Notes
-
[1]
« Caster Manga », Tsunami, n° 18, novembre 1995, p. 40-41.
-
[2]
50 millions de consommateurs, n° 235, janvier 1991, p. 43.
-
[3]
Quatrième de couverture, édition reliée d’Akira, n° 1, Grenoble, Glénat, 1990.
-
[4]
J.-J. Beineix, « Otaku, fils de l’empire du virtuel », Envoyé Spécial, France 2, 19 mai 1994.
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[5]
« Otaku : la controverse », Animeland, n° 15, septembre 1994, p. 17.
1La place acquise par les mangas dans les catalogues de nombreux éditeurs à l’échelle internationale, leur accumulation dans les collections publiques des médiathèques et les collections personnelles du lectorat, sont autant d’indicateurs concrets d’une mondialisation culturelle qui s’étend au-delà des seuls produits issus du secteur anglophone de l’édition et du divertissement (Iwabuchi, 2002). Si ces volumes imprimés, ainsi que leurs versions numérisées, sont devenus des produits culturels de consommation courante, le manga renvoie plus largement à une catégorie culturelle attractive, au point de désigner des ouvrages créés et publiés hors du Japon, à l’instar des « mangas français », des mangas algériens (DZ manga), philippins et brésiliens, ou encore des « Original English Language manga » (Brienza, 2015). Ces flux internationaux et transnationaux de volumes imprimés et de contenus numériques attestent du poids et de la centralité des éditeurs japonais, qui concentrent à Tokyo les activités de « gestion du processus créatif » des mangas (Kinsella, 2000) et vendent leurs droits de traduction. La visibilité internationale des mangas est encore décuplée par les liens tissés entre les secteurs de la presse, de l’édition, de l’animation télévisée, du jouet, de la musique, du jeu vidéo et de la publicité, dans le cadre des stratégies de media mix (Steinberg, 2012).
2Issue des « industries de contenu » japonaises (Kawashima et Lee, 2018), cette constellation de médias, de personnages et de fictions sérialisées a contribué au renouvellement générationnel des pratiques culturelles des Français, en empruntant la voie des transactions entre éditeurs et de la distribution commerciale des livres, ou les réseaux informels et décentralisés d’une mondialisation « par en bas » (Mattelart, 2011). Il en résulte en France une ouverture croissante des répertoires culturels nationaux et des agendas de loisir juvéniles à des productions japonaises (Cicchelli et Octobre, 2017). Si l’usage du terme « manga » s’est généralisé dans un nombre croissant de pays et de langues pour désigner ces produits de l’édition japonaise, on ne peut parler pour autant d’un processus homogène de « diffusion » ni d’une « devise culturelle » globale et immuable : les formes matérielles et les expériences culturelles de la bande dessinée japonaise connaissent des variations nationales et locales, et mettent en jeu toute une série de médiations, qui modifient la visibilité et la « lisibilité » de ces biens symboliques (Chartier, 1996). L’« origine » étrangère ou la « source » culturelle de ces bandes dessinées constituent un aspect et un enjeu des processus de spécification de l’univers culturel du manga en France, c’est-à-dire de l’élaboration de frontières symboliques avec d’autres formes de production culturelle (et de bande dessinée). Une approche historique met en évidence des variations importantes dans la gestion française de cette « extranéité » culturelle, et plus précisément une tension entre des processus de « domestication » et d’« exotisation » (Suvilay, 2017). La « japonité » des mangas occupe également une place variable dans les commentaires médiatiques ou académiques, qui tendent soit à les affilier aux traditions culturelles japonaises, soit à mettre en exergue leur « modernité » socioéconomique, ancrée dans un capitalisme éditorial et une société de consommation sous influence occidentale (Allen et Ingulsrud, 2010), soit à en faire les emblèmes d’une expérience culturelle « postmoderne », individualiste et déliée de toute appartenance nationale ou sociale (Azuma, 2008). Si elle est invoquée de manière très variable, et parfois déniée, cette « japonité » imaginée est loin d’être homogène, et se décline à son tour en une série contrastée de stéréotypes (Honoré,1994).
3Cet article entend précisément prendre pour objet la place occupée par le « Japon » dans les médiations matérielles et symboliques qui encadrent la mise à disposition des mangas en France. Les références au Japon sont envisagées ici au croisement de flux culturels mondialisés, d’usages contextualisés et localisés des mangas, et d’habitudes culturelles incorporées par les individus, à partir d’une enquête combinant plusieurs méthodes : des entretiens menés avec des amateurs de manga et des professionnels du secteur, et l’étude d’un corpus d’archives imprimées, audiovisuelles et numériques en lien avec le manga. L’article montre comment la référence au Japon a été investie de manière très variable, et parfois conflictuelle, par des professionnels de la programmation audiovisuelle, de l’édition et du journalisme, mais aussi par des groupements d’amateurs et de fans. Il analyse les enjeux concrets de traduction, d’adaptation et de « localisation » des mangas, ainsi que les luttes symboliques engagées autour du respect de « l’intégrité » et de « l’authenticité » de ces œuvres. Une première partie détaille la diffusion et la réception publique en France des mangas et séries d’animation japonaise des années 1970 aux années 1990. Si une minorité de connaisseurs appréhendent alors les mangas comme des productions japonaises, c’est au prisme d’une approche bédéphilique centrée sur l’Europe et les États-Unis, tandis que les processus d’adaptation mis en œuvre par les diffuseurs audiovisuels et les éditeurs conduisent à occulter les caractéristiques perçues comme spécifiquement japonaises. Les mangas se trouvent ainsi décontextualisés en tant qu’objets de l’édition et univers fictionnels. Une seconde partie montre comment, à partir des années 1990, ces politiques se trouvent contestées par une partie du public et du lectorat, qui s’investit et accède à la parole publique. Les éditeurs français entreprennent alors d’élaborer une forme culturelle spécifique pour les mangas. De nouvelles médiations tendent ainsi à décliner la « japonité » des mangas, et attestent des interactions entre des processus de valorisation symbolique, une diversité d’usages de l’« origine » japonaise, et des rapports de force culturels tramés par une différenciation générationnelle et sociale.
Encadré méthodologique
Décontextualisation et domestication du manga et de l’animation japonaise : des produits commerciaux sans origine culturelle ni valeur symbolique ?
