Notes
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[1]
Le contenu de cet article n’engage que la seule responsabilité de son auteur et ne représente pas la position de la DGEFP, ni celle du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.
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[2]
L’enquête OFER a été, réalisée en 2005 par la DARES avec l’appui du CEE.
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[3]
Au moins, car les données mobilisables ne prennent pas en compte les recrutements des intérimaires, du secteur agricole et des fonctions publiques.
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[4]
Parmi les éléments explicatifs de cette non-concrétisation : l’abandon du candidat entre la déclaration et la date prévue d’embauche ; un comportement des employeurs ayant de nombreux recrutements et qui déclarent en permanence un nombre d’embauches.
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[5]
Ce type de calcul est ancien et porte généralement le nom de « part de marché » de Pôle emploi. Le terme est toutefois trompeur, dans la mesure où les recrutements qui ne donnent pas lieu à dépôt ont pour caractéristique d’être très peu formalisés. Il ne s’agit donc pas d’un « marché caché » qu’il suffirait de débusquer pour le faire apparaître, mais surtout d’une transformation de la nature du processus de recrutement. Par ailleurs, le champ du numérateur et celui du dénominateur ne sont pas entièrement comparables : le total des DUE exclut l’intérim : or, en 2010, Pôle emploi a diffusé près de 500 000 offres de mission d’intérim, soit 16 % du total des offres.
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[6]
Cette situation différencie radicalement la France de l’Allemagne. Dans ces derniers pays, l’adéquation entre spécialité et métier est beaucoup plus fréquente (de l’ordre de 70 % des emplois) du fait même de l’existence de normes conventionnelles négociées au niveau de la branche qui rend obligatoire la possession d’un diplôme spécifique préparé par l’alternance pour l’accès à de nombreuses professions dans la plupart des secteurs.
1La thématique des emplois non pourvus défraie régulièrement la chronique, la coexistence entre ces emplois et un nombre élevé de chômeurs apparaissant pour de nombreux commentateurs comme la preuve d’un dysfonctionnement du marché du travail et/ou d’un décalage entre les compétences demandées par les entreprises et celles offertes par les demandeurs d’emploi. Le problème de cette rhétorique très médiatisée est qu’elle recouvre des réalités et des concepts distincts. D’un côté, il existe un nombre considérable d’emplois disponibles en cours de recrutement : si la mesure du nombre d’emplois disponibles n’est pas stabilisée (entre 180 000 emplois vacants et 1 million d’emplois disponibles selon les sources et concepts), il s’agit là d’un phénomène normal de fonctionnement du marché du travail, la rencontre entre une personne et une entreprise n’étant jamais un mécanisme instantané. De l’autre côté, sur un peu plus de 21 millions de recrutements réussis chaque année par les entreprises, environ 300 000 processus sont entamés puis abandonnés du fait des coûts de transaction, multiples et souvent sous-estimés, engendrés par le processus de recrutement lui-même. Ces échecs de recrutement s’inscrivent dans de nombreuses configurations, parmi lesquelles l’absence de candidat formé au métier recherché n’est pas la raison principale. Ces échecs se concentrent en effet chez les petites entreprises ayant une faible expérience du recrutement. Ils doivent être replacés dans le contexte plus général des manières de recruter, spécifiques à la France : prédominance des canaux informels (candidatures spontanées, relations, réembauche), faible formalisation des offres, très forte sélectivité du marché du travail.
2Le débat reste ainsi marqué par une grande confusion dans la description des mécanismes à l’œuvre, peut-être en lien avec la force de la fausse évidence des solutions proposées : il n’y aurait qu’à former les demandeurs d’emploi/les jeunes aux métiers qui recrutent ou mieux faire connaître les métiers ou encore obliger les demandeurs d’emploi à accepter les offres pour que, par magie, le chômage diminue. L’objet de cet article, à la suite d’autres tentatives de clarification du sujet (Fondeur et Zanda, 2009), est de montrer qu’il existe deux concepts distincts : d’un côté des emplois à pourvoir, situation normale de tout marché du travail où l’appariement entre une offre et une demande de travail s’inscrit dans une certaine durée de recherche, tant du côté des chômeurs que des entreprises ; de l’autre des échecs de recrutement, processus abandonnés en cours de route par les entreprises, faute de candidats, mais surtout en raison de l’inexpérience des recruteurs.
