Couverture de R2050_HS8

Article de revue

L’Usage du monde

Une sensibilité environnementale avant la lettre

Pages 271 à 282

Notes

  • [1]
    Littérature et écologie : vers une écopoétique, dir. par Nathalie Blanc, Denis Chartier et Thomas Pughe, Écologie et politique, n°36, juin 2008 (voir l’introduction, p. 15-28).
  • [2]
    Thomas Pughe, « Réinventer la nature : vers une éco-poétique », Études anglaises, vol. 58, n°1, janv.-mars 2005, p. 68-81.
  • [3]
    Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu : essai d’écopoétique, Marseille, Wildproject, « Tête nue », 2015.
  • [4]
    Voir par exemple les ouvrages théoriques suivants : Lawrence Buell, The Future of Environmental Criticism : Environmental Crisis and Literary Imagination, Malden (MA)/Oxford, Blackwell Publishing, 2005 ; Ursula K. Heise, Sense of Place and Sense of Planet : The Environmental Imagination of the Global, Oxford, Oxford University Press, 2008 ; Greg Garrard, Ecocriticism [2011], Londres, Routledge, « The New Critical Idiom », 2012 ; Axel Goodbody & Kate Rigby (dir.), Ecocritical Theory : New European Approaches, Charlottesville/Londres, University of Virginia Press, 2011.
  • [5]
    Voir par exemple Lawrence Buell, The Environmental Imagination : Thoreau, Nature Writing and the Formation of American Culture, Cambridge (MA)/Londres, Harvard University Press, 1995, p. 7-8.
  • [6]
    Nicolas Bouvier, L’Usage du monde [Genève, Droz, 1963], Paris, La Découverte/Poche, « Littérature et voyages », 2014. C’est à cette dernière édition que renverront toutes nos références, dorénavant placées entre parenthèses dans le corps du texte.
  • [7]
    Aldo Leopold, A Sand County Almanac and Sketches Here and There, Oxford, Oxford University Press, 1949.
  • [8]
    Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu, op. cit., p. 204.
  • [9]
    Rachel Bouvet, Vers une approche géopoétique, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2015, p. 47.
  • [10]
    Keith Moser, “Privileged Moments” in the Novels and Short Stories of J.-M.G. Le Clézio : His Contemporary Development of a Traditional French Literary Device, New York, The Edwin Mellen Press, 2008, p. ix. Nous traduisons.
  • [11]
    Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu, op. cit., p. 46.
  • [12]
    Selon la lecture que J. Baird Callicott donne de la pensée d’Aldo Leopold dans « L’Esthétique de la terre », in Aldo Leopold, La Conscience écologique, Marseille, Wildproject, « Domaine sauvage », 2013, p. 220.
  • [13]
    Barry Lopez, « Landscape and Narrative » [1984], Vintage Lopez, New York, Vintage, 2004, p. 5-6. Nous traduisons.
  • [14]
    Ibid., p. 12. Nous traduisons.
  • [15]
    Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu, op. cit., p. 190.
  • [16]
    Nathalie Froloff, « “L’Ombre des nuages” : l’Iran millénaire dans L’Usage du monde de Nicolas Bouvier », Fabula / Les colloques : Usages de Nicolas Bouvier, [en ligne], disponible sur URL : http://www.fabula.org/colloques/document4399.php, consulté le 9 mai 2017.
  • [17]
    Pierre Schoentjes, « L’“Entomologie sauvage” de Nicolas Bouvier : l’ironie et l’effroi », Fabula / Les colloques : Usages de Nicolas Bouvier, [en ligne], disponible sur URL : http://www.fabula.org/colloques/document4376.php, consulté le 7 mai 2017.
  • [18]
    Nicolas Bouvier, Le Poisson-scorpion [1982], Œuvres, Paris, Gallimard, « Quarto », 2004, p. 747 et 774.
  • [19]
    Notons que Bouvier, non seulement s’intéresse, tel un impressionniste, aux couleurs vives et aux jeux de lumière, mais se sert aussi avidement d’un vocabulaire qui renvoie à la peinture, comme dans sa description du paysage bordant la route de Sungurlu : « Parfois, on distingue la tache beige plus pâle d’un troupeau contre le flanc d’une colline, ou la fumée d’un vol d’étourneaux entre la route et le ciel vert. […] On écarquille les yeux, on se pince, mais rien ! Puis on aperçoit un point noir, et cette espèce de musique augmente intolérablement. Bien plus tard, on rattrape une paire de bœufs […] » (p. 89-90 ; nous soulignons).
  • [20]
    Il serait intéressant d’étudier, dans cette optique, le nombre d’occurrences des mots qui expriment l’admiration de l’auteur, comme « la vitesse fantastique des nuages » (p. 89), la « transparence extraordinaire » (p. 374) de l’air, un « spectacle d’une splendeur inimaginable » (p. 103), les « merveilleux paysages d’automne » (p. 368) etc.
  • [21]
    Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables [1949], trad. de l’anglais par Anna Gibson, présentation par J.-M.G. Le Clézio, Paris, Flammarion, « GF », 2000, p. 128.
  • [22]
    Lawrence Buell, The Future of Environmental Criticism, op. cit., p. 63.
  • [23]
    Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables, op. cit., p. 283.
  • [24]
    Leo Marx, The Machine in the Garden : Technology and the Pastoral Ideal in America, Oxford, Oxford University Press, 1964.
  • [25]
    Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu, op. cit., p. 118.

