Introduction
1Les décideurs et financeurs des actions de prévention incitent, voire contraignent les promoteurs à fonder leurs actions sur des référentiels scientifiquement validés, des recommandations de bonnes pratiques et des résultats d’expertises collectives.
2Selon la direction de la recherche, de la formation et du développement de l’Institut national de santé publique du Québec [1], il existe un écart important entre les connaissances disponibles et leur utilisation sur le terrain. En France, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale affirme « qu’il existe un profond clivage entre les équipes de recherche qui produisent des données socio-épidémiologiques et les acteurs et décideurs de l’éducation pour la santé qui mettent en place les actions de prévention. Par ailleurs, les décisions prises au niveau national ne sont pas toujours adaptées aux perceptions et sensibilités locales » [2].
3Cette étude vise à identifier la place qu’occupent les recommandations de bonnes pratiques dans les actions menées par les acteurs de prévention et à formuler des propositions d’amélioration. Des acteurs de la prévention ont été consultés afin d’expliciter les fondements de leurs actions et de leurs modalités d’intervention, de mettre en évidence leurs stratégies de recherches d’informations, et de comprendre le rapport qu’ils établissent à la fois avec les recommandations de bonnes pratiques et avec l’enjeu de l’efficacité de leurs interventions. Pour mieux circonscrire cette problématique, le choix d’un thème de santé publique a dû être effectué ainsi que celui d’une région particulièrement concernée par la question.
Les jeunes et l’alcool en France et en Bretagne
4La consommation d’alcool chez les jeunes est mesurée en France par des enquêtes nationales ou régionales. Ainsi l’enquête ESCAPAD réalisée en 2008 par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies lors de la journée d’appel et de préparation à la défense des jeunes de 17 ans, montre que la consommation régulière d’alcool de cette population est en légère baisse depuis 2000 (8,9 % en 2008, vs 10,9 % en 2000) [3]. Cependant l’expérimentation des ivresses au niveau national est en augmentation (59,8 % en 2008 vs 56,4 % en 2001) et les disparités entre les régions sont fortes. Ce problème de santé publique est particulièrement marqué en Bretagne puisque cette région présente un rapport particulier à l’alcool et à la fête. Les innombrables festivals, fêtes d’étudiants et autres fest-noz sont autant d’occasions de s’adonner aux plaisirs d’une consommation d’alcool entraînant un sentiment de libération et d’oubli. Depuis le début des années 2000, le constat d’une augmentation de l’expérimentation des ivresses chez les lycéens (59 % en 2007, vs 51 % en 2001) [4] a fait partie des éléments qui ont alerté les pouvoirs publics et motivé une forte mobilisation. Les données régionales Escapad 2008 [5] montrent que, malgré des tendances globales orientées fortement à la baisse, les ivresses et les épisodes ponctuels sévères d’alcoolisation restent en Bretagne élevés et supérieurs aux moyennes nationales. Ainsi les ivresses répétées (au moins 3 fois par an) des jeunes de 17 ans sont passées de 48 % en 2005 à 39 % en 2008, mais restent encore supérieures à la moyenne nationale (25,6 %). Les épisodes répétés ponctuels d’usage excessif d’alcool (5 verres en une occasion au moins 3 fois par mois) sont supérieurs en Bretagne à la moyenne nationale de plus de 6 points (26 % vs 19,7 %). Selon l’Observatoire régional de la santé de Bretagne [4], les consommations précoces augmentent : en 2007, 27 % des moins de 14 ans déclarent boire de l’alcool de temps en temps, 13 % régulièrement, c’est-à-dire au moins une fois par semaine. En 2001, cette consommation régulière des jeunes de moins de 14 ans était de 11 %.
5Face à cette situation épidémiologique qui place la Bretagne en première position des expérimentations de l’ivresse et des ivresses répétées chez les jeunes [5], les acteurs de prévention régionaux multiplient les actions de prévention et de veille dans les établissements scolaires et l’espace public. Ainsi, en 2010, 261 actions ont été financées sur le volet addiction par l’Agence régionale de santé et la Mission interministérielle de lutte contre la délinquance et la toxicomanie. De son côté, entre 2005 et 2009, le Conseil régional de Bretagne a financé 135 actions de prévention des mesusages d’alcool. De même, selon le rapport d’activité des infirmières scolaires des établissements publics de l’Académie de Rennes, sur 334 actions de prévention des conduites addictives menées en 2007/2008, 98 concernaient les mésusages d’alcool. La question de la validité et de la qualité des actions financées et menées dans ce domaine, se pose donc de façon cruciale.
