Notes
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[1]
Je tiens à remercier Sylvain Parasie, les coordinateurs du numéro, les relecteurs de Réseaux, les doctorants des ateliers d’écriture du Medialab de Sciences Po et du Laboratoire Interdisciplinaire Sciences, Innovations, Société (LISIS) pour leurs précieuses remarques.
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[2]
Googlemaps revendique un milliard d’utilisateurs mensuels en 2018. Source : https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1211137-les-20-chiffres-de-google/ (consulté le 25/11/2020). OSM annonce six millions d’utilisateurs et environ 45 000 contributeurs actifs en 2019. Source : https://wiki.openstreetmap.org/wiki/Stats (consulté le 25/11/2020).
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[3]
Par institution : IGN (ancien directeur, responsable technique de la BAN et deux autres membres), La Poste (deux commerciaux du Service National de l’Adresse), Direction Inter-ministeriel du Numérique et de la Communication (ancien directeur, responsable de la BAN et fondateur de la BANO), Direction générale des Finances Publiques (responsable de la cellule topographique du Cadastre, son assistant technique et son assistant juridique), Assemblée nationale (députée rédactrice du rapport sur la donnée géographique souveraine de 2018), Gendarmerie nationale (responsable et assistant de la Section Information Géographique Opérationnelle), Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (conseiller du président), OpenStreetMap (président d’OSM France et membre d’OSM Royaume-Uni responsable de l’adresse), Service départemental d’incendie et de secours du 91 (chef du service cartographique), mairies (maire de la ville de Rully et responsable des données de la ville de Paris), Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Normandie (responsable de l’information géographique et de l’open data), Association française de l’information géographique (porte-parole) et finalement ancien responsable de la base adresse du Danemark.
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[4]
Pour plus de détails, voir Groupe de Travail Adresse (2011) Pour une politique nationale de la donnée Adresse, décembre, AFIGEO.
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[5]
Parmi les 10 principales sources qui utilisent la notion de « big data » entre 2000 et 2010, les sources de presse économiques sont majoritaires. Source : Factiva.
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[6]
Voir notamment la directive SPI concernant la mise à disposition d’informations publiques (Parlement européen, 2003).
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[7]
Les deux principales sources des textes qui mentionnent la notion d’« information géographique » sur Factiva depuis 1994 sont l’Union et la Commission européennes. Source : Factiva.
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[8]
Voir annexe 1 de la directive.
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[9]
Rapport Langagne (1999), rapport de la Commission nationale de l’information géographique (2002), rapport du Conseil général des technologies de l’information (2007), rapport du Conseil de l’orientation de l’édition publique (2012).
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[10]
« La cartographie a été historiquement considérée comme un attribut de souveraineté. […] La dépendance informationnelle serait le premier pas vers la dépendance économique et politique » (Langagne, 1999).
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[11]
La France compte un grand nombre de contributeurs par habitant par rapport à d’autres pays. Source : https://www.openstreetmap.org/stats/data_stats.html (consulté le 25/11/2020).
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[12]
Terme qu’on peut définir comme une technique d’extraction du contenu de sites Web, via un programme, dans le but de le transformer pour permettre son utilisation dans un autre contexte.
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[13]
Ainsi, m’explique-t-il, « le comparable avec Google c’est la Compagnie des Indes. Ils sont transétatiques, plus forts que bien des États, et capables d’infléchir (il tape sur la table plusieurs fois) le destin des États à leur avantage » (janvier 2020).
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[14]
Comme il l’écrira dans sa lettre de démission : « J’ai rejoint la mission Etalab en 2014. Si j’ai accepté cette offre, c’est parce j’y retrouvais des valeurs essentielles : ouverture, transparence, approche disruptive, gouvernance horizontale, internalisation des compétences, vision à long terme. Cette mission rattachée au Premier ministre était à ma connaissance une des rares administrations réellement ouverte sur le monde extérieur […] » (archive, 21 février 2019).
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[15]
Plus d’une trentaine de salariés de ce service de La Poste maintiennent la base adresse en interne.
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[16]
cgtgeo. « La CGT de l’IGN demande audience au Premier Ministre sur la BAN », Blog du syndicat CGT OM de l’IGN. 2014. En ligne : https://cgtgeo.wordpress.com/2014/10/23/la-cgt-de-lign-demandeaudience-au-premier-ministre-sur-le-ban/ (consulté le 24/12/2019).
cgtgeo. « La base adresse de l’IGN en danger », Blog du syndicat CGT OM de l’IGN. 2014. En ligne : https://cgtgeo.wordpress.com/2014/09/25/la-base-adresse-de-lign-en-danger/ (consulté le 24/12/2019). -
[17]
Voir notamment la baisse de dotation de plusieurs millions d’euros suite à la décision de rendre le RGE gratuit pour les acteurs publics. Source : Rapport d’activité 2018 de l’IGN (2018).
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[18]
Pour une synthèse sur la propriété des données publiques, voir Camus (2018).
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[19]
Notons que la gratuité de l’information publique fait débat au sein de l’administration depuis la publication du rapport Levy-Jouyet sur « L’économie de l’immatériel, la croissance de demain » (2007).
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[20]
Comme le stipule l’actuelle FAQ du site de la BAN, « seule la Licence ouverte https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence (consulté le 25/1/2020) permet d’alimenter la Base Adresse Nationale, le cadastre, l’INSEE et les principales solutions cartographiques et GPS du marché. Si une forme de protectionnisme peut être pertinente sur certaines données publiques, elle est exclue sur les adresses qui constituent une donnée fondamentale ». Source : https://adresse.data.gouv.fr/faq (consulté le 25/11/2020).
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[21]
Source : www.economie.gouv.fr/republique-numerique (consulté le 25/11/2020).
1À partir de la fin du XVIIIe siècle, la production d’un vaste ensemble d’informations géographiques sous la forme de listes d’adresses postales, de registres et de cartes rend possible l’avènement de l’administration propre à l’État moderne (Boltanski, 2012 ; Bourdieu, 2015 ; Gardey, 2008 ; Goody, 1979). Elles rendent cognitivement et matériellement possible la gouvernementalité, qu’on peut définir comme un mode spécifique d’exercice du pouvoir des gouvernants sur les gouvernés (Lascoumes, 2004, 2007). Depuis la production par la famille Cassini de la première carte exhaustive de France (Pelletier, 2013), certaines professions au sein d’institutions légitimes produisent l’information géographique officielle.
2Pourtant, depuis une quinzaine d’années, cette prétention à produire et imposer une information géographique légitime est remise en cause par l’émergence de nouveaux producteurs issus du monde numérique (Haklay et al., 2008). Deux typologies d’acteurs se distinguent. D’un côté les plateformes privées comme Googlemaps qui produisent et mettent à disposition, via une offre freemium, des services cartographiques. De l’autre, des associations comme OpenStreetMap (OSM) dont la communauté produit de manière collaborative une carte du monde qu’elle diffuse gratuitement en licence libre. Ces deux types d’acteurs utilisent pleinement les technologies du Web 2.0 en mettant à profit la participation massive de contributeurs (Plantin, 2018). Mais les membres d’OSM critiquent ouvertement Googlemaps car la firme symbolique du capitalisme informationnel garde la propriété et le pouvoir de décision sur les modalités de production et de diffusion des données. À l’inverse, les contributeurs d’OSM conçoivent leur projet comme un commun numérique à l’instar de Wikipédia (Duféal et Noucher, 2017). On définit un commun numérique comme (1) une communauté de producteurs et d’utilisateurs qui gèrent (2) une ressource numérique en vue de son enrichissement dans le temps à travers (3) des règles de gouvernance conjointement élaborées et (4) dont ils protègent le libre accès face aux tentatives d’appropriation exclusive. Malgré leurs différences, ces deux types d’acteurs produisent des données qui ne sont ni officielles ni souveraines, mais qui sont de plus en plus utilisées, notamment par des acteurs publics [2]. Comme l’illustrent les incidents diplomatiques provoqués par des erreurs d’interprétation de Googlemaps par des garde-frontières (Jacobs, 2012 ; Staub, 2011), ils déstabilisent le monopole étatique de la production légitime de l’information géographique.
3Cette situation de déstabilisation s’est déroulée en France dans le cas d’une information géographique spécifique, l’adresse géolocalisée (voir encadré 1). Au tournant des années 2000, un ensemble d’acteurs publics (IGN, Ministère de la Transition écologique et solidaire, députés), privés (géo-entreprises, gestionnaires de réseaux) et associatifs (OSM, GeoRezo) (voir encadré 1) se mobilise à travers l’Association française pour l’information géographique (AFIGEO) pour réclamer de l’État qu’il produise une base de données numérique regroupant l’ensemble des adresses postales et leurs coordonnées géographiques. Au vu de l’importance historique de cette information pour l’État, on aurait pu s’attendre à ce que des acteurs publics mettent à l’agenda ce problème public et prennent en charge eux-mêmes sa production. Pourtant, chose étonnante, un accord est signé en 2015 entre l’IGN, Etalab, La Poste et OSM pour que ce qui deviendra la Base adresse nationale (BAN) soit produite et gérée comme un commun numérique.