1Si Nicolas Bouvier est d’abord un auteur de récits de voyage, le monde naturel occupe une place centrale dans la relation de ses pérégrinations. Ouvert à un univers jusque-là inconnu, il se laisse imprégner par les animaux et végétaux qu’il croise sur sa route. De ce contact intime est née une complicité avec la nature qui le rend sensible aux phénomènes susceptibles de perturber l’équilibre naturel.

2Les œuvres de Bouvier n’ont pourtant guère été étudiées dans cette perspective. Aujourd’hui que l’écopoétique, une discipline développée par Nathalie Blanc [1], Thomas Pughe [2] et Pierre Schoentjes [3], propose des outils pour se pencher sur la littérature française dans son rapport avec l’environnement, un retour sur l’œuvre de Bouvier s’impose. Sans entrer ici dans les détails de la méthode, rappelons que l’écopoétique permet de rendre visible l’actualité des questions d’écologie dans la littérature française. Alors que l’ecocriticism[4] anglo-saxon, qui est fortement lié à l’identité nationale et à l’idéologie américaines, définit l’écriture environnementale essentiellement selon des critères éthiques [5], l’écopoétique interroge les formes poétiques par lesquelles les auteurs font apparaître les règnes végétal et animal.

3Même si Bouvier n’entre jamais dans un discours écologique, il développe avec L’Usage du monde[6] une sensibilité environnementale et questionne le rapport entre nature et culture, qui plus est à un moment où les questions environnementales ne faisaient point (encore) partie des préoccupations quotidiennes. À travers une écriture du concret, Bouvier invite le lecteur à éprouver le plaisir que lui a offert une expérience sensorielle de la nature – un plaisir dont il rend compte à travers des descriptions attentives du réel sensible et par le biais d’un imaginaire destiné à rendre tangible le monde naturel du Moyen-Orient. Son attitude à la fois curieuse et respectueuse de la nature donne l’exemple d’un « bon usage ». Ainsi, il incite les lecteurs à repenser leur propre relation aux règnes animal et végétal.

4Dans cet article, nous étudierons la façon dont cette écriture du concret s’associe dans L’Usage du monde à un imaginaire qui traduit la position éthique de l’auteur envers le monde naturel. Nous aurons pour cette lecture recours à l’« éthique de la terre » développée par Aldo Leopold, un environnementaliste américain qui, dans A Sand County Almanac [7] (1949), appelle à la préservation de la nature sauvage et dénonce la prétendue supériorité de l’homme sur la nature. En outre, nous appuierons notre analyse de l’esthétique du « faire voir » de Bouvier sur l’approche écopoéticienne élaborée par Pierre Schoentjes, selon qui « l’écriture environnementale […] oblige à prendre en considération l’expérience des sens au plus près du monde tangible. Même si son ambition dépasse de beaucoup la simple description “réaliste”, l’observation attentive compte parmi ses exigences premières » [8].

Une esthétique du sensible

5Contrairement à des auteurs de récits comme Julien Gracq, dont les descriptions du paysage et de la nature se caractérisent par un dualisme du sujet observateur et de l’objet, Bouvier, ayant lui-même vécu ce qu’il décrit, rend compte d’une expérience de fusion avec l’objet perçu. Et cette perception se réalise à travers une multisensorialité qui lui permet d’accéder à une familiarité avec le monde naturel. D’où, dans L’Usage du monde, l’importance des expériences sensorielles, que Bouvier décrit méticuleusement. Ainsi, lorsqu’il arrive dans un nouvel endroit, c’est d’abord à travers les cinq sens qu’il explore cet environnement inconnu :

6

L’Afghanistan n’a pas de chemin de fer, mais quelques routes de terre battue […]. Celle qui monte de Kandahar à Kaboul […] chemine entre d’amples versants étendus sous un ciel d’altitude. L’air de septembre est transparent, la vue porte loin, et ce qui domine c’est un vif brun montagnard […]. [O]n roule alors sur un tapis de nèfles, de petites poires jaunies qu’on écrase, qui sentent, et dont l’odeur véhémente suffit pour transformer ces solitudes en campagne (p. 325-328 ; nous soulignons).

7Nombreuses sont les descriptions dans lesquelles l’auteur rend compte de l’odeur perçante des eucalyptus, du chant bourdonnant des guêpes et de la lueur rouge du soleil. C’est d’ailleurs cette disposition de l’esprit et des sens à se montrer sensible à un paysage naturel qui lui fait découvrir les beaux spectacles de la nature. Attentif aux bruits, odeurs, goûts, formes et couleurs qui l’entourent, il se met « au diapason du monde » [9] et atteint une proximité avec les règnes végétal et animal qui l’amène à en découvrir les secrets. Toutes les impressions sensorielles se conjuguent dans l’écriture, par laquelle l’auteur fournit au lecteur un aperçu complet de son expérience du monde naturel.

