Couverture de RI_147

Article de revue

Les promesses faites à Gorbatchev : l'avenir des alliances au crépuscule de la guerre froide

Pages 85 à 96

Notes

  • [1]
    Mark Kramer, « The Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », The Washington Quarterly 32:2 (2009), p. 39-61. Kramer est le directeur du Cold War Studies Project à Harvard. Son étude a été rédigée à la demande de Celeste Wallander, sous-secrétaire adjointe à la Défense des États-Unis, responsable pour la Russie, Ukraine et l’Eurasie, qui est remerciée dans la version électronique de l’étude (http://www.twq.com/09april/index.cfm?id=336, consulté le 21 mai 2011). Dans cette version, l’étude apparaît sous la rubrique, très largement employée, intitulée « provocations ». L’étude a été préparée pour une conférence du Center for Strategic and International Studies, un des principaux think tanks washingtoniens, sur le thème « What Was Russia Promised about nato? ». Zbigniew Brzezinski a qualifié l’étude de « really important historical piece of work ». Joshua Kucera, « Cold War Historical Revisionism, Just in Time for the Moscow Summit », le 6 juillet 2009, http://trueslant.com/joshuakucera/2009/07/06/, consulté le 20 mai 2011.
  • [2]
    M. S. Gorbatchev, Zhizn’ i reformy, Moscou, Novosti, 1995, vol. 2, p. 167. Adamichine est cité par Michael R. Gordon, « Anatomy of a Misunderstanding », New York Times, 25 mai 1997.
  • [3]
    C’est à la Conférence de sécurité annuelle de Munich en 2007 que le président Poutine s’est exprimé le plus vigoureusement à ce sujet ; son discours est disponible sur http://www.securityconference.de/archive/konferenzen/2007/ (consulté le 20 mai 2011). Yu. Primakov, Russian Crossroads: towards the New Milleninium, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 128-130. V. Medvedev, entrevue avec Der Spiegel, 9 novembre 2009, disponible sur www.spiegel.de/international/world, consulté le 20 mai 2011.
  • [4]
    É. Chevardnadze, entrevue avec Der Spiegel, 26 novembre 2009, disponible sur www.spiegel.de/international/world, consulté le 20 mai 2011. Le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis de l’époque, dit à peu près la même chose, « that [expansion de l’otan] wasn’t on the horizon, much less on the agenda », Frederic Kempe, « Brent Scowcroft on the Fall of the Berlin Wall », [entretien] New Atlanticist, 2 novembre 2009, disponible sur http://www.acus.org/new_atlanticist/brent-scowcroft-fall-berlin-wall, consulté le 21 mai 2011.
  • [5]
    J. Matlock, Superpower Illusions: How Myths and False Ideologies Led America Astray – and How to Return to Reality, New Haven,Yale University Press, 2010, p. 62.
  • [6]
    Parmi eux, l’ex-sénateur américain, Bill Bradley, « A Diplomatic Mystery », Foreign Policy, no 174, (septembre/octobre 2009), p. 30 ; Archie Brown, « Forms without Substance », Journal of Democracy 20:2 (2009), p. 49; Michael Cox, « Who Won the Cold War in Europe? », in Frédéric Bozo, Marie-Pierre Rey, N. Piers Ludlow et Leopoldo Nuti (eds.), Europe and the End of the Cold War: a Reappraisal, Londres, Routledge 2008, p. 13. Der Spiegel, 26 novembre 2009, op. cit., s’est rallié aussi à cette position avec un dossier sensationnel : Uwe Klussman, Matthias Schepp et Klaus Wiegrefe, « Did the West Break its Promise to Moscow? », Kramer, « Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », op. cit., p. 39, attribue cette position aussi à l’ancien secrétaire américain à la Défense, Robert McNamara, mais, à l’endroit cité, McNamara relate cette position seulement comme étant le point de vue de Moscou : Robert S. McNamara et James G. Blight, Wilson’s Ghost: Reducing the Cost of Conflict, Killing and Catastrophe in the 21st Century, New York, Public Affairs, 2001, p. 85-86.
  • [7]
    Kramer, « Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », op. cit., p. 55. L’ancien haut fonctionnaire du Département d’État américain, Ronald D. Asmus, Opeing nato’s Door: How the Alliance Remade itself for a New Era, New York 2002, écrit que la question de l’élargissement de l’otan « sparked one of the most passionate and fierce national security debates of the decade [les années 1990] in the United States » (p. XXIV), mais il n’évoque qu’ailleurs la question des promesses faites envers Gorbatchev en disant : « The issue was left hanging » (p. 5). Voir aussi Michael MccGwire, « nato Expansion: ‘a Policy Error of Historic Importance’ », International Affairs, 84:6 (2008), p. 1282-1301, qui souligne que l’opposition venait tant de la « droite » universitaire américaine, par exemple, Richard Pipes, que de sa « gauche », par exemple Marshal Shulman. MccGwire accrédite la « promesse » de non-expansion seulement en passant, p. 1285.
  • [8]
    « Iz besedy M. S. Gorbatcheva s Dj. Beikerom 9 febralia 1990 goda », Archives Gorbatchev-Fonda. Fonds no 1, opis no 1, disponible sur www.rodon.org/other/mgigv/1990_1.htm, consulté le 20 mai 2011. Kramer, « The Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », ajoute, de son propre chef, « [to the gdr] » aux paroles de Gorbatchev entre « l’élargissement de la zone de l’otan » et « est inacceptable », ce qui est justement à démontrer.
  • [9]
    Matlock, Superpower Illusions, op. cit., p. 319, no 9. Pour contredire Matlock, le terme « ni na odin dium » apparaît ailleurs dans la version russe du procès-verbal. « Iz besedy M. S. Gorbatcheva s Dj. Beikerom 9 febralia 1990 goda », op. cit.
  • [10]
    Baker insiste sur cet argument dans l’entretien cité, « Anatomy of a Misunderstanding », op. cit. Dans ses mémoires, il ne fait pas référence à cet échange, bornant son récit de cette rencontre avec Gorbatchev à quelques phrases sur la formule « 2 + 4 » en laissant entendre que le gros de ses discussions était avec Chevardnadze (James A, Baker avec Thomas M Defrank, Politics of Diplomacy: Revolution, War and Peace 1989-1992, New York, Putnam 1995, p. 205). Dans la lettre que Baker adresse au chancelier Kohl le lendemain de sa rencontre pour faire part de sa discussion avec Gorbatchev, Baker résume les propos de ce dernier : « He then added ‘Certainly any extension of the zone of nato would be unacceptable’. » Baker ajoute « (by implication, nato in its current zone might be acceptable) ». Dokumente zur Deutschlandpolitik: Deutsche Einheit. Sonderedition aus den Akten des Bundeskanzleramtes, Hanns Jürgen Küsters und Daniel Hofmann (eds.), Munich, Oldenbourg, 1998, p. 794.
  • [11]
    Asmus, Opening nato’s Door, op. cit., p. 5-6.
