Couverture de RI_137

Article de revue

La contribution de l'Amérique latine au développement progressif du droit international en matière territoriale

Pages 13 à 29

Notes

  • [1]
    Voir, par exemple, le traité général de paix de Paris, du 30 mars 1856, par lequel la Sublime Porte avait accès aux « bénéfices du droit public et du concert européens » (art. VII, De Martens, Nouveau Recueil général de traités, vol. XV, p. 774), ou, dans le plan doctrinal, le titre du prestigieux manuel d’August Wilhelm Heffter : Das europäische Völkerrecht der Gegenwart, 7e éd., Berlin, Schroeder, 1881.
  • [2]
    Lors de son message au Congrès des États-Unis du 7 décembre 1819, le président Monroe affirmait : « In the civil war existing between Spain and the Spanish provinces in this hemisphere the greatest care has been taken to enforce the laws intended to preserve an impartial neutrality » (John Bassett Moore, A Digest of International Law, Washington, Government Printing Office, 1906, vol. I, p. 83). Un peu plus tard, lors de son message du 8 mars 1822, le même président américain dira : « As soon as the [revolutionary] movement assumed such a steady and consistent form as to make the success of the provinces probable, the rights to which they were entitled by the law of nations, as equal parties to a civil war, were extended to them » (ibid., p. 174). La position britannique a été clairement décrite dans une note de George Canning du 4 mars 1823 : « In the year 1818, the Contest between Spain and her Colonies then raging with extraordinary violence, an Application was made by the Court of Spain to the British Government to interdict the Service of British Subjects in the Armies of the Insurgent Colonies An Act of Parliament was passed for this purpose, but it was felt that in making such Concession to Spain, it would be right that the Mother Country and her Colonies should be placed by this Country upon that footing which the Neutral Position of Great Britain between the two Belligerent Parties prescribed ; the prohibition therefore against serving in the Armies of South America, was extended to those of Spain » (Herbert Arthur Smith, Great Britain and the Law of Nations, Londres, King & Son, 1932, vol. I, p. 280). La protestation espagnole au message du président des États-Unis par lequel il annonçait la reconnaissance des nouveaux États hispano-américains définissait la position juridique de l’Espagne de la manière suivante : « I do solemny protest, against the recognition of the governments mentioned, of the insurgent Spanish provinces of America, by the United States, declaring that it can in no way now, or at any time, lessen or invalidate in the least the right of Spain to the said provinces », Lettre du ministre espagnol M. Anduaga, au secrétaire d’État Adams du 9 mars 1822 (John B. Moore, op. cit., vol. I, p. 87).
  • [3]
    Julio A. Barberis, « Les règles spécifiques du droit international en Amérique latine », Recueil des cours de l’Académie de droit international (RCADI), 1992, vol. 235, p. 94-96, ainsi que la référence au « droit public américain » incluse dans la déclaration sur la conquête de la première Conférence américaine de 1890 (infra, section 3).
  • [4]
    « L’uti possidetis revisité : l’arrêt du 11 septembre 1992 dans l’affaire El Salvador / Honduras », RGDIP, 1993, t. 97, no 4, p. 939-973, et Possession contestée et souveraineté territoriale (Paris, PUF, 1997). Sur l’uti possidetis en général, cf. aussi les études de Giuseppe Nesi, Luti possidetis iuris nel diritto internazionale (Padoue, Cedam, 1996) et de Luis I. Sanchez Rodriguez, « L’uti possidetis et les effectivités dans les contentieux territoriaux et frontaliers », RCADI, 1997, vol. 263, p. 149-381.
  • [5]
    Voir la sentence arbitrale du Conseil fédéral suisse dans l’affaire de la frontière entre la Colombie et le Venezuela de 1922 et l’arrêt de la Cour internationale de justice dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso / Mali). Dans la première affaire, il est établi que « ce principe avait aussi l’avantage de supprimer, on l’espérait, les contestations de limites entre les nouveaux États. Enfin, ce principe excluait les tentatives d’États colonisateurs européens sur des territoires qu’ils auraient pu chercher à proclamer res nullius » (Nations Unies, RSA, vol. I, p. 228). La seconde affaire exprime l’idée de la manière suivante : « Son but évident est d’éviter que l’indépendance et la stabilité des nouveaux États ne soient mis en danger par des luttes fratricides nées de la contestation des frontières à la suite du retrait de la puissance administrante [...]. Sa finalité [...] était de priver d’effets les visées éventuelles de puissances colonisatrices non américaines sur des régions que l’ancienne métropole avait assignées à l’une ou à l’autre des circonscriptions et qui étaient demeurées non occupées ou inexplorées » (Cour internationale de justice CIJ – Recueil 1986, respectivement p. 565 et 566, § 20 et 23).
  • [6]
    José León Suarez, « L’uti possidetis y los límites americanos », dans Diplomacia Universitaria Americana. Argentina en el Brasil. Ciclo de Conferencias, Buenos Aires, Escoffier, Caracciolo y Cia., 1918, p. 46. Paul de Lapradelle soutient que le principe a été proclamé par le Congrès de Lima de 1847 comme « [...] une protestation officielle contre l’occupation par la Grande-Bretagne des îles [M]alouines », La frontière. Étude de droit international, Paris, Les Éditions internationales, 1928, p. 77-78.
  • [7]
    Voir Possession contestée et souveraineté territoriale (op. cit., n. 4), p. 434-437.
  • [8]
    Par exemple José León Suarez, op. cit. (n. 6), p. 41-66 et les auteurs et diplomates cités ; Eusebio Ayala, « Le principe de l’ “uti possidetis” et le règlement des questions territoriales en Amérique », Revue de droit international, 1931, t. VIII, no 4, p. 456.
  • [9]
    C. Antopoulos, « The principle of Uti Possidetis Iuris in contemporary international law », Revue hellénique de droit international, 1996, vol. 49, 29-88 ; Steven R. Ratner, « Drawing a better line, Uti Possidetis and the borders of New States », American Journal of International Law (AJIL), 1996, vol. 90, p. 590-624 ; Jean-Marc Sorel, Rostane Mehdi, « L’uti possidetis entre la consécration juridique et la pratique : essai de réactualisation », AFDI - Annuaire français de droit international, 1994, t. XL, p. 11-40, ainsi que les contributions de Barbara Delcourt, Olivier Corten et Pierre Klein à l’ouvrage collectif Des limites administratives aux frontières internationales. L’uti possidetis en question(s), Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 35-78, 299-324 et 403-435, aussi publiées dans une édition spéciale de la Revue belge de droit international, consacrée à l’uti possidetis (1998-I).
  • [10]
    Ainsi, les sentences arbitrales dans les affaires des frontières Honduras/Guatemala et Colombie/Venezuela. Dans la première affaire, le tribunal arbitral présidé par le Chief Justice Hugues affirmait : « When administrative control was exercised by the colonial entity with the Spanish monarch, there can be no doubt that it was a juridical control [...]. If, on the other hand, either colonial entity prior to independence had asserted administrative control contrary to the will of the Spanish Crown, that would have been mere usurpation » (Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales-RSA, vol. II, p. 1324). Le Conseil fédéral suisse constatait dans la seconde affaire : « Des empiétements et des tentatives de colonisation intempestives de l’autre côté de la frontière, comme aussi les occupations de fait, devenaient sans portée ou sans conséquences en droit » (ibid., vol. I, p. 228).
  • [11]
    Voir, par exemple, l’arrêt de la Chambre de la CIJ. Dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso / Mali), CIJ Recueil 1986, p. 566, § 23.
  • [12]
    Le baron de Río Branco, ministre des Affaires extérieures du Brésil, affirmait dans une lettre adressée à son collègue Carlos Tobar de l’Équateur : « [L’uti possidetis] est la règle que nous observons dans nos rapports conventionnels avec les États voisins, et non pas celle dite de l’uti possidetis juris, laquelle peut seulement être appliquée dans les négociations des limites entre les États hispano-américains, limites correspondant aux anciennes divisions territoriales et tracées par la même métropole » (trad. de l’auteur, texte dans Antônio A. Cançado Trindade, Repertôrio da Prática Brasileira do Direito Internacional Público (Período 1899-1918), Brasilia, Fundação Gusmão, 1986, vol. I, p. 265.
  • [13]
    Le mémoire brésilien dans l’affaire des Missions orientales entre l’Argentine et le Brésil affirme : « Le Traité de 1777 fut rompu et annulé par la guerre survenue en 1801 entre le Portugal et l’Espagne, et il resta ainsi pour toujours, du fait qu’il ne fut pas restauré par le Traité de paix signé à Badajoz le 6 juin de la même année » (trad. de l’auteur, Exposição que os Estados Unidos do Brazil apresentam ao Presidente dos Estados Unidos da America como arbitro segundo as estipulações do tratado de 7 de setembro de 1889, concluido entre o Brazil e a Republica Argentina, Nueva York, 1894, vol. II, p. 10). Pour une analyse historique succincte – du point de vue brésilien – des avatars des traités de 1750 et 1777, Sérgio Buarque de Hollanda, (dir.), História Geral da Civilização Brasileira, I. A época colonial. 1. Do descobrimento à expansão territorial, 11e éd., Rio de Janeiro, Bertrand Brasil, 2000, p. 368-379.