Les emplois à pourvoir
3Toute embauche d’un nouveau salarié implique en amont une phase de recherche d’emploi pour la personne et une phase de procédure de recrutement pour l’entreprise. Il n’y a donc jamais simultanéité entre l’expression d’un besoin et l’embauche effective, ce qui explique qu’il existe, quelle que soit la phase du cycle, un certain volume de recrutements en cours. Si du côté des chômeurs, la mesure du stock de personnes en recherche active d’emploi s’est progressivement cristallisée autour du concept de chômage au sens du BIT (bureau international du travail), il n’en est pas de même du côté du stock de recrutements en cours.
Estimation du nombre d’emplois à pourvoir
Estimation du nombre d’emplois à pourvoir
Lecture : En 2005, 1,34 million d’offres d’emploi correspondant à des CDI ou des CDD de plus de 6 mois ont été déposées à Pôle emploi. L’enquête OFER indique que ce type de procédure, qu’elle ait abouti ou non, dure en moyenne 5,7 semaines. Il y avait donc, en 2005, 148 000 emplois à pourvoir de ce type en moyenne chaque jour de l’année.4Il n’existe aucune source stabilisée permettant de mesurer le stock d’emplois ouverts au recrutement à une date donnée (voir encadré). Pour estimer ce stock, il faut s’appuyer sur la mesure des flux de recrutements et sur le délai moyen calculé par enquête. Pour l’année 2005, c’est au moins [3] 890 000 emplois qui étaient disponibles en moyenne chaque jour de l’année, soit 3,2 % de la population active. Ce stock correspond à 265 000 emplois disponibles à Pôle emploi et à 630 000 emplois disponibles non intermédiés par Pôle emploi.
5La comparaison avec le stock de chômeurs au sens du BIT (2,4 millions en 2005, soit 8,9 % de la population active) est possible, mais le seul levier permettant de diminuer conjointement les deux stocks passe par une réduction du délai de recrutement et ce délai est largement incompressible. Un moyen d’illustrer ce fait est de considérer dans l’enquête OFER les seuls recrutements considérés comme n’ayant pas posé de problème : la durée moyenne est alors, tous canaux et toutes durées de contrat confondus, de 25 jours contre 32 jours pour l’ensemble des recrutements. À supposer que cela soit possible, cette diminution d’une semaine du délai de recrutement aurait permis de baisser le nombre d’emplois à pourvoir de 890 000 à 760 000.
6Ce dernier chiffre peut être considéré pour 2005, comme un volume incompressible, comparable au taux de chômage frictionnel, taux permettant de définir le « plein-emploi ».
7Un autre point à prendre en compte est que ce volume d’emplois à pourvoir augmente avec le nombre de recrutements. Ainsi, la forte hausse des recrutements de très courte durée enregistrée depuis le début des années 2000 (Acoss, 2011), a entraîné mécaniquement celle du nombre d’emplois à pourvoir. En supposant que les durées des recrutements qui ne posent pas de difficulté particulière soient restées les mêmes en 2011 qu’en 2005, le nombre incompressible d’emplois à pourvoir serait de 940 000 en 2011.
Les différentes mesures
Ce concept est mesuré en France par la DARES. Le volume estimé (180 000 en 2012) semble excessivement faible au regard des estimations ci-dessus, sans que nous disposions aujourd’hui d’éléments explicatifs sur ces écarts. Par ailleurs, la dimension internationale est mal assurée : les modalités de décompte sont très différentes d’un pays à l’autre, ce qui interdit de comparer les taux d’emplois vacants entre pays, malgré la disponibilité des données auprès d’Eurostat (CNIS, 2010 ; DARES, 2013).