  • [12]
    Mary Elise Sarotte, « Not One Inch Eastward? Bush, Baker, Kohl, Genscher, Gorbachev, and the Origin of Russian Resentment toward nato Enlargement in February 1990 », Diplomatic History 34:1 (2010), p. 119-140. Comme Sarotte le rappelle, et comme Kramer le reconnaît dans une correction à son article du Washington Quarterly, les références dans l’article de Kramer aux documents américains sont tirées de la recherche de Sarotte.
  • [13]
    Selon Kucera, « Cold War Historical Revisionism », op. cit., Andrew Kuchins, le spécialiste de la Russie au csis, le think tank, qui a publié l’étude de Marc Kramer, aurait dit aux Russes qui se plaignaient de la violation de la promesse de non-engagement : « Si c’était tellement important pour vous pourquoi n’avez-vous pas obtenu cet engagement par écrit ? » À quoi on peut répondre : « Et la bonne foi… ? »
  • [14]
    Lors de l’échange du 9 février 1990, Baker dit à Gorbatchev : « Je veux beaucoup que vous sachiez que ni le président ni moi n’avons l’intention de tirer des avantages unilatéraux des processus en cours », (« Iz besedy M. S. Gorbatcheva s Dj. Beikerom 9 febralia 1990 goda », op. cit.). Bush dit à Gorbatchev en mai 1990 : « We do not want winners and losers », George Bush et Brent Scowcroft, A World Transformed, New York Knopf, 1988, p. 280. Cf. le propos de Bush devant Kohl, cité note 34 ci-dessous.
  • [15]
    Baker, Politics of Diplomacy, op. cit., p. 90.
  • [16]
    Avec un brin de jalousie, Baker compare Gorbatchev à Reagan en termes de charisme et popularité. Il écrit : « Gorbachev’ s confidence bordered on cockiness… », Politics of Diplomacy, op. cit., p. 83. Comparaison dans le New York Times du 8 décembre 1988, cité par Dan Oberdorfer, From the Cold War to a New Era: the United States and the Soviet Union, 1983-1991, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1998, p. 318-319.
  • [17]
    J. Haslam, Russia’s Cold War, New Haven, Yale University Press, 2011, p. 375. Notez aussi l’expression savoureuse de Les Aspin, président de la Commission des forces armées de la Chambre des représentants du Congrès américain, en mars 1989 : « We look like a bunch of bean counters and Gorbachev looks like a guy who wants a different relationship in Europe » (Bush et Scowcroft, World Transformed, op. cit., p. 59). Le Premier ministre canadien décrit Bush comme « perplexed and confused » en ce début d’année 1990 (Pavel Palazchenko, My Years with Gorbachev and Shevardnadze: the Memoir of a Soviet Interpreter, University Park pa, Pennsylvania State University Press, 1997, p. 172).
  • [18]
    Cité par Robert L. Hutchings, American Diplomacy and the End of the Cold War: an Insider’s Account of us Policy in Europe, 1989-1992, Washington, Woodrow Wilson Center Press, 1997, p. 44.
  • [19]
    Raymond L. Garthoff, The Great Transition: American-Soviet Relations and the End of the Cold War, Washington, Brookings Institution, 1994, p. 381.
  • [20]
    Kramer, « Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », op. cit., p. 42. Aussi, Heinrich Maetzke, « Das Management der Einheit: Eine Sonderedition aus den Akten des Bundeskanzleramtes zur Deutschlandpolitik 1989/1990 », Frankfurter Allgemeine Zeitung du 1er septembre 1998.
  • [21]
    V. Mastny, « Eastern Europe, the ec/eu and nato », in Bozo et al. (eds.), Europe and the End of the Cold War, op. cit., p. 237.
  • [22]
    László Valki, « Hungary’s Road to nato », Hungarian Quarterly 40:3 (1990), p. 1. Et Kramer, « Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », op. cit. p. 42.
  • [23]
    Asmus, fortement impliqué dans le processus d’élargissement, maintient que l’initiative de cet élargissement est venue de l’Est, mais il reconnaît qu’elle a commencé « around 1991 ». Opening nato’s Door, op. cit. p. 7.
  • [24]
    Hutchings, « American Diplomacy and the End of the Cold War », op. cit., p. 120.
  • [25]
    « Kohl Calls E. German Move for New Police “Catastrophic”: Erosion of Confidence Could Advance Vote », Washington Post, 18 janvier 1990. Genscher présente cette entrevue de son chancelier comme un désaccord profond avec Bush sur le lien indissoluble entre unification allemande et appartenance à l’otan, en ajoutant qu’il connaissait Kohl assez bien pour ne pas être inquiet (Hans-Dietrich Genscher, Erinnerungen, Berlin, Siedler, 1993, p. 713).
  • [26]
    Le Département d’État avait mis Baker en garde contre le danger de « genscherisme », une prétendue mollesse à l’égard de l’Union soviétique qui avait valu à Genscher la méfiance de Washington à l’époque Reagan. En rencontrant Genscher, Baker lui aurait dit : « How come everyone over here thinks you’re such a bad guy? I don’t think you’re such a bad guy. » Genscher aurait bien pris la plaisanterie, toujours selon Baker, Politics of Diplomacy, op. cit., p. 88.
  • [27]
    Dans ses Mémoires, Genscher se défend d’avoir agi dans ce sens, Erinnerungen, p. 712-714, sans convaincre les nombreux commentateurs et les autres acteurs de l’époque. Voir Heinrich Maetzke, « Die Schwierigkeiten machte Genscher: die amerikanische Strategie im Umgang mit Gorbatschow », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 2 octobre 1997. Voir aussi les remarques accablantes du conseiller de Kohl, Horst Teltschik, 329 Tage: Innenansichten der Einigung, Berlin, Siedler, 1991, entrées de journal pour les 14 février (p. 149), 19 février (p. 151) et 23 mars 1990 (p. 182).
  • [28]
    Les hauts fonctionnaires américains impliqués dans le processus qui ont commis l’étude la plus sérieuse sur la question, Phillip Zelikow et Condoleezza Rice, Germany Unified and Europe Transformed. A Study in Statecraft, Harvard University Press, Cambridge ma, 1995, décrivent ce chiffre de 58 % comme « astonishing », reconnaissant avec un understatement tout anglo-saxon : « The idea of German membership in nato was not terribly popular », p. 203.
  • [29]
    Kramer (« Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », op. cit. p. 43) évoque le « surprisingly upbeat mood in the Kremlin during the first several weeks of 1990 ». Jacques Lévesque, 1989. La fin d’un empire : l’urss et la libération de l’Europe de l’Est, Paris 1995, p. 290 cite en revanche deux personnages soviétiques haut placés et, dans le deuxième cas, proche de Gorbatchev, V. Falin et A. Tcherniaev, qui maintiennent que « dès la fin de novembre 1989… des conseillers de Gorbatchev prenaient une position défaitiste [face à la perspective d’une Allemagne unie dans l’otan] ». On peut se demander s’il ne s’agit pas d’une « sagesse rétrospective » de leur part. Falin, lui-même, prétend avoir dit le contraire de ce que lui est attribué (voir Valentin Falin, Politische Erinnerungen, Munich, Droemer Knaur, 1993, p. 489-490).
