Notes
-
[1]
Entre autres, A. Fleury, « Un sursaut antiprotectionniste dans le contexte de la crise économique de 1929 : le projet d’une trêve douanière plurilatérale », Relations internationales, n° 39, 1984, p. 333-354 ; É. Bussière, « L’Organisation économique de la sdn et la naissance d’un régionalisme économique en Europe », Relations internationales, n° 75, 1993, p. 301-313 ; M.-R. Mouton, La Société des Nations et les intérêts de la France (1920-1924), Berne, 1995 ; S. Schirmann, Crise, coopération économique et financière entre États européens, 1929-1933, Paris, 2000.
-
[2]
L. Pauly, Who Elected the Bankers? Surveillance and Control in the World Economy, Ithaca, 1997, p. 44-78; A. Endres, G. Fleming, International Organizations and the Analysis of Economic Policy, 1919-1950, Cambridge, 2002 ; P. Clavin, « “Money Talks”: Competition and Cooperation with the League of Nations, 1929-1940 », M. Flandreau (ed.), Money Doctors. The Experience of International Financial Advising, 1850-2000, London, 2003, p. 219-248 ; P. Clavin, J.-W. Wessels, « Transnationalism and the League of Nations: Understanding the Work of Its Economic and Financial Organisation », Contemporary European History, 14, 2005, p. 465-492 ; Y. Decorzant, La Société des Nations et la naissance d’une conception de la régulation économique internationale, thèse de doctorat, Genève, 2008 ; M. Fior, Institution globale et marchés financiers : la Société des Nations face à la reconstruction de l’Europe, 1918-1931, Berne, 2008.
-
[3]
Voir les nombreuses contributions au colloque international qui s’est déroulé à Genève en 2009 : « Politiques sociales transnationales. Réseaux réformateurs et Organisation internationale du travail ». http://www.unige.ch/ieug/recherche/colloques/ILO.html. Également S. Kott, « Une “communauté épistémique” du social ? Experts de l’oit et internationalisation des politiques sociales dans l’entre-deux-guerres », Genèses, n° 71, 2008, p. 26-46.
-
[4]
Sur cette question, M. Finnemore, K. Sikkink, « International Norm Dynamics and Political Change », International Organization, n° 52, 1998, p. 887-917; B. Koremenos, C. Lipson, D. Snidal, « The Rational Design of International Institutions », International Organization, n° 55, 2001, p. 761-799 ; J. Checkel, « International Institutions and Socialization in Europe: Introduction and Framework », International Organization, n° 59, 2005, p. 801-826 ; D. Bearce, S. Bondanella, « Intergovernmental Organizations, Socialization, and Member-State Interest Convergence », International Organization, n° 61, 2007, p. 703-733.
-
[5]
C. Farquet, « Le secret bancaire en cause à la Société des Nations », Traverse, Revue d’histoire, n° 1, 2009, p. 102-115 ; C. Farquet, « Lutte contre l’évasion fiscale : l’échec de la sdn durant l’entre-deux-guerres », L’Économie politique, n° 44, 2009, p. 93-112. Le seul autre ouvrage à avoir analysé très sommairement ces discussions sur la base des archives de la sdn est le suivant : T. Godefroy, P. Lascoumes, Le Capitalisme clandestin. L’illusoire régulation des places offshore, Paris, 2004, p. 134-138.
-
[6]
Sur la position anglaise, Clavin, Wessels, « Transnationalism and the League », op. cit., p. 470-472. Sur la politique française, Mouton, op. cit., p. 443-554.
-
[7]
Fior, Institution globale, op. cit., p. 184-191.
-
[8]
Pour une analyse détaillée du fonctionnement de l’oef, Clavin, Wessels, « Transnationalism and the League », op. cit., p. 468-481.
-
[9]
Archives de la sdn à Genève (ci-après asdn), Journal officiel de la Société des Nations, Actes de l’Assemblée, Suppléments, Procès-verbal (ci-après pv) de la 2e commission de l’Assemblée, 23 septembre 1921.
-
[10]
Sur la composition de l’oef et son évolution dans les années 1920, Decorzant, La Société des Nations, op. cit., p. 483-551.
-
[11]
Pauly, Who Elected The Bankers?, op. cit., p. 59, 68.
-
[12]
Sur ces programmes, N. Piétri, « L’œuvre d’un organisme technique de la Société des Nations. Le Comité financier et la reconstruction de l’Autriche », La Société des Nations. Rétrospective, Berlin, 1983, p. 319-342 ; Fior, Institution globale, op. cit.
-
[13]
Sur la conférence, C. Fink, The Genoa Conference. European Diplomacy, 1921-1922, Chapel Hill, 1984.
-
[14]
Ce comité, créé en 1921, publie un rapport sur la double imposition en 1923 : sdn, Rapport sur la double imposition présenté au Comité financier par MM. Bruins, Einaudi, Seligman et Sir Josiah Stamp, Genève, 1923.
-
[15]
Farquet, « Lutte contre l’évasion fiscale », op. cit., p. 96-99.
-
[16]
asdn, efs/dt/1re session/pv2, pv du comité d’experts sur la double imposition et l’évasion fiscale de la sdn (ci-après ce), 4 juin 1923.
-
[17]
Pour les stratégies des différents gouvernements au sujet de l’évasion fiscale, Farquet, « Le secret bancaire », op. cit. ; Farquet, « Lutte contre l’évasion », op. cit.
-
[18]
Pour une analyse précise des questions de double imposition discutées à la sdn, S. Picciotto, International Business Taxation. A Study in the Internationalization of Business Regulation, London, 1992, p. 1-37.
-
[19]
asdn, efs/dt/1re session/pv2, pv du ce, 4 juin 1923 ; efs/dt/4e session/pv3, 21 octobre 1924.
-
[20]
asdn, efs/dt/2e session/pv10, pv du ce, 13 octobre 1923 ; efs/dt/4e session/pv5, pv du ce, 22 octobre 1924.
-
[21]
asdn, f/18e session/pv7, pv du comité financier, 7 juin 1925.
-
[22]
asdn, efs/dt/3e session/pv7, pv du ce, 4 avril 1924.
-
[23]
asdn, f 135, Document de travail, « Double imposition. Liaison avec la Chambre de commerce internationale », 21 février 1924.
-
[24]
sdn, Double imposition et évasion fiscale, Rapport et Résolutions présentés par les experts techniques au Comité financier de la Société des Nations, Genève, 1925.
-
[25]
W. Coates, « Double Taxation and Tax Evasion », Journal of the Royal Statistical Society, n° 88, 1925, p. 425 (traduction de l’auteur).
-
[26]
asdn, efs/dt/4e session/pv4, pv du ce, 22 octobre 1924 ; efs/dt/5e session/pv3, pv du ce, 3 février 1925.
-
[27]
Sur ce tournant en France, K. Mouré, La Politique du franc Poincaré (1926-1936), Paris, 1998, p. 33-92.
-
[28]
sdn, Double imposition et évasion fiscale, Rapport présenté par le Comité des experts techniques sur la double imposition et l’évasion fiscale, Genève, 1927.
-
[29]
asdn, dt/Réunion/pv 1-17, Réunion des experts gouvernementaux en matière de double imposition et d’évasion fiscale, 22-31 octobre 1928 ; sdn, Rapport présenté par la Réunion générale d’experts gouvernementaux en matière de double imposition et d’évasion fiscale, Genève, 1928.
-
[30]
asdn, Journal officiel, pv de la 5e séance de la 53e session du Conseil, 14 décembre 1928. Les mots sont du représentant cubain, Aristide Agüero y Bethancourt.
-
[31]
Un modèle de convention sur la ventilation des bénéfices est rédigé en 1933 sans qu’il ne débouche sur un accord plurilatéral. asdn, f/Fiscal/76, Rapport au Conseil sur les travaux de la 4e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 15 au 26 juin 1933 ; F/Fiscal/83, Rapport au Conseil sur les travaux de la 5e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 12 au 17 juin 1935.
-
[32]
asdn, f/Fiscal/1re session/pv1, pv du comité fiscal, 17 octobre 1929.
-
[33]
Obtenu sur l’initiative de l’expert américain, le professeur de Yale Thomas Adams, le premier don de la fondation en 1930 s’élève à un montant de 90 000 dollars. asdn, f/Fiscal/41, Rapport au Conseil sur les travaux de la 2e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 22 au 31 mai 1930. En 1933, une nouvelle donation de 50 000 dollars est faite. asdn, f/Fiscal/76, Rapport au Conseil sur les travaux de la 4e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 15 au 26 juin 1933.
-
[34]
Par exemple les discussions sur les clauses fiscales de la conférence de Paris sur le traitement équitable des étrangers de novembre 1929. asdn, f/Fiscal/1re session/pv3 et 7, pv du comité fiscal, 19 et 23 octobre 1929.
-
[35]
Endres, Fleming, International Organizations, op. cit., p. 9-16.
-
[36]
G. Sacriste, A. Vauchez, « Les “bons offices” du droit international : la constitution d’une autorité non politique dans le concert diplomatique des années 1920 », Critique internationale, n° 26, 2005, p. 101-117.
-
[37]
asdn, f/Fiscal/3e session/pv8, pv du comité fiscal, 3 juin 1931.
-
[38]
En ce sens, le cas du comité fiscal appuie l’analyse de Pauly – plutôt que celle de Clavin et Wessels – sur la technicisation des travaux de l’oef dans les années 1930. Pauly, Who Elected the Bankers?, op. cit., p. 67-74 ; Clavin, Wessels, « Transnationalism and the League », op. cit., p. 481-490.
