Notes
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[1]
Loi n°83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement.
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[2]
Principe selon lequel chaque citoyen doit pouvoir avoir accès aux informations relatives à l’environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses.
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[3]
Par exemple, la conférence des citoyens sur les organismes génétiquement modifiés des 20 et 21 juin 1998.
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[4]
Pour les projets : directive 85/337/CEE du 27 juin 1985, modifiée par les directives 97/11/CE, 2003/35/CE, 2011/92/UE et, dernièrement, par la directive 2014/52/UE. Dans sa version de 1985, la directive « projets » faisait peu de place à l’information et à la concertation avec le public, il faudra attendre les directives modificatrices de 1995 et 2003 pour voir ces points développer.
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[5]
La convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement a été signée, le 25 juin 1998, par trente-neuf États.
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[6]
Directive 2001/42/CE. La liste des plans concernés est fixée par les articles R.122-17 du Code de l’environnement et R.121-14 du Code de l’urbanisme.
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[7]
Décision n°2012-269 QPC du 27 juillet 2012.
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[8]
Il s’agit de l’article 244, qui précise que « les décisions réglementaires de l’État et de ses établissements publics sont soumises à participation du public lorsqu’elles ont une incidence directe et significative sur l’environnement ».
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[9]
Voir l’arrêt n°360212 du Conseil d’État du 26 juin 2015 relatif au décret n°2012-616 du 2 mai 2012 transposant la directive 2001/42/CE.
1Dans un pays comme le nôtre, centralisé depuis des siècles, qui a connu la monarchie absolue, et dont la culture jacobine n’a été que modérément infléchie par la Révolution, la participation des populations dans les processus de décision en rapport avec des questions environnementales a progressivement émergé dès le XIXe siècle. S’agissant à l’époque quasi exclusivement d’enjeux de voisinage, seul le voisinage le plus proche et plus ou moins trié sur le volet était questionné par les précurseurs de nos actuels commissaires enquêteurs.
2Il faudra attendre 1983 et l’adoption de la loi dite « Bouchardeau » [1], adoptée dans la foulée de la première décentralisation, pour voir ouvrir le champ des enquêtes publiques, dans le souci d’une meilleure information du public, à « des opérations susceptibles d’affecter l’environnement ». Il est vrai qu’après avoir mis en place quelques instances ad hoc pour permettre de résoudre certaines crises environnementales (en particulier, la création d’un secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles (SPPPI) sur la baie de Seine, à la suite du blocage de la Seine par des pêcheurs affectés par des rejets industriels), la France venait de connaître, à l’occasion des élections présidentielles de 1981, des manifestations conduisant aux blocages des projets de centrales nucléaires de Plogoff et du Carnet, près de Nantes.
3Depuis l’adoption de la loi, et dans un pays habitué à se reposer sur l’État et, plus tard, sur les autorités publiques pour prendre des « bonnes décisions », seuls quelques initiés se sont saisis de cette nouvelle faculté, le public devant encore faire l’apprentissage de cet exercice inédit qu’est la participation, et tourner le dos au mode contestataire. Le regard critique posé sur les dispositifs alors créés a conduit à les modifier régulièrement.
4Suite à la Conférence de Rio, le principe de participation est, pour la première fois, inscrit dans une loi [2], codifiée dans le Code rural, en l’absence à l’époque d’un Code de l’environnement. C’est ainsi que la loi n°95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « Loi Barnier », a conduit à la création du « débat public » et à celle de la commission nationale éponyme, ce afin de permettre la participation du citoyen en amont des processus d’élaboration des projets. Si la participation du public aux enquêtes publiques est bien réelle, son information et la sollicitation de son avis n’interviennent que très en aval, ne portant que sur les caractéristiques de projets dont le principe a déjà été approuvé par les autorités publiques.
5À cette époque, certains projets de construction de lignes électriques (les traversées alpines et pyrénéennes ou encore la liaison Boutre-Carros dans les gorges du Verdon) se heurtaient à de vives oppositions, les populations concernées soulevant aussi bien la question de l’opportunité même des projets (notamment leur justification par les exportations d’électricité) que celle de la pertinence des tracés retenus (pourquoi avoir choisi telle vallée plutôt qu’une autre ? pourquoi traverser des secteurs environnementaux remarquables ?). Le principe de participation introduit alors l’idée qu’un dialogue, même asymétrique, entre des décideurs, des ingénieurs et le grand public, peut faire émerger de meilleures alternatives pour l’environnement.
6En parallèle, des conférences citoyennes [3] ou des conférences de consensus se sont attachées à faire émerger une approche et des messages citoyens au cœur de controverses scientifiques ou politiques insolubles.
7Chemin faisant, plusieurs directives européennes [4] ont prévu la réalisation pour tous les projets d’une « évaluation des incidences » notables que ceux-ci pouvaient avoir sur l’environnement. La participation du public et son accès généralisé à l’information environnementale ont été traduit dans la convention d’Aarhus [5]. Plus que dans tout autre domaine de l’action publique, la transparence des données environnementales est un principe nécessaire à la « démocratie environnementale ». Dès 2001, une directive européenne [6] prévoyait des dispositions similaires pour les plans, programmes et projets.
