Réseaux 2012/5 n° 175

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Article de revue

La fin de la télévision ?

Recomposition et synchronisation des audiences de la télévision de rattrapage

Pages 43 à 82

Notes

  • [1]
    Cette évolution revêt bien sûr des temporalités différentes. Dès les années 1960, en Angleterre, la BBC fait l’objet de critiques quant à la capacité de ses programmes à refléter la diversité de la société, et donc de celle de ses programmateurs à réaliser mieux que le marché la promesse du « informer, éduquer, divertir » (Morrisson, 2009).

1Le développement du numérique permet de nouvelles formes d’offre et de consommation de contenus télévisuels. Les programmes de flux sont de plus en plus disponibles sous forme de stock, en « rattrapage » ou catch-up pour une durée plus ou moins longue. Ils sont consommables sur un nombre croissant de supports, de l’écran de télévision au téléphone mobile, en passant par l’ordinateur personnel et la tablette. En outre, le numérique abaisse les barrières à l’entrée de la diffusion, et favorise l’émergence de nouvelles chaînes (TNT) et de nouvelles formes d’offres de contenus vidéo (Web TV, « chaînes » sur les plates-formes de partage vidéo, etc.). Le téléspectateur actuel est donc face, non seulement à un ensemble de flux télévisuels, mais aussi à un catalogue très large de contenus télévisuels, dans lequel il peut naviguer à sa guise. Il peut choisir de consommer ce qu’il veut, quand il le veut, affranchi tout à la fois de la contrainte de rareté et de temporalité qui caractérisait la télévision.

2Ces changements du dispositif technique affectent potentiellement la nature même de l’expérience télévisuelle, définie comme le fait de regarder un contenu choisi et diffusé par un programmateur, en même temps qu’un certain nombre d’autres téléspectateurs. Les technologies numériques amplifient et radicalisent un mouvement de transformation de la télévision, amorcé durant les années 1980, qui va « du même vers le différencié, et du ensemble vers le séparément » (Katz, 2009). L’accélération de ce mouvement conduit d’ailleurs une partie des sociologues de la télévision à parler de la « fin de la télévision » (Missika, 2006 ; Katz, Scannel, 2009). Ce constat est dressé en référence à un âge d’or de la télévision situé historiquement de l’après-guerre aux années 1970. Il s’accompagne souvent d’inquiétudes sur la perte du rôle socialisateur et intégrateur de la télévision dans les sociétés démocratiques différenciées. Cependant, il reste relativement peu étoffé empiriquement : souvent, les analyses supposent que les possibilités techniques de consommation à la demande se traduisent effectivement par la diversification et la désynchronisation des consommations télévisées. On peut néanmoins supposer que différentes forces sont à même de maintenir des formes de concentration de l’attention sur certains contenus télévisuels, depuis la capacité d’attraction de l’événement jusqu’au pouvoir prescripteur de la programmation des industries culturelles. En outre, les formats de consommation numériques ont également des propriétés susceptibles de générer non pas de la dispersion, mais des fortes concentrations de l’attention collective, comme en témoignent les phénomènes de « buzz ». In fine, la question de la fin de la télévision, comme expérience de consommation contrainte et collective, est une question empirique, que nous nous proposons d’adresser dans cet article.

3Nous commençons par présenter une synthèse de la littérature sur la « fin de la télévision », et ses conséquences attendues au regard des effets observés de la télévision sur nos sociétés. Nous présentons ensuite la méthodologie d’extraction des données de mesure des audiences en ligne. Les deux parties suivantes répondent aux questions empiriques que nous soulevons sur les effets de concentration et de désynchronisation de la catch-up. Nous verrons que, dans l’ensemble, la consommation en ligne se révèle plutôt plus concentrée que celle de la télévision classique, et que la consommation télévisuelle à la demande d’un produit se montre proche temporellement de sa diffusion hertzienne. Ces deux grands constats doivent bien sûr être nuancés selon les caractéristiques de l’offre et la nature des contenus : une dernière partie identifie ainsi, à partir d’études de cas de différents programmes, trois logiques distinctes de consommation télévisuelle à la demande.

La fin de la télévision ?

4Suivant Katz (2009), pour analyser les évolutions de la télévision, il convient de la définir comme la combinaison de quatre dimensions : (1) un dispositif technique de diffusion, (2) encastré dans des institutions sociales (règles et organisations), (3) produisant un répertoire de contenus, (4) reçus dans certaines situations typiques de contact. Pour prendre la mesure de ces évolutions et contextualiser les analyses et inquiétudes actuelles, il est utile de retracer ce que fut l’âge d’or de la télévision, avant de décrire sa transformation progressive jusqu’aux nouveaux bouleversements induits par la numérisation.

L’âge d’or de la télévision

5La télévision prend, au cours des années 1950, une forme cohérente du point de vue des quatre dimensions évoquées ci-dessus, qui se maintient jusqu’au tournant des années 1970-80. Cet âge de la télévision se définit par :

  • une technique de diffusion hertzienne qui induit une contrainte de rareté de l’offre ;
  • encadrée par un quasi-monopole de diffusion, aux mains d’acteurs publics ou fortement encadrés par les pouvoirs publics ;
  • chargés de diffuser des contenus dont la fonction est d’« informer, éduquer, divertir » ;
  • à destination d’audiences nationales dispersées dans les foyers et réunies autour du poste de télévision (Katz, 2009).
Cette combinaison définit la télévision classique, qui fait l’objet des premières analyses sociologiques, et à l’aune de laquelle la télévision actuelle est encore souvent évaluée. Si les temporalités comme les modalités sont légèrement différentes selon les pays (on s’intéresse ici aux cas des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France, qui ont fait l’objet des travaux les plus nombreux), les traits généraux sont partagés par les différentes configurations nationales. Lotz (2009), s’inspirant de Spigel (2004), définit la télévision américaine de « l’ère des grands réseaux nationaux » comme diffusant des contenus sur des thèmes généraux et universels, pour une audience hétérogène ; les contenus sont peu différenciés entre les trois chaînes, et l’activité du téléspectateur se limite à se connecter au flux. Symétriquement, dans le cas de la Grande-Bretagne, Lunt (2009) rappelle que la télévision des années 1950-60 avait pour fonction d’« informer, éduquer, distraire », en arbitrant entre la nécessité de varier les programmes eu égard à la diversité de la société, et celle d’offrir des contenus universels regardables par tous.

6Les recherches sur cette télévision de l’âge d’or mettent souvent en avant ses effets intégrateurs, c’est-à-dire sa capacité à renforcer le lien social et le sentiment d’appartenance à la société-nation des téléspectateurs. Une première dimension intégratrice est résumée par le concept de « sharedness » (Dayan, 2009) : la rareté des contenus, et leur réception coordonnée, font que les téléspectateurs reçoivent tous les mêmes programmes au même moment ; ils sont en outre, dans une certaine mesure, conscients de cette dimension partagée, et forment ainsi un « presque-public » (Dayan, 2000). Les téléspectateurs étant réunis autour d’un même contenu au même moment, la télévision classique avait ainsi la capacité de « connecter les centres aux périphéries », en offrant une réception coordonnée aux différentes zones du territoire et du corps social (Dayan, 2009).

7De par cette dimension partagée, la télévision classique remplit en outre un rôle d’agencement de l’espace public. Reprenant les termes d’Hannah Arendt, Dayan décrit l’espace public comme une table sur laquelle sont posés un certain nombre (limité) d’objets. Ce que permet la télévision centrale, c’est la focalisation de l’attention collective autour de ces objets, et la constitution d’un agenda partagé des problèmes publics d’une société. Autrement dit, de ce point de vue, la télévision (classique) joue un rôle essentiel dans le fonctionnement des démocraties de masse, en permettant la coordination de l’attention et des énergies autour d’un nombre limité de questions politiques et sociales (Wolton, Missika, 1983).

8Le « sharedness » a également une dimension intégratrice, en ce qu’il permet légitimement aux téléspectateurs de supposer que les autres membres de la société ont regardé les mêmes programmes. Regarder la télévision étant une expérience culturelle partagée, ses programmes peuvent fonctionner comme des « jetons » (tokens) pour les conversations ordinaires, et faciliter le lien social ordinaire dans des sociétés différenciées. Cet effet a pu être appelé le « water-cooler effect », les programmes télévisés permettant d’alimenter les conversations dans les rencontres fortuites telles que celles qui s’organisent autour des fontaines à eau des entreprises, ou dans tout lieu réunissant des individus à l’intimité et à la culture partagée réduite (Spigel, 2004 ; Lozt, 2009). Les études empiriques montrent effectivement que les programmes télévisés sont le support de conversations multiples, à partir desquelles s’élabore, dans certaines configurations, une opinion publique locale (Boullier, 2004).

9Outre une réception coordonnée, la télévision classique fournissait en outre, d’après ses analystes, une énonciation responsable, une forme de prise en charge et de clôture du monde. Blondheim et Liebes (2009) soulignent la capacité de la télévision classique, du journal télévisé en particulier, à assurer un équilibre entre l’objectif d’aviser les citoyens sur les dangers du monde extérieur, et celui de leur signaler que celui-ci est sous contrôle : « the evening news in its heyday had achieved a delicate balance between threat and trust ». Outre les formats spécifiques d’énonciation, ceci n’est possible que dans la mesure où il n’existe qu’un nombre limité et convergent de sources d’informations télévisées.