4Cette première partie étudie la manière dont un ensemble d’intermédiaires culturels se sont approprié la référence au Japon dans les processus matériels et symboliques de fabrication, de mise à disposition et de qualification des mangas et séries d’animation japonaise, sur une période qui s’étend des années 1970 aux années 1990. Le « Japon » fait alors l’objet d’un traitement très inégal dans deux circuits de diffusion, qui donnent accès à des pans distincts de la production (et de la réalité) japonaise : si les mangas « réalistes » destinés à un lectorat adulte sont identifiés en tant que productions culturelles japonaises dans les cercles d’amateurs de bande dessinée et de culture japonaise, les marqueurs d’un ancrage national et culturel spécifique sont quant à eux masqués aux yeux du jeune public des émissions jeunesse, qui se procure les premières éditions de manga.
Le Japon sur la carte de la bande dessinée mondiale
5En France, les professionnels du discours critique sur la bande dessinée sont parmi les premiers à avoir constitué les mangas en objet de savoir, avant même leur succès éditorial ou leur « divulgation » et dévalorisation audiovisuelle. La bande dessinée japonaise constitue en effet, à partir des années 1970, une référence à la fois lointaine et confidentielle, réservée à des amateurs de bande dessinée ou connaisseurs du Japon, souvent via un prisme états-unien. Si les magazines et volumes reliés des éditeurs japonais ne sont pas encore insérés dans le marché mondial de l’édition, des éditeurs et amateurs aux États-Unis élaborent un premier corpus accessible en langue anglaise (composé d’extraits de mangas, de films d’animation et de commentaires sur ces œuvres), en s’appuyant diversement sur les commerces et réseaux des diasporas japonaises, sur les rassemblements et publications des fans de comics, de fantasy et de science-fiction (Patten, 2004), et sur des échanges avec le personnel des bases militaires états-uniennes au Japon (Léonard, 2005). Ces médiations façonnent l’image d’un Japon quotidien, historique, contestataire, futuriste, violent ou érotique, avec des sélections éditoriales puisant dans le courant du « gekiga » (les histoires réalistes et dramatiques publiées à partir des années 1960 au Japon, et destinées à un lectorat adulte) ou dans les genres du fantastique et de la science-fiction. En dehors du Japon, le premier ouvrage consacré spécifiquement au manga est publié en 1983 par le critique états-unien Frederik Schodt (né en 1950). Dans la préface, le mangaka Osamu Tezuka (1928-1989), présenté comme le « Dieu du manga », certifie que l’ouvrage propose « une image exacte de la culture de la bande dessinée au Japon » (Schodt, 1983).
6À partir des années 1970 et 1980, ce sont les premières générations de « bédéphiles » qui entreprennent en France l’exploration de ce « continent inconnu » de la bande dessinée (Kanoh, 1986), en s’appuyant sur les sources anglophones précédemment citées, mais également sur des contacts avec des critiques japonais, et sur la seule appréhension « visuelle » des éditions originales. C’est le cas dans les années 1980 des rédacteurs des Cahiers de la bande dessinée, une revue éditée par les éditions Glénat, ou, dès 1972, de Claude Moliterni (1932-2009), professionnel de l’édition qui rédige cette année-là un des premiers articles en français sur la « bande dessinée japonaise », publié dans Phénix, « revue internationale de la bande dessinée » créée en 1966. Ce membre fondateur de la « Société civile d’études et de recherches des littératures dessinées » est l’un des premiers « “spécialistes” de la bande dessinée, producteurs légitimes d’un discours à la fois historique et esthétique » : le manga s’avère ainsi digne d’intérêt dans le cadre de la « construction d’une histoire mondiale de la bande dessinée » et de la publication de « panoramas » (Baudry, 2011, p. 8). Si le manga émerge dans les années 1970 comme un objet de curiosité, c’est donc principalement sous une forme discursive au sein de ces articles et encyclopédies, sans constituer, hors du Japon, une réalité éditoriale et visuelle tangible. Un premier ouvrage de synthèse en langue française, intitulé L’univers des mangas. Une introduction à la bande dessinée japonaise, est toutefois publié en 1991 aux éditions Casterman à l’occasion de l’invitation du Japon au Festival International de la Bande Dessinée. Cet « ouvrage de référence explique pourquoi le style du manga est différent de celui des comics et de la BD franco-belge » et assure une plus large diffusion de ces connaissances (Groensteen, 1991). Ces biens symboliques commencent ainsi à être apprivoisés et indexés dans les classifications géographiques et les approches théoriques de la « bande dessinée », qui tend alors à se constituer en « mode d’expression » universel et voit se multiplier les expérimentations et revendications esthétiques et « avant-gardistes » (Beaty, 2007). Les mangas deviennent l’objet d’une approche sémiotique et formaliste (Maigret, 1994), et le manga est redéfini comme un langage abstrait, fondé sur une combinaison de symboles graphiques (Allen et Inguslrud, 2010) ou sur les relations sémantiques qui organisent les séquences d’images et l’espace de la page (Groensteen, 1999). Ce processus d’essentialisation (Bourdieu, 1992) met en exergue les propriétés formelles des mangas, au détriment de leur matérialité, de leurs spécificités culturelles et de leur contexte de production. Ce sont surtout des grilles de lecture forgées en Europe et aux États-Unis à partir de corpus de comics et de bandes dessinées qui sont appliquées aux mangas, tandis que les savoirs spécialisés élaborés au Japon dès les années 1960 sont largement méconnus (Kinsella, 2000), reflétant un « déséquilibre structurel dans la production de connaissances » entre « un Occident figuré comme le lieu de la Théorie, et le reste du monde comme le lieu des matières premières (des “textes”) » (Mitsuhiro, 2000, p. 36).
7Des années 1960 aux années 1980, les publications sporadiques de mangas en France concernent en grande partie les œuvres désignées à l’attention dans les commentaires spécialisés ou déjà publiées aux États-Unis, et elles s’inscrivent dans la perspective d’une production « adulte », en rupture avec les connotations infantiles associées à la bande dessinée (Maigret, 1994). Au-delà des rares mangas parus dans des revues érotiques ou des revues d’arts martiaux, des titres japonais sont en effet publiés dans les premières collections de « romans graphiques » ou de « romans dessinés », comme la collection « Autodafé » des Humanoïdes Associés (Méon, 2015), ou la collection « Manga » de Casterman, créée en 1995 par Jean-Paul Mougin, qui en souligne la parenté avec la prestigieuse collection (A Suivre), créée en 1978 [1]. Ce « raccordement symbolique » (Lahire, 2015) est alors justifié par les ambitions narratives des mangas, leur usage du noir et blanc ou leurs thématiques adultes, dramatiques ou autobiographiques. Des liens sont également tissés avec la presse « contre-culturelle ». Entre 1978 et 1981, des bandes dessinées japonaises sont ainsi traduites en français dans la revue trimestrielle Le Cri qui Tue. Son cofondateur, le Japonais Atoss Takemoto (1953-2020), évoque les grandes revues de bandes dessinées de l’époque (Métal Hurlant, Fluide Glacial, Charlie, L’Écho des savanes) et une ambition partagée de « montrer une BD différente », symbolisée par cette devise : « aventures respectables – passions extrêmes – violences anodines » (Takemoto, 1978).
