1 Une mobilité toujours accrue et le plus souvent motorisée, une aspiration généralisée à produire plus en « s’inactivant » plus, le manque relatif de temps libre conduisent l’homme à adopter, avant tout par confort, par nécessité perçue, puis par habitude, des comportements sédentaires. Oubliée la sagesse antique associant étroitement le corps et l’esprit, nos comportements d’inactivité, non innés, sont acquis parfois dès le plus jeune âge. Si l’activité physique conduit généralement à un bénéfice sanitaire, l’inactivité quant à elle expose assurément à un risque.
2 L’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié récemment un travail d’expertise collective portant sur la révision des repères relatifs à l’activité physique et la sédentarité [1] dans le cadre de l’élaboration du fonds scientifique des recommandations du Programme National Nutrition Santé. Il est acquis que les comportements sédentaires et l’insuffisance d’activité physique font le lit de pathologies chroniques avec une étiologie certaine. L’analyse des données scientifiques les plus récentes a permis de mettre en lumière les mécanismes, jusqu’au niveau moléculaire, à l’origine des bénéfices sanitaires de l’activité physique et des risques liés à la sédentarité. Des recommandations adaptées ont été élaborées pour des populations cibles en référence à leur situation physiologique ; elles dépassent la simple approche hygiéniste pour être intégrées aux cadres et aux modes de vie.
3 En France, hors activité professionnelle, les adultes passent entre 3 h 20 et 4 h 40 par jour assis devant un écran, les enfants et les adolescents plus de deux heures. En Europe, un million de décès par an serait attribuable à l’inactivité physique : 8,3 millions d’années de vie corrigées de l’incapacité sont ainsi perdues en Europe [2]. Au-delà, l’activité physique contribue à une plus longue durée de vie en bonne santé : être actif permet de vivre plus longtemps, sans aucun doute, mais vivre mieux aussi.
4 Les données scientifiques sont suffisamment robustes pour considérer avec attention les effets de l’activité en matière de prévention de pathologies chroniques, parmi lesquelles certains cancers. Les bénéfices s’étendent bien au-delà du simple intérêt de l’augmentation de la dépense énergétique. Les effets systémiques, hormonaux ou métaboliques de l’activité physique, ses effets sur les rythmes circadiens et la qualité du sommeil en tant que facteurs préventifs sont insuffisamment évoqués alors même qu’ils sont parfaitement documentés [1]. En ce sens, l’approche calorique comptable est réductrice.
5 Certaines idées préconçues ainsi que des choix d’aménagement et organisationnels constituent des freins à l’évolution des comportements. Cesser d’adopter des comportements sédentaires, être « actif » n’est pas seulement « faire du sport ». L’activité physique recouvre à tort, dans son acception la plus courante, la seule pratique sportive, alors que l’activité physique inclut l’exercice et le sport. Cette acception fait aujourd’hui consensus [3]. C’est ainsi dans une multitude de contextes tels que ceux de la vie professionnelle, les transports, les activités domestiques et de loisirs que le temps potentiel d’activité cumulé est le plus grand. Toute occasion peut et doit être saisie pour s’« activer ». L’activité physique n’est pas liée à la seule activité sportive codifiée ou de dépense énergétique élevée. Elle doit s’entendre comme intégrée à toutes les activités sociales et individuelles pour espérer en tirer les plus grands bénéfices.
6 Et pourtant, moins de la moitié de la population peut être considérée comme active et chez les plus jeunes, un tiers seulement atteint les recommandations. Par ailleurs, le comportement sédentaire a pu être considéré dans le rapport de l’Anses distinctement de l’inactivité physique, avec ses effets propres sur la santé. L’évolution des recommandations tient aussi à cette distinction. Ces deux leviers sont ainsi à considérer : augmenter l’activité physique et réduire les comportements sédentaires. Les recommandations adressées à des populations spécifiques (enfants, personnes âgées ou présentant une limitation fonctionnelle d’activité) sont à présent appuyées sur des connaissances ayant gagné en robustesse [1] et font référence à des modalités plus encore qualitatives que quantitatives.