Les offres d’emploi en fin de mois (OEFM) : il s’agit des offres déposées à Pôle emploi et considérées comme valides au dernier jour du mois. Cet indicateur de stock ne fait pas l’objet de publication, mais il fait l’objet de nombreuses exploitations au niveau local. Le nombre moyen d’OEFM a fluctué entre 215 000 et 410 000 depuis 1997. Au 4e trimestre 2011, Pôle emploi comptabilisait 270 000 offres en stock. Cet indicateur est considéré comme peu fiable, car très sensible aux procédures d’actualisation : il surestime a priori le nombre d’offres d’emploi valides à un moment donné, l’offre étant considérée comme valide jusqu’au moment où Pôle emploi reprend contact avec l’entreprise, même si elle a déjà été pourvue.
La durée d’un recrutement
8Comme on vient de le voir, la durée d’un recrutement est un paramètre essentiel pour expliquer les volumes d’emplois à pourvoir. L’enquête OFER de 2005 (Garner et Lutinier, 2006a) permet de mesurer cette durée d’un recrutement entre le moment de définition du besoin et la sélection du candidat.
Durée d’une procédure de recrutement
Durée d’une procédure de recrutement
9Le délai moyen de recrutement dépend du type de contrat proposé : un peu plus de 5 semaines pour un recrutement en CDI ou pour un CDD de plus de 6 mois, de 3 semaines pour un CDD entre 1 et 6 mois et d’un peu moins de deux semaines pour un CDD de moins d’un mois. Par ailleurs, quel que soit le contrat, la durée du recrutement est plus longue quand le projet de recrutement fait l’objet d’une offre déposée à Pôle emploi. Deux éléments factuels permettent d’expliquer cette durée plus longue : d’une part, le dépôt d’une offre à l’opérateur implique une plus grande formalisation du besoin que dans le cas du recours à des candidatures spontanées ou d’utilisation du réseau ; d’autre part, les offres d’emploi déposées à Pôle emploi sont généralement celles qui sont moins facilement pourvues sans intermédiation. Elles sont donc plus longues à pourvoir que les autres.
10Cette durée moyenne de 5 semaines mesurée en 2005 n’a aucune raison d’être stable au cours du cycle économique : les éléments sur la durée des recrutements, comme les canaux mobilisés pour recruter sont très sensibles aux évolutions conjoncturelles. Pour suivre dans le temps une approximation de ces paramètres, il est nécessaire de restreindre le suivi aux seuls recrutements ayant donné lieu au dépôt d’une offre à Pôle emploi, en calculant le rapport entre les offres disponibles d’emploi en fin de mois (OEFM) et le nombre moyen d’offres déposées chaque semaine à Pôle emploi (OEE). Pour l’année 2005, une offre déposée à Pôle emploi restait valide durant 5,8 semaines, soit un peu plus que ce qu’indique l’enquête OFER (5,1). Cette durée un peu plus élevée peut provenir des écarts entre date de sélection effective du candidat et date d’enregistrement de la satisfaction de l’offre.
11Avec toutes les limites mentionnées ci-dessus, cette durée de survie des offres dans les fichiers de Pôle emploi présente un caractère cyclique très marqué, oscillant entre 7 semaines pendant les périodes d’excellente conjoncture (2000, fin 2007) et 4 semaines dans les périodes les plus creuses (début 2009). La durée d’un recrutement comme le stock d’emplois à pourvoir augmentent quand la conjoncture s’améliore.
Les échecs de recrutement
12De l’ordre de 8 à 10 % des processus de recrutement ne sont pas menés à terme par l’employeur. Une première raison avancée est celle de la disparition du besoin : l’employeur envisageait de recruter pour faire face à un accroissement de sa production et cet accroissement n’a pas eu lieu. Cette raison couvre environ un tiers des échecs de recrutement.