8La perception du manga est enfin informée par le filtre éditorial états-unien, privilégiant les « récits d’action » et les genres susceptibles de plaire au lectorat masculin et adolescent des comics (Morgan, 1993). Le fanzine français Scarce, « journal au goût américain » créé en 1983 et dédié aux comics, accorde une place croissante à ces « mangas US », tandis que des amateurs français se plaignent de la « frilosité des éditeurs autochtones, en retard sur les goûts de leur public », d’où le « paradoxe d’une vogue du manga sans qu’il y ait publication massive en français » (Morgan, 1993), les États-Unis constituant « l’essentiel de l’horizon étranger pour les lecteurs français de bande dessinée » (Lesage, 2014). Si l’éditeur Glénat commence à s’intéresser aux mangas à la fin des années 1980, c’est parce que les responsables éditoriaux de son label « Comics USA » ont repéré les titres japonais édités aux États-Unis (Kahn et Richard, 2010). Au tournant des années 1980 et 1990, la consommation de manga revêt ainsi par défaut une dimension cosmopolite et se déploie largement en dehors du circuit national et francophone de l’édition : le lectorat s’empare des éditions originales (sans nécessairement maîtriser le japonais) ou des éditions états-uniennes ou italiennes, accessibles de diverses manières (distribution en librairie spécialisée, achat international par correspondance ou à l’occasion d’un voyage, etc.) (Vanhée, 2019).
L’effacement du Japon dans la production ciblant les enfants et adolescents
9Tandis qu’une poignée d’amateurs explorent précocement le manga en tirant parti de leurs connaissances bédéphiliques ou linguistiques comme de leurs liens avec le Japon ou les États-Unis, un autre pan de la production japonaise, davantage destiné aux enfants et adolescents, accède à la médiatisation en France via la programmation audiovisuelle, dès la fin des années 1960, et de manière croissante sur les chaînes privées à partir de la deuxième moitié des années 1980. L’ancrage national et culturel d’origine de ces séries d’animation se trouve toutefois largement occulté. Les séries japonaises font d’abord l’objet, dans les années 1970 et 1980, d’une intense exploitation éditoriale sous forme « d’adaptations à la française » : les éditeurs qui publient les aventures des héros de Goldorak ou Albator n’ont pas recours à l’importation des mangas originaux (à l’exception d’une édition de Candy), mais recrutent des dessinateurs pour réaliser une « mise en dessin de la narration télévisuelle » (Lesage, 2014) ou s’appuient sur les captures d’écran. C’est donc une constellation française ou francisée de produits dérivés, bien éloignée du media mix japonais original, qui se déploie autour de ce nouveau répertoire de « héros de la T.V. », sous la forme d’albums, de novellisations, de disques, de déguisements ou de produits alimentaires (Dubost, 2012). Les indicateurs de « japonité » sont d’autant moins présents qu’une partie de ces histoires mettent en scène des univers spatiaux et futuristes ou des « classiques » de la littérature jeunesse mondiale, situés dans un contexte européen ou nord-américain, selon la politique de « dénationalisation » des contenus adoptée par certains studios japonais à l’époque (Iwabuchi, 2002).
10À partir du milieu des années 1980, les chaînes télévisées françaises diffusent un nombre croissant de séries d’animation japonaise sur des plages horaires étendues (Chaniac, 1994). Les sociétés de distribution et les responsables audiovisuels adaptent ces programmes peu valorisés avec une économie de moyens, les acteurs et actrices de doublage, ainsi que d’autres professionnels de la télévision, ne maîtrisant pas tous les enjeux narratifs et les arrière-plans culturels des séries sur lesquelles ils travaillent à la chaîne (Suvilay, 2019). Dans un contexte concurrentiel renforcé par l’expansion des chaînes privées et la déréglementation du secteur audiovisuel, ce processus d’adaptation sous contraintes modifie les fictions sérialisées originales pour en faire des « dessins animés » destinés aux enfants, en simplifiant les dialogues et les intrigues, et en atténuant les marques de leur ancrage culturel au Japon (telles que les noms des personnages, les références à la vie quotidienne japonaise, ou les mentions de noms japonais dans les génériques). Ces opérations altèrent d’autant plus les œuvres originales que les séries diffusées à partir de la fin des années 1980 mettent davantage en scène la vie quotidienne, l’histoire ou les mythologies du Japon.
11Cette « malléabilité » importante des séries japonaises, propice à une décontextualisation culturelle, s’explique par un ensemble convergent de facteurs. Si les chaînes télévisées japonaises insèrent les séries d’animation destinées à des âges différents (y compris à des adultes) dans une grille de programmes structurée, cette segmentation est tout d’abord négligée en France au prix d’un travail d’adaptation aux contraintes d’émissions jeunesse ciblant à la fois enfants et adolescents. En effet, « les chaînes privées “généralistes” ne tiennent pas à fragmenter un public déjà étroit » et elles « donnent à leur tranche jeunesse une cible large » (Poels, 2013, p. 108). Aux antipodes d’une sacralisation culturelle des œuvres originales, les activités de « programmation » tiennent surtout compte des « demandes des annonceurs publicitaires » (Mousseau, 1989) et des « nouvelles synergies entre la télévision et l’industrie du jouet » (Mattelart, 1990, p. 79). Le remodelage des séries japonaises est en outre guidé par des « hypothèses culturelles qualifiant le genre du dessin animé » (Mittell, 2003, p. 50-51). En Europe comme aux États-Unis, l’animation a été progressivement redéfinie comme un genre particulier destiné à l’enfance et elle constitue alors en France « l’apanage des moins de quinze ans » (Freychet, 1987, p. 9). La migration de ces programmes du secteur audiovisuel japonais vers l’espace plus étroit et « inoffensif » des cartoons américains et des « dessins animés » français induit la suppression de scènes de violence et de nudité. Les présupposés de certains responsables audiovisuels sur l’absence de discernement des enfants en matière de « qualité » autorisent des incrustations publicitaires, des modifications du contenu, de la durée ou de l’ordre des épisodes. Un rapport de la direction du marketing de la Cinq évoque par exemple une « absence notoire de sélectivité des enfants en ce qui concerne leur consommation de ce type de produits : les enfants regardent ce qu’on leur propose, en fonction de leur unique disponibilité physique » [2]. Le remodelage et la francisation des séries d’animation japonaise, au prix de nombreuses erreurs et altérations, ont pour condition de possibilité la faible valeur symbolique qui leur est accordée. Des commentaires médiatiques ou académiques évoquent en effet des « japoniaiseries au rabais, sommaires, laides, déprimantes », des « dessins mal animés, nippons et convulsifs », un « magma informe », une « bouillie infâme » ou un « équivalent fonctionnel du hamburger » (Vanhée, 2019, p. 220-221). Ces séries sont donc appréhendées comme des produits dégradés de la « culture de masse » et non pas interprétées comme des créations issues d’un contexte national et dotées d’une cohérence interne.