8Cette approche sensorielle est d’autant plus importante qu’elle permet à l’homme de se lier émotionnellement avec la nature. Si Bouvier, comme dans un journal intime, fait part du large éventail des impressions qu’il éprouve lors de son voyage, ce sont surtout celles, envahissantes, ressenties face à une nature vierge qui suscitent en lui un état de bonheur absolu. Ainsi, les « moments privilégiés » que Keith Moser observe dans l’œuvre de Le Clézio peuvent aussi s’observer chez Bouvier. Il s’agit de « moments d’extase énigmatique qui résultent d’un contact direct à travers un ou plusieurs sens » : « L’étrange joie qui caractérise ces expériences défie ou échappe à l’explication logique et démontre les limites de la pensée rationnelle » [10] ; autrement dit, ce sont des expériences qui permettent à l’individu de dépasser toute forme de crise existentielle et qui sont souvent liées à un mode de vie en harmonie avec la nature.

9À l’opposé de la ville, comble de la corruption, qui provoque un sentiment d’oppression (« la ville nous tombait dessus », p. 35), augmentant le malaise d’un Bouvier malade et épuisé – « Lorsque je me retrouve ainsi diminué, alors la ville m’attaque. C’est très soudain […]. Tout ce qu’elle peut avoir d’informe, de nauséabond, de perfide apparaît avec une acuité de cauchemar » (p. 71) –, « l’odeur de la terre » et « la lumière naissante » sont liés à « des moments […] de recueillement et de bonheur » (p. 72-73), tandis que le bleu marin des Balkans, « d’une intense gaieté, […] agit sur les nerfs comme de la caféine » (p. 79), dotant les voyageurs d’une énergie renouvelée. Bouvier est envahi par un optimisme soudain lorsque des branches de saules lui « caressent les oreilles » (p. 93). Quand l’incertitude du voyage fait survenir la peur, la vue des grandes plaines et les odeurs qui en émanent suscitent chez l’auteur un « plaisir de vivre » (p. 92) comparable à celui de l’amour. Couché dans l’herbe fraîche, Bouvier « [s]e félicite d’être au monde » (p. 93) et finit par découvrir ce que vivre pleinement veut dire :

10

Adossé contre une colline, on regarde les étoiles, les mouvements vagues de la terre qui s’en va vers le Caucase, les yeux phosphorescents des renards. Le temps passe […] puis l’aube se lève, s’étend, les cailles et les perdrix s’en mêlent… […] le mot « bonheur » paraît bien maigre et particulier pour décrire ce qui vous arrive.
Finalement, ce qui constitue l’ossature de l’existence, ce n’est ni la famille, ni la carrière, ni ce que d’autres diront ou penseront de vous, mais quelques instants de cette nature, soulevés par une lévitation plus sereine encore que celle de l’amour, et que la vie nous distribue avec une parcimonie à la mesure de notre faible cœur (p. 111-112).

11Ces moments de satisfaction profonde ne sont d’ailleurs pas passagers ou fortuits, et apparemment personne ne se lasse jamais de cette beauté : lorsque Bouvier interroge les habitants de Kaboul sur le Khyber, ce col entre l’Afghanistan et le Pakistan, et que ce paysage merveilleux leur revient à l’esprit, ils sont à nouveau « éblouis, transportés, hors d’eux-mêmes » (p. 371) comme s’ils venaient de le découvrir.

Une poétique du monde concret

12Il y a chez Bouvier un désir profond de faire part de la réalité de l’univers qu’il découvre, ce dont témoigne aussi l’importance qu’il attache à l’authenticité de ses expériences :

13

À mon retour, il s’est trouvé beaucoup de gens qui n’étaient pas partis, pour me dire qu’avec un peu de fantaisie et de concentration ils voyageaient tout aussi bien sans lever le cul de leur chaise. Je les crois volontiers. Ce sont des forts. Pas moi. J’ai trop besoin de cet appoint concret qu’est le déplacement dans l’espace. Heureusement d’ailleurs que le monde s’étend pour les faibles et les supporte, et quand le monde, comme certains soirs sur la route de Macédoine, c’est la lune à main gauche, les flots argentés de la Morava à main droite, et la perspective d’aller chercher derrière l’horizon un village où vivre les trois prochaines semaines, je suis bien aise de ne pouvoir m’en passer (p. 53).

14C’est pourquoi on pourrait considérer Bouvier comme un auteur soucieux d’évoquer le monde environnant dans une esthétique réaliste : l’expérience concrète de la nature constitue chez lui le point de départ de toute réflexion, sans qu’il se perde dans des célébrations lyriques ou des superpositions symboliques. Attaché au réel, il cherche à exprimer son lien intime avec l’univers végétal et animal à l’aide d’une écriture des sens, dans laquelle il s’attache toujours à privilégier le concret. Toute évocation de la beauté de la nature s’ancre dans la matérialité des choses. Comme l’écrit Pierre Schoentjes, « [l]’ancrage dans le concret est un levier puissant. Il permet de renouveler les formes de littérature tout en contribuant à la sauvegarde de la planète et au bien-être des hommes » [11].

