centre de santé le plus proche
 Moins de 226,5873,4256,89
 ]2-5]19,3380,6738,78
 ]5-10]7,6992,313,32
 ]10-20]01000,51
 Plus de 2001000,51
Compétence des prestataires de soins
 Aucune compétence01001,81
 Moyennement compétents17,8682,1414,51
 Compétents16,0783,9358,55
 Très compétents44,3355,6725,13
Satisfaction par rapport aux soins
 Oui23,3376,6784,87
 Non20,6979,3115,13
Inégalités par rapport aux prises en charge
 Oui29,2570,7528,57
 Non21,5178,4971,43
Délai d’attente
 Court38,4661,543,34
 Normal28,5771,4341,39
 Trop long17,8482,1655,27

Les facteurs liés aux prestations de soins

L’analyse de la régression

22Dans le cadre de cette étude les résultats des estimations ont montré que les variables précitées n’avaient aucun impact significatif sur l’adhésion aux MS. Concernant le revenu des ménages, les résultats des estimations n’avaient montré aucun lien significatif de ce dernier sur l’adhésion aux MS, en aucun niveau de revenu que ce soit. Concernant le niveau d’études, dans un premier temps, les résultats issus des estimations ne montraient aucun lien significatif entre ce dernier et l’adhésion aux MS. En second lieu, nous avions décomposé la variable niveau d’études en plusieurs variables, à savoir : la variable aucun niveau d’études, école coranique, niveau primaire, niveau secondaire et niveau universitaire. Les estimations réalisées avec ces dernières montraient seulement un effet significatif du niveau secondaire sur l’adhésion aux MS. Les patients qui disposaient d’un niveau d’études secondaires avaient 195 % de chance d’adhérer aux MS que les patients qui ne disposaient d’aucun niveau d’études.

23Dans le même sens les estimations des résultats issus de la régression logistique et du modèle robustesse montraient que les variables telles que la taille du ménage, la présence de personnes âgées dans le ménage, la perception et la confiance que les individus avaient dans les MS et le respect des longues procédures à suivre pour recevoir les soins avaient un impact significatif sur l’adhésion aux MS. L’impact significativement positif de la taille du ménage sur l’adhésion aux mutuelles montre que plus un ménage est de grande taille, plus il adhère aux MS.

24À l’inverse, la présence des personnes âgées de plus de 60 ans dans le ménage avait un impact significativement négatif sur l’adhésion aux MS. Dans le même sens, les résultats des analyses de données montraient un effet significativement négatif du respect de la pyramide médicale sur l’adhésion aux MS.

Discussion

25D’après la littérature, l’éducation tout comme le revenu étaient des variables clés qui expliqueraient l’adhésion aux MS. Assez documentée dans la littérature, l’éducation a un impact significatif sur la santé. Elle permet aux personnes hautement éduquées d’avoir un statut socio-économique élevé, améliore les capacités entrepreneuriales [9] et affecte les comportements de fécondité [10]. Par ailleurs, d’après une étude de Marshall et Clifton en 2016 [11], une année supplémentaire d’étude réduit à 5,95 % la mortalité maternelle au Malawi. Ainsi, les personnes disposant d’un niveau d’études élevé seraient susceptibles de disposer d’une couverture maladie et ainsi, adhérer plus au MS. Dans le cadre de cette étude, l’analyse descriptive avait montré que le taux d’adhésion aux MS était proportionnel au niveau d’études. Ainsi, les patients qui disposaient d’un niveau universitaire présentaient le taux d’adhésion le plus élevé (31 %). Après l’analyse approfondie avec la méthode de régression logistique, seul le niveau secondaire (42 % de l’échantillon) avait un impact significatif sur l’adhésion au MS. D’une manière globale, l’éducation n’avait aucun effet significatif sur l’adhésion aux MS. Ces résultats confirment l’étude de Kouakou [8] dans le Département de Kaffrine au Sénégal, l’étude de Ndiaye [12] menée en 2006 sur le développement des MS en Afrique et l’étude de Waelkens et Criel [3] (2004) réalisée sur les MS en Afrique Sub-Saharienne.

26Ensuite, l’analyse économétrique, à travers le modèle de la régression logistique, avait montré dans le cadre de cette étude que le revenu n’avait aucun impact significatif sur l’adhésion des ménages aux MS. Les résultats de l’analyse concernant le revenu sont intuitifs vu les faibles prix des cotisations qui s’élevaient à 3 500 FCFA par an. Enfin, ces résultats étaient en accord avec l’étude de Schneider et Diop [5] réalisée au Rwanda et l’étude d’Atim et Sock [4] réalisée au Ghana, qui non plus n’avaient trouvé aucun lien significatif entre le revenu et l’adhésion aux MS.

27Les facteurs liés à l’adhésion et à l’utilisation des MS dans le cadre de cette étude concernaient essentiellement le fonctionnement des mutuelles elles-mêmes. Parmi les patients non membres des mutuelles interrogés, 53 % ne connaissaient pas l’existence des MS et 67 % de ceux qui en avaient une fois entendu parler affirmaient ne pas avoir eu d’informations claires pour adhérer. De plus, certaines pharmacies et centres de santé refuseraient les carnets de certains membres des MS. Ces faits pourraient ainsi agir sur la perception des mutuelles par les membres et sur leur confiance en elles, qui se sont révélées significatives.