12Les débuts de l’édition française de manga sont en grande partie tributaires des succès d’audience télévisuelle des séries d’animation éponymes (diffusées en France avant le manga original dont ils sont l’adaptation), et ils reconduisent la politique générale de « domestication » ou « localisation » des séries japonaises. Les interventions sur les œuvres originales suivent les standards des éditeurs de comics et de bande dessinée franco-belge. Les mangas sont alors en partie plongés dans le « champ des comics » (Brienza, 2016), et les choix d’édition états-uniens sont en partie repris par les éditeurs français pour attirer un lectorat « non familiarisé » avec les supports de lecture japonais : inversion du sens de lecture, modification du format et du nombre de pages, etc. C’est le cas dans les premières éditions françaises du manga Akira, publiées à partir de 1990 sous forme de fascicules puis d’albums cartonnés (à quoi s’ajoute une colorisation, réalisée aux États-Unis), puis des titres de la « collection Akira » des éditions Glénat. Ces choix induisent un travail de « rafistolage » des planches et des cases (Lesage, 2014), via des « adaptations graphiques souvent coûteuses et contraignantes », parfois bâclées (Finet, 2009). Les mangas sont ainsi convertis en objets éditoriaux familiers dans le paysage français de la bande dessinée, sous la forme de magazines de prépublication, de fascicules distribués en kiosque ou d’albums grand format à la couverture cartonnée, au sens de lecture « français », en reprenant en partie les titres ou les noms de personnages francisés des « dessins animés ». De nombreux titres sont promus comme l’adaptation des séries télévisées à succès d’émissions françaises (bien plus que comme des œuvres originales japonaises). Aux yeux d’une partie des professionnels de la bande dessinée (éditeurs, auteurs ou critiques), le terme « manga » devient synonyme de la bande dessinée populaire, infantile et dévalorisée dont ils cherchent à se distinguer au profit d’une « bande dessinée de création », débarrassée de « toute fonction utilitaire » et de « toute dépendance commerciale » (Maigret, 1994). Si l’origine japonaise des mangas est convoquée, c’est alors pour disqualifier ces productions au nom de stéréotypes nippophobes sur le conformisme, l’absence de créativité artistique ou « l’invasion » commerciale (Honoré, 1994). Mais la décontextualisation et la dévalorisation des mangas en tant que productions culturelles japonaises suscitent une contestation croissante au cours des années 1990, de la part d’amateurs qui tentent au contraire de recontextualiser ces œuvres et de les valoriser en faisant de la « japonité » un facteur de légitimité et de désirabilité des mangas, et une clé de leur compréhension.
La fabrique de la « japonité » des mangas : acteurs et processus d’une recontextualisation culturelle
13Si l’expérience culturelle des mangas et des séries d’animation japonaises a été entravée par les stéréotypes attachés à une production enfantine et industrielle, dépourvue de spécificité culturelle et de valeur symbolique, ces procédés d’adaptation et ces jugements de goût se modifient à partir des années 1990. La constitution et l’investissement de groupements d’amateurs de manga fournissent les bases collectives d’une contestation de l’autorité culturelle et des pratiques des diffuseurs audiovisuels, des éditeurs français et des médias généralistes. Ils contribuent à recontextualiser le manga en tant que production culturelle insérée dans le media mix japonais, et accompagnent une transformation des politiques éditoriales vers la constitution d’une forme spécifique pour la fabrication et la promotion des mangas. L’expansion de l’édition et la diversification des collections et des publics induisent ensuite des manières différenciées de gérer cette « japonité ».
La cause du « Dessin Animé Nippon » et la défense des mangas
14Au cours des années 1980 et 1990, les jeunes amateurs de séries japonaises disposent de peu d’indices pour décoder une production culturelle dépourvue en France de médiation établie ou de transmission familiale. La perception de l’origine japonaise de ces produits est très diffuse. Bastien (né en 1977, parents cadres) a peu de recul sur les séries diffusées : « t’as pas toutes les informations qu’il faut, tu sais pas d’où ça vient ». Sylvain (né en 1978, parents médecins) évoque « une connotation japonaise pas clairement identifiée » et un brouillage lié à la place prépondérante des noms des doubleurs, chanteurs et diffuseurs français dans les génériques : « y avait une tendance à gommer tout ce qui est japonais, on pouvait voir que c’était différent mais c’était trop flou pour qu’on s’rende bien compte de ce que ça pouvait être ». Les téléspectateurs s’approprient d’abord une gamme hétérogène de matériaux : courrier des lecteurs et petites annonces des magazines, informations distillées dans la presse télévisuelle, imprimés issus des pratiques promotionnelles des éditeurs français, européens, américains ou japonais (catalogues, publicités, lettres d’information et autres imprimés éphémères), catalogues de jouets, génériques des séries, etc. Adam (né en 1970, mère femme de ménage) adopte ainsi une démarche d’« entomologiste » pour collecter des informations dans la presse télévisuelle, les catalogues et même sur les « boîtes » de jouets. Céline (née en 1976, père chef d’entreprise, mère documentaliste) se souvient pour sa part que, « pour trouver la moindre image, fallait de l’ingéniosité : ça allait être une image d’un puzzle dans un catalogue France Loisirs, des albums Panini, des images dans le magazine télé, c’était rarissime ».