-
[39]
Le travail le plus important du comité est l’étude menée sous la direction de l’expert américain Mitchell Carroll sur la ventilation des bénéfices : sdn, L’Imposition des entreprises étrangères et nationales. Étude sur la législation fiscale et les méthodes de ventilation des bénéfices des entreprises travaillant dans plusieurs pays, Genève, 5 vol., 1932-1933.
-
[40]
asdn, Journal officiel, Actes de l’Assemblée, Suppléments, pv de la 2e Commission de l’Assemblée, 5 octobre 1936.
-
[41]
asdn, f/Fiscal/100, Rapport au Conseil sur les travaux de la 7e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 11 au 16 octobre 1937 ; F/Fiscal/104, Rapport au Conseil sur les travaux de la 8e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 17 au 20 octobre 1938.
-
[42]
A. Loveday, « The Economic and Financial Activities of the League », International Affairs, n° 6, 1938, p. 790 (trad. de l’auteur).
-
[43]
V.-Y. Ghébali, « The League of Nations and Functionalism », in A. Groom, P. Taylor (ed.), Functionalism. Theory and Practice in International Relations, London, 1975, p. 152 (trad. de l’auteur).
-
[44]
Picciotto, International Business Taxation, op. cit., p. 36 (trad. de l’auteur).
-
[45]
Archives fédérales à Berne (ci-après af), E 2001 B, 1000/1508, vol. 34, pv du Conseil fédéral, 23 avril 1923.
-
[46]
asdn, efs/dt/3e session/pv14, pv du ce, 7 avril 1924.
-
[47]
asdn, efs/dt/4e session/pv4, pv du ce, 22 octobre 1924.
-
[48]
S. Guex, « Les origines du secret bancaire suisse et son rôle dans la politique de la Confédération au sortir de la Seconde Guerre mondiale », Genèses, n° 34, 1999, p. 4-27.
-
[49]
M. van Orsouw, Das vermeintliche Paradies. Eine historische Analyse der Anziehungskraft der Zuger Steuergesetze, Zürich, 1995, p. 42-49.
-
[50]
Sur la convention avec l’Allemagne, S. Guex, « Relations commerciales entre l’Allemagne et la Suisse : histoire d’une rupture, 1930-1932 », S. Guex (éd.), La Suisse et les grandes puissances, 1914-1945. Relations économiques avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France, Genève, 1999, p. 281-286. Sur la convention avec la France, J. Schaufelbuehl, La France et la Suisse ou la force du petit. Évasion fiscale, relations commerciales et financières (1940-1954), Paris, 2009, p. 316-330. Pour le texte britannique, Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant l’approbation de la convention passée entre la Suisse et la Grande-Bretagne en vue d’éviter certains cas de double imposition, 19 janvier 1932, Feuille fédérale, 1932, vol. 1, p. 92-99.
-
[51]
af, E 2001 B, 1000/1508, vol. 34, Lettre de Musy au Département politique fédéral, 16 octobre 1922.
-
[52]
S. Guex, « L’initiative socialiste pour une imposition extraordinaire sur la fortune en Suisse (1920-1922) », Regards sociologiques, n° 8, 1994, p. 101-116.
-
[53]
S. Guex, La Politique monétaire et financière de la Confédération suisse (1900-1920), Lausanne, 1993, p. 414.
-
[54]
Archives de l’asb à Bâle (ci-après aasb), pv du Conseil de l’asb, 13 décembre 1922 (trad. de l’auteur).
-
[55]
af, E 2001 B, 1000/1508, vol. 34, pv du Conseil fédéral, 23 janvier 1925.
-
[56]
af, E 1005 2/2, pv secret du Conseil fédéral, 15 janvier 1924, cité dans Documents diplomatiques suisses, Berne, 8, 1988, p. 828-829.
-
[57]
Sur ces démarches de la Commission des réparations, E. Weill-Raynal, Les Réparations allemandes et la France, Paris, vol. 2, 1947.
-
[58]
P. Guillen, « Les relations financières franco-suisses après la Première Guerre mondiale », in R. Poidevin, L.-E. Roulet (éd.), Aspects des rapports entre la France et la Suisse de 1843 à 1939, Neuchâtel, 1982, p. 166-171.
-
[59]
sdn, Rapport, op. cit., 1925, p. 34-35.
-
[60]
af, E 2001 B, 100/1508, vol. 34, pv du Conseil fédéral, 19 mars 1925 (traduction de l’auteur).
-
[61]
aasb, pv du Conseil de l’asb, 20 mars 1935 ; af, E 2001 C, 1000/1536, vol. 15, Lettre confidentielle de Maxime de Stoutz, chef de la division suisse des Affaires étrangères, à Blau, le 25 septembre 1935. Le texte envisagé est celui de la convention franco-italienne de double imposition qui va plus loin dans la préservation du secret bancaire que le modèle de la sdn, puisqu’il stipule explicitement qu’aucune atteinte ne peut être faite « au secret des opérations bancaires ».
-
[62]
af, E 2001 B, 1000/1508, vol. 34, pv du Conseil fédéral, 23 janvier 1925 (traduction de l’auteur).
-
[63]
asdn, efs/dt/session5/pv 4, 5 et 6, pv du ce, 3 et 4 février 1925.
-
[64]
asdn, efs/dt/session6/pv, pv du ce, 17 au 22 mai 1926. La décision de cette stratégie est prise en 1923 déjà par l’asb. aasb, pv du Conseil de l’asb, 7 septembre 1923.
-
[65]
Cet argument est par exemple invoqué pour refuser d’entrer en négociations avec la Hongrie et l’Allemagne. af, E 2001 D, 1000 1553, vol. 211, Lettre du Département politique fédéral à la légation hongroise à Berne, 16 juin 1925 ; E 2001 D, 1000 1536, vol. 3, Lettre du Département politique fédéral à l’ambassade allemande à Berne, 17 mai 1927.
-
[66]
af, E 2001 C, 1000/1535, vol. 14, Rapport du Département politique fédéral du 7 juillet 1926, annexé à une proposition de Musy au Conseil fédéral, 29 juin 1926.
-
[67]
af, E 2001 D, 1000/1555, vol. 1, pv du Conseil fédéral, 3 juin 1937.
-
[68]
asdn, Journal officiel, Actes de l’Assemblée, supplément, pv de la 2e commission de l’Assemblée, 30 septembre 1937.
-
[69]
af, E 2001 D, 1000/1554, vol. 27, Lettre confidentielle de Motta à Albert Meyer, conseiller fédéral en charge du Département fédéral des finances et des douanes, 2 mars 1938 (trad. de l’auteur).
-
[70]
af, E 2001 C, 1000/1536, vol. 3, Notiz : « Unverbindliche Besprechung betreffend eines umfassenden Doppelbesteuerungsvertrages zwischen der Schweiz und Deutschland… », Genève, 1er novembre 1928 ; E 2001 C, 1000/1536, vol. 18, Lettre de Paul Dinichert, chef de la division suisse des Affaires étrangères à Charles Paravicini, ministre à la légation suisse à Londres, 5 novembre 1928 ; E 2001 C, 1000/1536, vol. 16, Lettre d’Alphonse Dunant, ministre à la légation suisse à Paris, à Motta, 16 novembre 1928.
-
[71]
af, E 2001 C, 1000/1536, vol. 16, Lettre de Blau à de Stoutz, 13 juillet 1933.
-
[72]
C’est le cas avec l’Italie en 1929 et 1930. af, E 2001 C, 1000/1536, vol. 19, Lettres de Blau à Dinichert, 28 mai 1929 et 12 juin 1930.
-
[73]
Archiv für Zeitgeschichte à Zurich, 75.1.1.3, Lettre de Hulftegger à Hans Sulzer et Ernst Wetter, président et vice-président de l’usci, 11 juin 1937 (trad. de l’auteur).
-
[74]
Sur la notion de communauté épistémique, par exemple, le n° 1 de la revue International Organization, 46, 1992.
-
[75]
Par exemple : Godefroy, Lascoumes, Le Capitalisme clandestin, op. cit., p. 139-150 ; F. Lynch, « Harmonization through Competition? The Evolution of Taxation in Postwar Europe », H. Nehring, F. Schui (éd.), Global Debates about Taxation, Basingstoke, 2007, p. 116-133.
1L’Organisation économique et financière (oef) de la Société des Nations (sdn) constitue une des premières expériences importantes de multilatéralisme économique. En rupture avec l’image officielle, promue durant l’entre-deux-guerres, qui attribuait un caractère technique aux discussions de cet organisme, un certain nombre d’études ont en effet mis en évidence depuis plusieurs décennies déjà les enjeux politiques significatifs soulevés par ses actions [1]. À ces premières recherches historiques sont venus en outre s’ajouter récemment différents travaux qui ont porté leur attention sur la structure et le discours des commissions économiques et financières de la sdn [2]. Par ce recadrage partiel de la focale d’analyse, l’oef est apparue également comme un centre de création de réseaux, de conception de l’expertise ou encore de diffusion de normes et de savoirs. Elle préfigure à ce titre les institutions internationales de l’après-guerre.