Encadré 1. L’adresse géolocalisée : une information élusive et un écosystème varié
Le 5 rue de Tombouctou (75018) dans tous ses états
Le 5 rue de Tombouctou (75018) dans tous ses états
Lecture : Les deux premières images (1.2.) sont extraites de l’outil de visualisation de la BAN (source : adresse.data.gouv.fr/map). La troisième (3.) provient des planches cadastrales mises en ligne par la Direction générale des Finances publiques. La dernière (4.) est l’extrait du fichier de la BAN (source : adresse.data.gouv.fr/data/ban/adresses/latest/csv/, consulté le 20/01/2020).- Les mairies sont seules dépositaires de l’autorité sur l’adresse sémantique : elles peuvent créer ou modifier les noms et numéros de voie. On estime à 2 millions le nombre d’habitations qui n’ont pas d’adresse sémantique (généralement des lieux-dits) et tous les ans plus de 400 000 bâtiments sont détruits, modifiés ou construits, ce qui génère un besoin constant de mise à jour des adresses.
- La Direction générale des finances publiques (DGFiP) entretient pour les besoins de recouvrement de l’impôt une base de données regroupant le nom de la voie et le numéro associé sur les parcelles cadastrales géographiques.
- L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a constitué le Répertoire des Immeubles Localisés, une base d’adresses géolocalisées dans le cadre de ses travaux de recensement pour les villes de plus de 10 000 habitants.
- Le Service National de l’Adresse (SNA) de La Poste est créé en 1996 pour permettre l’automatisation du tri postal. Il constitue en interne le Référentiel National de l’Adresse pour s’assurer de la correspondance avec les adresses sémantiques écrites sur les plis postaux (encore aujourd’hui, environ 300 millions de plis par an sont renvoyés à l’expéditeur, ce qui génère de nombreux coûts). La Poste, société anonyme à capitaux publics depuis 2010, vend des services aux entreprises pour leur permettre de normaliser leurs bases adresses internes (de clients notamment).
- L’IGN, acteur historique de l’information géographique, a été mandaté par l’État (suite au rapport Langagne de 1999) pour constituer un Référentiel à Grande Échelle dont une base de données adresse (DB Adresse). Cette dernière, créée en 2004, est toujours en production.
- Les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et la police nationale qui ont besoin d’une adresse fiable pour l’identification des appels et l’envoi des secours développent en interne des bases adresse.
- Les gestionnaires de réseaux (ERDF, les opérateurs télécoms) sont consommateurs de la donnée adresse pour assurer le raccordement des usagers.
- Les géo-entreprises (producteurs de données, éditeurs de logiciels et développeurs d’applications, consultants en géomatique, médias spécialisés) sont plus de 500 en France.
- L’économie numérique (Uber, Airbnb, Leboncoin, etc.) est consommatrice de bases de données d’adresses géolocalisées.
- Un ensemble d’associations et de réseaux dont les plus importants sont l’Association française pour l’information géographique (AFIGEO), OpenStreetMap et le portail GeoRezo.
4La première énigme à laquelle je tenterai de répondre est de comprendre pourquoi des acteurs publics ont décidé d’adopter la forme d’un commun numérique pour produire la BAN ? Pourquoi ne pas l’avoir pris en charge eux-mêmes (comme au Danemark) ou privatisé (comme en Angleterre) ? C’est d’autant plus étonnant que la BAN est, à notre connaissance, une des premières expérimentations d’un commun numérique mis en place par un État. La deuxième énigme qui découle de la première tient aux conséquences d’un tel mélange des genres sur l’exercice pratique du pouvoir étatique. Qu’est-ce que la forme du commun numérique vient déplacer au sein de l’administration et dans la relation entre l’État et les citoyens ? Et plus spécifiquement, comment cette nouvelle forme d’action publique reconfigure-t-elle l’exercice du pouvoir informationnel de l’État en permettant ou en empêchant certains acteurs de produire et d’utiliser d’une certaine manière une information publique ? J’ai entamé cette recherche en faisant l’hypothèse que l’adoption par l’administration de la forme du commun numérique, de ses « principes actifs » – pratiques contributives, mode d’organisation démocratique, etc. – allait transformer l’exercice du pouvoir informationnel de l’État en général, et la relation État/citoyens en particulier, en donnant plus d’autonomie aux communautés numériques productrices d’information, en rendant cette production d’informations officielles perméable aux contributions citoyennes devenues plus légitimes et en transformant le droit afin de protéger juridiquement le libre accès aux ressources ainsi produites contre toute forme d’appropriation exclusive. Cette transformation pourrait s’opérer par l’importation de représentations, pratiques et instruments spécifiques aux communs numériques à travers l’action d’entrepreneurs de cause multipositionnés. Je qualifie cette hypothèse d’« infusion institutionnelle » après Bréthaut et Nahrath (2010).
5Dans cet article, je défends d’abord l’argument que la forme du commun numérique a été adoptée pour la BAN parce qu’elle permettait, dans une fenêtre d’opportunité, de traduire et mettre en œuvre le projet réformateur d’un acteur public. Initialement, la question d’une base adresse nationale émerge classiquement comme un problème public dont les différents acteurs en appellent à l’État. Un hiatus, que je nomme avec Dominique Linhardt une « épreuve d’État », s’opère puisque pendant plus de quinze ans, aucun acteur public ne va produire cette base de données tant attendue. Les membres d’OSM, encore marginaux sur la scène de l’information géographique, s’engagent alors dans l’épreuve et provoquent l’État en construisant une base adresse nationale ouverte (BANO) sous la forme d’un commun numérique à partir d’un « hack » de certaines données publiques (I.). Henri Verdier, à la tête de la Direction interministérielle du numérique (DINSIC), saisit l’occasion. Il recrute le président d’OSM au sein de la DINSIC et traduit ces différentes interpellations en faisant appel à la forme assez plastique des communs numériques pour former des alliances et tenter de mener à bien son projet de réforme de l’État par le numérique (II.).
6Mon second argument est que le processus de mise en œuvre de la BAN comme commun numérique a soulevé des épreuves – de statut, d’organisation et juridico-économique – pour reconfigurer la relation État/citoyens (III.). Mais leur résolution est systématiquement passée par un abandon de la forme du commun numérique, du partenariat avec OSM et de la participation citoyenne, au profit d’une vision plus souveraine, administrative et pro-marché de la BAN (IV.). Je montre dans la discussion que c’est la forme de l’État-plateforme qui l’a emporté sur celles de l’autogouvernance et de la contribution citoyenne, plus proches de « l’esprit » des communs numériques. J’invalide donc en partie l’hypothèse de l’infusion institutionnelle (Bréthaut et Nahrath, 2010). Mais si l’adoption de la forme commun numérique pour la BAN n’a pas en capacité (ou donné du pouvoir d’agir) les citoyens dans la production d’informations publiques, elle n’a pas non plus conduit à un désengagement de l’État. Le cas de la BAN montre que les acteurs publics affirment la présence numérique de l’État en gardant la main sur la production et la diffusion de certaines infrastructures informationnelles qui sont, comme le montre Sandra Braman (2009), les instruments de nouvelles formes d’exercice du pouvoir (V.).