15Divers supports de presse permettent alors l’expression des jeunes amateurs et participent d’une exploration collective de la production japonaise. En septembre 1989, le groupe AB Productions lance le Club Dorothée Magazine, qui assure l’autopromotion de l’émission et se vend « jusqu’à 150 000 exemplaires par semaine » (Kahn et Richard, 2010). Cette publication peu coûteuse constitue une source d’informations « exclusives » sur les dessins animés et les « BD japonaises » dont ils sont tirés. Alors que les diffuseurs ont peu de considération pour les œuvres originales, les jeunes lecteurs et lectrices qui prennent la parole dans le magazine prennent celles-ci au sérieux et reconstituent collectivement une narration continue et complète à partir des épisodes brièvement insérés dans le flux télévisuel. Des amateurs se tournent également vers les fanzines et magazines japonais et nord-américains. Le fanzine français AnimeLand, créé en 1991, s’inscrit dans « la grande lignée d’Animage et Newtype au Japon, Animag et Animenominous aux États-Unis » (West-Lawrence, 1991, p. 3). Une forme de critique spécialisée associant animation japonaise et manga, et dissociant le manga des autres formes de bande dessinée, prend ainsi corps dans ces supports de presse, tandis que se répand le modèle du « guide détaillé », sous forme de listes, de fiches techniques ou de dossiers thématiques. Si le fanzine français Mangazone, créé en 1990, met l’accent sur la bande dessinée japonaise et AnimeLand sur l’animation, le magazine bimestriel Tsunami, créé en 1992 par la librairie parisienne Tonkam, se présente comme « le magazine de l’Asie qui bouge », et s’adresse à un lectorat qui a « compris que le troisième millénaire ne jaillira pas de l’esprit occidental » (Véret, 1994, p. 2). Les informations circulent via les sociabilités spécialisées qui se nouent dans la fréquentation des mêmes festivals et boutiques. Florent (né en 1971, parents ouvriers) s’est installé à Paris à cette période pour y suivre des études d’arts plastiques et vit de petits boulots. Il fréquente les premiers rassemblements amateurs et se souvient que « c’était vraiment une période où y avait pas d’infos, y avait une espèce de mystère, t’avais l’impression de rentrer dans un cercle très fermé, un cercle d’initiés ».
16La cause du « dessin animé nippon » et du manga fédère ainsi le public autour d’un ensemble de fanzines, de lettres et de magazines. Leur expertise critique porte sur la programmation des chaînes télévisées, la politique des éditeurs et les « clichés » médiatiques. Adam estime que les séries japonaises ne sont pas « appréciées à leur juste valeur », Aline (née en 1974, alors étudiante en lettres, parents gérants d’un petit commerce) qu’elles sont « utilisées comme des produits sans valeur autre que commerciale ». De nombreux articles s’attachent à repérer les multiples « exactions » qui les « dénaturent » : « censure, traductions ridicules, dialogues incompréhensibles, suppression des génériques originaux, omission des noms des créateurs, erreurs de doublage, changements des noms et des voix des personnages d’un épisode à l’autre », selon Marc, (né en 1964, informaticien, père artisan, mère institutrice). Aline dénonce le « charcutage », la « francisation outrancière et l’infantilisation » des séries japonaises. Des lecteurs et lectrices pointent « le royaume enchanté de l’anti-nipponisme primaire » (Marcel, 1992, p. 38) dans la couverture médiatique des mangas. En 2003 et 2006, le magazine AnimeLand publie deux hors-série actualisant les connaissances sur les mangas.
17Ainsi les choix de programmation télévisée et les commentaires sur les mangas sont-ils contestés dans une myriade de publications spécialisées, à l’audience restreinte. Celles-ci portent une attention minutieuse aux œuvres, à leurs différentes versions et aux conditions de leur diffusion. Une querelle autour de l’expertise et de l’autorité en matière culturelle se joue dans ces « actions de publication » (Jouhaud et Viala, 2002), et en particulier une contestation des assignations de l’animation japonaise à l’univers enfantin des programmes télévisés et à un purgatoire infra-artistique. Des frontières symboliques sont aussi érigées par les acteurs traditionnels de la bande dessinée, hostiles au manga comme aux flots exubérants des jeunes fans qui envahissent leurs librairies et festivals, et « perturbent le ronronnement ambiant » d’une bande dessinée franco-belge « muséifiée » (Gaumer, 1997, p. 5). Martin (né en 1973, parents professeurs) évoque « l’ostracisme » à l’égard du manga de la part des « collectionneurs poussiéreux » qui fréquentent le festival parisien BD Expo et semblent ériger « un mur de Berlin » ou un « mur de l’Atlantique » entre deux espaces et deux publics distincts. Habituée de ce même festival, Anita (née en 1976, père ingénieur, mère infirmière) souligne que « les gens du côté de la BD européenne étaient beaucoup plus âgés, ils nous regardaient un peu d’travers, y avait ce côté plan-plan, beaucoup moins vivant ». Le critique Harry Morgan souligne ainsi le fort contraste entre « une bande dessinée française techniquement irréprochable, léchée, pédante », qui constitue un « médium froid, décourageant la participation », et le manga, qui signe « la revanche d’une bande dessinée populaire » et « d’un médium chaud, convivial, participatif » (Morgan, 1993, p. 38).
La constitution d’une forme culturelle spécifique : une « japonisation » des mangas aux modalités variables
18C’est au cours des années 1990 que s’impose une forme culturelle spécifique pour l’édition française de mangas, associant un lexique issu de la langue japonaise, une formule éditoriale proche des standards japonais de publication et une attention aux références culturelles et historiques japonaises. La publication de la série Dragon Ball à partir de 1993 inaugure la « politique du poche » (Ferrand, 2003) dans l’édition française de mangas (un format proche des volumes reliés japonais), tandis que les éditeurs adoptent « un rythme accéléré, proche de celui du Japon » (Jennequin, 1996, p. 10) (un volume relié tous les deux à quatre mois). Un article du magazine Tsunami note que les éditeurs français, « hier encore frileux quant à cette vague venue de l’Orient, se sont découvert une passion nouvelle pour la chose japonaise ou asiatique » (Marmonnier, 1997, p. 5). L’éditeur Tonkam adopte le « sens japonais » (droite à gauche) dès 1995 (pour certains titres). Adrien (né en 1969, parents ouvriers) est libraire au début des années 1990 après avoir été ouvrier dans le bâtiment. Il a suivi de près la mise en place de cette politique : « le parti pris au départ, c’était de dire : “On va essayer de respecter au mieux l’œuvre originale”, que ce soit au niveau du format, de la présentation, du sens de lecture et de la traduction ». Entre 1996 et 2002, les principaux éditeurs optent pour le « sens de lecture japonais » et ajoutent des jaquettes amovibles sur les couvertures des mangas (comme au Japon). Ces paramètres matériels font que le manga publié en France se rapproche de la formule utilisée au Japon pour les volumes reliés, et se distingue des formats de publication les plus usuels des autres bandes dessinées. Par rapport aux éditions originales, ces objets éditoriaux se singularisent toutefois par leur paratexte. Des modes d’emploi sont en effet insérés dans les volumes reliés, et un appareil de notes explicatives et d’annexes vient enrichir certaines éditions, témoignant de la professionnalisation des métiers de la traduction, de l’adaptation et de la direction éditoriale dans le secteur des mangas. Ces décisions éditoriales et ce paratexte, tout comme la distribution des mangas dans des boutiques et des rayonnages dédiés (souvent à l’écart des « bandes dessinées ») (Sabre, 2009), contribuent à spécifier la production des mangas, mais aussi à faire exister matériellement et symboliquement l’idée d’une « version originale » et d’une « œuvre originale » japonaises.
