Notes
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[1]
Voir, parmi de nombreux autres, Wellman (1982, p. 22), Wasserman et Faust (1994, p. 10), Scott (2012, pp. 29-34). Jacques Coenen-Huther écrit même que l’étude de Barnes « lui confère en quelque sorte les droits d’auteur sur le concept de “social network” » (1993, p. 35).
- [2]
-
[3]
Cette expérience de traduction collaborative n’aurait pas été possible sans les contributions décisives de toutes celles et tous ceux qui ont participé à ses différentes phases, depuis la discussion lexicale préparatoire jusqu’à la dernière relecture lors de la séance du séminaire « Re/lire les sciences sociales » du 8 avril 2013. Que soient donc ici remerciés Yann Calbérac, Johann Chaulet, Samuel Coavoux, Laurence Coutrot, Denis Eckert, Samuel Faure, Mélodie Faury, Sylvain Firer-Blaess, Pascal Froissart, Benoît Habert, Louis Lebrou, Sophie Lefranc-Morel, Grégoire Lits, Pierre Malgouyres, Célia Poulet, Mathilde Provansal, Guillaume Rouvière, Mark Traugott, et enfin Hélène Viot. Plusieurs d’entre eux ont également relu attentivement le présent article et y ont apporté des corrections et des améliorations précieuses, et je ne sais pas comment les remercier autrement qu’en les citant, pour certains, à nouveau : merci ou re-merci donc à Nathalie Chauvac, Benoît de l’Estoile, Alexis Ferrand, Samuel Faure et Pascal Froissart pour leurs relectures, et enfin à Hélène Viot pour sa contribution à la reconstitution de la tortueuse biographie académique de Barnes.
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[4]
Max Gluckman avait été un des trois directeurs de la thèse de Barnes, avec Edward Evans-Pritchard, et Meyer Fortes, auteur prolifique d’études sur la complexité de l’organisation sociale au Ghana.
-
[5]
Dans un long entretien réalisé en 1983 par Jack Goody, John Barnes raconte brièvement dans quelles circonstances il a décidé de se rendre en Norvège. Il y évoque son attirance pour la mer, un intérêt pour la sociologie de la pêche, et l’envie de changer d’aire d’influence religieuse, en passant du catholicisme au protestantisme luthérien. Cet entretien est disponible en ligne en vidéo et en transcription écrite : http://www.alanmacfarlane.com/DO/filmshow/barnes1_fast.htm, et le passage concernant la Norvège se situe dans la seconde partie, à partir de la 53e minute.
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[6]
La totalité de cette tradition n’est pas contenue dans cette note de bas de page : il faut y ajouter deux influences majeures, celles de Max Gluckman et d’Alfred Radcliffe-Brown, que Barnes a tous deux eus comme professeurs. Radcliffe-Brown proclamait ainsi dès 1940 que « l’étude des structures sociales ne se ramène […] pas exactement à celle des relations sociales, malgré la définition que donnent certains sociologues. Une relation sociale particulière entre deux personnes n’est qu’une partie d’un réseau plus vaste de relations sociales liant de nombreuses autres personnes : ce réseau constitue notre objet de recherche » (Radcliffe-Brown, 1972, p. 292).
-
[7]
C’est Moreno qui souligne. Sur l’importance de Moreno dans l’histoire de l’analyse des réseaux sociaux, voir notamment Freeman (2004).
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[8]
« The term “society” is also used for the whole social network which is an individual’s social environment. »
-
[9]
Pour une traduction française de l’étude de Milgram, voir Travers et Milgram (2000). Sur le problème du « petit monde » et ses nombreuses implications méthodologiques et théoriques, voir notamment Kochen (1989) et Watts (1999, 2003).
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[10]
Il faut ici mentionner en particulier Elizabeth Bott, qui suit les cours de Max Gluckman à Manchester en même temps que Barnes, et est également une des figures de l’analyse des réseaux : elle est l’une des premières, dans Family and Social Network (1957) à formaliser l’idée que les structures de relations pouvaient déterminer les comportements, et à formaliser une mesure d’une propriété de ces structures, en l’occurrence leur densité. Sur le rôle pionnier d’Elizabeth Bott, voir Freeman et Wellman (1995).
-
[11]
Barnes lui-même a bien utilisé ces « outils » en complément d’autres approches, et ses préoccupations ultérieures ne se sont pas exclusivement concentrées sur les réseaux sociaux. Après l’étude fondatrice sur Bremnes, tout en poursuivant ces travaux sur la question (voir par exemple Barnes, 1969b, 1969a, 1972), ses intérêts tendent vers la sociologie de la connaissance. En 1956, il part pour l’Australie et prend la chaire de sociologie de Sidney, avant de devenir professeur d’anthropologie et de sociologie à Canberra, de 1958 à 1969, et de contribuer à fonder l’Australian Institute of Aboriginal Studies. En 1969, il devient le premier titulaire d’une chaire de sociologie à Cambridge, puis retourne en Australie après sa retraite en 1982. John A. Barnes est décédé le 13 septembre 2010 en Angleterre, où il était revenu à la toute fin de sa vie. Outre ses travaux sur l’Afrique et la Norvège, Barnes laisse des études sur l’organisation sociale de deux régions de l’aire Pacifique (la Terre d’Arnhem et la Nouvelle-Guinée), l’analyse de réseaux sociaux, l’éthique professionnelle et la sociologie du mensonge.
