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Article de revue

Comment révéler les préférences des patients ?

Pages 191 à 193

Notes

  • [1]
    Article L.1111-4 du Code de la santé publique
  • [2]
    Cet encadré résume les travaux menés par Nora Moumjid et Alain Brémond dont une synthèse a été publiée en 2006 dans le bulletin du Cancer.
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1La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé stipule que « toute personne, prend, avec le professionnel de santé et compte-tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé [1]». Cette loi illustre clairement les évolutions qu’a connues, ces quarante dernières années, la relation patient-médecin. Elle en souligne les nouveaux fondements : l’information des patients et la participation de ceux-ci aux décisions les concernant [2].

2Entre le « médecin décideur » et le « patient décideur »

3Fait de transfert de connaissance, de confiance, d’éthique…, le lien qui unit le médecin et le patient est délicat et complexe. Jusqu’aux années 1970, un modèle de cette relation prédomine : celui du « médecin décideur ». Le médecin choisit l’option de traitement qu’il juge la plus adaptée au cas du patient et lui en montre les avantages et les inconvénients. Si le médecin s’assure que le patient adhère aux critères de décision retenus, l’intervention de ce dernier reste très limitée.

4Sous l’effet de l’évolution des mœurs des années 1960, ce modèle est remis en cause et dénoncé comme « paternaliste », en particulier dans les pays anglo-saxons. Le manque de communication entre patients et médecins est pointé du doigt. Est ainsi repensée l’interaction patient-malade dans les années 1970. En réaction au modèle du « médecin décideur » émerge le modèle du « patient décideur » selon lequel le patient, disposant de toutes les informations nécessaires, opère lui-même le choix du traitement.

5Mais la nécessité de nuancer le caractère extrême des modèles du « médecin décideur » et du « patient décideur » s’impose rapidement. D’où le développement, dans les années 1990, d’un modèle intermédiaire de décision partagée selon lequel patient et médecin échangent toutes les informations dont ils disposent et parviennent, à travers la « délibération », à une décision conjointe. Qui sont les malades les plus désireux de participer à la décision ? Les jeunes, les patients dont la maladie est peu sévère, ceux dont le niveau d’éducation est élevé et les femmes.

6Les chercheurs en médecine et en économie Nora Moumjid et Alain Brémont ont approfondi l’étude de ce modèle intermédiaire auquel ils ont donné le nom de « processus de révélation des préférences des patients ». Son fonctionnement est simple : le patient fait part de ses préférences au médecin qui lui a présenté l’ensemble des options thérapeutiques envisageables ; au médecin de synthétiser alors les préférences exprimées par le patient en une prise de décision réelle, vue comme sienne par ce dernier. La qualité de la communication entre patient et médecin devient fondamentale.

7C’est sur le traitement du cancer du sein qu’on porté les principales expérimentations conduites par N. Moumjid et A. Brémond. Menées à l’aide de groupes de travail pluridisciplinaires composés de médecins et de chercheurs en sciences sociales, elles ont confirmé l’un des avantages majeurs du processus : favoriser l’autonomie des patientes sans leur faire endosser la responsabilité d’un choix (ce qui est le cas dans le modèle du « patient décideur ».) Dans cette logique, le patient peut, à l’extrême, exprimer ses préférences et ne pas faire de choix ou demander au médecin de faire le choix. Les résultats de ces expérimentations ont été très positifs : la richesse de l’information reçue et la possibilité d’échanges approfondis avec le médecin ont été très bien perçues par les patientes.

8Des outils d’aide à la décision au service de la révélation des préférences

9Pour fonctionner au mieux, le modèle de décision partagée et de révélation des préférences des patients s’appuie sur l’utilisation, par les patients, d’outils d’aide à la décision dont le chercheur A.M. O’Connor propose la définition suivante : « une intervention conçue pour aider les individus à faire des choix spécifiques et délibératifs parmi des options (incluant le statu quo) en fournissant une information sur les options et résultats pertinente pour la santé du patient. L’aide peut aussi inclure une information sur la maladie ou sur la condition, les probabilités de résultat ajustées aux facteurs de risque de santé personnels, un exercice explicite de clarification des valeurs, une information sur les autres options, un guide sur les étapes de la prise de décision et de la communication avec les autres. »

10Largement développés depuis les années 1990, ces outils sont de diverses natures : outils que le patient peut utiliser seul et à son domicile – CD ROM, vidéos, cassettes audio accompagnées de livrets – et outils utilisés dans le cadre d’une consultation médicale comme le tableau d’aide à la décision pour lequel l’intervention du médecin est indispensable. Ces outils présentent l’avantage d’être élaborés par des patients pour des patients. Ils sont très régulièrement actualisés en fonction des évolutions des données de la science.

11Des expérimentations conduites sur les outils d’aide à la décision, O’Connor dresse le bilan suivant : ces outils augmentent le champ de connaissance du patient, améliorent sa participation à la décision, n’accroissent pas son anxiété et contribuent à alléger le poids psychologique de la prise de décision souvent synonyme de risques et de renoncements.

12Si les outils d’aide à la décision et le processus de révélation des préférences des patients permettent de soutenir et d’alimenter la communication orale entre le patient et son médecin, ils ne peuvent et ne doivent néanmoins pas la remplacer. C’est une condition essentielle de pérennisation de ce nouveau mode d’interaction patient-médecin très apprécié des patients, devenus autonomes, mais non seuls responsables, dans la décision de leur traitement médical.

Bibliographie

  • Moumjid N. et Brémont A. (2006), « Révélation des préférences des patients en matière de décision de traitement en oncologie : un point de vue actuel », Bulletin du cancer vol. 93, N°7, juillet
  • Moumjid N. et Carrère M.O. (2000), « La relation médecin-patient, l’information et la participation des patients à la décision médicale : les enseignements de la littérature internationale », Revue française des affaires sociales, n°2, avril-juin

Date de mise en ligne : 24/04/2009

https://doi.org/10.3917/rce.005.0191

Notes

  • [1]
    Article L.1111-4 du Code de la santé publique
  • [2]
    Cet encadré résume les travaux menés par Nora Moumjid et Alain Brémond dont une synthèse a été publiée en 2006 dans le bulletin du Cancer.

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