7Mon travail s’inscrit dans la vaste littérature qui cherche à décrire et analyser ce que l’adoption de pratiques et de dispositifs numériques fait à l’État (Alauzen, 2019 ; Ari-Veikko, 2008 ; Goëta, 2016 ; West, 2005). Prenant au sérieux les discours techno-optimistes, une partie de cette littérature s’est penchée sur les transformations de la relation État/citoyen induites par l’adoption des technologies du web 2.0 par les administrations. Le passage du « e-government » au « we-government » permettrait de dépasser le paradigme du new public management (NPM) pour donner un rôle plus important aux citoyens connectés dans la « co-production des services publics » (Linders, 2012 ; Lips, 2012). Linders (2012) établit trois catégories utiles pour décrire ces nouvelles formes de co-production. Le citizen sourcing, où les citoyens aident l’administration à être plus efficace, notamment en contribuant à lui remonter des informations (ex. Fixmystreet). Le government as a Platform, où l’État rend disponible en libre accès une partie de son infrastructure informationnelle pour permettre à la société civile de proposer de nouveaux services (ex. data.gouv.fr). Et le Do it Yourself Government, qui met l’accent sur les formes d’auto-organisation des citoyens et où l’État n’a, au mieux, qu’un rôle de facilitateur (ex. OpenStreetMap). Pourtant, deux problèmes se posent avec cette littérature pour éclairer nos énigmes. D’une part, la BAN, en tant que commun numérique mis en place par l’État, n’est pas facile à catégoriser dans la typologie de Linders pourtant très claire théoriquement puisqu’elle pourrait relever des trois catégories à la fois. Contribution citoyenne, auto-organisation et ressource en libre accès sont en effet trois caractéristiques des communs numériques tels que je les ai définis plus haut. D’autre part, cette littérature reste tributaire des discours techno-optimistes et certains techno-critiques redoutent que les formes numériques de co-production ne soient en réalité qu’un prétexte pour accélérer le désengagement de l’État (Bates, 2014 ; Franceschetti, 2016). Entre ces deux positions, encore peu d’enquêtes empiriques ont permis de saisir tous les enjeux de ces modalités de co-production, notamment les résistances et les déplacements qu’elles engagent. La BAN semble préfigurer a priori une reconfiguration de la relation État/société en donnant plus de pouvoir de production informationnelle aux citoyens, mais seule une plongée dans sa mise en œuvre nous permettra d’en saisir les effets concrets.
8J’ai donc mené l’enquête à travers une série de vingt-trois entretiens auprès de l’ensemble des acteurs publics, associatifs et privés concernés par l’adresse en France [3], l’analyse d’un corpus varié (billets de blogs, rapports, articles, textes de loi, tweets) et plusieurs terrains lors de réunions de travail et de journées de présentation de la BAN. J’appuie ma démonstration en combinant les concepts développés par une partie de la sociologie politique des réformes de l’État (Bezes et Le Lidec, 2011 ; Lascoumes et Le Galès, 2012) à une sociologie pragmatique s’intéressant aux mises en doute de l’État et attentive à l’échelle fine des dispositifs sociotechniques pour y déceler les épreuves qui s’y jouent (Linhardt, 2009, 2012).
Archéologie de la ban : mise en place de l’épreuve d’État
9Au tournant des années 2000, des doutes s’élèvent quant à la place et au rôle de l’État par rapport aux nouveaux acteurs numériques de l’information géographique. Pendant quinze ans, il fait l’objet d’interpellations externes et internes à l’administration. Dans les années 2010, ces interpellations convergent pour réclamer de l’État qu’il produise et diffuse une base nationale d’adresses géolocalisées. Pourtant, aucun acteur public ne répond « au nom de l’État » et ce hiatus constitue ce que je qualifie d’épreuve d’État (Linhardt, 2018). La communauté OpenStreetMap, et en particulier son président de l’époque Christian Quest, entrent dans cette épreuve d’État en décidant de produire eux-mêmes une base adresse nationale ouverte (BANO) en « hackant » des données publiques.
Critiques et interpellations de l’État (1999-2010)
10Trois types d’acteurs se mobilisent pour que l’État français produise et diffuse une base d’adresses géolocalisée : l’Union européenne, les militants de l’open data et des réformateurs au sein de l’administration.
11Dans les années 2000, « la donnée » commence progressivement à être définie par les cabinets de conseils, les journalistes économiques [5] et l’Union européenne [6] comme le prochain « carburant de la nouvelle économie numérique » (Chignard et Benyayer, 2015). Ces années-là connaissent une explosion des services et des promesses technologiques autour de la numérisation de l’information géographique qui semble transformer assez radicalement ce secteur (Denègre et Salgé, 2004). L’UE joue un rôle important dans la discussion autour de l’information géographique [7]. En 2007, elle vote la directive INSPIRE qui concerne spécifiquement la mise à disposition de l’information géographique publique dont l’adresse géolocalisée [8]. Elle vise à créer, dans une perspective de croissance économique, une infrastructure des données « adresses » de l’Union européenne en harmonisant l’ensemble des bases nationales et régionales.
12L’autre courant qui se mobilise pour la mise à disposition d’une base adresse s’inscrit dans le mouvement de l’open data. Des militants, des juristes ou encore des entrepreneurs critiquent l’administration en considérant qu’elle garde la main sur une information publique pourtant produite aux frais du contribuable (Goëta, 2016). La défaillance des États à fournir gratuitement une information géographique qu’ils produisent et dont ils ont le monopole est d’ailleurs à l’origine du projet d’OSM.
13Les interpellations sont également émises de l’intérieur de l’administration. Tout au long des années 2000, de nombreux députés, conseillers et hauts fonctionnaires discutent par rapports interposés de la manière dont l’État doit adopter les pratiques et les outils du numérique (Bellon, 2018). Sur la question de l’adresse, l’ensemble des rapports défendent l’idée que l’État doit mettre en place une base adresse nationale qui deviendrait un référentiel commun à l’ensemble des acteurs publics [9]. Trois justifications sont apportées. D’une part, stimuler l’activité économique. D’autre part, rendre l’action publique plus efficace. Il existe plus d’une dizaine de bases adresses dans des silos administratifs (voir encadré 1). Leur mutualisation permettrait de réduire les dépenses publiques et les risques d’erreurs. Finalement, rendre l’action publique plus souveraine. Les missions régaliennes de l’État sont tributaires d’une adresse géolocalisée et les rapports mettent en avant les risques qu’il y aurait à baser des décisions publiques sur la base d’informations étrangères ou qui ne soient pas certifiées officiellement [10].
Une réunion, un rapport, une convergence des revendications et un État sans voix (2010-2013)
14Début 2010, l’AFIGEO organise dans le siège de La Poste une réunion sur la thématique de l’adresse. On y retrouve plus de cent vingt acteurs qui représentent les différents courants que j’ai évoqués ci-dessus (voir encadré 1). Voici comment se conclut cette journée : « Pour la constitution d’un référentiel Adresse national […] la désignation d’un maître d’ouvrage est nécessaire et ce rôle devrait être assuré par l’État » (AFIGEO, 2010). À la suite de cette réunion, un groupe de travail adresse est monté et mené par l’Association française pour l’information géographique. Il est composé de membres de l’IGN, de La Poste, de SDIS, de communautés d’agglomération et de différents ministères dans le but de produit le rapport Pour une politique nationale de la donnée Adresse (Groupe de travail Adresse, 2011) remis au Premier ministre. Et ce rapport, de nouveau, réinsiste sur la nécessité que l’État prenne en charge la constitution d’une base de données adresse unifiée.
La position initiale des acteurs
La position initiale des acteurs
15Tout au long des années 2000, l’État est ainsi interpellé à différentes reprises et de différentes manières. Mais plus l’expression de la nécessité d’une base d’adresse nationale se fait pressante, plus l’absence de prise en compte du problème au sein de l’État devient problématique. Pendant presque quinze ans, l’État ne réagit pas. Il serait plus précis de dire qu’aucune administration ne répond « au nom de l’État ». À cette époque, les deux acteurs pressentis pour prendre en charge la BAN, à savoir l’IGN et La Poste, vendent des bases adresses, ne souhaitent pas voir l’apparition d’une base adresse publique et gratuite (voir partie III) et sont en accord avec la doctrine administrative de l’époque qui repose sur la valorisation économique du patrimoine immatériel de l’État et non sa gratuité (Goëta, 2016). L’État reste ainsi sans voix faute de porte-parole. Nous sommes ici dans la première étape du processus d’épreuve d’État que conceptualise D. Linhardt : un problème public apparaît, certains pensent que l’État devrait intervenir d’une telle manière et il ne le fait pas (Linhardt, 2018).
16Selon D. Linhardt, il arrive qu’un « processus d’étatisation » s’ensuive, c’est-à-dire qu’après l’avoir mis sur l’agenda public, l’État prenne en charge officiellement (par l’inscription dans le droit par exemple) le problème public en question. Or j’ai rappelé en introduction que, dans le cas de la BAN, ce processus d’étatisation a pris une forme particulière. Comment est-on passé de cette situation bloquée à la signature du partenariat pour la création de la BAN sous la forme d’un commun numérique ?