Méthode
Population étudiée
6Cette étude s’est intéressée aux organismes intervenant en prévention de l’abus d’alcool chez les jeunes en Bretagne et aux équipes éducatives des lycées publics, privés et agricoles mettant en œuvre des actions de prévention de la consommation excessive d’alcool auprès de leurs élèves. Un total de 21 structures ayant bénéficié d’un financement public d’une collectivité territoriale ou du Groupement régional de santé publique entre 2008 et 2010, ont ainsi été identifiées.
7Ces structures ont été choisies à l’issue d’un premier travail d’analyse des actions de prévention financées par des collectivités territoriales en raison de l’intérêt de leurs interventions auprès des jeunes, estimé à travers la grille Preffi 2.0 à partir des informations disponibles sur les fiches descriptives de projets fournies par les financeurs. Les projets obtenant le score le plus élevé étaient retenus et une rencontre avec les porteurs de projet était alors organisée. Les répondants étaient constitués de 25 professionnels diplômés dans leur secteur d’activité (travailleurs sociaux, infirmières, chargés de prévention) et expérimentés, car travaillant tous depuis au moins cinq ans dans le champ de la prévention en santé.
8Du côté des organismes développant des actions de prévention, on compte six associations de prévention, une compagnie de théâtre, deux mutuelles étudiantes, deux associations de réduction des risques en milieu festif et dans l’espace public, deux maisons des jeunes et de la culture, et une union régionale gérant tous les foyers de jeunes travailleurs de Bretagne.
9Du côté des établissements scolaires, les membres du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) de sept lycées généraux, techniques ou professionnels ont été rencontrés : quatre lycées publics, deux lycées privés sous contrat (enseignement catholique), un lycée privé agricole.
10Toutes ces structures ont pour mission de développer des actions d’éducation à la santé et de prévention des conduites à risques. Elles réalisent ainsi des actions de prévention de l’usage abusif d’alcool auprès de jeunes scolarisés à l’école primaire, en collège, en lycée ou dans l’enseignement supérieur – ou hors milieu scolaire, en milieu festif, dans l’espace public et dans des foyers de jeunes et de jeunes travailleurs. Elles ont vocation à intervenir au niveau infra départemental, départemental ou régional.
Déroulement de l’enquête
11Nous avons cherché à identifier les savoirs procéduraux [6], qui sont mobilisés par ces acteurs de prévention, pour les confronter aux recommandations de pratiques efficaces. Nous avons aussi cherché à identifier les raisons des écarts existants et les moyens d’y remédier.
L’outil de recueil d’informations
12Un guide d’entretien composé de sept questions a permis d’investiguer les types d’actions menées, les justifications de ces modalités d’intervention, l’évocation spontanée des recommandations, les réactions des professionnels face à 20 recommandations identifiées dans la littérature (voir ci-dessous), ainsi que les freins et les leviers pour l’application de ces recommandations. Il a été administré auprès des 21 structures concernées lors d’entretiens semi-directifs menés dans le cadre de rencontres physiques ou téléphoniques. Les réponses aux questions ont été étudiées de manière thématique [7], avec l’élaboration de tableaux récapitulatifs pour chaque catégorie de réponse. Cette analyse de contenu a été réalisée a posteriori à partir des retranscriptions d’entretien en identifiant des thèmes récurrents.
Repérage des principales recommandations à partir d’une revue de la littérature
13L’identification des recommandations de bonnes pratiques, c’est-à-dire dont l’efficacité a été prouvée par des études scientifiques, a été réalisée par une revue de la littérature basée sur l’interrogation de plusieurs moteurs de recherche francophones et internationaux (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, Base de données en santé publique, Catalogue et index des sites médicaux de langue française, DOCTES, HEN, Cochrane, Pubmed, EBSCOhost, sciences direct, sagepub, Educational Resources Information Center, PsycInfo) à partir de mots-clés français : « guide » OU « recommandations » OU « meta analyse » ET « prévention » ET « abus d’alcool » ET « jeunes » OU « adolescents » et anglais : « guidelines » OR « recommendations » OR « meta-analysis review » AND « prevention » AND « alcohol misuse » OR « alcohol abuse » AND « you* » OR « adolescen* ». Cette recherche sur bases de données a été complétée par l’analyse de documents de référence diffusés au sein du système scolaire.