2Pourtant, contrairement par exemple à l’Organisation internationale du travail (oit) [3], il manque encore à ce jour pour l’oef un ensemble d’études de cas qui, d’une part, examineraient attentivement le fonctionnement des différents comités économiques au sein de la sdn et qui, d’autre part, évalueraient, à l’aide des archives nationales, la manière dont les débats de ces organes ont été encadrés par les gouvernements. Or, la superposition de ces deux points de vue offre la possibilité d’estimer le “désaxage” et l’autonomie des organisations internationales vis-à-vis des politiques étatiques, une problématique qui, interrogeant directement leur utilité et leur influence, fait l’objet d’un vaste débat chez les spécialistes des relations internationales [4]. À quel point le multilatéralisme économique instauré après la Première Guerre mondiale biaise-t-il la Realpolitik ? Par l’analyse du comité fiscal de l’oef, dont les discussions actuelles à l’ocde et à l’onu sont les héritières directes, le présent article tente d’alimenter cette réflexion.
3Comme il a été montré ailleurs, une commission d’experts réunissant des hauts fonctionnaires des principales administrations fiscales européennes est chargée, dès 1923, d’entreprendre des discussions multilatérales sur la double imposition et l’évasion fiscale à la sdn [5]. En raison des coûts engendrés par la Grande Guerre, la fiscalité directe acquiert en effet à la fin du conflit un rôle économique sans précédent. Dans les relations internationales, des problèmes de sous- et de surtaxation se posent avec acuité dans ce laboratoire de systèmes d’imposition qu’est l’Europe du début des années 1920. D’un côté, en l’absence de transmission de renseignements fiscaux entre les administrations nationales, il est très aisé d’échapper à l’impôt en plaçant ses capitaux à l’étranger. De l’autre, les multinationales pâtissent de cumuls de taxations dans les différents États où elles enregistrent des revenus. Néanmoins, pour pallier ces phénomènes de soustraction fiscale et de superposition de taxes, le projet initial de la réalisation d’un accord multilatéral à la sdn s’avère rapidement une chimère en raison des positions antagonistes des camps français et britannique. Les négociations fiscales vont se dérouler dans les années 1930 principalement sur le plan bilatéral : une soixantaine d’accords contre la double imposition sont conclus, tandis que les mesures contre l’évasion fiscale restent embryonnaires.
4Au-delà de ce constat général de l’échec de la signature d’une convention multilatérale, la question reste donc de savoir à présent quelles sont les caractéristiques spécifiques des discussions fiscales de la sdn en comparaison des relations interétatiques qui se déroulent en dehors de l’organisation internationale. Pour aborder cette problématique, l’article procède en deux temps. En premier lieu, en se centrant sur les activités à Genève, le statut de l’expertise fiscale de l’oef est évalué. L’analyse se penche précisément sur la fonction attribuée aux représentants fiscaux à la sdn et les facteurs qui conditionnent l’évolution des discussions. En second lieu, le point de vue se déplace sur le cas d’un pays au cœur des pressions internationales, le havre fiscal suisse. Le but est alors d’apprécier l’impact du multilatéralisme sur la politique helvétique en considérant la particularité des stratégies mises en œuvre par les dirigeants suisses à la sdn et en estimant dans quelle mesure l’oef a fait contrepoids à leur ligne en matière d’évasion fiscale.
Les fonctionnaires fiscaux en costume d’experts internationaux dans les années 1920
5La figure de l’expert international occupe une place centrale dans le fonctionnement de l’oef. Au début des années 1920, les réticences des gouvernements français et anglais à l’égard de la constitution d’un organisme multilatéral trop puissant font pencher la balance en faveur d’une limitation de la portée des discussions économiques à Genève. La crainte des autorités hexagonales que l’oef puisse à terme remettre en cause les conditions du traité de Versailles vient s’ajouter à la politique globalement anti-interventionniste des dirigeants britanniques [6]. Les décisions des deux organes principaux, le comité économique et le comité financier, ainsi que de leurs commissions subalternes, auront uniquement valeur d’expertise et n’engageront en rien les gouvernements. Aussi la légitimité des membres des comités de l’oef va-t-elle reposer sur leur capacité à présenter des prises de position unanimes. Le statut de l’expert indépendant est mis alors en exergue par les administrateurs de la sdn comme une réponse universaliste aux conflits intestins qui enveniment les relations européennes de l’entre-deux-guerres [7]. Bien que subordonnés formellement aux instances exécutive et législative, le Conseil et l’Assemblée, l’oef jouit en ce sens d’un degré d’autonomie relativement important à la sdn [8].
6Mais cette image idéalisée de la « coopération par persuasion » [9], selon la formule du représentant français à la seconde commission de l’Assemblée de la sdn, Gabriel Hanotaux, dissimule le fait que les experts internationaux de l’oef occupent en réalité des fonctions qui dépassent leur prétendue compétence technique. D’une part, possédant pour la plupart des postes élevés au sein des administrations ou dans le monde des affaires, les membres des comités de l’oef défendent les positions de leurs gouvernements ou de leurs groupes d’intérêt respectifs [10]. D’autre part, loin d’être confinées à l’expertise technique, leurs actions – généralement dans une visée libérale – ont souvent des retombées pratiques aux buts politiques concrets. Les commissions de l’oef agissent comme consensus seeker afin de lubrifier les pourparlers internationaux, en se voyant notamment attribuer des travaux préparatoires pour différents accords bilatéraux et multilatéraux [11]. De plus, ils sont engagés, surtout durant les années 1920, dans l’exécution de programmes économiques de grande ampleur, comme les plans de stabilisation financière en Europe centrale [12]. La dénomination d’experts est donc, pour le dire rapidement, avant tout un paravent destiné à satisfaire la prudence des gouvernements, en ne les associant pas officiellement aux discussions multilatérales et à conférer une légitimité aux actions de la sdn.
7Mis sur pied en 1923 dans le cadre du deuxième volet du programme de l’oef élaboré à la conférence de Gênes [13], le comité sur l’évasion fiscale et la double imposition représente dans les années 1920 un des exemples les plus flagrants du subterfuge de l’expertise. Se distinguant d’un précédent comité fiscal composé de personnalités du monde académique [14], la nouvelle commission, qui se réunit une à deux fois par année sous le contrôle formel du comité financier, a un caractère politique évident. Établie à la suite d’une offensive franco-belge à Gênes et à Genève pour hisser le problème de l’évasion fiscale sur la scène multilatérale [15], elle intègre les chefs d’administration d’impôts des principales puissances européennes membres de la sdn (Belgique, France, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Suisse, Tchécoslovaquie). L’objectif des débats n’en est pas moins formulé de façon équivoque. Comme le recommande le président italien de la commission, Pasquale d’Aroma, lors de la première session en juin 1923, « [l]e Comité doit se placer entièrement sur le terrain technique » tout en ayant comme but la rédaction d’« un accord qui ferait éventuellement l’objet d’une convention internationale » [16]. Il ne faut cependant pas s’y tromper : cette schizophrénie exigée par l’étiquette de l’oef relève de la feinte. Tout en se camouflant derrière une argumentation “techniciste”, les délégués fiscaux vont se comporter essentiellement comme des négociateurs au service de leurs gouvernements.
8Le contenu des débats est conditionné fondamentalement par l’antagonisme apparu à la sortie de la guerre entre deux politiques fiscales internationales, l’une interventionniste et l’autre libérale. Les initiatives contre l’évasion fiscale des délégués des pays qui subissent une hémorragie de capitaux devant les augmentations d’impôt et la dépréciation monétaire – la France et la Belgique en tête – se confrontent à l’opposition des représentants britannique et suisse [17]. La politique orthodoxe de déflation et d’austérité budgétaire dans ces derniers États renforce en effet leurs places financières qui, au bénéfice d’un secret bancaire, attirent massivement les avoirs en provenance des pays inflationnistes. En outre, si l’élimination de la double imposition fait a priori l’unanimité au sein du comité, une ligne de partage très nette entre ces deux groupes d’États se dessine aussi sur les mesures à mettre en œuvre pour y parvenir. Les administrations des pays fortement exportateurs de capitaux, au premier rang desquels l’Empire britannique, favorisent dans une optique de libéralisation financière une imposition unique des revenus mobiliers au domicile. À l’inverse, les délégués des États en difficulté budgétaire comme la France souhaitent préserver une large assiette d’imposition à la source des capitaux [18].
9Par rapport aux négociations intergouvernementales, la spécificité du multilatéralisme fiscal de l’oef ne réside dès lors ni dans le degré de politisation de ces pourparlers ni dans la composition du comité, mais tient à trois caractéristiques. Premièrement, présentées comme des travaux techniques, les discussions ne peuvent pas échouer. Rappelés plusieurs fois à leur devoir d’experts par le représentant administratif de l’oef au sein des débats, le secrétaire du comité financier Benoît Léon-Dufour [19], les délégués s’accordent en conséquence pour préserver l’unanimité par un processus de neutralisation des questions conflictuelles. Deuxièmement, la fonction de légitimation de l’expertise de l’oef est convoitée par les représentants du comité. Parallèlement à leur volonté de conclure un accord contre l’évasion fiscale, les délégués français et belge tentent d’utiliser de 1923 à 1925 la tribune offerte par la sdn pour apporter une caution à l’extension à l’intérieur des pays des contrôles fiscaux sur les capitaux [20]. Enfin, dernière particularité, si l’évolution des débats dépend surtout des rapports de force dans la commission, leur teneur est également influencée par les relations de pouvoir au sein de l’oef. En surnombre dans le comité financier qui est chargé de superviser ces discussions fiscales, les porte-parole des milieux bancaires à la sdn montrent une nette méfiance à l’égard des travaux des fonctionnaires fiscaux et parviennent dans une certaine mesure à les influencer. En juin 1925 par exemple, au sujet des dispositions envisagées contre l’évasion fiscale, le comité financier formule une mise en garde officielle sur « les inconvénients qu’il y aurait à porter obstacle à la libre circulation internationale des capitaux » [21]. Dans le même sens, contre la réticence de plusieurs délégués fiscaux [22], le secrétariat de la sdn favorise, dès 1924, la participation de représentants du monde des affaires issus de la Chambre de commerce internationale (cci) à plusieurs séances du comité [23].