  • [30]
    Bush et Scowcroft, World Transformed, p. 163-174. Voir le procès-verbal (partiel) des discussions publié en traduction sous le titre de « Soviet Transcript of the Malta Summit, 2-3 December 1989 », tiré des Archives de la Fondation Gorbatchev, fonds 1 opis, mis en ligne par le National Security Archive, George Washington University, sous le titre « Bush and Gorbachev at Malta », disponible sur http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB298/index.htmb, consulté le 24 mai 2011.
  • [31]
    « Baker had in mind a straightforward quid pro quo: the United States would make help unification happen, if the West Germans stood with the Americans on the issue of nato » (Zelikow et Rice, Germany Unified and Europe Transformed, op. cit., p. 173, italiques dans l’original).
  • [32]
    Scowcroft le dit crûment : « Helmut Kohl and George Bush were the only ones that wanted German reunification. The Russians didn’t; the French didn’t; the British didn’t ». Voir aussi J. Lévesque, « In the Name of Europe’s Future: Soviet, French and British Qualms about Kohl’s Rush to German Unification », in Bozo et al. (eds.), Europe and the End of the Cold War, op. cit., p. 95-106.
  • [33]
    G. H. Bush, « Joint News Conference Following Discussions With Chancellor Helmut Kohl of the Federal Republic of Germany, February 25, 1990 », disponible sur http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=18188#axzz 1NGAohFeX, consulté le 22 mai 2011.
  • [34]
    Baker (Politics of Diplomacy, op. cit., p. 230) cite le président : « They’re saying that Germany must not stay in nato. To hell with that, we prevailed and they didn’t. We can’t let the Soviets snatch victory from the jaws of defeat. » Sur l’hypothèse d’une solution « à la française », voir Hutchings, American Diplomacy and the End of the Cold War, op. cit., p. 122. Baker (Politics of Diplomacy, op. cit., p. 233) cite le président dans cet échange : « I hate to think of another France in nato. »
  • [35]
    La coalition réunie autour du projet de Kohl recueille 48 % du vote est-allemand, par rapport au grand favori, le spd, qui n’en obtient que 22 %, ce qui le met en minorité même avec l’appui des ex-communistes, le pds (18 %) et le parti réformateur, Alliance 90 (3 %). Selon Hannes Adomeit, le choc à Moscou, comme ailleurs, est énorme, comme en témoigne l’impasse que la direction fait sur la situation et s’accrochant à des positions dorénavant dépassées. « Gorbachev’s Consent to Unified Germany’s Membership in nato », in Bozo et al. (eds.), Europe and the End of the Cold War, op. cit., p. 110.
  • [36]
    La formule « 2 + 4 » est au cœur de toutes les études et mémoires sur les négociations concernant l’unification allemande. Pour une analyse succincte, Stephen F. Szabo, The Diplomacy of German Unification, New York, St. Martin’s Press, 1992. À la première réunion des négociations « 2 + 4 », Chevardnadze a mis les participants en garde contre « les tentatives de chercher des avantages unilatéraux ». Cité dans Zelikow et Rice, Germany Unified and Europe Transformed, op. cit., p. 248. Vain effort, pourrait-on ajouter !
  • [37]
    « … we are moving forward, and we expect you to move forward as well, and not just wait for the apples to fall into the barrel » (Baker, Politics of Diplomacy, op. cit., p. 249).
  • [38]
    Les considérations économiques, déjà présentes lors de la visite de Gorbatchev en rfa en juin 1989 prennent de plus en plus le dessus dans les enjeux Est-Ouest au cours de l’année 1990, année qui voit Gorbatchev obligé de quémander ouvertement l’aide occidentale. Bonn réagit dans le sens voulu, les États-Unis se retiennent.
  • [39]
    Baker écrit : « We had to work with our Western partners to adapt nato and csce to make them appear less threatening to the Soviet people » (c’est nous qui soulignons). Un thème qui revient sans cesse dans les écrits des dirigeants américains, c’est que Gorbatchev et Chevardnadze « needed arguments that they could use to combat their critics internally and to provide them the political cover they needed to make hard choices » (Baker, Politics of Diplomacy, op. cit., p. 231-232). Le conseiller à la sécurité nationale d’ajouter, « hard to tell whether Gorbachev meant what he was saying, or if he was simply voicing the conservatives’ unhappiness for the sake of domestic consumption » (Bush et Scowcroft, A World Transformed, p. 275). Une réflexion sur l’état d’esprit que ces remarques révèlent chez les dirigeants américains sur le processus politique, tant chez eux qu’ailleurs, sortirait du cadre de cette étude.
  • [40]
    Une « déclaration commune » est un projet allemand, appuyé par la « plupart des autres partenaires » (c.-à-d., les membres de l’otan), par opposition au projet américain d’un « échange de déclarations » (Dokumente zur Deutschlandpolitik, op. cit., p. 1311). Notez qu’en ce qui concerne un éventuel élargissement de l’otan, la Déclaration est silencieuse, même pour ce qui est de l’Allemagne.
  • [41]
    Citations tirées du texte complet de la Déclaration de Londres sur une alliance de l’Atlantique rénovée (6 juillet 1990) disponible sur http://www.ena.lu/declaration_londres_alliance_atlantique renovée_juillet_1990-010004951.html, consulté le 21 mai 2011. Baker décrit la csce comme « an extremely unwieldy and frustrating organization », Baker, Politics of Diplomacy, op. cit., p. 173.
  • [42]
    Bush et Scowcroft, World Transformed, p. 295, « importantly in mind », dit l’original pour « particulièrement à l’esprit ».
  • [43]
    Le dénouement du processus est décrit le plus en détail et d’une perspective particulière par Helmut Kohl lui-même, Erinnerungen, Munich, Droemer, 2004, vol. 3, p. 162-182, et Je voulais l’unité de l’Allemagne, présenté par Karl Diekmann et Ralf-Georg Reuth, traduit de l’allemand par Isabelle Hausser, Paris, Éditions de Fallois, 1997, p. 351-369. Les procès-verbaux de ces rencontres et les documents connexes ont été publiés dans Dokumente zur Deutschlandpolitik, op. cit., p. 1340-1376.
  • [44]
    Robert M. Gates, From the Shadows: the Ultimate Insider’s Story of Five Presidents and How They Won the Cold War, New York, Touchstone, 1996, p. 496.