OpenStreetMap s’engage dans l’épreuve : le « hack » du plan cadastral (2013)
17L’apparition d’un nouvel acteur – OpenStreetMap (OSM) – et l’action de l’entrepreneur de réforme C. Quest, s’avèrent centrales pour l’explication. OSM est un projet de cartographie participative lancé en 2004. La communauté française est l’une des plus actives et s’institutionnalise en 2011 en créant une association nationale [11]. Les recherches montrent qu’une part importante des contributeurs d’OSM France considèrent OSM comme un commun numérique et qu’ils font partie de l’écosystème de l’information géographique (voir encadré 1) (Duféal et al., 2016 ; Duféal et Noucher, 2017). C. Quest, le vice-président de l’association à cette époque, se rappelle qu’en 2012 :
« des gens bien implantés dans le milieu de géographie française […] nous ont parlé des adresses. Entre autres, il y avait l’AFIGEO […] qui était assez remonté à l’époque, parce qu’il y avait eu tout un travail qui avait été fait […] ça faisait un an que le rapport était sorti et il ne s’était absolument à rien passé. »
19OSM, un acteur encore marginal sur la scène de l’information géographique fait alors irruption dans la dynamique du problème public. C. Quest et quelques autres membres d’OSM décident de produire eux-mêmes une Base Adresse Nationale Ouverte (BANO). Ils réalisent la première version de la BANO au moyen d’un « hack » (bidouillage) technique. Grâce à un script informatique, ils « scrapent » [12] les millions de planches cadastrales fournies en ligne en format PDF par la Direction générale des finances publiques (DGFiP). En quelques mois, ils récoltent et « nettoient », grâce aux remontés de la communauté, plus de 15 millions d’adresses géolocalisées qui passent d’informations géographiques inertes sur PDF à des données numériquement exploitables dans une base de données en format CSV. Le projet BANO suscite un engouement et donne une légitimité à l’association auprès des acteurs publics.
« On voyait débarquer […] plein d’acteurs institutionnels qui étaient intéressés […]. On se retrouvait en position de lobbying et à mettre un coup de pied dans une fourmilière professionnelle et institutionnelle. »
21Les membres de l’association OSM France et C. Quest en particulier mettent ainsi en place une base de données que l’État devait produire. Ils le font de manière analogue à leur propre forme sociotechnique : celle du commun numérique. La BANO est en effet le projet (1) d’une communauté de producteurs/usagers qui gèrent (2) la ressource en vue de son enrichissement via (3) une gouvernance souple qui passe principalement par des listes de diffusion et (4) qui est diffusée sous licence OdBL pour la protéger juridiquement des réappropriations exclusives. Cette étape, cruciale, n’est pourtant pas encore suffisante pour expliquer la raison pour laquelle des acteurs publics se saisissent de cette occasion pour réformer l’État par les communs numériques. Il nous faut maintenant pousser les portes de l’administration.
Réformer l’État par les communs numériques
22J’ai décrit jusqu’ici ce que P. Bezes et P. Le Lidec nomment des « conditions génératives » d’une réforme : revendications exogènes et endogènes de transformation numérique de l’État, émergence d’un nouvel acteur dans une arène publique et remise en cause de l’ordre institutionnelle. Comment est-on passé de ces conditions génératives à la volonté de réformer l’État par les communs numériques ? Henri Verdier joue ici le rôle de déclencheur en tant qu’« entrepreneur de réforme » (Bezes et Le Lidec, 2011).
Encadré 2. Le parcours d’un entrepreneur de réforme
De la réforme par le numérique à la réforme par les communs numériques
23H. Verdier est nommé en 2013 à la tête d’Etalab. Il entre dans l’administration avec un objectif : « [il faut] d’abord et avant tout une transformation de l’État lui-même : une remise en cause des formes actuelles de la bureaucratie » (Verdier, 2018). Comme l’analyse P. Bezes, depuis plusieurs décennies, l’administration bureaucratique « est devenue le problème » des réformateurs de l’État (Bezes, 2009, p. 29). À la lecture des nombreuses interventions publiques de H. Verdier, on peut dégager trois axes privilégiés pour mener à bien sa réforme de l’État.
24D’abord, l’administration doit parvenir à inventer des modes organisationnels plus perméables et ouverts à l’extérieur de l’administration. Comme il l’indique dans son ouvrage, s’ouvrir à la « force de la multitude » semble être une clé du succès des grandes plateformes numériques dont l’État pourrait s’inspirer. Cette dimension renvoie à la forme de co-production du citizen sourcing. Ensuite, l’administration doit accepter des modes de gestion par projets plus agiles inspirés du monde du développement informatique (à la fois des start-up et du logiciel libre), en laissant une place plus grande à l’autonomie des agents vis-à-vis de leur hiérarchie. Cela s’apparente à la forme du do-it-yourself government. Mais parallèlement, l’administration et les citoyens doivent rester souverains sur leur infrastructure informationnelle pour ne pas dépendre des plateformes privées comme Googlemaps [13]. L’État doit être lui-même une plateforme.
25Ouverture à la contribution des citoyens, autonomie des agents contre les lourdeurs bureaucratiques et souveraineté face aux GAFA : ce triptyque, aux colorations à la fois des communs, libéral et étatiste, constitue la trame d’un récit réformateur porté par H. Verdier suffisamment large et plastique pour qu’un ensemble d’acteurs appartenant à des mondes sociaux distincts s’y reconnaissent. Lorsque H. Verdier prend connaissance du projet de la BANO, il y voit une fenêtre d’opportunité. La forme sociotechnique des communs numériques semble correspondre à son triptyque et peut constituer un instrument efficace et fédérateur pour entreprendre sa réforme numérique de l’État.
Les communs numériques comme traducteur d’intérêts divergents
26Pour mener à bien sa réforme, il cherche à trouver des alliés et à éviter le blâme. Il commence par s’allier avec OSM France en recrutant C. Quest courant 2014 afin que ce dernier développe le projet BANO au sein de l’administration. Pour C. Quest, l’autonomie qui lui est accordée au sein d’Etalab, l’importance affichée par cette agence à l’ouverture à la contribution citoyenne et l’équipe composée de nombreux défenseurs des logiciels libres l’enrôlent dans le projet réformateur de H. Verdier [14]. Son rôle, en tant qu’acteur multipositionné entre différents univers sociaux (associatif, hacker, géomatique, administratif), semble crucial pour importer – et légitimer – la forme du commun numérique au sein de l’administration. Mais rapidement, le sujet devient politique.
« J’ai commencé à parler de BANO2 : base adresse nationale ouverte et officielle. À ce moment-là ça, je suis clairement allé marcher sur les plates-bandes de l’IGN. »
28H. Verdier parvient alors à nouer une alliance avec l’IGN. L’affaire n’est pas jouée d’avance parce que cet établissement public administratif selon les textes, devenu largement commercial (40 % de ses fonds viennent de ses ventes) commercialise une base adresse. Mais l’ancien directeur de l’IGN, polytechnicien ayant passé la plus grande partie de sa carrière dans des « instituts hybrides public-privé » partage avec H. Verdier la conviction qu’il faut « appliquer un certain nombre de méthodes du privé, des modes de managements […] à des missions de services publics » (juillet 2018). Il partage également une méfiance à l’égard des GAFA et mesure les risques d’une perte de souveraineté sur la donnée géographique. Cet ensemble d’éléments le convainc finalement de rejoindre le partenariat :
« C’était une réflexion à la fois globale sur l’État et une réflexion de fond sur les missions de l’IGN entre les GAFA et le collaboratif. C’est ce qui a amené d’une base adresse interne et commercialisée à un commun géré de manière étatique et mis à disposition de tout le monde. »
30Pour le Service National de l’Adresse (SNA) de La Poste, l’intérêt d’entrer dans le projet repose à l’époque sur les bénéfices d’une mise en commun des efforts de production et de maintenance d’une base de données coûteuse à entretenir [15]. Comme le rappelle un directeur commercial du SNA :
« C’est Etalab et l’IGN qui nous ont proposé d’entrer dans la création de la BAN. On a évidemment réfléchi très fortement à la question, et puis on s’est embarqué en se disant que c’était intéressant parce qu’avoir une base nationale partagée par tous c’est très bien. […] On a donc signé, tout en sachant qu’on a une activité commerciale et d’exploitation de nos référentiels qui… nous oblige à demander une situation particulière sur la BAN. »
32Finalement, H. Verdier obtient l’aval de son supérieur hiérarchique, Thierry Mandon, alors promu secrétaire d’État à la Réforme de l’État et à la Simplification (SGMAP). Ce dernier vient de publier un rapport intitulé Le numérique pour transformer l’État et dans lequel le discours réformateur de H. Verdier concernant la BAN vient faire écho.
33On voit déjà apparaître des différences de justifications entre les acteurs embarqués, mais le récit réformateur de la BAN comme commun numérique est assez souple pour permettre de traduire plusieurs perspectives (Akrich et al., 2013). Un premier accord de principe est signé fin 2014 entre La Poste, l’IGN, Etalab et OSM, puis un partenariat officiel est finalement inauguré le 15 avril 2015 dans les locaux de la fondation Mozilla. Le choix de ce lieu, à l’extérieur de l’administration et accueilli par une fondation qui défend les logiciels libres et l’Internet comme bien commun, n’est pas anodin. La constitution de la BAN prenant la forme d’un commun numérique est ainsi clairement affichée (voir figure 2).