19Les mangas se trouvent plus largement indexés selon les catégories et dénominations japonaises employées par un nombre croissant d’éditeurs pour ordonner et promouvoir leur catalogue, avec une segmentation de plus en plus fine du lectorat et des collections. À partir des années 2000, les éditeurs et journalistes français adoptent le triptyque « shonen », « shojo » et « seinen », issu de la classification des magazines japonais de prépublication, pour désigner respectivement les titres pour adolescents, adolescentes et jeunes adultes, avant d’ajouter des sous-catégories supplémentaires (josei, young seinen, yaoi, boy’s love, etc.). L’éditeur Dargaud est le premier à occulter son nom derrière une nouvelle identité aux consonances japonaises (Kana), tandis que fleurissent les intitulés japonisants pour désigner des éditeurs, des labels ou des collections (Doki Doki, Sakka, Sakura, etc.).
20Si les normes de traduction et de présentation des mangas en France se transforment, c’est aussi en raison de l’investissement de groupements d’amateurs dans l’élaboration et la diffusion de leurs propres versions traduites des séries japonaises, et des attentes d’une partie du lectorat, déjà familiarisé avec les éditions originales et un échantillon de mots japonais. La pratique du « scantrad », qui désigne la traduction et la diffusion par des amateurs de versions numérisées des mangas, se développe en France dès le début des années 2000 et permet un accès de plus en plus large et rapide à des séries en cours de diffusion ou d’édition au Japon, via les sites de téléchargement de pair à pair, le streaming et la lecture en ligne. Les habitudes de traduction de ces réseaux composés d’adolescents et de jeunes adultes diffèrent en partie de celle des professionnels, en raison des enjeux de concurrence entre des équipes qui cherchent à traduire le plus rapidement possible la même série, mais également de leur mode d’organisation, le plus souvent basé sur la récupération des versions originales numérisées des magazines de prépublication japonais, sur l’utilisation des traductions réalisées par des équipes anglophones, et sur leur re-traduction. Responsable d’une équipe de traduction de mangas et animes érotiques, Dimitri (né en 1980, technicien) s’adresse à des amateurs ayant des bases minimales en japonais, et il ne traduit pas « les suffixes kun, san, sama, ou des petites particules moins connues comme les ko, qui ont leur importance en japonais ». La pression pour conserver certains termes japonais est sensible dès les années 1990 parmi un lectorat lassé des erreurs et incohérences des premières éditions françaises, et les éditeurs modifient leurs pratiques dans ce sens, par exemple en conservant les onomatopées japonaises originales (et en abandonnant la francisation des noms des personnages ou des titres).
21Au cours des années 2000, les pratiques de traduction tendent toutefois à diverger quant à la manière de restituer la « japonité » des mangas. D’un côté, les équipes de scantrad et leur public privilégient le maintien de termes japonais (bien que peu de leurs membres maîtrisent cette langue), ce qui favorise une consommation culturelle distinctive des séries japonaises les plus récentes, fondée sur la maîtrise de références de connaisseurs. De l’autre, les éditeurs s’adressent à un lectorat élargi, via les circuits de la grande distribution, et cherchent à restituer la fluidité inhérente à la lecture de manga (qui correspond à l’expérience vécue par le lectorat japonais), au prix d’un travail d’adaptation réalisé par des traducteurs et adaptateurs professionnels. Directeur de collection, Christophe (né en 1975, licence de japonais) joue un rôle important pour superviser la traduction et l’adaptation des titres choisis. Il évite « les références que seuls vingt lecteurs comprendront », refuse de « se couper d’une partie du lectorat par élitisme », et privilégie ainsi la « fluidité de la lecture » et la « compréhension instinctive » : il fait le plus souvent traduire les caractères japonais des décors, il ne multiplie pas les « astérisques avec explication », ce qui lui attire les foudres d’amateurs « puristes ». Il s’agit avant tout de produire des pages lisibles « en un coup d’œil ». Après des études de lettres classiques et de japonais, Audrey (née en 1973, licence de japonais) traduit des mangas depuis la fin des années 1990. Sa « vision d’une bonne traduction de manga a beaucoup évolué en dix ans » : elle n’est plus autant attachée au maintien des suffixes « chan et kun, impossibles à rendre en français », ni à une traduction littérale avec « des explications en notes », et elle a désormais tendance à « éliminer au maximum les mots en japonais » comme les notes qui « alourdissent la lecture ». Elle souligne que le métier a évolué car il y a désormais « des responsables d’édition qui parlent japonais » et peuvent « donner des consignes extrêmement précises ». Dans le cas d’une série comique, elle ne « garde la référence japonaise qu’une fois sur deux », pour éviter de « faire tomber le gag totalement à plat » via une note d’explication. Mais dans le cas d’une série « sérieuse », elle a ajouté « des tas d’explication sur le système de financement des autoroutes, le système bancaire japonais ». Sylvain (traducteur, né en 1978, DEA de japonais) critique le côté « très sourcier » des équipes de scantrad et se moque de « la traduction de manga avec des vrais morceaux de japonais dedans pour faire classe ».