14Trente-six articles ou référentiels ont été repérés. Parmi eux, six ont été retenus car ils répondaient aux critères d’inclusion suivants : ce sont des synthèses de revues de littérature rédigées depuis moins de 10 ans qui valorisent des actions scientifiquement validées ayant fait l’objet d’un plan expérimental (essai randomisé contrôlé ou étude cas/témoins ou protocole d’étude expérimentale) ou encore qualifiées d’exemplaires ou prometteuses. Les articles listent précisément des critères de qualité des actions très opérationnels, ils sont rédigés en français (ou une synthèse est disponible en français) et sont accessibles gratuitement.
15Ces documents émanent de l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies [8], de l’analyse des programmes les plus efficaces réalisée par Daniel Bailly, pédopsychiatre à l’université d’Aix Marseille [9], de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé [10], de l’Unité d’éducation pour la santé de l’Université catholique de Louvain [11], de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale [2], et de l’Organisation mondiale de la santé [12].
16L’étude de ces expertises collectives a permis de constituer une liste de 20 recommandations pour les actions de prévention de l’abus d’alcool chez les jeunes (Tableau I).
Liste des recommandations et sources
Liste des recommandations et sources
17Par ailleurs, une revue de la littérature de l’OMS [12] réalisée en 2006 a montré la relative inefficacité des programmes de prévention ciblant la consommation de substances psychotropes et confirmé des conclusions déjà exposées en 1997 : les programmes figurant parmi les plus efficaces sont ceux qui visent la promotion de la santé mentale dans les établissements scolaires. Parmi les 20 critères repérés, il n’est donc pas étonnant que 10 correspondent également à des critères de qualité des actions de promotion de la santé mentale [13].
Résultats
Les types d’actions
18L’analyse de contenu a permis de repérer trois types d’actions dans les établissements scolaires. Un quart des structures organise des actions de communication/prévention comme des forums santé, des stands de prévention dans les établissements ou aux abords. Exceptionnellement, des programmes validés visant à développer les compétences psychosociales sont appliqués. Entre ces deux types de pratiques relativement standardisées, des dispositifs créatifs adaptés aux situations utilisent le théâtre forum, des ateliers d’expression pour créer une exposition, ou d’autres supports artistiques comme des sculptures, des films vidéo, des bandes dessinées. Pour mener ces actions, les acteurs de prévention s’appuient souvent sur des outils pédagogiques existants (Calypso, Armorrisque, Kotaboss, Papillagou et les enfants de Croque lune, Couleurs santé).
19La grande majorité des intervenants déclarent chercher à responsabiliser les adolescents face à leurs consommations à travers des acquisitions de connaissances ou des mises en situations (théâtre forum, jeux ou jeux de rôle). Ils visent à leur faire prendre conscience des risques d’une consommation abusive. Ils travaillent à partir des représentations qu’ont les jeunes de l’alcool, le plus souvent, « à partir de l’historique de la fête dans l’histoire de l’humanité, de la connaissance des produits psychoactifs et d’une recontextualisation dans le milieu actuel » ou encore, avec humour, font réagir les jeunes sur « la fête sans la défaite ! ».
20Hors système scolaire, les structures proposent des stands de prévention et font de la veille/déambulation. Elles peuvent proposer un pack prévention aux organisateurs de soirées en milieu festif (étudiants ou non) avec une mallette contenant des outils de prévention : éthylotests, réglettes de calcul d’alcoolémie, préservatifs… Un quart des structures accompagnent aussi des professionnels ; l’une d’entre elles développe notamment des formations-actions pour les acteurs de prévention, des analyses de pratiques ou d’outils, des conseils méthodologiques, des apports de connaissances d’experts à travers des séminaires associant élus et acteurs de prévention issus des collectivités ou de l’État.
Les justifications des actions
21Les structures répondent souvent à une demande institutionnelle (hiérarchie, financeurs). Toutes s’adaptent aux besoins du terrain directement liés au contexte culturel breton auquel la quasi-totalité des organisations fait référence. En revanche, aucune n’évoque explicitement les besoins ressentis par les jeunes eux-mêmes, qui estiment souvent être déjà surinformés sur le thème de l’alcool comme le suggèrent des entretiens menés auprès de jeunes par l’une des structures rencontrées. Des justifications plus personnelles sont aussi évoquées par les professionnels : leur formation initiale ou l’expérience acquise au contact des jeunes, leurs valeurs, les missions qui leur sont confiées. Elles s’appuient sur des données épidémiologiques dans la moitié des cas ; notons que les établissements scolaires réalisent ou participent à des enquêtes d’état des lieux de la consommation.
