1Le système de santé britannique, le « National Health Service » (NHS), fondé en 1948, est national et financé par l’impôt. Les principes fondateurs du NHS étaient : l’universalité, la gratuité, l’égalité d’accès en matière de soins et de couverture géographique, le haut niveau de qualité de soins pour tous, la sélection sur la base du besoin, le service non lucratif et le financement par l’impôt progressif [2].
2Après une vague de déconcentration en 1980 et 1982 qui instaure successivement des administrations sanitaires dans chaque district et au niveau régional, les années 90 ont été marquées par la loi du marché interne avec l’achat de soins des hôpitaux par les administrations sanitaires de district et certains médecins généralistes. La publication du livre Blanc de 1997 a annoncé la fin du marché interne qui laisse progressivement place à un fonctionnement intégré des services de santé (cf. description ci-dessous).
3Quatre caractéristiques s’appliquent particulièrement au NHS :
- c’est un système en perpétuelle évolution, les réformes s’y succèdent à un rythme rapide et sans cahot apparent ;
- les dépenses de santé représentent 6,5 % du Produit Intérieur Brut. Ce pourcentage reste modeste par rapport aux autres pays industrialisés, malgré une augmentation ces dernières années (8 % en moyenne dans les pays de l’OCDE [27]). L’investissement du NHS représente 54,2 milliards de livres [14] ;
- les indicateurs de l’état de santé de la population britannique sont similaires à ceux des autres pays industrialisés [27, 7] ;
- le NHS est le premier employeur du pays et la plupart des britanniques restent attachés à leur système.
4Après une description du système anglais actuel et des missions des principaux acteurs de santé, des éléments de convergence et de divergence seront abordés afin de mieux comprendre l’élaboration des politiques de santé et les problèmes soulevés dans chacun des deux systèmes.
Le NHS
5Le parlement vote le budget de la santé sous forme d’enveloppe globale fixée a priori et non extensible. Le ministère de la Santé est responsable de la législation et de la politique générale de la santé. Il délègue la gestion du budget aux administrations régionales (« Regional Offices ») qui les redistribuent ensuite à la centaine d’administrations sanitaires de secteur (district), les « Health Authorities ». Il valide les décisions concernant les dépenses majeures d’équipement et les fermetures d’hôpitaux.
Les institutions
6Le niveau régional est constitué de 8 bureaux « Regional Offices » qui supervisent la gestion des services de soins hospitaliers et ambulatoires. Il veille à la conformité de la politique locale élaborée par les administrations sanitaires de district avec l’orientation nationale. Leur rôle dans la planification est similaire à celui de nos Agences Régionales d’Hospitalisation.
7Les autorités sanitaires de district couvrent chacune en moyenne 300 à 500 000 personnes. Leurs principales missions sont : l’élaboration de la politique de santé locale et des stratégies associées, le recentrage du système sur l’usager plutôt que sur les fournisseurs de soins et la délivrance de services de qualité.
Les établissements de soins
8Avec les réformes, les établissements publics de soins ont eu la possibilité de gérer eux-mêmes leur budget et leurs investissements, ce sont les « NHS trusts ». Les contrats de fonctionnement sont actuellement passés entre les administrations sanitaires de secteur et les Trusts. Les groupes de médecins généralistes devraient prendre le relais dans les années à venir. Depuis les réformes de 1998, ces trusts doivent mettre en place une organisation chargée d’élaborer une politique concernant la qualité des soins délivrés, la « clinical governance ».
9Le secteur privé s’est développé ces dernières années et représente maintenant 15 % des dépenses de santé [14]. Les patients l’utilisent essentiellement pour les petits actes programmables à l’avance afin de limiter les files d’attente.
Les médecins généralistes
10La densité médicale des médecins généralistes est très faible (1 médecin pour 2 000 habitants). Les médecins généralistes sont les seuls médecins de ville, les spécialistes exercent uniquement dans les établissements de soins.