- [12]
- [13]
- [14]
-
[15]
Ou plutôt en réalité d’un « tradusprint »,voir :
http://www.framablog.org/index.php/post/2011/09/26/tradaction-de-pour-un-web-ouvert. -
[16]
Etherpad (http://etherpad.org) ; ses deux principaux derivés, Framapad (http://framapad.org) en français et PiratePad en anglais (http://piratepad.net) ; WriteURL (http://www.writeurl.com)…
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[17]
Voir par exemple TLhub (http://tlhub.org), Traduxio (http://traduxio.hypertopic.org), WordFast Anywhere (http://www.freetm.com), Transifex.
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[18]
Google Documents a depuis été intégré à l’intérieur de Google Drive : http://drive.google.com. Une version non modifiable de ce document est consultable à cette adresse : https://docs.google.com/document/d/1Ub24WNcEIw9o3voezPtyYm4PxRgSMZ3RP7isH FaGwhs.
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[19]
Webchat Freenode : http://freenode.net.
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[20]
Pour une mesure exacte du temps de travail cumulé au cours de ce « traducthon », il conviendrait évidemment d’additionner les temps de travail individuels de chacun des traducteurs. Nous n’avons pas tenu une telle comptabilité, mais on peut estimer ce cumul, dans cette phase-là seulement de l’expérience, à une quarantaine d’heures au total.
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[21]
La traduction est un peu plus longue que le texte original, puisqu’elle compte presque 75 000 caractères, soit une augmentation de 25 % qui est conforme au taux de « foisonnement » classiquement observé en traduction de l’anglais vers le français.
1Si l’on ne prête attention qu’à leur vogue récente, les « réseaux sociaux » auraient été inventés il y a une dizaine d’années en Californie par les fondateurs de Friendster, MySpace, LinkedIn, et bien sûr Facebook et Twitter. Mais si on se fie au contraire à la perspective théorique et méthodologique dessinée par la plupart des ouvrages d’introduction à l’analyse des réseaux sociaux (Wasserman et Faust, 1994 ; Lazega, 1995; Degenne et Forsé, 2004 ; Mercklé, 2011 ; Scott, 2012), leur existence serait en réalité aussi ancienne que l’humanité elle-même : à partir du moment où il y a des interactions entre individus et entre entités sociales, il y a des réseaux sociaux. Les approches historiographiques (Lemercier, 2005) font l’hypothèse qu’il y en avait dans la France du XIXe siècle (Gribaudi et Blum, 1990), dans l’Italie du XVe siècle (Padgett et Ansell, 1993), voire dans la Rome antique (Alexander et Danowski, 1990) ou le Néolithique méditerranéen (Brysbaert, 2011). Il serait plus exact de dire en réalité que ces approches ont fait, depuis une vingtaine d’années, l’hypothèse qu’il était pertinent de penser et de représenter sous la forme de « réseaux sociaux » des structures de relations sociales aussi anciennes que celles de la Renaissance ou du Néolithique. Et il y aurait même un moment, historiquement déterminable, à partir duquel nous aurions découvert qu’il était possible de penser le monde social de cette façon-là : l’analyse des réseaux, quand elle se penche sur ses origines, a en effet pris l’habitude de considérer que c’est l’anthropologue britannique John Arundel Barnes qui a fait cette « découverte », et qu’il est le premier à avoir utilisé la notion de « réseau social » [1]. Où ? Dans ce fameux article de 1954 intitulé « Class and Committees in a Norwegian Island Parish » [2]. Six décennies après sa parution dans la revue Human Relations, nous en proposons ici pour la première fois une traduction en français, précédée de ce texte de présentation dans lequel nous voudrions dans un premier temps donner quelques indices du rôle qu’il a joué dans le développement de l’analyse des réseaux sociaux, et dans un second temps dire quelques mots de l’expérience inédite de traduction collaborative, en réseau justement, qui a permis de rendre désormais ce texte beaucoup plus facilement accessible à la communauté francophone des sciences sociales [3].
Barnes, un anthropologue à la « découverte » des réseaux sociaux
2John A. Barnes est né le 9 septembre 1918 à Reading (Angleterre). Particulièrement doué pour les mathématiques, il obtient en 1936 une bourse pour les étudier au Saint John’s College de Cambridge, mais la matière ne suscite en lui aucune vocation, et il en ressort en 1939 avec une licence... d’anthropologie. Après la Guerre (son goût de la mer et des voyages l’a conduit dans la Marine), il reprend les études d’anthropologie et dans le prolongement d’une spécialisation sur l’Afrique de l’Est, obtient un poste au Rhodes-Livingstone Institute, en Zambie. Sous la houlette de son mentor Max Gluckman [4], il y fait sa thèse, soutenue en 1951, sur l’organisation sociale des Ngoni, avant de retourner en Angleterre et de continuer ses apprentissages et ses terrains en anthropologie et en sociologie. C’est ainsi qu’il décide en 1952 de se rendre en Norvège [5], pour un séjour et un terrain au cours desquels il rédige ce fameux article.
