Notes
-
[1]
BOURDIEU, 1979.
-
[2]
GRIGNON et PASSERON, 1989.
-
[3]
1989, p. 75.
-
[4]
Voir notamment HEBDIDGE, 1979 ; WILLIS, 1978.
-
[5]
HOGGART, 1970.
-
[6]
DONNAT, 1994.
-
[7]
LAHIRE, 2004.
-
[8]
BOURDIEU et DARBEL, 1969.
-
[9]
DIMAGGIO, 1987,1992 ; PETERSON, 1992 ; DIMAGGIO et PETERSON, 1975 ; ERICKSON, 1996.
-
[10]
BURGOS, EVANS et BUCH, 1996.
-
[11]
POISSENOT, 1997.
-
[12]
HENNION, MAISONNEUVE et GOMART, 2000.
-
[13]
Voir par exemple CARDON et GRANJON, 2003 ; PASQUIER, 1999,2004,2005.
-
[14]
Lucile Marquis a réalisé cette campagne d’entretiens. Delphine Saizonou a participé au traitement des données statistiques. Qu’elles en soient remerciées ici.
-
[15]
Notamment l’enquête Entrelacs porte sur les Français de plus de 11 ans, tandis que l’enquête Pratiques culturelles des Français porte sur les Français de 15 ans et plus. Par ailleurs, les modalités de passation des questionnaires ne sont pas les mêmes (questionnement en face à face au domicile des interviewés pour les enquêtes du ministère, questionnement par téléphone ou auto-administré pour Entrelacs). Le plan de sondage diffère également, de même que les critères de redressement. Cf. SMOREDA, BEAUVISAGE, BAILLIENCOURT et ASSADI, ce numéro pour des précisions sur le dispositif Entrelacs et p. 319-321 de « Pratiques culturelles des Français – enquête 1997 » pour la méthode d’enquête du ministère.
-
[16]
Nous ne ferons pas état ici des informations recueillies sur les équipements audiovisuels.
-
[17]
Tout au long de l’article, les références à 1997 sont issues de l’enquête Pratiques culturelles des Français – enquête 1997. DONNAT, 1998.
-
[18]
A la question ouverte « Avez-vous un/des centre(s) d’intérêt (cinéma, acteur, série ou émission TV, style de musique, gastronomie, etc.), une activité culturelle ou de loisirs (sport, hobby, jeux, bricolage, etc.) et/ou une participation associative ou politique en particulier ? », 17 % des Français répondent la télévision en première réponse, 34 % citent la télévision parmi leurs trois réponses.
-
[19]
Il était demandé aux interviewés de citer les trois chaînes de télévision qu’ils regardent le plus régulièrement, même chose pour les stations de radio. Aucune liste ne leur était proposée.
-
[20]
DONNAT, op.cit.
-
[21]
Dans les enquêtes Pratiques Culturelles 1997 et 1989, le visionnage de vidéo est abordé à travers l’utilisation du magnétoscope. En 1989, on comptait 24 % d’utilisateurs de magnétoscope, en 1997 ils étaient 66 %. En 1997,17 % des personnes possédant un magnétoscope dans leur foyer déclaraient l’utiliser plusieurs fois par semaine.
-
[22]
Cf. BEAUVISAGE « Les usages routiniers de l’informatique à domicile » dans ce numéro.
-
[23]
La liste d’activités proposée aux interviewés distingue différentes pratiques amateurs artistiques, nous avons choisi de les agréger ici en 3 catégories : les pratiques artistiques amateurs (danse, musique, chant, théâtre, création, activité graphique), les pratiques artistiques techniques (photo, vidéo, création de musique sur ordinateur, retouche d’images sur ordinateur, blog), pratiques artistiques d’écriture (écrire poésie/nouvelle/roman, journal intime). De même, la pratique d’un sport individuel était distinguée de celle d’un sport d’équipe, nous les avons agrégées. Nous limitons ainsi la dispersion des réponses sur un trop grand nombre de catégories, qui minimiserait la présence des pratiques artistiques et sportives par exemple.
-
[24]
DONNAT, 1996.
-
[25]
Cf. annexes 1 pour des précisions sur la construction de la typologie.
-
[26]
DONNAT et LEVY, 2007.
-
[27]
Source : hhttp :// www. education. gouv. fr
-
[28]
En réalité, il s’agit du pourcentage de personnes ayant citées la pratique d’un sport individuel ou d’équipe parmi les cinq activités qu’elles pratiquent le plus régulièrement (une liste d’activités était proposée aux interviewés).
-
[29]
LAHIRE, 2004, p. 474-482.
-
[30]
VANDERSCHELDEN, 2006 : à partir de l’étude de l’Histoire Familiale réalisée à l’occasion du recensement de 1999 et portant sur 380 000 hommes et femmes. FORSÉ et CHAUVEL, 1995 : travail réalisé à partir d’une analyse secondaire des données de l’enquête Emploi – INSEE 1989.
-
[31]
61 % en effectifs non pondérés, 58 % en effectifs pondérés.
-
[32]
Nous avons choisi de ne pas pondérer les résultats qui suivent afin de ne pas tirer des conclusions qui seraient uniquement dues à un effet de pondération.
-
[33]
DEVILLE, 1981.
-
[34]
RIESMAN, 1992 ; PASQUIER, 2005.
-
[35]
Sur les jeunes et les pratiques de consommation musicale, cf. l’article de GRANJON et COMBES dans ce numéro.
-
[36]
GLEVAREC, 2006.
-
[37]
Plus de 20 livres au cours des 12 derniers mois.
-
[38]
De 1 à 4 livres en 12 mois.
1Comment analyser aujourd’hui les pratiques de loisirs des Français ? Il est impossible de poser cette question sans rappeler qu’elle est l’objet d’un débat intense entre sociologues depuis la fin des années 1980. Au risque d’être un peu schématique, on peut dire que le problème réside principalement dans le statut que la sociologie accorde à la culture populaire. Du côté anglo-saxon, les pratiques populaires ont été étudiées au même titre que les pratiques légitimes, elles ont même été au fondement de courants entiers de recherches comme les cultural studies anglaises des années 1970. A la même époque en France, les analyses les plus importantes sont fournies par Pierre Bourdieu, et ce dernier décrit la culture populaire comme fortement hétéronome et dominée : les individus démunis de capital culturel sont condamnés à consommer des biens symboliques déclassés par ceux qui produisent les standards légitimes. En toute logique, ces cultures du « manque » et de la « privation » pour reprendre les termes de Bourdieu dans La Distinction, ont été fort peu étudiées à l’époque par les sociologues français [1]. D’où par exemple une absence quasi complète de travaux sur les médias alors que c’était un secteur de recherche foisonnant dans le monde académique anglo-saxon.
2Toutefois, si les analyses s’inscrivant dans la lignée des théories de la légitimité culturelle ont indéniablement dominé le champ à l’époque, il y a eu quelques ouvrages importants qui montrent que cette approche ne faisait pas l’unanimité, notamment parce qu’elle offrait très peu de clés pour étudier les goûts populaires. Le premier, Le savant et le populaire, est publié par Grignon et Passeron en 1989 [2]. Le livre est une charge contre l’ethnocentrisme intellectuel dans les analyses de la culture populaire sous ses deux versions opposées et symétriques, le misérabilisme et le populisme. Les auteurs soulignent le glissement qui s’est opéré chez Bourdieu d’une théorie de la légitimité culturelle – dont les auteurs ne contestent pas les fondements – à une posture légitimiste qui interdit de saisir le sens des pratiques culturelles dites populaires. Passeron et Grignon contestent en fait l’omnipotente efficacité des standards légitimes. Les standards fonctionnent, mais pas « pour tous », et pas « tout le temps ». Comme ils le disent, « les cultures populaires ne sont évidemment pas figées dans un garde à vous perpétuel devant la légitimité culturelle » [3]. Leur analyse s’oppose donc non seulement à celle de Bourdieu mais aussi à celle des cultural studies anglaises post-Hoggart qui mettaient les mécanismes de résistance au cœur de leur projet [4]. Pour Grignon et Passeron, la part d’autonomie des cultures populaires n’est pas à chercher du côté des pratiques de résistance (s’opposer c’est reconnaître le principe même de la domination) mais au contraire dans des moments d’oubli de la domination, ces zones de consommation nonchalante que décrivait Hoggart dans La culture du pauvre [5].
3L’ouvrage d’Olivier Donnat, Les français face à la culture, apporte un autre éclairage critique [6]. L’auteur ne conteste pas les mécanismes de la domination culturelle mis à jour par Bourdieu – et ce d’autant moins qu’il est l’artisan à ce moment là des enquêtes Pratiques Culturelles des Français, qui montrent, chiffres en main, l’étroite association qui perdure entre origine sociale et préférences culturelles. En revanche, il s’interroge sur le caractère historiquement daté des hiérarchies culturelles défendues par Bourdieu dans La Distinction et souligne l’importance de deux phénomènes sociaux qui interdisent de maintenir la thèse d’un lien direct entre capital scolaire et culture consacrée : d’un côté la démocratisation scolaire, de l’autre la naissance d’un système concurrent de distinction où les inégalités sociales à l’accès à la culture sont moins fortes. Dans ce livre, Donnat pointe la cassure survenue dans les mécanismes qui assuraient la reproduction des contenus et des fonctions de la culture consacrée. Il souligne aussi l’hybridation croissante des univers culturels, particulièrement sensible chez les générations nées depuis l’après guerre : consécration de la culture juvénile, spectacularisation de certains aspects de la culture cultivée, développement de formes d’éclectisme culturel permettant des combinaisons plus nombreuses et plus variées, déclin du pouvoir distinctif de certaines pratiques culturelles comme la lecture.
4Le livre récent de Bernard Lahire [7], La Culture des individus, qui se présente comme une remise en cause des théories de La Distinction (et même de l’interprétation des données faîte par Bourdieu), débouche sur des constats proches de ceux de Donnat (mais en parlant de dissonance culturelle là où ce dernier parlait d’hybridation et d’hétérogénéité) et cherche à asseoir la notion de culture en contexte. De cet ouvrage, on retiendra surtout l’idée que pour comprendre les pratiques culturelles il faut s’interroger sur l’entourage social des individus. Chez Bourdieu, la question des interactions était très peu présente dans les analyses des goûts et des pratiques culturelles. Son enquête sur la fréquentation du musée [8] faisait par exemple froidement l’impasse sur la question : les 250 entretiens réalisés auprès de visiteurs n’abordent jamais la question des personnes qui les accompagnent ou de celles qui ont pu leur donner l’idée d’effectuer la visite. Lahire, au contraire, s’intéresse de près à cette question des interactions dans ses entretiens en cherchant à identifier les personnes du réseau social de l’enquêté qui encouragent les pratiques culturelles – qu’elles soient ou non légitimes. Il s’interroge aussi sur le rôle des « petites » mobilités sociales et culturelles (le divorce, le changement de lieu de résidence ou de travail, etc.), pour en tirer la conclusion que les membres de nos sociétés contemporaines ont de multiples contacts avec des cadres, des normes ou des principes socialisateurs culturellement hétérogènes. C’est une piste de travail indéniablement importante, même s’il oublie de souligner le rôle – pourtant décisif – des médias de masse dans ce processus. La littérature anglo-saxonne avait défriché le terrain avant. Autour de Paul DiMaggio et de Richard Peterson, de nombreuses études s’intéressaient aux passages des frontières culturelles liés à l’environnement social : les goûts sont des marqueurs d’identité et sont renégociés en fonction des contextes d’interactions. Il y a des objets culturels communs, comme la télévision, qui nourrissent la sociabilité du quotidien, et d’autres, plus élitistes qui sont négociables dans des réseaux plus étroits. Dans les deux cas, en tout cas, l’idée que la culture est inscrite dans la vie quotidienne et sociale des individus est présente [9]. Tout cela semble aujourd’hui une évidence. Mais il faut se souvenir que pendant très longtemps, la sociologie de la culture française a vécu sur une hypothèse principale, celle d’un rapport d’homologie entre les œuvres et les consommateurs de celles-ci.
5Sans jamais avoir été systématisée, la piste de la sociabilité culturelle était toutefois présente dans quelques travaux français. De façon dispersée. Les enquêtes sur la lecture financées par un appel d’offre de la BPI entre 1993 et 1995 sur le thème « livres, lectures et sociabilités », ont produit plusieurs recherches sur la circulation privée et informelle des livres [10]. Elles sont très intéressantes : analyse des prêts et emprunts entre proches en termes d’échange d’expérience, rôle différencié de la circulation privée des livres pour les « faibles » et « forts » lecteurs, rituels de restitution, etc. A ces recherches s’ajoutent des travaux sur les publics des bibliothèques eux aussi novateurs puisqu’il ne s’agit pas de caractériser les publics mais d’analyser la manière dont ils investissent la bibliothèque comme un lieu de vie sociale [11]. Dans un autre secteur, celui de la musique classique, Hennion, Maisonneuve et Gomart montrent le rôle central du réseau des proches dans la découverte de nouvelles œuvres par les amateurs et soulignent l’importance de certains réseaux de sociabilité comme les formations instrumentales ou les accompagnateurs aux concerts [12].