15Néanmoins, on ne saurait oublier que la perception du monde environnant est différente pour chacun. Si l’on questionnait des gens se trouvant au même moment au même endroit, on constaterait qu’ils observent et interprètent les phénomènes naturels différemment selon leurs intérêts, leur attention, leur sensibilité… L’observation à travers les sens est essentiellement subjective, elle est influencée par l’état physiologique et émotionnel de l’observateur. La perception étant aussi bien physique que psychologique, elle devient un compromis entre les caractéristiques de la réalité et celles de l’observateur. Selon Aldo Leopold, il ne faut pas oublier que non seulement la pensée dérive de l’expérience, mais encore que l’expérience dérive tout autant de la pensée : « Le “monde”, tel qu’il pénètre en nous à travers nos sens, est filtré, structuré et ordonné par le cadre conceptuel à partir duquel nous l’appréhendons, qui est lui-même antérieur, non pas nécessairement à toute expérience, mais à toute expérience construite ». Il y a toujours une interaction entre « le composant formel créatif (ou actif) » de l’expérience et « le composant sensoriel réceptif (ou passif) » [12]. En sélectionnant et structurant ce qu’il perçoit, l’homme donne sens au monde. Toute image qui découle de l’observation est donc déformée.

16Dès lors, Bouvier ne se limite pas à la simple transcription de ce qu’il voit : à une écriture du réel qui rend présente la nature en évoquant la condition physique et émotionnelle de l’auteur, s’ajoute un imaginaire destiné à saisir ses expériences du monde au plus près du vécu. L’observation n’est souvent que le prétexte à une réflexion intégrant non seulement le phénomène (extérieur) perçu mais aussi toutes les images qui peuvent y être associées. Et c’est exactement là que réside la puissance de L’Usage du monde : l’auteur rend compte autant de ce que Barry Lopez, un essayiste qui analyse notre attachement au lieu, nomme « le paysage extérieur », qui est le paysage naturel, que du « paysage intérieur » [13], c’est-à-dire l’imaginaire qui découle du paysage extérieur et qui en serait « une représentation métaphorique » [14]. Cette dernière, liée à une nature pour laquelle on éprouve une attirance particulière est très puissante, et c’est ce qui rend le monde évoqué par Bouvier éminemment riche et tangible. Car, comme le note encore Pierre Schoentjes, imaginaire et réalité ne sont point en opposition, étant donné que « [l]a nature est un lieu où l’imaginaire peut s’attacher à un très grand nombre d’éléments concrets » [15].

17À travers les associations que l’environnement naturel suscite, les mondes humain, animal, végétal et minéral se répondent. Les descriptions des paysages naturels sont dynamisées par l’évocation d’un univers de formes, de couleurs et de sons. Bouvier cherche à « accéder ainsi, de manière détournée, au réel par le détour d’une langue musicale » [16]. Au lieu de créer un écart entre la description et le phénomène décrit, les figures de style telles que la comparaison, la métaphore et la personnification traduisent les sensations de Bouvier de la façon la plus authentique possible.

18Si une métaphore maritime survient à plusieurs reprises pour représenter des montagnes et des plaines, c’est parce que l’écrivain veut transmettre au lecteur l’impression de vastitude qui l’a envahi à la vue de ces paysages immenses : il perçoit une « mer de collines » (p. 47), une « mer de montagnes bleues » (p. 126), un « océan de terre rouge » (p. 119) et compare un plateau sableux à une mer pour en souligner l’étendue (p. 261). Pour mettre en relief la chaleur insupportable du désert iranien et « la violence de la lumière », qui « supprim[e] entièrement le paysage » (p. 231), le soleil est désigné comme « un tueur » (p. 269). Ailleurs, le narrateur se montre attentif aux formes offertes par la nature, relevant les « auréoles » (p. 74) que forment les myriades de mouches ou le « champignon » (p. 96) que dessine un orage. Lorsqu’une araignée traverse la route en zigzag, sa couleur jaune et son déplacement sinueux sont rendus par une métaphore : « l’éclair moutarde d’une tarentule » (p. 230). De plus, Bouvier associe volontiers, à la faveur d’un oxymore, des notations a priori incompatibles afin de rendre tangibles les caractères physiques des animaux, comme ce hibou dont il veut évoquer la légèreté et le moelleux : « c’est un hibou qui dormait au bord de la piste sur la pile d’un pont, et ce lourd flocon s’enlève en criant dans le vent de la voiture » (p. 90 ; nous soulignons).