22Si les intermédiaires culturels du manga, amateurs ou professionnels, convergent à partir de la fin des années 1990, pour valoriser l’authenticité de cette forme d’expression culturelle et façonner des supports de lecture spécifiques, ils élaborent ainsi des médiations qui donnent accès à une expérience variable de la « japonité » : d’une part, un accès direct aux versions originales ou à des traductions conservant des termes japonais, alimentant une forme de « purisme » distinctif et un sentiment de proximité technologique, temporelle et culturelle avec l’univers du manga au Japon ; de l’autre, une adaptation professionnelle des titres à succès, visant à restituer une lecture fluide et divertissante, sans obstacle linguistique ou référentiel, parfois agrémentée d’explications pédagogiques ; enfin, une adaptation érudite avec préface et appareil de notes pour le lectorat familier des mangas et du Japon, ou désireux de comprendre les arrière-plans culturels des mangas. Si la référence au Japon et aux éditions originales tend ainsi à être objectivée de diverses manières dans les dispositifs de publication et les discours d’accompagnement, elle se trouve d’autant plus solidement ancrée dans les horizons d’attente du lectorat qu’elle concerne toute la gamme de médias connectés avec le manga.
L’ancrage générationnel et technologique de la « japonité » : du « techno-orientalisme » au « Cool Japan »
23Les liens entre manga, animation japonaise et jeu vidéo accentuent l’ancrage de ces œuvres dans un horizon d’attente dominé par le Japon, en associant étroitement le manga à un renouveau générationnel et technologique, et en déployant en version originale la dimension sonore, linguistique et musicale de cet univers culturel. La production japonaise se trouve plus précisément définie, dans les années 1990, par sa tonalité adulte, empreinte de violence et d’érotisme (par contraste avec l’image enfantine des « dessins animés »), par l’imaginaire futuriste du « techno-orientalisme » (Morley et Robbins, 1995), mais également par ses enjeux narratifs et (mélo)dramatiques, par son « humour délirant » et son ancrage générationnel, autant de connotations portées par le terme de « japanimation » (contraction de « japanese animation »), utilisé alors aux États-Unis puis en France pour désigner l’animation japonaise (jusqu’à englober parfois le manga). À l’image de la série Akira, le manga devient l’emblème de la jeunesse, de « l’énergie des années 1990 » et de ses « jeux vidéo les plus fous » [3]. Les cassettes vidéo se multiplient et requièrent la maîtrise de compétences liées à la langue et à la technologie japonaises (comme le LaserDisc). Les intersections entre la « japanimation » et le jeu vidéo sont également fréquentes au niveau de la production (prestige des consoles japonaises, logique d’adaptation), de la distribution (mangas vendus dans les magasins de jeu vidéo) et de la visibilité médiatique (presse spécialisée). Un même écosystème culturel se met ainsi en place : import de produits japonais originaux à côté des éditions françaises officielles, double circuit (grande distribution et boutiques spécialisées), information spécialisée et catégories critiques en prise avec le Japon et sa production, partage d’un univers visuel, narratif et linguistique. Le manga se trouve encastré dans les centres d’intérêts des adolescents des années 1990 et en partie dégagé de l’emprise télévisuelle des émissions jeunesse (Détrez et Vanhée, 2012). Relayées par les groupes de pairs ou des sociabilités spécialisées, les sollicitations croisées entre animation, manga et jeu vidéo font des mangas des imprimés désirables et du Japon un espace attractif pour les adolescents. Les mangas et séries d’animation japonaise s’inscrivent ainsi dans un jeu de distinctions intergénérationnelles (Maigret, 1999 ; Octobre, 2014).
24La presse spécialisée, les fanzines et les festivals contribuent aussi à valoriser et populariser la référence au Japon à partir des années 2000. La plupart des magazines spécialisés sont centrés sur l’animation japonaise et le manga, et accordent une place croissante à la « culture japonaise » : jeux vidéo japonais, musique, cinéma et séries télévisées asiatiques (les dramas). Les magazines Otaku (2001-2006), Japan Mania (2002-2003), Japan Vibes (2002-2008) ont consolidé cette orientation éditoriale traitant du manga avant tout comme une production médiatique japonaise. Otaku est « une revue dédiée à la culture japonaise et plus généralement asiatique », « 100 % Japon ». Le magazine Japan Vibes renchérit et se présente comme « le magazine 200 % Japon ». Les invocations récurrentes du Japon contribuent à faire de ce pays un « foyer original et originel » et un gage d’« authenticité », à l’instar des États-Unis pour le jazz (Roueff, 2013). Au cours des années 2000, la « culture japonaise » occupe également une place croissante dans les festivals, associant mode, musique, jeux vidéo et « culture traditionnelle » (du jeu de go à la calligraphie). Ces exposants et ces activités contribuent à déployer les références culturelles inscrites dans les mangas.
25Ce sont enfin les pratiques et le lexique du « fan » japonais qui sont mobilisés en France. La figure de « l’otaku », médiatisée en France au milieu des années 1990 via un reportage grand public [4], est réappropriée par les amateurs qui s’expriment dans les fanzines et magazines. Les « otakus » sont d’abord présentés comme des « inadaptés sociaux », qui « se méfient des rapports interpersonnels, préférant à la compagnie des humains l’entourage plus rassurant des personnages de bandes dessinées » (Barral, 1994, p. 22). Le magazine AnimeLand les décrit comme de « jeunes Japonais vivant repliés sur eux-mêmes », mais il récuse l’utilisation de cette étiquette pour désigner les amateurs de mangas en France [5]. En 1998, un journaliste dresse le portrait de ces amateurs en distinguant plusieurs générations de « passionnés » : les plus anciens commencent à vivre « un calvaire » avec l’arrivée des éditions françaises de manga et de séries d’animation, beaucoup plus accessibles, ce qui met fin à leur « privilège de fan » et à leur « monopole ». Cet article met en évidence une gamme de pratiques distinctives qui « marquent la différence avec le grand public » : « aimer la “mangâsse” ne suffit plus » et les fans français adoptent « les activités typiques de l’otaku japonais » (cosplay, karaokés de génériques, fanzinat et manga amateur) (Pilot, 1998, p. 34). L’otaku est ainsi en partie redéfini comme un connaisseur, et la distinction se joue dans la maîtrise symbolique des pratiques les plus récentes des fans japonais.
26Ainsi la référence au Japon prend-elle sens dans un jeu de distinctions culturelles et générationnelles, ainsi que dans une tension entre la préservation d’un entre-soi ésotérique de connaisseurs et la démocratisation « grand public ». De produits dérivés « francisés », infantilisés et dépouillés en partie de toute extranéité, les mangas sont passés au statut d’« œuvre originale », inscrits dans un horizon d’attente japonisant. Les personnages de ces fictions et divers signes matériels de la « japonité », déclinés sous forme d’accessoires, de figurines, d’images ou de divers avatars numériques, peuvent ainsi devenir « une présence intime dans la vie quotidienne » (Steinberg, 2012, p. 165) et incarner un « cosmopolitisme ordinaire » (Cicchelli et Octobre, 2017). Si ce type de « japonité » renvoie d’abord à l’expérience spécifique et générationnelle du media mix japonais, les pratiques des intermédiaires culturels tendent à mettre en scène et à valoriser un rapport au manga plus conforme à la légitimité culturelle traditionnelle, fondée sur la célébration d’une partie des mangas en tant qu’œuvres culturelles et sur l’appréciation esthétique du Japon.