6En réalité, toutes ces questions, nouvelles pour la sociologie de la culture dite « légitime », étaient depuis longtemps, et plus que jamais dans ces années 1990, au cœur des travaux sur les usages des médias et des nouvelles technologies qui ont toujours accordé une importance décisive à la dimension relationnelle des activités [13]. Nous nous inscrirons dans cette tradition de recherche pour analyser ici l’effet de la sociabilité sur les univers culturels. Dans un premier temps, il s’agira de décrire les pratiques et de construire une typologie des différents univers culturels. Puis, nous poserons la question spécifique de l’homogamie culturelle dans le couple. Enfin, nous aborderons les interactions avec les différents cercles sociaux de l’entourage pour étudier le fonctionnement de la sociabilité culturelle. Les données présentées partent de deux sources. La plus importante repose sur des questionnaires administrés auprès de plus de 2 500 individus de plus de 11 ans. La seconde, qui est présentée sous forme d’encadrés dans le texte, est issue d’une campagne d’entretiens qualitatifs auprès de 23 ouvrier(e)s, employé(e)s ou professions intermédiaires âgés de 40 à 60 ans, tirés de l’échantillon précédent [14].
LA DIVERSITÉ DES PRATIQUES CULTURELLES ET DE LOISIRS
7Dans le cadre du projet Entrelacs, les pratiques culturelles ont été abordées dans un sens large, ne se limitant pas aux pratiques jugées légitimes. Ainsi, nous avons collecté des informations concernant les pratiques audiovisuelles, la lecture, les pratiques amateurs, les sorties, etc. Il est tentant de vouloir comparer certains de nos résultats avec ceux des enquêtes Pratiques culturelles des Français réalisées par le Ministère de la culture (en 1989 et 1997 pour les deux dernières). Mais les comparaisons de résultats recueillis via deux dispositifs différents sont à prendre avec précaution [15]. Nous avons donc choisi ici de présenter rapidement les activités culturelles et de loisirs abordées dans Entrelacs et de souligner brièvement quelques évolutions majeures qui semblent pertinentes malgré les différences de dispositifs.
Les pratiques audiovisuelles
8Les pratiques audiovisuelles occupent une place de choix dans les loisirs des Français, aussi sont-elles largement décrites dans le projet Entrelacs. Nous avons notamment collecté des informations en termes de fréquence d’activité et également de contenus [16].
9Par rapport aux précédentes enquêtes Pratiques culturelles des Français, nous avons relevé une forte progression de l’écoute quotidienne de la radio. En 2005,82 % des Français déclarent écouter quotidiennement la radio (contre 69 % en 1997 [17] ). Ainsi, l’écoute quotidienne de la radio est aujourd’hui plus répandue que celle de la télévision, mais la télévision reste en tête des centres d’intérêt spontanément cités au même titre que le sport [18].
10Interrogés sur les chaînes de télévision et les stations de radio qu’ils écoutent le plus souvent [19], les interviewés ont mentionné un très grand nombre de chaînes et de stations (127 chaînes de télévision et 224 stations de radio). Mais malgré la très grande dispersion des choix permise par la diffusion des bouquets de chaînes de télévision payantes (câble, satellite, etc.), les chaînes hertziennes restent les plus regardées et notamment TF1 arrive toujours largement en tête, même parmi les personnes disposant d’un abonnement de télévision. Tout se passe comme ci les chaînes payantes venaient compléter les programmes proposés par les chaînes hertziennes, sans s’y substituer. En matière de radio, l’interprétation est un peu différente, puisqu’il existe une multitude de stations locales qui par définition ne sont pas diffusées sur tout le territoire. Il est donc tout naturel de voir des stations nationales en tête des radios les plus souvent écoutées, mais on relèvera le score néanmoins peu élevée de celles-ci (NRJ et RTL arrivent en tête avec pour chacune d’entre elles seulement 9 % de personnes les citant en premier choix). La domination du paysage radiophonique par quelques leaders serait donc moins forte que celle observée pour la télévision.
11La musique et la vidéo prennent également de plus en plus de place dans la vie des Français. De même que regarder la télévision ou écouter la radio, écouter de la musique enregistrée ou visionner des vidéos sont des pratiques qui se sont généralisées au sein de la population. Mais contrairement à la télévision et à la radio, ces pratiques ne sont pas encore inscrites dans le quotidien de la quasi-totalité des Français. La baisse des prix des biens technologiques et l’apparition de nouveaux types de support (MP3 et DiVX par exemple) ne sont sans doute pas étrangères à la diffusion et à l’intensification de ces pratiques. S’agissant de la musique, avec la disparition progressive des générations nées avant guerre qui sont restées à l’écart du « boom musical » [20], on compte désormais seulement 11 % de Français n’écoutant jamais de musique (sur disques, cassettes, fichiers musicaux MP3 ou équivalant), alors qu’ils étaient 24 % en 1997. De même, la proportion de personnes écoutant quotidiennement de la musique a progressé, pour atteindre 38 % de la population française (contre 27 % en 1997). Pour la vidéo, le constat est similaire : seulement 12 % des Français déclarent ne jamais regarder de vidéos (cassettes, DVD, DivX sur la télévision ou l’ordinateur) et 25 % en visionnent plusieurs fois par semaine [21]. Par ailleurs, l’usage à caractère privé de l’ordinateur vient compléter les pratiques audiovisuelles domestiques. Mais nous développerons peu cette partie, les usages de cet outil pouvant être très divers et nécessitant un traitement approfondi que nous ne pouvons exposer ici [22]. Nous rappellerons néanmoins que le micro-ordinateur s’est largement diffusé dans la société française. Les deux tiers des Français déclarent utiliser un ordinateur à titre privé (que ce soit à domicile ou hors domicile) et 38 % déclarent en faire un usage quotidien (soit 57 % des utilisateurs à titre privé). En 1997, seuls 14 % des Français déclaraient avoir utilisé un micro-ordinateur dans le cadre de leurs loisirs au cours des 12 mois précédents l’enquête et seulement 4 % déclaraient un usage quotidien. Les jeux vidéo (sur console ou ordinateur) bénéficient également d’une large diffusion avec 43 % de français déclarant y jouer et 20 % jouant plusieurs fois par semaine.
Les autres activités culturelles et de loisirs
12Afin de couvrir de manière large les activités culturelles et de loisirs, nous avons soumis aux interviewés une liste d’activités très diversifiée excluant les pratiques audiovisuelles qui sont quasi généralisées au sein de la population française. Parmi cette liste d’activités nécessitant souvent du temps ou de l’investissement, il était demandé aux interviewés de désigner les cinq activités qu’ils pratiquaient le plus régulièrement. Le tableau ci-après répertorie les activités le plus régulièrement pratiquées [23].
Activités les plus régulièrement pratiquées
Activités les plus régulièrement pratiquées
La lecture
13Lire arrive en tête avec 47 % de Français qui citent cette activité parmi celles qu’ils pratiquent le plus régulièrement. Notamment grâce à la lecture de la presse magazine, 98 % des Français lisent (que ce soit la presse ou bien des livres). Autrement dit, on compte seulement 2 % de non lecteurs complets, c’est-à-dire de personnes déclarant ne jamais lire la presse (quotidiens ou magazines) et n’avoir lu aucun livre au cours des 12 mois précédents l’enquête. S’agissant de la presse, seuls 7 % des Français déclarent ne jamais lire de quotidiens ou magazines et 46 % déclarent en faire une lecture quotidienne. Il est intéressant de noter la très grande diversité des titres de presse qui sont lus. Interrogés sur les trois titres de presse qu’ils lisent le plus régulièrement, les interviewés ont mentionné 702 titres différents et on note une très grande diversité des magazines couvrant parfois des centres s’intérêt très spécialisés (Passion point de croix, Tuning, Bouddhisme actualité, Buffy magazine, Rottweiler magazine, etc.). Ainsi, la lecture de la presse est largement stimulée par la lecture de magazines. Seuls 30 % des Français citent un quotidien national ou régional comme titre lu le plus régulièrement (seulement 5 % un quotidien national). L’érosion du lectorat de la presse quotidienne mise en évidence par les précédentes enquêtes Pratiques culturelles semble donc bien se confirmer, malgré la large diffusion des quotidiens gratuits.
Les pratiques amateurs
14Les pratiques amateurs peuvent être définies comme l’ensemble des « activités pratiquées pour le plaisir, à des fins personnelles ou pour un cercle restreint de proches » [24]. Aux pratiques comportant un caractère artistique ou culturel évident, on peut ajouter des pratiques de semi-loisirs – bricolage, jardinage, cuisine – ainsi que les pratiques sportives. Après la lecture, les activités de semi-loisirs arrivent en tête des activités les plus régulièrement pratiquées (citées respectivement par 45 % et 35 % des Français – tableau 1). Mais, le bricolage constitue un des principaux centres d’intérêt pour seulement 20 % des Français, le jardinage pour 9 % et la cuisine pour 13 %, ce qui confirme le caractère ambiguë d’une activité de semi-loisirs entre loisir et contrainte.
15Le sport occupe une place importante dans les loisirs des Français. 32 % des Français ont cité la pratique d’un sport individuel ou d’équipe parmi les cinq activités qu’ils pratiquent le plus régulièrement (tableau 1). Par ailleurs, l’intérêt pour le sport ne se réduit pas à la pratique. Il passe également par l’investissement associatif. Ainsi 20 % des Français déclarent faire partie d’un club ou association sportive, il s’agit du type d’association ou club le plus répandu (tous types confondus, 41 % des Français déclarent faire partie d’un club ou d’une association). L’intérêt pour le sport peut également se décliner autour d’activités médiatiques, comme le visionnage de retransmissions sportives à la télévision (28 % des Français citent les retransmissions sportives parmi les cinq types de programmes télévisés qu’ils regardent le plus régulièrement), à la radio (36 % des personnes écoutant la radio déclarent écouter des retransmissions sportives à la radio) ou la lecture de la presse sportive (10 % des Français citent un titre de la presse sportive parmi les trois titres qu’ils lisent le plus régulièrement). On trouve ainsi naturellement le sport parmi les principaux centres d’intérêt des Français (40 % citent le sport parmi leurs trois principaux centres d’intérêt).
16Les pratiques artistiques amateurs semblent aussi affirmer leur place dans les activités de loisirs des Français. Ainsi, 25 % des Français ont cité une pratique artistique (danse, musique, chant, théâtre, création, activités graphiques) parmi les activités qu’ils pratiquent le plus régulièrement et 21 % ont cité une pratique artistique technique (faire de la photo, de la vidéo, créer de la musique sur ordinateur, retoucher des images sur ordinateur, tenir un blog). Les pratiques liées à l’écriture (écrire de la poésie, des nouvelles, des romans ou tenir un journal intime) restent peu répandues. Par ailleurs, 7 % des Français déclarent faire partie d’un club ou association artistique.
Les sorties
17Sortir chez des amis constitue le type de sortie partagé par le plus grand nombre. Si on considère la sociabilité amicale élargie, deux tiers des Français déclarent rencontrer au moins une fois par semaine des amis, voisins ou collègues à l’extérieur de leur domicile et ils sont seulement 18 % à le faire moins d’une fois par mois ou jamais. Par ailleurs, afin d’appréhender la question des sorties de manière large, une liste de 15 types de sorties était soumise aux interviewés. Elle couvrait à la fois les sorties les plus culturelles (aller au musée, aller au théâtre, etc.), les sorties de loisirs (aller en discothèque, dans un parc d’attraction, etc.) et les sorties chez des amis. Parmi cette liste, il était demandé aux interviewés de désigner les cinq sorties qu’ils font le plus régulièrement (tableau 2).
18Comme le montre le tableau 2, les sorties chez les amis sont les plus répandues devant les sorties aux restaurants ou au café et les sorties au cinéma. Les autres types de sorties sont beaucoup moins courantes. On notera qu’assister à des compétitions sportives est plus souvent cité que les sorties aux concerts de musiques actuelles. Par ailleurs, les sorties aux « spectacles » (au cinéma, concert, théâtre, exposition/musée, évènement sportif) sont le plus souvent occasionnelles. Ils sont seulement 10 % très actifs dans ce domaine (au moins une sortie hebdomadaire) et 20 % ne sortent jamais. Pour compléter le tableau des sorties, il ne faudrait pas omettre les rencontres familiales. 46 % déclarent rencontrer plusieurs fois par semaine des membres de leurs familles à l’extérieur de leur domicile, mais on notera que 37 % le font moins d’une fois par mois ou jamais.
Sorties le plus régulièrement effectuées
Sorties le plus régulièrement effectuées
TYPOLOGIE DES PRATIQUES DE LOISIRS
19Afin de synthétiser le grand nombre d’informations dont nous disposons, nous avons construit une typologie résumant la diversité des comportements en quelques catégories. Bien évidemment, il existe une infinité de partitionnements possibles et réduire la diversité des comportements en matière de culture et de loisirs à quelques types peut paraître très réducteur. Plutôt que de rendre compte de tous les profils possibles, il s’agit de réduire à quelques grands profils-types les comportements des Français en matière de culture et de loisirs, pour ensuite souligner les oppositions socio-démographiques les plus remarquables.
20L’analyse typologique que nous avons menée nous a conduits à retenir sept profils [25] :
- l’univers de la culture mass médiatique (18 % des Français de plus de 11 ans) ;
- l’univers de la culture juvénile (18 %) ;
- l’univers de la culture domestique moderniste (18 %) ;
- l’univers de la culture classique (15 %) ;
- l’univers de la culture populaire traditionnelle (13 %) ;
- l’univers de la culture sportive (11 %) ;
- l’univers de la culture contemporaine cultivée (8 %).