13Les deux autres tiers correspondent à des échecs inhérents au processus lui-même : les employeurs interrompent leurs recherches après un certain délai, soit parce qu’ils estiment ne pas avoir trouvé les bons candidats ou encore parce que le candidat pressenti a lui-même abandonné (Garner et Lutinier, 2006b).
14En s’appuyant sur les taux d’échec calculés à partir des données de l’enquête OFER, on peut estimer en 2005 à 310 000 le nombre de processus de recrutement entamés, mais abandonnés du fait du processus de recrutement lui-même. L’enquête réalisée par le MEDEF, « Tendance Emplois Compétences » réalisée fin 2012 (MEDEF, 2013), indique des échecs de recrutement d’un niveau similaire, soit 73 000 abandons de recrutement pour des raisons non conjoncturelles au 4e trimestre 2012. Les éléments avancés par les entreprises pour expliquer ces échecs sont les mêmes que dans le cadre de l’enquête OFER : difficultés à trouver un candidat disposant des compétences attendues pour ce poste ou le manque ou absence de réponses à l’offre d’emploi.
15Mais autant qu’à l’absence de candidats ou de candidatures adaptés, ces échecs sont très largement imputables à l’inexpérience des recruteurs et leur méconnaissance du marché local du travail. Ces échecs de recrutement se concentrent dans les entreprises qui ont une faible expérience du recrutement : plus l’établissement est amené à recruter fréquemment et plus le risque d’échec est faible. Ainsi, les échecs de recrutement sont plus fréquents dans les entreprises de moins de 50 salariés, dans celles qui reçoivent peu de candidatures spontanées ou qui ouvrent au recrutement un poste nouveau dans l’entreprise.
Taux d’échec des procédures selon le nombre engagé dans l’année au niveau de l’établissement
Taux d’échec des procédures selon le nombre engagé dans l’année au niveau de l’établissement
Lecture : Quand l’établissement a engagé 1 ou 2 recrutements dans l’année, le risque d’échec pour des raisons inhérentes au processus est de 10,3 %. Il n’est que de 3,6 % si l’établissement a engagé entre 10 et 29 procédures16Cette difficulté des petites entreprises à recruter renvoie à la difficulté de nombreux entrepreneurs à endosser un rôle d’employeur. Elle souligne aussi que, pour pouvoir saisir la nature de ces échecs de recrutement, il convient d’interroger comment s’articulent l’employabilité des candidats et « l’employeurabilité » des entreprises (Duclos et Kerbouc’h, 2006) au travers des processus de recrutement.
Comprendre les échecs de recrutement : un détour par les manières de recruter
17En 2012, les employeurs ont déposé auprès des Urssaf 21 millions de déclarations préalables à l’embauche (DPAE), dont 3,1 millions de CDI, 3,9 millions de CDD de plus d’un mois et 14 millions de CDD de moins d’un mois. Ces volumes de recrutement s’entendent hors intérim (15,8 millions de contrats signés en 2012) et hors embauches déclarées à la MSA (2,1 millions en 2011). Ces déclarations débouchent dans plus de 90 % des cas sur une embauche effective [4].
18Ces flux considérables impliquent un nombre tout aussi important de lancements de procédures de recrutement. Généralement, l’entreprise active plusieurs canaux (en moyenne 3,5) (Garner et Lutinier, 2006a), ce nombre augmentant en fonction de la nature du poste à pourvoir et de la taille de l’établissement : le nombre de canaux mobilisés est plus élevé pour un recrutement en CDI, un recrutement de cadre ou un recrutement dans une grande entreprise. Dans tous les cas, le canal le plus souvent utilisé est celui des candidatures spontanées.
Le recours à Pôle emploi
19Parmi les autres canaux mobilisés, le dépôt d’une offre d’emploi à Pôle emploi intervient généralement en complément d’une autre procédure : examen des candidatures spontanées, mais aussi le recours à des personnes ayant déjà travaillé dans l’entreprise ou la mobilisation des relations professionnelles.