19Les phénomènes naturels inanimés ou immobiles n’échappent pas non plus aux effets d’une imagination qui voit souvent l’auteur interpréter ses propres perceptions. Ainsi, l’air peut être « vif et acquiesçant à tout » (p. 169) ; le sentiment de tranquillité et de solidité que procure une barrière végétale se traduit dans « l’armée des plants de tabac qui entoure la ville de fortes feuilles rassurantes » (p. 71) ; la nouvelle énergie du début du printemps est tangible dans les « petits bosquets rédempteurs » (p. 188) qui portent des chatons de mars. Tout à coup envahi par une angoisse de la mort, le narrateur sent l’odeur « sombre » (p. 235) d’un troupeau de buffles – un adjectif qu’il utilise encore pour décrire l’herbe au moment où des pannes multiples compliquent son voyage (p. 240). Quand une montagne et une pente trop raide rendent la traversée quasi impossible, l’écrivain voit « un chaos de rocs noirs et fumants, trois squelettes de tamaris que les lichens couvraient de barbes mélancoliques, et quelques lacets sauvages. Pas très haut non plus, mais si exactement placé à l’endroit où la vie renonce, où le courage n’en peut plus, où l’eau s’enfuit du corps comme d’un pot cassé » (p. 269-270 ; nous soulignons).

20Si cette manière de les saisir en des termes psychologiques rend les phénomènes naturels plus vivants, l’animation de la nature atteint son comble grâce aux procédés d’anthropomorphisme dont Bouvier se sert dans plusieurs descriptions : la montagne « ne se dépensait pas en gestes inutiles : montait, se reposait, montait encore, avec des assises puissantes, des flancs larges, des parois biseautées comme un joyau » (p. 374) ; dans une forêt de hêtres, les feuillages « éclat[ent] comme des fanfares à vingt mètres au-dessus de nos têtes » (p. 101) ; sur la route de Miandoab, la terre « travaill[e], soupir[e], ren[d] comme une éponge des milliers de filets d’eau qui la f[o]nt briller » (p. 167) ; en Macédoine, nous rencontrons une « pouliche haute sur jambes, les yeux comme des marrons dans leur coque entrouverte, et une robe sans défaut sous laquelle les muscles jou[ent] avec une coquetterie souveraine », le narrateur constatant avec une bonne dose d’ironie que c’est qu’il « avai[t] vu de plus femme en Yougoslavie » (p. 72). Comme l’a constaté Pierre Schoentjes [17], cette technique d’anthropomorphisation se retrouve aussi bien dans L’Usage du monde que dans Chronique japonaise et Le Poisson-scorpion. Dans ce dernier livre, en dépeignant des insectes comme des êtres humains [18], l’auteur crée un univers cauchemardesque qui est le reflet de son propre sentiment de désespoir à Ceylan.

21Bref, si l’écriture de Bouvier donne une impression de simplicité, celle-ci est le résultat d’un patient travail sur la langue. L’imagination de l’auteur, qui s’active déjà au moment même des observations, l’incite à comparer et à rapprocher des idées, des formes, des couleurs et des sentiments. La synesthésie se traduit dans des métaphores destinées à rendre plus tangibles les phénomènes décrits. Ainsi, Bouvier veut donner au lecteur l’occasion d’imaginer la scène avec minutie et surtout avec exactement le même regard, les mêmes sensations que lui. Il peint le monde en impressionniste [19], il transmet sa propre réalité et instrumentalise les éléments du monde naturel pour exprimer, à la faveur d’associations poétiques, un sentiment, une expérience personnelle, une atmosphère.

22 Le travail d’écriture de Bouvier montre donc la façon dont l’auteur entre virtuellement en communication avec le l’environnement. À travers des associations, les éléments du monde naturel sont saisis subjectivement dans ce qu’ils ont de commun avec les autres règnes (animal, végétal, minéral) et dynamisés par l’évocation des sentiments que l’auteur projette sur la nature. Il en résulte un « monde complet » (p. 99), dans lequel tous les éléments interagissent, et que l’auteur rend sensible au moyen de métaphores, de comparaisons, d’anthropomorphisations.

Une intimité avec la nature

23Grâce à son expérience intime et sensorielle de la nature, Bouvier éprouve une grande proximité avec son environnement. En faisant « usage » du monde, il s’ouvre aux règnes animal et végétal que non seulement il perçoit avec un émerveillement grandissant [20], mais avec lesquels il finit par se lier d’une façon émotionnelle. S’il exprime, comme nous l’avons constaté, le bonheur qui est le sien aux moments où il ressent une intimité avec le monde naturel – une euphorie que jamais ne suscite la ville –, c’est surtout le fait de voir dans les animaux, les végétaux et les paysages le reflet de ses propres sentiments qui témoigne de sa profonde complicité avec la nature. Et cette complicité, sans pousser au militantisme, est susceptible de faire naître une sensibilité écologique.