11Chaque médecin généraliste (« General Practionner ») a une « liste » de 1 500 à 2 000 personnes en moyenne. Il a un rôle de soins mais aussi de promotion de la santé (consultation contre le tabac, éducation des diabétiques…). Il a une fonction de « gatekeeper », et régule de fait l’accès à la médecine spécialisée. Les patients doivent d’abord le consulter pour accéder au spécialiste ou à l’hôpital. Le patient ne peut être pris en charge directement par l’hôpital que dans le cadre de l’urgence.
12Les médecins sont essentiellement rémunérés par « capitation », versée par l’administration sanitaire de leur district. Il s’agit d’un versement trimestriel calculé pour chaque patient en fonction de l’âge de la personne, le taux de mortalité du secteur, et des indicateurs socio-économiques (niveau de pauvreté dans la région, chômage…). Les médecins généralistes sont donc indépendants, ils exercent à titre libéral, sous contrat.
13De 1991 à 1998, la séparation des fonctions d’achat et de vente de soins a permis à de nombreux généralistes de devenir « gestionnaires de budget » pour les dépenses hospitalières, de ville et de pharmacie, des patients inscrits sur leur liste. Actuellement, la gestion des fonds est revenue aux administrations sanitaires de secteur. L’ensemble des médecins généralistes se regroupent dans des « Primary Care Groups », couvrant chacun 100 à 200 000 personnes. Une ré-flexion sur la qualité des soins, l’homogénéisation des pratiques et l’élaboration de protocoles y est menée. Les primary care groups doivent se transformer en « primary care trusts » (PCT) et prendre la gestion du budget de la population couverte. Dans l’avenir, les primary care trusts devraient également gérer les services fournis par les « Community trusts ».
Les « Community trusts »
14Les « Community trusts », publics ou privés, font le lien entre les soins aigus primaires effectués à l’hôpital et ceux des médecins généralistes [18]. Il peut s’agir de structures de rééducation, de prises en charge à domicile ou dans d’autres lieux de vie. Ces « trusts » sont constitués majoritairement d’infirmières, mais aussi de physiothérapeutes, ergothérapeutes, psychologues… Ils prennent en charge essentiellement les personnes âgées, les handicapés, la santé mentale, le planning familial et les soins primaires en milieu scolaire.
Les usagers
15L’accès aux soins est toujours gratuit pour le patient, en dehors des médicaments, des soins dentaires et des tests d’acuité visuelle. Parmi la population, 12 % des personnes sont couvertes par une assurance maladie privée [12], qui se limite surtout aux soins hospitaliers aigus non urgents et aux consultations privées des spécialistes [5]. Près de 80 % des usagers sont exonérés du ticket modérateur pour les produits pharmaceutiques. Cette catégorie est constituée de retraités, femmes enceintes ou ayant de jeunes enfants, et de personnes à faibles revenus [3].
16Depuis les réformes de 1991, les procédures de changement de médecin généraliste sont simplifiées. Le patient peut demander à un nouveau médecin de l’inscrire sur sa liste. Cependant, les transferts des dossiers et du nom du patient d’une liste à l’autre restent longs et administrativement compliqués.
Les « local authorities »
17Les « local authorities » ont pour champ d’action les besoins sociaux de la population, essentiellement ceux des enfants, des handicapés et des personnes âgées. Leur rôle en matière sociale est similaire à celui des Conseils généraux en France.
Quelques points de comparaison des deux approches et politiques de santé
Aspects de convergence
La nécessité d’une réforme
18Les inégalités de santé déclarées dans chacun des deux pays, les listes d’attente et les scandales réguliers dénoncés par la presse en Angleterre, le dérapage des dépenses de santé en France ont incité à des réformes en Angleterre comme en France (décentralisation…).