Évocation spontanée de recommandations ou guide de bonnes pratiques, ou expertises ou critères de qualité des actions
22Seuls les professionnels de cinq structures sur les 21 rencontrées évoquent spontanément des sources d’informations sur ce qu’ils pensent être des recommandations ou des critères de qualité des actions, dont ils ont eu connaissance au travers de leur parcours de formation ou de leur expérience professionnelle. Les organismes de référence cités sont le Centre d’information régional sur les drogues et les dépendances de Bretagne, l’Organisation mondiale de la santé, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’Observatoire régional de santé en Bretagne, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies, les conférences de consensus de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, des sites suisses, belges et canadiens, comme le site Educ’Alcool. Les documents de référence spontanément indiqués sont le rapport Parquet, la charte d’Ottawa, le guide « Repères pour la prévention des conduites à risque en milieu scolaire » édité par le ministère de l’Éducation nationale et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies, le répertoire des ressources en addictologie, les études du sociologue breton, Christophe Moreau.
23Ces cinq structures évoquent les critères de qualité suivants : les actions s’inscrivent dans la durée, elles ont une approche globale et positive et développent les facteurs de protection, elles sont menées en partenariat, elles sont non moralisatrices, elles sont interactives, basées sur les besoins des jeunes et prennent en compte le contexte de vie de la classe, elles impliquent la famille, elles ne ciblent pas un produit en particulier et elles sont évaluées.
24Toutes les autres structures ne mentionnent spontanément aucun critère. Les professionnels interrogés ne savent pas que ces critères existent ou s’interrogent sur leur utilité.
Réactions à la présentation des 20 critères de qualité des actions de prévention de l’hyperalcoolisation chez les jeunes
25L’analyse des réponses des acteurs de prévention a permis d’identifier trois catégories de réactions. La première consiste en un accord immédiat sur la pertinence des recommandations, que les acteurs affirment prendre en compte. La seconde réaction exprime un accord sur la pertinence des recommandations mais une prise en compte difficile. Enfin, certaines recommandations font l’objet d’un débat contradictoire.
26Chacune des 20 recommandations a donc pu être classée dans l’une de ces trois catégories de réaction. Ce classement est présenté ci-après.
27Accord immédiat sur la pertinence des recommandations, que les professionnels affirment déjà prendre en compte
- Les actions s’intègrent dans une approche positive et globale de la santé/prennent en compte l’ensemble des déterminants de la santé. Globalement les acteurs estiment suivre cette recommandation exceptée en réduction des risques où se pose un problème de faisabilité étant donné la brièveté des contacts avec la population. Un professionnel souligne cependant la difficulté à trouver des outils de prévention de l’alcoolisation (affiches, dépliants) adoptant cette approche positive et globale pour traiter la question. Un autre – qui fait de ce mode d’action le fil directeur de ses actions – souhaiterait que la société et notamment les instances politiques valorisent cette approche. Un autre acteur associatif interroge : « l’adolescent est-il sujet ou objet ? Lui donne-t-on réellement les moyens de prendre en main son bien-être ? ».
- Les actions ne sont pas moralisatrices. Même si trois acteurs agissant en réduction des risques soulignent le caractère « politiquement correct, voire hypocrite », de cette affirmation, tous les professionnels interrogés s’accordent sur l’importance de cette recommandation « condition sine qua non d’une intervention auprès d’un public de jeunes ».
- Les actions prennent en compte les besoins des jeunes, leurs motivations et leurs représentations. Les acteurs de prévention estiment prendre en compte les besoins, motivations et représentations des jeunes. Ils partent de leurs connaissances, de leurs souhaits ou de leurs avis. L’entrée en matière privilégiée par les professionnels est la fête, le déroulement des soirées. Cependant, les équipes éducatives des lycées regrettent le manque d’intérêt des jeunes – qui s’estiment déjà surinformés – pour cette thématique.
- Les actions tiennent compte des avantages (plaisir…) et des risques liés aux consommations et les actions visent la réduction des risques plus que l’abstinence. Toutes les structures interrogées sont d’accord et déclarent appliquer ces deux recommandations.