3Que va chercher Barnes en Norvège ? Son objectif initial était de décrire le « fonctionnement du système des classes sociales » dans une communauté d’échelle moyenne, au sein d’une société complexe développée. Son choix se porte précisément sur Bremnes, une paroisse insulaire un peu au sud de Bergen qui comptait alors un peu moins de cinq mille habitants. Mais rapidement, force lui est de constater qu’en fait de stratification sociale, les habitants de l’île se considèrent en réalité presque tous comme appartenant à une vaste et unique classe moyenne. Comment l’expliquer ? Sur le terrain, il apparaît à l’anthropologue que les habitants de Bremnes appartiennent chacun à de nombreux groupes sociaux entrecroisés : certains sont à base territoriale ou administrative, d’autres à base économique (c’est le cas en particulier des différents équipages des bateaux de pêche), et d’autres enfin reposent sur le jeu des relations sociales. La clé de l’énigme, Barnes va la trouver dans cette troisième « sphère sociale », qu’il décrit ainsi dans ce passage qui lui vaut ce fameux « droit d’auteur » sur la notion de réseau :
« Chaque individu a un certain nombre d’amis, et ces amis ont leurs propres amis ; certains de ses amis se connaissent les uns les autres, et d’autres non. Il me semble approprié de parler de réseau pour désigner cette sphère sociale. L’image que j’ai en tête est celle d’un ensemble de points qui sont reliés par des lignes. Les points de cette image sont des individus, ou parfois des groupes, et les lignes indiquent quelles sont les personnes qui interagissent les unes avec les autres. »
5Et Barnes ajoute dans la note de bas de page associée à ce terme de « réseau » qu’il fait lui-même figurer en italiques :
« J’ai utilisé précédemment le terme de “toile”, en reprenant le titre du livre de M. Fortes, La toile de la parenté (The Web of Kinship among the Tallensi, 1949). Il a toutefois un inconvénient : la plupart des gens imaginent quelque chose comme une toile d’araignée, en deux dimensions, alors que j’essaie de donner l’image d’un concept multidimensionnel. Ce n’est là qu’une généralisation d’une convention graphique que les généalogistes ont utilisée pendant des siècles dans leurs arbres généalogiques. Parmi les autres transpositions récentes de cette convention figurent les “séquences” tribales de W. E. Armstrong (Rossel Island, 1928, p. 37), la “géographie psychologique” de Jacob L. Moreno (Who Shall Survive?, 1934, pp. 238-247, trad. fr. Fondements de la sociométrie, Paris, PUF, 1954), ou les “ensembles” de E. D. Chappie et C. S. Coon.
7John Barnes est-il réellement le premier à avoir ainsi « découvert » les réseaux ? Il ne le prétend pas : ce qui précède montre comment il s’inscrit de lui-même dans une importante tradition intellectuelle [6]. Et il n’est pas le premier non plus à avoir parlé de « réseaux sociaux » : une rapide recherche révèle assez facilement des occurrences antérieures à 1954, quelques-unes remontant même à la seconde moitié du XIXe siècle. Et dans la première moitié du XXe siècle, les exemples ne manquent pas de recours à la notion de réseau pour traduire certaines propriétés du monde social. Émile Durkheim lui-même a employé le terme : « Le monde est fait d’un nombre incalculable de réseaux qui unissent les choses et les êtres les uns aux autres », écrit-il ainsi dans la quatrième leçon de Pragmatisme et sociologie (1913-1914), où il a même l’intuition de la transitivité des relations, dans des termes qu’on va retrouver chez Barnes : « Les hommes sont enserrés dans de vastes réseaux de relations sociales. Ainsi, supposons que A connaît B, que B connaît C, que C connaît D : nous pouvons alors faire passer un message de A à D », écrit Durkheim. Le terme est présent aussi chez Jacob Moreno, que mentionne Barnes dans la note de page citée et qui est souvent considéré comme l’un des précurseurs les plus importants de l’analyse des réseaux : dans le chapitre des Fondements de la sociométrie consacré aux « courants psychologiques », il considère en effet que ces courants, faits de sympathies et d’hostilité, « ne franchissent pas au hasard les lignes du groupe et parfois même celles de la collectivité, ils dépendent de structures plus ou moins permanentes qui réunissent les individus en de larges réseaux [7] » (Moreno, 1954 [1934], p. 244).