10Fruit de toutes ces velléités antagonistes, la première synthèse des débats du comité fiscal paraît en 1925 dans un rapport qui propose des solutions pour lutter contre l’évasion fiscale et la double imposition [24]. Les représentants nationaux s’étant plutôt efforcés de désamorcer chaque article qui pourrait constituer un danger dans les futurs pourparlers officiels que de rechercher un consensus minimal, le texte constitue un exercice d’équilibriste, qui ne lésine pas, pour maintenir l’unanimité, sur les recommandations contradictoires. Le compte rendu du Journal of the Royal Statistical Society conclut à son sujet que « les arrangements qu’ils proposent (…) sont si criblés d’exceptions et de dérogations qu’en somme on recommande à n’importe quelle nation de conclure n’importe quel accord (…) avec n’importe quelle autre nation. » [25] En réalité, un seul constat ressort en négatif du texte : ayant buté sur le veto anglo-suisse [26], les tentatives de légitimation de l’accroissement de la surveillance fiscale ne se sont pas appuyées dans le rapport. Après le tournant à droite et la stabilisation monétaire en France et en Belgique en été 1926 [27], de telles démarches sont enterrées. Jamais les publications du comité n’inciteront à un contrôle étendu des capitaux.
Un club de praticiens fiscaux à la sdn pendant la Grande Dépression
11Suite à cette amorce conflictuelle, l’objectif des discussions est revu par deux fois à la baisse jusqu’en 1929. Dès 1926, après l’inclusion de nouveaux États – l’Allemagne, l’Argentine, le Japon, la Pologne, le Venezuela, puis les États-Unis une année plus tard –, le comité fait un premier pas en arrière : il délaisse la possibilité d’un accord multilatéral et se dirige vers l’élaboration de conventions types sur la double imposition et l’évasion fiscale qui pourraient servir ultérieurement de supports dans les négociations bilatérales. Mais, parus dans le rapport du comité de 1927 [28], les compromis des experts réitèrent les contradictions de la publication précédente et ne tardent pas à éclater. À la conférence fiscale d’octobre 1928, réunissant des représentants de vingt-sept pays dans le but de reconnaître les textes du comité comme base uniforme des négociations fiscales bilatérales, trois modèles différents sont finalement rédigés sur la double imposition, ce qui ôte le peu de caractère contraignant conféré encore aux conventions types [29]. Après cet échec, les délégués fiscaux vont se concentrer sur une mission encore plus restreinte d’accompagnement de la diffusion des accords bilatéraux. Ils s’engagent pour ce faire dans une entreprise de rédaction formelle sur des questions qui obtiennent un large consensus afin d’uniformiser les conventions bilatérales. Simultanément, les représentants demandent que la structure du comité soit consolidée. Le Conseil de la sdn encourage immédiatement cette initiative, y percevant un moyen d’« éviter que l’action entreprise ne s’éteigne » [30]. Composé en majeure partie des délégués des débats précédents, le comité est donc doté d’un statut permanent en 1929, tandis qu’un réseau mondial est également constitué à travers la nomination de hauts fonctionnaires de tous les pays membres de la sdn comme consultants de la commission.
12Ainsi, au début des années 1930, même si l’idée d’un accord multilatéral réapparaît encore [31], ce qui était à l’origine une réunion de négociateurs se mue progressivement en un club informel de praticiens de la fiscalité internationale. Deux éléments démontrent ce changement. D’une part, les représentants du monde de l’économie, issus du comité financier de la sdn et de la cci, parviennent à occuper désormais une place de choix dans les débats. Favorisée par la politique de l’oef, cette pratique, amorcée déjà au milieu des années 1920, mais devenue récurrente dans la décennie suivante, témoigne de l’édulcoration des travaux du comité par rapport aux tentatives initiales de le transformer en un lobby contre la fraude fiscale. Selon le représentant permanent de la cci, le très libéral banquier genevois Robert Julliard, cette collaboration serait en effet « l’expression de cette idée qu’une fiscalité ne reposant pas sur le consentement mutuel du percepteur et du contribuable serait une mauvaise fiscalité » [32]. D’autre part, au bénéfice d’une liberté totale dans la détermination de son agenda, le comité fiscal développe dès 1929 des stratégies d’autoconservation et d’autolégitimation de ses activités. Ces manœuvres vont du subventionnement des travaux par la fondation Rockefeller [33] à la participation de membres à des conférences internationales pour assurer le monopole de l’expertise dans les questions fiscales [34].
13Cette autonomisation partielle du comité fiscal, qui s’accompagne d’une collaboration accrue avec les milieux économiques, ne doit pas occulter le fait que la majorité des membres restent tout de même, en tant que fonctionnaires fiscaux et négociateurs d’accords bilatéraux de double imposition, des porte-voix officieux de leur gouvernement. Pour concilier cette volonté d’asseoir leur statut d’experts avec les exigences liées à leur fonction, le respect absolu de la souveraineté étatique dans les rapports du comité – conformément à la politique de l’oef et plus globalement au multilatéralisme économique de l’entre-deux-guerres [35] – devient alors un dogme fonctionnel. À l’image des juristes de la Cour de justice internationale de La Haye [36], le comité fiscal enveloppe ses publications d’une rhétorique de praticiens, suspicieux à l’encontre des théories générales et précautionneux à l’égard des systèmes nationaux d’imposition, qu’il ne s’agit pas de modifier, mais d’embrasser le plus largement dans les décisions. Lors d’une discussion en 1931 sur la compétence des experts à porter des jugements théoriques sur les modalités d’imposition, c’est la position exprimée par l’Italien Ginno Bolaffi qui domine : « Le Comité fiscal ne peut qu’étudier les faits. Il ne peut pas rechercher des responsabilités » [37]. En n’empiétant ni sur la politique fiscale des États ni sur les intérêts du monde économique, les fonctionnaires aménagent, à l’abri des interventions des gouvernements et des organes dirigeants de la sdn, un pré carré exigu d’où peut germer un discours consensuel.
14La vigilance du comité à l’égard du respect de la souveraineté est décelable jusque dans ses travaux techniques. Occupant une place de plus en plus conséquente à l’approche de la Seconde Guerre mondiale suivant la tendance générale à l’oef [38], ceux-ci ne contiennent eux-mêmes pas de visées normatives et ont surtout comme objectif de compiler des statistiques, des textes juridiques ou des rapports sur les systèmes d’imposition [39]. En dernier lieu, il est remarquable qu’avec ce projet consensuel, la thématique hautement conflictuelle de l’évasion fiscale ne trouve pas de voix au chapitre à la sdn durant la Grande Dépression. Ce n’est que par l’entremise d’une offensive du gouvernement français du Front populaire, se servant exceptionnellement de l’Assemblée sur les questions fiscales, que les discussions sur l’adoption d’un accord multilatéral contre l’évasion fiscale sont relancées en octobre 1936 à la sdn [40]. Après avoir constaté qu’une dizaine d’États refusent un tel accord, la seule action concrète du comité sera cependant de rendre un rapport sur les pratiques nationales de contrôle fiscal sans émettre de critiques à l’encontre des paradis fiscaux [41].
15En résumé, l’histoire du comité fiscal est celle d’un contenu qui résulte principalement de l’arbitrage des politiques nationales inclus dans un contenant soumis au protocole de l’oef. Contrairement au tableau proposé par le secrétariat de la sdn, les discussions fiscales genevoises ne peuvent être étroitement perçues comme des débats d’expertise. L’évolution des pourparlers – l’abandon tout d’abord d’un accord multilatéral, la multiplication ensuite des modèles de conventions bilatérales et l’édulcoration enfin des discussions – découle d’un antagonisme politique irrémédiable au sujet de la fiscalité internationale qui empêche tout compromis significatif à la sdn. Toutefois, une fois déconstruite la mythologie de l’expertise, il faut souligner que ces débats fiscaux ne s’apparentent pas non plus à des négociations interétatiques. La politique universaliste de l’oef, que les membres du comité s’empressent d’adopter dans une visée autoconservatrice, pousse à l’élaboration de stratégies de préservation du consensus et empêche, en dépit de la succession d’échecs sur des ententes minimales entre les États, l’implosion des discussions. Les fonctionnaires trouvent ainsi dans la technicisation des travaux un projet conciliateur qui leur assure une légitimité à Genève. Les réunions peuvent alors se perpétuer à l’abri des interventions du Conseil et de l’Assemblée de la sdn, qui le plus souvent ne font qu’avaliser les propositions d’une commission peu coûteuse et en phase avec l’utopie genevoise d’une coopération multilatérale pacifiée.