Tweet d’Etalab à la signature officielle du partenariat
Tweet d’Etalab à la signature officielle du partenariat
Lecture : de gauche à droite, Daniel Burseau (directeur de l’IGN), Thierry Mandon (secrétaire d’État à la Réforme de l’État et à la Simplification), Henri Verdier, Philippe Wahl (directeur général de La Poste) et Christian Quest (porte-parole d’OSM).34Nous avons vu comment le problème public de la production et de la diffusion d’une base adresse nationale est étatisé d’une manière tout à fait singulière. Dans le contexte d’une forte attente de l’État, un nouvel acteur (OSM) vient déstabiliser l’ordre administratif en produisant un commun numérique. Un entrepreneur de réforme (H. Verdier) se saisit de l’occasion pour mener à bien la réforme de l’État qu’il envisage en adoptant la forme sociotechnique du commun numérique. Cette forme s’adapte bien au discours réformateur qu’il porte et permet d’enrôler tous les acteurs.
35Si la plasticité du discours réformateur a permis la signature d’un partenariat original, elle n’a pas empêché les résistances institutionnelles d’émerger. La forme du commun numérique a-t-elle « infusé » dans l’administration et changée la relation entre l’État et les citoyens en redonnant du pouvoir d’agir à ces derniers ? Il nous faut maintenant relater les épreuves soulevées par cette forme du commun au sein de la machinerie étatique.
Les résistances institutionnelles aux communs numériques
36Dans cette partie, je montre que les différentes caractéristiques des communs numériques qui peuvent potentiellement reconfigurer la relation État/citoyens (Linders, 2012), en particulier la contribution citoyenne à l’enrichissement d’une ressource informationnelle officielle, l’auto-organisation et le libre accès, ont soulevé des résistances de la part des bénéficiaires du système institutionnel en place.
L’enjeu du statut face au citizen sourcing
37Déjà avant la présignature de 2014, une note de la représentante du personnel CGT de l’IGN s’indignait du soutien du SGMAP à la BANO produite par de « simples citoyens » sans mandat officiel. Elle s’y interroge : « C’est quoi, la fameuse “donnée faisant autorité” dès lors que l’État ne s’appuie pas sur “son” opérateur national pour la constituer ?! » Elle écrit un mois plus tard une demande d’audience officielle au Premier ministre où elle explique que cette situation « remet en cause directement [l]es missions [de l’IGN] [16] ». Pierre Pezziardi, un des premiers membres d’Etalab, écrit à ce propos dans un double entretien avec H. Verdier : « Pour les cartographes de l’IGN, il fallait accepter de ne plus être les producteurs primaires de l’information et cesser de considérer avec hostilité les autres intervenants du secteur ». La première résistance a donc concerné la légitimité administrative de certains acteurs à produire l’information géographique officielle.
38La question qui s’est posée à de nombreuses réunions de travail et publiques auxquelles j’ai assisté était de savoir quel statut donner à la contribution de citoyens précisément sans statut ou mandat particuliers. Plusieurs critiques ont été soulevées.
« La contribution, ça ne marche que sur 3 % du territoire. […] [En] zone dense, effectivement Openstreetmap sera meilleur que l’IGN, c’est évident. Face à 10 000 contributeurs, on ne peut rien parce que c’est à jour, et là la multitude prend tout son sens. Mais il faut qu’il y ait une multitude. Et les 97 % restants ? […] l’IGN depuis 350 ans a eu un métier qui consistait à acquérir des données, les vérifier trois fois, les certifier et faire des cartes. Le croisement avec l’approche de la multitude, où si on a une erreur on considère que c’est bon parce que la multitude va la corriger, c’est un peu compliqué. »
« C. – Et puis on ne sait pas qui fait les modifications. Je me permets de dire que c’est important de faire de la traçabilité, de “sourcer” pour savoir qui a produit l’information. Je sais qu’OSM France veut faire du collaboratif, mais le problème vient toujours sur la qualité de l’adresse.
E. – Et la possibilité de la fraude…
C. – Oui c’est vrai. […] Le problème du collaboratif, c’est que ça dilue la responsabilité. »
41Égalité et qualité du service public, risques de fraude, dilution de la responsabilité sont trois critiques, propres à des acteurs publics, contre la contribution citoyenne à la BAN. L’architecture de la BAN (qui a aujourd’hui changé, nous le verrons à la partie suivante) reposait sur la collection de diverses sources « de confiance » de données adresses faisant autorité (voir figure 3). Dans la plupart des communs numériques, les modalités de contribution à la ressource sont déterminées par la régulation du contenu de la contribution et beaucoup plus rarement sur le statut officiel du contributeur (Cardon et Levrel, 2009 ; Fuster Morell, 2014). Dans le cas de la BAN, au lieu de réguler le citizen sourcing, les acteurs ont privilégié de réguler le statut des contributeurs, en l’occurrence ici des entités officielles ou reconnues.
Les sources qui alimentaient la BAN
Les sources qui alimentaient la BAN
Lecture : Les différentes sources – DG Finances publiques, IGN, collectivités, La Poste – alimentant la BAN avant le 1er janvier 2020.Do-it-yourself vs hiérarchie : deux éthos se confrontent
« C’était une vraie gageure de faire travailler des gens de mondes différents. C’est un peu la difficulté entre le monde de l’Internet agile qui peut bouger très vite, et l’IGN avec des grosses structures. En même temps, il faut faire du souverain, et en même temps il faut travailler avec des jeunes chevelus barbus, vous voyez le changement de culture. »
43Ce témoignage de l’ancien directeur de l’IGN résume bien une situation de résistance organisationnelle. La gouvernance de la BAN, qui a prévalu entre 2015 et 2020, comportait deux strates. La première, le comité de pilotage, était composée des différentes directions et se réunissait théoriquement tous les six mois pour décider des grandes orientations (juridiques, économiques, etc.). La seconde, le comité technique, était composée des ingénieurs et développeurs censés mettre en œuvre les décisions du comité de pilotage. Ce mode de fonctionnement où chaque niveau hiérarchique collabore avec leurs pairs dans les autres administrations est caractéristique de la culture administrative. Mais il entre en contradiction avec le principe de l’autogouvernement des communs numériques et plus généralement avec les pratiques et l’éthos d’une partie des hackers (Himanen, 2001 ; Khalil, 2011). Comme en témoignent respectivement le président d’OSM France et le responsable de la BAN à Etalab :
« Etalab et à la fois OSM qui sont culturellement sur un fonctionnement horizontal […] on cherche à faire simple, direct, par nous-mêmes. Et ça, c’est quelque chose d’assez fort […] par rapport à la culture d’entreprise de La Poste et IGN la culture de l’État. »
« Moi, j’ai proposé plusieurs fois qu’on avance sur des sujets juridiques, des modèles économiques, faire des ateliers ensemble, proposer des choses à nos “chefs”, mais ils ne veulent pas proposer des choses qui sortent de leur rôle. »
46Un entretien mené avec la directrice technique de la BAN à l’IGN semble confirmer cette dernière affirmation. Quand je lui demande la manière dont se déroule la discussion autour des licences, elle me répond : « Moi, ça ne me concerne pas. On me demande de faire des choses techniques je les fais, mais les licences pour moi ce n’est pas un problème. […] C’est un truc de chefs et de juristes » (novembre 2017).
47La promesse d’auto-organisation de la BAN en tant que commun numérique, où des agents étatiques et non étatiques auraient pu indistinctement collaborer de manière « horizontale » est ainsi venue buter contre une culture administrative hiérarchique ancrée dans les pratiques des agents. Cette résistance organisationnelle impliquait d’avoir l’aval politique avant toute prise de décision stratégique, à l’inverse de modes de gouvernance plus souples de certains projets de logiciels libres qui mélangent subtilement hiérarchie et do-ocratie (Demazière et al., 2007 ; O’Mahony et Ferraro, 2007 ; Schweik et English, 2012).
Government as platform pour ou contre Google ? Une question juridico-économique
48Au-delà de ces deux résistances, la question de savoir qui pouvait y accéder et selon quelles conditions – ou dans nos termes quelles modalités pour un État-plateforme – a été le point d’achoppement le plus problématique. Pour comprendre cette situation, il faut revenir un instant en arrière pour étudier l’évolution de la situation des bénéficiaires de l’ancienne situation institutionnelle avant la mise en place de la BAN.
49Historiquement, l’IGN vendait des cartes papier, car les dotations de l’État ne représentent que 60 % de son budget total. Or, entre les années 2000 et 2010, ses ventes papier chutent et cet institut se repositionne sur la vente de bases de données numériques. Les recettes générées par la BD adresse numérique, vendue principalement à de grandes entreprises comme Google, représentent quelques millions d’euros par an. Mais les années 2010 voient l’émergence d’exigences légales d’ouverture des données publiques qui obligent l’IGN à rendre disponibles gratuitement certaines bases de données. Ces contraintes légales ambivalentes génèrent des contraintes budgétaires fortes sur l’institution [17].
