Notes
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[1]
Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.
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[2]
Pomey M.-P., et al. Le « Montréal model » : enjeux du partenariat relationnel entre patients et professionnels de la santé, Santé Publique 2015/HS (S1), pages 41 à 50.
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[3]
Gross O. L’engagement des patients au service du système de santé, Paris, Edition John Libbey Eurotext, La personne en Médecine, 2017, 156 p.
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[4]
Gross O., et al. Un département universitaire de médecine générale au défi de la démocratie en santé : la formation d’internes de médecine générale par des patients-enseignants, Revue française des affaires sociales 2017/1, pages 61 à 78.
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[5]
Flora L., et al. L’application d’un modèle intégré de partenariat-patient dans la formation des professionnels de la santé : vers un nouveau paradigme humaniste et éthique de co-construction des savoirs en santé, Journal international de bioéthique et d’éthique des sciences 2016/1-2 (Vol. 27), pages 59 à 72.
1La dernière phrase de l’article 3 de la dernière loi de santé [1] inscrit dans le droit positif une nouvelle approche de l’enseignement de la médecine au sein des Facultés de médecine françaises ; ces dernières sont incitées à « favoris(er) la participation des patients dans les formations pratiques et théoriques ». Et si cette phrase qui modifie l’article L. 632-1 du code de l’éducation constituait l’avancée la plus significative de cette loi ?
2Pourquoi ces quelques lignes retiennent-elles notre attention ? Parce qu’elles font écho à des constatations épidémiologiques et sociétales.
3Les acteurs de santé soulignent en général l’accroissement du nombre de personnes concernées par une ou plusieurs maladies chroniques. Ces personnes malades souhaitent une évolution de leur relation de soin vers un réel partenariat avec les professionnels. Ainsi, les demandes de la population changent, et la société doit se donner les moyens de mieux les entendre. Les patients et leur entourage acquièrent au fil du temps, du fait de leur état chronique, une expérience – un savoir expérientiel, mais pas seulement – des traitements, des soins, des ressources professionnelles et associatives et des parcours les plus adaptés à leurs situations.
4Les patients s’accordent à dire que leurs parcours de soin se complexifient car ils nécessitent une mobilisation et une coordination de nombreux professionnels de santé de la ville et de l’hôpital, de spécialités différentes, et des professionnels du social et du médico-social, selon des temporalités différentes. Malgré la complexité et les écueils de l’écosystème de santé, leur survie, pour certains, et leur qualité de vie, pour tous, dépend de leur capacité à mobiliser stratégiquement les ressources disponibles et à mettre en lien les acteurs de santé qui ne dialoguent pas, plus ou pas assez entre eux.
5Dans ce contexte, l’enjeu de l’adhésion et de l’accompagnement des patients au projet de soins se pose avec acuité ; une démarche partenariale [2] doit pouvoir s’engager avec eux : recueil des attentes, des besoins et des expériences de soins, co-construction de programmes d’éducation thérapeutique, d’actions d’accompagnements, etc.
6Les médecins aussi font face à des malades connectés et mieux informés sur leurs droits comme sur les avancées médicales ; parfois membres d’association, s’appuyant sur des savoirs multiples, ces patients veulent pouvoir concilier vie professionnelle, vie familiale et vie avec la maladie.
7Ainsi les attentes des malades changent. À côté des innovations médicales (développements technologiques et innovations pharmaceutiques) et digitales (développement de l’intelligence artificielle, accès en ligne et sur un téléphone au dossier médical ou encore utilisation des données produites par les patients), « l’engagement des patients [3] » apparaît comme le troisième pilier de la transformation du système de santé. Cet engagement s’exprime notamment au sein des formations médicales.
8Des initiatives ont lieu, en ce moment même, au sein de facultés de médecine dans toute la France. Ce mouvement prend de l’ampleur dans un large mouvement scientifique, politique, législatif et économique. Le 2e colloque interuniversitaire sur l’engagement des patients dans les formations médicales, qui s’est tenu à Lyon le 10 octobre dernier, traduit cette tendance ; il est notamment important de souligner la présence de plus d’une quinzaine de patients partenaires d’enseignement à cette rencontre qui réunissait des médecins et des chercheurs acteurs de l’éducation médicale.
9Face à ces changements, les facultés de médecine se demandent comment, concrètement, intégrer des patients dans les formations médicales. De leur côté, des étudiants en médecine réclament que des patients participent à la conception d’une pédagogie innovante intégrant les enjeux de la relation de soin et, plus largement, ceux de la perspective des patients.
10Comment intégrer les patients concrètement dans les cursus ? Selon quel cadre et quelle méthodologie partenariale ? Faut-il que les patients soient formés et/ou sélectionnés ? Et, si oui, selon quelles modalités et pour quels types d’enseignement : cours magistraux, enseignements dirigés, groupes d’analyse réflexive ? Comment rémunérer les patients enseignants ? Quelles « compétences patient » pour quelles compétences des futurs médecins ? Quels savoirs peuvent-ils enseigner ? Existe-t-il des catégories de savoirs patients ? À quel moment du cursus médical ces enseignements sont les plus propices ? Comment les associations de patients peuvent-elles contribuer à cet enseignement ? Pour répondre à ces questions, des travaux ont déjà été publiés en France [4] mais aussi à l’étranger [5].
11Un cadre a été donné, des initiatives ont été prises, une prise de conscience collective a eu lieu : tout est donc réuni pour que la formation médicale se transforme. Et voilà, peut-être, comment une petite phrase à la fin d’un article de Loi pourrait se révéler, à l’avenir, comme la plus grande mesure de cette loi de santé 2019.
Notes
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[1]
Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.
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[2]
Pomey M.-P., et al. Le « Montréal model » : enjeux du partenariat relationnel entre patients et professionnels de la santé, Santé Publique 2015/HS (S1), pages 41 à 50.
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[3]
Gross O. L’engagement des patients au service du système de santé, Paris, Edition John Libbey Eurotext, La personne en Médecine, 2017, 156 p.
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[4]
Gross O., et al. Un département universitaire de médecine générale au défi de la démocratie en santé : la formation d’internes de médecine générale par des patients-enseignants, Revue française des affaires sociales 2017/1, pages 61 à 78.
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[5]
Flora L., et al. L’application d’un modèle intégré de partenariat-patient dans la formation des professionnels de la santé : vers un nouveau paradigme humaniste et éthique de co-construction des savoirs en santé, Journal international de bioéthique et d’éthique des sciences 2016/1-2 (Vol. 27), pages 59 à 72.