19Les inégalités de santé sont comparables dans les deux pays [10, 22, 28] : inégalités hommes-femmes, notamment en termes d’espérance de vie (ex. : les probabilités de décès chez les 15/59 ans en 1999 en France et au Royaume-Uni étaient respectivement de 145 et 110 pour mille hommes contre 63 et 69 pour mille femmes) ; inégalités géographiques et environnementales (le taux de mortalité varie de 1 à 15 selon les cantons français, la pollution atmosphérique est suspectée d’être responsable de la réduction de la durée de vie de 24 000 personnes par an au Royaume-Uni) ; inégalités sociales (surmortalité importante des ouvriers et manœuvres, à un moindre degré des employés) ; existence de populations fragilisées ou exclues (immigrés, patients en situation sociale précaire). Cependant, en France ces inégalités de santé ne sont pas reprises par la presse pour mobiliser la population comme cela est fréquemment le cas en Angleterre.
Des priorités de santé similaires
20Le gouvernement de Tony Blair a émis en 1999 quatre priorités nationales : les maladies cardio-vasculaires, le cancer, les accidents, le suicide [22]. Les trois dernières ont également été retenues en France par les conférences nationales de santé [6]. Ces priorités font l’objet de réflexions et de la mise en œuvre de programmes locaux par les acteurs de terrain en Angleterre comme en France.
L’incitation au développement de la santé publique
21Dans chacun des deux pays, les acteurs locaux ont engagé une réflexion pour la mise en place de programmes de santé visant à diminuer les inégalités et les « grands problèmes de santé » rencontrés dans la population concernée.
22En Angleterre, les HIMP (Health Improvment Medical Program) rassemblent autour d’une même thématique médecins, administrations sanitaires, universitaires et responsables d’éducation. Ces programmes sont élaborés sous la responsabilité des administrations sanitaires de secteur et conduits sur des fonds publics. Une évaluation de ces programmes est prévue [22].
23En France, les programmes régionaux de santé (PRS), sous la direction des DRASS (Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales), ont des objectifs similaires mais leur élaboration et mise en œuvre impliquent notamment des représentants d’usagers et des associations. Il persiste cependant un déficit d’informations, d’outils et de moyens (financiers et de temps), pour permettre de faire évoluer les grands problèmes de santé dans la direction souhaitée et prévue par les tutelles. Le discours de celles-ci reste paradoxal puisqu’elles mettent en avant la faiblesse des outils dont elles disposent et en même temps la grande utilité, voire le caractère incontournable et opposable, des priorités de santé régulièrement redéfinies.
Une déconcentration de la politique de santé
24Les administrations sanitaires de secteur couvrent chacune en moyenne une population équivalente à un département français. Comme nos DDASS, elles s’appuient sur des acteurs proches du terrain pour répondre aux spécificités des besoins de la population couverte.
La négociation entre acteurs locaux
25La structuration de l’offre de soins hospitalière en France se fait à travers des négociations voulues ou imposées, où les acteurs locaux jouent un rôle de premier plan sous l’arbitrage des agences régionales de l’hospitalisation, en fonction des besoins et normes définis par l’Etat. Le SROS de Bretagne [1] met l’accent sur les conférences sanitaires de secteur : « Si la communauté d’établissements, mode de coopération entre les établissements publics n’est pas suffisante, car elle écarte un certain nombre d’acteurs, la conférence sanitaire de secteur, dont l’existence est prévue dans la réglementation apparaît en revanche comme un outil qu’il faut promouvoir, légitimer et développer pour impliquer tous les acteurs de santé ». Les maîtres mots de la coopération entre établissements sont qualité, complémentarité, pluridisciplinarité, continuité des soins [1].
26Dans le système britannique, la négociation de l’offre de soins hospitalière se fait actuellement avec les administrations sanitaires de secteur. En 1996, 30 % des hôpitaux avaient déjà été fermés ou restructurés [8]. Les quatre premières années suivant les réformes de 1991, Londres a perdu 2 500 lits. Dans le même temps, le profil du personnel du NHS s’est modifié notamment pour négocier les contrats du marché interne. Le nombre des professionnels du management a été multiplié par plus de 10 [16].