1Les Occidentaux auraient-ils donné des assurances à Gorbatchev selon lesquelles l’Alliance atlantique n’allait pas s’élargir à l’Est ? Cette question agite les esprits, tant à l’Est qu’à l’Ouest, depuis vingt ans. Elle a connu un nouveau regain d’intérêt avec la publication récente d’une étude, fortement sollicitée et commentée, de l’historien américain, Mark Kramer, intitulé Le Mythe d’une promesse de non-élargissement de l’otan[1]. Comme on le déduit du titre, l’auteur cherche à démontrer que les documents, qu’il qualifie de « déclassifiés », prouvent qu’il n’y aurait pas eu de promesse faite à Gorbatchev en ce qui concerne le futur non-élargissement de l’otan à l’Est et que l’argument selon lequel il y aurait eu un tel engagement est donc manifestement faux.

2L’argumentation de Mark Kramer nous amène à nous interroger. Contrairement à ce qu’il affirme, il ne s’agit pas de sa part d’une découverte de nouveaux documents ni de sources autrefois secrètes qui mettraient fin au débat. Ce qui est particulier dans ce débat sur les promesses – éven- tuelles – faites à Gorbatchev, c’est que les tenants comme les opposants de la thèse d’une promesse de non-élargissement se fondent sur précisément les mêmes textes, publiés, et publiés exactement sous la même forme, dans les nombreux mémoires des participants, dans les collections de documents, et dans les études sérieuses sur la période concernée. Tout au plus, Kramer démontre qu’il n’y a pas de sources – ou, du moins, il n’en a pas trouvées ou il n’en fait pas état –, autres que celles qu’on connaissait auparavant pour conforter la position d’un camp ou l’autre.

3Par opposition donc à certains autres débats historiques, pseudo- historiques ou politiques – on pense par exemple aux négationnistes qui invoquent l’absence d’un ordre signé de la main de Hitler ordonnant la Shoah pour nier ce fait ou la responsabilité de Hitler – il ne s’agit pas ici du document « manquant ». Dans le cas qui nous concerne, ce n’est pas l’absence de documents précis qui prive l’historien de ce qu’il apprécie le plus – une preuve documentaire irréfutable – mais, en l’occurrence, il s’agit d’un autre cas de figure. Tout le monde s’entend sur ce qui est enregistré historiquement, mais les uns refusent la légitimité de la lecture faite par les autres.

4Malgré l’étude très fouillée de Mark Kramer, le débat sur les promesses faites – ou non – à Gorbatchev, perdure. Évidemment, ceux qui prétendent qu’il y aurait eu un engagement de non-élargissement de l’otan se trouvent surtout à Moscou. Parmi eux, on compte les acteurs de l’époque, notamment Mikhaïl Gorbatchev lui-même et Anatoli Adamishin, en 1990 vice-ministre des Affaires étrangères de l’urss[2]. On compte aussi – et peut-être surtout – les dirigeants russes de la période post-soviétique, y compris Evgenii Primakov, Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev [3]. À force de répétition, le mythe d’une promesse violée en ce qui concerne l’élargissement de l’otan est devenu un mythe fondateur de la politique étrangère de la Fédération russe actuelle.

5Le plus « agnostique » des ex-dirigeants soviétiques à l’égard de la thèse défendue à Moscou s’avère être – on ne s’en étonnera pas – Edvard Chevardnadze. Dans une interview accordée en allemand en 2009, il déclare que la dissolution du pacte de Varsovie et, a fortiori, l’absorption dans l’otan des pays de l’Est et de certaines républiques ex-soviétiques étaient tout simplement quelque chose d’inimaginable, qui « dépassait le domaine de la compréhension [4] ». C’est un thème qui revient, à juste titre, dans de nombreux autres commentaires. S’il a le mérite de la candeur, il évite plutôt la question de savoir quels engagements aient été pris en ce qui concerne l’avenir de l’otan qu’il n’y répond. Nous y reviendrons ci-dessous.