8Barnes n’invente même pas le réseau « social » : Frederic Bartlett, par exemple, écrit dans The Study of Society (1939), que « le terme de société peut être utilisé pour désigner la totalité du réseau social qui constitue l’environnement social des individus » [8]. Mais c’est dit en passant, dans une note de bas de page. Le premier mérite de l’article de Barnes, ce qui en fait en quelque sorte son caractère inaugural, est là : il est un des premiers, sinon le premier, à faire de la notion de réseau social un usage non plus seulement métaphorique, mais à la fois empiriquement fondé et proprement analytique. En prenant, quoique de façon encore non formalisée, les structures des relations sociales comme objet spécifique et central, Barnes a en quelques pages lumineuses des intuitions précises d’un certain nombre de leurs propriétés fondamentales, que les développements ultérieurs de la sociologie des réseaux sociaux ont consacré ensuite plusieurs décennies à explorer, étayer et discuter empiriquement. Prenons seulement le fameux problème du « petit monde » : la tradition en attribue la formulation à Stanley Milgram (1967), dont l’expérience avait permis de faire l’hypothèse que dans les États-Unis des années 1960, chacun était relié à tous par des chaînes d’interconnaissance de longueurs variables [9]. En réalité, Barnes en a déjà jeté les fondements dans son article plus d’une décennie auparavant, quand il considère que le réseau social repose sur un entrelacs relationnel « qui relie tous les habitants de l’île les uns aux autres, mais qui les rattache également à des parents et des amis dispersés dans toute la Norvège occidentale, et même dans le monde entier ». Bien sûr, plutôt qu’un résultat établi quantitativement, il s’agit bien chez lui d’une hypothèse formulée à partir de l’observation ethnographique sur le terrain : il n’a pas interrogé systématiquement tous les habitants de Bremnes sur leurs relations ni effectué de relevé systématique de ces relations. Il n’empêche : le psychologue Milgram a « seulement » vérifié expérimentalement une propriété fondamentale des structures sociales qui avait déjà été « découverte » et observée ethnographiquement par l’anthropologue Barnes.
9Il aura fallu soixante ans pour que l’article séminal de John A. Barnes soit traduit en français. Entre-temps, l’analyse des réseaux sociaux s’est constituée en un véritable courant méthodologique et théorique, en empruntant des voies constitutives de traditions parfois divergentes (Eve, 2002), l’une s’inscrivant dans le prolongement des méthodes ethnographiques mises en œuvre par Barnes (en France par exemple : Gribaudi, 1998 ; Bidart, 1997, 2008 ; Bidart, Degenne et Grossetti, 2011), et l’autre en revanche mathématisée et porteuse de fortes ambitions paradigmatiques. Cette seconde tradition, à laquelle on assimile aujourd’hui souvent la totalité de l’analyse des réseaux, que doit-elle à Barnes ? Si on considère (Mercklé, 2011) qu’elle repose fondamentalement sur une articulation originale des apports de la sémiologie graphique, de la théorie des graphes et du calcul matriciel, il faut bien reconnaître que l’article de Barnes ne repose sur aucun de ces trois ressorts-là, pas directement en tout cas. De son petit bagage mathématique, Barnes ne tirait aucune obsession pour les statistiques – il s’en amusait d’ailleurs dans la conclusion de son ouvrage sur la sociologie du mensonge (A Pack of Lies, 1994), fondé sur une approche entièrement qualitative. Il n’empêche : le mérite de Barnes – et de celles et ceux qui vont l’accompagner [10] et le suivre, y compris donc en empruntant des voies divergentes – est bien d’avoir pris au sérieux la notion de réseau. Là où le « schème causal » (Berthelot, 1990) dominant en sociologie continue de se concentrer sur l’analyse des « variations concomitantes » entre indicateurs d’appartenance à différentes catégories sociales toujours fondées sur la similarité ou la proximité d’individus en fonction d’un ou plusieurs de leurs attributs « individuels », Barnes augmente l’espace des possibles méthodologiques et épistémologiques [11]. Il est celui qui a autorisé à se demander si on ne pouvait pas se doter d’outils, de concepts, de méthodes supplémentaires, qui prendraient au sérieux cette idée que le social est constitué d’ensembles de relations, et qui permettraient de l’appréhender, le décrire, l’analyser et l’interpréter comme tel… D’une certaine façon, toute l’histoire de l’analyse des réseaux naît de cette ouverture.
Traduire Barnes ensemble : une expérience inédite de traduction collaborative en sciences sociales
10Ce qui précède suffit certainement à éclairer un étonnement collectif devant l’absence de traduction française de cet article fondateur de l’analyse des réseaux, sinon à rendre compte entièrement des mécanismes explicatifs de cette absence (Popa et Sapiro, 2008) et du caractère somme toute très récent de cet étonnement. Quoi qu’il en soit, le choix que nous avons fait de le traduire en français naît d’abord de la double conviction qu’il s’agit bien d’un texte fondamental, et que la traduction en facilitera la lecture par le public francophone. L’accès en sera par exemple facilité pour des étudiants de premier cycle universitaire à qui il peut être parfois moins aisé de faire lire des articles en anglais, et plus généralement, la version électronique de la traduction sera beaucoup plus facilement accessible dans les établissements d’enseignement supérieur français que l’article original, dont les droits continuent d’appartenir à un éditeur dont le « bouquet » est extrêmement onéreux, et à ce titre rarement consultable dans nos bibliothèques. Ce ne sont là évidemment que quelques raisons parmi de nombreuses autres de défendre ainsi, par nos propres contributions à la traduction en actes, une francophonie en actes dans les sciences sociales… Mais il y a plus : l’objet même de l’article – les réseaux sociaux – constituait une évidente invitation à remédier à l’absence de traduction d’une façon particulière, probablement inédite dans les sciences sociales francophones. Il nous a semblé en effet qu’un moyen possiblement fécond d’amener une communauté scientifique nationale, organisée autour de l’analyse des réseaux sociaux, à s’approprier ou se réapproprier un de ses textes fondateurs était justement de le traduire de façon collaborative, d’une part en s’appuyant sur la mise en relation des ressources dispersées dans les réseaux francophones de l’analyse des réseaux, et d’autre part en multipliant les expérimentations d’usages des médias sociaux au service de cette appropriation collective d’un texte.