50Durant la même décennie 2000, La Poste subit la baisse du volume de courrier et l’ouverture à la concurrence, un an après avoir été transformée en société anonyme à capitaux publics. La vente des services liés à leurs bases de données adresse, générant autour de cinq millions d’euros, vient combler en partie ces pertes. L’IGN et La Poste collaborent pour réaliser certains échanges d’informations sur leurs données respectives « dans une logique commerciale » (entretien avec Pascal Bartier, directeur des ventes chez La Poste, novembre 2018).
51Cette tension économique, qui explique pourquoi ces acteurs étaient réticents à voir advenir une BAN ouverte et gratuite, s’est faite ressentir autour de la licence de la BAN. Elle est étroitement liée à la question juridique de propriété. Qui possède la BAN, qui peut l’exploiter et selon quelles conditions ? Les réponses à ces questions déterminent non seulement la possibilité de mener une activité commerciale autour de la BAN, mais également le financement de cette base et le rôle informationnel de l’administration vis-à-vis du marché et de la société : en bref, elles ont un impact sur ce qui relève de l’État et la manière d’organiser ce dernier (Bezes et Siné, 2011).
52Les débats autour de la propriété de la BAN se sont cristallisés sur le choix des licences [18]. À la signature du partenariat en 2015, deux licences sont prévues : OSM la diffuserait sous licence Open Database Licence et Etalab sous la licence gratuite de repartage. La licence ouverte, habituellement utilisée par Etalab, n’est pas retenue (voir encadré 3).
Encadré 3. Trois licences pour une BAN
- Open Database Licence (ODbL) – Cette licence issue du projet opendatacommons.org de l’Open Knowledge Foundation est largement utilisée dans le monde de l’open data. Elle autorise tout type d’utilisation (consultation, téléchargement, services commerciaux, etc.) à condition de maintenir la base de données (même modifiée) toujours ouverte et explicitement sous licence OdbL. C’est la raison pour laquelle on dit qu’elle est « contaminante ». Elle permet ainsi d’éviter tout type d’« enclosure » sur une base de données constituée ainsi en bien commun accessible à tous.
- Licence Gratuit de repartage – Cette licence ad hoc est écrite par les juristes de La Poste et de l’IGN. Elle stipule que la base de données est gratuitement exploitable par tous les acteurs publics, non lucratifs ou ayant un usage personnel. Ce qui implique que les acteurs économiques en sont exclus et qu’ils devront utiliser les offres commerciales (de La Poste ou de l’IGN). Elle indique aussi que les « fondateurs » restent « propriétaires » de la BAN et que les utilisateurs doivent leur reverser l’ensemble des enrichissements.
- Licence Ouverte – Cette licence est la plus permissive de toutes puisqu’elle autorise n’importe quel usage des données, même la possibilité de les enclore et de les vendre, à la seule condition pour l’utilisateur d’en mentionner la paternité.
53Dès l’annonce de la signature du partenariat, la seconde licence est vivement critiquée par les juristes de l’association SavoirsCom1, qui promeut les biens communs depuis sa création en 2011. Pour eux, cette licence n’est compatible « ni dans l’esprit ni en pratique avec la notion d’Open Data – et encore moins de Biens Communs Numériques » (SavoirsCom1, 2015). La critique porte sur le fait que La Poste et l’IGN restent en quelque sorte propriétaires de la BAN et peuvent unilatéralement résilier son accès, sans compter qu’ils en excluent tous les acteurs économiques sans distinction. Or, pour l’ancien directeur de l’IGN, c’était là tout l’intérêt :
« Ok on met à disposition des données, mais comment ne pas faire le lit des GAFA. Moi, je paie mes impôts en France, je veux bien créer de la valeur ajoutée à Google, mais ça a une limite. Donc on s’en était sortis en faisant une licence gratuite de repartage, et les gens qui ne veulent pas repartager, quand c’est Google qui aspire la donnée sans contribuer, tant pis ils paient. »
55On peut comprendre l’étonnement de SavoirsCom1 en rappelant que l’action d’Etalab en général et de H. Verdier en particulier était tournée vers un open data sans restriction. Cette orientation aurait dû a priori faire tendre la BAN vers la licence ouverte. Pourquoi cette licence n’a-t-elle donc pas été choisie dans le partenariat ? H. Verdier raconte :
« Christian [Quest] m’a dit que “le problème c’est que la licence ouverte c’est une licence trop libérale”. J’ai dit “c’est bien, non ? On fait de l’open data, on veut le plus d’usage possible pour le plus de gens possible.” Il me dit “oui, mais pas là. Voilà ce qui va se passer. On a une base juste à 85 %. Les contributeurs BANO vont venir t’aider, elle va devenir juste à 95 %. Google va tout ramasser pour la rendre juste à 98 % et va prendre 100 % des usages parce qu’ils auront une base plus complète, des meilleurs API et les datacenters les plus performants. Tout le monde ira chez eux.” […] Et il m’a expliqué la licence ODbL, la licence contaminante, le share alike. C’est après que j’ai compris que c’était un cas pur de commun. Pour la licence gratuite de repartage, je trouvais ça génial que ceux qui utilisaient la ressource étaient contraints d’enrichir la ressource […]. Je me suis rendu compte qu’il y avait un open data étatiste et un open data libéral. »
57On touche dans ces débats à un point crucial. Pour comprendre la manière dont les acteurs orientent leurs actions, il faut comprendre la manière dont ils les justifient à la lumière de grands principes généraux concernant l’État, notamment son rapport au marché. Ici, trois conceptions antagonistes de la BAN se dessinent.
58Pour le responsable de la BAN chez Etalab ainsi que la députée ayant écrit un rapport sur la question, la BAN est une ressource produite et gérée par l’État, qui doit être financée par l’impôt, dont l’accès et l’usage sont garantis et gratuits pour tous, même les GAFA [19]. Cette conception, inscrite dans la licence ouverte, est portée par les promoteurs de l’open data et plus généralement par les partisans d’un État-plateforme pro-marché qui réfute toute forme de « protectionnisme » informationnel [20]. Pour OSM et Savoircom1, la BAN est une ressource d’intérêt général dont l’accès et l’usage doivent être garantis à tous, et protégée contre toute forme de réappropriation privative. Cette conception est inscrite dans la licence ODbL. Pour l’IGN et H. Verdier, la BAN est une ressource produite par une communauté qui souhaite éviter sa réappropriation, mais surtout l’enrichir de manière pérenne en évitant les passagers clandestins. Si Google ne paie pas ses impôts en France et ne souhaite pas contribuer à la BAN, eh bien qu’ils y contribuent financièrement en payant pour y avoir accès. Cette vision était portée par la Licence gratuite de repartage. Proche de la vision d’OSM, la clause stipulant que la BAN restait la propriété de La Poste et de l’IGN a été cependant l’objet d’un désaccord de principe.
59La forme générale du commun numérique comme composante d’un projet de réforme de l’État a ainsi trouvé sa limite dans la concrétisation de ses multiples définitions. Fin 2017, l’ensemble de ces résistances – de légitimité, organisationnelle, et juridico-économique – ont conduit le projet de la BAN au point mort. Entre fin 2017 et fin 2019, aucun comité de pilotage ne se réunit. La BAN est diffusée à titre temporaire par l’IGN sous la licence gratuite de repartage qui devient caduque fin 2018, alors qu’OSM continue à diffuser la première base créée, la BANO, sous licence ODbL. L’actuel président d’OSM France me résume la situation : « Dans le meilleur des cas flottement, sinon… heu, mort clinique ou abandon, c’est radical, mais en l’absence totale de fonctionnement du comité de pilotage (copil), ça ne m’inspire rien d’autre » (octobre 2019).
60Pourtant, la BAN est aujourd’hui produite par l’État et diffusée en licence ouverte. Dès lors, pourquoi la forme du commun numérique a-t-elle été abandonnée au profit d’une vision plus libérale de l’open data et de l’État-plateforme ?
L’ abandon de la forme du commun numérique
61Trois facteurs peuvent expliquer ce changement : 1) la difficulté à dépasser les résistances institutionnelles à l’adoption de la forme du commun numérique dont j’ai parlé ; 2) l’alternance politique de 2017 entraînant le remerciement de H. Verdier, la démission de C. Quest et l’arrivée au pouvoir d’un personnel politique porteur d’une vision libérale de l’open data ; 3) la création d’un service public de la donnée qui « normalise » la production de la BAN relevant ainsi d’une mission étatique et souveraine.