21Comme le montre le tableau 3, le poids des univers varie considérablement selon l’âge des individus. Les deux tiers des moins de 25 ans partagent un univers commun, celui de la culture juvénile. Les plus de 60 ans (âges de la retraite, de l’accroissement progressif des difficultés physiques et aussi de la disparition de certains proches) se partagent entre les univers de la culture classique (36 %) et de la culture populaire traditionnelle (36 %). Entre la jeunesse et l’âge de la retraite, les univers culturels sont plus diversifiés, mais on relève néanmoins quelques univers particulièrement bien représentés. Les adultes de 26 à 45 ans (âges de la mise en couple, de la maternité et de la vie professionnelle) se retrouvent essentiellement dans les univers de la culture mass médiatique (30 %), de la culture domestique moderniste (23 %) et de la culture sportive (15 %). Les univers de la culture domestique moderniste (25 %) et de la culture classique (22 %) sont surreprésentés chez les 46-60 ans (âges correspondant au départ des enfants du domicile familial et au déclin progressif de l’activité professionnelle). Ces fortes disparités selon l’âge peuvent rendre compte à la fois d’un effet lié au cycle de vie (au cours de la vie les contraintes temporelles ou physiques fluctuent et peuvent entraver la possibilité d’effectuer certaines activités) et d’un effet générationnel (selon leur génération, les individus ont évolué dans des contextes politique et sociaux différents, qui ont pu influencer leurs comportements) [26].
22Les femmes et les hommes investissent souvent des univers culturels différents. L’univers de la culture sportive est surreprésenté parmi les hommes, ce qui n’est guère surprenant, de même que l’univers de la culture juvénile (cf. tableau 3). A l’inverse, l’univers de la culture mass médiatique est surreprésenté parmi les femmes.
23On constate également des différences selon le niveau social des individus, tel qu’il peut être appréhendé par la catégorie socioprofessionnelle de l’individu (PCS), du moins pour les personnes déjà entrées dans la vie active. Le niveau de diplôme pose plus de problème car il reflète une différence structurelle forte en matière d’âge. La proportion de bacheliers sur une génération est passée de 3 % en 1945, à 25 % en 1975, pour atteindre 64,6 % en 2006 [27]. Nous avons donc choisi ici de présenter les différences les plus remarquables selon la PCS (les chômeurs et les retraités étant classés dans leur ancienne PCS). Il apparaît que les agriculteurs, artisans, commerçants, chef d’entreprise se partagent essentiellement entre l’univers de la culture populaire traditionnelle (37 %) et de la culture sportive (25 %). L’univers de la culture classique est en revanche largement surreprésenté parmi les cadres et les professions intermédiaires, catégories les plus diplômées. Les employés, profession fortement féminisée (les trois quarts sont des femmes), investissent largement l’univers de la culture mass médiatique (29 %). Parmi les ouvriers – profession au trois quarts masculine – deux univers sont surreprésentés : celui de l’univers de la culture populaire traditionnelle et celui de la culture sportive (17 % chacun). La PCS « autre », rassemblant essentiellement des personnes n’ayant jamais travaillé et des femmes au foyer, investit essentiellement l’univers de la culture domestique moderniste et de la culture populaire traditionnelle. Bien évidemment, les individus scolarisés se retrouvent pour la plupart dans l’univers de la culture juvénile (72 %).
L’univers de la culture mass médiatique (18 % des plus de 11 ans)
24C’est un univers féminin (plus précisément de mères de famille), composé d’ouvriers et d’employés et dont les principales références sont celles de la culture de masse. L’univers de la culture mass médiatique est principalement construit autour de pratiques audiovisuelles et de goûts correspondant à une culture de « grande consommation ». Les individus de ce groupe écoutent régulièrement de la musique et privilégient la variété française ou internationale, les bandes originales de films et/ou les comédies musicales. Ils écoutent également quotidiennement la radio et principalement des radios musicales (Chérie FM, Europe 2, etc.) ou des radios musicales « jeunes » proposant des programmes de libre antenne (NRJ, Fun radio, etc.). La télévision occupe une place importante dans leur vie, ils la regardent tous les jours ou presque et près de la moitié la cite spontanément parmi leurs trois principaux centres d’intérêt. Ce sont des téléspectateurs privilégiés de TF1 et de M6. Ils affectionnent particulièrement les programmes de fiction, les reportages de société, les programmes de divertissement et regardent régulièrement les journaux télévisés. Ils visionnent régulièrement des vidéos et plus particulièrement des comédies, des films sentimentaux et des séries. En revanche, ils lisent peu, exceptée la presse et notamment la presse TV et les magazines féminins. En dehors des loisirs audiovisuels, ils ont des pratiques culturelles peu développées. Ils ne pratiquent pas d’activités artistiques ou sportives, mais déclarent en revanche faire régulièrement du shopping et cuisiner. Ils font rarement partie d’une association (seul 18 % adhèrent à une association ou club, univers qui présente le pourcentage le plus faible). Ils assistent rarement à des spectacles ou des manifestations culturelles. Leurs types de sorties sont ordinaires : sorties chez des amis, au restaurant, au cinéma. Les sorties familiales occupent également une place importante puisque qu’ils quittent plutôt fréquemment leur domicile pour rencontrer des membres de leur famille (59 % le font au moins une fois par semaine contre 46 % en moyenne).
25L’univers de la culture mass médiatique est très majoritairement constitué de femmes (75 % de femmes contre 53 % en moyenne), d’âge moyen (60 % ont entre 26 et 45 ans contre 36 % en moyenne), vivant le plus souvent en couple avec enfant(s) (46 % contre 32 % en moyenne). Elles exercent une activité professionnelle (73 % d’actifs occupés contre 51 % en moyenne) et leur position sociale est plutôt modeste : 56 % sont employés ou ouvriers (contre 37 % en moyenne) et 57 % vivent dans un foyer dont le chef est employé ou ouvrier (contre 39 % en moyenne).
PORTRAIT : Rosalie, univers de la culture mass médiatique
Elle vient d’un milieu plutôt modeste et d’une famille nombreuse mais ses parents aimaient la musique (le père était accordéoniste amateur), lisaient des livres et jouaient aux cartes. Chez eux, déjà, il y avait une vie collective familiale très forte, rythmée par des activités de loisirs communes. On ne sort pas souvent, Rosalie se définit comme pas « très musée », et se sent « enfermée » au cinéma.
Mais ce qui se passe à la maison est dense et heureux.
Dans le fond, Rosalie a transposé l’éducation qu’elle a reçue dans un nouveau contexte où l’offre médiatique est infiniment plus riche. Son mari est un fidèle de France Inter (lui, c’est radio), et la famille a gardé l’habitude de répondre ensemble au « Jeu des milles francs » pendant le déjeuner (le samedi, généralement c’est silence au moment du jeu des mille francs, c’est même plus les mille francs, c’est les mille euros. Et on répond tous ensemble). Pour la télévision, c’est pareil, elle est allumée pour être regardée en famille, le deuxième poste a d’ailleurs été abandonné (non, il y avait une partie qui était là, et l’autre partie qui était dans la chambre). En famille ils regardent des séries et des films, Questions pour un champion et presque tous les jeux (on apprend avec les jeux).
Même circulation familiale pour les DVD : la location ou, plus souvent l’achat, est une décision collective, on en parle avant. Son mari, qui aime plus qu’elle aller au cinéma (avec sa fille aînée) est prescripteur (du coup j’apprends à regarder le film). Tous les anniversaires, que ce soit avec ses enfants, son mari, mais aussi avec les nombreux membres de sa famille large (elle coiffe sa mère tous les vendredis, et voit souvent ses frères et sœurs), sont l’occasion de ce type de cadeaux : un CD ou un DVD qu’on a aimé.
Rosalie a gardé beaucoup d’habitudes de son enfance, les jeux de carte, une écoute musicale très présente à la maison ou en voiture, avec une dominante de variété française. Elle y a ajouté des activités personnelles comme la broderie.
Elle a aussi maintenu et transmis à ses filles le goût pour la lecture de livres qui lui venait de son père. Les choix de livres sont en partie dictés par leur abonnement à France Loisirs, mais il y aussi beaucoup de circulation dans la famille large (notamment avec une belle sœur). On lit en famille (tout le monde sauf son mari), beaucoup, et en vrac, des best seller, des « pavés » autobiographiques, de la littérature Arlequin, avec un sens très net et très négatif des « autres livres » (Apostrophes ? Ah non j’aime pas, ils étalent leur truc, là !
Moi il faut que ça soit tout simple). Rosalie est aussi abonnée à Ouest France et lit un certain nombre de magazines qui circulent entre les membres féminins de sa famille large (sa mère, sa belle mère, ses belles sœurs).
En même temps, elle intègre avec une relative facilité ce qui lui vient de ses deux filles et, dans une moindre part de son mari : l’ordinateur, internet, les musiques nouvelles. Elle a toutefois un usage difficile de l’ordinateur (J’y vais pas souvent seule parce que j’ai toujours peur que si j’appuie sur une touche, tout va sauter)
et fait appel à ses filles ou son mari. Le courrier électronique de la famille est sous le nom de son mari, explique-t-elle, ce qui finalement résume bien l’histoire de Rosalie : la permutation souple d’un modèle domestique et familial à travers des générations successives de médias et de technologies.
L’univers de la culture juvénile (18 %)
26L’univers de la culture juvénile est essentiellement peuplé d’élèves et d’étudiants. Leur consommation audiovisuelle est importante (principalement celle de musique et vidéo) et ils font un usage intensif de l’ordinateur et des jeux vidéo. Ils développent des goûts et des pratiques propres à leur âge (ou à leur génération ?).
27Ils écoutent quotidiennement de la musique (71 % contre 38 % en moyenne) et plus particulièrement les musiques les plus actuelles (r’n’b, rap, musique électronique, etc.) et du rock. Comme la très grande majorité des français ce sont également des auditeurs quotidiens de la radio et de la télévision. Ils privilégient les radios musicales et surtout les radios jeunes avec des programmes de libre antenne (Skyrock, Fun radio, etc.). A la télévision ils regardent plus particulièrement les programmes de fiction et les séries TV et ils sont également nombreux à suivre les programmes de téléréalité et les programmes musicaux, peu prisés par les autres univers culturels. En revanche, contrairement à la grande majorité des Français, ils sont peu nombreux à regarder régulièrement les journaux télévisés. M6 est par conséquent la chaîne télévisée qui semble le mieux répondre à leurs attentes, puisqu’ils sont 75 % à la citer parmi les trois chaînes qu’ils regardent le plus souvent (contre seulement 43 % parmi l’ensemble des interviewés). Ce sont également de gros consommateurs de vidéo (54 % en regardent plusieurs fois par semaine contre seulement 25 % en moyenne) et notamment de films d’action et d’aventure, mais également de films fantastiques, de sciences fiction ou d’horreur.
28Ils utilisent quasi tous un ordinateur à titre privé et la moitié en font un usage quotidien (alors qu’on compte seulement 38 % d’utilisateurs quotidiens parmi l’ensemble de la population). Sur l’ordinateur ils écoutent de la musique et/ou visionnent des vidéos et manipulent des contenus numériques dupliqués (MP3, DivX). L’univers informatique est particulièrement important dans leur vie, puisque qu’il figure parmi leurs principaux centres d’intérêt (38 % citent la sphère informatique parmi leurs 3 principaux centres d’intérêt contre seulement 22 % en moyenne), au même titre que la musique, le sport ou le cinéma. Ils sont également adeptes des jeux vidéo : seul 14 % d’entre eux n’y jouent jamais (contre 57 % en moyenne) et 58 % y jouent plusieurs fois par semaine (contre seulement 20 % parmi l’ensemble de la population).
29En dehors des pratiques audiovisuelles et informatiques, ils lisent la presse, mais essentiellement des magazines thématiques et en matière de lecture de livres ils présentent un profil dans la moyenne en termes d’intensité (mais probablement en partie lié aux lectures scolaires). Les pratiques amateurs (sportives et artistiques) sont également surreprésentées dans cet univers, sans doute en raison de leurs pratiques dans le cadre scolaire. Les sorties distractives (cinéma, chez des amis, concerts de musiques actuelles, discothèque) occupent aussi une place de choix dans leurs loisirs.
30Puisqu’ils sont pour la plupart encore scolarisés, les individus de la culture juvénile rencontrent tout naturellement leurs réseaux amicaux en dehors de chez eux de manière quotidienne, mais ils côtoient également régulièrement leur famille en dehors de leur foyer (52 % la rencontrent au moins une fois par semaine contre 46 % en moyenne). En revanche, ils sont relativement peu investis au sein du monde associatif (seuls 33 % en font partie contre 41 % en moyenne) et quand ils le sont, il s’agit le plus souvent d’un club sportif.
31L’univers de la culture juvénile est bien évidemment constitué essentiellement de jeunes (72 % ont moins de 25 ans), encore scolarisés (61 %) et vivant chez leurs parents (65 %). Les garçons y sont surreprésentés (58 % contre 47 % d’hommes en moyenne).
L’univers de la culture domestique moderniste (18 %)
32Les individus qui composent cet univers se situent dans la moyenne pour beaucoup de pratiques, notamment en matière d’audiovisuel. En revanche, ils ont un usage privé de l’ordinateur plus répandu. Dans tous les cas de figures, leurs activités se développent principalement au domicile.
PORTRAIT : Patrick, univers de la culture domestique moderniste
Patrick entretient des liens épisodiques avec sa famille large, plutôt par téléphone ou par internet (on n’est pas proche ni loin, juste chacun chez soi). En revanche il a gardé de l’enfance un meilleur ami avec qui il correspond beaucoup plus souvent et dont il parle en des termes chaleureux. Avec sa femme ils font quelques sorties, parfois avec des parents d’enfants qui sont à l’école avec les leurs et plus souvent avec un de ses collègues de travail et sa compagne : cinéma, bowling, restaurant. Mais Patrick a bien conscience qu’avec ses trois enfants encore jeunes, les sorties doivent rester exceptionnelles.