16Reste que la plupart des auteurs qui se sont attardés sur le comité fiscal, l’ont présenté comme une des réussites les plus probantes de la sdn en mettant à son crédit les quelque soixante accords bilatéraux de double imposition signés en parallèle dans l’entre-deux-guerres. Cette interprétation a été promue en 1938 par le directeur de l’oef, Alexander Loveday, pour parer aux critiques sur l’utilité des activités de son institution. Loveday parle d’un « résultat stupéfiant » [42] du comité fiscal. Par la suite, cette image a été relayée, sans examen approfondi, par des historiens comme Victor-Yves Ghébali qui en fait un des exemples de la « remarquable adaptation » et de l’« efficacité » [43] de certaines activités de l’oef dans le contexte de la Grande Dépression ou Sol Picciotto qui y décèle « un des succès tranquilles et méconnus » [44] de la sdn. Cette appréciation de l’impact du comité fiscal est soumise ci-après à évaluation au travers de l’exemple suisse.
Le poids de l’expertise internationale sur le paradis fiscal suisse (1922-1925)
17En raison essentiellement de la problématique de l’évasion fiscale, les débats à la sdn suscitent de 1922 à 1925 une intense activité politique en Suisse et des réactions vives de la part du monde économique. Soumis à des pressions récurrentes de l’organisation faîtière de la finance helvétique, l’Association suisse des banquiers (asb), le directeur de l’administration fédérale des contributions, Hans Blau, est surveillé de très près par son gouvernement, qui lui dicte des instructions précises sur son attitude à adopter dans les discussions de l’oef. La ligne directrice de ses actions à Genève est dessinée en avril 1923 par le conseiller fédéral en charge des finances, le catholique-conservateur Jean-Marie Musy, qui le mandate de faire barrage à l’offensive franco-belge sur l’extension des échanges de renseignements fiscaux pour lutter contre l’évasion fiscale [45]. L’expert suisse s’acquitte de sa tâche en bonne et due forme par des interventions répétées, dictées par son gouvernement, pour défendre le secret bancaire à la sdn. D’abord, Blau tente de démontrer, entre 1923 et le début de l’année 1924, l’impossibilité de la Confédération d’adopter des dispositions internationales contre l’évasion fiscale en invoquant pêle-mêle la souveraineté fiscale des cantons, la crainte de l’exode des capitaux vers des pays absents des débats comme les États-Unis ou encore l’attachement de la population et du gouvernement suisses au secret bancaire [46]. Puis, s’adaptant aux exigences de l’expertise de la sdn sans changer le fond de son discours, le haut fonctionnaire suisse prend à son propre compte cet argumentaire et fait de la lutte contre l’évasion fiscale « une grave erreur pour l’économie de chaque pays » qui « aurait pour conséquence la thésaurisation de l’argent et sa fuite » [47].
18La doctrine défendue à la sdn s’inscrit de ce fait dans l’exacte lignée de la politique fiscale élaborée par les milieux dirigeants helvétiques après la Première Guerre mondiale. Les années 1920 marquent en effet l’affirmation de la place financière suisse dans sa fonction de refuge pour les capitaux européens en fuite. À contre-courant de la tendance dans les ex-pays belligérants, l’attractivité fiscale de la Suisse est renforcée, dès la sortie du conflit, par plusieurs avantages compétitifs : la préservation du secret bancaire devant l’administration fiscale – puis sa consolidation avec son inscription dans la loi sur les banques en 1934 – [48], le maintien de taux et de pratiques de taxation modérés sur les hauts revenus ou encore la concurrence à la baisse d’impôts entre les cantons pour attirer les sièges des sociétés étrangères [49]. Sur le plan international, l’administration fédérale, de concert avec les associations patronales, développe dès lors une politique d’évasion fiscale dont la pierre angulaire est le refus d’échange de renseignements fiscaux avec l’étranger, tout en cherchant à signer des accords de double imposition qui dégrèvent les capitaux suisses exportés. Trois conventions bilatérales, qui satisfont à ces deux critères, vont être ratifiées après de longues négociations avec la Grande-Bretagne en 1932, l’Allemagne en 1934 et la France en 1939 [50].
19Mais, au-delà de cette appréciation générale, ce qui est remarquable pour notre question de la spécificité du multilatéralisme, c’est que les stratégies déployées par le Gouvernement suisse à la sdn divergent de celles qui ont cours dans les autres pourparlers internationaux. À deux reprises, Musy prend clairement ses distances par rapport à l’asb qui exige un refus catégorique de soumettre la lutte contre l’évasion fiscale à discussion. Premièrement, entorse notoire au corporatisme libéral helvétique, celui-ci choisit d’accepter l’adhésion de la Suisse au comité fiscal de la sdn en octobre 1922 sans prendre la peine d’aviser les milieux bancaires [51]. Cette décision, qui surprend pour un conseiller fédéral proche de la grande finance, s’explique par le fait que Musy mène simultanément en Suisse une campagne contre une initiative populaire pour un prélèvement sur la fortune prévoyant une levée du secret bancaire [52]. Or, afin de se rallier les agrariens contre les volontés socialistes d’affermissement de la lutte contre la fraude fiscale au début des années 1920, le chef des finances fédérales a plusieurs fois annoncé dans des débats antérieurs au parlement qu’il consentirait à la levée du secret bancaire le jour où un accord international contre l’évasion fiscale serait établi [53]. Mis face à ses promesses à un moment crucial de l’élaboration de sa politique financière, le conseiller fédéral évite ainsi de s’exposer à une fronde des banquiers, qui, comme en témoigne leur réaction ultérieure, n’auraient pas manqué de demander un retrait de l’expert suisse aux discussions sur l’évasion fiscale de la sdn. Avisés par Musy après l’échec de l’initiative contre le secret bancaire, ceux-ci expriment en décembre 1922 leur désaccord avec son choix, à l’instar du directeur du Crédit suisse, Adolf Jöhr, pour lequel « [c]ela aurait été bien mieux si le département des Finances (…) avait refusé la participation » [54].
20Deuxièmement, après un réalignement sur la position de l’asb d’avril 1923 à mars 1924, le Conseil fédéral passe au début de l’année 1925 d’une stratégie d’obstruction systématique sur la question de l’évasion fiscale à une volonté de préservation de l’unanimité dans la première publication du comité de la sdn [55]. Pour saisir le sens de ce revirement, il faut cette fois-ci se référer au contexte international. L’afflux massif des capitaux vers le refuge helvétique a fait grand bruit dans les ex-pays alliés entre 1922 et 1924 en raison de la problématique des réparations de guerre, l’exode des capitaux allemands durant l’hyperinflation privant le Reich de la substance d’imposition nécessaire au règlement de ses créances [56]. À la fin de l’année 1924, une fois éloignée la menace d’une surveillance internationale sur les capitaux allemands exportés [57], c’est dans une volonté de calmer le jeu que le Gouvernement suisse choisit d’assouplir sa position à la sdn, tandis que les avoirs qui quittent la France du cartel des gauches demeurent une thématique potentiellement conflictuelle [58].
21Certes, ce changement de cap est effectué non sans avoir obtenu au préalable la garantie que les résolutions des experts n’engagent pas directement les gouvernements et mettent explicitement un certain nombre de garde-fous décisifs dans la lutte contre l’évasion fiscale comme le respect du « sentiment de l’opinion publique » et des « pratiques fiscales actuelles » [59] ; ce dernier point apportant une caution au secret bancaire helvétique, le texte de la sdn ne devrait, de l’avis du Conseil fédéral en mars 1925, « éveiller aucune inquiétude pour la Suisse » [60]. Il n’empêche que le gouvernement donne son aval à des résolutions sur l’évasion fiscale qui seraient inacceptables dans sa politique bilatérale. Même lors de la situation de crise des pourparlers franco-suisses entre 1935 et 1937 – la multiplication des contentieux d’impôts des multinationales suisses dans ce pays obligeant les milieux dirigeants helvétiques à envisager des contreparties formelles en matière de transmission de renseignements fiscaux –, l’adoption dans l’accord avec la France d’un texte sur l’évasion fiscale qui comporte des limitations proches de celles du modèle de la sdn sera pour la première fois évoquée avant que ses garanties ne soient jugées insuffisantes [61].
22On le voit, à une époque où le sort d’un accord multilatéral n’est pas encore scellé, le Gouvernement helvétique adopte une attitude plus modérée à la sdn sur les mesures contre l’évasion fiscale que celle qui est usuellement de mise dans les relations extérieures. Concernant l’acceptation en 1922 de participer aux discussions tout comme l’assentiment donné en 1925 au rapport des experts, la pression symbolique qu’exerce l’institution genevoise pousse à ce “désaxage” partiel de la realpolitik suisse. À ces deux moments, face à l’opposition intérieure et extérieure, un rejet déclaré de la collaboration de l’oef constitue pour les autorités helvétiques une manifestation trop ostensible de leur politique d’attraction fiscale. Il est révélateur en ce sens que l’exécutif s’inquiète avant tout du retentissement de sa position à l’extérieur du comité. Comme justification à son approbation du rapport, le Conseil fédéral avance explicitement qu’« il doit être évité que l’attitude de l’expert suisse à la Conférence alimente trop l’opinion déjà largement assez répandue que la Suisse ne vivrait essentiellement que de l’évasion de capitaux des autres pays » [62]. En conséquence, en février 1925, les menaces du négociateur français, Marcel Borduge, de dévoiler ouvertement l’opposition suisse dans le rapport font mouche : Blau consentira à quelques ultimes concessions [63].