20Ce recours à Pôle emploi a conduit au dépôt en 2012 de 3 millions d’offres. On peut alors rapporter ces offres déposées aux embauches déclarées par les employeurs pour calculer un taux d’intermédiation des embauches par Pôle emploi [5] :
21Pour l’année 2012, ce taux est de 14,0 %. Il est de 2,8 % pour les emplois occasionnels de moins d’un mois et de 36,4 % pour les CDI et les CDD de plus d’un mois.
22Sur longue période, le taux sur les emplois occasionnels est en forte baisse : le nombre d’offres collectées sur ces emplois est relativement constant au cours du temps, mais les embauches ont explosé en 10 ans passant de 6,5 millions par trimestre en 2000 à 14 millions en 2012 (Acoss, 2011).
23Pour les emplois de plus d’un mois, le ratio fluctue entre 35 % (minimum atteint début 2001, mais aussi aux troisième et quatrième trimestres 2012) et 43 % (maximum début 2007). Globalement, les offres collectées varient en même temps que les embauches, avec une tendance pour les premières à accentuer ces fluctuations.
24La conjoncture joue ainsi fortement sur le taux d’intermédiation de manière plutôt procyclique : quand le chômage baisse fortement, les embauches de plus d’un mois augmentent, rendant ainsi moins faciles les recrutements, ce qui engendre quelque temps après un recours accru à Pôle emploi. A contrario, le recours à Pôle emploi a plutôt tendance à diminuer après quelques trimestres de baisse des volumes d’embauches.
Taux d’intermédiation par Pôle emploi des embauches de plus d’un mois et taux de chômage BIT
Taux d’intermédiation par Pôle emploi des embauches de plus d’un mois et taux de chômage BIT
25Ces évolutions temporelles laissent penser à une forte complémentarité pour un employeur entre puiser dans son stock de candidatures spontanées et déposer une offre à Pôle emploi. Quand le chômage est élevé, l’entreprise reçoit de nombreuses candidatures spontanées : si un besoin de recrutement apparaît, l’employeur n’a qu’à puiser dans ce stock pour recruter, sans nécessairement passer par une phase de formalisation. Quand le chômage diminue, les candidatures spontanées se font plus rares, l’entreprise éprouve alors plus de difficultés à pourvoir son poste, ce qui l’amène à envisager d’autres canaux de recrutement et, éventuellement, de recourir à Pôle emploi, d’où une hausse du taux d’intermédiation. On note ainsi qu’un recrutement sur trois qui fait l’objet d’une offre déposée à Pôle emploi est jugé difficile ou très difficile par l’employeur ; cette proportion n’est que de 15 % quand il n’y a pas eu recours à l’opérateur.
La prépondérance des canaux de recrutement informels
26Ce comportement de recours secondaire à Pôle emploi provient des normes dominantes en matière de recrutement en France. La majorité des embauches sont effectivement pourvues au travers de canaux informels, par l’intermédiaire de candidatures spontanées et des relations professionnelles et personnelles, fréquemment sans définition écrite du poste, notamment quand aucune offre n’a été déposée à Pôle emploi.
27Quand une offre est déposée, l’employeur mobilise en parallèle d’autres canaux. D’où la faible effectivité apparente du recours : 43 % des processus de recrutement aboutis ayant donné lieu à une offre déposée sont effectivement pourvus par un demandeur d’emploi conseillé par l’agence.
Canal effectivement mobilisé pour recruter et recours à Pôle emploi
Canal effectivement mobilisé pour recruter et recours à Pôle emploi
Champ : Recrutements effectivement réalisés sur des emplois de plus d’un mois.Lecture : En 2005, 15 % de l’ensemble des embauches ont conduit au dépôt d’une offre à Pôle emploi (à l’ANPE à l’époque), mais ont en fait été réalisées par l’intermédiaire d’un canal informel.
Note : La proportion d’embauches ayant transité par l’ANPE est un peu plus élevée dans l’enquête OFER que celle mesurée par le ratio OEE/DUE (44 % vs 38 % sur la même période)
28Au total, plus de la moitié des recrutements ayant abouti (56 %) sont passés par des canaux informels et l’usage des candidatures spontanées apparaît comme le premier canal de recrutement.