33Musique, radio, télévision, vidéo occupent une place importante dans leurs loisirs, conformément à la moyenne des Français. Leurs goûts n’ont rien de très original. Ils écoutent pour l’essentiel des radios musicales (Nostalgie, etc.) ou généralistes (RTL, etc.). A la télévision ils suivent surtout les journaux télévisés et les programmes de fiction sur les principales chaînes hertziennes. En vidéo, ils consomment les genres les plus communs (comédie, action, policier, aventure). Pour la lecture, presse ou livres, rien n’est très remarquable. En revanche, la sphère informatique leur est familière, puisque la moitié d’entre eux utilisent quotidiennement un ordinateur à titre privé (contre 38 % parmi l’ensemble des Français de plus de 11 ans). Comme pour la majorité des français, leurs activités sont essentiellement centrées sur l’espace domestique et les activités de semi-loisirs (cuisiner, faire du bricolage, du jardinage), les médias et les pratiques audiovisuelles. Ils sortent peu, même chez des amis, au restaurant, au cinéma ou pour rencontrer les membres de leur famille. Ils sont par ailleurs peu investis dans la sphère associative (seul 31 % font partie d’une association ou d’un club contre 41 % en moyenne).
34L’univers de la culture domestique moderniste regroupe des adultes de 25 à 60 ans (80 % contre 60 % en moyenne) vivant en couple avec des enfants au foyer (50 % contre 32 % en moyenne). Ils présentent un niveau d’étude relativement élevé, puisque 52 % d’entre eux ne sont plus scolarisés et sont titulaires au moins du bac (contre 39 % en moyenne).
L’univers de la culture classique (15 %)
35L’univers de la culture classique rassemble des personnes plutôt âgées, à la retraite et diplômées. C’est ici que la culture « cultivée » est la mieux représentée. Peu technophiles, les individus de cet univers investissent largement les médias traditionnels (radio, télévision, presse) pour satisfaire leur intérêt pour l’actualité.
36Cet univers se caractérise par un goût affirmé pour la culture cultivée dans toutes ses dimensions. Comme la grande majorité des Français ils écoutent régulièrement de la musique, mais ils sont amateurs de musiques « légitimes » (musique classique, opéra, jazz, etc.). Ils écoutent quotidiennement la radio, essentiellement des radios généralistes (France Inter, Europe 1, RTL, etc.) ou thématiques (France Info), et suivent les émissions culturelles radiophonique. Ils regardent quotidiennement la télévision et plus particulièrement les émissions traitant de l’actualité, de la politique ou bien des programmes de type « nature/découverte ». Ils visionnent le plus souvent des chaînes hertziennes du service public (France 2 et France 3 sont les chaines qu’ils citent le plus souvent parmi les chaines qu’ils regardent le plus) et il s’agit du groupe qui compte le plus d’adeptes d’Arte et de France 5. En revanche, ils regardent plutôt de manière occasionnelle des vidéos et ils sont nombreux à apprécier les genres plus confidentiels comme les films d’auteur et d’art & essai ou les films historiques. Plus de la moitié d’entre eux n’utilise pas l’ordinateur à titre privé (53 % contre seulement 34 % des interviewés). En revanche, ce sont des lecteurs assidus. Ils lisent quotidiennement la presse (72 % contre 46 % en moyenne), et sont nombreux à lire les quotidiens nationaux et les magazines généralistes qui font peu d’adeptes parmi l’ensemble de la population. On compte également parmi eux une forte proportion de gros lecteurs de livres (27 % déclarent avoir lu plus de 20 livres au cours des 12 mois précédents l’enquête contre seulement 16 % en moyenne).
37Leur vie culturelle est très active. Ils sont nombreux à pratiquer une activité artistique amateur et sortent régulièrement, principalement au restaurant, au cinéma, au théâtre et assistent aussi à des concerts de musique « légitime ». Par ailleurs, leur engagement associatif est fort (61 % font partie d’une association ou d’un club contre 41 % en moyenne et 21 % citent spontanément le monde associatif parmi leurs trois principaux centres d’intérêt contre 10 % en moyenne). Notamment, l’adhésion à un groupement politique, syndical ou religieux, y est particulièrement surreprésentée.
38L’univers de la culture classique est constitué de personnes d’âge mûr (78 % ont plus de 50 ans), vivant le plus souvent en couple sans enfant au sein du foyer (50 % contre 32 % en moyenne). La moitié sont à la retraite et un tiers d’entre eux occupent ou occupaient une profession libérale ou de cadres (contre 14 % en moyenne). Ils ont un niveau d’instruction élevé (40 % sont diplômés de l’enseignement supérieur contre 27 % en moyenne), d’autant plus remarquable qu’ils sont issus de générations faiblement diplômées. Ils vivent plutôt en milieu urbain (20 % d’entre eux résident dans une commune de plus de 100 000 habitants contre seulement 10 % en moyenne).
L’univers de la culture populaire traditionnelle (13 %)
39Plutôt âgés, non diplômés et majoritairement sans activité professionnelle, les personnes de cet univers sont peu investies dans les pratiques culturelles et de loisirs. Ils entretiennent un rapport assez distant avec la culture en général et sont restés à l’écart du boom musical, de la vidéo et de l’informatique.
40Ils n’écoutent jamais de musique ou très rarement, ne lisent pas ou peu de livres, ne regardent jamais de vidéo ou presque et n’utilisent jamais l’ordinateur à titre privé. En revanche, ils écoutent quotidiennement la radio et plutôt des radios généralistes (RTL, Europe 1, France Bleue, etc.). La moitié d’entre eux lit quotidiennement la presse (comme 46 % des français de plus de 11 ans) et plutôt des quotidiens régionaux. Ce sont aussi des téléspectateurs quotidiens qui présentent des profils non homogènes en matière de goût télévisuel. Néanmoins, presque tous regardent régulièrement les journaux télévisés (80 % d’entre eux citent les journaux télévisés parmi les cinq programmes TV qu’ils regardent le plus régulièrement contre 68 % en moyenne) et près de la moitié citent les émissions sur la nature, les animaux ou les voyages parmi les programmes qu’ils regardent le plus régulièrement (contre seulement 31 % en moyenne). Ils regardent également davantage les chaînes hertziennes généralistes du service public, France 2 et France 3 en tête et on compte parmi eux une part importante de très gros consommateurs de télévision (22 % regardent plus de 5 heures par jour la télévision contre 7 % en moyenne).
41La plupart ne vont jamais à des « spectacles » (65 % ne vont jamais au cinéma, concert, théâtre, exposition/musée ou évènement sportif contre 20 % en moyenne) et ils rencontrent peu souvent leur sphère amicale en dehors de leur domicile (34 % rencontrent des amis, des voisins, collègues à l’extérieur de leur domicile moins d’une fois par mois ou jamais contre 18 % en moyenne). Leurs activités sont peu diversifiées et ils sont 67 % à citer le bricolage/jardinage parmi les activités qu’ils pratiquent le plus régulièrement (contre 45 % en moyenne).
42L’univers de la culture populaire traditionnelle regroupe des personnes d’âge mûr : 57 % ont plus de 60 ans (contre seulement 21 % parmi l’ensemble des Français de plus de 11 ans). Ce sont pour la grande majorité des personnes retraitées ou inactives, peu diplômées (82 % n’ont pas le bac), vivant plutôt dans des communes rurales ou des petites agglomérations (53 % vivent dans une commune rurale ou une agglomération de moins de 20 000 habitants contre 42 % en moyenne).
PORTRAIT : Jean, univers de la culture populaire traditionnelle
Jean passe beaucoup de temps chez lui. Il jardine, fait des conserves, des confitures, élève des lapins, bricole (il est connu pour ses talents de réparateur d’appareils électroménagers). Sa vie est rythmée par les saisons et la météo. Il va parfois à la chasse ou à la pêche.
Chaque matin il va acheter le quotidien régional, La nouvelle République, il « le survole un petit peu » et lit surtout les nouvelles locales. Il est aussi abonné à Rustica et n’aime pas lire de livres « sauf des machins sur le jardinage ».
Jean écoute très peu de musique, et rarement la radio, sauf RTL en voiture, en partie parce qu’il n’aime pas les airs actuels (« de notre temps c’était plus musette, le rock tout ça, ça commençait à venir mais on écoutait pas »). La télévision tient une grande place dans sa vie. Tous les jours, il regarde le journal régional à 12h30 sur France 3 et puis à 13 heures le journal national sur TF1, parfois aussi Soir 3. Il aime aussi les reportages animaliers sur la Cinq l’après-midi et visionne également des vidéos de reportage, comme Ushuaia. Par contre les films ne l’intéressent pas du tout (Moi les films je m’endors devant, un livre c’est pareil je vais m’endormir dessus). Après le déjeuner, il fait la sieste devant la télévision pendant que sa femme regarde son soap opéra préféré, Les feux de l’amour. Il y a des télévisions dans toutes les pièces de la maison et après 21 heures avec sa femme ils aiment regarder ensemble dans leur chambre Sans aucun doute ou Ca se discute. Ils n’ont pas d’ordinateur et n’en voient pas l’utilité (je sais pas ce qu’on en ferait).
Jean et sa femme ont deux couples d’amis différents, vivant dans les environs. Ils entretiennent des activités particulières avec chacun : avec l’un, ils vont dans des bals ou des fêtes dansantes organisées dans les villages. Le mari est un passionné d’accordéon comme Jean l’a été dans sa jeunesse. Avec l’autre ils se reçoivent à tour de rôle et jouent à la belote. Le gendre de Catherine qui travaille dans une usine leur prend une fois par an des places par son comité d’entreprise pour aller écouter des concerts (Serge Lama) ou voir des spectacles (Holiday on Ice). Ce sont des sorties exceptionnelles car c’est toujours loin de chez eux.
L’univers de la culture sportive (11 %)
43L’univers de la culture sportive est fondamentalement masculin. Ses membres ont un niveau scolaire plutôt peu élevé et ils occupent le plus souvent des métiers manuels ou techniques. Leurs activités sont largement consacrées au sport, décliné sous différentes formes (pratiquer, assister à des compétitions, suivre les évènements sportifs grâce aux médias, etc.).
44L’univers de la culture sportive se caractérise donc par cet intérêt central pour le sport (74 % citent le sport parmi leurs 3 principaux centres d’intérêt contre 40 % en moyenne) qui se décline selon de nombreuses modalités : pratiquer, s’engager personnellement dans un club ou une association sportive, regarder des émissions télévisées, lire la presse spécialisée, assister à des compétitions sportives, etc.
45Les individus de ce groupe sont des téléspectateurs quotidiens. Ils regardent régulièrement les journaux télévisés, les émissions traitant de l’actualité et surtout les retransmissions sportives. Ils sont par conséquent nombreux à regarder régulièrement Canal+ (25 % citent Canal+ parmi les trois chaînes TV regardées le plus régulièrement contre seulement 14 % en moyenne) et Eurosport (16 % contre 4 % en moyenne). En revanche, ils sont peu amateurs de vidéo et visionnent plutôt des films d’action, policiers ou d’espionnage. Ils écoutent régulièrement de la musique, plutôt de styles variété et rock et écoutent quotidiennement la radio, plus particulièrement des radios musicales (Nostalgie, etc.) et généralistes (RMC, etc.). Ils lisent quotidiennement la presse quotidienne régionale ainsi que la presse sportive (38 % citent L’Equipe parmi les trois titres de presse lus le plus régulièrement contre seulement 7 % parmi l’ensemble de la population). En revanche, ils ne lisent jamais de livre ou rarement.
46Bien évidemment, l’univers de la culture sportive rassemble essentiellement des sportifs. 70 % d’entre eux pratiquent régulièrement un sport individuel ou d’équipe (contre seulement 32 % en moyenne) [28] et 58 % adhèrent à une association sportive (contre seulement 20 % en moyenne). Par ailleurs, ils pratiquent d’autres activités engageant une habilité corporelle relativement importante comme le bricolage/jardinage ou bien, pour une part non négligeable d’entre eux, la pêche ou la chasse. Assister à des compétitions sportives figure parmi leurs types de sorties les plus régulières, au même titre que les sorties au restaurant ou au café ou bien chez des amis. Leur sphère amicale est fortement mobilisée puisqu’ils sont 61 % à rencontrer des amis, voisins, collègues plusieurs fois par semaine hors de leur foyer (contre 49 % en moyenne). Ils sortent également fréquemment pour rencontrer des membres de leur famille (35 % le font plusieurs fois par semaine contre 26 % en moyenne).
47L’univers de la culture sportive est un univers masculin (86 % d’hommes), composé d’adultes d’âge moyen (50 % ont entre 26 et 45 ans contre 36 % en moyenne), vivant souvent en couple avec enfant(s) (44 % contre 32 % en moyenne). Au sein de cet univers, les ouvriers sont surreprésentés (21 % contre 13 % en moyenne), de même que les professions intermédiaires (33 % contre 19 % en moyenne, principalement du à la surreprésentation des techniciens et contremaitres). Ils ont le plus souvent suivi un enseignement technique ou professionnel (41 % contre 26 % en moyenne).
L’univers de la culture contemporaine cultivée (8 %)
48Plutôt féminin, cet univers est celui des individus les plus investis dans le monde culturel et des loisirs. Ils pratiquent une activité artistique en amateur et ils présentent certains points communs avec l’univers de la culture juvénile : écoute de musique et usage privé de l’ordinateur au quotidien, goût pour les sorties (notamment le cinéma), désintérêt pour la presse quotidienne… En revanche, ils ont conservé un goût certain pour la lecture de livres et montrent une certaine désaffection pour la télévision.
49Comme dans l’univers juvénile, la musique occupe une place centrale. Les individus de l’univers de la culture contemporaine cultivée écoutent quotidiennement de la musique et plus souvent les styles récents (variété française et internationale, rock), mais ils sont néanmoins près d’un tiers à citer la musique classique parmi les genres musicaux qu’ils écoutent le plus régulièrement. Ils utilisent également l’ordinateur à titre privé (à 90 %), le plus souvent quotidiennement (52 % contre 38 % d’utilisateurs quotidiens parmi l’ensemble de la population).