Un « traducthon »
11L’opération, baptisée « Traduire Barnes ensemble ! », s’est déroulée en trois temps au cours de l’année 2012 : en amont du travail de production proprement dit, il a fallu acquérir les droits de traduction de l’article de Barnes auprès de Sage, qui est l’éditeur de Human Relations, la revue dans laquelle il était initialement paru. Puisque l’expérience devait être collaborative, il fallait qu’elle le fût dès le départ : nous avons payé ensemble l’achat des droits, en rassemblant le montant demandé en quatre heures seulement grâce à un système de cagnotte en ligne habituellement utilisé pour gérer les contributions collectives aux cadeaux d’anniversaire ou de départ en retraite [12]. Dans cette première phase, nous avons également utilisé un outil d’analyse textuelle disponible en ligne [13] pour recenser les mots les plus fréquemment utilisés dans l’article. L’objectif en était de faciliter en amont de la traduction proprement dite une discussion permettant de parvenir à un lexique collaboratif [14] stabilisant une entente autour des traductions possibles des concepts centraux de l’article, afin de prévenir les effets potentiellement dispersifs de la traduction collective dans ce domaine : parish (47 occurrences), mais aussi field (18), vessel (13) et surtout committee (15) nous ont ainsi donné du fil à retordre et nourri des débats entre sociologues, géographes, historiens ou encore linguistes ainsi rassemblés.
Le lexique : Committee (15 occurrences)
Le lexique : Committee (15 occurrences)
12Le temps central de l’opération était évidemment celui de la traduction elle-même. L’idée que nous avions en tête était celle d’un « traducthon » [15] : pendant une journée, autrement dit une période extrêmement courte dans le temps, il s’agissait de rassembler, à la fois en face-à-face et en ligne, un nombre aussi important que possible de personnes pour traduire ensemble l’article en français. Cette façon de faire, si elle commence à faire quelques émules parmi en particulier les informaticiens (qui traduisent ainsi des manuels de programmes), est pratiquement inédite en matière de traduction de textes scientifiques, et a fortiori de textes de sciences sociales. Cela explique probablement une partie de nos difficultés initiales à identifier un dispositif technique parfaitement adapté à la traduction collaborative en ligne d’un tel texte. L’outil devait en effet permettre à un nombre potentiellement important (dans notre cas, jusqu’à une vingtaine de personnes) d’écrire simultanément dans le même document, tout en affichant sur le même écran, de la façon la plus ergonomique possible, à la fois le texte à traduire et sa traduction en cours de réalisation. Il devait également, dans l’idéal, permettre de conserver de façon aussi détaillée que possible l’historique des contributions à la traduction et des différentes révisions successives dont elle aurait été le produit, et offrir également un outil de communication entre les contributeurs qui soit intégré à cet espace de travail collaboratif de façon aussi ergonomique que possible. Nous avions dans un premier temps pensé utiliser un « pad », autrement dit un de ces outils collaboratifs de prise de notes et d’écriture de textes en ligne dérivés du modèle proposé depuis 2008 par Etherpad [16]. Ces outils remplissaient parfaitement presque tous les critères, sauf un, crucial pour nous : ils ne permettaient pas de disposer l’espace de travail en plusieurs colonnes, ce qui aurait obligé soit à intercaler la traduction en français à l’intérieur du texte original, soit à effacer le texte original en le remplaçant au fur et à mesure par sa traduction. Nous avons ensuite imaginé recourir à un outil dédié spécifiquement à la traduction collective, comme il commence à en apparaître quelques-uns [17], mais ils sont encore relativement lourds à mettre en œuvre dans une communauté de traducteurs non professionnels, et le mode collaboratif n’est pas forcément au cœur de leurs dispositifs (difficultés à travailler à plusieurs simultanément sur le même texte, pas de couleurs par participant, pas d’outil de conversation, ou pas d’historique des modifications…). Nous avons donc finalement opté pour l’éditeur de textes collaboratif intégré à l’intérieur de Google Documents [18], à partir duquel nous avons donc créé un document librement modifiable et constitué d’un tableau disposé en trois colonnes et autant de lignes que de phrases dans le texte original : la première colonne, qui était la seule remplie au début de la journée, accueillait le texte original ; la deuxième colonne était destinée à accueillir la traduction en français ; et la troisième colonne était destinée à la discussion, aux commentaires, à l’archivage des révisions.