28Ensuite, la présence des personnes âgées de plus de 60 ans dans le ménage a un impact significativement négatif sur l’adhésion aux MS. Ce résultat, confirmé également par l’étude de Seck et al. [7] (2017), s’expliquerait sans doute par la mise en place des programmes de gratuité (Plan sésame) de l’État pour ces derniers. Dans l’étude de Gankpe (2018) [13], les facteurs comme la dynamique de groupe, le sentiment d’appartenance au groupe et la confiance dans les comités de gestion des mutuelles étaient les facteurs liés à l’adhésion ou non aux mutuelles de santé. A contrario, dans le cadre de cette étude, les analyses effectuées n’ont identifié aucun impact significatif entre les variables liées aux prestations des services de soins de santé et l’adhésion aux MS, comme l’insinue l’étude de Waelkens et Criel [3] (2004).

Conclusion

29Cette étude portant sur les facteurs liés à l’adhésion et à l’utilisation des MS présente d’énormes avantages. Elle a le mérite de fournir une plus large connaissance sur le fonctionnement des MS au Sénégal et d’identifier les facteurs qui pourraient constituer un frein à l’adhésion aux MS dans la région de Ziguinchor. Elle a fourni également des informations utiles pour aider les décideurs politiques locaux et les gestionnaires des mutuelles à améliorer le système de fonctionnement des MS pour une plus grande adhésion. Un programme d’information et de communication serait un atout pour une plus grande compréhension du fonctionnement des Mutuelles de Santé.

30Aucun conflit d’intérêts déclaré

Bibliographie

Références

  • 1
    Ulmann P. 5. La santé, facteur de croissance économique, dans Traité d’économie et de gestion de la santé. Paris, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), Hors collection, 2009;53-61. URL : https://www.cairn.info/traite-d-economie-et-de-gestion-de-la-sante--9782724611144-page-53.htm.
  • 2
    Document de stratégie national de financement de la santé - Ministère de la santé, Sénégal, 2017.
  • 3
    Waelkens MP, et Criel B. Les Mutuelles de Santé en Afrique Sub-Saharienne : état des lieux et réflexions sur un agenda de recherche. ISBN 1-932126-89-9 © 2004 The International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank 1818 H Street, NW Washington, DC 20433.
  • 4
    Atim C et Sock M. An External Evaluation of the Nkoranza Community Financing Health Insurance Scheme, Ghana. Technical Report No. 50. Bethesda, MD: Partnerships for Health Reform Project, Abt Associates Inc. 2000.
  • 5
    Schneider P et Diop F. Synopsis of Results on the Impact of Community-Based Health Insurance on Financial Accessibility to Health Care in Rwanda. HNP discussion paper series; World Bank, Washington, DC. © World Bank. https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/13798 License: CC BY 3.0 IGO. 2001.
  • 6
    Loi n° 2003-14 du 4 juin 2003 relative aux mutuelles de santé. 2003.
  • 7
    Seck I, Dia AT, Sagna O et Leye M. Déterminants de l’adhésion et de la fidélisation aux mutuelles de santé dans la région de Ziguinchor (Sénégal). Santé Publique 2017;29:105-14. DOI : 10.3917/spub.171.0105.
  • Kouakou K. E. Analyse des facteurs déterminant l’adhésion des populations aux mutuelles de santé communautaires : cas de cinq mutuelles de santé encadrées par World Vision Sénégal dans le Département de Kaffrine. Institut supérieur de management en santé. 2011.
  • 8
    Jiménez A. et al. The impact of educational levels on formal and informal entrepreneurship. BRQ Bus. Res. Q. 2015;18:204-12. https://doi.org/10.1016/j.brq.2015.02.002.
  • 9
    Hobcraft J. Women’s education, child welfare and child survival: a review of the evidence, health transition review 1993;3(2).
  • Marshall M et Clifton M. The Causal Effect of Increased Primary Schooling on Child Mortality in Malawi: Universal Primary Education as a Natural Experiment. Social Science &Medicine. novembre 2016;168:72-83. https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2016.09.003.
  • 10
    Ndiaye P. Développement des mutuelles de santé en Afrique : une analyse comparative des approches et de leurs impacts. 2006.
  • 11
    Gankpe G F. Les mutuelles de santé reproduisent-elles les inégalités de santé au Bénin. Santé Publique. 2018;30(3):389-96.

Mots-clés éditeurs : Sénégal, Ziguinchor, adhésion, mutuelles de santé

Date de mise en ligne : 11/03/2021.

https://doi.org/10.3917/spub.205.0563

Notes

  • [1]
    La pyramide médicale est le processus circulaire défini par l’État en collaboration avec les MS, qui oblige les malades membres des MS à passer par les cases de santé, ensuite par les postes et centres de santé avant d’aller à l’hôpital.
  • [2]
    La satisfaction dans ce cadre ne concerne qu’un seul aspect, c’est-à-dire la guérison de la maladie après avoir reçu le traitement.
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