24Selon Aldo Leopold, c’est d’abord l’expérience sensorielle qui exerce une grande influence sur la valeur : le prix que l’homme accorde à la nature. Et, dans ce contact qui est d’abord d’ordre esthétique, la vue est le sens prééminent. Pour ce théoricien d’une éthique de la terre, « notre faculté à percevoir la qualité d’un paysage naturel commence, comme en art, par le plaisir des yeux. Elle s’étend ensuite, suivant différentes étapes du beau, jusqu’à des valeurs non encore captées par le langage » [21]. Ce qui plaît aux yeux doit être conservé. C’est pourquoi « le degré de beauté » d’un paysage détermine dans une large mesure les actions humaines : « Examinez chaque question en termes de ce qui est éthiquement ou esthétiquement juste […]. Une chose est juste lorsqu’elle tend à préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est injuste lorsqu’elle tend à l’inverse » (ibid., p. 283). De son côté, Lawrence Buell, un des premiers théoriciens de l’approche écocritique, ajoute que, si l’expérience sensorielle constitue déjà un premier pas vers la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la nature, et dès lors de sa préservation, on ne saurait sous-estimer l’importance d’un attachement sentimental dans l’analyse d’un site naturel. Ainsi, les émotions constituent un facteur prépondérant dans l’appréciation d’un lieu : « Que le concept de lieu pointe en outre dans au moins trois directions – vers la matérialité de l’environnement, vers la perception ou la construction sociale, et vers l’affect ou le lien individuel – en fait un domaine d’une riche complexité pour la critique environnementale » [22].

25Non seulement Bouvier se rapproche du monde naturel dans une perspective essentiellement esthétique, mais il se montre attentif aussi à ce qui est étranger à ce monde et risque d’en perturber l’harmonie, bref à ce qui ne préserve pas « l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique » [23]. Il s’agit en premier lieu d’une opposition entre nature et culture, dans laquelle tout ce qui relève de l’artifice paraît former un contraste criard avec les paysages naturels.

26Ainsi, Bouvier rend compte à plusieurs reprises de la façon dont de grands engins font irruption dans un environnement dont ils brouillent immédiatement l’intégrité – ne serait-ce que par leur couleur et leur forme :

27

Bien plus tard, on rattrape une paire de bœufs, et leur conducteur qui dort la casquette sur le nez, perché sur une lourde charrette à roues pleines dont les essieux forcent et grincent à chaque tour. […] Quant aux camions, on a affaire à leurs phares une heure au moins avant de les croiser. On les perd, les retrouve, les oublie. Brusquement ils sont là, et pendant quelques secondes nous éclairons ces énormes carcasses peintes en rose ou en vert pomme, décorées de fleurs en semis, et qui s’éloignent en tanguant sur la terre nue, comme de monstrueux bouquets (p. 90 ; nous soulignons).

28 Même si le narrateur n’exprime nulle part de façon explicite sa répugnance pour les grands camions, le choix du qualificatif « monstrueux » pour évoquer ces véhicules ne paraît nullement fortuit : ce sont pour lui des « monstres lancés dans la descente » (p. 103), des « monstres désemparés » (p. 207). Certes, la position de Bouvier est encore loin de celle d’auteurs comme Leo Marx qui, dans The Machine in the Garden[24], problématise en 1964 l’apparition de la technologie dans la wilderness américaine, mais les métaphores de L’Usage du monde rendent compte du paradoxe des moyens de transport : si les inventions techniques permettent aux hommes de se rapprocher de la nature la plus reculée, elles sont en même temps responsables de la disparition de la nature sauvage, à laquelle la présence d’une infrastructure routière fait perdre sa virginité.

29 Dans les immenses paysages du Moyen-Orient, il y a même des écosystèmes où « toutes les choses humaines paraiss[ent] frustes, amenuisées, séparées par trop d’espace comme dans [d]es dessins d’enfants » (p. 374), où l’homme n’a pas sa place et dans lesquels il paraît un intrus risquant de perturber le rythme naturel des communautés biotiques :

30

Il y a ici un appétit d’essentiel sans cesse entretenu par le spectacle d’une nature où l’homme apparaît comme un humble accident, par la finesse et la lenteur d’une vie où le frugal tue le mesquin (p. 359).
Soleil, espace, silence. Les fleurs ne sont pas encore sorties, mais partout les loirs, les campagnols et les marmottes creusent comme des démons dans cette terre grasse. Chemin faisant on rencontre aussi le héron cendré, la spatule, le renard, la perdrix rouge, et parfois l’homme avec son allure de flâneur qui dispose de son temps. C’est une question d’échelle, dans un paysage de cette taille, même un cavalier lancé à fond de train aurait l’air d’un fainéant (p. 208).

31 De plus, se croyant maîtres de la nature, les hommes ne s’en méfient nullement, mais à tort, comme le montrent les nombreuses pannes relatées dans L’Usage du monde. Non seulement les pentes sont souvent trop raides, mais le soleil, ce « tueur », risque constamment de faire éclater les pneus de la voiture (p. 258). Il se révèle une véritable force meurtrière : « Un soleil dont on n’a pas idée », explique l’imam Djumé, « l’an dernier deux Autrichiens ont voulu faire cette route à la même saison. Ils sont morts avant la frontière » (p. 225).

32 Pour Bouvier, nous sous-estimons la force des éléments naturels et ne pensons pas aux risques qui menacent les constructions. Ainsi, l’eau semble engager le combat avec les artefacts : à force de crues, de remontées soudaines et de ruissellements, la rivière Kizil-uzum a fini par emporter le pont jeté pour permettre le passage de centaines de caravanes et de troupeaux (p. 202). À Novi-Beograd, Bouvier trouve les fondations d’une nouvelle ville que le gouvernement a voulu édifier sur un sol trop humide, malgré les avertissements des géologues : « une autorité – même auguste – ne prévaut pas contre un terrain spongieux et Novi-Beograd, au lieu de sortir de terre, persistait à s’y enfoncer. Abandonnée depuis deux ans, elle dressait entre la grande campagne et nous ses fausses fenêtres et ses poutrelles tordues où perchaient les hiboux » (p. 18-19).