13Le « traducthon », commencé le 9 mars 2012 à dix heures du matin, s’est achevé moins de six heures plus tard. Au total, presque une vingtaine de personnes ont participé à cette expérience de traduction collaborative ouverte, soit en rejoignant les deux équipes de traducteurs et traductrices réunis physiquement, l’un à l’ENS de Lyon (quatre personnes) et l’autre à l’Université de Toulouse Le Mirail (trois personnes), soit à distance depuis leur domicile ou leur lieu de travail en France, aux États-Unis ou en Suède. En l’absence délibérée de répartition a priori de sections du texte entre les participants (ne serait-ce que pour permettre à chacun de rejoindre ou au contraire de quitter l’expérience librement), il a d’abord fallu quelques tâtonnements avant de procéder à une division efficace du travail. Assez rapidement, des formes différentes, mais complémentaires, de division du travail se sont mises en place. Des territoires se sont constitués, au sein desquels les différents traducteurs s’appropriaient des portions plus ou moins longues de l’article de Barnes, certains préférant travailler à l’échelle de la phrase, puis passer ensuite à la phrase non encore traduite suivante, et d’autres préférant s’approprier de plus longues portions, à l’échelle du paragraphe ou de la sous-partie, par exemple en les marquant de leurs initiales dans la colonne réservée aux commentaires.
14Des formes de collaboration se sont également développées assez spontanément entre traducteurs travaillant sur des portions contiguës du texte (par exemple sur des phrases différentes à l’intérieur d’un même paragraphe), voire dans certains cas travaillant ensemble sur les mêmes phrases. Dans l’ensemble, l’éditeur de texte de Google, bien qu’il ne fût pas destiné à l’usage particulier que nous en avons fait, s’est révélé assez bien adapté à nos attentes, en particulier grâce à la possibilité qu’il offrait de structurer le document sous la forme d’un tableau à plusieurs colonnes. Il s’est toutefois montré moins performant qu’un « pad » pour conserver l’historique des contributions et pour permettre d’identifier facilement les auteurs de celles-ci. En outre, en raison de la longueur du document et du nombre de participants, nous avons connu quelques « plantages » qui, au milieu de la journée en particulier, ont nui à la fluidité du travail collectif, en contraignant quelques-uns des traducteurs à jongler entre écriture hors ligne et écriture en ligne. Enfin, il faut absolument ajouter que dans la mesure où ils n’offraient pas de fonctionnalité satisfaisante en la matière, les processus d’ajustement puis de collaboration et de discussion décrits plus haut ont rapidement imposé le recours concomitant à un IRC (« Internet Relay Chat ») pour alimenter de façon performante l’indispensable conversation en ligne [19].
Le traducthon
Le traducthon
Le Chat
Quelques leçons pour la traduction collaborative en sciences sociales
15En moins de six heures [20], l’expérience avait permis de passer d’une page blanche à la traduction complète en français d’un article de sciences sociales en anglais d’une longueur d’une vingtaine de pages et d’environ soixante mille signes [21]. Mais aussi rapide et spectaculaire que paraisse le processus ayant permis de produire ce résultat, force nous a été très rapidement de reconnaître que l’hétérogénéité de la traduction ainsi obtenue imposait un troisième temps à l’expérience : celui de la relecture et de la correction. Ce troisième temps, qui a été long, s’est effectué sur le même support, mais cette fois sous la forme un peu plus classique d’une collaboration « asynchrone » ouverte – le texte en chantier restait librement accessible à tous en ligne – additionnant dans le temps les contributions parallèles ou successives des traducteurs originaux et de nouveaux relecteurs. Il a permis de réduire progressivement à la fois l’hétérogénéité « verticale » (le groupe initial de traducteurs rassemblait, sur le principe du volontariat le plus ouvert, des compétences disparates en matière de traduction comme en matière de sciences sociales et d’analyse des réseaux) du texte et son hétérogénéité « horizontale » : ainsi, malgré la discussion lexicale préalable à la traduction proprement dite, et malgré l’intensité de la conversation en face-à-face et en ligne pendant la traduction, il a fallu du temps et de la patience pour finir notamment par détecter des disparités encore importantes (variations de traduction de termes importants, choix des temps, longueur des phrases…), mais aussi plus généralement pour lui donner la cohérence stylistique qui semblait encore lui faire défaut à l’issue de la deuxième phase.
16Il nous semble qu’il est possible de tirer de cette expérience relativement inédite un certain nombre de leçons importantes pour les développements à venir en matière de traduction collaborative en sciences sociales, que nous voudrions rassembler ici rapidement pour finir. Tout d’abord, elle a clairement le mérite d’avoir produit un résultat qui facilitera l’accès d’un plus grand nombre de personnes à un texte fondateur dans le domaine des sciences sociales des réseaux, ce qui n’est pas négligeable. Cela dit, il convient de reconnaître que le temps de travail total accumulé pour parvenir à ce résultat a certainement dépassé de très loin celui qui aurait été nécessaire à un traducteur confirmé en sciences sociales pour parvenir à un texte sûrement un peu meilleur. Mais au final, on risquerait de manquer l’essentiel si on ne mesurait la productivité de la traduction collaborative qu’à l’aune de son résultat le plus tangible – le texte obtenu. La communauté de traducteurs ainsi rassemblée n’a pas produit seulement un texte, elle s’est en quelque sorte produite elle-même : d’abord elle a doté ses membres d’une connaissance intime de l’article de John Barnes, à laquelle nos modes de lecture habituels des textes de sciences sociales (souvent dans l’urgence du travail et en fonction des intérêts scientifiques spécifiques du moment) ne nous permettent que très exceptionnellement d’accéder ; ensuite, elle les a concrètement constitués eux-mêmes justement en un réseau social organisé autour de cette activité spécifique, en établissant, rétablissant ou renforçant des relations que le troisième temps de relecture – aussi laborieux qu’il ait pu être – a du reste largement contribué à prolonger bien au-delà du seul moment de l’expérience proprement dite.
