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Article de revue

L’apport des SIG 4D pour une cartographie du XXIe siècle empreinte de modernité

Pages 19 à 24

1Pour pouvoir restituer la diversité terrestre, de nombreux systèmes de projections ont été élaborés au cours des siècles. L’intégration de thématiques au travers des cartes a permis de préciser certains enseignements de la science géographique. Une même carte peut ainsi grouper de nombreuses données et l’essor de l’informatique permet le développement, à très grande échelle, de cet exceptionnel outil de réflexion.

2Si la cartographie permet d’informer, d’expliquer, d’alerter et de prendre conscience des bouleversements qui affectent le monde et des réorganisations qui en découlent, s’intéresser à ce que fut l’évolution des représentations nous aide à mieux comprendre la cartographie contemporaine et à inventer son futur.

3Actuellement, de nouvelles technologies permettent d’enrichir ces approches par le biais de nouveaux modes de représentation, qui peuvent désormais intégrer la dimension temporelle, les SIG 4D.

L’évolution de la cartographie

4Par son approche scientifique, la civilisation grecque a révolutionné la cartographie : Pythagore a étudié la sphéricité de la Terre, Érathostène en a calculé la circonférence, Ptolémée a, quant à lui, répertorié les connaissances de l’époque, tous seront des références pendant plus de quatorze siècles. Mais avec le déclin du commerce maritime, la cartographie disparaît presque totalement en Europe entre les IVe et XIIe siècles, la Terre devient un support symbolique et religieux, centré sur Jérusalem, un diagramme T dans O.

5Grâce à Al Idrisi qui répertorie et complète les cartes par un ouvrage décrivant la géographie des régions et les mœurs des populations, elle se développe à nouveau à partir du XIIe siècle. C’est à cette époque que le Traité de géographie de Ptolémée est traduit en latin, à partir d’une version arabe. Puis, avec le renouveau du commerce maritime, de nouvelles cartes apparaissent, les portulans, qui regroupent les informations utiles à la navigation. Au XVIe siècle, les cartes sont enrichies à la suite de la découverte du Nouveau Monde, America. Et Gérard Mercator crée le premier atlas.

Les systèmes de projection cartographique

6Représenter la sphère terrestre sur un mode bidimensionnel entraîne des déformations ; et le choix de la projection varie en fonction de l’usage qu’il est prévu de faire du planisphère. Parmi les très nombreux modèles de projection, nous avons sélectionné les trois principaux que nous présentons dans le tableau de la page suivante.

Figure 1

Évolution des cartographies à travers le temps

Figure 1

Évolution des cartographies à travers le temps

(source : BnF)
Tableau 1

Modèles de projections cartographiques

Tableau 1

Modèles de projections cartographiques

Figure 2

Exemples d’évolution de la précision des cartographies

Figure 2

Exemples d’évolution de la précision des cartographies

(source : Lacroix, 2017, d’après Thierry Hatt, lycée Fustel de Coulanges)

Les cartes thématiques

7À partir du XVIe siècle, les types de planisphère se multiplient et les « atlas » apparaissent. Les cartes thématiques permettent alors l’étude spatiale d’un phénomène. Elles proposent certaines informations d’ordre qualitatif (phénomènes de natures différentes) ou quantitatif (contrastes et hiérarchies des données).

8Tout en intégrant des informations techniques, la carte est d’abord une image destinée à être rapidement comprise. Ce support facilite la mise à disposition de l’information et permet de visualiser des solutions envisageables en réponse à des problèmes décisionnels à référence spatiale, comme le souligne le premier usage d’une carte à Saint-Malo en 1749 en tant que document de travail (Laboulais, 2008).

L’apport de l’informatique : la géomatique et les SIG

9À partir des années 2000, l’essor de techniques, comme la photogrammétrie aérienne ou les méthodes géophysiques, qui facilitent l’acquisition de grandes masses de données, et celui de l’informatique, qui favorise leur stockage et leur gestion, ouvrent la voie à des outils capables de fournir des informations calculées et/ou générées sous une forme facilement exploitable, combinant des données pluridisciplinaires.

10Cette acquisition de données de plus en plus précises, sur des zones de plus en plus étendues et parfois inaccessibles, et le développement de la géomatique avec la création des systèmes d’information géographique (SIG) permettent de produire, à partir de jeux de données spatiales, des cartes variées (selon les thématiques souhaitées), à des échelles diverses (selon les phénomènes à visualiser), rapidement adaptables (modifications réalisables dès la mise à jour du ou des jeu(x) de données) et de façon automatique.