Un maître mot : coopération
27Les autorités anglaises et françaises ont fait le constat d’une coopération insuffisante des acteurs entre professionnels du même corps, et encore plus entre des professionnels de corporations différentes. De la division de la médecine en multiples spécialités résulte une prise en charge des patients par plusieurs spécialistes, chacun ciblé sur son organe. Cette division du travail peut être un obstacle à une prise en charge de l’individu dans sa globalité, de mécontentement des usagers, voire de recours judiciaires où les responsabilités sont difficiles à établir [23]. Les usagers attendent une prise en charge plus personnalisée présentant des garanties de sécurité [1].
28Cependant, le dialogue est à l’ordre du jour entre les acteurs de santé. En France, un travail de coopération entre établissements est imposé par les agences régionales d’hospitalisation. Les conférences sanitaires de secteur sont également un moment privilégié pour la discussion entre établissements publics et privés. Par ailleurs, la mise en place de réseaux nécessite la participation d’acteurs de formations différentes ainsi qu’un travail de suivi entre la médecine de ville et l’hôpital. En Angleterre, le travail en cabinet de groupe des médecins généralistes et le regroupement de ceux-ci en « primary care groups » ont pour objectif d’augmenter l’efficacité et l’efficience du système. La présence des médecins généralistes aux urgences, la négociation de contrats entre les « primary care trusts » et les établissements représentent des moyens de rapprochement ville/hôpital.
Le développement du concept de qualité
29En France, après la création de l’ANAES (Ordonnances Juppé du 24 avril 1996 et décret 97-311 du 7 avril 1997) l’accréditation est entrée à l’ordre du jour dans les projets des établissements de santé. Selon ces ordonnances, un délai de 4 ans était donné aux établissements pour terminer la procédure d’accréditation. Cette démarche suppose logiquement la mise en place de système d’assurance qualité dans les établissements. Les référentiels et protocoles, élaborés par des experts, se multiplient [24]. La loi portant sur diverses mesures d’ordre sociale de 1984 et la loi hospitalière de 1991 obligent les établissements de santé à s’engager dans des démarches d’évaluation de la qualité des soins.
30En Angleterre, la démarche qualité au sein du NHS s’est développée dans un premier temps sur les aspects financiers. L’application de cette démarche aux aspects non financiers est récente (novembre 1999) [17]. Les démarches d’auto-évaluation sont en cours de développement. L’assurance qualité peut porter sur les aspects financiers, organisationnels ou la qualité des soins. Dans ce dernier cas, elle est basée sur la « clinical governance », cadre dans lequel les organisations du NHS sont responsables de l’évolution de la qualité des soins. La « clinical governance » est basée sur l’« Evidence Base Medecine » dont le NICE (National Institute for Clinical Excellence) est le collecteur. Chaque autorité locale, établissement de santé et « primary care trust », devra constituer un groupe travaillant sur cette « clinical governance » [17].
31La gestion du risque est la stratégie d’approche de la qualité choisie par le NHS. Cette stratégie s’appuie sur des audits internes et externes, et sur des visites tous les 3-4 ans de la CHI (Commission for Health Improvment) [17]. Cette dernière commission est un organe d’inspection externe indépendant chargé de s’assurer du respect des recommandations du gouvernement et des guides de bonnes pratiques. Comme l’accréditation en France, elle procède en trois étapes : préparation de la visite avec collecte d’informations, visite sur place d’une semaine et production d’un rapport qui sera public. La CHI est également chargée d’aider l’établissement dans son plan d’action pour atteindre les recommandations. Au-delà de l’accréditation, elle est également un organe de conseil de bonnes pratiques auprès du NHS et est chargée des investigations lors de problèmes sérieux dans un établissement [25].