50En revanche, le représentant de la culture contemporaine cultivée est peu amateur de télévision : seuls 36 % déclarent regarder quotidiennement ou presque la télévision (contre 75 % en moyenne) et 19 % ne la regardent jamais (contre 3 % en moyenne). En matière de programmes, ils sont plutôt intéressés par les programmes de fiction ou les programmes à contenu artistique (spectacles, musique, programmes liés au cinéma ou au court métrage). De même, ils regardent plutôt occasionnellement des vidéos.
51Concernant la lecture, ce sont des lecteurs de livres assidus (57 % ont lu plus de 20 livres au cours des 12 mois précédents l’enquête, contre 35 % en moyenne) et conformément à la tendance actuelle, en matière de presse ils apprécient surtout les magazines thématiques et ne lisent pas la presse quotidienne.
52Leur investissement dans la culture et les loisirs passe également par la pratique d’une activité amateur, notamment artistique (théâtre, musique, danse, chant, arts graphiques ou créatifs, etc.), mais aussi sportive. Ils sortent régulièrement (au cinéma, concert, exposition/musée, chez des amis) et ils semblent privilégier les sorties amicales aux sorties familiales (57 % rencontrent leur réseau amical en dehors de leur foyer plusieurs fois par semaine contre 49 % en moyenne, et ils sont 67 % à rencontrer moins d’une fois par semaine leur réseau familial en dehors de leur foyer contre 54 % en moyenne). Par ailleurs ils sont largement investis au sein du monde associatif (64 % d’entre eux contre 41 % en moyenne).
53L’univers de la culture contemporaine cultivée est un univers plutôt féminin (67 % de femmes), assez peu homogène au niveau des âges (on y note toutefois une surreprésentation des jeunes et une sous-représentation des plus de 60 ans). Les diplômés de l’enseignement supérieur y sont surreprésentés, de même que les individus encore scolarisés. Ils vivent essentiellement dans un milieu urbain (59 % vivent dans des agglomérations de plus de 100 000 habitants contre 42 % en moyenne).
54Le tableau 4 ci-après synthétise les principales caractéristiques socio-démographiques de chaque univers.
LE COUPLE ET L’HOMOGAMIE CULTURELLE
55Bernard Lahire aborde la question de la gestion des goûts dans la vie de couple en s’intéressant à la confrontation entre univers culturels légitimes et non légitimes, et à la possible conversion vers l’un ou l’autre de ces pôles d’un des deux conjoints [29]. Les quelques exemples qu’il cite illustrent tous un cas de figure, intéressant, mais particulier : des couples réunissant des conjoints assez éloignés au départ sur cet axe « légitime-non légitime ». Ses portraits laissent aussi entendre que les conversions se font plus souvent du bas vers le haut et que les femmes y jouent un rôle beaucoup plus actif que les hommes. Dans notre échantillon qualitatif, ces cas de forte hétérogamie culturelle de départ n’existent pas. Nous avons là des interviewés d’origine sociale plutôt modeste qui ont épousé des conjoints d’une origine sociale comparable. Il peut bien sûr exister des différences entre les pratiques ou les goûts culturels des conjoints, mais elles se jouent beaucoup plus à la marge, et autour de redéploiements plus ordinaires : l’opposition entre les pôles masculins et féminins semble ainsi centrale, surtout si l’on s’interroge sur les goûts.
56De même, la volonté de conversion du conjoint à d’autres univers culturels est peu fréquente, il s’agit beaucoup plus souvent de trouver des modes de cohabitation, qui ne remettent pas particulièrement en question les préférences de chacun. Ce phénomène est sensible dans les rapports entre parents et enfants (une grande liberté leur est donnée, même spatialement, pour organiser à leur manière leur univers culturel) mais aussi dans les rapports entre conjoints qui nous intéressent ici.
57Dans notre échantillon quantitatif, nous disposons de 790 couples (avec ou sans enfants) dont les deux conjoints ont répondu aux questions portant sur les pratiques culturelles et de loisirs et pour lesquels nous avons par conséquent déterminé un univers. Nous avons tout à fait conscience que nous travaillons sur un faible échantillon et nous n’avons nullement la prétention de comparer notre travail à ceux menés sur l’homogamie sociale à partir des différentes enquêtes INSEE [30]. Les résultats qui suivent sont présentés à titre exploratoires.
58L’homogamie culturelle est ici définie comme l’union de deux personnes de même univers culturel et de loisirs. La définition de l’homogamie est donc tributaire de la construction des univers. Deux individus homogames culturellement ne signifie pas qu’ils sont en totale symbiose pour tous leurs goûts et pratiques en matière de culture et de loisirs. Inversement, un couple hétérogame ne signifie pas que les deux conjoints n’ont aucun point de convergence en matière de temps libre.
59A première vue, l’hétérogamie est une configuration majoritaire. Près de six couples sur dix sont constitués de personnes appartenant à des univers culturels et de loisirs différents [31]. Néanmoins, sur les 49 configurations possibles (7 univers x 7 univers), les deux configurations qui arrivent en tête sont homogames. Elles réunissent deux conjoints appartenant à l’univers de la culture domestique moderniste (10 % des couples en effectifs pondérés) et deux conjoints appartenant à l’univers de la culture classique (9 % des couples en effectifs pondérés). Le tableau 5 récapitule l’ensemble des associations possibles et leur importance dans la population des couples.
Répartition de l’ensemble des couples selon l’univers culturel du chef de foyer et de son conjoint (en %, effectifs pondérés)
Répartition de l’ensemble des couples selon l’univers culturel du chef de foyer et de son conjoint (en %, effectifs pondérés)
60Si on considère chaque univers culturel et de loisirs, on constate de même une tendance à l’union avec une personne du même univers culturel [32] (tableau 6 et 7). Ainsi plus de 40 % des chefs de foyers appartenant aux univers de la culture classique, de la culture mass médiatique, de la culture domestique moderniste, de la culture populaire traditionnelle ou de la culture contemporaine cultivée vivent avec un conjoint du même univers (tableau 6). De même, quelques soit leur univers, les conjoints vivent le plus souvent avec un chef de foyer du même univers. Ceci est particulièrement remarquable pour les conjoints appartenant à l’univers de la culture classique, de la culture domestique moderniste et de la culture sportive, pour lesquels plus de 45 % d’entre eux vivent avec un chef de foyer du même univers (tableau 7).
61En revanche, les chefs de foyer appartenant à la culture sportive ou à la culture juvénile ont plus souvent un conjoint appartenant à la culture mass médiatique qu’un conjoint appartenant à leur univers culturel (tableau 6). De même, on compte pratiquement autant de conjoints de l’univers de la culture mass médiatique vivant avec un chef de foyer de l’univers de la culture sportive qu’avec un chef de foyer de leur univers (tableau 7). Il faut dire que certains univers culturels sont fortement sexués : l’univers mass médiatique est très majoritairement féminin, tandis que l’univers de la culture sportive est très largement masculin. Ceci peut donc expliquer la tendance à l’homogamie plus faible pour les chefs de foyer (principalement des hommes) appartenant à l’univers de la culture sportive et pour les conjoints (principalement des femmes) de l’univers mass médiatique.
62Le calcul d’un indice d’homogamie prenant en compte les fréquences des univers selon la position des individus dans le couple (chef de famille ou conjoint, autrement dit le plus souvent homme ou femme) permet de mesurer la propension à l’homogamie culturelle. L’indice d’homogamie utilisé dans cette étude est celui défini par Deville (1981) [33]. Il donne une mesure du rapport entre l’homogamie observée et l’homogamie théorique, c’est-à-dire le nombre de couples homogames observé dans la population et le nombre de couples homogames qui serait observé si les conjoints se choisissaient au hasard parmi les personnes vivant en couple (cf. annexe 2 pour plus de précision sur l’indice d’homogamie). Le tableau qui suit (tableau 8) présente l’indice d’homogamie pour chaque configuration de couple.
Répartition des chefs de foyer en couple selon leur univers culturel et celui de leur conjoint (en %, effectifs non pondérés)
Répartition des chefs de foyer en couple selon leur univers culturel et celui de leur conjoint (en %, effectifs non pondérés)
Répartition des conjoints selon leur univers culturel et celui du chef de foyer (en %, effectifs non pondérés)
Répartition des conjoints selon leur univers culturel et celui du chef de foyer (en %, effectifs non pondérés)
Indice d’homogamie selon l’univers culturel du chef de foyer et de son conjoint (effectifs non pondérés)
Indice d’homogamie selon l’univers culturel du chef de foyer et de son conjoint (effectifs non pondérés)
63Toutes les configurations d’homogamie sont plus fréquentes que si les couples s’étaient formés au hasard (tableau 8). La propension à l’homogamie culturelle est forte, puisque on compte 2,5 fois plus de couples homogames que si les couples se formaient au hasard (en effectifs non pondérés, 39 % des couples sont homogames alors que si les couples s’étaient formés au hasard on compterait seulement 16 % de couples homogames). Autrement dit, une fois les différences de structure liées au statut dans le couple prises en compte (c’est-à-dire au sexe pour la quasi-totalité des couples), on conclut à une tendance à l’union entre personnes de même univers culturel.
64Les personnes appartenant à l’univers de la culture intellectuelle contemporaine et de la culture juvénile sont les plus homogames. Ils sont plus de 5 fois plus nombreux à vivre avec une personne du même univers culturel que sous l’hypothèse d’indépendance entre univers culturel et choix du conjoint. Les individus de la culture populaire traditionnelle ont également une tendance très forte à l’homogamie. Les individus de la culture mass médiatique et de la culture domestique moderniste sont les moins homogames, mais sont tout de même près de deux fois plus nombreux à être homogames que si les individus se choisissaient indépendamment de leur univers culturel.
65On notera par ailleurs une présence plus fréquente des configurations hétérogames suivantes : chef de foyer appartenant à la culture juvénile avec un conjoint appartenant à l’univers de la culture mass médiatique et chef de foyer appartenant à l’univers mass médiatique avec un conjoint appartenant à l’univers de la culture sportive (1,8 fois plus fréquents). Inversement, les associations entre culture juvénile et culture populaire traditionnelle sont quasi inexistante (ce sont deux univers fortement clivés au niveau de l’âge).
66Tout naturellement, se pose alors la question de l’homogamie selon les générations. Si on exclut les couples les plus jeunes (c’est-à-dire ceux dont le chef de foyer est né en 1975 et après), on constate une diminution du taux d’homogamie au fur et à mesure qu’on s’intéresse à des individus plus jeunes (tableau 9).
Homogamie et âge du chef de foyer
Homogamie et âge du chef de foyer
67Mais il est difficile d’interpréter cette tendance, puisque différents effets se combinent. D’une part, on peut supposer une convergence des comportements culturels et de loisirs quand on vit longtemps avec une personne. On ferait implicitement l’hypothèse que les personnes âgées vivent depuis plus longtemps en couple, ce qui est vrai pour une partie d’entre eux seulement puisqu’il est possible d’avoir plusieurs unions au cours d’une vie. Ceci pourrait expliquer le taux d’homogamie plus élevé parmi les individus plus âgés vivant en couple.
68D’autre part, l’augmentation du temps libre permise par la réduction du temps de travail et la diminution du temps consacré aux tâches ménagères peut avoir contribué au développement de comportements plus diversifiés en matière de culture et de loisirs. Lors de la deuxième partie de l’article consacré à la description des différents univers, nous avons effectivement constaté que les plus de 60 ans se répartissent entre deux univers, celui de la culture populaire traditionnelle et de la culture classique (partie 2 – tableau 3). Nous avons également montré (tableau 8) que la propension à l’homogamie est forte pour les individus des univers de la culture populaire traditionnelle et de la culture classique et que les associations entre ces deux univers sont rares bien que leurs structures d’âge soient proches (partie 2 – tableau 2). En revanche, la dispersion des univers est plus importante pour les 26-60 ans. Ceci pourrait expliquer le pourcentage plus élevé de couples hétérogames dans les jeunes générations.
LES PRATIQUES À L’ÉPREUVE DES SOCIABILITÉS
69Les univers que nous avons identifiés révèlent une grande diversité des rapports possibles à la culture. Il s’agit maintenant d’étudier l’influence de l’entourage social sur la constitution des goûts et le choix des pratiques culturelles et de loisirs. Cette question de la sociabilité culturelle est complexe et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est difficile de mesurer l’intensité des liens. Une grande partie des activités de sociabilité sont liées à des contextes de vie partagée : la famille, l’école, le milieu professionnel. D’autres liens sont plus nettement fondés sur des affinités électives affirmées comme telles : c’est le cas des réseaux amicaux. Mais en réalité, une telle opposition est hasardeuse : rien n’interdit de développer des liens privilégiés avec des camarades de classe, des collègues de travail, des frères et des cousins. Les liens de parenté et les lieux de rencontre sont donc des indicateurs qui ne présument en rien du type de relation qui est développé. C’est aussi que la même pratique de sociabilité culturelle n’a pas le même sens selon le contexte social au sein duquel elle s’opère : il y a des déclarations qui engagent plus si on les fait devant des collègues que devant ses frères et sœurs, des pratiques, anodines en famille, comme de regarder la télévision, qui prennent un autre sens lorsqu’elles se font chez des amis, et des prêts ou des emprunts de livres ou de disques qui sont transparents avec les très proches et prennent au contraire des formes ritualisées avec d’autres interlocuteurs.