10Un dernier mécanisme intégrateur de la télévision classique partagée mérite d’être souligné : les programmes télévisés, de fiction comme documentaires, ont donné accès à l’ensemble des téléspectateurs à des univers dont ils étaient auparavant exclus. Ils ont montré aux hommes les univers traditionnellement réservés aux femmes (et réciproquement), ont donné aux enfants des aperçus de l’univers des adultes, et présenté aux citoyens leurs candidats et leurs élus sous un angle beaucoup plus rapproché (Meyerowitz, 2009).

11L’ensemble de ces mécanismes conduit à considérer la télévision classique, celle des contenus limités et de la réception partagée, comme un facteur d’intégration du corps social, voire comme un élément essentiel du fonctionnement de la démocratie dans des sociétés différenciées (Katz, 2009 ; Wolton, 1990).

La fragilisation de la télévision classique

12Cette télévision classique est remise en cause, au tournant des années 1970-80, par des évolutions conjointes affectant les différentes dimensions du média. Du point de vue du dispositif technique, s’ajoutent à la diffusion hertzienne les diffusions par câble et satellite, qui permettent un fort accroissement de l’offre. Dans la plupart des pays, les années 1980 voient une forte déréglementation du secteur audiovisuel, la diminution de l’intervention publique s’accompagnant d’une augmentation de la part du secteur privé et de la régulation par le marché. Corrélativement, au triptyque « informer, éduquer, distraire », se substitue en partie la loi de l’offre et de la demande : dans une logique industrielle, les chaînes privées de télévision cherchent avant tout à maximiser leur audience, et mettent en place les moyens de la mesurer [1]. Enfin, la situation de contact se modifie avec l’équipement des ménages : la multiplication des postes au sein des foyers réduit les moments d’écoute partagée au sein du foyer, la télécommande facilite le zapping entre les programmes, et les technologies d’enregistrement ouvrent la possibilité d’une vision différée des programmes. En France, cette évolution s’effectue en plusieurs étapes : l’arrivée de nouvelles chaînes de télévision et la fin du monopole de l’ORTF dans les années 1970, qui s’accompagnent de l’introduction de la publicité sur les écrans ; le mouvement se renforce dans les années 1980 avec la création de chaînes privées et la privatisation de TF1, qui marquent l’entrée dans l’ère de la télévision de marché (Bourdon, 2011 ; Parasie, 2011). Cette évolution s’accompagne de la construction d’instruments de mesure d’audience, desquels disparaissent l’ambition d’évaluer la satisfaction du téléspectateur et la qualité des programmes autrement que par le comptage des audiences (Méadel, 1990, 2010).

13Cette transformation a pu être décrite comme le passage d’une télévision de la rareté à une télévision de l’abondance (Ellis, 2000), ou d’une télévision de l’offre à une télévision de la demande. L’arrangement linéaire du quotidien, assuré par le programmateur, est de plus en plus régulièrement cassé par les choix du consommateur (Lotz, 2009). Dans cet univers concurrentiel, les programmateurs s’efforcent certes d’optimiser l’enchaînement des programmes pour conserver un maximum d’audience en appliquant un certain nombre de règles (Souchon, 1990) ; mais ils rencontrent les résistances de téléspectateurs qui zappent entre les très nombreux éléments d’un « programme global », diminuant les chances de se réunir autour d’un même programme (Bertrand et al., 1988). Pour certains analystes, dont Katz, la télévision du partage, du « sharedness » meurt au cours de cette période, suivant l’évolution de la radio, où tout le monde écoute seul des programmes différenciés ; le partage ne ressurgit que lors d’événements médiatiques exceptionnels retransmis en direct (Dayan, Katz, 1994 ; Katz, Liebes, 2007), ou lors des grands spectacles sportifs tels que la coupe du monde de football ou les jeux olympiques (Whannel, 2009).

14Assez logiquement, une partie des analystes ayant souligné les effets positifs de la télévision classique font une évaluation négative de cette évolution, la jugeant dommageable du point de vue de la démocratie et de la culture. Elle fait s’estomper la « communauté imaginée » du public des téléspectateurs (Katz), affaiblit la capacité du corps social de se référer à une centralité, à un tableau de bord validé et partagé (Dayan). La multiplication des sources d’information fait disparaître le sentiment de sécurité que procurait le journal télévisé central, ritualisé et limité dans le temps, les chaînes d’information en continu donnant au contraire au téléspectateur le sentiment que tout peut arriver à tout moment, affaiblissant ainsi sa « sécurité ontologique » (Blondheim et Liebes). Plus généralement, l’affaiblissement des buts de solidarité et de stabilité de la programmation (« informer, éduquer, divertir ») au profit des buts de réalisation de soi, à destination de différentes niches, favorise l’individualisme et affaiblit la culture et les buts partagés de la société, tout en alimentant l’insécurité personnelle des individus. Pour résumer cette évolution par une formule lapidaire de Katz, « order, control, comfort have left the living room ». Les analyses de Wolton et Missika (1991) s’inscrivent dans cette lignée.

15À l’inverse, d’autres auteurs voient dans cette évolution l’avènement longtemps retardé du pluralisme (Macé, 2006 ; Urrichio, 2009). La délégation du soin de représenter la diversité de la société à des programmateurs, chargés par ailleurs de poursuivre une mission d’éducation (« informer, éduquer »), peut être vue comme intenable et trop teintée de paternalisme dans des sociétés démocratiques ; à tout prendre, le marché, équipé de mesures d’audiences, est plus à même de refléter les différentes composantes de la société, et de leur fournir des contenus en adéquation avec leurs envies. Plusieurs auteurs s’efforcent d’ailleurs d’analyser l’évolution des contenus télévisuels depuis l’âge de la télévision classique en termes de progrès social. Dominique Mehl (1998) a montré que les reality shows, très décriés au moment de leur apparition, constituent aussi un élargissement des thématiques et des publics présents dans l’espace médiatique commun ; Peter Lunt (2009) estime de même que les formats tels que les talks shows, la téléréalité et les émissions sur les styles de vie (« lifestyle TV »), soit les plus opposés aux formats et missions de la télévision classique, ont un effet émancipateur (« empowerment ») sur les téléspectateurs.

Les effets des nouveaux médias

16Pour les auteurs défendant la dimension intégratrice de la télévision classique, la numérisation que connaît aujourd’hui la télévision prolonge le mouvement, enclenché dans les années 1980, d’éclatement du public et des missions de la télévision, souvent résumé comme « la fin de la télévision » (Katz, 2009). En France, Jean-Louis Missika, qui durant les années 1980 a défendu avec Dominique Wolton l’idée d’une télévision grand public utile et intégratrice, a publié en 2006 un essai intitulé La fin de la télévision ; il y défend la thèse que la multiplication des canaux, des programmes, et des possibilités de choix pour le spectateur, affaiblissent les expériences partagées et le lien social, et que cette évolution est fortement accentuée par la numérisation.

17Les nouveaux médias offrent en outre, par rapport à la période précédente, des possibilités nouvelles de désynchronisation des consommations. Les offres de télévision de rattrapage, sur le Web ou l’IPTV, permettent en théorie au téléspectateur de s’affranchir complètement de la contrainte temporelle de la programmation. La consommation délinéarisée, que le magnétoscope rendait possible moyennant un travail actif et coûteux de programmation et d’enregistrement de la part de l’utilisateur, est désormais disponible sans effort pour la majorité des contenus télévisés, du moins pour tous les foyers équipés d’une connexion haut débit et/ou abonnés à l’IPTV.

18Autrement dit, la numérisation ajoute une nouvelle dimension à l’affaiblissement du partage télévisuel : non seulement l’offre est plus diversifiée, et il est donc de plus en plus probable que les individus regardent des programmes différents ; mais quand ils consomment le même programme, il est également de plus en plus probable qu’ils ne le regardent pas au même moment. Cela impacte le sentiment potentiel de communauté imaginée des téléspectateurs, mais aussi la possibilité de se référer à ces contenus, dans les conversations ordinaires comme dans le débat public (Dayan, 2009).

19On peut objecter à ces analyses que les nouveaux médias offrent aussi des modes de resynchronisation et de convergence des consommations. Les dispositifs propres à la consommation sur le Web, notamment, fournissent les modes de représentation des audiences qui favorisent la convergence : les compteurs d’audience, de partage, les classements des contenus les plus vus, les mises en avant éditoriales, permettent de montrer la convergence de l’attention autour de certains contenus. De nombreux travaux quantitatifs mettent en évidence la distribution très inégale (en « loi de puissance ») de l’attention sur les vidéos en ligne : une minorité de contenus reçoivent l’essentiel des visionnages, tandis que la majorité ne bénéficie que d’audiences très faibles (Cha et al., 2007 ; Huberman, Wu, 2008). Plus généralement, les nouveaux médias sont le lieu de phénomènes de « buzz », mesurables, qui correspondent à des phénomènes de concentration rapide de l’attention sur un contenu, du fait d’une combinaison d’effets de viralité (circulation entre les individus), de classement (« effet Matthieu », par lequel Merton (1968) désigne le fait que l’attention se porte vers le plus visible) et d’éditorialisation (pour un résumé de ces travaux, voir Beauvisage et al., 2011). À tout le moins, certains dispositifs techniques propres aux nouveaux médias sont susceptibles de favoriser non pas la dispersion, mais la concentration des audiences.