  • [14]
    Marcelo G. Kohen, Possession contestée... (op. cit., n. 4), p. 448-449.
  • [15]
    Trad. de l’auteur. Cité ibid., p. 9.
  • [16]
    Ibid., p. 13.
  • [17]
    Marcelo G. Kohen, « L’uti possidetis revisité... » (op. cit., n. 4), p. 951-952 et Possession contestée... (op. cit., n. 4), p. 446-447, et Julio A. Barberis, « La conception brésilienne de l’uti possidetis », Liber Amicorum Mohammed Bedjaoui, La Haya, Kluwer, 1999, p. 49-62. Pour une analyse d’un auteur brésilien connu : Hildebrando Accioly, « Le Brésil et la doctrine de l’uti possidetis », Revue de droit international, 1935, vol. IX, p. 36-45.
  • [18]
    Voir le texte du Compromis et la sentence arbitrale du Conseil fédéral suisse dans H. La Fontaine, Pasicrisie internationale, 1794-1900, Bern, Staempfli, 1902, p. 563-578.
  • [19]
    « Le sort, tant du traité de 1750 que de celui de 1777, fut précaire et agité aux frontières du Sud, où la guerre éclata. À la frontière du Nord, toutefois, les traités gardèrent le caractère perpétuel que les deux puissances voulurent donner à leurs dispositions, en stipulant dans le premier que même en cas de guerre ses dispositions resteraient inviolables » (trad. de l’auteur, Fronteiras do Brazil e da Guyana Ingleza. O direito do Brazil. Primeira memoria apresentada em Roma a 27 de fevereiro do 1903 por Joaquim Nabuco, París, Lahure, 1903, p. 304-305 ; reproduit aussi in A. Cançado Trindade, op. cit. [n. 12], t. I, p. 269).
  • [20]
    Italiques ajoutés. Voir les textes complets de l’échange des notes anglo-brésilien, in Carlos Calvo, Le droit international théorique et pratique, 4e éd., Paris, Guillaumin et al., 1887, t. VI, p. 29-34.
  • [21]
    « Ce principe ne revêt pas [...] le caractère d’une règle particulière, inhérente à un système déterminé de droit international. Il constitue un principe général, logiquement lié au phénomène de l’accession à l’indépendance, où qu’il se manifeste » (CIJ Recueil 1986, p. 565, § 20).
  • [22]
    Aux affaires colombo-vénézuélienne (1922) et Guatemala/Honduras (1933) déjà citées, on peut ajouter une autre sentence arbitrale antérieure entre les premiers États (1891) et les affaires de l’île d’Aves entre le Venezuela et les Pays-Bas (1865), Colombie / Costa Rica (1900), Honduras/Nicaragua (1906), Bolivie/Pérou (1909), Costa Rica / Panama (1914), parmi d’autres.
  • [23]
    Par exemple : C. H. M. Waldock, « Disputed sovereignty in the Falkland Islands Dependencies », BYBIL, 1948, vol. 25, p. 325 ; Daniel Bardonnet, « Les frontières terrestres et la relativité de leur tracé (Problèmes juridiques choisis) », RCADI, 1976-V, t. 153, p. 56 ; Jacqueline Dutheil de La Rochère, « Les procédures de règlement des différends frontaliers », in SFDI, La Frontière, Paris, Pedone, 1980, p. 125 et 135.
  • [24]
    Voir l’excellent travail de Malcolm Shaw, « The heritage of States : The principle of Uti Possidetis Juris today », BYBIL, vol. LXVII, 1996, p. 75-154.
  • [25]
    Pour ces visions négatives, voir les travaux cités supra (n. 9), ainsi que Santiago Bernardez Torrez, « The “Uti Possidetis Juris Principle” in historical perspective », in Konrad Ginther (éd.), Völkerrecht zwischen normativen Anspruch und politischer Realität. Festschrift für Karl Zemanek zum 65. Geburtstag, Berlin, Duncker & Humblot, 1994, p. 417-437. Pour des analyses qui vont dans le sens de l’applicabilité de l’uti possidetis dans les circonstances contemporaines, les contributions de Jean-Pierre Cot et Marcelo G. Kohen dans B. Delcourt et al. (éd.), op. cit. (n. 9), respectivement p. 17-33 et 365-401, ainsi que Giuseppe Nesi, « L’uti possidetis hors du contexte de la décolonisation : le cas de l’Europe », AFDI, 1998, vol. XLIV, p. 1-23.
  • [26]
    Pour une analyse générale du principe du respect de l’intégrité territoriale, conçu comme un principe fondamental du droit international existant à toutes les époques, v. Possession contestée... (op. cit., n. 4), p. 369-379.
  • [27]
    J. M. Yepes et Pereira Da Silva, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations et des Statuts de l’Union panaméricaine, Paris, Pedone, 1934, t. I, p. 281.
  • [28]
    Conferencias Internacionales Americanas 1889-1936, Washington (DC), Dot. Carnegie, 1938, p. XXVIII-XXIX.
  • [29]
    Conferencias Internacionales Americanas. Primer Suplemento 1938-1942, Washington (DC), Dot. Carnegie, p. 42, n. 3.
  • [30]
    J. M. Yepes, El panamericanismo y el Derecho Internacional, Bogota, Impr. Nacional, 1930, p. 41.
  • [31]
    Conferencias Internacionales... (op. cit., n. 28), p. 42, n. 4. L’article II précisait les cas particuliers d’atteintes aux droits protégés par l’article I, parmi lesquels sont mentionnés : 1 / « actes dirigés à priver les Nations contractantes d’une partie de leur territoire, avec l’intention d’acquérir son domaine, ou de le céder à une autre puissance » ; 2 / « actes dirigés à soumettre les Hautes Parties contractantes au régime de protectorat, à la vente ou à la cession de territoire, ou à établir sur celles-ci tout genre de supériorité, droit ou prééminence » (ibid.).
  • [32]
    Société des Nations, Recueil des Traités, 1936, vol. CLXV, p. 26.
  • [33]
    hhhttp:// wwww. oas. org.
  • [34]
    Conferencias Internacionales... (op. cit., n. 27), p. 44. Pour une étude de l’évolution de l’interdiction de l’annexion, qui adopte une attitude restrictive en ce qui concerne l’existence d’un droit régional qui consacrait cette prohibition au XIXe siècle, v. Wolfgang Busch, Die Entwicklung eines Annexionsverbots auf dem amerikanischen Kontinent seit der internationalen amerikanischen Konferenz von Washington (1899/1890), Marbourg, Philipps-Universität, 1973, 202 p. (en particulier p. 21-22 pour l’analyse de la Résolution de 1890).
  • [35]
    La Cour permanente de justice internationale, dans son arrêt sur le Statut juridique de Groenland oriental, la définit de cette manière : « La conquête n’agit comme une cause provoquant la perte de la souveraineté que lorsqu’il y a une guerre entre deux États et que, à la suite de la défaite de l’un d’eux, la souveraineté sur le territoire passe de l’État vaincu à l’État victorieux » (CPJI, série A/B, no 53, p. 47). En général, on considère le traité d’Utrecht de 1713 comme l’élément cristallisant de la règle qui exige un traité de paix après la cessation des hostilités pour que le transfert de la souveraineté puisse avoir lieu (v. Ernest Nys, Le droit international. Les principes, les théories, les faits, Bruxelles, M. Weissenbruch, 1912, t. III, p. 230, et Charles Rousseau, Le droit des conflits armés, Paris, Pedone, 1983, p. 136-141).
  • [36]
    Voir, par exemple Arthur P. Whitaker, Argentina, Englewood Cliff (New Jersey), Prentice-Hall, 1964, p. 38.
  • [37]
    « Les États américains condamnent la guerre d’agression : la victoire ne donne pas de droits. »
  • [38]
    Cité dans le Rapport sur le point no 4 du Programme de la Huitième Conférence internationale américaine, préparé par la Commission permanente de Rio de Janeiro pour la codification du droit international public, Diario de la VIII Conferencia Internacional Americana, Lima, le 7 décembre 1938, no 2, p. 107.
  • [39]
    Conferencias Internacionales... (op. cit., n. 27), p. 679.
  • [40]
    Loc. cit. (n. 31), p. 26.
  • [41]
    « Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c/ États-Unis d’Amérique), fond, arrêt », CIJ Recueil 1986, p. 108, § 206.
  • [42]
    Adoptée le 3 octobre 1939, Conférences internationales... (supra, remarque 28), p. 127.
  • [43]
    Textes de l’Acte et de la Convention, ibid., p. 153-155 et 163-167.
  • [44]
    The International Conferences of American States. Second Suplement 1942-1954, Washington, Pan American Union, 1958, p. 271-273.
  • [45]
    Résolution 1654 (XVI). Son appellation exacte est « Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux ».
  • [46]
    Voir en particulier la résolution concernant le « Colonialisme territorial en Amérique », adoptée par le Comité judiciaire interaméricain le 19 février 1974, dans Comité Jurídico Interamericano, Recomendaciones e Informes 1974-1977, Washington, OEA, 1981, vol. XI, p. 47-49.
  • [47]
    Cela peut s’expliquer par les avatars de la politique juridique choisie par les États latino-américains concernés par la création de colonies sur leurs territoires. Au sein de l’OEA, ils ont choisi de nier leur existence, du fait que le territoire sur lequel les colonies étaient établies se trouvait sous leur souveraineté. La même attitude a été prise par la Chine vis-à-vis de Hong-Kong et de Macao dans le cadre de l’activité de décolonisation de l’ONU. En revanche, les États latino-américains ont préféré suivre au sein des Nations Unies la stratégie espagnole à l’égard de Gibraltar. Pour une explication de la diplomatie argentine auprès du Comité de décolonisation, cf. Enrique J. Ros, « Las conclusiones y recomendaciones del Comité especial de las Naciones Unidas para la aplicación de la Resolución 1514 (XV) en el caso de las Islas Malvinas. Su análisis », Revista de Derecho Internacional y Ciencias Diplomáticas, Rosario (Argentina), 1964, vol. XIII, no 25/26, p. 83-103.