70Enfin, il faut envisager l’entourage social des individus à la fois comme une contrainte et comme une ressource, et travailler sur cette tension. Une contrainte dans la mesure où il limite de fait la gamme des choix possibles : il est difficile de développer des préférences que l’on ne peut pas du tout partager autour de soi. Ce phénomène a souvent été étudié à propos des jeunes générations, qui sont particulièrement sensibles à cette pression à l’alignement culturel [34], mais il est bien évident qu’il se produit à tous les âges de la vie. L’entourage est aussi une ressource, parce que c’est au contact des autres que s’opère une partie des découvertes culturelles et que se consolident certaines pratiques. La littérature sociologique, lorsqu’elle s’intéresse à cette question de la sociabilité culturelle, a tendance à privilégier le caractère transformateur de la sociabilité. Elle souligne que la participation de l’individu à des réseaux sociaux plus variés que par le passé est autant d’occasions de se confronter à des formes et des pratiques culturelles différentes. C’est exact, mais il ne faudrait pas pour autant surestimer l’ampleur de ce processus et oublier que pour la très grande majorité des individus c’est l’entourage familial qui reste le réseau central et la ressource principale. La culture de rencontre bute sur cet obstacle : que faire des découvertes culturelles qui ne sont pas convertibles dans son entourage direct ? L’exemple de Ginette, interviewée dans le cadre de l’enquête qualitative, constitue un bon exemple de tension entre deux univers culturels qui conduit à une impasse.
Ce secteur, en fort développement du fait du vieillissement de la population et d’une fiscalité favorable, met en présence des employées faiblement diplômées et d’origine souvent populaire avec des employeurs en général issus de milieux plus favorisés socialement et culturellement. Le fait que le travail s’effectue au domicile de ces derniers, parfois de façon quotidienne, et comporte une part importante de relationnel génère un frottement culturel d’une forme particulière.
Ginette constitue un bon exemple parmi les trois interviewées de ce profil socioprofessionnel de notre échantillon. Fille d’une femme de ménage et d’un cantonnier, elle a 55 ans, un niveau d’études primaire et travaille aujourd’hui comme employée de maison chez quatre employeurs différents, tous âgés. Elle y découvre des univers culturels très différents du sien. Comme elle l’explique « c’est vrai qu’on apprend beaucoup en allant chez les gens… moi je travaille chez un pépé qui a 94 ans et toute sa tête. Lui il a fait de la peinture et justement, il a des livres, des fois il faut que je lui lise, parce qu’il peut juste encore voir les photos. Moi j’aime bien de temps en temps, c’est vrai que c’est agréable, aussi c’est vrai avec ce pépé, il sait beaucoup de choses et il essaie pour savoir si je suis au courant… il teste si je suis un peu ou non pour certaines choses, n’importe quoi. Y a des fois il me pose des questions, je sais pas toujours trop répondre et si je sais pas on prend le dictionnaire ». Une autre de ses patronnes voyage beaucoup « elle me dit : « regardez les photos » quand ils reviennent de voyage, c’est vrai que c’est agréable si on part avec un grand voyage organisé comme eux ils partent et les moyens, c’est sûr que c’est facile, là ils partent trois semaines en Ethiopie… je me dis que ça doit pas être mal ; c’est sûr que ça doit bien être intéressant, surtout quand tout est organisé, qu’il y a juste à aller se balader ». En même temps il peut y avoir de la tension derrière ces découvertes culturelles, voire même du rejet, comme lorsqu’elle évoque les goûts musicaux d’un autre employeur sans doute amateur de musique contemporaine. « Ce que j’écoute chez eux ça me saoule plus que tout le reste… c’est une musique, je ne sais quoi, bouh ! Ça me donne la chair de poule la plupart du temps… cette musique, c’est même pas du classique, je ne sais pas ce que c’est, je ne sais pas où ils vont chercher ça. Eux ils aiment ça donc c’est normal. Mais moi, non, ça me glace les os ! (Q : de la musique comme Mozart par exemple ?) Non, c’est pas Mozart, je ne sais pas ce que c’est ce machin là, mais ça vous glace les os, ce son de musique, j’ai horreur de ça ».
S’il fallait dresser le bilan de ce que Ginette tire de cette socialisation inattendue à des formes culturelles très éloignées de celles qu’elle connait de par son propre milieu social, il serait contrasté. D’un côté, cela lui a indéniablement forgé une personnalité culturelle différente de celle de son entourage direct. Ginette aime sortir – son fils cadet est DJ dans un bar où elle va de temps en temps le soir – , aller au cinéma et faire du shopping – elle retrouve des amies à la cafétéria de Carrefour le samedi pour prendre un café. Elle participe aussi à un club de randonnée avec une amie. Elle a pris internet pour communiquer avec son fils aîné et ses petits enfants, mais elle s’en sert aussi pour chercher des informations sur des sujets évoqués par ses employeurs qui ont éveillé sa curiosité (des expositions de peinture dont lui parle le « pépé » notamment). Elle tchate aussi avec les amis de son fils. Elle est donc beaucoup plus ouverte et curieuse que son mari, un ancien cheminot à la retraite, fan de dessins animés, grand lecteur du Chasseur Français, qui regarde énormément la télévision, jardine et aime peu les sorties. Il est le contraire de Ginette (moi il faut que je bouge, j’aime bien être à plusieurs qu’on puisse discuter) et elle a bien du mal à recruter dans son entourage direct des accompagnateurs culturels. Son petit fils de 6 ans est le seul de la famille à aimer aller au cinéma. Même problème pour des expositions : « là où je travaille, la dame m’a dit : il faudrait aller à Cadaquès voir Dali, elle m’a dit que c’était vraiment intéressant, mais y aller toute seule s’ils me suivent pas… je sais que c’est même pas la peine d’essayer ». Il y a donc une certaine part de frustration pour Ginette à entrevoir des univers culturels dont elle ne peut pas faire grand chose dans sa vie quotidienne, faute de pouvoir les partager avec des proches. Une sorte d’ironie de la sociabilité culturelle qui peut ouvrir des portes comme aussi bien les fermer. Car les liens entre la culture et l’entourage sont à double tranchant : ce dernier peut être une ressource sur laquelle s’appuyer comme un obstacle contre lequel buter.
Avec qui et pourquoi ?
71Nous avons étudié la sociabilité à partir de six types de réseaux : la famille foyer, la famille hors foyer, les amis, les collègues ou camarades d’école, les connaissances ou voisins, les personnes avec qui on a des liens uniquement par internet. Trois modalités d’interactions ont été envisagées : les discussions (parler de), les échanges d’objets (prêts ou emprunts), les pratiques communes (faire avec). La gamme des pratiques culturelles étudiées a été volontairement large. En ce qui concerne les pratiques domestiques elles s’articulent autour de trois grandes sphères : l’audiovisuel, la lecture et l’informatique. En ce qui concerne les pratiques de sorties, elles touchent au sport et aux activités de loisir (cinéma, restaurants, sorties culturelles).
72Plus une pratique est développée, plus elle occasionne de sociabilité que ce soit pour discuter, échanger ou faire avec. Les activités de sociabilité culturelle se font avec des personnes physiques de l’entourage et très rarement au sein de sociabilités qui se sont nouées sur internet : les « relations sur internet » ne représentent que 2 % des interlocuteurs pour les échanges d’objet et 7 % pour les discussions. De plus, comme on peut le voir sur les figures 1,2 et 3, les activités se font surtout dans les réseaux des « proches », très majoritairement la famille nucléaire, et en partie les amis.
73Sur quels objets culturels se déploient ces activités de sociabilité ? Comme on peut le voir sur les figures 4,5 et 6, ce sont les médias « traditionnels », et surtout les médias d’image, qui occasionnent le plus d’interactions, loin devant la sphère informatique (internet et les jeux vidéo sont des activités beaucoup plus souvent solitaires que les autres, et viennent en queue des échanges et des discussions). Ce qui est logique puisqu’il n’existe pas ou peu d’exclus des médias traditionnels. Le livre se maintient étonnamment bien à la fois dans les discussions et dans les échanges. La radio apparaît être un média d’une nature beaucoup moins collective que la télévision tant par les habitudes d’écoute, nettement plus souvent solitaires, que par le plus faible volume de discussion qu’elle engendre. Cette différence mériterait d’être approfondie par des enquêtes qualitatives.
Discuter avec…
Discuter avec…
Echanger avec…
Echanger avec…
Faire avec…
Faire avec…
Pourcentage de personnes discutant régulièrement de…
Pourcentage de personnes discutant régulièrement de…
Pourcentage de personnes échangeant régulièrement…
Pourcentage de personnes échangeant régulièrement…
Activités plutôt solitaires ou de groupe…
Activités plutôt solitaires ou de groupe…
Profils sociaux et pratiques de sociabilité
74Il s’agit maintenant de nuancer ce tableau général à partir des différences observables selon l’âge, le sexe et l’appartenance sociale. Un premier constat : sur de nombreux items, l’âge et dans une moindre mesure, le sexe, apparaissent être des variables plus opératoires que la profession ou le niveau de diplôme (toutefois difficile à utiliser sachant que la valeur sociale des diplômes a évolué dans le temps). Ce constat conforte bon nombre d’analyses en sociologie de la culture qui ont souligné ces dernières années le rendement explicatif décroissant du capital culturel dans l’identification des portefeuilles de goûts et des pratiques.
L’âge
75L’âge est un facteur particulièrement clivant. Avec l’âge, toutes les formes de sociabilité déclinent, les discussions, les échanges, les pratiques collectives. Ce déclin est net, même quand les pratiques restent intenses et soutenues : il s’agit donc bien d’un affaiblissement spécifique de la sociabilité en tant que telle. On constate aussi un rétrécissement de l’éventail des réseaux mobilisés en faveur de la famille foyer dans un premier temps, puis de la famille hors foyer ou des voisins chez les plus âgés, – qui ont, certes, plus de probabilités de vivre seuls.
76A un extrême, les 12-25 ans. C’est une classe d’âge qui témoigne d’une sociabilité culturelle soutenue sous toutes ses modalités. Ils se distinguent aussi par la mobilisation prioritaire du réseau amical. Prenons quelques exemples précis. Seuls 6 % d’entre eux n’échangent aucun bien culturel, alors que c’est le cas de 32 % des plus de 60 ans. Et, quels que soient les biens culturels considérés (musiques, vidéo, livres, jeux vidéo, logiciels), les jeunes sont plus nombreux à mobiliser leurs amis que les autres réseaux, alors que chez les plus de 60 ans c’est la famille hors foyer qui constitue le réseau le plus répandu pour effectuer des échanges de biens culturels et de loisir.
77Ils discutent aussi beaucoup : de musique [35] (91 % contre 76 % des 26-45 ans, 54 % des 46-60 ans et 34 % des plus de 60 ans), de sites internet (63 % contre, respectivement 48 %, 32 % et 8 %) et de jeux vidéo (63 % contre 28 %, 9 % et 3 %). Le cas de la radio mérite qu’on s’y arrête. Alors qu’ils sont les plus nombreux à déclarer écouter la radio « le plus souvent seuls », les moins de 25 ans sont aussi les plus nombreux à discuter régulièrement de programmes radio (54 % contre 50 % des 26-45 ans, 40 % des 46-60 ans et 37 % des plus de 60 ans). Ces discussions se font avec des amis, ce qui les différencie nettement des autres classes d’âge où l’on parle de radio en famille : parmi les personnes discutant de programmes radio, 53 % des moins de 25 ans en discutent avec des membres de leur foyer, alors que 74 % en discutent avec des copains ou amis. Les chiffres s’inversent pour les plus de 25 ans : 72 % des auditeurs de 26-45 ans discutent de programmes radio avec les membres de leur foyer (76 % des 46-60 ans, 72 % des plus de 60 ans), alors que seulement 50 % en discutent avec des copains ou amis (41 % pour les 46-60 ans, 43 % pour les plus de 60 ans). On pense bien sûr au travail d’Hervé Glévarec qui a bien montré le rôle spécifique de la radio dans les échanges entre adolescents [36].
78Si les 12-25 ans sont aussi nombreux que les autres à regarder la TV, ou des films chez eux, avec des membres de leur foyer, en revanche, ils sont beaucoup plus nombreux que les autres à le faire avec leurs amis (c’est encore plus flagrant pour les films). Au-delà de 25 ans on compte moins de personnes regardant la TV ou des films avec des amis qu’avec des membres de la famille hors foyer. De même, pour utiliser internet, les jeunes investissent relativement peu le cercle du foyer, lui préférant celui des amis (quand ils font de l’internet avec d’autres, 83 % des moins de 25 ans en font avec des amis et seulement 43 % avec des membres de leur foyer). La tendance s’inverse avec l’âge : le cercle familial est de loin le plus mobilisé et on compte autant de personne mobilisant la famille hors foyer que les amis. La tendance est identique mais moins nette pour les jeux vidéo où les pratiques avec des membres du foyer sont un peu plus élevées que pour internet. Bref, cette classe d’âge est à bien des égards particulière, surtout si on la compare à celle de ses aînés directs, les 26-40 ans, âge durant lequel s’amorcent nettement les tendances au déclin et au resserrement de la sociabilité culturelle sur la famille.