20Enfin, du point de vue des producteurs, la diversité des supports numériques de diffusion peut aussi être un moyen d’organiser la convergence des audiences autour de certains événements télévisuels. Ystreberg (2009) montre ainsi que le succès d’émissions telles que Pop Idol ou Big Brother repose sur l’articulation entre les émissions live et l’animation de plates-formes numériques, où sont diffusés des contenus complémentaires et où la participation des publics est importante ; il soutient que cette combinaison renforce, chez les spectateurs, le sentiment de présence, d’immédiateté et d’adhésion au programme télévisuel.

21L’effet des nouveaux médias sur la concentration des audiences, sur leur synchronisation, et in fine sur le sentiment de sharedness, est une question empirique ouverte, à laquelle nous nous proposons de répondre ici. Pour cela, nous nous appuyons sur le relevé quotidien des audiences de la télévision de rattrapage offerte sur le Web par les chaînes françaises.

Matériau empirique

22Nous étudions donc la télévision de rattrapage sous un double prisme : la synchronisation temporelle des consommations en ligne, la recomposition des programmes. Pour équiper empiriquement ces deux problématiques, nous avons constitué des corpus à partir des plates-formes de catch-up disponibles sur le Web. Notre approche consiste à exploiter les compteurs de visionnage présents sur la plupart des plates-formes de catch-up des chaînes françaises, et de compléter ce matériau par des chiffres d’audience sur la consommation de la télévision en direct mesurée par Médiamétrie. Cette méthode opportuniste nous permet de suivre au jour le jour l’offre de catch-up sur le web et l’évolution des audiences de chaque vidéo. Pour autant, la focalisation sur les compteurs d’audience nous interdit un certain nombre d’analyses, qu’il convient de souligner ici comme autant de pistes complémentaires à ce travail.

23En premier lieu, nos chiffres d’audience ne sont pas qualifiés : nous ne savons rien du profil des internautes qui consomment les vidéos de catch-up, notamment en termes d’âge, de CSP, de cycle de vie, etc. Il serait en particulier intéressant de qualifier, émission par émission les publics des contenus télévisuels en ligne, afin d’affiner les comparer au profil des publics en direct. De la même manière, il nous est impossible de savoir si ce sont les mêmes individus qui regardent les contenus en direct et en différé : nous ne pouvons pas investiguer empiriquement dans quelle mesure la télévision délinéarisée déplace, durablement ou occasionnellement, des publics établis, ou permet d’en trouver de nouveaux. Les courbes temporelles d’audience en ligne nous permettent de formuler des hypothèses à ce sujet, mais seule une enquête dédiée centrée sur les individus permettrait de répondre à cette question.

24Ensuite, en termes de périmètre, nous sommes bien conscients que les vidéos de catch-up mises en ligne par les chaînes ne constituent pas l’intégralité des moyens de consommer des contenus télévisuels délinéarisés. Le piratage, tout d’abord, par le peer-to-peer, le téléchargement en direct ou le streaming, permet d’accéder à nombre de contenus de fiction notamment ; pour autant, il apparaît que cette offre se situe dans des temporalités différentes de la diffusion télévisée (soit en retard pour les vieux contenus de stock, soit en avance pour les séries américaines non diffusées encore en France), qu’elle cible des publics particuliers dans des contextes d’usages spécifiques, et qu’elle n’interfère que peu avec la question de la synchronisation des publics de la télévision. D’autre part, en nous concentrant sur les plates-formes Web, nous ne voyons qu’une partie de l’offre officielle de télévision de rattrapage, qui est également disponible chez la majeure partie des fournisseurs d’accès à internet via les services d’IP-TV. Pour autant, l’enquête « Vidéo 360 » réalisée par Médiamétrie en 2010 montrait que la consommation gratuite des programmes télévisuels s’effectue très majoritairement sur le Web : sur les 15 millions de consommateurs de catch-up, 12,6 millions regardent les programmes sur l’ordinateur via le Web, contre 3,2 millions sur la télévision et 1,3 million sur le téléphone mobile. Autrement dit, nos données, qui tracent les actes de la consommation de rattrapage sur le Web, mesurent la partie dominante des usages.

25Enfin, il est évident que nous rendons compte de pratiques qui ne sont pas encore totalement stabilisées. Plusieurs dynamiques sont à l’œuvre : le taux de pénétration d’internet dans les foyers français est encore en croissance – 65 % des Français de plus de 11 ans ont utilisé internet en septembre 2009, ils étaient 73 % en octobre 2011 (source : Médiamétrie) ; l’accès aux contenus télévisuels, en direct ou en différé, par le mobile s’élargit, avec 31 % d’équipés en smartphones au premier trimestre 2011, contre 24 % au troisième trimestre 2010 (source : Médiamétrie) ; les offres de télévision de rattrapage, pour matures qu’elles soient sur le web ou via les services de TV sur IP, n’ont sans doute pas encore atteint l’ensemble de leur public potentiel. Pour autant, nous rendons compte de pratiques qui touchent déjà près de 12 millions de Français, et qui, si elles ne se pérenniseront pas nécessairement dans leur forme actuelle, disent déjà des choses sur la dynamique de consommation de la télévision de rattrapage et sur les nouvelles dimensions des publics de la télévision.

Données sur l’audience de la catch-up

26Au moyen d’outils informatiques ad hoc, nous avons mis sous observation les vidéos proposées sur le web par les chaînes de la TNT française, sur leurs propres sites et/ou sur les sites de partage de vidéos (Dailymotion, Youtube, Wat). Pour chacune de ces sources, nous avons réalisé une photographie quotidienne de l’offre de vidéos disponible sur ces sites, et relevé leur audience telle qu’elle apparaît sur la plate-forme (en nombre de visionnages). On observe ainsi la mise en ligne et hors ligne de chaque vidéo, et l’évolution de son audience au jour le jour, ce qui permet de reconstituer les courbes d’audience des vidéos au cours du temps.

27Les recueils de données se sont échelonnés entre septembre 2010 et mi-octobre 2011. Ils visent l’ensemble des 19 chaînes nationales accessibles gratuitement sur la TNT, à l’exception de W9 et Gulli dont l’offre de rattrapage ne comporte pas de chiffres d’audience. Nous y avons également adjoint la chaîne d’information en continu LCI, propriété du groupe TF1, disponible sur certains bouquets payants, en raison de la disponibilité de ses contenus sur la plate-forme de rattrapage de TF1, mêlés aux vidéos de la chaîne TF1. Sur cette base, trois corpus ont été constitués :

28Un corpus « réservoir » longitudinal, couvrant les chaînes TNT ainsi que LCI, sur des durées importantes pour les grandes chaînes (TF1, France Télévision), et qui nous sert de ressource pour des études de cas nécessitant une plus longue période d’observation, ou plus d’individus. Les périodes d’observation varient de 5 à 14 mois selon les chaînes, et contiennent parfois des incomplétudes. Ce matériau regroupe 96 000 vidéos mises en ligne entre le 31/08/2010 et le 03/07/2011 sur les différentes plates-formes observées.

29Un corpus « TNT juin 2011 », couvrant l’ensemble de l’offre de rattrapage sur le Web des chaînes TNT (hormis W9 et Gulli, dépourvus de compteurs) mise en ligne entre le 9 juin et le 3 juillet, soit 25 jours pour lesquels nous disposons de données pour l’ensemble des chaînes, et dont on suit l’audience plusieurs mois après la mise en ligne.

30Un corpus « Live/catch-up » est dédié à la comparaison entre les audiences des contenus télévisés en direct et les audiences de rattrapage. Il s’agit de connaître, pour chaque vidéo de rattrapage, l’audience réalisée lors de sa diffusion télévisée. L’objectif est double : d’une part, d’évaluer le rapport global entre les consommations en direct et en rattrapage ; d’autre part, de mesurer si la télévision de rattrapage accentue ou modère les écarts d’audience du direct, une fois sorti du temps contraint de la consommation de flux. L’étude porte sur une semaine de programmes, du 20 au 26 juin 2011, des 7 chaînes hertziennes, qui proposent une partie substantielle de leurs programmes en catch-up. Sur cette base de 1544 vidéos, nous avons acquis auprès de Médiamétrie, l’opérateur français de la mesure de l’audience télévisée, les chiffres d’audience réalisés par ces contenus lors de leur diffusion en direct. Au terme de l’appariement entre vidéos en ligne et programmes ou sous-parties de programmes, ce corpus se compose de 957 correspondances établies entre des audiences de vidéos en ligne exprimées en nombre de vues, et des audiences correspondantes en directes, exprimées en nombre moyen de téléspectateurs simultanés (dit « TME », Taux Moyen Extrapolé, par Médiamétrie).