1Dès leur naissance à la vie indépendante, les États de l’Amérique latine ont exercé une influence importante dans le développement progressif du droit international. Étant arrivés à la société internationale dans le premier quart du XIXe siècle, les États latino-américains ont trouvé un droit international qui ne leur était pas favorable. Le droit de la décolonisation, la notion des guerres de libération nationale, l’idée d’un droit au développement ont été des notions dont l’apparition a pris plus d’un siècle et demi. Au contraire, le caractère constitutif de la reconnaissance par les nations dites « civilisées », la colonisation des territoires non européens, l’existence d’une légitimité monarchique poussée par la Sainte-Alliance, l’emploi de la force dans les relations internationales, étaient, parmi d’autres, les règles qui caractérisaient le droit international de l’époque, appelé aussi de manière très parlante à l’époque le « droit public européen » ou « droit des gens européen » [1].

2La lutte pour l’indépendance a été ainsi considérée du point de vue juridique comme un conflit interne. Les mouvements indépendantistes étaient, par conséquent, des simples « rebelles » ou « insurgés », qualificatif appliqué même après l’indépendance et jusqu’au moment où les puissances, en particulier, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont commencé à reconnaître les États latino-américains [2]. Dans ces circonstances, il est facile de comprendre le souci des nouveaux États en ce qui concerne la formulation de règles claires pour la protection de leurs territoires. Il est possible qu’au moment d’énoncer ces règles, les États latino-américains aient eu en vue la création d’un corpus juridique spécifique pour le sous-continent. Ainsi, de la même manière qu’on parlait dans le Vieux Continent d’un « droit des gens européen », on avait commencé à parler dans le Nouveau Monde d’un « droit international américain » [3].

3D’une manière imperceptible, les États latino-américains ont au XIXe siècle jeté les bases des transformations du système juridique international intervenues ultérieurement : au cours du siècle suivant, ces règles ont été généralisées les unes après les autres, pour faire partie aujourd’hui du contenu du droit international général. Nous faisons référence aux règles de l’uti possidetis, du respect de l’intégrité territoriale, de celles interdisant la conquête et le colonialisme. Ce texte examine chacune de ces règles, abstraction faite de leur application ou violation dans des conflits particuliers.

1. L’UTI POSSIDETIS

4L’uti possidetis est sans aucun doute la règle la plus connue pour son origine latino-américaine. Les autres règles susmentionnées sont, en grande partie, le corollaire de son application.

5Il n’y a pas lieu de faire ici un examen sur la terminologie employée, qui prête à confusion avec les règles homonymes du droit romain et du droit des conflits armés, ni de faire non plus un examen détaillé sur le contenu et l’application de la règle [4]. Il est en revanche à relever l’originalité de la règle latino-américaine par rapport au droit existant au XIXe siècle (A). Malgré l’idée reçue d’une apparente contradiction inconciliable entre les conceptions brésilienne et hispano-américaine de l’uti possidetis, il en existe de nombreux points communs (B). Enfin, cette règle qui semblait condamnée aux oubliettes a fait un retour spectaculaire sur la scène internationale à la fin du XXe siècle (C).

A. Originalité de la règle de l’uti possidetis

6Les États hispaniques de l’Amérique du Sud ont été les premiers à invoquer la règle de l’uti possidetis. Cela s’explique par des raisons historiques : ces États ont refusé d’obéir aux autorités royalistes à partir de 1810, tandis que le Brésil a proclamé son indépendance en 1822 et que la République d’Amérique centrale en a fait de même l’année précédente. En 1839, la République fédérale centraméricaine a été dissoute et chacune des Républiques membres est devenue indépendante. Le moment de la fin de la reconnaissance du pouvoir espagnol explique pourquoi les États hispaniques sud-américains font référence à l’uti possidetis de 1810 et ceux de l’Amérique centrale à celui de 1821.

7L’idée de base de l’uti possidetis est que les États hispano-américains disposent du même territoire qui appartenait à l’Espagne dans le cadre des divisions administratives existantes à l’époque coloniale. Ce principe servait à résoudre deux problèmes en matière territoriale : celui de la relation des nouveaux États avec les puissances préexistantes et celui de la relation des nouveaux États entre eux. C’est ainsi qu’on mentionne traditionnellement deux éléments constitutifs de l’uti possidetis : l’absence de territoires sans maître (terrae nullius) dans le continent américain et le respect des limites administratives préexistantes, qui se transforment en frontières internationales [5].

8Selon le juriste argentin José León Suárez, ce principe avait été tacitement consacré par tous les gouvernements hispano-américains. Il a été formellement proclamé pour la première fois par la Colombie en 1819 et formulé collectivement plus tard dans les Congrès de Panama de 1826 et de Lima de 1847-1848, ce dernier congrès le consacrant comme principe américain de droit [6].

9L’affirmation du principe de l’uti possidetis n’était pas simple au XIXe siècle. Les règles très limitées que la doctrine européenne énonçait sur la succession d’États, ne faisaient pas référence à la question territoriale. La pratique et la doctrine internationales n’avaient pas non plus clairement défini quels territoires pouvaient tomber sous le coup de la catégorie des terrae nullius [7]. Le fait que l’Espagne et le Portugal n’avaient pas effectivement occupé de vastes étendues qu’ils considéraient néanmoins comme leur appartenant, la longue durée des hostilités avec l’Espagne et la victoire finale des indépendantistes, pouvaient donner lieu à de nouvelles velléités de colonisation par d’autres puissances. En outre, c’était la première fois dans l’histoire qu’un empire colonial s’écroulait pour donner lieu à une pluralité des nouveaux États.

10Pour définir leurs territoires respectifs, les nouveaux États avaient plusieurs options. Ils auraient pu rejeter les limites administratives existantes pour avoir considéré qu’elles étaient fixées par la Couronne espagnole sans prendre en considération les réalités humaines et géographiques et, souvent, sans même connaître les territoires ainsi délimités. Une telle approche aurait signifié le besoin de délimiter ex novo les frontières. Pour ce faire, les nouveaux États auraient pu opter par la théorie des frontières naturelles – en vogue dans la doctrine de l’époque –, utiliser la règle de l’occupation effective ou laisser le sort des frontières aux avatars de la guerre.

11L’uti possidetis se présentait ainsi comme la solution raisonnable et pacifique, qui répondait à des critères objectifs. En effet, les limites administratives étaient la seule option existante au moment de l’indépendance. Les autres options impliquaient pour les nouveaux États la naissance à la vie indépendante sans frontières définies. Les frontières « naturelles » ne sont facilement identifiables qu’en apparence. Les États peuvent avoir des points de vue différents en vue d’identifier la « meilleure » frontière « naturelle » entre eux. Et même s’ils avaient été d’accord, il aurait fallu fixer les critères concrets à prendre en considération pour la délimitation des chaînes de montagnes ou des cours d’eau (ou d’autres particularités du terrain), ce qui suppose de nouveaux conflits. On en veut pour preuve l’histoire difficile de la frontière entre l’Argentine et le Chili, en ce qui concerne l’identification de ligne de crête et de partage des eaux, qui a nécessité cinq sentences arbitrales durant plus d’un siècle.

12L’adoption de la règle de l’occupation effective aurait pour sa part signifié une attitude contradictoire. L’occupation effective est le moyen d’établir la souveraineté sur des territoires sans maître et, pour les États latino-américains, cette possibilité était pleinement écartée par rapport aux territoires antérieurement espagnols ou portugais.

13Les États hispano-américains ont savamment choisi de reconnaître que les frontières entre eux étaient définies selon les limites existantes au début du mouvement émancipateur, en 1810 en Amérique du Sud et en 1821 en Amérique centrale.

14Une partie de la doctrine a critiqué cette option dès le début du XXe siècle, ou même avant [8]. La critique contemporaine répète ces mêmes arguments sans le savoir [9]. Selon ces conceptions, il existait une autre possibilité, à savoir la définition des frontières par la voie des négociations. L’idée semble louable, surtout si l’on considère son argument auxiliaire : dans de nombreux cas, il était presque impossible d’établir quelles étaient les limites administratives fixées par la Couronne espagnole. Le problème principal qui n’est pas abordé par ces conceptions est de déterminer le fondement sur la base duquel la négociation des frontières interviendra. Nous avons déjà mentionné les difficultés liées à l’acceptation des frontières naturelles, l’occupation ou la possession effective. Si l’on écarte ces notions et si l’on considère, par exemple, qu’il n’y a pas de frontières entre ces États ou, pire encore, que le droit international n’offre pas de règles pour déterminer les frontières en cause et que tout doit donc être réglé par la voie de la négociation, cette proposition apportera plus d’insécurité que celle qu’elle essaie d’éviter.