6Notons aussi que la thèse dominante à Moscou trouve également des adhérents de l’autre côté de l’Atlantique. Celui qui fait le plus autorité est le dernier ambassadeur des États-Unis en Union soviétique, Jack Matlock [5]. Diplomate chevronné, de couleur républicaine, donc sans risque de faiblesse idéologique à l’égard de l’urss, soviétologue et, soulignons-le, russophone, Matlock est un participant privilégié aux événements de l’époque et témoin direct des discussions qui sont au cœur de la controverse qui nous concerne. Or, Matlock endosse sans réserve la thèse de Gorbatchev et des autres dirigeants soviétiques ou russes. Suivant Matlock, un nombre important de stratèges et de commentateurs anglophones et autres se sont ralliés à la position selon laquelle l’élargissement de l’otan vers l’est aurait été une violation des engagements contractés [6]. Certes, comme Kramer le rappelle, le débat sur les engagements pris à l’égard de l’élargissement de l’otan est distinct de la question de savoir si l’élargissement, à partir de 1999, a été le bon choix pour l’Amérique et pour l’Alliance [7]. Néanmoins, malgré le réalisme ambiant dans le discours des relations internationales, rares sont ceux qui diraient : « Oui, nous avons promis de ne pas nous étendre à l’est, nous avons violé notre promesse, et nous avons très bien fait de la violer ».

7Dans cet article, nous nous proposons d’abord de relever l’échange qui constitue le noyau de la controverse sur l’élargissement et de nous tourner vers les interprétations de cet échange. Par la suite, nous examinerons de près le contexte historique dans lequel les engagements ou non-engagements en ce qui concerne l’expansion de l’otan auraient été pris. Pour anticiper nos conclusions, nous nous proposons de démontrer qu’au moment critique relatif à la controverse qui nous concerne, c’est-à-dire au début de l’année 1990, ce n’était pas la question de l’alignement futur des pays de l’Organisation du pacte de Varsovie qui était nettement posée. La question qui agitait les esprits était plutôt celle de savoir si l’otan avait un avenir. C’est dans cette optique qu’il faut voir les calculs des acteurs en présence.

8Arrêtons-nous d’abord sur l’échange qui est au cœur de la position russe et qui est invoqué invariablement dans les débats sur ce sujet. Certes, d’autres moments dans le dialogue Est-Ouest des années cruciales de la fin de la guerre froide sont mentionnés, d’une part comme de l’autre, mais c’est l’échange suivant qui est analysé de plus près.

9Le 9 février 1990, Gorbatchev rencontre le secrétaire d’État américain, James Baker, au Kremlin. Au cours d’une discussion étendue, Baker demande :

10

« Je veux vous poser une question à laquelle vous n’êtes pas obligé de répondre maintenant. En supposant que l’unification [de l’Allemagne] ait lieu, qu’est-ce qui est préférable pour vous : une Allemagne unifiée en dehors de l’otan, entièrement indépendante (la version russe dit, samostoiatel’naia), sans troupes américaines, ou bien une Allemagne unie, qui maintient les liens avec l’otan, mais avec la garantie que ni la juridiction ni les troupes de l’otan ne s’étendront à l’est de la ligne actuelle ? »

11Gorbatchev répond :

12

« Nous allons réfléchir à tout cela. Nous avons l’intention de discuter toutes ces questions au niveau de la direction. Il est entendu, c’est clair, que l’élargissement (rassihirenie) de la zone de l’otan est inacceptable (iavliaetsia nepriemlemym). »

13Et Baker de répondre : « Nous sommes d’accord avec cela » [8].

14Les versions anglaises et russes du procès-verbal coïncident. Le seul décalage mineur, invoqué par Matlock, c’est que Baker aurait dit : « Les troupes de l’otan ne s’étendront pas d’un seul pouce à l’Est » (not one inch eastward). Ce bout de phrase manque dans la version russe, supposément, selon Matlock, parce que le « pouce » ou l’« inch » n’est pas une mesure connue en Russie. Ni le terme technique « dium », ni une variante telle que « 2,5 cm » n’aurait été courant ni compréhensible [9]. Cet échange dit donc ce qu’il dit et on comprend qu’il constitue le fondement de la thèse d’une promesse de non-élargissement. Quelles sont, à leur tour, les réponses de l’autre camp ?

15D’abord, plusieurs acteurs de la période, en commençant par Baker lui-même, rappellent que dans cet échange il n’était question que de l’Allemagne. Les mots « à l’est de la ligne actuelle » ne s’appliquaient qu’au territoire de la rda. L’engagement du secrétaire d’État américain ne concernait donc que l’Allemagne et non pas les pays de l’Est, sujet sur lequel il n’a pas été interrogé et sur lequel il ne s’est pas exprimé [10].

16Par ailleurs, les commentateurs mettent en évidence qu’à la suite de cet échange du 9 février 1990, Gorbatchev lui-même a levé ses réserves à l’égard d’un élargissement de l’otan pour donner son accord à l’intégration d’une Allemagne unifiée au sein de l’otan. Cet assentiment ne s’est qualifié que par les concessions mineures faites à l’égard du partenaire soviétique pour ce qui est des dispositions militaires qui régissent le territoire de l’ancienne rda. C’est donc Gorbatchev lui-même qui aurait retiré ses objections à l’élargissement de l’otan[11].

17Notons aussi la thèse d’une spécialiste (américaine) reconnue de la question qui fait valoir l’argument selon lequel, Baker, en négociateur expérimenté, était conscient qu’il en était à la phase de négociation et non pas en passe de conclure un accord ni même d’adopter une position définitive. Elle propose aussi l’hypothèse de l’écart de culture politique entre les parties en présence. Pour les Soviétiques, où l’autorité poli- tique était concentrée au sommet, la parole du dirigeant avait force de loi ; pour les Américains, rien d’autre qu’un accord écrit et signé ne pouvait faire foi [12].

18Enfin, rappelons la position de Chevardnadze – reprise par maints autres commentateurs, surtout du côté américain – selon laquelle on ne pouvait pas imaginer en février 1990 le cours des choses à venir, notamment la désintégration de l’Union soviétique ni même la disparition imminente du pacte de Varsovie. La question de l’élargissement de l’otan aux pays membres du Pacte ou aux pays qui n’existaient pas encore en février 1990 sortait du cadre du concevable. Elle ne pouvait pas faire l’objet de discussion ni, a fortiori, d’engagements quelconques.

19Si la thèse de l’imprévisibilité de l’histoire est difficilement réfutable, les tenants de la thèse d’une promesse de non-élargissement ont beau jeu de transposer leurs arguments sur un autre plan, celui de l’esprit des engagements et des accords conclus entre Gorbatchev et ses collaborateurs, d’une part, et leurs interlocuteurs occidentaux, d’autre part. La discussion tourne alors autour de question de la bonne foi des parties en présence [13]. Sur ce plan aussi, la position des maîtres du Kremlin peut paraître forte. Ces derniers n’ont qu’à citer les nombreuses déclarations selon lesquelles les dirigeants occidentaux n’entendaient pas profiter – take advantage – des difficultés du camp opposé et ils s’engageaient à ne pas exploiter les occasions qui leur étaient ouvertes de s’imposer sur leur adversaire [14]. Il reste à situer ces déclarations dans le temps pour mesurer leur poids et leur valeur.

20En fin de compte, la seule façon de sortir de l’impasse dans laquelle ce débat nous amène, c’est d’analyser de près le contexte historique dans lequel les discussions en question se sont déroulées. Comme point de départ, on pourrait affirmer que l’erreur de Gorbatchev c’était de croire en février 1990 qu’il en était encore à la situation qui avait existé moins d’un an plus tôt.