11Ainsi, grâce au développement de l’informatique et des technologies, la cartographie vit une véritable révolution en contribuant à la multiplication de cartes thématiques s’appuyant sur des données fiables et rapidement actualisables.

L’apport de la 3D à la cartographie actuelle

12Les informations ainsi collectées permettent de construire de nouvelles cartes bidimensionnelles. Plus simples dans leur conception, ces cartes permettent de représenter la plupart des phénomènes, mais elles ne laissent pas la possibilité de visualiser des phénomènes tridimensionnels.

13Ces données tridimensionnelles ouvrent de nouvelles thématiques de recherche et de représentations ainsi que de nouveaux moyens de communication. Elles nécessitent la gestion et la conception de cartographies mêlant à la fois des informations 2D (informations planes), 2,5D (informations géolocalisées en X et Y et disposant d’une indication altimétrique : hauteur des bâtiments, profondeur d’implantation des canalisations…) et 3D (X, Y et Z).

14Cette évolution dans le domaine de la géomatique permet de nouvelles utilisations dans le cadre de l’aide à la décision ou de la communication sur un projet. La troisième dimension permet ainsi :

  • la visualisation de sites remarquables et de zones protégées, l’identification des bâtiments classés, la confection de l’inventaire du patrimoine architectural ou artistique…
  • la représentation des espaces à travers le temps : une simulation historique des bâtiments, par exemple ;
  • l’étude de problématiques environnementales, comme la cartographie du bruit, la simulation des courants aériens (Kiseleva et al.)…
  • l’aménagement urbain avec l’intégration de projets architecturaux, la représentation de l’ensoleillement, des réceptions hertziennes ou téléphoniques ;
  • la modélisation du trafic routier et de la mobilité douce ;
  • la projection d’informations sur des zones dont l’accès est difficile, voire impossible : les forages, les gisements miniers, les constructions souterraines…

Figure 3

Modélisation de la ville de Paris à différentes époques

Figure 3

Modélisation de la ville de Paris à différentes époques

(source : Dassault Systèmes)
Figure 4

Exemples de restitutions tridimensionnelles obtenues grâce aux logiciels Marthe (BRGM), MODFLOW (USGS) et ELYX3D (Lacroix, 2016b et 2017)

Figure 4
© BRGM
Figure 4
© USGS
Figure 4
© Creative Commons by-nc-nd
Figure 4
© Creative Commons by-nc-nd

Exemples de restitutions tridimensionnelles obtenues grâce aux logiciels Marthe (BRGM), MODFLOW (USGS) et ELYX3D (Lacroix, 2016b et 2017)

15La 3D permet ainsi de communiquer sur de nouvelles thématiques et d’élargir le champ des possibles pour la cartographie. Elle sert alors de tremplin pour de nouveaux modes de représentations impliquant la dimension temporelle ou l’usage de nouveaux outils.

Vers une nouvelle représentation des phénomènes

16Certains phénomènes nécessitent de développer de nouveaux axes de recherche en matière de représentation, en intégrant soit les technologies de réalité virtuelle, soit la dimension temporelle.

L’usage de technologies de réalité virtuelle

17Ces modes de représentation en quatre dimensions permettent une meilleure estimation et une meilleure visualisation de phénomènes physiques. Ils peuvent être couplés à de nouvelles technologies : les casques de réalité virtuelle, les lunettes CardBoard, ou bien encore les anaglyphes.

Figure 5

Représentation, grâce à la technologie CardBoard, de zones et de canalisations à risque (source : Lacroix, 2016)

Figure 5

Représentation, grâce à la technologie CardBoard, de zones et de canalisations à risque (source : Lacroix, 2016)

© Creative Commons by-nc-nd

18Ces technologies, basées sur des techniques anciennes de stéréoscopie, donnent accès à une autre visualisation plus réaliste et/ou immersive de phénomènes et de segments de territoires et rendent possibles de nombreux usages qui favorisent une communication plus intuitive, comme :

  • la visualisation d’éléments souterrains (en particulier, les risques liés aux réseaux enterrés ou des zones de carrières) ;
  • la représentation immersive d’un espace étudié via les visualisations :
    • anaglyphique,
    • stéréoscopique,
    • et holographique.