Origine culturelle et valeur symbolique : le Japon du « manga d’auteur »
27La « fabrication de l’authenticité » (Peterson, 1987), observée au niveau matériel, est d’abord renforcée par l’émergence de la figure du « mangaka » : les mangas se trouvent en effet associés à un nom japonais d’auteur ou d’autrice, et ainsi soumis à un « régime particulier d’assignation des textes qui les identifie à partir de leur relation à un nom propre » (Chartier, 1996, p. 49). Après avoir publié les séries auréolées d’une diffusion télévisée, les éditeurs français ont construit leurs catalogues en puisant dans la bibliographie des auteurs et autrices déjà traduits, ce qui a favorisé l’usage du nom de mangaka comme argument promotionnel, mais également le repérage de leur « style » singulier. Il en résulte à la fois un foisonnement onomastique japonais, à la mesure de l’expansion des publications de mangas (les noms et prénoms d’un nombre croissant de mangakas figurent sur les couvertures des titres, dans les catalogues des éditeurs, les rayons des librairies et les commentaires journalistiques, etc.) et la constitution d’un panthéon mixte de « grands noms » japonais. La consécration d’un ensemble de mangas et de mangakas est parachevée par le déploiement d’un « appareil de célébration » (Boltanski, 1975) : rééditions, prix et récompenses accordés à des auteurs japonais, invitations, interviews ou portraits de mangakas, etc. Ces stratégies sont en partie inspirées des éditeurs japonais (tels les divers formats de réédition) ou bénéficient de leur soutien (telles les invitations en Europe), et parfois de celui des autorités japonaises. Cette valorisation du « mangaka » est plus largement indissociable de processus de reconnaissance culturelle, qui se traduisent par la promotion de « mangas d’auteur » ou de « mangas alternatifs », deux catégories qui connaissent une circulation intense dans les médias culturels à partir des années 2000 (Vanhée, 2019). Des éditeurs développent alors des collections destinées à conquérir un lectorat adulte composé d’amateurs de bande dessinée et de « consommateurs de culture plutôt haut de gamme, jusqu’alors hermétiques au manga » (Brethes, 2005, p. 74). Si une partie des titres japonais se trouvent inclus dans ce répertoire légitime, et si le manga est parfois même érigé en précurseur du « roman graphique » (Ghosn, 2009), c’est parfois en tissant des liens avec des domaines culturels japonais déjà reconnus (de la littérature à l’estampe ou au cinéma), avec la mémoire lettrée du japonisme ou avec des courants de l’art contemporain qui se réapproprient les mangas dans une démarche « néopop » de célébration des objets produits en série (Vanhée, 2019). Les imaginaires contrastés et les stéréotypes mélioratifs ou dépréciatifs attachés à la perception du Japon en France se trouvent ainsi mis en tension pour hiérarchiser l’édition française de manga et conforter l’opposition entre le « manga industriel » et « le manga d’auteur » – ou « la manga », selon l’usage distinctif du féminin revendiqué par certains des promoteurs de « la bande dessinée japonaise d’auteur », tel l’auteur de bande dessinée et responsable éditorial Frédéric Boilet au début des années 2000 (Boilet, 2005).
Conclusion
28Au terme d’une décennie de polémiques sur les « japoniaiseries » (Vanhée, 2019), les mangas se sont ainsi imposés à partir des années 2000 comme une forme culturelle spécifique. À l’instar des séries télévisées (Béliard, 2014) ou de la musique rap (Hammou, 2012), ces biens symboliques sont caractérisés à la fois par une large diffusion commerciale et une assignation au « divertissement », par une trajectoire partielle et récente de mobilité ascendante au sein des hiérarchies culturelles, et par la valorisation d’une « source » originelle d’authenticité en dehors des frontières nationales. Le manga se singularise par son émergence au sein de générations plus précocement socialisées au numérique, par une distance culturelle plus forte que dans le cas des productions anglophones, et par une synergie accrue entre différents médias. Comme aux États-Unis, les mangas se trouvent à la fois « japonisés » et intégrés dans les formats, les métiers et les circuits nationaux du livre et de l’édition (Brienza, 2015). L’investissement croissant des éditeurs japonais hors du Japon, via des filiales ou via la diffusion numérique de leurs titres, participe d’un alignement et d’une synchronisation des incitations et des pratiques de lecture associées au manga, de même que l’internationalisation des références des groupements d’amateurs, sans effacer les relais.
29Si le manga se trouve souvent associé à l’idée de « culture de masse » et de production industrielle, ou au modèle de la « synergie » et de la « convergence » entre les médias, une approche empirique met au jour la série de « négociations imparfaites » inhérente à la fabrication et à la distribution internationale de ce type de fiction sérialisée et de « franchise » médiatique (Johnson, 2009 ; Mille, 2013), et atteste du rôle des amateurs dans la circulation et la valorisation de ces bandes dessinées initialement conçues au Japon. L’étude sociohistorique des modalités de l’appropriation en France des mangas montre tout l’intérêt de combiner les échelles et les méthodes d’analyse, « l’histoire globale » et la « micro-histoire » (Bertrand et Calafat, 2019), et met en évidence les « chaînes d’interdépendance » et les médiations qui donnent accès à ces biens symboliques en les reconfigurant. Si les professionnels et les amateurs ont inséré progressivement le Japon, sa langue et ses médias, dans les sollicitations qu’ils fabriquent et émettent, il s’agit de déclinaisons variées de ce pays, renvoyant aux traditions culturelles, à la « culture otaku » ou à des représentations futuristes et virtuelles. Ce feuilleté de perceptions, étayé par une gamme de pratiques et de savoirs (d’ordre linguistique, historique, culturel au sens large, etc.), s’articule avec les variations de l’appartenance générationnelle et des ressources culturelles du lectorat, et ne se conforme pas nécessairement aux objectifs diplomatiques des autorités japonaises, qui s’appuient sur le manga pour façonner l’image d’un Cool Japan (Matsui, 2014 ; Bouvard, 2015).
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Mots-clés éditeurs : manga, réception, intermédiaires culturels, globalisation
Mise en ligne 26/04/2021
https://doi.org/10.3917/res.226.0099Notes
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