- Les actions ne se focalisent pas sur un produit. La quasi-totalité des structures déclarent appliquer cette recommandation.
- Les actions s’intègrent au territoire en partenariat avec l’ensemble des intervenants concernés. Si l’organisation et le travail en réseau de partenaires sont inégaux sur le territoire breton, une grande partie des structures participe à au moins un groupe de travail sur ce thème, impliquant des collectivités territoriales (communes, conseils généraux ou régionaux), des établissements scolaires publics, privés, agricoles, d’autres associations, la police, la gendarmerie, les pompiers, les préfectures départementales… et même, pour une structure, les médecins généralistes et les pharmaciens d’officine. Cette question de l’abus d’alcool chez les jeunes préoccupe beaucoup les communes qui, confrontées à des problèmes de tranquillité publique, tiennent aussi à aborder le problème sous l’angle de la santé publique et réunissent donc les compétences correspondantes. Notons aussi que les financeurs incitent les porteurs de projets à travailler en partenariat.
- Les actions favorisent les méthodes interactives et expérientielles. Ces modalités d’intervention sont largement plébiscitées par les structures qui soulignent que ces méthodes demandent du temps.
28Les difficultés à appliquer certaines recommandations sont liées à une impossibilité organisationnelle, à la perception d’une absence de légitimité, ou à un sentiment d’impuissance.
- Les actions impliquent la famille. Si presque tous les professionnels rencontrés affirment souhaiter l’implication des familles, très peu parviennent à le faire réellement. Une seule structure organise des journées de formation pour les parents d’enfants présentant des conduites à risque avec l’alcool et d’autres drogues illicites ; ces journées, qui incluent un temps de formation théorique et des jeux de rôle sur des situations concrètes de dialogue difficile entre parents et enfants, remportent un franc succès. Un établissement scolaire invite les parents à tenir des stands de prévention lors de ces semaines santé. Une association a réalisé des documents spécifiques pour présenter aux parents le programme de développement des compétences psychosociales dont bénéficieront leurs enfants. Une maison des jeunes et de la culture implique les parents lors de certaines actions. En revanche, la compagnie de théâtre déplore que la présence des parents lors des séances de théâtre forum reste exceptionnelle. Car, selon elle, la consommation d’alcool par les parents est encore un sujet tabou. Et même si une structure rappelle que « la jeunesse se socialise en dehors de la famille et des parents », le manque de situations intergénérationnelles est un regret pour les professionnels rencontrés qui souhaiteraient plus d’implication de la communauté adulte. Deux acteurs de prévention font en effet remarquer que « les problèmes d’alcool sont souvent liés à des problèmes de communication, en particulier au sein de la famille ».
- Les actions prennent en compte le contexte et les conditions de vie de la population concernée. Les trois-quart des structures disent prendre en compte le contexte urbain, rural ou agricole en adaptant le contenu de leurs actions ou informations (par exemple, l’achat d’alcool dans les supérettes de milieux ruraux où tout le monde se connaît). Le contexte culturel breton et les pratiques d’alcoolisation qui y sont liées sont largement pris en compte, en particulier par les associations de réduction des risques qui trouvent dans cette recommandation l’essence même de leurs actions. A contrario, un quart des professionnels reconnaît ne pas appliquer cette recommandation car ils mettent toujours en œuvre la même intervention, quel que soit le lieu.
- Les actions accroissent les compétences, la capacité à résister à la pression des pairs, le respect de soi et de l’autre. La majorité des structures souhaiterait parvenir à ces objectifs jugés centraux mais questionne la possibilité d’évaluer de tels objectifs : que faut-il évaluer exactement ? Quand ? Comment ? Avec quelles preuves d’une efficacité réelle ? Pourtant, une structure a pu conduire durant sept mois une évaluation d’un programme de développement des compétences psychosociales. Deux ans après la fin de l’action, quatre points positifs avaient été identifiés : une plus faible consommation de tabac, une meilleure estime de soi, une meilleure mémorisation des actions santé et un plus fort sentiment de bonheur au collège. Plus empiriques, et mêlant optimisme et incertitude, deux autres acteurs estiment « semer des graines en espérant qu’elles germent et poussent, sans savoir ni quand, ni comment… ».
- Les actions abordent les aspects psychologiques, émotionnels, affectifs et développementaux. Cette recommandation s’est avérée difficile à cerner par les personnes interviewées. Le travail en théâtre forum ou avec des jeux de rôle a semblé le plus approprié pour répondre à cet objectif. Une structure ayant mis en place un programme validé de développement des compétences psychosociales consacre une demi-journée de travail à ces aspects.