Part des recrutements ayant abouti imputés à chaque canal (en %)
Part des recrutements ayant abouti imputés à chaque canal (en %)
Lecture : *les candidatures spontanées sont à l’origine de 23 % des recrutements ayant aboutiLes critères de sélection : la spécialité de formation joue un rôle secondaire
29La question des emplois non pourvus est très fréquemment abordée sous l’angle du manque de compétences des candidats, ce qui impliquerait former les demandeurs d’emploi et/ou les jeunes aux « métiers qui recrutent ». Un tel raisonnement traduit en réalité une profonde méconnaissance du marché du travail français. De fait, moins du tiers des actifs en emploi ont été formés spécifiquement pour la profession qu’ils occupent et ce « désajustement » s’observe y compris chez les jeunes diplômés de l’enseignement professionnel (Chardon, 2005 ; Couppié, Giret et Lopez, 2009). De fait, seul un tiers des emplois peuvent être considérés comme des métiers de marchés professionnels où l’occupation d’un emploi requiert dans la pratique une formation spécifique, du fait d’un accès réglementé [6] (métiers de la santé par exemple) ou d’une identité professionnelle reconnue (métiers de l’artisanat).
30Parmi les critères utilisés pour décider du candidat retenu, la motivation et l’expérience professionnelle interviennent beaucoup plus fréquemment que celui du niveau de diplôme et celui de la spécialité de formation. En amont de la sélection du candidat, les critères des employeurs sont plus complexes à reconstituer : une analyse des offres d’emploi met en évidence que le critère du niveau formation est prépondérant en France en comparaison avec les critères utilisés dans les autres pays (Marchal et Rieucau, 2005), « limitant [ainsi] leurs offres aux plus diplômés, [pour] obtenir des garanties sur le “potentiel” des candidats, mesuré par un haut niveau d’études, plus général que spécifique ». Cette même étude souligne que l’usage du critère du niveau de formation renvoie à l’importance des marchés internes en France, où la sélection est moins souvent destinée à satisfaire une offre précise qu’à ouvrir une carrière au sein d’une entreprise.
Quelle intermédiation pour lutter contre les échecs de recrutement ?
31Les recrutements en France sont donc massivement informels et la formation sert peu de repère aux entreprises, ces dernières privilégiant la motivation et les canaux de reconnaissance interpersonnelle. Dans ce contexte, les échecs de recrutement peuvent ainsi être imputables autant à la pénurie de candidats qu’à l’inexpérience des recruteurs, leur méconnaissance du marché local du travail et leur faible capacité à définir leurs besoins de manière cohérente avec ce marché local.
32Toutefois, sous réserve d’aider l’employeur à mieux analyser ses besoins, en l’appuyant dans ses démarches et en réagençant les modalités de rencontre avec des candidats potentiels, il est possible de faire, in fine, aboutir une partie de ces projets de recrutement. C’est le sens qu’il faut donner à la mise en place par Pôle emploi d’une offre de services spécifiques aux employeurs les moins autonomes, permettant ainsi un appui moins à distance.
33D’autres formes d’interventions tentent d’aller plus loin dans la négociation en promouvant une intervention de l’intermédiaire à chaque étape du processus de recrutement, y compris pour réduire la sélectivité du marché du travail (Fretel, 2012). Les techniques de médiation active visent ainsi à influer sur les pratiques de recrutement des entreprises pour mieux répondre aux besoins de l’employeur, tout en favorisant la remise en cause des stéréotypes dans les recrutements. Le développement de ces techniques est mis en avant dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté en janvier 2013.
Bibliographie
Bibliographie
- Acoss (2011), « Les déclarations d’embauche entre 2000 et 2010 : une évolution marquée par la progression des CDD de moins d’un mois », Acoss Stat, n° 143, décembre.