21En février 1989, James Baker, le même, avait exprimé ses craintes devant le danger que l’otan allait se « fragmenter » face à la campagne de charme de Gorbatchev et devant la diminution de menace militaire soviétique [15]. Ces craintes étaient parfaitement justifiées au regard de l’accueil adulateur que Gorbatchev recevait déjà à l’Ouest – même la presse américaine le comparait à Woodrow Wilson et à Franklin D. Roosevelt – et l’accueil que l’Europe occidentale allait encore lui réserver en ce printemps de 1989 [16]. Les craintes étaient d’autant plus vives que le président américain et son entourage semblaient paralysés par les initiatives soviétiques [17].

22C’est dans ce contexte que le président Bush (senior) s’est laissé convaincre au printemps de 1989 d’entreprendre une campagne, ou une contre-campagne, de séduction auprès de ses alliés européens. Il ne pouvait le faire qu’en empruntant les thèmes gorbatchéviens, notamment le dépassement de la guerre froide en Europe et la nécessité de transformer les alliances militaires en instruments politiques. C’est ainsi que le président américain a eu l’adresse de lancer des défis ambitieux à l’égard de Moscou qui semblaient puiser au discours gorbatchévien. « La guerre froide n’est pas encore terminée », a dit Bush, « elle ne sera terminée que quand l’Europe sera entière (whole) ». [18] Même certains membres de l’Administration américaine décrivaient cette initiative comme faible, un simple statu quo plus, ce qui fait penser que la Maison-Blanche était à court d’idées propres et faisait semblant de prendre l’offensive au moment où elle était elle-même sur la défensive [19].

23On comprend, face à une telle situation, que les transformations en Europe centrale et orientale à l’automne 1989 n’aient guère troublé la confiance que l’équipe gorbatchévienne éprouvait à l’égard de la direction de l’histoire. La chute du Mur, comme les réaménagements politiques dans les démocraties populaires ne faisaient qu’amenuiser l’écart entre l’Europe soviétique en pleine effervescence démocratique et l’Europe atlantique qui s’interrogeait sur sa place au sein d’une alliance immobilisée qui perdait sa raison d’être.

24Notons qu’en ce mois de février 1990, au moment des pourparlers entre Baker et Gorbatchev, il n’y a pas lieu à Moscou de s’inquiéter de l’avenir du pacte de Varsovie, du moins en tant qu’instrument poli- tique. Face à la perspective de l’unification allemande, le Premier ministre polonais, Tadeusz Mazowiecki, va jusqu’à affirmer la nécessité de maintenir les troupes soviétiques en Pologne en attendant l’issue du processus d’unification [20]. En même temps, le nouveau président tchécoslovaque, Václav Havel, venu à Washington, laisse ses hôtes incrédules devant sa vision d’une Europe débarrassée des alliances, unie autour de la csce et engagée sur la voie d’une confédération européenne [21]. Le plus iconoclaste des nouveaux dirigeants est-européens s’avère être un ancien dirigeant communiste, Gyula Horn, ministre hongrois des Affaires étrangères depuis mai 1989. Ce dernier affirme timidement en février 1990, dans un congrès de science politique, qu’il pourrait envisager la possibilité qu’un jour la Hongrie soit membre de l’une ou l’autre des instances politiques de l’otan, telle que l’assemblée de l’Atlantique nord [22]. Il n’est pas alors question d’une intégration militaire [23].

25Du côté de Bonn également, l’enthousiasme pour l’otan est tout à fait modéré. Les dix points que le chancelier Kohl formule en novembre 1989, qui ont tellement choqué par leur audace, ne mentionnent pas l’otan, un silence qui est noté tant à la Maison-Blanche qu’au Kremlin [24]. Dans une interview accordée au Washington Post en janvier 1990, Kohl ne semble pas exclure l’hypothèse de troquer l’unification contre la neutralité de l’Allemagne [25]. Et, pourtant, dans le tandem au pouvoir à Bonn, c’est Kohl qui est sûrement le plus atlantiste et le plus proaméricain [26]. Son ministre des Affaires étrangères, Hans-Dietrich Genscher, encourt même les rappels à l’ordre du chancelier quand il s’exprime, comme il le fait, notamment dans un discours du 31 janvier, sur les concessions à faire envers Moscou en ce qui concerne l’avenir de l’otan[27]. Enfin, le 15 février 1990, un sondage en Allemagne de l’Ouest indique, au grand dam de la Maison-Blanche, que 58 % des sondés souhaiteraient une Allemagne unie qui serait non alignée. Ceci est aussi la position officielle de l’autre grand parti allemand, le spd, qui semble en bonne voie de remporter le scrutin prévu en Allemagne de l’Est dans les quelques semaines qui suivent [28].
Dans ces circonstances, on ne peut guère s’étonner que Gorbatchev se soit montré ferme à l’égard de la perspective d’un élargissement de l’otan pour inclure le territoire de l’Allemagne de l’Est et qu’il soit resté parfaitement serein face à un élargissement ultérieur des plus hypothétiques [29]. Mais si, en février 1990, Gorbatchev vit encore dans l’euphorie du printemps 1989, ses interlocuteurs américains se situent déjà dans un avenir qui va se montrer beaucoup plus réaliste que celui envisagé par Gorbatchev. Le président Bush, autrefois passif et à court d’inspiration, s’est transformé en quelques mois en un leader sûr de lui et même combatif. Lors de sa première rencontre en tant que président avec Gorbatchev, à Malte au début décembre 1989, Bush tente, tant bien que mal, d’imposer son ordre de jour, en introduisant, par exemple, la question des activités soviétiques au tiers monde dans les discussions [30]. Mais c’est en premier lieu envers le chancelier Kohl que Bush choisit d’exercer la pression. Dès la chute du Mur en novembre 1989, qui marque la véritable mise en marche de la perspective d’une unification allemande, Bush souligne auprès de Kohl la convergence des buts américains et ouest-allemands, mais aussi le caractère conditionnel de cette convergence.
Si, pour Kohl, l’unification est le but primordial et le maintien de l’Alliance atlantique, avec l’insertion de l’Allemagne, se trouve en deuxième place, pour Bush, l’ordre des priorités est inversé. Bush offre au chancelier un appui politique et diplomatique américain puissant pour réaliser l’uni- fication. En ce qui concerne cet appui, il est toutefois entendu que l’unification doit se faire dans le cadre de l’Alliance atlantique [31]. Kohl n’a pas de véritables objections à une telle solution ; ses réserves reposent uniquement sur sa crainte qu’une telle exigence rendrait l’unification impossible. Par ailleurs, les États-Unis sont la seule des quatre puissances occupantes qui s’avère disposée à promouvoir activement l’unification. Non seulement l’Union soviétique mais la France et le Royaume-Uni se montrent peu enthousiastes, sinon récalcitrants, devant cette perspective [32]. Kohl doit donc saisir la perche que les Américains lui tendent, avec les conditions qui s’y rattachent. Il l’a fait à la suite d’une rencontre Kohl-Bush à Camp David à la fin février 1990 [33].
Le nouvel état d’esprit qui anime le président américain se manifeste de manière claire et crue lors de cette occasion. Devant Kohl, qui évoque l’hypothèse que l’Allemagne unifiée adopte une « solution à la française » à la question de l’appartenance à l’otan, le président s’exclame : « Ils [les Soviétiques] disent que l’Allemagne ne doit pas rester dans l’otan. Au diable avec ça. Nous l’avons emporté, pas eux. On ne peut pas laisser les Soviétiques arracher la victoire de la gueule de la défaite » [34]. Déclarer, en février 1990, que les États-Unis l’ont emporté sur l’Union soviétique est, sans doute, prématuré, si ce n’est pas de la fanfaronnade. Mais, au cours des quelques mois à venir, cette affirmation se confirme avec une vitesse vertigineuse. Au mois de mars, la coalition forgée par le chancelier Kohl gagne, contrairement aux attentes, une solide victoire électorale importante aux premières élections libres en Allemagne de l’Est, condamnant ainsi la rda à une mort rapide [35]. Au sein des discussions dites « 2 + 4 » qui regroupent les quatre puissances occupantes et les deux Allemagnes – une formule française mal accueillie au départ tant à Washington qu’à Moscou –, les Soviétiques découvrent qu’ils sont isolés [36]. Au mois de mai 1990, Gorbatchev dit à Baker, d’un ton dépité : « Nous nous attendons à ce que vous avanciez aussi, et non pas à ce que vous attendiez simplement que les pommes vous tombent dans les bras » [37].
Il est évident, en ce printemps de 1990, que Gorbatchev, malgré les difficultés croissantes qui s’abattent sur lui tant sur le front interne qu’externe, ne lâche pas son projet d’une transformation des alliances [38]. Il est également clair que les Américains sont suffisamment conscients de l’attraction que le projet gorbatchévien représente, en Europe et ailleurs, pour faire des gestes dans ce sens [39]. Le moment clef de ce processus sera le sommet de l’otan qui se tient à Londres en juillet 1990. La déclaration publiée par les chefs d’État et de gouvernement à l’issue de ce sommet est un document que Gorbatchev lui-même aurait pu contresigner : D’emblée, la déclaration annonce : « L’Europe est entrée dans une ère nouvelle et prometteuse… [Les peuples] font le choix d’une Europe entière et libre. Il faut donc que notre Alliance s’adapte à la situation, et elle ne manquera pas de le faire ». La déclaration ne cesse de marteler ce thème : « Plus que jamais, l’Alliance doit susciter le changement. Nous pouvons aider à l’édification des structures d’une Europe plus unie ». Et pour conclure : « Aujourd’hui, notre Alliance amorce une profonde transformation ». Le sens de cette transformation est rendu explicite : « Nous avons conscience de ce que, dans l’Europe nouvelle, la sécurité de chaque État est indissociablement liée à celle de ses voisins… La Communauté atlantique doit se tourner vers les pays de l’Est, ses anciens adversaires du temps de la guerre froide, et leur offrir son amitié… Nous réaffirmons que la sécurité et la stabilité n’ont pas une dimension exclusivement militaire, et nous comptons renforcer l’élément politique de notre Alliance ».
Les chefs des pays de l’otan proposent aux États membres de l’Organisation du traité de Varsovie, y compris à l’Union soviétique bien entendu, une déclaration solennelle commune pour réaffirmer qu’ils ne se considèrent plus comme des adversaires [40]. Et, pour répondre à une demande soviétique bien accueillie par de nombreux autres pays – mais non par les États-Unis –, l’otan insiste sur le renforcement du rôle de la csce en détaillant les nouvelles et multiples fonctions que celle-ci est destinée à assumer [41]. Pour enfoncer le clou, le président Bush, avant même de rentrer à Washington, envoie un message à Gorbatchev lui disant : « Il y a quelques heures, nous avons proclamé une déclaration qui promet la transformation de l’Alliance dans tous les aspects de son travail et, surtout, dans sa relation avec l’Union soviétique. Quand vous lirez la déclaration de l’otan, je veux que vous sachiez qu’elle a été rédigée en pensant particulièrement à vous [42]… »
C’est la dernière victoire diplomatique de Gorbatchev, si c’en est une. Huit jours après la clôture du sommet de Londres, lors de sa rencontre à Stavropol avec le chancelier Kohl, Gorbatchev lève les dernières objections soviétiques à l’unification de l’Allemagne [43]. Dans la même semaine, les conseillers de la Maison-Blanche convainquent le président Bush de « dépersonnaliser » l’appui américain au processus des réformes en Union soviétique, c’est-à-dire de laisser tomber Gorbatchev pour se rapprocher de Boris Eltsine et des autres réformateurs, une décision que Baker ne tarde pas à communiquer à Chevardnadze [44].
Y a-t-il eu un engagement de ne pas élargir l’otan à l’Est ? Nous laissons au lecteur le soin de tirer les conclusions du récit qu’ils viennent de lire.