31Ainsi, nous disposons de trois types d’informations sur les vidéos :

  • des informations statiques : émission, titre, sous-titre, résumé, thème, (sous-)catégorie, tags, url, durée, date de mise en ligne/hors ligne ;
  • des informations dynamiques, recueillies quotidiennement : nombre de vues, de commentaires, note moyenne et nombre de votants ;
  • pour le corpus « Live/catch-up », les données d’audience de la diffusion télévisée exprimé en TME

Tableau 1

Taille des corpus

Tableau 1
Chaîne source Nb mois d’observation Corpus réservoir (nb de vidéos) Corpus TNT juin 2011 (nb de vidéos) Corpus live/catch-up (nb de vidéos) TF1 tf1.fr 14 19 451 1 381 106 France 2 pluzz.fr 12 4 976 626 179 France 3 pluzz.fr 12 23 992 2 732 191 Canal+ canalplus.fr 5 8 974 1 081 151 France 5 pluzz.fr 12 2 598 297 113 M6 m6replay.fr 7 1 444 525 148 ARTE arte.tv 8 2993 718 69 dailymotion.fr 11 1 767 254 DIRECT 8 dailymotion.fr 9 1 022 169 TMC wat.tv 5 281 126 NT1 wat.tv 5 79 61 NRJ12 dailymotion.fr 11 217 26 wat.tv 5 47 46 LCP dailymotion.fr 11 3 372 138 PUBLIC SÉNAT dailymotion.fr 11 1 379 157 France 4 pluzz.fr 12 398 69 BFMTV dailymotion.fr 11 10 021 1 147 I TÉLÉ canalplus.fr 5 4 266 938 dailymotion.fr 5 1 035 767 DIRECT STAR dailymotion.fr 5 638 283 France Ô pluzz.fr 12 2 580 141 LCI tf1.fr 13 4 896 Total général 14 96 426 11 682 957

Taille des corpus

Post-traitements

32Nous avons effectué trois post-traitements principaux sur nos données. Le premier consiste à établir une date de mise en ligne pour les plates-formes qui ne renseignent pas l’information (TF1, Arte, M6). Dans ce cas, nous retenons la veille de la date d’observation comme date de mise en ligne calculée. Ensuite, pour les 20 % des vidéos de notre corpus de juin disponibles pour une durée illimitée, nous avons observé qu’elles ne reçoivent que peu d’audience au-delà de 100 jours en ligne. Nous avons ainsi défini, pour ces vidéos, l’audience finale comme étant l’audience au centième jour en ligne.

33Enfin, les informations sur le contenu (thème, catégorie, tags) constituent une clé précieuse pour interpréter les dynamiques d’audience observées et de tester des hypothèses relatives au type d’émissions. Dans les données, ces informations sont hétérogènes entre les chaînes et entre les plates-formes de diffusion : Dailymotion et Wat fonctionnent par tags, les chaînes par genres d’émissions, et ces genres ne se recoupent pas complètement. Pour disposer d’une information normalisée et disponible pour l’ensemble des vidéos de nos corpus, nous avons donc mis en place un système de catégories génériques transverse. Les vidéos y sont rattachées soit par le genre déjà attribué par la chaîne, soit par un classement manuel au niveau de l’émission, soit par l’évaluation des tags avec un ordre de préséance dans l’attribution catégorielle. In fine, nos vidéos sont classées dans neuf catégories de genres télévisuels, auxquelles s’ajoute une catégorie « indéfini » lorsque le rattachement s’avère impossible (informations manquantes).

Tableau 2

Catégories et exemples-types

Tableau 2
Catégorie Exemple type news Journal de 20h, tout BFM et ITélé sport Telefoot, Rolland garros jeunesse TFOU, Les zouzous téléréalité Koh-lanta, Secret story infotainment-mag Envoyé spécial, Le grand journal jeux Le juste prix, Motus divertissement Les enfants de la télé, Le petit journal fiction Dr House, films et téléfilms web Contenus exclusifs web (Canal+, Arte) indéfini Contenus inclassables

Catégories et exemples-types

34Au terme de ces étapes de collecte, de mise en forme et d’enrichissement des données, nous disposons de données fines et exhaustives sur la diffusion sur le Web de la télévision de rattrapage. Ce matériau nous permet d’explorer en profondeur deux dimensions de la consommation de catch-up : la déformation et la recomposition sur le Web des programmes du live, et la dynamique temporelle des audiences en ligne.

Focalisation de l’attention

35En composant leurs grilles, les responsables de programmation des chaînes TV optimisent, à budget donné, la proposition de contenus aux téléspectateurs potentiels de la chaîne. Cette contrainte est fonction du public global visé, ou de la cible, pour reprendre la terminologie du marché publicitaire qui constitue l’horizon industriel de la majorité des chaînes. Mais la consommation télévisée étant essentiellement domiciliaire, l’écart entre cette cible théorique et les téléspectateurs potentiels évolue en volume et en structure au fil de la journée : les actifs sont majoritairement indisponibles à la consommation télévisée en journée, les enfants sont plus disponibles le mercredi et le week-end, etc. Le savoir-faire des chaînes est donc de proposer, au fil de la journée, la grille qui optimisera le triplet cible théorique / audience potentielle effective / programme. Une des conséquences de ce travail, inhérent au média de flux, est la mise hors des créneaux « phares » (prime, 2e partie de soirée) des contenus au public restreint et à l’audience faible.

36De ce point de vue, l’offre de rattrapage constitue potentiellement un changement de paradigme : en libérant le téléspectateur de la contrainte temporelle du flux, elle lui procure des opportunités de consommation en adéquation avec ses goûts, ses envies, sa disponibilité globale. Qu’en est-il dans les pratiques ? L’offre de programmes sur le Web favorise-t-elle une diversification des contenus consommés, ou voit-elle sa consommation se caler sur celle du flux live, voire l’accentuer ?

Focalisation de l’attention sur la catch-up

37Dans un premier temps, nous nous appuyons sur le corpus TNT-juin 2011, qui fournit la vision la plus complète de l’offre de l’ensemble des chaînes de la TNT. En juin 2011, on totalise 11 682 vidéos pour un nombre cumulé de visionnage de plus de 33,5 millions. Toutefois, ces visionnages ne sont pas équitablement répartis, ni entre chaînes, ni entre catégories de contenu.

Vidéos star

38Au sein de notre corpus de juin 2011 regroupant la quasi-totalité de l’offre de catch-up française, une vidéo totalise en moyenne 2871 visionnages à 100 jours. Toutefois, à l’image des distributions d’audiences couramment observées sur le Web, les disparités sont grandes : un tiers des vidéos recueille moins de 100 vues, la moitié entre 100 et 1500 vues, et seulement 20 % comptent plus de 1500 spectateurs. Rapportée au nombre de jours actifs de chaque vidéo, c’est-à-dire au temps durant lequel elle est disponible pour les internautes, cette audience équivaut à une moyenne quotidienne de 308 vues par vidéo (médiane : 23). Nous verrons par la suite que l’audience de chaque vidéo ne se distribue pas uniformément dans le temps, et qu’elle a tendance, dans la plupart des cas, à se concentrer sur les premiers temps de sa mise en ligne.

Contenus préférés

39Les fictions recueillent la majorité des vues observées durant notre mois-test de catch-up, avec près de 2/5e des visionnages cumulés (voir tableau 3). Ensuite, les émissions de divertissement, de magazine et d’information sont dans des ordres de grandeur similaires (14 à 18 % des vues cumulées). Les contenus de jeunesse, les jeux et la téléréalité constituent ainsi les parents pauvres de la consommation en ligne de catch-up. Ce constat doit être modulé par un effet d’offre : nous avions constaté que le mois de juin 2011 n’est pas complètement représentatif de l’offre de programmes et de catch-up, notamment en ce qui concerne la téléréalité avec l’absence des contenus phare de TF1 (Secret Story). Si le « corpus réservoir » septembre 2010-juin 2011 ne permet pas de sommer les vues, il nous montre que les contenus de téléréalité constituent un contenu phare de la télévision de rattrapage.

Tableau 3

Audience par catégorie (juin 2011)

Tableau 3
Catégorie Vues cumulées (millions) % vues cumulées Vues moyennes par vidéo Vues moyennes par vidéo – Corpus réservoir fiction 12,85 38,3 % 20 599 22 206 infotainment-mag 5,71 17,0 % 2 216 2 893 news 4,95 14,8 % 755 1 281 divertissement 4,61 13,7 % 7 417 8 588 téléréalité 1,77 5,3 % 29 041 38 551 sport 1,35 4,0 % 4 714 4 381 jeunesse 1,02 3,1 % 2 593 2 878 jeux 0,68 2,0 % 2 886 3 558 indéfini 0,33 1,0 % 2 823 1 779 web 0,26 0,8 % 503 963 Total général 33,54 100,0 %

Audience par catégorie (juin 2011)

40Ramené à une moyenne par vidéo, ce constat reste valable : avec plus de 20 000 vues par unité en moyenne, les fictions sont de loin les contenus les plus attractifs de la catch-up. En comparant les chiffres de juin 2011 avec ceux obtenus sur le corpus « réservoir » couvrant la période septembre 2010-juin 2011, on constate que la téléréalité est de loin le contenu le plus consommé en catch-up, avec près de 40 000 vues par vidéo en moyenne sur le corpus réservoir (médiane : 23 692). Sur les autres catégories, les résultats entre les deux corpus sont globalement comparables, avec des chiffres légèrement supérieurs sur le corpus réservoir, ce qui semble s’expliquer par une période de juillet-août moins favorable à l’audience « de traîne » pour le corpus de juin.