15Nous avons mentionné la possibilité de considérer la possession effective de chacun de nouveaux États comme critère déterminant de leur étendue territoriale. Nous avons déjà vu que ce critère n’était pas celui retenu par les États hispano-américains, qui ont préféré celui des limites préexistantes. Toute possession contraire à de telles limites a été considérée comme une simple usurpation [10]. Cette prééminence du droit à posséder sur la pure possession a été exprimée par l’ajout du génitif latin iuris à l’expression uti possidetis [11]. Toutefois, dans la conception brésilienne, l’uti possidetis applicable dans ses relations avec les États hispano-américains est celui fixé par la possession effective. Cette conception est appelée uti possidetis « de facto ». Cette divergence a donné lieu à un lamentable malentendu dans la littérature juridique et dans l’esprit des peuples concernés. En effet, l’image qui prévaut est celle selon laquelle les thèses brésilienne et hispano-américaine sont absolument contradictoires et irréconciliables. Dans l’analyse suivant, nous nous proposons de démontrer que, malgré les différences, cette affirmation n’est pas fondée.

B. L’opposition des thèses entre l’Amérique hispanique et le Brésil : mythes et vérités

16Si l’on examine d’une manière détaillée la position brésilienne en matière territoriale en général et des frontières avec ses voisins en particulier, on verra qu’il n’y a pas un rejet de l’uti possidetis iuris, mais plutôt l’affirmation de son applicabilité exclusive parmi les États hispano-américains [12]. Le Brésil a raison lorsqu’il affirme que les décisions territoriales de la Couronne espagnole ne lui étaient pas opposables. En effet, la législation espagnole interne pourra être d’utilité afin d’établir quelles étaient les limites administratives existantes à l’intérieur de l’Empire colonial espagnol, mais non pour définir la frontière internationale entre les territoires espagnols et les autres puissances.

17La différence fondamentale entre les États hispaniques sud-américains et le Brésil réside dans l’attitude envers les traités luso-espagnols du 13 janvier 1750 et du 1er octobre 1777 qui définissaient les territoires des deux Couronnes ibériques en Amérique du Sud. Pour les États hispano-américains, ces traités étaient en vigueur au moment de l’indépendance et, par conséquent, définissaient leurs frontières avec le Brésil, avant et après 1822, année de l’indépendance brésilienne. Au contraire, le Brésil soutenait que les traités en question n’étaient plus en vigueur, du fait de la guerre entre l’Espagne et le Portugal intervenue entre mars et juin 1801 [13].

18Le but n’est pas ici de discuter sur le maintien en vigueur des traités de 1750 et 1777 au moment de l’indépendance brésilienne [14]. Malgré cette différence de vues, le fait est que le Brésil et les États hispano-américains partagent la même la conception sur les questions fondamentales suivantes :

191 / il n’y avait pas de territoires sans maître (terrae nullius) en Amérique du Sud ;

202 / les nouveaux États ont succédé à la souveraineté territoriale de l’Espagne et du Portugal ;

213 / en cas de maintien en vigueur des traités frontaliers conclus par les puissances coloniales, ils seraient d’application pour la définition des frontières des États nouvellement indépendants.

22Le ministre des Affaires étrangères du Brésil, alors le conseiller Paranhos (devenu plus tard vicomte de Río Branco), affirmait en 1856 : « Au Brésil appartient incontestablement le territoire qui, en Amérique du Sud, appartenait au Portugal, compte tenu des pertes et des acquisitions ayant eu lieu ultérieurement aux traités de 1750 et 1777 ; et réciproquement, aux États voisins qui furent des colonies de l’Espagne appartiennent ce qui était du domaine de cette nation, hormis les altérations qui découlent de leur uti possidetis. » [15] Le Mémoire brésilien dans l’affaire des Missions orientales, opposant le Brésil à l’Argentine, affirmait : « Les deux nouvelles nations héritèrent certainement, en matière de limites territoriales, les droits et obligations de leurs mères patries respectives, mais compte tenu du fait qu’il n’y avait aucun traité de frontières en vigueur, le seul principe applicable à l’époque de l’indépendance était celui de l’uti possidetis. » [16]

23Le fondement de l’interprétation brésilienne de l’uti possidetis, axée sur la possession effective, s’expliquait par le fait que, selon sa position à l’égard de l’effet de la guerre sur les traités luso-espagnols, il n’y avait pas de titre juridique pertinent en vigueur au moment de l’indépendance [17].

24La coïncidence des vues entre le Brésil et les États hispano-américains au sujet de l’uti possidetis ressort de manière nette dans les conflits frontaliers dans lesquels le Brésil a été confronté à des puissances extracontinentales. Avec la France, il a invoqué l’article 8 du traité d’Utrecht de 1713, qui fixait la frontière franco-lusitanienne dans la région de la Guyane [18]. Dans le différend sur les frontières avec la Guyane britannique, le gouvernement brésilien a invoqué les traités luso-espagnols de 1750 et 1777 [19]. Dans une controverse avec la Grande-Bretagne concernant l’île de la Trinité, motivée par la prise de possession britannique de cette île en 1795 et la subséquente protestation brésilienne, le Brésil a soutenu que « le meilleur titre de droit du Brésil sur l’île de la Trinité est la reconnaissance solennelle, positive et pratique, de ce droit par l’Amirauté anglaise qui, le 22 août 1782, expédia des ordres explicites à l’officier anglais qui commandait l’île de la Trinité pour qu’il en effectuât l’évacuation sans retard et le remît au gouvernement portugais, comme appartenant aux possessions du royaume de Portugal dans l’Amérique du Sud et sujette du vice-royaume du Brésil » [20].

25La conclusion qui s’ensuit, c’est que les différences de vues entre les États hispano-américains et le Brésil, tout en étant importantes sur le plan pratique, s’avèrent plutôt accessoires sur le plan théorique. En effet, le poids essentiel attribué par le Brésil à la possession était l’absence de titre conventionnel applicable dans les relations avec ses voisins hispano-américains. Cela n’est pas en contradiction avec la vision générale selon laquelle l’effectivité joue un rôle résiduel en matière de règlement des conflits territoriaux, en cas d’absence de titre ou pour son interprétation si celui-ci s’avère obscur.

C. L’universalisation de l’uti possidetis

26Il n’y a rien d’étonnant de constater qu’un siècle et demi après l’indépendance latino-américaine, l’uti possidetis a été appliqué au moment de la décolonisation au continent africain et à d’autres régions de la planète. Sous l’appellation de « principe de l’intangibilité des frontières » reconnu par la Résolution AGH/Res. 16(1) du Caire du 21 juillet 1964, l’Organisation de l’Unité africaine n’a fait que répéter l’expérience latino-américaine : les limites administratives d’un même empire colonial ont été transformé en frontières internationales et les frontières entre les colonies de métropoles différentes ont constitué les frontières des États nouvellement indépendants.

27Sur le plan jurisprudentiel et doctrinal, il a fallu attendre jusqu’à l’arrêt de 1986 de la Chambre de la Cour internationale de justice dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso / Mali) pour aboutir à une reconnaissance généralisée (autrement dit, non limitée aux milieux latino-américain et africain) de l’uti possidetis [21]. En effet, même s’il y avait une jurisprudence arbitrale importante qui avait reconnu et appliqué ce principe [22], la plupart de la doctrine européenne persistait dans son attitude plutôt réfractaire du caractère juridique de l’uti possidetis [23]. De manière remarquable, cette même doctrine se réfère aujourd’hui à l’uti possidetis partant du présupposé de son caractère de règle juridique applicable [24].

28Le principe de l’uti possidetis a retenu l’attention à la fin de la guerre froide, notamment à la suite des effondrements de l’Union soviétique et de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, mais aussi par rapport à d’autres cas, réels comme la dissolution de la Tchécoslovaquie ou hypothétiques comme l’éventuelle sécession du Québec du reste du Canada. La pratique internationale a largement confirmé l’applicabilité de l’uti possidetis dans de telles circonstances, même si une partie de la doctrine résiste encore [25].

29La raison de l’universalisation de l’uti possidetis est simple : c’est la nécessité logique de compter sur une base territoriale dans le cas de la naissance de nouveaux États indépendants. La règle joue ainsi un rôle stabilisateur et pacificateur dans les relations internationales et, contrairement à l’opinion d’une partie de la doctrine, elle ne promeut pas la sécession. En effet, l’uti possidetis s’applique en aval de la création d’un nouvel État, sans donner aucun fondement juridique à son existence.

2. LE RESPECT DE L’INTEGRITE TERRITORIALE

30Bien avant que l’article 10 du Pacte de la Société des Nations et l’article 2, § 4, de la Charte des Nations Unies aient fait référence à l’intégrité territoriale, le principe de son respect était déjà consacré dans des textes adoptés dans le Nouveau Continent [26].

31Le Traité d’union, ligue et confédération perpétuelle, adopté par le Congrès réuni par Bolívar au Panama en 1826 est cité par certains auteurs comme un antécédent de premier ordre dans l’affirmation multilatérale du principe de respect de l’intégrité territoriale [27]. Il faut remarquer toutefois que le texte ne mentionne pas ce principe de manière explicite [28].