Aspects de divergence
Des réformes mieux tolérées par les professionnels en Angleterre
32En France, depuis 1996, des mouvements de grève se succèdent mobilisant médecins, infirmières, sages-femmes. En Angleterre, des réformes importantes se succèdent depuis la création du NHS, modifiant considérablement son organisation, mais générant peu de revendications massives et manifestes des acteurs de santé anglais. Dans la dernière décade, le concept de marché interne a été « opérationnalisé » [13], transférant une partie du pouvoir décisionnel à la médecine de ville, obligeant à travailler collectivement au sein de chaque structure et entre structures. Cette capacité d’adaptation des médecins anglais est probablement liée à plusieurs facteurs : une reconnaissance de la nécessité d’une réforme, en ce qui concerne les « primary care groups », la reprise par l’échelon ministériel d’une initiative locale des médecins généralistes qui se regroupèrent spontanément pour faciliter la gestion dans le cadre du marché interne [13], et une tradition des professionnels peu encline à la protestation et à la grève. En effet, en dehors des réticences des années 1945-1948 [12], années de mise en place du NHS, on ne note pas de mouvements de protestation des professionnels de santé dans l’institution.
En Angleterre des objectifs nationaux clairs et précis
33Le gouvernement de M. Blair s’est politiquement engagé sur des objectifs généraux et opérationnels précis et chiffrés (ex. : diminution de la mortalité par cancer de personnes de moins de 75 ans d’un cinquième, soit 200 000 vies sauvées) [22]. Les données infra-régionales sont disponibles et permettent de décliner ces objectifs nationaux au niveau local.
34Les objectifs français sont moins engageants et peu chiffrés (ex. : La conférence nationale de santé souhaite « voir se renforcer l’éducation thérapeutique du patient », « porter une attention particulière aux affections qui pourraient faire l’objet d’un dépistage et d’une prévention argumentée, à l’image du diabète » [4]). Les précisions apparaissent le plus souvent dans les déclinaisons de programmes (programme national de lutte contre le cancer [15], programme national de lutte contre le tabac). Ces derniers ont un impact politique peu important au vu de la médiatisation dont ils font l’objet. De plus, les moyens d’information nécessaires à évaluer la réalisation de certains objectifs (diminuer de 20 % le nombre de fumeurs dans les cinq ans, diminuer de 20 % sur 5 ans le nombre de consommateurs alcoolo-dépendants et de consommateurs excessifs [15]) n’existent pas pour l’instant.
L’implication des usagers français
35La participation des usagers français et de leurs représentants est de plus en plus active et revendiquée dans des associations, les conseils d’administration des hôpitaux, les états généraux de la santé, les conférences de santé introduites par l’ordonnance 96-345 de 1996 relative à la maîtrise médicalisée des soins. Les usagers français ne veulent plus être seulement passifs, consommateurs de soins, mais actifs, placés au cœur du système de soins. Les souhaits pour l’usager de « bénéficier de soins garantis en termes de qualité et de sécurité » et « être reconnu par les acteurs de santé, voire devenir lui-même acteur de santé » sont clairement affichés par l’État qui l’oppose jusque dans ses schémas régionaux d’organisation sanitaire [1]. Cette volonté de l’État et cette implication des usagers confèrent à chacun une responsabilité au sein du système de santé et une « démocratie », au moins partielle, dans la détermination des priorités de santé, l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique de santé. Dans une perspective de maîtrise des dépenses de santé, l’impact de mesures de restriction de financement dans notre système d’assurance, comme les diminutions de remboursement et l’instauration de tickets modérateurs, est amorti par le développement d’assurances complémentaires. La responsabilisation de l’usager, dans une perspective d’encadrement de la consommation, devient indispensable, mais pas acquise.