23Si le Gouvernement helvétique a bien comme objectif principal de faire capoter le projet d’un accord multilatéral sur l’évasion fiscale, le cadre institutionnel, dans un contexte intérieur et extérieur tendu, lui impose donc une certaine retenue à la sdn par rapport aux exigences formulées par les milieux financiers. Il faut relever toutefois que l’asb va consécutivement s’adapter aux nouvelles règles du jeu diplomatique instaurées par le multilatéralisme économique. En mettant à profit son réseau dans les hautes sphères internationales, les banquiers suisses vont réussir le tour de force de s’inviter dans les débats de la sdn. Par le biais de la cci, l’asb place en effet Julliard, son représentant sur les questions d’impôt, au comité fiscal de la sdn dès 1926 [64]. La finance helvétique peut alors non seulement bénéficier d’une tribune internationale pour défendre le secret bancaire, mais également surveiller de près les propos du directeur de l’administration fiscale suisse.
Les dividendes du capital social de l’expert suisse (1926-1939)
24Dès le milieu des années 1920, avec la fin des pressions franco-belges contre le secret bancaire et l’éloignement de la possibilité d’un accord multilatéral, l’attention portée au comité d’experts de la sdn va progressivement décliner aussi bien dans l’administration fédérale qu’au sein des milieux économiques. Après la publication du rapport en février 1925, les débats multilatéraux en cours fournissent dans les relations extérieures un prétexte aux Affaires étrangères helvétiques pour ne pas entrer en négociation bilatérale sur la fiscalité internationale [65]. L’absence encore de problèmes répétés de double imposition à l’étranger, ainsi que les incertitudes sur les demandes qui seront formulées en matière d’échanges de renseignements fiscaux poussent les autorités suisses à la réserve [66]. Après l’échec de la conférence de 1928, l’intérêt pour les discussions de la sdn décroît encore ; il ne porte plus qu’au cas par cas sur certains projets concrets qui émanent du comité fiscal, comme la nouvelle tentative lancée en 1937 par le gouvernement néerlandais à Genève pour un accord contre la double imposition des multinationales [67].
25Preuve du changement d’attitude par rapport au début des débats, lorsque le Front populaire ravive les discussions sur l’évasion fiscale dans le comité de la sdn en 1936 et 1937 – tandis que la Suisse et la France négocient simultanément un accord de double imposition –, les réactions des élites helvétiques ne témoignent plus de grandes préoccupations à l’égard de la stratégie à adopter à la sdn. À l’exact opposé de la volonté d’étouffer dans l’œuf les conflits du comité fiscal durant la première partie des années 1920, le représentant du Gouvernement suisse, le délégué au commerce extérieur Walter Stucki, n’hésite pas à signaler ouvertement son opposition à la deuxième commission de l’Assemblée de la sdn et réclame que sa prise de position figure sans faute au procès-verbal [68]. Le refus affirmé de la coopération à la sdn par le Gouvernement helvétique va en l’occurrence plus loin. À propos du sondage réalisé dans la foulée par l’oef sur les pratiques internes de lutte contre l’évasion fiscale, l’exécutif suisse décide en 1938 de ne transmettre aucune information « parce que – comme le formule confidentiellement le conseiller fédéral en charge des affaires étrangères, Giuseppe Motta – par cette entremise les gouvernements étrangers ne peuvent qu’être renforcés dans l’opinion déjà maintenant largement répandue, que la Suisse favorise l’évasion fiscale des contribuables étrangers » [69]. Si les termes sont presque identiques à ceux prononcés treize ans plus tôt lors de l’adoption par le Conseil fédéral du rapport des experts en 1925, ils sont employés désormais pour justifier une action inverse : l’obstruction, jusqu’à ses activités techniques, au multilatéralisme fiscal de l’oef. Incontestablement, à un moment très délicat pour le refuge fiscal suisse en raison des négociations avec la France, la force symbolique de la sdn, décrédibilisée par les multiples déconvenues politiques des années 1930, n’influe plus sur le gouvernement helvétique.
26En réalité, à partir de la seconde phase des débats en 1928, l’intérêt essentiel que le gouvernement et les milieux économiques suisses manifestent pour les discussions fiscales de la sdn se déplace en marge du comité d’experts. Il réside dans le rassemblement annuel d’une pléthore de fonctionnaires fiscaux à la sdn. Les palaces genevois deviennent un lieu privilégié pour des discussions informelles sur la possibilité de conclure des conventions bilatérales de double imposition. La conférence de 1928 est par exemple l’occasion de multiples échanges de vue entre Blau et ses homologues étrangers à partir desquels débuteront les négociations avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France [70]. Alors que les relations fiscales se détériorent entre la Suisse et ce dernier pays entre 1932 et 1934 après le scandale des fraudes de la Banque commerciale de Bâle – prise la main dans le sac par le fisc parisien –, les discussions entre Blau et son homologue français Borduge permettent également de préserver un contact et de soumettre des projets d’accord sur la double imposition [71]. Mieux, les liens de sociabilité entre les fonctionnaires peuvent même servir à faciliter la liquidation ou la suspension de procédures fiscales à l’étranger à l’encontre de sociétés suisses [72]. Mis en balance avec l’influence très modeste des modèles de la sdn, si peu contraignants qu’ils offrent tout au plus un support formel dans les négociations bilatérales, ces contacts ont probablement pesé plus lourd dans les relations fiscales suisses.
27Qu’on ne se méprenne cependant pas sur les conséquences de cette sociabilité internationale. Premièrement, si par son réseau développé à la sdn, Blau a sans doute renforcé son poids face au Bureau du contentieux des affaires étrangères – l’autre centre de pouvoir de l’administration fédérale sur les problèmes de fiscalité internationale –, jamais il n’utilise sa position pour infléchir la doctrine suisse en matière d’évasion fiscale. Dans les négociations bilatérales, le directeur suisse de l’administration des contributions se présente comme un défenseur zélé des intérêts des milieux économiques. N’allant pas jusqu’à suivre les banquiers dans leur refus absolu d’échange de renseignements fiscaux, il s’aligne généralement sur la position du Vorort – la direction de l’association faîtière des industries d’exportation, l’Union suisse du commerce et de l’industrie (usci) – qui n’est prêt à accepter qu’en cas de force majeure des petites concessions formelles sur ce terrain pour obtenir des contreparties sur la double imposition. Dans le cadre des négociations franco-suisses, le spécialiste fiscal de l’association, Otto Hulftegger, se félicite ainsi « de la manière réjouissante » avec laquelle Blau a tendance à « se ranger en première ligne sur l’attitude du représentant du Vorort » [73]. Deuxièmement, en atténuant les difficultés suisses de double imposition à l’étranger, les relations tissées à la sdn affaiblissent parallèlement la contrainte principale qui incite les milieux dirigeants helvétiques à lâcher du lest dans les négociations bilatérales sur la question de la transmission d’informations sur l’évasion fiscale. Si l’on ajoute encore à cela le fait que le comité ne s’attache pas une seule fois à dénoncer clairement l’attraction frauduleuse de capitaux, la conclusion suivante s’impose : la sdn et les contacts informels qu’elle a permis de créer durant les années 1930 auront paradoxalement consolidé la politique suisse, fondée sur le refus de toute coopération internationale dans la fixation de l’assiette d’imposition.
28Pour revenir aux appréciations laudatives des activités du comité fiscal, celles-ci doivent être nuancées dans plusieurs directions à la lumière du cas helvétique. Tout d’abord, la relation causale entre l’extension des accords bilatéraux de double imposition et les réunions fiscales de la sdn n’est certes pas inexistante, mais elle n’est pas déterminante. Amorcé avant la création du comité en 1923, le mouvement international de signature de conventions s’alimente surtout par un mécanisme endogène à la concurrence capitaliste : un État qui reste à l’écart de la conclusion de tels accords défavorise ses investisseurs sur les marchés internationaux. Ensuite, le retentissement de l’expertise fiscale genevoise, neutralisée par un respect absolu de la souveraineté fiscale, ne semble être que très modeste à partir de la fin des années 1920. Enfin, les interprétations enthousiastes de l’œuvre du comité fiscal ne tiennent compte que d’un aspect du problème. À côté de la réussite partielle de l’extension des mesures contre la double imposition, il faut mettre en regard l’échec simultané de la lutte internationale contre l’évasion fiscale, qui, s’il est erroné de l’imputer au comité fiscal, n’a en tout cas pas été freiné par la sdn.
Conclusion
29Le comité fiscal de la sdn ne peut être envisagé comme un terrain vierge sur lequel se déploie la politique de puissance des États : la structure de l’oef façonne la forme des débats fiscaux ; les experts nationaux développent des stratégies endogènes aux intérêts du comité ; le pouvoir symbolique de la sdn exerce une pression sur les gouvernements ; la présence de fonctionnaires fiscaux à Genève accélère la résolution de contentieux d’impôts. Il n’empêche qu’aucune « communauté épistémique » de spécialistes fiscaux n’est décelable à la sdn [74]. Les liens institutionnels très étroits entre les experts et leur gouvernement ainsi que leurs positions radicalement antinomiques sur des dossiers cruciaux ont empêché l’adoption au sein du comité fiscal d’un projet économique cohérent. L’autonomie croissante que la commission acquiert à l’approche de la Seconde Guerre mondiale va de pair avec le délaissement des objectifs formulés au début des débats et l’abandon d’un discours normatif. En définitive, l’espace ouvert à la sdn pour la collaboration internationale en matière de fiscalité est très ténu, en rapport avec la coopération qui a déjà cours durant l’entre-deux-guerres dans d’autres domaines socioéconomiques comme celui des politiques sociales.