17Mais on l’a compris, la combinaison de ce type d’externalités éminemment positives pour les sciences sociales avec l’obtention d’une traduction de qualité ne peut être que facilitée par une attention soutenue à un certain nombre de conditions de l’expérience, que nous voudrions une dernière fois rappeler à la fois à ceux qui voudraient la tenter à leur tour, et à ceux qui auraient la bonne idée d’essayer de développer de meilleurs supports techniques au service de la traduction collaborative ouverte. Tout d’abord, le plein bénéfice ne peut être obtenu que par un recours intensif à la conversation tout au long des différents temps du processus ; et de ce point de vue, il y a un intérêt évident à combiner le travail en coprésence, par le rassemblement dans un certain nombre de lieux physiques d’équipes même réduites de traducteurs, et la participation à distance. Ensuite, le travail de traduction proprement dit doit être précédé d’un travail de préparation permettant de construire des consensus autour d’un certain nombre de choix fondamentaux, en particulier autour du lexique, et il doit être suivi d’un travail important de relecture ; ces trois moments de l’expérience doivent être aussi rapprochés et courts que possible, et il faut veiller en particulier à ce que le temps de la relecture puisse se dérouler aussi immédiatement que possible après celui de la traduction, en prévoyant par exemple d’emblée de mobiliser les traducteurs sur deux jours consécutifs. Enfin, sur le plan technique, la qualité de la traduction et les bénéfices en matière de gestion de communauté ne pourront qu’être améliorés par la possibilité de recourir à des outils numériques tenant mieux la charge que celui que nous avons utilisé, et intégrant comme pleinement fonctionnelles des fonctions d’édition collaborative de documents multicolonnes, des fonctions d’annotation et de commentaire, d’identification des contributions, de conservation des révisions, et un outil performant de conversation.
18Il y a fort à parier que les lectures et les usages à venir de la traduction française de l’article de John A. Barnes ainsi obtenue deviendront rapidement dans leur grande majorité indifférents aux conditions particulières de l’expérimentation qui a permis d’importer dans la communauté francophone ce texte fondateur pour l’analyse des réseaux. Ces usages, très légitimement, se soucieront principalement de la qualité de la traduction. Il n’empêche : notre conviction à l’issue de cette expérimentation est bien que la circulation des textes et des idées, du moins aux conditions évoquées dans ce qui précède, ne peut que bénéficier du développement de ce genre d’entreprises, de façon aussi collaborative et aussi ouverte que possible. Dans le cas de cet article, cette ouverture aura permis à quelques-uns des traducteurs amateurs issus des différents domaines des sciences humaines et sociales, mais aussi à des traducteurs extérieurs à la communauté académique, de « découvrir » à leur tour les réseaux sociaux, soixante ans après Barnes. Qu’un plus grand nombre encore puisse désormais également en découvrir en langue française un des fondements empiriques et théoriques les plus importants, et nous pourrons considérer cette expérience comme en grande partie réussie.
Bibliographie
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- WELLMAN Barry (1982), “Structural analysis: from method and metaphor to theory and substance”, in Stephen D. Berkowitz (Ed.), An Introduction to Structural Analysis, Toronto, Butterworths, pp. 19-61.
Notes
-
[1]
Voir, parmi de nombreux autres, Wellman (1982, p. 22), Wasserman et Faust (1994, p. 10), Scott (2012, pp. 29-34). Jacques Coenen-Huther écrit même que l’étude de Barnes « lui confère en quelque sorte les droits d’auteur sur le concept de “social network” » (1993, p. 35).
- [2]
-
[3]
Cette expérience de traduction collaborative n’aurait pas été possible sans les contributions décisives de toutes celles et tous ceux qui ont participé à ses différentes phases, depuis la discussion lexicale préparatoire jusqu’à la dernière relecture lors de la séance du séminaire « Re/lire les sciences sociales » du 8 avril 2013. Que soient donc ici remerciés Yann Calbérac, Johann Chaulet, Samuel Coavoux, Laurence Coutrot, Denis Eckert, Samuel Faure, Mélodie Faury, Sylvain Firer-Blaess, Pascal Froissart, Benoît Habert, Louis Lebrou, Sophie Lefranc-Morel, Grégoire Lits, Pierre Malgouyres, Célia Poulet, Mathilde Provansal, Guillaume Rouvière, Mark Traugott, et enfin Hélène Viot. Plusieurs d’entre eux ont également relu attentivement le présent article et y ont apporté des corrections et des améliorations précieuses, et je ne sais pas comment les remercier autrement qu’en les citant, pour certains, à nouveau : merci ou re-merci donc à Nathalie Chauvac, Benoît de l’Estoile, Alexis Ferrand, Samuel Faure et Pascal Froissart pour leurs relectures, et enfin à Hélène Viot pour sa contribution à la reconstitution de la tortueuse biographie académique de Barnes.
-
[4]
Max Gluckman avait été un des trois directeurs de la thèse de Barnes, avec Edward Evans-Pritchard, et Meyer Fortes, auteur prolifique d’études sur la complexité de l’organisation sociale au Ghana.