33 À cause des multiples pannes et retards qui résultent du dysfonctionnement des inventions humaines, et impressionné par la vue d’un spectacle naturel éblouissant en Iran, l’auteur relativise la valeur du progrès technique, dénonçant notre dépendance typiquement occidentale : « Les mécaniques, le progrès : bon ! Mais on mesure mal sa dépendance, et quand il vous lâche, on est moins bien partagé que ceux qui croyaient à la Dame Blanche, au Moine Bourru, ou devaient compter, pour leurs récoltes, sur les Génies les plus rétifs » (p. 249). Plus haut, l’admiration des Turcs pour tout ce qui relève de l’industrialisation le confirmait paradoxalement dans sa remise en cause des « commodités » occidentales :

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[…] on est moins sensible à ce qu’on a qu’à ce dont on manque. Ils manquent de technique ; nous voudrions bien sortir de l’impasse dans laquelle trop de technique nous a conduits : cette sensibilité saturée par l’Information, cette Culture distraite, « au second degré ». Nous comptons sur leurs recettes pour revivre, eux sur les nôtres, pour vivre. On se croise en chemin sans toujours se comprendre, et parfois le voyageur s’impatiente ; mais il y a beaucoup d’égoïsme dans cette impatience-là (p. 105).

35 S’il ne va pas jusqu’à prôner la sauvegarde de la planète et dénoncer explicitement des méfaits du progrès comme la pollution des eaux ou la disparition des espèces animales et végétales, Bouvier se révèle très attentif aux phénomènes modernes susceptibles de nuire à la planète. Ainsi, sans toutefois témoigner d’une sensibilité que nous qualifierions aujourd’hui d’écologique, il mentionne à trois reprises le DDT, qui est destiné à exterminer les puces et qu’il mentionne, ironiquement, dans une énumération où figurent une chorale et une nouvelle piscine comme les moyens de recrutement des marxistes de Prilep (p. 62). Obligé au Pakistan de fouiller une décharge pour retrouver son manuscrit, jeté à la poubelle par le boy de son hôtel, il rend visible la problématique des déchets, « qui plus est à une époque où la question était inexistante dans le débat public » [25]. Sa description comprend tous les éléments typiques d’une décharge, comme les vautours et les aigles attirés par la provende pourrissante et les « bouffées délétères » qu’exhale la « plaine d’ordures » avec la régularité du « souffle d’un dormeur » (p. 307). L’analyse de cet entassement de rebuts donne également lieu à une réflexion sur la corrélation entre le statut socio-économique des habitants et ce que nous appellerions aujourd’hui l’empreinte écologique : « On retrouvait dans ces détritus comme une image affaiblie de la structure de la ville. La pauvreté ne produit pas les mêmes déchets que l’aisance » (p. 308). Mais ce sont surtout l’odeur, la toxicité des exhalaisons et la force destructrice irréversible d’un tel amas d’immondices qui le préoccupent :

36

À chaque respiration, je revoyais cette plaine fumante et noire libérer par bouffées ses dernières molécules instables pour rejoindre enfin l’inertie élémentaire et le repos ; cette matière au bout de ses peines, au terme de ses réincarnations, dont cent ans d’ondée et de soleil n’auraient plus tiré un brin d’herbe (p. 310).

37Il n’est donc pas surprenant que ce soit une citation de Ralph Waldo Emerson qui clôture le récit, tout en le résumant. En effet, ce penseur américain fut en 1836 un des fondateurs de la tradition littéraire de la nature writing américaine avec la publication de Nature, où il développe ses pensées transcendantalistes, questionnant la place de l’homme et de l’âme humaine dans la nature sauvage des États-Unis. Et de fait, après son périple au Moyen-Orient, l’auteur de L’Usage du monde ne « redeviendr[a] jamais plus tout à fait [le misérable pédant] » (p. 377) occidental qu’il était.

38 Bouvier, témoignant d’un grand intérêt pour les processus environnementaux, se montre donc déjà sensible à l’avenir de la planète. « L’usage du monde » est d’abord un « bon usage du monde », un usage généreux qui se caractérise par le développement d’une attention intime à l’environnement, d’une relation sensorielle et d’une union éthique avec la nature. Au-delà du seul Moyen-Orient et de ses vastes espaces, la portée de cette écriture sensitive, dans laquelle l’écrivain cherche toujours à privilégier le concret, serait ainsi d’inviter le lecteur à partager son respect pour la nature, à vivre comme lui en harmonie avec elle, bref à renouveler sa vision du monde.