41Ainsi, le trio de tête constitué de la téléréalité, de la fiction et du divertissement génère les plus fortes audiences par vidéo. Il est suivi d’un bloc constitué du sport, des jeux, des magazines/infotainment et des programmes jeunesse, qui comptent en moyenne entre 3 et 4000 vues par vidéo. Enfin, les news, contenu atomique par définition, ne compte qu’un millier de vues par vidéo en moyenne (755 en juin contre 1281 pour le corpus réservoir).

42Ces données moyennées masquent bien entendu de fortes disparités au sein des catégories, avec des vidéos « star » qui tirent la moyenne vers le haut. La comparaison des audiences médianes affine le constat. En premier lieu, la catégorie téléréalité (corpus réservoir) est la seule à avoir des ordres de grandeur comparables entre moyenne et médiane : les fortes audiences sont une tendance partagée de l’ensemble des vidéos de la catégorie. Ailleurs, les écarts les plus forts entre moyenne et médiane concernent les catégories « infotainment-mag » et, dans une moindre mesure, « divertissement », sujettes à de fortes disparités d’audience en son sein.

Audience par chaîne : déformations de la catch-up

43L’audience finale moyenne des vidéos ventilée sur chaque chaîne montre des disparités importantes entre les chaînes : TF1 (41 %), M6 (25 %) et France 3 (9,6 %) totalisent les trois quarts des actes de visionnages de juin 2011 (voir tableau 4). Les quinze autres chaînes se partagent les 25 % restants, avec des résultats surprenants comme la position de France 2, aux visionnages cumulés similaires à Arte (5 %), et la bonne position de Canal+ (6 %) en regard d’une offre de rattrapage relative à un temps de diffusion plus restreint que pour les autres chaînes.

Tableau 4

Vues cumulées par chaîne

Tableau 4
Chaîne Vues cumulées % vues cumulées PdM national TNT oct. 2011* TF1 13 858 313 41,3 % 26,0 % M6 8 527 370 25,4 % 12,9 % France 3 3 220 587 9,6 % 10,5 % Canal+ 2 024 146 6,0 % 3,9 % ARTE 1 751 911 5,2 % 1,8 % France 2 1 711 555 5,1 % 17,0 % NT1 456 319 1,4 % 2,2 % BFMTV 420 898 1,3 % 1,6 % TMC 347 864 1,0 % 4,1 % France 5 285 203 0,9 % 4,0 % NRJ12 250 706 0,8 % 2,6 % ITELE 220 665 0,7 % 0,9 % France 4 149 260 0,5 % 2,3 % LCP 103 188 0,3 % Non mesuré DIRECT8 99 423 0,3 % 2,5 % France Ô 56 461 0,2 % Non mesuré DIRECTSTAR 37 612 0,1 % 1,5 % Public Sénat 17 284 0,1 % Non mesuré Total 33 538 765 100,0 % 93,7* * Calcul : Part de marché nationale ramenée en base 100 sur les chaînes TNT. W9 et Gulli, absent de nos données, comptent pour 4,1 % et 2,3 % de l’audience TNT. Source : Médiamétrie, Communiqué de presse « Médiamat mensuel », novembre 2011.

Vues cumulées par chaîne

44Si l’on compare ces chiffres à la part de marché des chaînes de la diffusion en direct (octobre 2011), on constate que l’offre en ligne modifie profondément la hiérarchie du flux télévisé. La catch-up accentue l’écart entre les deux premiers et les autres chaînes ; parmi celles-ci, certaines bénéficient de la catch-up pour grimper au classement (Arte, Canal+), tandis que d’autres voient leur part d’audience diminuer en ligne – France 2 notamment, et plus largement les chaînes généralistes de la TNT. Les chaînes d’information en continu retrouvent quant à elles des parts d’audience similaires dans les deux cas.

Recomposition des programmes live en catch-up

45Le corpus « live/catch-up », qui établit une correspondance au niveau de chaque contenu diffusé entre les audiences en direct et en rattrapage, permet d’affiner la description des mécanismes de recomposition des audiences en ligne. Notre corpus « live/catch-up » est composé de 957 correspondances entre programmes (682) et vidéos (1539), où sont notamment représentées les catégories « infotainment-mag », « jeunesse » et « news », et où la téléréalité et le sport sont à l’inverse peu présents du fait d’une sous-représentation de ces programmes durant la semaine d’observation. Nous comparons d’un côté les compteurs de vues des vidéos en ligne, et de l’autre le Taux Moyen Extrapolé (TME) mesuré par Médiamétrie, qui désigne le nombre de téléspectateurs moyen visionnant un programme (une chaîne sur une tranche horaire), moyenne arithmétique des dénombrages effectués à intervalle régulier durant la diffusion du programme.

Des audiences en ligne plus concentrées

46En première approche, la comparaison de la distribution des audiences live et catch-up montre une concentration plus forte de la consommation de contenus sur l’offre de rattrapage, attestée par la représentation par audience cumulée (voir figure 1). Pour le live, les 20 % des programmes ayant reçu les meilleures audiences représentent 54 % du TME cumulé, et 50 % des programmes font 87 % du TME cumulé. En ce qui concerne la catch-up, 20 % des vidéos cumulent 84 % des vues, et la moitié des vidéos totalisent 97 % des vues cumulées. Ainsi, par rapport au flux télévisuel, l’offre en ligne accroit les disparités entre les contenus à forte audience et les autres.

Figure 1

Audiences cumulées (tri par rang décroissant)

Figure 1

Audiences cumulées (tri par rang décroissant)

Des audiences live et catch-up globalement corrélées

47Les audiences réalisées en direct et sur les plates-formes de rattrapage sont statistiquement corrélées (Pearson = 0,399) : une forte audience en live aura une forte probabilité de donner une audience importante sur le Web. Toutefois, le croisement des deux audiences sous forme de nuage de points vient nuancer cette corrélation statistique (voir figure 2). En valeurs absolues, on note un resserrement du nuage autour des nombreuses valeurs faibles de catch-up, pour des audiences hertziennes variées. Le passage en échelle log*log, qui permet de neutraliser les effets « loi de puissance », montre une corrélation relativement dispersée.

Figure 2

Dispersion audience live-audience catch-up

Figure 2

Dispersion audience live-audience catch-up

48Cette corrélation en demi-teinte témoigne du fait que la catch-up n’opère pas une simple concentration des consommations observées sur le live, mais également un ré-échelonnage des contenus. De manière qualitative, on observe que les meilleures audiences du live et de la catch-up ne convergent pas : les résultats de Médiamétrie montrent la prédominance de TF1, qui occupe neuf des dix meilleures audiences, les journaux télévisés et les séries en tête. En rattrapage, l’éventail des chaînes et des programmes est plus large : TF1 et M6 se partagent le top-10, avec une place pour France 3, et les programmes mêlent fictions, divertissement et documentaires.

Un effet d’opportunité de la catch-up inégalement distribué

49Le croisement des deux audiences, représentées par le rang d’audience croissante de chaque vidéo dans les deux ordres de grandeur, conforte ce constat : les faibles audiences de la catch-up correspondent dans certains cas à de fortes audiences en direct (partie gauche du graphique), et l’inverse est également vrai (partie basse du graphique). Une certaine convergence se fait jour sur les fortes audiences live, mais celle-ci n’est pas systématique, et le nuage de points est, en son centre, très dispersé. Pour affiner et expliquer cette divergence entre audiences live et catch-up, on représente ce croisement par 8-tiles d’audience. La matrice globale ainsi obtenue (figure 3), où la coloration représente les forts (rouge) et les faibles (bleu) effectifs, met en évidence trois situations distinctes :

  • corrélation : une large diagonale (69 %) où, les deux audiences sont globalement corrélées ;
  • échec en ligne : une zone à nord-ouest (16 %), où de faibles audiences en ligne correspondent à des programmes qui ont eu des audiences moyennes voire fortes en live ;
  • succès bénéfique en ligne : une zone sud-est (15 %) où l’offre de rattrapage semble dynamiser les audiences moyennes ou faibles du live, qui correspondrait à un effet « long tail » de promotion des contenus par l’offre en ligne.