-
[5]
Dans un long entretien réalisé en 1983 par Jack Goody, John Barnes raconte brièvement dans quelles circonstances il a décidé de se rendre en Norvège. Il y évoque son attirance pour la mer, un intérêt pour la sociologie de la pêche, et l’envie de changer d’aire d’influence religieuse, en passant du catholicisme au protestantisme luthérien. Cet entretien est disponible en ligne en vidéo et en transcription écrite : http://www.alanmacfarlane.com/DO/filmshow/barnes1_fast.htm, et le passage concernant la Norvège se situe dans la seconde partie, à partir de la 53e minute.
-
[6]
La totalité de cette tradition n’est pas contenue dans cette note de bas de page : il faut y ajouter deux influences majeures, celles de Max Gluckman et d’Alfred Radcliffe-Brown, que Barnes a tous deux eus comme professeurs. Radcliffe-Brown proclamait ainsi dès 1940 que « l’étude des structures sociales ne se ramène […] pas exactement à celle des relations sociales, malgré la définition que donnent certains sociologues. Une relation sociale particulière entre deux personnes n’est qu’une partie d’un réseau plus vaste de relations sociales liant de nombreuses autres personnes : ce réseau constitue notre objet de recherche » (Radcliffe-Brown, 1972, p. 292).
-
[7]
C’est Moreno qui souligne. Sur l’importance de Moreno dans l’histoire de l’analyse des réseaux sociaux, voir notamment Freeman (2004).
-
[8]
« The term “society” is also used for the whole social network which is an individual’s social environment. »
-
[9]
Pour une traduction française de l’étude de Milgram, voir Travers et Milgram (2000). Sur le problème du « petit monde » et ses nombreuses implications méthodologiques et théoriques, voir notamment Kochen (1989) et Watts (1999, 2003).
-
[10]
Il faut ici mentionner en particulier Elizabeth Bott, qui suit les cours de Max Gluckman à Manchester en même temps que Barnes, et est également une des figures de l’analyse des réseaux : elle est l’une des premières, dans Family and Social Network (1957) à formaliser l’idée que les structures de relations pouvaient déterminer les comportements, et à formaliser une mesure d’une propriété de ces structures, en l’occurrence leur densité. Sur le rôle pionnier d’Elizabeth Bott, voir Freeman et Wellman (1995).
-
[11]
Barnes lui-même a bien utilisé ces « outils » en complément d’autres approches, et ses préoccupations ultérieures ne se sont pas exclusivement concentrées sur les réseaux sociaux. Après l’étude fondatrice sur Bremnes, tout en poursuivant ces travaux sur la question (voir par exemple Barnes, 1969b, 1969a, 1972), ses intérêts tendent vers la sociologie de la connaissance. En 1956, il part pour l’Australie et prend la chaire de sociologie de Sidney, avant de devenir professeur d’anthropologie et de sociologie à Canberra, de 1958 à 1969, et de contribuer à fonder l’Australian Institute of Aboriginal Studies. En 1969, il devient le premier titulaire d’une chaire de sociologie à Cambridge, puis retourne en Australie après sa retraite en 1982. John A. Barnes est décédé le 13 septembre 2010 en Angleterre, où il était revenu à la toute fin de sa vie. Outre ses travaux sur l’Afrique et la Norvège, Barnes laisse des études sur l’organisation sociale de deux régions de l’aire Pacifique (la Terre d’Arnhem et la Nouvelle-Guinée), l’analyse de réseaux sociaux, l’éthique professionnelle et la sociologie du mensonge.
- [12]
- [13]
- [14]
-
[15]
Ou plutôt en réalité d’un « tradusprint »,voir :
http://www.framablog.org/index.php/post/2011/09/26/tradaction-de-pour-un-web-ouvert. -
[16]
Etherpad (http://etherpad.org) ; ses deux principaux derivés, Framapad (http://framapad.org) en français et PiratePad en anglais (http://piratepad.net) ; WriteURL (http://www.writeurl.com)…
-
[17]
Voir par exemple TLhub (http://tlhub.org), Traduxio (http://traduxio.hypertopic.org), WordFast Anywhere (http://www.freetm.com), Transifex.
-
[18]
Google Documents a depuis été intégré à l’intérieur de Google Drive : http://drive.google.com. Une version non modifiable de ce document est consultable à cette adresse : https://docs.google.com/document/d/1Ub24WNcEIw9o3voezPtyYm4PxRgSMZ3RP7isH FaGwhs.
-
[19]
Webchat Freenode : http://freenode.net.
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[20]
Pour une mesure exacte du temps de travail cumulé au cours de ce « traducthon », il conviendrait évidemment d’additionner les temps de travail individuels de chacun des traducteurs. Nous n’avons pas tenu une telle comptabilité, mais on peut estimer ce cumul, dans cette phase-là seulement de l’expérience, à une quarantaine d’heures au total.
-
[21]
La traduction est un peu plus longue que le texte original, puisqu’elle compte presque 75 000 caractères, soit une augmentation de 25 % qui est conforme au taux de « foisonnement » classiquement observé en traduction de l’anglais vers le français.