L’impact du changement du personnel politique
62Le changement de majorité de 2017 entraîne un certain nombre de conséquences au sein de l’administration en général, et pour l’action d’Etalab en particulier. D’une part, un réseau interpersonnel avait été créé entre les membres d’Etalab et les différentes entités (cabinets ministériels, de l’Élysée, etc.) et sa structuration s’est affaiblie à l’arrivée d’un nouveau personnel politique. D’autre part, les représentations concernant le rôle du numérique pour réformer l’État ont divergé. Nadi Bou Hanna remplace Henri Verdier à la tête de la DINSIC. Ce polytechnicien insiste dans ses discours et ses actions sur l’importance de la modernisation interne de l’infrastructure des SI de l’État plutôt que sur la transformation numérique de la relation État/citoyens et « l’ouverture » de l’administration. Cette divergence de vision est critiquée par plusieurs membres historiques de la DINSIC qui démissionnent, dont C. Quest. Voici un extrait de sa lettre de démission :
Finalement, le concept de « communs numériques » ne s’inscrit ni dans la tradition ni dans les discours politiques de la nouvelle majorité. Pour essayer de débloquer la situation de la BAN, une députée du groupe La République en marche est appelée à publier un rapport sur Les données géographiques souveraines qui paraît fin 2018. Cette dernière a travaillé dans le secteur de l’assurance avant sa députation et se place politiquement « à droite économiquement (…) et plutôt à gauche sur le social » (entretien, avril 2019). Dans son rapport, elle préconise pour remédier aux difficultés concernant la BAN de la considérer comme « un bien public », produit de manière souveraine par l’administration, financé par l’impôt et publié sous licence ouverte (Faure-Muntian, 2018). Ces choix renvoient à la perspective d’un État plateforme « pro-marché » tel que je l’ai défini (voir tableau 2). Lorsque je lui demande si elle est familière avec le concept de « communs numériques », elle me répond que « ce n’est pas le terme le plus utilisé […] et il ne s’agit pas d’une priorité pour la majorité. […] Nous, on a tendance à l’utiliser surtout dans la perspective de l’open data et de l’État plateforme » (entretien, avril 2019).« Cette mission rattachée au Premier ministre était à ma connaissance une des rares administrations réellement ouvertes sur le monde extérieur. […] Votre feuille de route [Nadi Bou Hanna] utilitariste et court-termiste n’intégrant quasiment aucune des valeurs qui m’ont fait rejoindre Etalab […] m’oblige à prendre une autre route. »
Trois formes de la BAN pour trois figures d’État
Trois formes de la BAN pour trois figures d’État
63Suite à ce rapport, un référé est envoyé au Premier ministre par la Cour des comptes pour éclaircir la situation de la BAN. Une demande formelle est adressée au Premier ministre pour qu’il mette fin au blocage. Cette réponse publiée par le cabinet du Premier ministre en mars 2019 va dans le sens des conclusions de la députée de sa majorité :
Le texte indique ainsi que l’État doit prendre en charge lui-même le fonctionnement de la BAN et la DINSIC est appelée à restructurer la gouvernance pour créer une collaboration au sein de l’administration. Au cours de cette même période, la production et la diffusion de la BAN sont promues au rang de service public. La Loi Lemaire, dont les décrets d’application sont publiés en 2017, crée le service public de la donnée. Ce dernier vise à mettre à disposition neuf jeux de données de référence « en vue de faciliter leur réutilisation » [21], dont la BAN. Comme l’indique Cluzel-Métayer, le choix d’ériger une activité en service public « est significatif d’une volonté de la puissance publique d’assumer la maîtrise de la satisfaction d’un besoin qu’elle considère d’intérêt général et pour lequel elle juge l’initiative privée sinon totalement, au moins partiellement inadaptée » (Cluzel-Métayer, 2018). La BAN est ainsi inscrite dans la loi en tant que base de données prise en charge par la puissance publique. Pour le nouveau personnel politique, l’expérimentation de nouvelles formes d’interactions entre État et citoyens à travers des formes de co-production d’informations publiques est ainsi abandonnée pour une vision plus pro-marché d’un État-plateforme producteur souverain d’une information diffusée gratuitement en open data.« Je considère que la constitution d’une base adresse nationale gratuite et unifiée est un enjeu important pour l’économie française ainsi que pour la chaîne de décision publique […]. J’ai demandé à la DINSIC en lien avec les acteurs concernés de mettre en œuvre de nouvelles modalités de gouvernance et de fonctionnement, reposant sur la gratuité et en même temps sur la qualité de mise à jour collaborative, afin que la BAN soit effectivement diffusée gratuitement […] au plus tard au 1er janvier 2020 sous licence ouverte. »
L’abandon de deux caractéristiques de la forme du commun numérique
64Depuis ce texte, le responsable DINSIC de la BAN se place sous l’autorité du Premier ministre pour aller discuter de nouveau avec l’ensemble des acteurs publics et remettre la gouvernance à plat. Bien que la gouvernance ne soit pas encore stabilisée à ce jour, plusieurs choses sont à noter.
65D’une part, OSM s’éloigne de la gouvernance surtout depuis le départ de C. Quest de la DINSIC. Les membres d’OSM relancent les discussions pour améliorer la BANO, cette base alternative à celle de l’État qui avait engagé l’épreuve. La nouvelle gouvernance de la BAN, qui n’est coordonnée que par un acteur, prévoit une strate opérationnelle avec deux acteurs publics, l’IGN et la DINSIC, un collège regroupant les contributeurs nationaux reconnus (comme l’INSEE) et « un lieu de discussion général avec les réutilisateurs généraux ». Finalement, le travail entre l’IGN et la DINSIC se fait à distance. Comme le relate le responsable de la BAN à la DISNIC : « Avec l’IGN on ne travaille plus ensemble, on n’a pas les mêmes méthodes de travail […] on travaille sur nos briques et ça marche mieux comme ça » (octobre 2019). Bien que la gouvernance ne soit pas encore stabilisée, elle semble s’éloigner de la caractéristique d’autogouvernement propre aux communs numériques.
66La contribution citoyenne a disparu du fil des discussions. Sans être définitivement écartée, la mise en place d’un dispositif technique qui la rendrait possible est pour l’heure ajournée. D’autre part, les contributions volontaires à la BANO via OSM ne pourront plus être insérées dans la BAN à cause de l’impossibilité juridique d’intégrer des données sous licence ODbL à une base de données sous licence ouverte.
Comment contribuer à la BAN
Comment contribuer à la BAN
Notice : imprimé-écran du site de la BAN, à la section « contribuer à la BAN ».67Concernant le choix de la licence ouverte, elle indique que les acteurs publics ont privilégié la perspective d’un État-plateforme pro-marché qui produit et diffuse gratuitement un bien informationnel public dans le cadre d’un service public. L’État, en endossant son rôle d’État-plateforme, investit dans une infrastructure informationnelle qui sert tous les types d’acteurs, dont ceux du secteur privé. Comme le préconise le techno-optimiste T. O’Reilly, inventeur du concept de government as a platform :
Les deux caractéristiques des communs numériques que sont l’autogouvernement et la contribution des utilisateurs à l’enrichissement de la ressource semblent avoir été abandonnées. La caractéristique du libre accès est maintenue, mais sans garantie contre un risque de réappropriation et de passager clandestin de la part des GAFAM. Il est d’ailleurs notable que, dans le référé du Premier ministre, le terme de commun numérique soit absent.« Investing in infrastructure […] will lead to a more robust private sector ecosystem. […] The whole point of government as a platform is to encourage the private sector to build applications that government didn’t consider or doesn’t have the resources to create. »
Conclusion
68Deux énigmes ont traversé mon enquête : pourquoi la forme sociotechnique du commun numérique a-t-elle été adoptée pour créer la BAN, et qu’est-ce que cette forme est venue déplacer dans la relation État/société ? Je voulais également tester l’hypothèse de « l’infusion institutionnelle ».
69J’ai répondu à la première question en expliquant que la forme sociotechnique du commun numérique a été adoptée pour tenter de réformer l’État. Elle l’a été dans un contexte particulier, celui de l’émergence d’OSM et de l’action de C. Quest, représentant le mouvement des communs numériques, dans le problème public de l’adresse. Elle traduisait à la fois la perspective réformatrice de H. Verdier et les intérêts des différents acteurs, ce qui a permis d’aboutir à la signature du partenariat. Mais cette forme du commun numérique a rencontré des résistances institutionnelles, car elle remettait en cause la légitimité, l’organisation et les rentes financières des acteurs qui bénéficiaient de l’ordre institutionnel précédent. Sa mise en place a généré de profonds débats sur le rôle et le mode d’organisation de l’État.