Le sexe
79Hommes et femmes se distinguent, pour beaucoup d’items, par une mobilisation différente des réseaux de sociabilité : la famille, foyer et hors foyer, joue un rôle plus important pour les femmes que pour les hommes. A l’inverse, ces derniers mobilisent plus fréquemment le réseau des amis et des collègues. Par ailleurs, on observe une opposition très forte entre les sexes à propos de deux objets culturels particuliers : les livres et les jeux vidéo. Elle n’est guère surprenante dans la mesure où il s’agit là, comme on le sait, de pratiques très sexuées. L’opposition se vérifie sur toutes les modalités. Les femmes sont nettement plus nombreuses à échanger des livres, même à intensité de lecture comparable : 84 % des grandes lectrices [37] contre 61 % des grands lecteurs échangent des livres, et ces pourcentages sont de 56 contre 38 chez les faibles lecteurs [38]. Pour les jeux vidéo et les logiciels, c’est l’inverse : 57 % des joueurs quotidiens échangent contre 26 % des joueuses au quotidien. Il est toutefois possible que les hommes et les femmes jouent à des types de jeux différents, (par exemple les jeux implémentés sur Windows ne s’échangent pas). Même clivage pour les discussions : 61 % des femmes contre 40% des hommes discutent de livres, et ce décalage reste stable à intensité de lecture comparable. Au niveau des cercles mobilisés pour la discussion de livres on note également des différences. Quand ils discutent de livre, les hommes sont plus nombreux à mobiliser les membres de leur foyer que les femmes (il s’agit du cercle le plus couramment répandu chez les hommes, devant les copains ou amis), inversement les femmes sont un peu plus nombreuses à mobiliser les amis (peut-être parce qu’elles ont plus de mal à trouver un lecteur dans le foyer), et surtout plus nombreuses à mobiliser la famille hors foyer. La famille hors foyer apparaît être une ressource plus importante chez les femmes pour d’autres pratiques comme l’écoute de la télévision : 44 % des femmes qui regardent la télévision régulièrement avec d’autres personnes le font avec des membres de leur famille hors foyer contre 36 % des hommes, Même décalage pour les films (les pourcentages sont de 42 contre 34) ou la pratique d’internet (32 % contre 21 %).
80De façon symétrique, les discussions autour des jeux vidéo sont nettement plus nombreuses chez les hommes que chez les femmes (34 % contre 19 %), même à intensité de pratique comparable (72 % des joueurs quotidiens discutent régulièrement de jeux vidéo contre 48 % des joueuses au quotidien). Pour la discussion de sites internet c’est différent : les femmes qui utilisent tous les jours un ordinateur à titre privé sont aussi nombreuses que les hommes à discuter régulièrement de site internet (73 %).
81Si le cercle des copains/amis est le cercle le plus répandu pour discuter de jeux vidéo, aussi bien chez les hommes que chez les femmes, on constate tout de même que les hommes sont plus nombreux à mobiliser les amis que les femmes (79 % des hommes discutant de jeux vidéo le font avec des copains ou amis contre 65 % des femmes). On constate aussi chez les femmes une sur-mobilisation du cercle du foyer (elles sont presque aussi nombreuses à discuter de jeux vidéo avec des membres de leur foyer qu’avec leurs amis/copains). Les hommes mobilisent en revanche davantage le cercle des collègues ou camarades d’école que les femmes (40 % des hommes discutant de jeux vidéo le font avec des collègues ou camarades d’école contre 29 % des femmes).
L’appartenance sociale
82Il est en réalité assez difficile de démêler les grandes tendances liées au niveau de diplôme et au milieu professionnel. Dans un cas, parce qu’une partie de notre population est encore scolarisée et que le rendement social des diplômes a changé avec le temps, dans l’autre parce que dans certains groupes professionnels comme les employés (massivement des femmes) ou les ouvriers (massivement des hommes), les effets du sexe modifient le profil des pratiques et de la sociabilité. On peut toutefois faire quelques constats.
83Le premier est que les pratiques collectives sont plus nombreuses dans les milieux populaires que dans les milieux aisés. La télévision en est l’exemple le plus connu mais ce caractère collectif touche beaucoup d’autres pratiques. Si on oppose les ouvriers aux cadres qui déclarent « faire le plus souvent seul » différentes activités, les ouvriers apparaissent avoir beaucoup moins d’activités solitaires : parmi les pratiquants, 49 %, des ouvriers contre 58 % des cadres écoutent la radio le plus souvent seuls, 56 % contre 72 % pour la pratique d’internet, 35 % contre 76 % pour les jeux vidéo, 31 % contre 41 % pour l’écoute musicale, 22 % contre 36 % pour la pratique d’un sport. Il est intéressant de constater aussi que les employés et les professions intermédiaires ont des pourcentages d’activités solitaires plus proches de celle des cadres que de celle des ouvriers sur cette liste d’activités.
84Le second est que pour certains objets culturels il y a visiblement une raréfaction des ressources sociales pour discuter ou échanger qui pénalise les milieux sociaux les plus modestes. Prenons l’exemple du livre. Les inégalités sociales sont fortes : 71 % des ouvriers déclarent ne jamais discuter de livres contre seulement 33 % des cadres. Or, ce n’est pas uniquement lié au fait d’avoir une pratique plus ou moins intensive de la lecture : 28 % des employés gros lecteurs de livres ne discutent pas de livre alors que ce n’est le cas que de 18 % des cadres, profession libérales et 9 % des professions intermédiaires, toujours à intensité de lecture égale (les ouvriers gros lecteurs sont trop peu nombreux pour interpréter le chiffre). Plus encore, les cadres qui ne lisent pas de livres sont 42 % à quand même déclarer en discuter régulièrement. Ils ont sans doute plus facilement dans leur entourage des personnes leur parlant de leur lecture. Les discussions à propos d’internet suivent le même schéma inégalitaire, avec les ouvriers utilisant internet tous les jours qui sont les moins nombreux à en discuter. Les échanges de livres sont aussi beaucoup moins répandus chez les ouvriers que chez les cadres, même à intensité de lecture comparable. Par exemple, 64 % cadres ayant lu 5 à 19 livres au cours des 12 mois précédant l’enquête déclarent échanger régulièrement des livres avec des personnes extérieures à leur foyer, contre seulement 33 % des ouvriers.
85Enfin, la famille hors foyer occupe une place privilégiée dans les milieux populaires dont on ne trouve pas d’équivalent dans les catégories supérieures, où, en revanche, les réseaux amicaux sont plus mobilisés. Les ouvriers sont ainsi un peu plus nombreux que les cadres à discuter avec les membres de leur famille hors foyer de la presse, des livres, des sorties, des activités sportives ou artistiques et des jeux vidéo. Ils ont également moins tendance que les autres catégories à mobiliser les copains ou amis pour la discussion de programmes TV, de film, de livres. De même leurs sorties se font plus souvent que les autres en compagnie des membres de leur famille hors foyer (on trouvera dans l’encadré « Ma passion c’est ma famille » des éléments qualitatifs sur cette particularité des liens familiaux larges dans les milieux populaires). Par exemple, en excluant les personnes ne sortant pas (restaurant, concert, exposition…) ou sortant toujours seules, 60 % des ouvriers déclarent sortir régulièrement avec des membres de la famille hors foyer contre 49 % des cadres.
« Ma passion c’est ma famille »
Daniel, 43 ans, ouvrier spécialisé, a 6 frères qui vivent tous à proximité. Les week-ends sont ponctués d’activités communes : ils vont ensemble à la pêche ou jouer à la pétanque et se retrouvent chez l’un ou chez l’autre avec femmes et enfants (on est tout le temps ensemble, tous les week-ends, on mange ensemble, on regarde la télé, le foot, y a l’équipe de football de Calais). Entre Daniel et ses frères, et entre sa femme et les belles-sœurs il y a une sorte de mise en commun des ressources culturelles : échanges très fréquents de DVD, répartition des téléchargements musicaux. Une ou deux fois par an, toute la famille s’offre un parc d’attraction en Belgique (on cherche tous à gagner des places chez Auchan).
« La famille c’est très important, beaucoup plus important que les amis » explique Alain, 54 ans, (ancien militaire puis technicien dans le bâtiment). Il commence par mettre le principe en pratique dans sa vie de couple : « ah ! On va toujours au cinéma ensemble, oui y en a pas un qui va dans une salle et l’autre dans une autre, on reste ensemble, c’est comme la télé, il n’y a pas un qui regarde la télé dans la cuisine et l’autre ici, on regarde ensemble »). Quand ses enfants et petits enfants viennent, ils jouent tous ensemble à des jeux de société et ses filles lui offrent des DVD. Il a dû, pour des raisons professionnelles, quitter sa région d’origine mais le contact avec la famille large est maintenu de façon très régulière : « la dernière fois on est passé par la Normandie, on est monté jusqu’à Cherbourg, j’ai vu mes deux frères, ma sœur, ma mère et puis les cousins, les cousines et puis on est repassé par Paris en revenant pour aller voir notre fille aînée. Puis on est passé à Senlis dans l’Oise pour voir la famille de ma femme.
On en a un peu partout, même du côté de Nice et Marseille. Qu’on essaie de voir.
Et quand on peut pas les voir, on se parle avec la webcam, on s’écrit ».
Bénédicte, 43 ans, travailleuse sociale, a découvert le « décopatch » et la confection de bagues en perle par sa sœur (il y a une longue tradition familiale d’activités manuelles, sa mère faisait beaucoup de tricot, sa grand mère des napperons), et a transmis cette passion à sa belle sœur. Son beau-frère lui télécharge de la musique et lui a fait découvrir la musique bretonne et irlandaise, qu’elle a, à son tour, fait connaître à ses filles « quand j’aime vraiment bien quelque chose, j’aime bien le faire partager, je dis à mes filles « écoutez moi ça ! » des fois il y a des disques qui traînent et elles me les piquent pour les écouter, je suis contente ».
On pourrait multiplier les exemples. Le mari de Véronique, un passionné de films de guerre et de films catastrophe, a mis en place un véritable réseau d’échange et de téléchargement avec son beau frère et un de ses neveux. Ce dernier procure à la fille de Véronique, une fan de manga, des magazines qu’il échange lui même avec un autre cousin. Bruno a découvert le blues par ses deux frères aînés, mais c’est lui qui leur a fait découvrir plus tard le punk rock. Alain et son frère sont tous deux abonnés au Chasseur Français où ils puisent des informations pour leur passion commune, le jardinage (« alors c’est pour ça, les deux frères ils sont tous deux Chasseur Français, donc quand ils jardinent, ils jardinent Chasseur Français » ironise sa femme). La femme de Michel récupère Nous Deux chez sa mère toutes les semaines et a commencé le tricot avec sa belle mère pour, deux ans plus tard, convertir sa propre tante à cette activité (quand je me suis mariée, je me suis rapprochée de ma tante qui habitait à côté de nous et on s’est mis à faire beaucoup de tricot). Il y a d’ailleurs une spécificité des liens entre femmes à l’intérieur de cette sociabilité de famille large, la circulation de la presse magazine, très fréquente, mais aussi celle des livres : qu’il s’agisse de discussions ou d’échanges, ce sont toujours des pratiques entre femmes, qui n’appartiennent pas forcément d’ailleurs à la même génération (tante/nièce, mère/fille). Sans oublier la fameuse écoute conjointe du soap de début d’après midi : « ma belle mère tout, tout le monde, ben oui on suit Les feux de l’amour, on aime Les feux de l’amour ! Ma fille elle vient le regarder avec moi souvent, et puis après on va faire les courses et promener sa fille ».
CONCLUSION
86On aura noté, tout au long de ce texte le poids considérable de la variable âge. La typologie, pourtant uniquement construite sur la base des pratiques et des préférences culturelles déclarées, montre de fort clivage selon les âges (tableau 3). A lire ces chiffres on pourrait avoir l’impression de vagues culturelles différentes qui ont soudé le profil des générations qui se sont succédées, comme si les relations à la culture avait changé au cours du temps. Cet effet est en partie trompeur, car s’il est indéniable que les objets culturels se sont fortement diversifiés et sont plus proliférants que par le passé, le rapport symbolique à la culture n’a probablement pas subi de bouleversements de grande ampleur. Prenons les plus de 60 ans. A leur époque, la faible démocratisation de l’éducation avait pour effet de découper un rapport très tranché à la culture : pour les plus éduqués des pratiques liées à la culture consacrée (la lecture, les sorties culturelles), et pour la grande masse des autres, des objets culturels populaires traditionnels (le bal, la radio, le cinéma). A eux seuls, les univers de la culture classique et de la culture populaire traditionnelle recrutent près des trois quarts des français âgés de plus de 60 ans. La génération des baby boomers, où les parcours scolaires ont été moins contrastés, a fait éclater cette alternative étroite et se profile sur un nombre d’univers plus grand : il y a certes encore les deux profils précédents mais leurs effectifs ont fortement décru au profit de deux autres univers, la culture domestique moderniste et la culture mass médiatique. Or, ces deux derniers peuvent être analysés comme des déclinaisons plus ou moins « modernes » de l’univers de la culture populaire traditionnelle : chez les individus de la culture mass médiatique la télévision et la radio tiennent une très grande place dans les pratiques, ceux de l’univers de la culture domestique moderniste y ajoutant un intérêt marqué pour les pratiques informatiques. En tout cas, ils sont l’un comme l’autre très centrés sur la vie domestique et familiale, comme le sont les individus de l’univers de la culture populaire traditionnelle, et témoignent, comme eux, de goûts très peu élitistes en matière de préférences culturelles. On peut faire le même raisonnement pour la culture classique : chez les moins de 45 ans, elle ne recrute pratiquement plus personne, mais cette relation à la culture n’est elle pas réapparu sous une autre forme avec la culture contemporaine cultivée ? Cette dernière, on s’en souvient, se caractérise par un intérêt marqué pour la sphère culturelle mais de façon plus large et plus diversifiée que par le passé, notamment à travers le développement des pratiques artistiques amateurs.