30Ce bilan n’est pas imputable à une hypothétique immaturité du multilatéralisme économique. Des oppositions similaires réapparaîtront dans l’après-guerre [75]. Étroitement liée à la construction des États-nations, la fiscalité semble être durablement restée à l’écart de l’influence des organisations internationales. Cette étanchéité est encore stimulée dans le cas de la lutte contre l’évasion fiscale par le fait qu’elle vise un objectif antinomique aux intérêts capitalistes. Il est significatif que, conséquence frappante de ces traits structurels, les contacts développés à la sdn par les fonctionnaires fiscaux tendent à renforcer dans les années 1930 la politique du havre fiscal suisse. La sociabilité entre les experts n’aura donc à cette occasion pas ouvert la voie à l’intensification de la coopération entre les administrations nationales, mais contribué à sceller le sort de la première tentative de généralisation des échanges de renseignements fiscaux.
Notes
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[1]
Entre autres, A. Fleury, « Un sursaut antiprotectionniste dans le contexte de la crise économique de 1929 : le projet d’une trêve douanière plurilatérale », Relations internationales, n° 39, 1984, p. 333-354 ; É. Bussière, « L’Organisation économique de la sdn et la naissance d’un régionalisme économique en Europe », Relations internationales, n° 75, 1993, p. 301-313 ; M.-R. Mouton, La Société des Nations et les intérêts de la France (1920-1924), Berne, 1995 ; S. Schirmann, Crise, coopération économique et financière entre États européens, 1929-1933, Paris, 2000.
-
[2]
L. Pauly, Who Elected the Bankers? Surveillance and Control in the World Economy, Ithaca, 1997, p. 44-78; A. Endres, G. Fleming, International Organizations and the Analysis of Economic Policy, 1919-1950, Cambridge, 2002 ; P. Clavin, « “Money Talks”: Competition and Cooperation with the League of Nations, 1929-1940 », M. Flandreau (ed.), Money Doctors. The Experience of International Financial Advising, 1850-2000, London, 2003, p. 219-248 ; P. Clavin, J.-W. Wessels, « Transnationalism and the League of Nations: Understanding the Work of Its Economic and Financial Organisation », Contemporary European History, 14, 2005, p. 465-492 ; Y. Decorzant, La Société des Nations et la naissance d’une conception de la régulation économique internationale, thèse de doctorat, Genève, 2008 ; M. Fior, Institution globale et marchés financiers : la Société des Nations face à la reconstruction de l’Europe, 1918-1931, Berne, 2008.
-
[3]
Voir les nombreuses contributions au colloque international qui s’est déroulé à Genève en 2009 : « Politiques sociales transnationales. Réseaux réformateurs et Organisation internationale du travail ». http://www.unige.ch/ieug/recherche/colloques/ILO.html. Également S. Kott, « Une “communauté épistémique” du social ? Experts de l’oit et internationalisation des politiques sociales dans l’entre-deux-guerres », Genèses, n° 71, 2008, p. 26-46.
-
[4]
Sur cette question, M. Finnemore, K. Sikkink, « International Norm Dynamics and Political Change », International Organization, n° 52, 1998, p. 887-917; B. Koremenos, C. Lipson, D. Snidal, « The Rational Design of International Institutions », International Organization, n° 55, 2001, p. 761-799 ; J. Checkel, « International Institutions and Socialization in Europe: Introduction and Framework », International Organization, n° 59, 2005, p. 801-826 ; D. Bearce, S. Bondanella, « Intergovernmental Organizations, Socialization, and Member-State Interest Convergence », International Organization, n° 61, 2007, p. 703-733.
-
[5]
C. Farquet, « Le secret bancaire en cause à la Société des Nations », Traverse, Revue d’histoire, n° 1, 2009, p. 102-115 ; C. Farquet, « Lutte contre l’évasion fiscale : l’échec de la sdn durant l’entre-deux-guerres », L’Économie politique, n° 44, 2009, p. 93-112. Le seul autre ouvrage à avoir analysé très sommairement ces discussions sur la base des archives de la sdn est le suivant : T. Godefroy, P. Lascoumes, Le Capitalisme clandestin. L’illusoire régulation des places offshore, Paris, 2004, p. 134-138.
-
[6]
Sur la position anglaise, Clavin, Wessels, « Transnationalism and the League », op. cit., p. 470-472. Sur la politique française, Mouton, op. cit., p. 443-554.
-
[7]
Fior, Institution globale, op. cit., p. 184-191.
-
[8]
Pour une analyse détaillée du fonctionnement de l’oef, Clavin, Wessels, « Transnationalism and the League », op. cit., p. 468-481.
-
[9]
Archives de la sdn à Genève (ci-après asdn), Journal officiel de la Société des Nations, Actes de l’Assemblée, Suppléments, Procès-verbal (ci-après pv) de la 2e commission de l’Assemblée, 23 septembre 1921.
-
[10]
Sur la composition de l’oef et son évolution dans les années 1920, Decorzant, La Société des Nations, op. cit., p. 483-551.
-
[11]
Pauly, Who Elected The Bankers?, op. cit., p. 59, 68.
-
[12]
Sur ces programmes, N. Piétri, « L’œuvre d’un organisme technique de la Société des Nations. Le Comité financier et la reconstruction de l’Autriche », La Société des Nations. Rétrospective, Berlin, 1983, p. 319-342 ; Fior, Institution globale, op. cit.
-
[13]
Sur la conférence, C. Fink, The Genoa Conference. European Diplomacy, 1921-1922, Chapel Hill, 1984.
-
[14]
Ce comité, créé en 1921, publie un rapport sur la double imposition en 1923 : sdn, Rapport sur la double imposition présenté au Comité financier par MM. Bruins, Einaudi, Seligman et Sir Josiah Stamp, Genève, 1923.
-
[15]
Farquet, « Lutte contre l’évasion fiscale », op. cit., p. 96-99.
-
[16]
asdn, efs/dt/1re session/pv2, pv du comité d’experts sur la double imposition et l’évasion fiscale de la sdn (ci-après ce), 4 juin 1923.
-
[17]
Pour les stratégies des différents gouvernements au sujet de l’évasion fiscale, Farquet, « Le secret bancaire », op. cit. ; Farquet, « Lutte contre l’évasion », op. cit.
-
[18]
Pour une analyse précise des questions de double imposition discutées à la sdn, S. Picciotto, International Business Taxation. A Study in the Internationalization of Business Regulation, London, 1992, p. 1-37.
-
[19]
asdn, efs/dt/1re session/pv2, pv du ce, 4 juin 1923 ; efs/dt/4e session/pv3, 21 octobre 1924.
-
[20]
asdn, efs/dt/2e session/pv10, pv du ce, 13 octobre 1923 ; efs/dt/4e session/pv5, pv du ce, 22 octobre 1924.
-
[21]
asdn, f/18e session/pv7, pv du comité financier, 7 juin 1925.
-
[22]
asdn, efs/dt/3e session/pv7, pv du ce, 4 avril 1924.
-
[23]
asdn, f 135, Document de travail, « Double imposition. Liaison avec la Chambre de commerce internationale », 21 février 1924.
-
[24]
sdn, Double imposition et évasion fiscale, Rapport et Résolutions présentés par les experts techniques au Comité financier de la Société des Nations, Genève, 1925.
-
[25]
W. Coates, « Double Taxation and Tax Evasion », Journal of the Royal Statistical Society, n° 88, 1925, p. 425 (traduction de l’auteur).
-
[26]
asdn, efs/dt/4e session/pv4, pv du ce, 22 octobre 1924 ; efs/dt/5e session/pv3, pv du ce, 3 février 1925.
-
[27]
Sur ce tournant en France, K. Mouré, La Politique du franc Poincaré (1926-1936), Paris, 1998, p. 33-92.
-
[28]
sdn, Double imposition et évasion fiscale, Rapport présenté par le Comité des experts techniques sur la double imposition et l’évasion fiscale, Genève, 1927.
-
[29]
asdn, dt/Réunion/pv 1-17, Réunion des experts gouvernementaux en matière de double imposition et d’évasion fiscale, 22-31 octobre 1928 ; sdn, Rapport présenté par la Réunion générale d’experts gouvernementaux en matière de double imposition et d’évasion fiscale, Genève, 1928.
-
[30]
asdn, Journal officiel, pv de la 5e séance de la 53e session du Conseil, 14 décembre 1928. Les mots sont du représentant cubain, Aristide Agüero y Bethancourt.
-
[31]
Un modèle de convention sur la ventilation des bénéfices est rédigé en 1933 sans qu’il ne débouche sur un accord plurilatéral. asdn, f/Fiscal/76, Rapport au Conseil sur les travaux de la 4e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 15 au 26 juin 1933 ; F/Fiscal/83, Rapport au Conseil sur les travaux de la 5e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 12 au 17 juin 1935.
-
[32]
asdn, f/Fiscal/1re session/pv1, pv du comité fiscal, 17 octobre 1929.
-
[33]
Obtenu sur l’initiative de l’expert américain, le professeur de Yale Thomas Adams, le premier don de la fondation en 1930 s’élève à un montant de 90 000 dollars. asdn, f/Fiscal/41, Rapport au Conseil sur les travaux de la 2e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 22 au 31 mai 1930. En 1933, une nouvelle donation de 50 000 dollars est faite. asdn, f/Fiscal/76, Rapport au Conseil sur les travaux de la 4e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 15 au 26 juin 1933.