Figure 3

Croisement des audiences live et catch-up et effectifs

Figure 3

Croisement des audiences live et catch-up et effectifs

50En conservant cette représentation et en la croisant avec les autres variables dont nous disposons, nous pouvons donner plus de chair à ce constat. En premier lieu, la projection de cette matrice sur les chaînes tv montre des profils très différenciés de « bénéfice » de la catch-up pour les contenus (voir figure 4).

Figure 4

Croisement des audiences live et catch-up par chaîne

Figure 4

Croisement des audiences live et catch-up par chaîne

51TF1, tout d’abord, habitué aux premières places dans les chiffres de Médiamétrie, conserve cette position dans la consommation en ligne, grâce à une offre attractive de journaux télévisés, de fictions et, nous le voyons sur des données plus larges, de téléréalité. À l’inverse, Arte réalise globalement de petites audiences sur le live, mais son offre en ligne sur arte.tv semble constituer des opportunités de consommation qui dynamisent leur consommation par rapport aux autres chaînes. M6 est dans une situation relativement comparable, à ceci près que la chaîne réalise de fortes audiences : mis à part une vingtaine de contenus à audience doublement faible, la majeure partie de ses programmes sont dans la partie droite de la matrice (fortes audience en catch-up), même lorsque les audiences du direct sont plus étalées. Canal+ illustre plutôt le cas d’une bonne corrélation entre les deux audiences, globalement bien étalées le long de la diagonale. Enfin, les chaînes du groupe France Télévision sont assez globalement réparties, en regard de leurs audiences live respectives ; on notera le cas particulier de France 2, dont les bulletins météo, qui réalisent de bonnes audiences en direct, sont pourtant très faible en « replay » (zone nord-ouest de la matrice).

52La projection sur les catégories de contenus vient compléter cette première description (figure 5). On observe ici que la fiction (séries, dessins animés) est plutôt dans la catégorie des bénéficiaires de la catch-up, avec des audiences de rattrapage qui globalement améliorent les audiences du live, tandis que les jeux et les informations sont plutôt mieux classés en live qu’en catch-up. Le divertissement semble éclaté entre des programmes phares de la catch-up, à audience moyenne en live, et des programmes à très faible audience en live qui fonctionnent bien en catch-up. L’infotainment, enfin, est très dense, avec une présence à la fois dans la diagonale, corrélant fortement audience live et catch-up, et une zone de faible audience catch-up pour de bonnes audiences du direct.

Figure 5

Croisement des audiences live et catch-up par catégorie

Figure 5

Croisement des audiences live et catch-up par catégorie

53Ainsi, nos données attestent que l’offre de rattrapage proposée par les chaînes renforce les effets de concentration d’audience au lieu de les atténuer. Globalement, le lien entre nombre de téléspectateurs du live et nombre de visionnage en rattrapage est fort. Il est globalement plutôt linéaire, mais, selon les chaînes, semble surtout favoriser certains contenus de divertissement (fiction) au détriment d’autres (journaux, jeux).

54Autrement dit, les individus qui regardent la télévision à la demande ne consomment pas prioritairement des contenus de niche, mais s’orientent vers les contenus les plus centraux de la programmation. Ce résultat fait écho aux travaux qui montrent que les faibles consommateurs de télévision, plus diplômés que la moyenne, ont une consommation moins diversifiée que les autres téléspectateurs, et plutôt centrée sur les contenus généralistes (Souchon, 1992 ; Donnat, 2008). De la même manière, les consommateurs de télévision en ligne, a priori plus jeunes et plus diplômés, s’inscrivent dans un dispositif permettant un rapport actif à la télévision, mais s’orientent vers les contenus les plus regardés par les autres téléspectateurs.

Synchronisation des audiences

Des audiences globalement synchronisées

55La télévision à la demande peut-être théoriquement regardée « quand on veut ». Ceci ouvre la possibilité d’une désynchronisation des consommations télévisées, d’un éclatement temporel de l’audience ; et, s’ils sont consommés à des moments très différents, les contenus télévisuels sont moins susceptibles d’être le support d’échanges sociaux, et à plus forte raison de polariser l’attention et le débat public. Cependant, la suppression de la contrainte technique de la diffusion ne se traduit pas nécessairement par une allocation temporelle aléatoire de la consommation. D’autres facteurs, tels que la nature et la structure dramatique des contenus, mais aussi les politiques éditoriales et les stratégies promotionnelles des créateurs et des diffuseurs, ainsi que la circulation de l’information entre les spectateurs, sont susceptibles de contraindre la temporalité de la consommation. Sans que nous soyons nécessairement en mesure de différencier les différents effets, cette partie souligne les formes plus ou moins marquées de synchronisation des consommations selon la nature des programmes. Nous nous appuyons pour cela sur le corpus TNT de juin 2011.

56Dans l’ensemble, la consommation de rattrapage reste fortement synchronisée, et proche de la diffusion hertzienne. En moyenne, les vidéos font 51 % de leur audience au cours du premier jour de mise en ligne, soit – selon les chaînes et les programmes – le jour même ou le lendemain de la diffusion télévisée. Après trois jours de vie en ligne, les programmes ont en moyenne réalisé 70 % de leur audience, 80 % après 5 jours. Le premier constat est donc celui d’une consommation de « rattrapage » au sens strict du terme, dont le calendrier reste dicté par les programmateurs. S’il n’existe pas pour ces consommations de sharedness au sens de conscience d’une consommation simultanée, il est indéniable que les audiences en ligne ne se déconnectent pas de l’agenda médiatique et culturel ; elles restent structurées par lui, d’une façon seulement légèrement plus lâche que dans un univers technique centré sur la seule diffusion hertzienne.

Tableau 5

Répartition temporelle de l’audience des vidéos

Tableau 5

Répartition temporelle de l’audience des vidéos

57Cette synchronisation est plus ou moins marquée selon les genres télévisuels. De façon assez conforme à l’intuition, les informations télévisées (news) sont regardées – et délaissées – plus rapidement que la moyenne ; mais c’est aussi le cas des jeux télévisés et d’une partie des magazines. À l’inverse, les contenus de divertissement, de fiction, et les contenus « jeunesse » (essentiellement des dessins animés) ont une durée de vie plus longue, 50 % ou moins de l’audience étant réalisée dans les trois premiers jours.

58Ce premier tableau, réunissant l’ensemble des vidéos, permet d’établir ces deux faits majeurs : la synchronisation domine, elle est plus marquée pour certains types de contenus. Pour aller au-delà, et analyser notamment la part minoritaire de la consommation qui se réalise de façon plus désynchronisée, il nous faut diviser l’échantillon pour neutraliser l’effet d’offre. Les vidéos ne sont en effet pas toutes disponibles pour la même durée : une partie ne le sont que pendant 7 jours ou moins, tandis que d’autres sont restées en ligne pendant toute la durée de l’observation (100 jours).

59En toute rigueur, il conviendrait de ne comparer sous l’angle de la durée de vie que les vidéos ayant exactement le même nombre de jours de vie. Mais les résultats ne sont interprétables que pour quelques valeurs des durées de vie (6 jours, 7 jours, 100 jours), les effectifs étant trop faibles pour les autres. Pour la simplicité de l’exposé, nous divisons ici notre échantillon en deux groupes : les vidéos mises en ligne 7 jours (soit la norme des plates-formes telles que Pluzz ou arte+7, et de la plupart des contenus de fiction et de jeux TV) et celle mises en ligne plus de 7 jours (qui de fait, pour l’essentiel, sont observées dans notre corpus durant 100 jours).

Tableau 6

Répartition temporelle de l’audience des vidéos mises en ligne 7 jours ou moins

Tableau 6

Répartition temporelle de l’audience des vidéos mises en ligne 7 jours ou moins

Tableau 7

Répartition temporelle de l’audience des vidéos mises en ligne plus de 7 jours

Tableau 7

Répartition temporelle de l’audience des vidéos mises en ligne plus de 7 jours

60L’observation séparée de ces deux tableaux confirme tout d’abord les deux observations principales. La majorité de l’audience est réalisée dans les jours suivant la mise en ligne (81 % dans les trois jours pour l’offre à 7 jours, 59 % pour les vidéos restant en ligne plus longtemps). En outre, les deux tableaux confirment la capacité différentielle des contenus à susciter des consommations concentrées dans le temps : dans les deux types d’offre, les jeux et les news sont regardés et abandonnés rapidement en moyenne, tandis que les fictions, les dessins animés et le divertissement voient leur consommation plus étalée dans le temps de la mise en ligne. Le cas particulier du sport suggère qu’il existe deux types de vidéos de sports : des contenus d’actualité, mis en ligne pour un temps limité, et consommés rapidement ; et des contenus plus patrimoniaux, donc le visionnage s’étale dans le temps. Enfin, le cas de la téléréalité mérite un examen plus approfondi : moins vite consommées que la moyenne durant les premiers jours, elles effectuent un « rattrapage » au cours des jours suivants, et atteignent presque l’intégralité de leur audience au bout de 7 jours. Cela peut s’expliquer d’une part par le fait que les compteurs d’audience de M6-Replay, qui est la seule plate-forme à diffuser ce genre d’émission au cours de la période, ne sont pas très fiables sur le premier jour. En outre, il s’agit d’émissions de téléréalité hebdomadaires, dont la consommation diffère, nous le verrons, des émissions comportant une composante quotidienne.