Date de mise en ligne : 05/12/2011

https://doi.org/10.3917/ri.147.0085

Notes

  • [1]
    Mark Kramer, « The Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », The Washington Quarterly 32:2 (2009), p. 39-61. Kramer est le directeur du Cold War Studies Project à Harvard. Son étude a été rédigée à la demande de Celeste Wallander, sous-secrétaire adjointe à la Défense des États-Unis, responsable pour la Russie, Ukraine et l’Eurasie, qui est remerciée dans la version électronique de l’étude (http://www.twq.com/09april/index.cfm?id=336, consulté le 21 mai 2011). Dans cette version, l’étude apparaît sous la rubrique, très largement employée, intitulée « provocations ». L’étude a été préparée pour une conférence du Center for Strategic and International Studies, un des principaux think tanks washingtoniens, sur le thème « What Was Russia Promised about nato? ». Zbigniew Brzezinski a qualifié l’étude de « really important historical piece of work ». Joshua Kucera, « Cold War Historical Revisionism, Just in Time for the Moscow Summit », le 6 juillet 2009, http://trueslant.com/joshuakucera/2009/07/06/, consulté le 20 mai 2011.
  • [2]
    M. S. Gorbatchev, Zhizn’ i reformy, Moscou, Novosti, 1995, vol. 2, p. 167. Adamichine est cité par Michael R. Gordon, « Anatomy of a Misunderstanding », New York Times, 25 mai 1997.
  • [3]
    C’est à la Conférence de sécurité annuelle de Munich en 2007 que le président Poutine s’est exprimé le plus vigoureusement à ce sujet ; son discours est disponible sur http://www.securityconference.de/archive/konferenzen/2007/ (consulté le 20 mai 2011). Yu. Primakov, Russian Crossroads: towards the New Milleninium, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 128-130. V. Medvedev, entrevue avec Der Spiegel, 9 novembre 2009, disponible sur www.spiegel.de/international/world, consulté le 20 mai 2011.
  • [4]
    É. Chevardnadze, entrevue avec Der Spiegel, 26 novembre 2009, disponible sur www.spiegel.de/international/world, consulté le 20 mai 2011. Le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis de l’époque, dit à peu près la même chose, « that [expansion de l’otan] wasn’t on the horizon, much less on the agenda », Frederic Kempe, « Brent Scowcroft on the Fall of the Berlin Wall », [entretien] New Atlanticist, 2 novembre 2009, disponible sur http://www.acus.org/new_atlanticist/brent-scowcroft-fall-berlin-wall, consulté le 21 mai 2011.
  • [5]
    J. Matlock, Superpower Illusions: How Myths and False Ideologies Led America Astray – and How to Return to Reality, New Haven,Yale University Press, 2010, p. 62.
  • [6]
    Parmi eux, l’ex-sénateur américain, Bill Bradley, « A Diplomatic Mystery », Foreign Policy, no 174, (septembre/octobre 2009), p. 30 ; Archie Brown, « Forms without Substance », Journal of Democracy 20:2 (2009), p. 49; Michael Cox, « Who Won the Cold War in Europe? », in Frédéric Bozo, Marie-Pierre Rey, N. Piers Ludlow et Leopoldo Nuti (eds.), Europe and the End of the Cold War: a Reappraisal, Londres, Routledge 2008, p. 13. Der Spiegel, 26 novembre 2009, op. cit., s’est rallié aussi à cette position avec un dossier sensationnel : Uwe Klussman, Matthias Schepp et Klaus Wiegrefe, « Did the West Break its Promise to Moscow? », Kramer, « Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », op. cit., p. 39, attribue cette position aussi à l’ancien secrétaire américain à la Défense, Robert McNamara, mais, à l’endroit cité, McNamara relate cette position seulement comme étant le point de vue de Moscou : Robert S. McNamara et James G. Blight, Wilson’s Ghost: Reducing the Cost of Conflict, Killing and Catastrophe in the 21st Century, New York, Public Affairs, 2001, p. 85-86.
  • [7]
    Kramer, « Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », op. cit., p. 55. L’ancien haut fonctionnaire du Département d’État américain, Ronald D. Asmus, Opeing nato’s Door: How the Alliance Remade itself for a New Era, New York 2002, écrit que la question de l’élargissement de l’otan « sparked one of the most passionate and fierce national security debates of the decade [les années 1990] in the United States » (p. XXIV), mais il n’évoque qu’ailleurs la question des promesses faites envers Gorbatchev en disant : « The issue was left hanging » (p. 5). Voir aussi Michael MccGwire, « nato Expansion: ‘a Policy Error of Historic Importance’ », International Affairs, 84:6 (2008), p. 1282-1301, qui souligne que l’opposition venait tant de la « droite » universitaire américaine, par exemple, Richard Pipes, que de sa « gauche », par exemple Marshal Shulman. MccGwire accrédite la « promesse » de non-expansion seulement en passant, p. 1285.
  • [8]
    « Iz besedy M. S. Gorbatcheva s Dj. Beikerom 9 febralia 1990 goda », Archives Gorbatchev-Fonda. Fonds no 1, opis no 1, disponible sur www.rodon.org/other/mgigv/1990_1.htm, consulté le 20 mai 2011. Kramer, « The Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », ajoute, de son propre chef, « [to the gdr] » aux paroles de Gorbatchev entre « l’élargissement de la zone de l’otan » et « est inacceptable », ce qui est justement à démontrer.
  • [9]
    Matlock, Superpower Illusions, op. cit., p. 319, no 9. Pour contredire Matlock, le terme « ni na odin dium » apparaît ailleurs dans la version russe du procès-verbal. « Iz besedy M. S. Gorbatcheva s Dj. Beikerom 9 febralia 1990 goda », op. cit.
  • [10]
    Baker insiste sur cet argument dans l’entretien cité, « Anatomy of a Misunderstanding », op. cit. Dans ses mémoires, il ne fait pas référence à cet échange, bornant son récit de cette rencontre avec Gorbatchev à quelques phrases sur la formule « 2 + 4 » en laissant entendre que le gros de ses discussions était avec Chevardnadze (James A, Baker avec Thomas M Defrank, Politics of Diplomacy: Revolution, War and Peace 1989-1992, New York, Putnam 1995, p. 205). Dans la lettre que Baker adresse au chancelier Kohl le lendemain de sa rencontre pour faire part de sa discussion avec Gorbatchev, Baker résume les propos de ce dernier : « He then added ‘Certainly any extension of the zone of nato would be unacceptable’. » Baker ajoute « (by implication, nato in its current zone might be acceptable) ». Dokumente zur Deutschlandpolitik: Deutsche Einheit. Sonderedition aus den Akten des Bundeskanzleramtes, Hanns Jürgen Küsters und Daniel Hofmann (eds.), Munich, Oldenbourg, 1998, p. 794.
  • [11]
    Asmus, Opening nato’s Door, op. cit., p. 5-6.
  • [12]
    Mary Elise Sarotte, « Not One Inch Eastward? Bush, Baker, Kohl, Genscher, Gorbachev, and the Origin of Russian Resentment toward nato Enlargement in February 1990 », Diplomatic History 34:1 (2010), p. 119-140. Comme Sarotte le rappelle, et comme Kramer le reconnaît dans une correction à son article du Washington Quarterly, les références dans l’article de Kramer aux documents américains sont tirées de la recherche de Sarotte.
  • [13]
    Selon Kucera, « Cold War Historical Revisionism », op. cit., Andrew Kuchins, le spécialiste de la Russie au csis, le think tank, qui a publié l’étude de Marc Kramer, aurait dit aux Russes qui se plaignaient de la violation de la promesse de non-engagement : « Si c’était tellement important pour vous pourquoi n’avez-vous pas obtenu cet engagement par écrit ? » À quoi on peut répondre : « Et la bonne foi… ? »
  • [14]
    Lors de l’échange du 9 février 1990, Baker dit à Gorbatchev : « Je veux beaucoup que vous sachiez que ni le président ni moi n’avons l’intention de tirer des avantages unilatéraux des processus en cours », (« Iz besedy M. S. Gorbatcheva s Dj. Beikerom 9 febralia 1990 goda », op. cit.). Bush dit à Gorbatchev en mai 1990 : « We do not want winners and losers », George Bush et Brent Scowcroft, A World Transformed, New York Knopf, 1988, p. 280. Cf. le propos de Bush devant Kohl, cité note 34 ci-dessous.
  • [15]
    Baker, Politics of Diplomacy, op. cit., p. 90.
  • [16]
    Avec un brin de jalousie, Baker compare Gorbatchev à Reagan en termes de charisme et popularité. Il écrit : « Gorbachev’ s confidence bordered on cockiness… », Politics of Diplomacy, op. cit., p. 83. Comparaison dans le New York Times du 8 décembre 1988, cité par Dan Oberdorfer, From the Cold War to a New Era: the United States and the Soviet Union, 1983-1991, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1998, p. 318-319.
  • [17]
    J. Haslam, Russia’s Cold War, New Haven, Yale University Press, 2011, p. 375. Notez aussi l’expression savoureuse de Les Aspin, président de la Commission des forces armées de la Chambre des représentants du Congrès américain, en mars 1989 : « We look like a bunch of bean counters and Gorbachev looks like a guy who wants a different relationship in Europe » (Bush et Scowcroft, World Transformed, op. cit., p. 59). Le Premier ministre canadien décrit Bush comme « perplexed and confused » en ce début d’année 1990 (Pavel Palazchenko, My Years with Gorbachev and Shevardnadze: the Memoir of a Soviet Interpreter, University Park pa, Pennsylvania State University Press, 1997, p. 172).
  • [18]
    Cité par Robert L. Hutchings, American Diplomacy and the End of the Cold War: an Insider’s Account of us Policy in Europe, 1989-1992, Washington, Woodrow Wilson Center Press, 1997, p. 44.
  • [19]
    Raymond L. Garthoff, The Great Transition: American-Soviet Relations and the End of the Cold War, Washington, Brookings Institution, 1994, p. 381.
  • [20]
    Kramer, « Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », op. cit., p. 42. Aussi, Heinrich Maetzke, « Das Management der Einheit: Eine Sonderedition aus den Akten des Bundeskanzleramtes zur Deutschlandpolitik 1989/1990 », Frankfurter Allgemeine Zeitung du 1er septembre 1998.
  • [21]