7 Ainsi, de forts enjeux apparaissent en tout contexte (milieu de travail, scolaire, domestique, loisirs et transports) et à tout âge. Les recommandations considèrent tous les types de sollicitation (cardio-respiratoire, renforcement musculaire, souplesse…) en identifiant toute occasion de pratique dans tous les temps de la journée. La réduction du temps total passé assis est visée en veillant de plus à écourter les temps de sédentarité continus par des ruptures fréquentes – recommandations récentes dont les effets sont aujourd’hui bien documentés. Les jeunes populations doivent faire l’objet d’une attention particulière à la fois pour des raisons physiologiques et éducatives. Créer un environnement favorable permettant à l’enfant d’atteindre a minima son niveau d’activité physique spontanée contribuera à éviter de faire du comportement sédentaire un comportement acquis.
8 Afin d’atteindre les objectifs individuels, de façon complémentaire, et parfois déterminante, il relève d’une responsabilité collective de proposer un environnement propice au mouvement – dans l’espace et le temps. Parmi les facteurs liés à l’environnement physique, le potentiel piétonnier comme l’aménagement de pistes cyclables, influencent sans aucun doute aujourd’hui favorablement les comportements. Certaines actions locales récentes en ont fait la preuve. Les modalités de prise en compte d’autres facteurs liés à l’environnement physique nécessitent d’être encore documentés : aménagements urbains, accessibilité et disponibilité des équipements… De même, la qualité de l’air et le bruit pourraient influencer les comportements : l’étude de ces effets combinés a été initiée par certains chercheurs et doit être encouragée. Conjointement, l’évaluation des actions en ce sens permettra également de tirer des enseignements en en facilitant la transposition des plus concluantes aux différentes zones géographiques et diminuant ainsi les inégalités géographiques, climatiques, et sociales observées [4].
9 Ce n’est donc plus uniquement un temps exclusivement dédié à l’activité physique qu’il faut viser mais toute occasion d’activité. Ainsi, nombre de recommandations ciblant des actions portant sur le cadre de vie sont adressées par l’Anses à chaque secteur d’activités concerné. Les bénéfices sanitaires du mouvement ne sont plus la préoccupation des seuls professionnels de santé ou de l’activité physique, mais, en synergie, de tous les acteurs de nos contextes de vie. Dès lors, la formation initiale et continue des professionnels concernés gagnerait à être décloisonnée.
10 C’est de toute évidence une approche nouvelle qui permettra de mettre en œuvre les recommandations de l’Anses. Une approche qui donne une valeur sociale à l’activité physique et se traduit par une volonté collective et partagée de créer un environnement propice au mouvement. Penser l’activité physique comme les conditions de la relation du corps à son environnement renvoie, de fait, à une approche intégrative. À ce titre, les objectifs ciblent à la fois une modification des comportements individuels et l’orientation des politiques d’aménagement du territoire, des conditions de travail et d’organisation des transports. C’est en ce sens qu’ils ont été formulés par l’Anses dans ses recommandations, à ce jour les plus récentes sur le sujet.
Références
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1Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Actualisation des repères du PNNS : révisions des repères relatifs à l’activité physique et à la sédentarité. Maisons-Alfort : ANSES; 2016. 584 p. (Avis de l’Anses-Rapport d’expertise collective). [Visité le 03/04/2016]. En ligne : https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2012SA0155Ra.pdf.
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2World health organization (WHO). Global recommendations on physical activity for health. Genève: WHO 2010. 60 p. [Visité le 03/04/2016]. En ligne http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/44399/1/9789241599979_eng.pdf.
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3Khan KM, Thompson AM, Blair SN, Sallis JF, Powell KE, Bull FC, et al. Sport and exercise as contributors to the health of nations. Lancet. 2012; 380 (9836]:59-64. doi : 10.1016/50140-6736(12)60865-4.
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4Caillavet F, Castetbon K, César C, Chaix B, Charrière H, Darmon N, et al. Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique. Paris : Inserm ; 2014. 750 p. (Expertise collective). [Visité le 03/04/2016]. En ligne : http://www.inserm.fr/mediatheque/infr-grand¬public/fichiers/thematiques/sante-publique/expertises-collectives/rapport-complet-ec-inegalites-sociales-de-sante-en-lien-avec-I-alimentation-et-I-activite-physique-mai-2014.