8Des principes d’accès à l’information environnementale et de participation du public qui, largement repris de textes antérieurs, se sont vu conférer une valeur constitutionnelle au travers de l’article 7 de la Charte de l’environnement (introduite dans le Préambule de la Constitution par la loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005), qui les traduit dans les termes suivants : « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».
9Le fait, dans tous les cas, de solliciter dans le cadre de l’enquête publique l’avis d’une autorité tierce compétente en matière d’environnement devait non seulement consolider l’accès à l’information environnementale, mais aussi faciliter l’accès de dossiers souvent complexes à la plus grande partie de la population. [7]
10Enfin, conséquence d’une décision du Conseil constitutionnel, tout autant que d’un article [8] ajouté in extremis lors du vote de la loi Grenelle 2, les textes réglementaires font l’objet, depuis 2012, de consultations publiques nouvelles, selon un format qui pour l’heure n’a pas encore été totalement formalisé.
11Et pourtant, les critiques et l’insatisfaction perdurent, comme si chaque nouvelle étape suscitait l’incompréhension du public sur la façon dont ses réactions sont prises en compte, a fortiori lorsque la question de l’opportunité même du projet est exclue du débat. Elles suscitent également des doutes sur la crédibilité et la fiabilité des données, qu’elles soient produites par un pétitionnaire, par un maître d’ouvrage ou par les autorités publiques chargées d’approuver le projet. Ainsi, plus de trente ans après l’adoption de la loi de 1983, la participation du public reste le plus souvent des plus confidentielles, restant l’apanage d’experts et d’associations militantes, mobilisés en faveur ou contre les projets examinés.
12Quant aux décideurs et aux maîtres d’ouvrage, ils semblent développer, à chaque fois, des stratégies d’adaptation nouvelles pour préserver leurs marges de manœuvre, pour faciliter l’aboutissement de leur projet, après une course d’obstacles qui s’inscrit de plus en plus dans la durée, et qui suscite aujourd’hui une forte attente en matière de simplification des processus administratifs.
13Ainsi, alors que l’on a parfois le sentiment que les mentalités progressent et que de nouveaux outils d’aide à la décision sont disponibles, la question de la participation en matière d’environnement, véritable « rocher de Sisyphe », ne semble pas beaucoup progresser. Et pourtant, un nombre croissant de maîtres d’ouvrage, affichant une réelle volonté de bien faire, deviennent tout aussi sensibles à la bonne information du public qu’à la bonne exécution de procédures obligées, et cherchent à adapter progressivement leurs projets pour prendre en compte les réactions qu’ils suscitent. De leur côté, les autorités publiques peinent à adapter, au même rythme, leurs processus de décision afin de permettre aux parties prenantes de ne plus être uniquement des spectateurs passifs, voire seulement critiques, des étapes de la concertation, mais de devenir de véritables forces de proposition, des acteurs à même d’améliorer les caractéristiques d’un projet, voire d’en discuter l’opportunité en s’appuyant sur des bases rationnelles. Il est d’ailleurs à noter que ce sont les directives européennes portant sur ces questions qui enregistrent aujourd’hui le plus de retard dans leur transposition, laquelle est a fortiori imparfaite [9].
14La tension récente entourant certains projets (l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou le barrage de Sivens) tout autant que la pression des autorités européennes rendent de nouvelles évolutions inéluctables. C’est notamment ce sur quoi a porté la Conférence environnementale de 2012, et qui est aujourd’hui porté par le Comité national pour la transition écologique.
15C’est dans ce souci que M. Alain Richard, ancien ministre, s’est vu confier le pilotage d’un groupe de travail national. Ses propositions sont développées dans le rapport « Démocratie environnementale : débattre et décider » qu’il a remis à la ministre chargée de l’Écologie, le 3 juin 2015.
Notes
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[1]
Loi n°83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement.
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[2]
Principe selon lequel chaque citoyen doit pouvoir avoir accès aux informations relatives à l’environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses.
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[3]
Par exemple, la conférence des citoyens sur les organismes génétiquement modifiés des 20 et 21 juin 1998.
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[4]
Pour les projets : directive 85/337/CEE du 27 juin 1985, modifiée par les directives 97/11/CE, 2003/35/CE, 2011/92/UE et, dernièrement, par la directive 2014/52/UE. Dans sa version de 1985, la directive « projets » faisait peu de place à l’information et à la concertation avec le public, il faudra attendre les directives modificatrices de 1995 et 2003 pour voir ces points développer.
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[5]
La convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement a été signée, le 25 juin 1998, par trente-neuf États.
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[6]
Directive 2001/42/CE. La liste des plans concernés est fixée par les articles R.122-17 du Code de l’environnement et R.121-14 du Code de l’urbanisme.
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[7]
Décision n°2012-269 QPC du 27 juillet 2012.
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[8]
Il s’agit de l’article 244, qui précise que « les décisions réglementaires de l’État et de ses établissements publics sont soumises à participation du public lorsqu’elles ont une incidence directe et significative sur l’environnement ».
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[9]
Voir l’arrêt n°360212 du Conseil d’État du 26 juin 2015 relatif au décret n°2012-616 du 2 mai 2012 transposant la directive 2001/42/CE.