Dans la critique en six articles que Barbey d’Aurevilly consacre en 1862 aux Misérables de Victor Hugo, le personnage de l’inspecteur Javert occupe une place modeste mais essentielle, pour des raisons à la fois littéraires et idéologiques. Bien qu’il condamne, de manière féroce et attendue, l’ouvrage de Hugo dans son ensemble, Barbey est manifestement séduit par Javert : il lui trouve des qualités esthétiques (Javert serait, entre autres choses, le plus « balzacien » des personnages du roman) et surtout morales ; contrairement à Valjean, à Marius ou à Myriel, qu’il n’évoque que pour les ridiculiser, Barbey accorde à Javert une puissante valeur symbolique, laquelle lui permet de se servir de l’inspecteur comme d’une arme rhétorique contre Les Misérables, « le livre le plus dangereux de ce temps ». En définitive, nous verrons que la lecture de Javert par Barbey participe pleinement de sa conception singulière de la pratique de la critique littéraire.
In the six articles of literary criticism devoted to Victor Hugo’s Les Misérables by Barbey d’Aurevilly in 1862, the Inspector Javert character takes a modest but essential place, for reasons both literary and ideological. Although, as expected, Barbey ferociously condemns Hugo’s work as a whole, he is clearly seduced by Javert : he discovers aesthetic qualities in him (Javert being, among other things, the most « Balzacian » of the characters in the novel) but also, and more meaningfully, moral ones ; contrary to Valjean, Marius or Myriel, mentioned only to be ridiculed, Barbey grants Javert a powerful symbolic value, which allows him to use the inspector as a rhetorical weapon against Les Misérables, « le livre le plus dangereux de ce temps » – « the most dangerous book of this time ». In the final analysis, Barbey’s reading of Javert belongs fully to his particular conception of the practice of literary criticism.