61La comparaison des deux tableaux fait également apparaître un effet d’offre indéniable : les vidéos qui restent en ligne plus longtemps sont consommées, en moyenne, de façon plus dispersée dans le temps. Lors du premier jour de mise en ligne, les vidéos ayant plus de 7 jours de durée de vie ne font que 43 % de leur audience finale, contre 59 % pour celles ayant une durée de vie de 7 jours ou moins. Ceci peut s’expliquer par au moins deux effets : d’une part, il est possible que les spectateurs, sachant que les vidéos de certaines émissions vont disparaître, les consomment plus rapidement. D’autre part, il peut s’agit d’un pur effet statistique : les vidéos mises en ligne plus longtemps continuent à recevoir de l’audience chaque jour, même faible, ce qui réduit mécaniquement la part de l’audience finale réalisée dans les premiers jours.

62Dans tous les cas, la comparaison de ces deux tableaux fait apparaître un troisième fait stylisé : une partie – minoritaire – de la consommation des vidéos est effectivement désynchronisée. 30 % de l’audience des vidéos qui sont mises en ligne plus de 7 jours est réalisée au-delà du 7e jour. L’audience des contenus de fiction, de divertissement, et des dessins animés, quand elle n’est pas contrainte par l’offre, apparaît notamment assez linéaire au-delà du troisième jour.

Figure 6

Distribution de l’audience des vidéos observées 100 jours (2849 vidéos)

Figure 6

Distribution de l’audience des vidéos observées 100 jours (2849 vidéos)

63Le dernier graphe résume, d’une autre manière, les constats faits ci-dessus, pour des vidéos où la contrainte d’offre est absente (vidéos disponibles en ligne durant toute la période d’observation). Le pic de la première semaine témoigne d’une synchronisation nette ; elle est particulièrement forte pour les jeux et les informations. Cependant, une part de l’audience est réalisée de façon relativement indépendante de la programmation télévisée ; cette part est particulièrement importante pour les dessins animés (où la courbe est quasiment linéaire) et les contenus de fiction.

64Ces deux faits stylisés (concentration des audiences sur les contenus qui ont du succès en live, synchronisation relative des consommations) témoignent de la capacité de la télévision à réunir des publics indépendamment du dispositif technique. Sans disposer des données de consommation individuelles qui permettraient de les distinguer, on peut proposer plusieurs explications à ce phénomène. Tout d’abord, dans une pure logique de consommation individuelle, il est possible que la construction scénaristique intrinsèque de certains programmes, tels que les séries feuilletonnantes ou la téléréalité, soit à même de générer une attente chez le téléspectateur suffisamment forte pour l’inciter à regarder rapidement le contenu dès qu’il est disponible. Ensuite, comme le suggère Dayan, la diffusion sur une chaîne de télévision généraliste continue d’être un signal fort d’entrée d’un sujet dans l’espace public partagé ; dès lors, visionner ce programme constitue aussi un acte de participation à la collectivité, et le visionner rapidement est la condition de la participation à la sociabilité autour de ces contenus. Ceci est vrai tant des informations télévisées, des reportages, du sport que des contenus entièrement fabriqués par la télévision et ciblés vers certaines tranches d’âge comme les feuilletons ou la téléréalité, qui sont des supports de conversation et d’opinion publique locale très importants (Boullier, 2004 ; Pasquier, 1995). Dans le cas des séries télévisées, Combes (2011) montre ainsi que les consommateurs les plus détachés de l’agenda de diffusion française, qui téléchargent les séries immédiatement après leur diffusion américaine, s’efforcent d’imaginer une communauté de regardants inscrits dans une même temporalité.

Trois formes de consommation à la demande

65Pour approfondir ces résultats, et aller au-delà de constats portant sur des catégories très générales, nous avons réalisé plusieurs études de cas sur la consommation de certains contenus : le journal télévisé de TF1, les séries télévisées de TF1 et France 2, l’émission de téléréalité Secret Story ; les données sont extraites du corpus « réservoir », et contiennent les vidéos postées entre septembre 2010 et janvier 2011. Sans permettre encore une typologie exhaustive et solide des dynamiques d’audience selon les contenus, ces études de cas suggèrent au moins trois formes distinctes de consommation de télévision à la demande.

66Le journal télévisé de TF1 est disponible sous deux formes sur la plate-forme de catch-up : les internautes peuvent regarder le journal dans son intégralité, ou regarder séparément les différents sujets qui le composent. Les deux formes d’offres recueillent une audience importante.

Tableau 9

Audiences des journaux télévisés de TF1 (sept. 2010 – janv. 2011)

Tableau 9
Nombre de vidéos Audience totale (millions) Audience moyenne Journal Intégral 1 331 28,5 21 395 Sujets 21 211 41,6 1 961

Audiences des journaux télévisés de TF1 (sept. 2010 – janv. 2011)

67Les audiences du journal télévisé dans son intégralité montrent un premier schéma de consommation, qui se caractérise par une forte régularité des audiences et une synchronisation marquée. La consommation du JT est en effet très régulière d’une édition à l’autre ; les variations entre les audiences finales des vidéos de JT intégral sont faibles, comme le montre la figure 10. Elle est également fortement concentrée dans le temps : l’audience est réalisée à 85 % au cours des deux jours qui suivent la mise en ligne (dont 68 % le premier jour). On peut parler, pour ce type de contenu, de télévision de rattrapage au sens strict du terme : la consommation à la demande prolonge le rendez-vous télévisuel, dont elle revêt la régularité.

68Ce schéma de consommation se retrouve également dans les audiences des séries feuilletonnantes. Ainsi, la série Les feux de l’amour, diffusée chaque jour de semaine sur TF1, fait l’objet d’une audience en ligne extrêmement régulière. Entre septembre 2010 et janvier 2011, 79 épisodes de la série ont été diffusés : ils ont recueilli une audience finale moyenne de 115 000 vues, dont la variation d’un épisode à l’autre est très faible, à l’exception d’un pic d’audience fin janvier.

Figure 9

Audience finale des épisodes des Feux de l’Amour, selon leur date de diffusion

Figure 9

Audience finale des épisodes des Feux de l’Amour, selon leur date de diffusion

69L’audience de la série est en outre très fortement synchronisée. Dès le 1er jour, l’épisode réalise 61 % de son audience finale ; au troisième jour, 81 %. Ces valeurs sont extrêmement stables d’un épisode à l’autre. Autrement dit, le caractère feuilletonnant des Feux de l’Amour suffit à maintenir, dans le contexte de consommation à la demande, une forte synchronisation des audiences. La télévision de rattrapage prolonge ici le rendez-vous télévisuel, caractérisé par des audiences régulières et simultanées.

70Un second type de consommation, qu’on peut nommer « à la carte », se caractérise par des audiences dispersées et synchronisées. Les vidéos de sujets du journal télévisé obéissent pour la plupart à ce schéma. La consommation se concentre sur certaines vidéos : 20 % des vidéos réalisent 60 % de l’audience.

Figure 10

Répartition de l’audience des vidéo du journal télévisé de TF1

Figure 10

Répartition de l’audience des vidéo du journal télévisé de TF1

71Les audiences de ces vidéos restent, pour la majorité d’entre elles, fortement synchronisées (70 % de l’audience le premier jour, 78 % les deux premiers). Ici, les spectateurs recomposent un journal télévisé à la carte, en sélectionnant certains éléments seulement du JT intégral. Une observation des 200 vidéos les plus et les moins visionnées suggèrent que ces consommateurs favorisent les contenus liés au divertissement (people, culture) et la vie pratique (météo) ; à l’inverse, ils délaissent facilement la politique nationale et l’actualité internationale.

72L’audience des vidéos de Secret Story obéit à un schéma similaire. Tout comme le journal télévisé, l’offre de catch-up pour cette émission de téléréalité combine à la fois les émissions dans leur intégralité, et un très grand nombre de vidéos courtes extraites de ces émissions ; en outre, pour Secret Story, beaucoup de ces vidéos sont fabriquées spécifiquement pour le Web. Les 2187 vidéos courtes postées au cours de la période ont généré un total de 152 millions du vues (contre 48 millions pour les vidéos d’émissions intégrales). Comme les vidéos de sujets du JT, leur audience est très dispersée, et particulièrement concentrée sur les vidéos courtes liées à certains candidats : les vidéos dont le sujet est « Amélie » ont généré un total de 18 millions de vues. La consommation de ces vidéos courtes est par ailleurs extrêmement concentrée dans le temps : elles ont atteint 90 % de leur audience finale au bout de deux jours, 98 % au bout de 7 jours. Dans cette consommation à la carte, l’internaute recompose ou enrichit le programme télévisé, tout en se soumettant à sa temporalité.

73Enfin, certains contenus observés dans ces études de cas se caractérisent par une audience peu régulière et désynchronisée, suggérant qu’ils sont consommés comme des éléments d’un catalogue indépendant du flux télévisuel. C’est par exemple le cas des téléfilms, qui sont regardés de façon quasiment linéaire dans le temps ; les séries télévisées non feuilletonnantes, composées d’épisodes indépendants, se rapprochent dans une certaine mesure de ce schéma désynchronisé.