- Les actions proposent une approche multidisciplinaire. Pour les associations, le travail en réseau pluridisciplinaire existe bel et bien. Toutes se connaissent et interviennent parfois en complémentarité. En revanche pour presque tous les lycées, le travail en pluridisciplinarité reste complexe à mettre en œuvre.
- Les actions intègrent des interventions brèves. Seuls quatre professionnels ont indiqué connaître au moins « de nom » la méthodologie du RPIB (repérage précoce, intervention brève). Parmi eux, deux seulement la pratiquent. Les deux autres ne remettent pas en cause sa pertinence dans certains contextes mais estiment qu’elle ne correspond pas à leurs modalités d’intervention.
- Les actions sont construites en collaboration/partenariat avec les jeunes. Cette recommandation semble impossible à appliquer techniquement pour la moitié des structures, car elle demanderait trop de préparation en amont. En milieu scolaire, elle s’inscrirait difficilement dans des emplois du temps contraints à moins de les intégrer dans les programmes ; de plus, ces structures estiment que les jeunes ne sont pas demandeurs d’actions sur cette thématique.
- Les actions s’inscrivent dans la durée. C’est la volonté de presque toutes les structures, mais les associations en particulier regrettent que leurs modalités de financement ne favorisent pas cette pérennité des actions. Toutefois, trois d’entre elles affirment que leur organisation et leur mission s’opposent à l’application de cette recommandation.
- Les actions sont basées sur des références bibliographiques justifiant la démarche. Les recherches de références bibliographiques ne sont pas une activité évidente pour les structures. Seul le quart d’entre elles ont effectué des recherches permettant de valider la méthodologie de leur action.
- Les actions intègrent un dispositif d’évaluation. Toutes les structures sont favorables à une évaluation des actions pour elles-mêmes, pour leurs financeurs et pour les publics visés, mais elles signalent qu’une évaluation est lourde et coûteuse et certaines affirment devoir choisir entre mettre en place l’intégralité des actions prévues ou les évaluer dans les règles de l’art… Les trois-quarts appliquent pourtant cette recommandation. Elles font alors le plus souvent passer aux jeunes des questionnaires à chaud ou examinent des bilans d’actions. Un quart des structures seulement a effectué une réelle évaluation pour mesurer l’impact de leur action sur l’acquisition de compétences chez les jeunes, au-delà des connaissances. Et seule une structure a décidé de mettre fin à son action au vu des résultats de l’évaluation.
- Les actions ciblent les jeunes les plus à risque. Cette recommandation n’est pas bien perçue par la majorité des structures. Plusieurs raisons ont été données : préférence pour la prévention universelle (charte d’Ottawa et promotion de la santé), difficulté à identifier les jeunes les plus à risque en matière d’alcool, difficulté à repérer les familles les plus fragiles. Et surtout, elles s’interrogent : « que se passerait-il si l’on se trompait et laissait de côté un jeune qui aurait besoin de ces actions de prévention ? Un jeune qui ne serait pas à risque à un moment donné ne pourrait-il pas l’être quelque temps plus tard ? ». Les structures en plein accord avec cette recommandation sont celles intervenant en réduction des risques, une maison des jeunes et de la culture, et une structure disposant d’un centre de soins. Elles prônent des actions pour tous et aussi pour les jeunes les plus à risque, en faisant confiance à leur intuition, basée sur leur expérience professionnelle et leur formation, pour reconnaître ces publics plus vulnérables.
- Les actions interviennent à un âge précoce/visent la période d’initiation à la consommation. Cette recommandation suscite des avis très contrastés : la moitié des acteurs de prévention s’interroge sur sa pertinence, tandis que l’autre moitié est en plein accord avec elle. Pour ces dernières, il s’agit de développer dès le plus jeune âge les compétences psychosociales en tant que facteurs de protection contre les conduites à risque. Deux structures interviennent ainsi en CM2 et sur la liaison CM2/6e. Une cité scolaire a décidé d’avancer son niveau d’intervention sur l’alcool pour cibler les élèves de 5e. Deux structures rappellent aussi que les très jeunes peuvent être concernés par l’alcoolisation de leurs parents. Certaines structures regrettent ne pouvoir le faire par manque de financement ou parce qu’elles ont la charge de jeunes de 16 à 25 ans (lycéens, jeunes travailleurs). En revanche, un lycée propose plutôt de viser la période d’acquisition de l’autonomie du jeune (classe de terminale) et une association souligne que l’essentiel est d’adapter son intervention à l’âge du public, partant du principe de l’éducabilité des personnes, quel que soit leur âge.