32En revanche, l’article 2, § 1er, du Traité de confédération adopté au Congrès de Lima de 1847 précisait le contenu de ce principe d’une manière éloquente : « Lorsqu’une Nation étrangère occupe ou essaie d’occuper une portion quelconque du territoire qui se trouve dans les limites d’une des Républiques confédérées, ou lorsqu’elle utilise la force pour soustraire tel territoire du domaine de cette République, quel que soit le prétexte invoqué, les Républiques confédérées se garantissent entre elles, mutuellement et de la manière la plus expresse et solennelle, le domaine sur tout le territoire qui soit dans leurs limites respectives ; et elles ne reconnaissent ni reconnaîtront à aucune Nation ou tribu indigène le droit de leur disputer ce domaine. » [29]

33Le 9 novembre 1856 les représentants de huit États latino-américains se sont réunis à Washington et ils ont adopté un traité pour lequel « toutes les républiques assurent mutuellement leur indépendance et souveraineté, ainsi que l’intégrité de leurs territoires » [30].

34L’article 1 du Traité d’union et d’alliance défensive approuvé par le Congrès de Lima de 1864 constitue sans aucun doute l’antécédent direct de l’organisation collective du respect de l’intégrité territoriale, que l’on retrouvera après dans le Pacte de la Société des Nations et la Charte des Nations Unies. Dans sa partie pertinente, l’article affirmait : « Les Hautes Parties contractantes garantissent mutuellement leur indépendance, leur souveraineté, et l’intégrité de leurs territoires. Elles sont tenues, aux termes du présent Traité, de se défendre contre toute agression ayant pour objet de les priver de leurs droits susmentionnés, que l’agression provienne d’une puissance étrangère, de l’une des puissances liées par ce pacte ou de forces étrangères qui n’obéissent pas à un gouvernement connu. » [31]

35Afin de comprendre les raisons de l’attitude latino-américaine, il faut tenir compte de la situation politique régnante sur le continent pendant cette période. Au début des années 1830, les Britanniques ont occupé les îles Malouines et ils ont délogé les autorités argentines. Dans les années 1840, on attribuait à l’Espagne des projets de recolonisation sur la côte pacifique de l’Amérique du Sud. La guerre des États-Unis contre le Mexique a conduit ce dernier à la perte de provinces importantes. Dans les années 1850, le flibustier américain William Walker prit le contrôle du Nicaragua et prétendait s’emparer de toute l’Amérique centrale. En 1861, l’Espagne avait reconquis la République dominicaine. En 1862, la France est intervenue au Mexique afin d’imposer son gouvernement. Enfin, les États-Unis développaient leur politique d’hégémonie continentale. Il est donc facile de comprendre les raisons du souci des États latino-américains pour affirmer l’existence du principe du respect de l’intégrité territoriale.

36L’Amérique latine n’a pas seulement été une pionnière dans l’affirmation conventionnelle du principe du respect de l’intégrité territoriale, mais elle a aussi contribué à son développement. Une première étape de ce développement est marquée par l’article 11 de la Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États, du 26 décembre 1933, adoptée par la Septième Conférence internationale américaine. Cet article consacre l’inviolabilité du territoire des États et affirme que le territoire ne peut faire l’objet d’une occupation militaire ni d’autres mesures de force imposées par un autre État, même pas de manière temporaire [32].

37La seconde étape dans l’évolution du principe est plus récente. À l’époque contemporaine, la protection normative la plus complète contre toute tentative visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale des États se trouve dans les instruments interaméricains. Si, sur le plan universel, les instruments internationaux affirmaient ce principe généralement dans le cadre des relations interétatiques, sur le plan de l’OEA cette protection s’étend explicitement à l’égard des mouvements sécessionnistes.

38En effet, l’article 8 de la Charte de l’OEA limite l’admission de nouveaux membres aux États indépendants du continent qui étaient membres des Nations Unies à la date du 10 décembre 1985 et aux territoires non autonomes mentionnés dans le document de l’OEA AG/doc. 1939/85, du 5 décembre 1985, ayant atteint ultérieurement leur indépendance [33]. L’article 8 renforce le principe du respect de l’intégrité territoriale dans un double sens. D’une part, il permet d’éviter que les territoires appartenant aux États latino-américains, mais soumis à la domination coloniale (le cas des îles Malouines), puissent invoquer leur éventuelle indépendance devant l’OEA. D’autre part, cet article implique qu’aucune entité sécessionniste issue d’un État membre ne peut être admise dans l’Organisation.

3. L’INTERDICTION DE LA CONQUETE

39L’évolution logique de l’affirmation de l’uti possidetis et du respect de l’intégrité territoriale a été complétée par l’interdiction de la conquête comme moyen d’établissement de la souveraineté territoriale. À la suite d’une proposition de l’Argentine et du Brésil, la Première Conférence internationale américaine réunie à Washington a adopté le 18 avril 1890 une résolution intitulée « Droit de conquête », dans laquelle il est affirmé solennellement à l’article premier : « Le principe de conquête est éliminé du Droit public américain ». L’article 2 va encore plus loin : même un traité de cession ne pourrait « blanchir » une conquête. Cet article était de presque quatre-vingts ans le précurseur de l’article 52 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, affirmant que les cessions de territoire étaient nulles, si elles avaient été conclues sous la menace de guerre [34]. Ces affirmations constituaient, sans aucun doute, une abrogation sur le plan régional du droit international général existant. En effet, à la fin du XIXe siècle, la conquête constituait encore un moyen valide d’établissement de la souveraineté territoriale, dans la mesure où toutes les conditions exigées par le droit des gens étaient réunies [35].

40L’origine de cette prise de position contraire à la conquête territoriale se trouve à la fin de la guerre que l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay ont menée contre le Paraguay en 1870. Le gouvernement argentin avait formulé la doctrine connue sous la formule « la victoire ne donne pas de droits » [36], reprise mot par mot comme l’un des principes de l’OEA à l’article 3, lettre (g), de sa Charte [37].

41La Déclaration des Républiques américaines réunies à Washington le 3 août 1933 à l’occasion de la guerre du Chaco boréal entre la Bolivie et le Paraguay affirmait : « Les nations de l’Amérique déclarent aussi qu’elles ne reconnaîtront aucun règlement territorial de ce différend qui ne soit pas obtenu par des moyens pacifiques, ni la validité des acquisitions territoriales qui soient obtenues moyennant l’occupation ou conquête par la force des armes. » [38] Trente-sept années plus tard, la « Déclaration des principes de droit international concernant les relations d’amitié et coopération des États conformément à la Charte des Nations Unies » , contenue dans la Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale adoptée le 24 octobre 1970, répétait presque textuellement cette affirmation.

42Ces formulations générales ont eu leur consécration conventionnelle dans le traité pour prévenir la guerre, de non-agression et de conciliation, conclu à Rio de Janeiro le 10 octobre 1933, connu aussi comme le Pacte Saavedra Lamas, du nom du ministre des Affaires étrangères argentin, promoteur de ce instrument international ouvert à l’adhésion de tous les États. Les États contractants ont stipulé à l’article 2 que « les questions territoriales ne doivent pas se régler par la violence et ils ne reconnaîtront aucun arrangement qui ne soit pas obtenu par des moyens pacifiques, ni la validité de l’occupation ou l’acquisition des territoires qui soit obtenue par la force des armes » [39].

43L’article 11 de la Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États du 26 décembre 1933, adoptée par la Septième Conférence internationale américaine, contenait aussi l’affirmation du principe, et précisait son contenu : « Les États contractants consacrent de façon définitive, comme norme de leur conduite, l’obligation précise de ne pas reconnaître les acquisitions de territoires ou d’avantages spéciaux obtenus par la force, soit qu’elle consiste en l’emploi des armes, en représentations diplomatiques comminatoires ou en tout autre moyen de coaction effective » [40].

44De cette manière, les États latino-américains ont été pionniers dans l’affirmation de l’exclusion de la conquête comme moyen d’établir la souveraineté territoriale, longtemps avant que le pacte Briand-Kellogg ne condamne le 26 août 1928 la guerre comme instrument de politique nationale des Parties contractantes dans leurs relations mutuelles, ou que l’article 2, § 4, de la Charte des Nations Unies consacre l’interdiction de l’emploi de la force et que les Résolutions 2625 (XXV) et 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale affirment comme son corollaire la prohibition de l’acquisition de la souveraineté territoriale par la force. Ce faisant, les États de l’Amérique latine ont en même temps attribué un rang conventionnel aux doctrines de non-reconnaissance de situations de fait résultant de l’emploi de la force, comme la doctrine Stimson.

4. LA DECOLONISATION

45L’application de l’ensemble des normes susmentionnées mène inévitablement à l’interdiction de l’établissement de nouvelles colonies en Amérique latine. La doctrine de Monroe partageait en théorie cette visée, même si dans la pratique l’attitude états-unienne a été contradictoire.