Figure 11

Évolution des audiences des téléfilms les plus visionnés de France 2

Figure 11

Évolution des audiences des téléfilms les plus visionnés de France 2

74Ce schéma s’observe également pour certains reportages, inclus dans le journal télévisé, dont le contenu est peu indexé sur l’actualité. Par exemple, une série de sujets « Zoom sur » différentes villes de France, intégrés au JT de 13 h de TF1, ont reçu une audience en ligne très étalée dans le temps, témoignant d’une capacité à attirer de l’audience longtemps après la date de diffusion. Pour ces contenus, et pour ces contenus seulement, on vérifie l’intuition des théoriciens de la fin de la télévision, selon laquelle les programmes de flux se transforment en contenus de stock, consommés de façon irrégulière et désynchronisée.

Conclusion

75Cet article s’est efforcé de discuter la thèse de « la fin de la télévision ». Il évalue les effets sur la consommation télévisuelle de la numérisation, plus précisément du développement des offres à la demande permettant au téléspectateur de regarder « ce qu’il veut, quand il le veut », transformant la très grande majorité des contenus du flux télévisuel en contenus de stock. Si l’évolution technique rend effectivement possible un changement radical des pratiques de consommation, cette transformation n’est pas automatique. D’autres logiques, liées à la dramaturgie des programmes, à leur durée de vie, à la nature de l’engagement qu’ils suscitent chez les téléspectateurs, influent également sur les choix et la temporalité de la consommation des contenus.

76Le tableau d’ensemble, dessiné à partir des traces des actes de consommation des spectateurs à la demande, conduit à nuancer fortement la prédiction d’une consommation atomisée, dispersée sur de nombreux contenus et étalée dans le temps. La comparaison des audiences réalisées lors de la diffusion des programmes avec celle des vidéos de rattrapage montre tout d’abord que la consommation à la demande est plus concentrée que celle de la télévision traditionnelle. En outre, au-delà de quelques petites variations, ce sont les mêmes programmes qui ont du succès sur les deux formats de diffusion. On observe le contraire d’un effet « longue traîne » : lorsqu’il a le choix, dans l’ensemble, le téléspectateur concentre son attention sur les contenus les plus populaires, et porte moins d’attention aux programmes mineurs. Ce constat général est à nuancer ponctuellement : notamment, les programmes des petites chaînes (France 5, Arte) bénéficient plutôt plus de la consommation à la demande que leurs concurrentes.

77En outre, le moment de la consommation des programmes sur le Web reste dans l’ensemble très proche de celui de leur diffusion à la télévision : en moyenne, les vidéos de rattrapage ont réalisé la moitié de leur audience finale lors de leur premier jour de mise en ligne, les trois quarts après trois jours, et ce indépendamment de la durée de mise en ligne des contenus. Si les téléspectateurs ne consomment plus nécessairement un programme exactement au même moment, les temps de visionnage ne sont pas radicalement désynchronisés, et la fenêtre temporelle de pertinence des contenus reste réduite à quelques jours. Ce constat doit ici être nuancé selon la structure de l’offre notamment (les vidéos disponibles pour un temps limité sont consommées plus vite), et selon la nature des contenus : les programmes d’informations, de téléréalité, de jeux, de soap-opéra, se périment très rapidement aux yeux des consommateurs, tandis que certains contenus de fiction ou de téléréalité sont susceptibles d’avoir une durée de vie plus longue.

78Certes, les usages de la catch-up dont nous rendons compte ne représentent encore aujourd’hui qu’une part faible de l’audience des programmes télévisés, notamment en termes de minutes consommées. Pour autant, on observe que ces modes de consommation, sans doute voués à croître et à s’ancrer dans les pratiques ordinaires de consommation de la télévision, ne provoquent pas une dispersion de l’attention ni une désynchronisation des temps sociaux. En d’autres termes, le dispositif technique ne vient pas bouleverser les mécanismes de construction des publics déjà observés du média télévisuel.

79Nous avons souligné l’impossibilité, étant donné notre matériau empirique, de mesurer précisément les nouveaux modes de consommation suscités par la catch-up : rattrapage pur, déport de consommation ou élargissement à de nouveaux publics sont autant de pistes. Si un dispositif d’enquête centré sur les individus serait plus approprié pour les quantifier, les rapports de grandeur entre audience en direct et en différé et l’examen des études de cas suggèrent enfin trois grandes logiques de consommation. Tout d’abord, une grande partie de la consommation à la demande prolonge le rendez-vous télévisuel, sans en briser la logique. Les spectateurs du journal télévisé en intégralité, des épisodes des Feux de l’Amour, ont un comportement de « rattrapage » au sens strict du terme : ils regardent le programme de façon régulière, peu après sa mise à disposition. En observant ces usages, c’est plutôt à une extension du domaine de la télévision qu’à sa fin que l’on assiste.

80Une seconde forme de consommation, « à la carte », se dessine dans l’observation de la consommation des vidéos courtes. Le journal télévisé fait l’objet d’un découpage en séquences proposés à la consommation sur le Web ; dans le cas de Secret Story, s’y ajoutent la constitution de contenus courts spécifiques diffusés exclusivement en ligne. La consommation de ces vidéos courtes témoigne d’une déformation des contenus consommés par rapport au téléspectateur classique : l’attention se concentre sur certains contenus, tandis que d’autres éléments du flux télévisé sont relativement délaissés. En revanche, cette consommation « à la carte » de la télévision reste fortement synchronisée, proche de la diffusion originale, structurée temporellement par la dramaturgie des événements et des émissions.

81Enfin, de manière minoritaire, la consommation à la demande transforme certains contenus de flux en contenus de stock, vérifiant (comme une exception du paysage) la thèse de l’accélération de la « fin de la télévision » par les nouvelles technologies. Ce phénomène concerne des programmes qui ne sont ni liés à l’actualité au sens large du terme (actualité nationale, agenda culturel, etc.), ni structuré en série, par une dramaturgie reliant les émissions à une autre. Ainsi, les séries non feuilletonnantes (dont tous les épisodes sont indépendants), les téléfilms, les dessins animés, se caractérisent par une courbe temporelle d’audience quasiment linéaire.

82Les défenseurs de la thèse de « la fin de la télévision » estiment que les nouvelles technologies accélèrent l’éclatement des publics, et que cette évolution doit être regardée avec attention et inquiétude, au regard des bénéfices sociaux qu’ont retirés nos sociétés démocratiques de la focalisation de l’attention nationale par la télévision classique : structuration du débat public, intégration de la société par la découverte des univers sociaux voisins, fluidification du lien social grâce aux contenus partagés. Les constats faits dans cette étude conduisent à relativiser ces inquiétudes : la consommation à la demande est avant tout un moyen de prolonger l’expérience télévisuelle ; la consommation « où je veux, quand je veux » est très minoritaire, et ne concerne que des contenus spécifiques et peu centraux dans les programmes (téléfilms, dessins animés, quelques reportages). En l’absence de contrainte technique, c’est la structuration temporelle des événements et des programmes eux-mêmes, leur dramaturgie, qui suffit à rassembler des audiences larges en un temps limité, même lorsque celles-ci sont confrontées à un très large éventail de choix. La synchronisation d’audiences importantes, que Katz et Scannel (2009), ou Wolton (2009), estiment être l’exception réservée aux spectacles sportifs dans le nouveau régime technologique, se vérifie en fait pour de très nombreux programmes, qu’il s’agisse de téléréalité, de jeux télévisés, de séries feuilletonnantes, ou du journal télévisé. Au contraire, l’attention est plus concentrée dans la consommation à la demande, offrant une prime aux émissions les plus regardées ; de ce point de vue, l’évolution technologique a aussi un effet de renforcement des grandes audiences.

83À la limite, il serait possible de proposer un diagnostic – prospectif – opposé quant à l’impact des technologies numériques sur la télévision et son impact social. La combinaison de la diffusion de flux et de la consommation à la demande pourrait permettre un meilleur équilibre entre l’impératif de partage social d’une part, celui de démocratisation de la programmation d’autre part. En rendant accessible le partage aux retardataires, en offrant une prime au programmes les plus vus, la télévision à la demande renforce plutôt la dimension partagée des contenus ; symétriquement, en exigeant des consommateurs un acte de choix pour chaque visionnage, elle constitue une évaluation de la pertinence des programmations, un référendum permanent plus précis et exigeant que les audiences de Médiamétrie, sur la qualité du travail des créateurs et programmateurs de contenus.

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Date de mise en ligne : 15/11/2012

https://doi.org/10.3917/res.175.0043

Notes

  • [1]
    Cette évolution revêt bien sûr des temporalités différentes. Dès les années 1960, en Angleterre, la BBC fait l’objet de critiques quant à la capacité de ses programmes à refléter la diversité de la société, et donc de celle de ses programmateurs à réaliser mieux que le marché la promesse du « informer, éduquer, divertir » (Morrisson, 2009).

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