En 1818 paraît chez Eymery l’édition des Fables de La Fontaine, avec un nouveau commentaire littéraire et grammatical par Charles Nodier. Loin d’être un ouvrage alimentaire, ce travail éditorial de qualité compte beaucoup pour Nodier. Pourtant, il n’a que peu retenu l’attention de la critique, si l’on excepte les pages, plus descriptives qu’analytiques, que Laurence M. Porter lui consacre dans un article ancien. Le prix que Nodier attache à ce commentaire résulte en premier lieu d’une admiration jamais démentie pour La Fontaine, « génie mobile » qui croit à « l’illusion qu’il a créée » et qui est un peu son double. Dès 1808-1809, Nodier exhortait ses élèves à goûter La Fontaine sans modération : « sous prétexte que l’enthousiasme est, comme on vous l’a répété tant de fois, un sentiment faux, exalté, condamnable, ne craignez pas de porter l’amour pour La Fontaine jusqu’à l’enthousiasme, car il n’y a pas deux manières d’aimer La Fontaine […]. » En second lieu, Nodier sait qu’il a accompli un travail d’envergure, partiellement novateur, sur un objet complexe :
Le style de La Fontaine est un autre genre d’étude qui ne se dérobe pas moins aux règles de l’application pratique. La Fontaine arrivait à une époque où notre grammaire était moins arrêtée que jamais, si elle doit l’être jamais. Il affectionnait les formes de l’ancien langage, l’archaïsme pur, l’idiotisme, le patois. […] Sa langue n’était pas le français du Dictionnaire, c’était le français de La Fontaine, et il est devenu classique dans La Fontaine, en dépit des grammairiens ; mais ce n’est pas tout à fait quand on apprend à lire qu’on peut apprécier ces licences du maître qui seraient des fautes graves dans l’écolier…