46Cette interdiction générale d’établir de nouvelles colonies n’a donc pas signifié une exigence de mettre fin aux colonies des autres puissances européennes déjà existantes au moment de l’indépendance. Dans la pratique, la seule exigence de mettre fin au colonialisme des autres puissances s’est manifestée par rapport aux colonies établies sur des territoires appartenant à des États latino-américains (comme par exemple le cas des îles Malouines, de la Mosquitia, du Belize, de l’Esequibo et de l’île de la Trinité), où la fin de la présence « extracontinentale », selon la terminologie en vogue dans le Nouveau Continent, a été exigée. Pourtant, il s’agissait plutôt d’affirmer le respect de l’intégralité territoriale des États, atteinte par cette présence, que d’une revendication de décolonisation.

47Ce n’est que lors de la première moitié du XXe siècle que l’on commence à apercevoir dans la pratique interaméricaine une série d’éléments susceptibles d’être considérés comme précurseurs de ce qui est devenu, à partir de Charte des Nations Unies et la pratique subséquente, le droit de la décolonisation.

48Une première évolution s’est manifestée avec la faculté que le système interaméricain s’est attribué d’examiner la situation des colonies extracontinentales sans que les métropoles fassent partie du système et sans leur autorisation préalable. En d’autres termes, les États américains ont estimé que le principe de non-intervention ne s’appliquait pas à leur égard par rapport aux situations coloniales du Nouveau Continent. Cela constitue un antécédent très significatif de ce qui serait décidé plus tard sur le plan des Nations Unies lors du processus de décolonisation, comme il ressort de la Déclaration des principes du droit international annexée à la Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale déjà mentionnée, et tel qu’il a été implicitement exprimé par la Cour internationale de justice : la situation des territoires coloniaux ne relève pas du domaine réservé des puissances administratrices. Il est même possible d’apporter du soutien aux mouvements de libération sans que cela constitue une ingérence dans les affaires internes des puissances coloniales [41].

49Le début de la Seconde Guerre mondiale a marqué une période d’inflexion sur l’attitude du système interaméricain à l’égard des colonies extracontinentales. À peine un mois après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, la Première Réunion de consultation des ministres des Affaires étrangères des Républiques américaines, siégeant au Panama, a adopté la Résolution XVII, en vertu de laquelle tout changement de souveraineté d’un territoire américain soumis au contrôle d’un État non américain serait considéré comme pouvant entraîner un danger pour la sécurité du continent [42]. Cette résolution visait la possibilité d’une occupation nazie des colonies britanniques, danoises, françaises ou néerlandaises existantes dans l’hémisphère occidental.

50L’Acte et la Convention de La Havane concernant l’administration provisoire des colonies et des possessions européennes en Amérique, adoptées en 1940 par la Deuxième Réunion de consultation des ministres des Affaires étrangères des Républiques américaines, constituent un jalon important sur le chemin vers la décolonisation. En effet, pour la première fois, un instrument international évoque le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et envisage une administration internationale provisoire en cas de danger de changement de souveraineté pour ces territoires. La Conférence créa une Commission interaméricaine d’administration territoriale et envisagea la possibilité de désigner un État américain en tant qu’administrateur de l’un de ces territoires. Il s’agit d’un antécédent important du régime de tutelle et du Conseil de tutelle établis à San Francisco par les chapitres XII et XIII de la Charte des Nations Unies. Il est à relever le traitement distinct accordé aux colonies extracontinentales faisant l’objet d’un différend entre un État européen et une République américaine d’une part, et celles qui ne sont pas concernées par ce genre de différend, d’autre part. Les premières n’entraient pas dans le domaine d’application de l’Acte et de la Convention car, pour les États américains concernés, ces territoires relevaient de leur souveraineté [43].

51L’élan de décolonisation devient encore plus ferme lors de la Neuvième Conférence internationale américaine de Bogotá de 1948, avec l’adoption de la Résolution XXXIII concernant les Colonies et les Territoires occupés en Amérique. Dans cette résolution, le système interaméricain a proclamé que le colonialisme et l’occupation des territoires américains par des puissances extracontinentales devaient cesser, douze ans avant l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 14 décembre 1960, de la Résolution 1514 (XV), connue comme la Magna Carta de la Décolonisation. Il a également créé un Comité des territoires dépendants chargé d’étudier leur situation et de trouver des solutions adéquates pour de mettre fin au colonialisme ou à l’occupation étrangère [44]. Il s’agit là aussi d’un antécédent immédiat du Comité de décolonisation des Nations Unies, organe subsidiaire de l’Assemblée générale créé le 27 novembre 1961 [45].

52Ainsi, depuis ses débuts, le système interaméricain a nettement différencié deux situations coloniales : la forme classique de soumission d’un peuple et la forme territoriale, caractérisée par l’occupation d’un territoire appartenant à un État américain par une puissance extracontinentale [46]. Pour les premières, le système interaméricain a proclamé le droit des peuples à leur autodétermination ; pour les secondes, il a encouragé les parties à négocier pour mettre fin à cette situation.

53Cette distinction s’est manifestée dans le traitement accordé jusqu’à présent aux territoires non autonomes, ainsi qu’à d’autres territoires américains liés à des États extracontinentaux. On a déjà mentionné que, selon la Charte de l’OEA, seuls les territoires expressément mentionnés dans le document AG/doc. 1939/85 pourront demander à l’avenir leur admission en tant que membres de l’Organisation. Ce document analyse également la situation constitutionnelle des possessions britanniques, françaises, néerlandaises, américaines et danoises dans l’hémisphère occidental, mais il ne prend pas en compte les îles Malouines, Géorgie du Sud et Sandwich du Sud, objet d’un différend entre l’Argentine et le Royaume-Uni.

54Cette situation permet d’établir une double distinction par rapport à la pratique onusienne. L’évolution constitutionnelle des îles Malouines, Géorgie du Sud et Sandwich du Sud n’est pas analysée dans le domaine interaméricain, car l’OEA ne s’occupe pas du colonialisme territorial, à la différence des Nations Unies, qui s’occupent des deux formes de colonialisme [47]. En revanche, et toujours à la différence des Nations Unies, les DOM-TOM français en Amérique, le Groenland et les Antilles néerlandaises font l’objet d’un suivi par l’OEA, ce qui pourrait à la fois être perçu comme une vision plus large du phénomène colonial que celle des Nations Unies. Pour les Nations Unies, ces territoires ont cessé d’être « non autonomes » au sens du chapitre XI de la Charte. En effet, les puissances administratrices ne transmettent plus l’information requise par l’article 73, alinéa e) de la Charte, suite aux changements constitutionnels de leur statut et sans que l’Organisation réagisse contre ce défaut de transmission. La situation particulière du Porto Rico – pour des raisons politiques évidentes – ne fait pourtant pas l’objet d’une analyse dans le domaine interaméricain alors que la question est activement discutée au sein du Comité de décolonisation des Nations Unies.

CONCLUSION

55L’analyse de la pratique latino-américaine témoigne de l’attachement de l’Amérique latine à l’égalité internationale et du rôle fondamental qu’elle a joué pour la consécration universelle de certains principes fondamentaux en matière de souveraineté territoriale. Certains instruments ici mentionnés s’inscrivent dans la pratique « interaméricaine » ; autrement dit, ils incluent non seulement les États latino-américains, mais également les États-Unis. Néanmoins, ce sont les États latino-américains qui en sont à l’origine et qui ont insisté sur l’affirmation de principes tels que l’interdiction de la conquête et le respect de l’intégrité territoriale. Il est aisé de déceler le caractère défensif de toutes ces règles en question et de chacune d’entre elles. Les nouveaux États latino-américains ont dû agir pour imposer le respect de leur souveraineté territoriale dans un contexte politique difficile, devant faire face à des États plus puissants et en présence d’un droit international autorisant la force, la conquête, l’imposition de protectorats et le colonialisme.

56Il existe une cohérence dans l’attitude latino-américaine envers la souveraineté territoriale qu’il faut souligner. En proposant l’uti possidetis comme principe fondamental en la matière, ils jetaient des bases pour exclure la possibilité de considérer des territoires latino-américains comme étant « sans maître » et donc ouverts à l’occupation effective. Aussi se prononçaient-ils déjà contre toute nouvelle tentative colonialiste dans le continent. De surcroît, cela supposait d’étayer le principe de respect de l’intégrité territoriale tout en le rendant applicable à leurs territoires. Enfin, cette approche constituait un frein à la conquête comme moyen d’extension de la souveraineté territoriale. Bref, il s’agissait d’une conception privilégiant le droit sur la force. De cette manière, les États latino-américains se sont mis à l’avant-garde de la défense la légalité et du développement progressif du droit international.