- Chardon O. (2005), « La spécialité de formation joue un rôle secondaire pour accéder à la plupart des métiers », Économie et Statistique, n° 388-389.
- Commissariat Général au Plan (2001), « Entre chômage et difficultés de recrutement : se souvenir pour prévoir », Actes du séminaire du 15 mai 2001, coll. « Qualifications & Prospective », décembre.
- Conseil National de l’Information Statistique (2010), « La mesure des “emplois vacants : situation actuelle et perspectives », Rapport du groupe de travail interinstitutionnel, DARES coord., mars.
- Couppié T., Giret J.-F. et Lopez A. (2009), « Obtenir un emploi dans son domaine de formation : un enjeu très relatif dans l’insertion des jeunes », Insee - Bilan Formation Emploi.
- DARES (2013), « La mesure des emplois vacants », présentation devant le Conseil d’Orientation pour l’Emploi, Antoine Magnier, 19 février.
- Duclos L. et Kerbourc’h J.-Y. (2006), « Organisation du marché du travail et flexicurité à la française », Rapport au Conseil d’Orientation pour l’Emploi, novembre.
- Fretel A. (2012), « Typologie des figures de l’intermédiation. Quelle relation à l’entreprise au-delà de l’impératif adressé aux opérateurs du SPE ? », Document de travail, IRES, n° 02-2012.
- Fondeur Y., Zanda J.-L. (2009), « Les emplois “vacants” », Connaissance de l’emploi, n° 64, CEE, avril.
- Garner H. et Lutinier B. (2006a), « Les procédures de recrutement : canaux et modes de sélection », Dares Analyse, n° 48-1, novembre.
- Garner H. et Lutinier B. (2006b), « Des difficultés pouvant aller jusqu’à l’échec du recrutement », Dares Analyse, n° 48-2, novembre.
- Marchal E. et Rieucau G. (2005), « Candidat de plus de 40 ans, non diplômé ou débutant s’abstenir », Connaissance de l’emploi, n° 11, CEE.
- MEDEF (2013), « Observatoire sur les projets de recrutements, les emplois non pourvus et les besoins en compétences et en formation des entreprises françaises – Synthèse relative au 4e trimestre 2012 », avril.
Notes
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[1]
Le contenu de cet article n’engage que la seule responsabilité de son auteur et ne représente pas la position de la DGEFP, ni celle du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.
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[2]
L’enquête OFER a été, réalisée en 2005 par la DARES avec l’appui du CEE.
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[3]
Au moins, car les données mobilisables ne prennent pas en compte les recrutements des intérimaires, du secteur agricole et des fonctions publiques.
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[4]
Parmi les éléments explicatifs de cette non-concrétisation : l’abandon du candidat entre la déclaration et la date prévue d’embauche ; un comportement des employeurs ayant de nombreux recrutements et qui déclarent en permanence un nombre d’embauches.
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[5]
Ce type de calcul est ancien et porte généralement le nom de « part de marché » de Pôle emploi. Le terme est toutefois trompeur, dans la mesure où les recrutements qui ne donnent pas lieu à dépôt ont pour caractéristique d’être très peu formalisés. Il ne s’agit donc pas d’un « marché caché » qu’il suffirait de débusquer pour le faire apparaître, mais surtout d’une transformation de la nature du processus de recrutement. Par ailleurs, le champ du numérateur et celui du dénominateur ne sont pas entièrement comparables : le total des DUE exclut l’intérim : or, en 2010, Pôle emploi a diffusé près de 500 000 offres de mission d’intérim, soit 16 % du total des offres.
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[6]
Cette situation différencie radicalement la France de l’Allemagne. Dans ces derniers pays, l’adéquation entre spécialité et métier est beaucoup plus fréquente (de l’ordre de 70 % des emplois) du fait même de l’existence de normes conventionnelles négociées au niveau de la branche qui rend obligatoire la possession d’un diplôme spécifique préparé par l’alternance pour l’accès à de nombreuses professions dans la plupart des secteurs.