Obstacles et leviers pour l’application des recommandations
29Pour les infirmières rencontrées, qui se sentent pourtant soutenues par leur chef d’établissement conscient des problèmes de consommation d’un grand nombre de jeunes, « les actions de prévention ne sont pas la priorité de l’Éducation nationale ». Les budgets sont en baisse, et les impératifs de recentrage de l’école sur les programmes scolaires sont de plus en plus fermement affichés. De plus, ces infirmières estiment ne pas bien connaître le domaine des addictions (qui ne fait pas partie de leur formation initiale) ce qui explique qu’elles sous-traitent systématiquement ces interventions. Toutes ces infirmières affirment aussi manquer de formation en méthodologie de projet. Elles n’ont pas de problèmes pour monter des partenariats externes si elles le souhaitent mais éprouvent des difficultés à associer leurs collègues enseignants et déplorent le manque d’implication des élèves sur ce thème. Par rapport aux recommandations de bonnes pratiques, dont elles reconnaissent avoir peu de connaissance, les infirmières scolaires font confiance au professionnalisme des acteurs de prévention chargés de les appliquer.
30Du côté des organismes de prévention, la première difficulté est d’ordre budgétaire : le niveau des subventions publiques rend difficile voire impossible le respect des critères de qualité scientifiques. Tous déclarent manquer de temps, or l’application des recommandations en demande beaucoup. Les organismes de prévention éprouvent également des difficultés à valoriser les actions exemplaires auprès des élus, qui affichent des souhaits d’actions visibles, efficaces et simples à mettre en place, « clé en mains » selon l’expression d’une structure. En termes d’atouts, les structures rappellent qu’elles disposent de personnels qualifiés (mais de plus en plus précaires). Elles estiment disposer de données épidémiologiques fiables, à condition de pouvoir assurer leur mise à jour fréquente compte tenu de l’évolution rapide de ces questions.
Les besoins exprimés par les acteurs en vue de l’application des recommandations de bonnes pratiques
31Le financement pluriannuel de ces actions, permettant une planification d’actions dans la durée, est une demande formulée par les trois-quarts des structures. Une plateforme web référençant toutes les sources d’information (données épidémiologiques récentes, bases théoriques, recommandations, exemples d’actions transposables au contexte local, présentation d’actions validées, contacts…) apparaît indispensable. Des rencontres thématiques sont aussi souhaitées, avec des échanges d’expériences. Cinq structures souhaiteraient pouvoir faire réaliser une évaluation externe de leurs actions. Pour tous les acteurs interrogés, la prévention des addictions est avant tout une question de société sur laquelle ils n’ont pas tout pouvoir, et la vision globale et positive de la santé devrait être partagée par les politiques, les décideurs et les financeurs.
Discussion
32L’un des résultats les plus saillants de cette étude est la grande méconnaissance de l’existence des recommandations de bonnes pratiques chez les acteurs de prévention. L’originalité de cette étude est qu’elle réfute la croyance selon laquelle tous les acteurs de prévention seraient familiers avec la notion de recommandations, auraient connaissance des recommandations les concernant, et seraient à même de les appliquer directement. Contrairement à ce qui est imaginé, les recommandations ne sont pas connues des acteurs de prévention et il reste encore bien des obstacles à franchir avant que cette pratique d’appropriation des recommandations soit bien intégrée dans les habitudes professionnelles. L’une des raisons de cette méconnaissance provient des circuits de diffusion de ces recommandations et de leurs modalités de production qui les rendent difficiles à repérer et peu accessibles. En pratique, les acteurs de prévention éprouvent des difficultés à réaliser le travail de veille et de recherche documentaires qui serait nécessaire. Seules quelques structures, notamment parce qu’elles disposent de centres de documentation spécialisés, peuvent le mener à bien. Cette difficulté d’accessibilité est au cœur du problème de la connaissance de ces recommandations dans le secteur de la prévention et de l’éducation pour la santé, par comparaison avec d’autres secteurs (soins, éducation thérapeutique…) où les recommandations émises par des instances légitimes (Haute autorité de santé par exemple) sont mieux diffusées et plus facilement repérables. Un travail important de transfert et d’adaptation des connaissances scientifiques aux acteurs de terrain, et de « remontées » des besoins du terrain aux producteurs de données scientifiques, reste également à réaliser.