Mise en ligne 07/04/2009

https://doi.org/10.3917/ri.137.0013

Notes

  • [1]
    Voir, par exemple, le traité général de paix de Paris, du 30 mars 1856, par lequel la Sublime Porte avait accès aux « bénéfices du droit public et du concert européens » (art. VII, De Martens, Nouveau Recueil général de traités, vol. XV, p. 774), ou, dans le plan doctrinal, le titre du prestigieux manuel d’August Wilhelm Heffter : Das europäische Völkerrecht der Gegenwart, 7e éd., Berlin, Schroeder, 1881.
  • [2]
    Lors de son message au Congrès des États-Unis du 7 décembre 1819, le président Monroe affirmait : « In the civil war existing between Spain and the Spanish provinces in this hemisphere the greatest care has been taken to enforce the laws intended to preserve an impartial neutrality » (John Bassett Moore, A Digest of International Law, Washington, Government Printing Office, 1906, vol. I, p. 83). Un peu plus tard, lors de son message du 8 mars 1822, le même président américain dira : « As soon as the [revolutionary] movement assumed such a steady and consistent form as to make the success of the provinces probable, the rights to which they were entitled by the law of nations, as equal parties to a civil war, were extended to them » (ibid., p. 174). La position britannique a été clairement décrite dans une note de George Canning du 4 mars 1823 : « In the year 1818, the Contest between Spain and her Colonies then raging with extraordinary violence, an Application was made by the Court of Spain to the British Government to interdict the Service of British Subjects in the Armies of the Insurgent Colonies An Act of Parliament was passed for this purpose, but it was felt that in making such Concession to Spain, it would be right that the Mother Country and her Colonies should be placed by this Country upon that footing which the Neutral Position of Great Britain between the two Belligerent Parties prescribed ; the prohibition therefore against serving in the Armies of South America, was extended to those of Spain » (Herbert Arthur Smith, Great Britain and the Law of Nations, Londres, King & Son, 1932, vol. I, p. 280). La protestation espagnole au message du président des États-Unis par lequel il annonçait la reconnaissance des nouveaux États hispano-américains définissait la position juridique de l’Espagne de la manière suivante : « I do solemny protest, against the recognition of the governments mentioned, of the insurgent Spanish provinces of America, by the United States, declaring that it can in no way now, or at any time, lessen or invalidate in the least the right of Spain to the said provinces », Lettre du ministre espagnol M. Anduaga, au secrétaire d’État Adams du 9 mars 1822 (John B. Moore, op. cit., vol. I, p. 87).
  • [3]
    Julio A. Barberis, « Les règles spécifiques du droit international en Amérique latine », Recueil des cours de l’Académie de droit international (RCADI), 1992, vol. 235, p. 94-96, ainsi que la référence au « droit public américain » incluse dans la déclaration sur la conquête de la première Conférence américaine de 1890 (infra, section 3).
  • [4]
    « L’uti possidetis revisité : l’arrêt du 11 septembre 1992 dans l’affaire El Salvador / Honduras », RGDIP, 1993, t. 97, no 4, p. 939-973, et Possession contestée et souveraineté territoriale (Paris, PUF, 1997). Sur l’uti possidetis en général, cf. aussi les études de Giuseppe Nesi, Luti possidetis iuris nel diritto internazionale (Padoue, Cedam, 1996) et de Luis I. Sanchez Rodriguez, « L’uti possidetis et les effectivités dans les contentieux territoriaux et frontaliers », RCADI, 1997, vol. 263, p. 149-381.
  • [5]
    Voir la sentence arbitrale du Conseil fédéral suisse dans l’affaire de la frontière entre la Colombie et le Venezuela de 1922 et l’arrêt de la Cour internationale de justice dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso / Mali). Dans la première affaire, il est établi que « ce principe avait aussi l’avantage de supprimer, on l’espérait, les contestations de limites entre les nouveaux États. Enfin, ce principe excluait les tentatives d’États colonisateurs européens sur des territoires qu’ils auraient pu chercher à proclamer res nullius » (Nations Unies, RSA, vol. I, p. 228). La seconde affaire exprime l’idée de la manière suivante : « Son but évident est d’éviter que l’indépendance et la stabilité des nouveaux États ne soient mis en danger par des luttes fratricides nées de la contestation des frontières à la suite du retrait de la puissance administrante [...]. Sa finalité [...] était de priver d’effets les visées éventuelles de puissances colonisatrices non américaines sur des régions que l’ancienne métropole avait assignées à l’une ou à l’autre des circonscriptions et qui étaient demeurées non occupées ou inexplorées » (Cour internationale de justice CIJ – Recueil 1986, respectivement p. 565 et 566, § 20 et 23).
  • [6]
    José León Suarez, « L’uti possidetis y los límites americanos », dans Diplomacia Universitaria Americana. Argentina en el Brasil. Ciclo de Conferencias, Buenos Aires, Escoffier, Caracciolo y Cia., 1918, p. 46. Paul de Lapradelle soutient que le principe a été proclamé par le Congrès de Lima de 1847 comme « [...] une protestation officielle contre l’occupation par la Grande-Bretagne des îles [M]alouines », La frontière. Étude de droit international, Paris, Les Éditions internationales, 1928, p. 77-78.
  • [7]
    Voir Possession contestée et souveraineté territoriale (op. cit., n. 4), p. 434-437.
  • [8]
    Par exemple José León Suarez, op. cit. (n. 6), p. 41-66 et les auteurs et diplomates cités ; Eusebio Ayala, « Le principe de l’ “uti possidetis” et le règlement des questions territoriales en Amérique », Revue de droit international, 1931, t. VIII, no 4, p. 456.
  • [9]
    C. Antopoulos, « The principle of Uti Possidetis Iuris in contemporary international law », Revue hellénique de droit international, 1996, vol. 49, 29-88 ; Steven R. Ratner, « Drawing a better line, Uti Possidetis and the borders of New States », American Journal of International Law (AJIL), 1996, vol. 90, p. 590-624 ; Jean-Marc Sorel, Rostane Mehdi, « L’uti possidetis entre la consécration juridique et la pratique : essai de réactualisation », AFDI - Annuaire français de droit international, 1994, t. XL, p. 11-40, ainsi que les contributions de Barbara Delcourt, Olivier Corten et Pierre Klein à l’ouvrage collectif Des limites administratives aux frontières internationales. L’uti possidetis en question(s), Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 35-78, 299-324 et 403-435, aussi publiées dans une édition spéciale de la Revue belge de droit international, consacrée à l’uti possidetis (1998-I).
  • [10]
    Ainsi, les sentences arbitrales dans les affaires des frontières Honduras/Guatemala et Colombie/Venezuela. Dans la première affaire, le tribunal arbitral présidé par le Chief Justice Hugues affirmait : « When administrative control was exercised by the colonial entity with the Spanish monarch, there can be no doubt that it was a juridical control [...]. If, on the other hand, either colonial entity prior to independence had asserted administrative control contrary to the will of the Spanish Crown, that would have been mere usurpation » (Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales-RSA, vol. II, p. 1324). Le Conseil fédéral suisse constatait dans la seconde affaire : « Des empiétements et des tentatives de colonisation intempestives de l’autre côté de la frontière, comme aussi les occupations de fait, devenaient sans portée ou sans conséquences en droit » (ibid., vol. I, p. 228).
  • [11]
    Voir, par exemple, l’arrêt de la Chambre de la CIJ. Dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso / Mali), CIJ Recueil 1986, p. 566, § 23.
  • [12]
    Le baron de Río Branco, ministre des Affaires extérieures du Brésil, affirmait dans une lettre adressée à son collègue Carlos Tobar de l’Équateur : « [L’uti possidetis] est la règle que nous observons dans nos rapports conventionnels avec les États voisins, et non pas celle dite de l’uti possidetis juris, laquelle peut seulement être appliquée dans les négociations des limites entre les États hispano-américains, limites correspondant aux anciennes divisions territoriales et tracées par la même métropole » (trad. de l’auteur, texte dans Antônio A. Cançado Trindade, Repertôrio da Prática Brasileira do Direito Internacional Público (Período 1899-1918), Brasilia, Fundação Gusmão, 1986, vol. I, p. 265.
  • [13]
    Le mémoire brésilien dans l’affaire des Missions orientales entre l’Argentine et le Brésil affirme : « Le Traité de 1777 fut rompu et annulé par la guerre survenue en 1801 entre le Portugal et l’Espagne, et il resta ainsi pour toujours, du fait qu’il ne fut pas restauré par le Traité de paix signé à Badajoz le 6 juin de la même année » (trad. de l’auteur, Exposição que os Estados Unidos do Brazil apresentam ao Presidente dos Estados Unidos da America como arbitro segundo as estipulações do tratado de 7 de setembro de 1889, concluido entre o Brazil e a Republica Argentina, Nueva York, 1894, vol. II, p. 10). Pour une analyse historique succincte – du point de vue brésilien – des avatars des traités de 1750 et 1777, Sérgio Buarque de Hollanda, (dir.), História Geral da Civilização Brasileira, I. A época colonial. 1. Do descobrimento à expansão territorial, 11e éd., Rio de Janeiro, Bertrand Brasil, 2000, p. 368-379.