Notes

  • [1]
    Littérature et écologie : vers une écopoétique, dir. par Nathalie Blanc, Denis Chartier et Thomas Pughe, Écologie et politique, n°36, juin 2008 (voir l’introduction, p. 15-28).
  • [2]
    Thomas Pughe, « Réinventer la nature : vers une éco-poétique », Études anglaises, vol. 58, n°1, janv.-mars 2005, p. 68-81.
  • [3]
    Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu : essai d’écopoétique, Marseille, Wildproject, « Tête nue », 2015.
  • [4]
    Voir par exemple les ouvrages théoriques suivants : Lawrence Buell, The Future of Environmental Criticism : Environmental Crisis and Literary Imagination, Malden (MA)/Oxford, Blackwell Publishing, 2005 ; Ursula K. Heise, Sense of Place and Sense of Planet : The Environmental Imagination of the Global, Oxford, Oxford University Press, 2008 ; Greg Garrard, Ecocriticism [2011], Londres, Routledge, « The New Critical Idiom », 2012 ; Axel Goodbody & Kate Rigby (dir.), Ecocritical Theory : New European Approaches, Charlottesville/Londres, University of Virginia Press, 2011.
  • [5]
    Voir par exemple Lawrence Buell, The Environmental Imagination : Thoreau, Nature Writing and the Formation of American Culture, Cambridge (MA)/Londres, Harvard University Press, 1995, p. 7-8.
  • [6]
    Nicolas Bouvier, L’Usage du monde [Genève, Droz, 1963], Paris, La Découverte/Poche, « Littérature et voyages », 2014. C’est à cette dernière édition que renverront toutes nos références, dorénavant placées entre parenthèses dans le corps du texte.
  • [7]
    Aldo Leopold, A Sand County Almanac and Sketches Here and There, Oxford, Oxford University Press, 1949.
  • [8]
    Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu, op. cit., p. 204.
  • [9]
    Rachel Bouvet, Vers une approche géopoétique, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2015, p. 47.
  • [10]
    Keith Moser, “Privileged Moments” in the Novels and Short Stories of J.-M.G. Le Clézio : His Contemporary Development of a Traditional French Literary Device, New York, The Edwin Mellen Press, 2008, p. ix. Nous traduisons.
  • [11]
    Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu, op. cit., p. 46.
  • [12]
    Selon la lecture que J. Baird Callicott donne de la pensée d’Aldo Leopold dans « L’Esthétique de la terre », in Aldo Leopold, La Conscience écologique, Marseille, Wildproject, « Domaine sauvage », 2013, p. 220.
  • [13]
    Barry Lopez, « Landscape and Narrative » [1984], Vintage Lopez, New York, Vintage, 2004, p. 5-6. Nous traduisons.
  • [14]
    Ibid., p. 12. Nous traduisons.
  • [15]
    Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu, op. cit., p. 190.
  • [16]
    Nathalie Froloff, « “L’Ombre des nuages” : l’Iran millénaire dans L’Usage du monde de Nicolas Bouvier », Fabula / Les colloques : Usages de Nicolas Bouvier, [en ligne], disponible sur URL : http://www.fabula.org/colloques/document4399.php, consulté le 9 mai 2017.
  • [17]
    Pierre Schoentjes, « L’“Entomologie sauvage” de Nicolas Bouvier : l’ironie et l’effroi », Fabula / Les colloques : Usages de Nicolas Bouvier, [en ligne], disponible sur URL : http://www.fabula.org/colloques/document4376.php, consulté le 7 mai 2017.
  • [18]
    Nicolas Bouvier, Le Poisson-scorpion [1982], Œuvres, Paris, Gallimard, « Quarto », 2004, p. 747 et 774.
  • [19]
    Notons que Bouvier, non seulement s’intéresse, tel un impressionniste, aux couleurs vives et aux jeux de lumière, mais se sert aussi avidement d’un vocabulaire qui renvoie à la peinture, comme dans sa description du paysage bordant la route de Sungurlu : « Parfois, on distingue la tache beige plus pâle d’un troupeau contre le flanc d’une colline, ou la fumée d’un vol d’étourneaux entre la route et le ciel vert. […] On écarquille les yeux, on se pince, mais rien ! Puis on aperçoit un point noir, et cette espèce de musique augmente intolérablement. Bien plus tard, on rattrape une paire de bœufs […] » (p. 89-90 ; nous soulignons).
  • [20]
    Il serait intéressant d’étudier, dans cette optique, le nombre d’occurrences des mots qui expriment l’admiration de l’auteur, comme « la vitesse fantastique des nuages » (p. 89), la « transparence extraordinaire » (p. 374) de l’air, un « spectacle d’une splendeur inimaginable » (p. 103), les « merveilleux paysages d’automne » (p. 368) etc.
  • [21]
    Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables [1949], trad. de l’anglais par Anna Gibson, présentation par J.-M.G. Le Clézio, Paris, Flammarion, « GF », 2000, p. 128.
  • [22]
    Lawrence Buell, The Future of Environmental Criticism, op. cit., p. 63.
  • [23]
    Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables, op. cit., p. 283.
  • [24]
    Leo Marx, The Machine in the Garden : Technology and the Pastoral Ideal in America, Oxford, Oxford University Press, 1964.
  • [25]
    Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu, op. cit., p. 118.
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