33Car pour mieux les connaître et les appliquer, les acteurs de prévention réclament en effet des rencontres et des échanges de pratiques entre professionnels et experts. L’appropriation des référentiels par les acteurs passera avant tout par leur association à leur élaboration. La stricte application d’une démarche descendante dans la conception des recommandations conduit à la production de documents perçus par les acteurs de terrain comme éloignés de leurs pratiques, voire inapplicables. Il faut créer les conditions de la rencontre entre l’expertise issue de la recherche et l’expertise issue du travail sur le terrain.
34Le second constat de cette étude est que, si la grande majorité des acteurs de prévention se révèle incapable de citer spontanément des recommandations de bonnes pratiques, une grande partie les prend en compte de manière intuitive ou empirique. Les acteurs de terrain, confrontés très régulièrement aux problèmes posés ici par l’alcoolisation excessive des jeunes, adaptent leurs actions en fonction de leur expérience et des ressources (informations ou personnes ressources) mises à leur disposition pour agir au mieux. Ainsi, ces recommandations sont appliquées dans la mesure des possibilités organisationnelles et financières, après une réflexion éthique de ces praticiens basée sur leur expertise de la situation, sur leurs propres valeurs et, comme le suggèrent les travaux de Dubet [14], sur la re-création d’un programme institutionnel, et de Massé [15], sur les valeurs qui doivent fonder toute intervention en santé publique.
35C’est pourquoi il nous a semblé encore plus évident que l’amélioration de la mise à disposition d’informations validées, régulièrement mises à jour, avec des modalités d’appropriation adaptées comme des rencontres entre chercheurs et acteurs de terrain, des forums de questions réponses sur un site internet dédié, des formations… permettraient de les conforter dans leurs interventions, de leur éviter de mettre en place des actions qui pourraient être inefficaces. Cette confrontation entre pratiques et recherches apporterait aussi une légitimité aux travaux des chercheurs voire un retour pratique utile sur l’application de leurs études. Autrement dit, le secteur de la prévention – promotion de la santé en France a besoin d’une véritable politique de transfert de connaissances, à l’image de ce qui existe par exemple au Canada et en Belgique.
36L’Agence de la santé publique du Canada a ainsi créé un réseau de centres de partage des connaissances en santé publique (www.ccnsp.ca). Chaque centre développe une thématique particulière. Par exemple, il existe un centre de collaboration national des méthodes et outils et un autre sur les politiques publiques et la santé. Leur mission va bien au-delà de la mise à disposition de données et de leur diffusion en offrant aux acteurs de terrain toutes les conditions d’une réelle appropriation à partir de modules de formation, de forums d’échange de pratiques. En Belgique, le centre de documentation RESOdoc de l’Université catholique de Louvain fournit des dossiers techniques rassemblant les données probantes à partir d’une question posée par des praticiens (www.uclouvain.be/reso-dossiers.html). Cette mission de transfert des connaissances de la recherche vers les pratiques professionnelles des acteurs de terrain (et vice-versa) est insuffisamment développée en France.
37Enfin, la prise en compte effective, par les pouvoirs politiques, de l’importance de l’application des critères de qualité à la mise en œuvre des actions de promotion de la santé semble être indispensable pour avancer dans ce champ. Car en réalité, si les recommandations nationales et internationales étaient connues de tous, acteurs de terrain et décideurs, elles mettraient en évidence l’écart existant entre les exigences institutionnelles affichées pour améliorer l’efficacité des actions, et les moyens humains et financiers accordés pour y parvenir. Les budgets consacrés à la prévention en France sont orientés à la baisse et cette tendance ne risque pas de s’infléchir dans les années qui viennent, compte tenu des déficits publics existants. De ce fait, le décalage entre les discours politiques et la réalité de terrain s’accentue d’année en année. Seule la pratique au plus près des populations permet de prendre conscience de ce décalage, et c’est ce que les acteurs de prévention interrogés pour cette recherche ont souhaité faire savoir.
38Aucun conflit d’intérêt déclaré
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Mots-clés éditeurs : Analyse pratiques, adolescent, abus alcool
Date de mise en ligne : 25/11/2011
https://doi.org/10.3917/spub.115.0371