87La culture juvénile pose d’autres questions. C’est un univers à l’homogénéité troublante, puisqu’il recrute à lui seul les deux tiers des moins de 25 ans. Cette classe d’âge sera-t-elle capable de produire un effet de génération en maintenant avec les années un profil différent de celui de tous leurs aînés ? La chose ne semble guère probable même si, sans aucun doute, l’univers de la culture juvénile formera un univers parmi les autres, fondé sur des pratiques technologiquement innovantes développées par les plus jeunes. En revanche, on peut facilement envisager à terme une disparition progressive des deux profils de départ. Celui de la culture classique car il est en passe de devenir un profil culturel étriqué à l’heure où les artistes eux-mêmes jouent volontiers du mélange des genres et bousculent les hiérarchies établies. Celui de la culture populaire traditionnelle, car le développement exponentiel de la production de produits culturels liés aux mass médias et aux nouvelles technologies rend de plus en plus improbables les situations d’autarcie culturelle. C’est finalement l’univers de la culture sportive qui aura le moins souffert du renouvellement des générations puisqu’il est implanté de façon relativement égale dans les différents groupes d’âge, à l’exception des plus jeunes. Ce qui montre que les cultures spécialisées peuvent se maintenir de façon stable avec le temps, même lorsqu’elles se déclinent sur de nouveaux supports ou s’expriment par de nouvelles pratiques.
ANNEXE 1 Construction d’une typologie sur les pratiques culturelles et de loisirs des Français
88Le projet Entrelacs s’est déroulé sur environ 18 mois et la thématique des pratiques culturelles et de loisirs est abordée dans différents questionnaires. Dans un premier temps nous avons procédé à l’inventaire des questions traitant de cette thématique. Celles-ci sont dispersées sur plusieurs questionnaires, mais la très grande majorité est contenue dans deux questionnaires soumis aux interviewés en avril/juin 2005 et en juillet/août 2005. Nous avons construit la typologie sur l’ensemble des interviewés de plus de 11 ans ayant répondu à ces deux questionnaires, soit 2574 individus. Par conséquent nous n’avons pas utilisé la totalité des questions ayant trait aux pratiques culturelles et de loisirs dans Entrelacs, d’une part parce que ce travail fut commencé alors que toutes les enquêtes n’avaient pas été soumises, d’autre part parce que le nombre de répondants à toutes les enquêtes aurait été considérablement réduit et enfin il n’était pas satisfaisant de travailler sur des enquêtes réalisées à intervalle de temps trop important.
89Afin de saisir l’information contenue dans les données et de la hiérarchiser, nous avons effectué une analyse des correspondances multiples (ACM). Puisque dans une ACM l’inertie d’une modalité est une fonction décroissante de l’effectif de cette modalité et que l’inertie totale d’une variable est une fonction croissante du nombre de ses modalités, nous avons procédé au préalable à des agrégations de modalités ou à des constructions de nouvelles variables afin d’éviter les modalités trop rares et nous avons veillé à ne pas trop surreprésenter le poids de certaines pratiques davantage abordées dans l’enquête. Notamment, pour prendre en compte les différents styles de musiques les plus écoutés et les styles de vidéos et de programmes TV les plus regardés, nous avons réalisé trois analyses typologiques séparées afin de réduire à chaque fois les longues listes d’items proposés en quelques catégories synthétiques. Par ailleurs, pour rendre compte des goûts en matière de radio et de presse, nous disposions de questions ouvertes présentant une très forte dispersion des réponses. Nous avons procédé à des réagrégations manuellement.
90Au final, 40 variables, représentant 116 modalités actives, ont été introduites dans l’ACM portant sur les pratiques culturelles et de loisirs des Français.
91L’étude de l’histogramme des valeurs propres engendré par l’ACM montre que l’inertie est fortement diluée sur les 76 axes (dans une ACM, le nombre d’axes est égal à la différence entre le nombre de modalités actives et le nombre de variables, ici 116-40 = 76 axes). Le premier axe ne contient que 5,7 % de l’inertie, le deuxième 3,4 %… et il faut considérer les dix premiers axes pour prendre en compte au moins un quart de l’inertie totale. Nous ne détaillerons pas l’analyse de chacun des axes, ceci s’avèrerait trop long.
92Nous avons ensuite procédé à une analyse de classification afin d’obtenir un découpage de la population en quelques groupes relativement homogènes en matière de pratiques culturelles et de loisirs, de telle sorte que les individus d’un même groupe se ressemblent le plus possible en regard des variables introduites dans l’analyse et que les individus de groupes différents soient au contraire le plus dissemblables. Nous avons procédé à une classification ascendante hiérarchique (CAH) sur les 10 premiers axes issus de l’ACM représentant environ un quart de l’inertie totale (26,4 %). Le logiciel SPAD nous a proposé des partitions en 4,5 ou 7 classes comme étant les meilleures (nous n’avons pas étudié les partitions en plus de 10 classes, celles-ci ne nous paraissant pas d’un grand intérêt dans un objectif de synthétisation des comportements). Au regard des catégories proposées, nous avons opté pour une partition en 7 classes, les autres nous paraissant beaucoup trop réductrices. Afin de juger de la stabilité de cette partition, nous avons augmenté le nombre d’axes inclus dans la classification. La partition reste inchangée, nous pouvons par conséquent considérer que la partition retenue est de bonne qualité pour rendre compte de l’information introduite dans l’analyse. Bien évidemment, le choix de la partition dépend des variables qui ont été introduites dans l’analyse et de leur recodage. Nous ne prétendons pas proposer une typologie exhaustive des pratiques culturelles et de loisirs des Français, mais un éclairage permettant de quantifier de manière grossière des types de comportement fréquents en matière de culture et de loisirs.
ANNEXE 2 L’indice d’homogamie
93L’indice d’homogamie utilisé dans cette étude est celui défini par J.C. Deville (1981). Il donne une mesure du rapport entre l’homogamie observée et l’homogamie théorique, c’est-à-dire le nombre de couples homogames observés dans la population et le nombre de couples homogames qui serait observé si les conjoints se choisissaient au hasard parmi les personnes vivant en couples.
94La population des couples est classée selon un certain critère, dans notre étude il s’agit de l’univers de temps libre.
95Soit ij n l’effectif des couples dont le chef de foyer appartient à l’univers de temps libre i et dont le conjoint appartient à l’univers de temps libre j.
96Soiti p la proportion de chef de foyer appartenant à l’univers i et j q la
proportion de conjoint appartenant à l’univers j. On a :
et
où n est l’effectif de la
population étudiée, c’est-à-dire le nombre total de couples.
97Et : • ==iii nnph le nombre de chef de foyer appartenant à l’univers i
jjj nnqf• == le nombre de conjoint appartenant à l’univers j
98Si le choix du conjoint se faisait au hasard, la probabilité pour qu’un chef de
foyer soit avec un conjoint de l’univers j serait égale à j q, quelque soit la
catégorie à laquelle il appartient lui-même. Dans cette hypothèse, si l’univers
i comporte i h chef de foyer, on devrait atteindre un nombre de couples
associant un chef de foyer de l’univers i et un conjoint de l’univers j égal à :
En rapportant le nombre nij observé de couples de ce type au nombre théoriquen*ij, on obtient un indice noté :
Plus cet indice est proche de 1, plus la situation observée est proche de celle correspondant à l’absence de lien entre univers de temps libre et choix du conjoint. Lorsqu’il est supérieur à 1, cet indice indique que les unions de ce type sont plus fréquentes que ne le voudraient les lois du hasard (d’autant plus fréquentes que l’indice est élevé). Inversement, s’il est inférieur à 1, il indique que ces unions sont moins fréquentes que ne le voudraient les lois du hasard (d’autant moins fréquentes que sa valeur est proche de zéro).
99Si pour les couples composés d’un CDF de l’univers culturel i et d’un conjoint de l’univers culturel j, avec i = j cet indicateur vaut 2, cela signifie qu’on dénombre 2 fois plus de couples homogames de ce type dans la population observée que ne le voudraient « les lois du hasard ». S’il vaut 0,2, les couples homogames de ce type sont 5 fois moins nombreux que si les conjoints se choisissaient au hasard.
100En rapportant le nombre de couples composés de deux conjoints de même univers culturel observé au nombre théorique, on obtient une mesure de la propension à l’homogamie tous univers de temps libre confondus.
Bibliographie
RÉFÉRENCES
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- WILLIS P. (1978), Profane Culture, Routledge, Londres.
Mise en ligne 28/01/2008
Notes
-
[1]
BOURDIEU, 1979.
-
[2]
GRIGNON et PASSERON, 1989.
-
[3]
1989, p. 75.
-
[4]
Voir notamment HEBDIDGE, 1979 ; WILLIS, 1978.
-
[5]
HOGGART, 1970.
-
[6]
DONNAT, 1994.
-
[7]
LAHIRE, 2004.
-
[8]
BOURDIEU et DARBEL, 1969.
-
[9]
DIMAGGIO, 1987,1992 ; PETERSON, 1992 ; DIMAGGIO et PETERSON, 1975 ; ERICKSON, 1996.
-
[10]
BURGOS, EVANS et BUCH, 1996.
-
[11]
POISSENOT, 1997.
-
[12]
HENNION, MAISONNEUVE et GOMART, 2000.
-
[13]
Voir par exemple CARDON et GRANJON, 2003 ; PASQUIER, 1999,2004,2005.
-
[14]
Lucile Marquis a réalisé cette campagne d’entretiens. Delphine Saizonou a participé au traitement des données statistiques. Qu’elles en soient remerciées ici.
-
[15]
Notamment l’enquête Entrelacs porte sur les Français de plus de 11 ans, tandis que l’enquête Pratiques culturelles des Français porte sur les Français de 15 ans et plus. Par ailleurs, les modalités de passation des questionnaires ne sont pas les mêmes (questionnement en face à face au domicile des interviewés pour les enquêtes du ministère, questionnement par téléphone ou auto-administré pour Entrelacs). Le plan de sondage diffère également, de même que les critères de redressement. Cf. SMOREDA, BEAUVISAGE, BAILLIENCOURT et ASSADI, ce numéro pour des précisions sur le dispositif Entrelacs et p. 319-321 de « Pratiques culturelles des Français – enquête 1997 » pour la méthode d’enquête du ministère.
-
[16]
Nous ne ferons pas état ici des informations recueillies sur les équipements audiovisuels.
-
[17]
Tout au long de l’article, les références à 1997 sont issues de l’enquête Pratiques culturelles des Français – enquête 1997. DONNAT, 1998.
-
[18]
A la question ouverte « Avez-vous un/des centre(s) d’intérêt (cinéma, acteur, série ou émission TV, style de musique, gastronomie, etc.), une activité culturelle ou de loisirs (sport, hobby, jeux, bricolage, etc.) et/ou une participation associative ou politique en particulier ? », 17 % des Français répondent la télévision en première réponse, 34 % citent la télévision parmi leurs trois réponses.
-
[19]
Il était demandé aux interviewés de citer les trois chaînes de télévision qu’ils regardent le plus régulièrement, même chose pour les stations de radio. Aucune liste ne leur était proposée.
-
[20]
DONNAT, op.cit.
-
[21]
Dans les enquêtes Pratiques Culturelles 1997 et 1989, le visionnage de vidéo est abordé à travers l’utilisation du magnétoscope. En 1989, on comptait 24 % d’utilisateurs de magnétoscope, en 1997 ils étaient 66 %. En 1997,17 % des personnes possédant un magnétoscope dans leur foyer déclaraient l’utiliser plusieurs fois par semaine.
-
[22]
Cf. BEAUVISAGE « Les usages routiniers de l’informatique à domicile » dans ce numéro.
-
[23]
La liste d’activités proposée aux interviewés distingue différentes pratiques amateurs artistiques, nous avons choisi de les agréger ici en 3 catégories : les pratiques artistiques amateurs (danse, musique, chant, théâtre, création, activité graphique), les pratiques artistiques techniques (photo, vidéo, création de musique sur ordinateur, retouche d’images sur ordinateur, blog), pratiques artistiques d’écriture (écrire poésie/nouvelle/roman, journal intime). De même, la pratique d’un sport individuel était distinguée de celle d’un sport d’équipe, nous les avons agrégées. Nous limitons ainsi la dispersion des réponses sur un trop grand nombre de catégories, qui minimiserait la présence des pratiques artistiques et sportives par exemple.
-
[24]
DONNAT, 1996.
-
[25]
Cf. annexes 1 pour des précisions sur la construction de la typologie.
-
[26]
DONNAT et LEVY, 2007.
-
[27]
Source : hhttp :// www. education. gouv. fr
-
[28]
En réalité, il s’agit du pourcentage de personnes ayant citées la pratique d’un sport individuel ou d’équipe parmi les cinq activités qu’elles pratiquent le plus régulièrement (une liste d’activités était proposée aux interviewés).
-
[29]
LAHIRE, 2004, p. 474-482.
-
[30]
VANDERSCHELDEN, 2006 : à partir de l’étude de l’Histoire Familiale réalisée à l’occasion du recensement de 1999 et portant sur 380 000 hommes et femmes. FORSÉ et CHAUVEL, 1995 : travail réalisé à partir d’une analyse secondaire des données de l’enquête Emploi – INSEE 1989.
-
[31]
61 % en effectifs non pondérés, 58 % en effectifs pondérés.
-
[32]
Nous avons choisi de ne pas pondérer les résultats qui suivent afin de ne pas tirer des conclusions qui seraient uniquement dues à un effet de pondération.
-
[33]
DEVILLE, 1981.
-
[34]
RIESMAN, 1992 ; PASQUIER, 2005.
-
[35]
Sur les jeunes et les pratiques de consommation musicale, cf. l’article de GRANJON et COMBES dans ce numéro.
-
[36]
GLEVAREC, 2006.
-
[37]
Plus de 20 livres au cours des 12 derniers mois.
-
[38]
De 1 à 4 livres en 12 mois.