36En Angleterre, le rôle des usagers est nettement plus restreint. Ceux-ci sont actifs dans le système de santé par l’intermédiaire d’associations de soutien, telles que des associations d’aide aux victimes d’accidents vasculaires cérébraux et leur famille. Ils ne sont cependant pas impliqués dans l’élaboration de la politique de santé. La maîtrise des dépenses de santé des usagers est plus facile de part la régulation administrée, la présence de « gatekeeper » et l’inscription sur une liste d’un patient évitant le consumérisme. Dans le Health Act de 1999 [22], c’est davantage dans le cadre du développement du partenariat entre les collectivités locales et l’État qu’est envisagée la représentation du citoyen. En Grande-Bretagne, le mot « participation » se rapporte à un comportement responsable et solidaire de citoyen informé [22]. Une implication plus importante de l’usager n’apparaît donc pas dans les objectifs du Livre Blanc « Our Healthier Nation ». Il est cependant probable qu’une demande émerge dans les années à venir, les revendications des usagers se faisant de plus en plus pesantes, près de 93 000 plaintes ayant été écrites en 1998/99 envers les hôpitaux et les « community trusts » [26].
Les listes d’attente en Angleterre
37Le problème des listes d’attente en France est peu évoqué [21], et, lorsqu’il l’est, l’unité de temps est alors la semaine parfois le mois. En Angleterre, les listes d’attente sont sources de mécontentements dont s’empare la presse régulièrement. Depuis 1993, aucune personne n’attend depuis plus de deux ans [5] mais 1,3 million de britanniques étaient inscrits sur une liste d’attente en 1998 [11]. Le gouvernement de Tony Blair a fait de la réduction des listes d’attente, un objectif majeur à court terme. Un observatoire de ces listes d’attente a été mis en place, les établissements devant fournir la preuve des efforts fournis pour les réduire. Ainsi voit-on apparaître sur les bilans d’activité de grands hôpitaux Londoniens les temps d’attente pour chaque spécialité (ex. : le pourcentage de patients vus avant 13 semaines était de 65 % toutes spécialités confondues au « Guy’s & St Thomas’ Hospital Trust » en 1998/1999 [9]).
38Les autorités françaises et an-glaises ont choisi des politiques et des rythmes de restructuration très différents. La pression de la rue (les scandales à répétition, les retards dans la prise en charge des soins) sur le gouvernement anglais fait de ces difficultés un enjeu électoral. En mars 2000, M. Blair a annoncé une augmentation progressive de 35 % sur quatre ans du budget consacré à la santé [8]. D’ici 2006, celui-ci devrait rejoindre le niveau moyen européen du PIB. Ces ressources supplémentaires doivent permettre de moderniser et renforcer l’offre de soins actuelle et d’augmenter l’effectif du personnel. Cette hausse du budget sera financée essentiellement par une taxe supplémentaire sur le tabac et l’alcool.
39Ainsi, concernant l’évolution budgétaire, deux processus opposés s’effectuent de chaque côté de la Manche, avec une restriction budgétaire en France et une augmentation historique en Angleterre.
40Confrontés à des problèmes de santé publique similaires, nos deux pays ont choisi la décentralisation, avec un rapprochement sur le terrain des décideurs et une volonté de développer la coopération entre les différents acteurs. Des programmes locaux se développent en France comme en Angleterre, pour promouvoir les spécificités des besoins des usagers. L’accent est mis sur un travail en partenariat et de qualité. Cependant, l’implication varie énormément d’un pays à l’autre. D’une part en Angleterre un pouvoir financier très important est délégué aux praticiens avec une faible implication des usagers dans la maîtrise des fonds et la politique de santé. D’autre part, en France, les praticiens de santé, revendicateurs, ont un pouvoir politique important et il existe une volonté d’impliquer des usagers non seulement dans leur propre prise en charge mais également dans l’élaboration de cette politique de santé. Les médecins français sont peu enclins à faire attention aux dépenses de santé. Il semblerait impossible de les rendre gestionnaires du budget de soins de leurs patients, tel que cela est pratiqué en Angleterre.
41Des revendications et des organisations différentes existent donc entre la France et l’Angleterre. Elles per-mettent de mieux comprendre les différentes approches politiques de santé menées et d’ouvrir des perspectives aux difficultés locales rencontrées.
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Mots-clés éditeurs : système de santé, Royaume-Uni, politique de santé, usagers, acteurs de santé, France
Date de mise en ligne : 01/01/2008
https://doi.org/10.3917/spub.021.0047