    V. Mastny, « Eastern Europe, the ec/eu and nato », in Bozo et al. (eds.), Europe and the End of the Cold War, op. cit., p. 237.
  • [22]
    László Valki, « Hungary’s Road to nato », Hungarian Quarterly 40:3 (1990), p. 1. Et Kramer, « Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », op. cit. p. 42.
  • [23]
    Asmus, fortement impliqué dans le processus d’élargissement, maintient que l’initiative de cet élargissement est venue de l’Est, mais il reconnaît qu’elle a commencé « around 1991 ». Opening nato’s Door, op. cit. p. 7.
  • [24]
    Hutchings, « American Diplomacy and the End of the Cold War », op. cit., p. 120.
  • [25]
    « Kohl Calls E. German Move for New Police “Catastrophic”: Erosion of Confidence Could Advance Vote », Washington Post, 18 janvier 1990. Genscher présente cette entrevue de son chancelier comme un désaccord profond avec Bush sur le lien indissoluble entre unification allemande et appartenance à l’otan, en ajoutant qu’il connaissait Kohl assez bien pour ne pas être inquiet (Hans-Dietrich Genscher, Erinnerungen, Berlin, Siedler, 1993, p. 713).
  • [26]
    Le Département d’État avait mis Baker en garde contre le danger de « genscherisme », une prétendue mollesse à l’égard de l’Union soviétique qui avait valu à Genscher la méfiance de Washington à l’époque Reagan. En rencontrant Genscher, Baker lui aurait dit : « How come everyone over here thinks you’re such a bad guy? I don’t think you’re such a bad guy. » Genscher aurait bien pris la plaisanterie, toujours selon Baker, Politics of Diplomacy, op. cit., p. 88.
  • [27]
    Dans ses Mémoires, Genscher se défend d’avoir agi dans ce sens, Erinnerungen, p. 712-714, sans convaincre les nombreux commentateurs et les autres acteurs de l’époque. Voir Heinrich Maetzke, « Die Schwierigkeiten machte Genscher: die amerikanische Strategie im Umgang mit Gorbatschow », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 2 octobre 1997. Voir aussi les remarques accablantes du conseiller de Kohl, Horst Teltschik, 329 Tage: Innenansichten der Einigung, Berlin, Siedler, 1991, entrées de journal pour les 14 février (p. 149), 19 février (p. 151) et 23 mars 1990 (p. 182).
  • [28]
    Les hauts fonctionnaires américains impliqués dans le processus qui ont commis l’étude la plus sérieuse sur la question, Phillip Zelikow et Condoleezza Rice, Germany Unified and Europe Transformed. A Study in Statecraft, Harvard University Press, Cambridge ma, 1995, décrivent ce chiffre de 58 % comme « astonishing », reconnaissant avec un understatement tout anglo-saxon : « The idea of German membership in nato was not terribly popular », p. 203.
  • [29]
    Kramer (« Myth of a No-nato-Enlargement Pledge to Russia », op. cit. p. 43) évoque le « surprisingly upbeat mood in the Kremlin during the first several weeks of 1990 ». Jacques Lévesque, 1989. La fin d’un empire : l’urss et la libération de l’Europe de l’Est, Paris 1995, p. 290 cite en revanche deux personnages soviétiques haut placés et, dans le deuxième cas, proche de Gorbatchev, V. Falin et A. Tcherniaev, qui maintiennent que « dès la fin de novembre 1989… des conseillers de Gorbatchev prenaient une position défaitiste [face à la perspective d’une Allemagne unie dans l’otan] ». On peut se demander s’il ne s’agit pas d’une « sagesse rétrospective » de leur part. Falin, lui-même, prétend avoir dit le contraire de ce que lui est attribué (voir Valentin Falin, Politische Erinnerungen, Munich, Droemer Knaur, 1993, p. 489-490).
  • [30]
    Bush et Scowcroft, World Transformed, p. 163-174. Voir le procès-verbal (partiel) des discussions publié en traduction sous le titre de « Soviet Transcript of the Malta Summit, 2-3 December 1989 », tiré des Archives de la Fondation Gorbatchev, fonds 1 opis, mis en ligne par le National Security Archive, George Washington University, sous le titre « Bush and Gorbachev at Malta », disponible sur http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB298/index.htmb, consulté le 24 mai 2011.
  • [31]
    « Baker had in mind a straightforward quid pro quo: the United States would make help unification happen, if the West Germans stood with the Americans on the issue of nato » (Zelikow et Rice, Germany Unified and Europe Transformed, op. cit., p. 173, italiques dans l’original).
  • [32]
    Scowcroft le dit crûment : « Helmut Kohl and George Bush were the only ones that wanted German reunification. The Russians didn’t; the French didn’t; the British didn’t ». Voir aussi J. Lévesque, « In the Name of Europe’s Future: Soviet, French and British Qualms about Kohl’s Rush to German Unification », in Bozo et al. (eds.), Europe and the End of the Cold War, op. cit., p. 95-106.
  • [33]
    G. H. Bush, « Joint News Conference Following Discussions With Chancellor Helmut Kohl of the Federal Republic of Germany, February 25, 1990 », disponible sur http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=18188#axzz 1NGAohFeX, consulté le 22 mai 2011.
  • [34]
    Baker (Politics of Diplomacy, op. cit., p. 230) cite le président : « They’re saying that Germany must not stay in nato. To hell with that, we prevailed and they didn’t. We can’t let the Soviets snatch victory from the jaws of defeat. » Sur l’hypothèse d’une solution « à la française », voir Hutchings, American Diplomacy and the End of the Cold War, op. cit., p. 122. Baker (Politics of Diplomacy, op. cit., p. 233) cite le président dans cet échange : « I hate to think of another France in nato. »
  • [35]
    La coalition réunie autour du projet de Kohl recueille 48 % du vote est-allemand, par rapport au grand favori, le spd, qui n’en obtient que 22 %, ce qui le met en minorité même avec l’appui des ex-communistes, le pds (18 %) et le parti réformateur, Alliance 90 (3 %). Selon Hannes Adomeit, le choc à Moscou, comme ailleurs, est énorme, comme en témoigne l’impasse que la direction fait sur la situation et s’accrochant à des positions dorénavant dépassées. « Gorbachev’s Consent to Unified Germany’s Membership in nato », in Bozo et al. (eds.), Europe and the End of the Cold War, op. cit., p. 110.
  • [36]
    La formule « 2 + 4 » est au cœur de toutes les études et mémoires sur les négociations concernant l’unification allemande. Pour une analyse succincte, Stephen F. Szabo, The Diplomacy of German Unification, New York, St. Martin’s Press, 1992. À la première réunion des négociations « 2 + 4 », Chevardnadze a mis les participants en garde contre « les tentatives de chercher des avantages unilatéraux ». Cité dans Zelikow et Rice, Germany Unified and Europe Transformed, op. cit., p. 248. Vain effort, pourrait-on ajouter !
  • [37]
    « … we are moving forward, and we expect you to move forward as well, and not just wait for the apples to fall into the barrel » (Baker, Politics of Diplomacy, op. cit., p. 249).
  • [38]
    Les considérations économiques, déjà présentes lors de la visite de Gorbatchev en rfa en juin 1989 prennent de plus en plus le dessus dans les enjeux Est-Ouest au cours de l’année 1990, année qui voit Gorbatchev obligé de quémander ouvertement l’aide occidentale. Bonn réagit dans le sens voulu, les États-Unis se retiennent.
  • [39]
    Baker écrit : « We had to work with our Western partners to adapt nato and csce to make them appear less threatening to the Soviet people » (c’est nous qui soulignons). Un thème qui revient sans cesse dans les écrits des dirigeants américains, c’est que Gorbatchev et Chevardnadze « needed arguments that they could use to combat their critics internally and to provide them the political cover they needed to make hard choices » (Baker, Politics of Diplomacy, op. cit., p. 231-232). Le conseiller à la sécurité nationale d’ajouter, « hard to tell whether Gorbachev meant what he was saying, or if he was simply voicing the conservatives’ unhappiness for the sake of domestic consumption » (Bush et Scowcroft, A World Transformed, p. 275). Une réflexion sur l’état d’esprit que ces remarques révèlent chez les dirigeants américains sur le processus politique, tant chez eux qu’ailleurs, sortirait du cadre de cette étude.
  • [40]
    Une « déclaration commune » est un projet allemand, appuyé par la « plupart des autres partenaires » (c.-à-d., les membres de l’otan), par opposition au projet américain d’un « échange de déclarations » (Dokumente zur Deutschlandpolitik, op. cit., p. 1311). Notez qu’en ce qui concerne un éventuel élargissement de l’otan, la Déclaration est silencieuse, même pour ce qui est de l’Allemagne.
  • [41]
    Citations tirées du texte complet de la Déclaration de Londres sur une alliance de l’Atlantique rénovée (6 juillet 1990) disponible sur http://www.ena.lu/declaration_londres_alliance_atlantique renovée_juillet_1990-010004951.html, consulté le 21 mai 2011. Baker décrit la csce comme « an extremely unwieldy and frustrating organization », Baker, Politics of Diplomacy, op. cit., p. 173.
  • [42]
    Bush et Scowcroft, World Transformed, p. 295, « importantly in mind », dit l’original pour « particulièrement à l’esprit ».
  • [43]
    Le dénouement du processus est décrit le plus en détail et d’une perspective particulière par Helmut Kohl lui-même, Erinnerungen, Munich, Droemer, 2004, vol. 3, p. 162-182, et Je voulais l’unité de l’Allemagne, présenté par Karl Diekmann et Ralf-Georg Reuth, traduit de l’allemand par Isabelle Hausser, Paris, Éditions de Fallois, 1997, p. 351-369. Les procès-verbaux de ces rencontres et les documents connexes ont été publiés dans Dokumente zur Deutschlandpolitik, op. cit., p. 1340-1376.
  • [44]
    Robert M. Gates, From the Shadows: the Ultimate Insider’s Story of Five Presidents and How They Won the Cold War, New York, Touchstone, 1996, p. 496.

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