  • [14]
    Marcelo G. Kohen, Possession contestée... (op. cit., n. 4), p. 448-449.
  • [15]
    Trad. de l’auteur. Cité ibid., p. 9.
  • [16]
    Ibid., p. 13.
  • [17]
    Marcelo G. Kohen, « L’uti possidetis revisité... » (op. cit., n. 4), p. 951-952 et Possession contestée... (op. cit., n. 4), p. 446-447, et Julio A. Barberis, « La conception brésilienne de l’uti possidetis », Liber Amicorum Mohammed Bedjaoui, La Haya, Kluwer, 1999, p. 49-62. Pour une analyse d’un auteur brésilien connu : Hildebrando Accioly, « Le Brésil et la doctrine de l’uti possidetis », Revue de droit international, 1935, vol. IX, p. 36-45.
  • [18]
    Voir le texte du Compromis et la sentence arbitrale du Conseil fédéral suisse dans H. La Fontaine, Pasicrisie internationale, 1794-1900, Bern, Staempfli, 1902, p. 563-578.
  • [19]
    « Le sort, tant du traité de 1750 que de celui de 1777, fut précaire et agité aux frontières du Sud, où la guerre éclata. À la frontière du Nord, toutefois, les traités gardèrent le caractère perpétuel que les deux puissances voulurent donner à leurs dispositions, en stipulant dans le premier que même en cas de guerre ses dispositions resteraient inviolables » (trad. de l’auteur, Fronteiras do Brazil e da Guyana Ingleza. O direito do Brazil. Primeira memoria apresentada em Roma a 27 de fevereiro do 1903 por Joaquim Nabuco, París, Lahure, 1903, p. 304-305 ; reproduit aussi in A. Cançado Trindade, op. cit. [n. 12], t. I, p. 269).
  • [20]
    Italiques ajoutés. Voir les textes complets de l’échange des notes anglo-brésilien, in Carlos Calvo, Le droit international théorique et pratique, 4e éd., Paris, Guillaumin et al., 1887, t. VI, p. 29-34.
  • [21]
    « Ce principe ne revêt pas [...] le caractère d’une règle particulière, inhérente à un système déterminé de droit international. Il constitue un principe général, logiquement lié au phénomène de l’accession à l’indépendance, où qu’il se manifeste » (CIJ Recueil 1986, p. 565, § 20).
  • [22]
    Aux affaires colombo-vénézuélienne (1922) et Guatemala/Honduras (1933) déjà citées, on peut ajouter une autre sentence arbitrale antérieure entre les premiers États (1891) et les affaires de l’île d’Aves entre le Venezuela et les Pays-Bas (1865), Colombie / Costa Rica (1900), Honduras/Nicaragua (1906), Bolivie/Pérou (1909), Costa Rica / Panama (1914), parmi d’autres.
  • [23]
    Par exemple : C. H. M. Waldock, « Disputed sovereignty in the Falkland Islands Dependencies », BYBIL, 1948, vol. 25, p. 325 ; Daniel Bardonnet, « Les frontières terrestres et la relativité de leur tracé (Problèmes juridiques choisis) », RCADI, 1976-V, t. 153, p. 56 ; Jacqueline Dutheil de La Rochère, « Les procédures de règlement des différends frontaliers », in SFDI, La Frontière, Paris, Pedone, 1980, p. 125 et 135.
  • [24]
    Voir l’excellent travail de Malcolm Shaw, « The heritage of States : The principle of Uti Possidetis Juris today », BYBIL, vol. LXVII, 1996, p. 75-154.
  • [25]
    Pour ces visions négatives, voir les travaux cités supra (n. 9), ainsi que Santiago Bernardez Torrez, « The “Uti Possidetis Juris Principle” in historical perspective », in Konrad Ginther (éd.), Völkerrecht zwischen normativen Anspruch und politischer Realität. Festschrift für Karl Zemanek zum 65. Geburtstag, Berlin, Duncker & Humblot, 1994, p. 417-437. Pour des analyses qui vont dans le sens de l’applicabilité de l’uti possidetis dans les circonstances contemporaines, les contributions de Jean-Pierre Cot et Marcelo G. Kohen dans B. Delcourt et al. (éd.), op. cit. (n. 9), respectivement p. 17-33 et 365-401, ainsi que Giuseppe Nesi, « L’uti possidetis hors du contexte de la décolonisation : le cas de l’Europe », AFDI, 1998, vol. XLIV, p. 1-23.
  • [26]
    Pour une analyse générale du principe du respect de l’intégrité territoriale, conçu comme un principe fondamental du droit international existant à toutes les époques, v. Possession contestée... (op. cit., n. 4), p. 369-379.
  • [27]
    J. M. Yepes et Pereira Da Silva, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations et des Statuts de l’Union panaméricaine, Paris, Pedone, 1934, t. I, p. 281.
  • [28]
    Conferencias Internacionales Americanas 1889-1936, Washington (DC), Dot. Carnegie, 1938, p. XXVIII-XXIX.
  • [29]
    Conferencias Internacionales Americanas. Primer Suplemento 1938-1942, Washington (DC), Dot. Carnegie, p. 42, n. 3.
  • [30]
    J. M. Yepes, El panamericanismo y el Derecho Internacional, Bogota, Impr. Nacional, 1930, p. 41.
  • [31]
    Conferencias Internacionales... (op. cit., n. 28), p. 42, n. 4. L’article II précisait les cas particuliers d’atteintes aux droits protégés par l’article I, parmi lesquels sont mentionnés : 1 / « actes dirigés à priver les Nations contractantes d’une partie de leur territoire, avec l’intention d’acquérir son domaine, ou de le céder à une autre puissance » ; 2 / « actes dirigés à soumettre les Hautes Parties contractantes au régime de protectorat, à la vente ou à la cession de territoire, ou à établir sur celles-ci tout genre de supériorité, droit ou prééminence » (ibid.).
  • [32]
    Société des Nations, Recueil des Traités, 1936, vol. CLXV, p. 26.
  • [33]
    hhhttp:// wwww. oas. org.
  • [34]
    Conferencias Internacionales... (op. cit., n. 27), p. 44. Pour une étude de l’évolution de l’interdiction de l’annexion, qui adopte une attitude restrictive en ce qui concerne l’existence d’un droit régional qui consacrait cette prohibition au XIXe siècle, v. Wolfgang Busch, Die Entwicklung eines Annexionsverbots auf dem amerikanischen Kontinent seit der internationalen amerikanischen Konferenz von Washington (1899/1890), Marbourg, Philipps-Universität, 1973, 202 p. (en particulier p. 21-22 pour l’analyse de la Résolution de 1890).
  • [35]
    La Cour permanente de justice internationale, dans son arrêt sur le Statut juridique de Groenland oriental, la définit de cette manière : « La conquête n’agit comme une cause provoquant la perte de la souveraineté que lorsqu’il y a une guerre entre deux États et que, à la suite de la défaite de l’un d’eux, la souveraineté sur le territoire passe de l’État vaincu à l’État victorieux » (CPJI, série A/B, no 53, p. 47). En général, on considère le traité d’Utrecht de 1713 comme l’élément cristallisant de la règle qui exige un traité de paix après la cessation des hostilités pour que le transfert de la souveraineté puisse avoir lieu (v. Ernest Nys, Le droit international. Les principes, les théories, les faits, Bruxelles, M. Weissenbruch, 1912, t. III, p. 230, et Charles Rousseau, Le droit des conflits armés, Paris, Pedone, 1983, p. 136-141).
  • [36]
    Voir, par exemple Arthur P. Whitaker, Argentina, Englewood Cliff (New Jersey), Prentice-Hall, 1964, p. 38.
  • [37]
    « Les États américains condamnent la guerre d’agression : la victoire ne donne pas de droits. »
  • [38]
    Cité dans le Rapport sur le point no 4 du Programme de la Huitième Conférence internationale américaine, préparé par la Commission permanente de Rio de Janeiro pour la codification du droit international public, Diario de la VIII Conferencia Internacional Americana, Lima, le 7 décembre 1938, no 2, p. 107.
  • [39]
    Conferencias Internacionales... (op. cit., n. 27), p. 679.
  • [40]
    Loc. cit. (n. 31), p. 26.
  • [41]
    « Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c/ États-Unis d’Amérique), fond, arrêt », CIJ Recueil 1986, p. 108, § 206.
  • [42]
    Adoptée le 3 octobre 1939, Conférences internationales... (supra, remarque 28), p. 127.
  • [43]
    Textes de l’Acte et de la Convention, ibid., p. 153-155 et 163-167.
  • [44]
    The International Conferences of American States. Second Suplement 1942-1954, Washington, Pan American Union, 1958, p. 271-273.
  • [45]
    Résolution 1654 (XVI). Son appellation exacte est « Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux ».
  • [46]
    Voir en particulier la résolution concernant le « Colonialisme territorial en Amérique », adoptée par le Comité judiciaire interaméricain le 19 février 1974, dans Comité Jurídico Interamericano, Recomendaciones e Informes 1974-1977, Washington, OEA, 1981, vol. XI, p. 47-49.
  • [47]
    Cela peut s’expliquer par les avatars de la politique juridique choisie par les États latino-américains concernés par la création de colonies sur leurs territoires. Au sein de l’OEA, ils ont choisi de nier leur existence, du fait que le territoire sur lequel les colonies étaient établies se trouvait sous leur souveraineté. La même attitude a été prise par la Chine vis-à-vis de Hong-Kong et de Macao dans le cadre de l’activité de décolonisation de l’ONU. En revanche, les États latino-américains ont préféré suivre au sein des Nations Unies la stratégie espagnole à l’égard de Gibraltar. Pour une explication de la diplomatie argentine auprès du Comité de décolonisation, cf. Enrique J. Ros, « Las conclusiones y recomendaciones del Comité especial de las Naciones Unidas para la aplicación de la Resolución 1514 (XV) en el caso de las Islas Malvinas. Su análisis », Revista de Derecho Internacional y Ciencias Diplomáticas, Rosario (Argentina), 1964, vol. XIII, no 25/26, p. 83-103.
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