Figure 6

Vue anaglyphique d’une ville

Figure 6

Vue anaglyphique d’une ville

(source : Richard, 2018)
Figure 7

Vue stéréographique d’une ville

Figure 7

Vue stéréographique d’une ville

(source : Richard, 2018)
Figure 8

Vue holographique d’une ville

Figure 8

Vue holographique d’une ville

(source : Richard, 2018)

La dimension temporelle

19Gérer le temps en complément de la représentation 3D est également possible grâce :

  • aux nouvelles technologies d’acquisition et de stockage des informations, ainsi qu’aux matériels informatiques actuellement disponibles (immersion/cartes graphiques) qui permettent le développement de logiciels informatiques plus performants et favorisent l’accès à ces nouvelles cartographies 4D pour le grand public, permettant ainsi une meilleure diffusion de l’information ;
  • à l’instauration de « collaborations » entre différents domaines de l’informatique (en particulier, la géomatique et les jeux vidéo).

20Intégrer le temps dans la représentation cartographique permet ainsi de modéliser :

  • l’évolution temporelle d’un territoire ;
  • un même phénomène à différentes échelles de temps selon les métiers intéressés par cette information : les agents de voirie pour l’étude de l’usage des routes à l’échelle de la journée ; les géotechniciens pour l’expertise technique et la prédictibilité de l’usure des routes au fil du temps ; les autorités communales pour la mise en place de stratégies de prévention et la détermination d’itinéraires bis à aménager lors de travaux…
  • un territoire à différentes périodes de l’année (trafic variable selon les conditions météorologiques, les périodes de vacances…) ;
  • la gestion des flux (comme la simulation du trafic routier).

Figure 9

Exemple de la simulation en 4D de la circulation routière

Figure 9

Exemple de la simulation en 4D de la circulation routière

(source : Richard, 2018)

Conclusion

21Histoire, géographie, économie, architecture, écologie, sécurité… tous ces domaines peuvent être rendus plus compréhensibles par la cartographie, car chaque carte, par son caractère universel, est construite dans l’intention d’apporter une démonstration et de présenter en simultané des informations.

22Au cours des siècles, la cartographie a connu de grandes évolutions liées aux améliorations des données et au choix des représentations et des thématiques. Les réalités stratégiques contemporaines font appel aux modélisations 3D et 4D, qui ont connu un fort développement grâce à l’Internet et, plus généralement, à l’informatique.

23Au cœur des préoccupations actuelles, de nouvelles applications doivent proposer, à divers corps de métiers, des instruments de travail qui portent à la réflexion et aident à la prise de décision en prenant en compte l’acquisition de grandes masses de données, ces nouveaux outils restant toutefois dépendants de la précision des informations.

24De plus, les technologies actuelles offrent de nouveaux modes de représentation. Ainsi la réalité virtuelle, la simulation 4D ou les hologrammes assurent-ils une lisibilité accrue d’un nombre toujours plus important de données, ce que ne permet plus la carte bidimensionnelle telle qu’on la connaît historiquement, ni même la cartographie 3D.

Bibliographie

Bibliographie

  • BOUILLÉ F., “Europe in transition”, GIS International Conference, Brno : “Towards 2000 : the actual main trends in future GIS”, 1994c, Aug. 28-31, Proceed., chap. K, pp. 13-27.
  • KISELEVA E. A., KISELEV E. N. & POGORELOV A. V., “Sustainable Development of Territories : Cartography and GI Support”, International Conference InterCarto-InterGIS 21, Krasnodar et Sochi (Russie) : “Modeling of the wind velocity field – Renewable sources of energy in Krasnodar region”, 2015, November 12-14, Proceed, pp. 266-273.
  • LABOULAIS I., Les Usages des cartes (XVIIe-XIXe siècles) : pour une approche pragmatique des productions cartographiques, Presses universitaires de Strasbourg, 2008.
  • LACROIX M., “RISK Information Management, Risk mo- dels and Applications”, International Conference, RIMMA 2016, Berlin (Allemagne) : “Dealing with the creation of an Artificial Intelligence tool taking the underground network uncertainties and regulations into account”, 2016, June 27-29, Proceed.
  • LACROIX M., “GIS for Sustainable Development”, International Conference, InterCarto-InterGIS 22, Protvino (Russie) : “Dealing with topological relations in underground networks”, 2016, September 12-14, Proceed.
  • LACROIX M. (2017), « Méthodes pour la reconstruction, l’analyse et l’exploitation de réseaux tridimensionnels en milieu urbain », Sciences de la Terre, Université Pierre et Marie Curie - Paris VI (NNT : 2017PA066001).
  • RICHARD J. (2018), « Apport des SIG et de la réalité virtuelle à la modélisation et à la simulation du trafic urbain », Géographie, Université Paris-Est (NNT : 2018PESC1058).

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