70Est-ce que, finalement, quelque chose a été déplacé dans la frontière État/société ? La forme du commun numérique a-t-elle infusé dans l’administration en distribuant le pouvoir de décider la production et l’usage d’une information officielle ? Parmi les différentes options d’interaction entre État et société que pouvait préfigurer l’adoption de la forme du commun numérique par l’État, le citizen sourcing et le do-it-yourself government semblent avoir été abandonnés au profit d’un type d’État-plateforme. Ainsi, seul le critère de l’accès à la ressource, qui n’était pas possible avant la BAN, semble avoir « infusé » grâce aux actions d’acteurs multipositionnés comme C. Quest et H. Verdier. Mais le choix de la licence ouverte au moment de l’arrivée d’un nouveau personnel politique témoigne du fait que la ressource n’est pas protégée contre les risques de réappropriation exclusive. Le but n’est pas comme avec les licences OdBL ou Gratuit de repartage de se prémunir des GAFA, mais de les renforcer, au risque de ne donner du pouvoir informationnel qu’à ceux qui en ont déjà (Badouard, 2015 ; Goëta et Mabi, 2014 ; Gurstein, 2011). À ceci près que l’État reste souverain en gardant le monopole de la production de la BAN. L’abandon de la forme du commun numérique dans la structure socio-technique de la BAN témoigne ainsi du fait que l’État met en œuvre une forme particulière d’exercice du pouvoir informationnel en empêchant techniquement la contribution citoyenne et en favorisant juridiquement sa réutilisation par des acteurs économiques. Le numérique, loin de conduire obligatoirement à un désengagement néolibéral de l’État ou à sa démocratisation, ouvert grâce à lui à la force de la « multitude », est un espace où peut au contraire s’affirmer un « État informationnel ». Cet État, nous dit Braman, exerce une forme particulière de pouvoir à travers la maîtrise de la production et la diffusion d’informations importantes et largement utilisées dans la société (Braman, 2009). L’étude de la BAN en tant que dispositif qui permet, contraint ou favorise certains acteurs et certaines pratiques, nous a permis de mettre à jour les caractéristiques d’une direction de la transformation numérique de l’État et de sa relation à la société, qui prend ici la forme d’un État-plateforme souverain et pro-marché.
71La limite principale de notre travail tient à la contemporanéité de notre objet. Les évolutions de la BAN sont rapides, et il est possible que des effets d’« infusion institutionnelle » et partant, que la reconfiguration de la relation État/citoyen, ne se soient pas encore pleinement déployés. Ainsi, la contribution citoyenne à la BAN semble aujourd’hui possible par des voies détournées (Merlière, 2019) et cette contribution s’institutionnalisera peut-être. Il faudra donc être attentif aux évolutions de la BAN ainsi qu’à d’autres expérimentations de communs numériques mis en place par l’État (Shulz, 2019) pour saisir in concreto les reconfigurations numériques en cours de ce dernier.
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Mots-clés éditeurs : réforme de l’État, Base Adresse Nationale, État-plateforme, gouvernementalité numérique, communs numériques
Mise en ligne 11/02/2021
https://doi.org/10.3917/res.225.0151Notes
-
[1]
Je tiens à remercier Sylvain Parasie, les coordinateurs du numéro, les relecteurs de Réseaux, les doctorants des ateliers d’écriture du Medialab de Sciences Po et du Laboratoire Interdisciplinaire Sciences, Innovations, Société (LISIS) pour leurs précieuses remarques.
-
[2]
Googlemaps revendique un milliard d’utilisateurs mensuels en 2018. Source : https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1211137-les-20-chiffres-de-google/ (consulté le 25/11/2020). OSM annonce six millions d’utilisateurs et environ 45 000 contributeurs actifs en 2019. Source : https://wiki.openstreetmap.org/wiki/Stats (consulté le 25/11/2020).
-
[3]
Par institution : IGN (ancien directeur, responsable technique de la BAN et deux autres membres), La Poste (deux commerciaux du Service National de l’Adresse), Direction Inter-ministeriel du Numérique et de la Communication (ancien directeur, responsable de la BAN et fondateur de la BANO), Direction générale des Finances Publiques (responsable de la cellule topographique du Cadastre, son assistant technique et son assistant juridique), Assemblée nationale (députée rédactrice du rapport sur la donnée géographique souveraine de 2018), Gendarmerie nationale (responsable et assistant de la Section Information Géographique Opérationnelle), Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (conseiller du président), OpenStreetMap (président d’OSM France et membre d’OSM Royaume-Uni responsable de l’adresse), Service départemental d’incendie et de secours du 91 (chef du service cartographique), mairies (maire de la ville de Rully et responsable des données de la ville de Paris), Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Normandie (responsable de l’information géographique et de l’open data), Association française de l’information géographique (porte-parole) et finalement ancien responsable de la base adresse du Danemark.
-
[4]
Pour plus de détails, voir Groupe de Travail Adresse (2011) Pour une politique nationale de la donnée Adresse, décembre, AFIGEO.
-
[5]
Parmi les 10 principales sources qui utilisent la notion de « big data » entre 2000 et 2010, les sources de presse économiques sont majoritaires. Source : Factiva.
-
[6]
Voir notamment la directive SPI concernant la mise à disposition d’informations publiques (Parlement européen, 2003).
-
[7]
Les deux principales sources des textes qui mentionnent la notion d’« information géographique » sur Factiva depuis 1994 sont l’Union et la Commission européennes. Source : Factiva.
-
[8]
Voir annexe 1 de la directive.
-
[9]
Rapport Langagne (1999), rapport de la Commission nationale de l’information géographique (2002), rapport du Conseil général des technologies de l’information (2007), rapport du Conseil de l’orientation de l’édition publique (2012).
-
[10]
« La cartographie a été historiquement considérée comme un attribut de souveraineté. […] La dépendance informationnelle serait le premier pas vers la dépendance économique et politique » (Langagne, 1999).
-
[11]
La France compte un grand nombre de contributeurs par habitant par rapport à d’autres pays. Source : https://www.openstreetmap.org/stats/data_stats.html (consulté le 25/11/2020).
-
[12]
Terme qu’on peut définir comme une technique d’extraction du contenu de sites Web, via un programme, dans le but de le transformer pour permettre son utilisation dans un autre contexte.
-
[13]
Ainsi, m’explique-t-il, « le comparable avec Google c’est la Compagnie des Indes. Ils sont transétatiques, plus forts que bien des États, et capables d’infléchir (il tape sur la table plusieurs fois) le destin des États à leur avantage » (janvier 2020).
-
[14]
Comme il l’écrira dans sa lettre de démission : « J’ai rejoint la mission Etalab en 2014. Si j’ai accepté cette offre, c’est parce j’y retrouvais des valeurs essentielles : ouverture, transparence, approche disruptive, gouvernance horizontale, internalisation des compétences, vision à long terme. Cette mission rattachée au Premier ministre était à ma connaissance une des rares administrations réellement ouverte sur le monde extérieur […] » (archive, 21 février 2019).
-
[15]
Plus d’une trentaine de salariés de ce service de La Poste maintiennent la base adresse en interne.
-
[16]
cgtgeo. « La CGT de l’IGN demande audience au Premier Ministre sur la BAN », Blog du syndicat CGT OM de l’IGN. 2014. En ligne : https://cgtgeo.wordpress.com/2014/10/23/la-cgt-de-lign-demandeaudience-au-premier-ministre-sur-le-ban/ (consulté le 24/12/2019).
cgtgeo. « La base adresse de l’IGN en danger », Blog du syndicat CGT OM de l’IGN. 2014. En ligne : https://cgtgeo.wordpress.com/2014/09/25/la-base-adresse-de-lign-en-danger/ (consulté le 24/12/2019). -
[17]
Voir notamment la baisse de dotation de plusieurs millions d’euros suite à la décision de rendre le RGE gratuit pour les acteurs publics. Source : Rapport d’activité 2018 de l’IGN (2018).
-
[18]
Pour une synthèse sur la propriété des données publiques, voir Camus (2018).
-
[19]
Notons que la gratuité de l’information publique fait débat au sein de l’administration depuis la publication du rapport Levy-Jouyet sur « L’économie de l’immatériel, la croissance de demain » (2007).
-
[20]
Comme le stipule l’actuelle FAQ du site de la BAN, « seule la Licence ouverte https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence (consulté le 25/1/2020) permet d’alimenter la Base Adresse Nationale, le cadastre, l’INSEE et les principales solutions cartographiques et GPS du marché. Si une forme de protectionnisme peut être pertinente sur certaines données publiques, elle est exclue sur les adresses qui constituent une donnée fondamentale ». Source : https://adresse.data.gouv.fr/faq (consulté le 25/11/2020).
-
[21]
Source : www.economie.gouv.fr/republique-numerique (consulté le 25/11/2020).