-
[34]
Par exemple les discussions sur les clauses fiscales de la conférence de Paris sur le traitement équitable des étrangers de novembre 1929. asdn, f/Fiscal/1re session/pv3 et 7, pv du comité fiscal, 19 et 23 octobre 1929.
-
[35]
Endres, Fleming, International Organizations, op. cit., p. 9-16.
-
[36]
G. Sacriste, A. Vauchez, « Les “bons offices” du droit international : la constitution d’une autorité non politique dans le concert diplomatique des années 1920 », Critique internationale, n° 26, 2005, p. 101-117.
-
[37]
asdn, f/Fiscal/3e session/pv8, pv du comité fiscal, 3 juin 1931.
-
[38]
En ce sens, le cas du comité fiscal appuie l’analyse de Pauly – plutôt que celle de Clavin et Wessels – sur la technicisation des travaux de l’oef dans les années 1930. Pauly, Who Elected the Bankers?, op. cit., p. 67-74 ; Clavin, Wessels, « Transnationalism and the League », op. cit., p. 481-490.
-
[39]
Le travail le plus important du comité est l’étude menée sous la direction de l’expert américain Mitchell Carroll sur la ventilation des bénéfices : sdn, L’Imposition des entreprises étrangères et nationales. Étude sur la législation fiscale et les méthodes de ventilation des bénéfices des entreprises travaillant dans plusieurs pays, Genève, 5 vol., 1932-1933.
-
[40]
asdn, Journal officiel, Actes de l’Assemblée, Suppléments, pv de la 2e Commission de l’Assemblée, 5 octobre 1936.
-
[41]
asdn, f/Fiscal/100, Rapport au Conseil sur les travaux de la 7e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 11 au 16 octobre 1937 ; F/Fiscal/104, Rapport au Conseil sur les travaux de la 8e session du Comité fiscal, tenue à Genève du 17 au 20 octobre 1938.
-
[42]
A. Loveday, « The Economic and Financial Activities of the League », International Affairs, n° 6, 1938, p. 790 (trad. de l’auteur).
-
[43]
V.-Y. Ghébali, « The League of Nations and Functionalism », in A. Groom, P. Taylor (ed.), Functionalism. Theory and Practice in International Relations, London, 1975, p. 152 (trad. de l’auteur).
-
[44]
Picciotto, International Business Taxation, op. cit., p. 36 (trad. de l’auteur).
-
[45]
Archives fédérales à Berne (ci-après af), E 2001 B, 1000/1508, vol. 34, pv du Conseil fédéral, 23 avril 1923.
-
[46]
asdn, efs/dt/3e session/pv14, pv du ce, 7 avril 1924.
-
[47]
asdn, efs/dt/4e session/pv4, pv du ce, 22 octobre 1924.
-
[48]
S. Guex, « Les origines du secret bancaire suisse et son rôle dans la politique de la Confédération au sortir de la Seconde Guerre mondiale », Genèses, n° 34, 1999, p. 4-27.
-
[49]
M. van Orsouw, Das vermeintliche Paradies. Eine historische Analyse der Anziehungskraft der Zuger Steuergesetze, Zürich, 1995, p. 42-49.
-
[50]
Sur la convention avec l’Allemagne, S. Guex, « Relations commerciales entre l’Allemagne et la Suisse : histoire d’une rupture, 1930-1932 », S. Guex (éd.), La Suisse et les grandes puissances, 1914-1945. Relations économiques avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France, Genève, 1999, p. 281-286. Sur la convention avec la France, J. Schaufelbuehl, La France et la Suisse ou la force du petit. Évasion fiscale, relations commerciales et financières (1940-1954), Paris, 2009, p. 316-330. Pour le texte britannique, Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant l’approbation de la convention passée entre la Suisse et la Grande-Bretagne en vue d’éviter certains cas de double imposition, 19 janvier 1932, Feuille fédérale, 1932, vol. 1, p. 92-99.
-
[51]
af, E 2001 B, 1000/1508, vol. 34, Lettre de Musy au Département politique fédéral, 16 octobre 1922.
-
[52]
S. Guex, « L’initiative socialiste pour une imposition extraordinaire sur la fortune en Suisse (1920-1922) », Regards sociologiques, n° 8, 1994, p. 101-116.
-
[53]
S. Guex, La Politique monétaire et financière de la Confédération suisse (1900-1920), Lausanne, 1993, p. 414.
-
[54]
Archives de l’asb à Bâle (ci-après aasb), pv du Conseil de l’asb, 13 décembre 1922 (trad. de l’auteur).
-
[55]
af, E 2001 B, 1000/1508, vol. 34, pv du Conseil fédéral, 23 janvier 1925.
-
[56]
af, E 1005 2/2, pv secret du Conseil fédéral, 15 janvier 1924, cité dans Documents diplomatiques suisses, Berne, 8, 1988, p. 828-829.
-
[57]
Sur ces démarches de la Commission des réparations, E. Weill-Raynal, Les Réparations allemandes et la France, Paris, vol. 2, 1947.
-
[58]
P. Guillen, « Les relations financières franco-suisses après la Première Guerre mondiale », in R. Poidevin, L.-E. Roulet (éd.), Aspects des rapports entre la France et la Suisse de 1843 à 1939, Neuchâtel, 1982, p. 166-171.
-
[59]
sdn, Rapport, op. cit., 1925, p. 34-35.
-
[60]
af, E 2001 B, 100/1508, vol. 34, pv du Conseil fédéral, 19 mars 1925 (traduction de l’auteur).
-
[61]
aasb, pv du Conseil de l’asb, 20 mars 1935 ; af, E 2001 C, 1000/1536, vol. 15, Lettre confidentielle de Maxime de Stoutz, chef de la division suisse des Affaires étrangères, à Blau, le 25 septembre 1935. Le texte envisagé est celui de la convention franco-italienne de double imposition qui va plus loin dans la préservation du secret bancaire que le modèle de la sdn, puisqu’il stipule explicitement qu’aucune atteinte ne peut être faite « au secret des opérations bancaires ».
-
[62]
af, E 2001 B, 1000/1508, vol. 34, pv du Conseil fédéral, 23 janvier 1925 (traduction de l’auteur).
-
[63]
asdn, efs/dt/session5/pv 4, 5 et 6, pv du ce, 3 et 4 février 1925.
-
[64]
asdn, efs/dt/session6/pv, pv du ce, 17 au 22 mai 1926. La décision de cette stratégie est prise en 1923 déjà par l’asb. aasb, pv du Conseil de l’asb, 7 septembre 1923.
-
[65]
Cet argument est par exemple invoqué pour refuser d’entrer en négociations avec la Hongrie et l’Allemagne. af, E 2001 D, 1000 1553, vol. 211, Lettre du Département politique fédéral à la légation hongroise à Berne, 16 juin 1925 ; E 2001 D, 1000 1536, vol. 3, Lettre du Département politique fédéral à l’ambassade allemande à Berne, 17 mai 1927.
-
[66]
af, E 2001 C, 1000/1535, vol. 14, Rapport du Département politique fédéral du 7 juillet 1926, annexé à une proposition de Musy au Conseil fédéral, 29 juin 1926.
-
[67]
af, E 2001 D, 1000/1555, vol. 1, pv du Conseil fédéral, 3 juin 1937.
-
[68]
asdn, Journal officiel, Actes de l’Assemblée, supplément, pv de la 2e commission de l’Assemblée, 30 septembre 1937.
-
[69]
af, E 2001 D, 1000/1554, vol. 27, Lettre confidentielle de Motta à Albert Meyer, conseiller fédéral en charge du Département fédéral des finances et des douanes, 2 mars 1938 (trad. de l’auteur).
-
[70]
af, E 2001 C, 1000/1536, vol. 3, Notiz : « Unverbindliche Besprechung betreffend eines umfassenden Doppelbesteuerungsvertrages zwischen der Schweiz und Deutschland… », Genève, 1er novembre 1928 ; E 2001 C, 1000/1536, vol. 18, Lettre de Paul Dinichert, chef de la division suisse des Affaires étrangères à Charles Paravicini, ministre à la légation suisse à Londres, 5 novembre 1928 ; E 2001 C, 1000/1536, vol. 16, Lettre d’Alphonse Dunant, ministre à la légation suisse à Paris, à Motta, 16 novembre 1928.
-
[71]
af, E 2001 C, 1000/1536, vol. 16, Lettre de Blau à de Stoutz, 13 juillet 1933.
-
[72]
C’est le cas avec l’Italie en 1929 et 1930. af, E 2001 C, 1000/1536, vol. 19, Lettres de Blau à Dinichert, 28 mai 1929 et 12 juin 1930.
-
[73]
Archiv für Zeitgeschichte à Zurich, 75.1.1.3, Lettre de Hulftegger à Hans Sulzer et Ernst Wetter, président et vice-président de l’usci, 11 juin 1937 (trad. de l’auteur).
-
[74]
Sur la notion de communauté épistémique, par exemple, le n° 1 de la revue International Organization, 46, 1992.
-
[75]
Par exemple : Godefroy, Lascoumes, Le Capitalisme clandestin, op. cit., p. 139-150 ; F. Lynch, « Harmonization through Competition? The Evolution of Taxation in Postwar Europe », H. Nehring, F. Schui (éd.), Global Debates about Taxation, Basingstoke, 2007, p. 116-133.