1La théorie des zones monétaires optimales a été développée dans les années 1960, notamment par l’économiste canadien Robert Mundell, qui a reçu le prix Nobel d’économie en 1999 pour son travail sur le sujet.
2Le concept de zone monétaire optimale vise à décrire les conditions dans lesquelles une zone géographique gagne à adopter une monnaie commune. La théorie s’applique également lorsqu’un pays choisit d’aligner le taux de change de sa monnaie sur celle d’un autre pays. En effet, dans les deux cas, le pays perd la possibilité d’avoir une politique monétaire indépendante, à moins de renoncer à son insertion sur les marchés de capitaux internationaux.
3Dans un contexte européen de crise, la théorie se révèle particulièrement appropriée pour se demander si la crise actuelle de la zone euro était réellement imprévisible. Pour répondre à cette question, il suffit d’évaluer les coûts et bénéfices inhérents à l’introduction d’une monnaie unique et de se demander si, à l’aune de cette théorie, la mise en place de l’euro avait un sens.
4D’après la théorie des zones monétaires optimales, l’introduction d’une monnaie unique a pour principal avantage de favoriser les échanges de biens et de capitaux. Elle entraîne en effet une forte réduction des coûts de transaction, notamment liés au risque de change entre les monnaies. Comme l’a montré l’économiste Andrew Rose, les pays membres d’une zone monétaire commune peuvent profiter d’un marché élargi pour mieux amortir leurs coûts fixes et ainsi accroître leur compétitivité.
5Le coût d’une union monétaire est cependant élevé. En effet, les pays membres doivent se mettre d’accord sur une politique monétaire commune, ce qui réduit fortement leurs champs d’action pour répondre à des chocs économiques. Par exemple, dans le cas de la crise européenne, une solution envisageable pour la Grèce, l’Italie, l’Espagne et les autres pays de la zone euro en perte de compétitivité serait de dévaluer leur monnaie. Cela réduirait alors le coût relatif du travail dans ces pays, rendant leurs produits moins chers à l’export et donc plus compétitifs sur le marché international. L’euro a chuté pendant la crise mais sa chute a sans doute été moins importante qu’elle ne l’aurait été si l’Allemagne ainsi que les autres pays relativement plus compétitifs n’avaient pas constitué une union monétaire.
6Parce qu’ils partagent une zone monétaire commune, les pays membres ne peuvent pas mener une politique monétaire optimale autonome. Plus les pays ont des structures économiques différentes, plus ils auront à faire face à des problèmes spécifiques et plus il leur sera coûteux d’appartenir à une zone monétaire commune.
7D’autres mécanismes d’ajustement peuvent néanmoins prendre le relai face à ces chocs asymétriques au sein de la zone. Les déplacements de main-d’œuvre peuvent contribuer à résorber les chocs en entraînant une réduction de l’offre de travail et des salaires dans les régions les moins compétitives. De plus, l’existence d’un fédéralisme budgétaire peut aussi atténuer l’impacte des chocs négatifs par le biais d’une redistribution à l’échelle de la zone. Les états des États-Unis d’Amérique ont des économies aussi variées que celles des pays d’Europe : l’économie de la Californie n’est que peu comparable à celle du Wyoming. En revanche, il existe aux États-Unis un système de transferts fiscaux d’un état à un autre via le gouvernement fédéral. Ce système n’existe pas en Europe.
8L’optimalité d’une zone monétaire dépend donc des facteurs suivants :
- La similarité des caractéristiques structurelles des économies (tel que la nature des biens et services produits, les formes de l’État-Providence, la productivité) ;
- L’importance des chocs systémiques, qui peuvent être plus aisément amortis à l’échelle de la zone tout entière ;
- Dans l’éventualité où ces chocs sont importants, l’existence de mécanismes d’ajustement tels que la mobilité du travail et les transferts fiscaux ;
- Les bénéfices pouvant être tirés de la zone monétaire commune tels qu’une augmentation du commerce et la baisse de risque de change.