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Article de revue

La convergence tarifaire entre hôpitaux publics et privés : mission impossible ?

Pages 181 à 190

Notes

  • [1]
    Notons au passage que cette comparaison des seules dépenses remboursées n’est pas complètement pertinente : il faudrait inclure dans l’estimation des dépenses les restes à charge dans les deux secteurs, en particulier les dépassements d’honoraires dans le secteur privé.
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1La convergence des tarifs applicables aux secteurs hospitaliers public et privé est inscrite dans les esprits de tous les acteurs du système hospitalier depuis le démarrage en 1982 du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), dont le but est de disposer d’informations quantifiées et standardisées sur l’activité des établissements, et non plus seulement sur le nombre de patients, de journées ou de consultations. Cependant, ce principe a été longtemps refoulé tant il était porteur de difficultés que personne n’avait envie d’affronter. Difficultés techniques certes, mais qui ne sont que les symptômes irritants de difficultés conceptuelles et politiques relatives à la régulation économique de l’offre de soins en France. Les deux secteurs se sont développés en parallèle avec des programmes différents, parce qu’ils étaient soumis à des environnements culturels, politiques et économiques différents. Ces environnements ont fortement structuré leur gouvernance, leur mode de fonctionnement et leur logique économique. Dans ce contexte, la convergence tarifaire est-elle possible ? Et comment pourrait-elle être mise en œuvre ?

Deux secteurs aux rôles et aux fonctions de production bien distincts

2Il est indéniable que les deux secteurs hospitaliers n’ont pas les mêmes missions : les établissements publics sont soumis à l’obligation d’accueil aux urgences et d’autres activités peuvent leur être imposées en fonction d’impératifs de santé publique qui ne donnent pas lieu à tarification à l’acte du travail des médecins. Toutefois, il est essentiel de comprendre aussi que ces secteurs ont des moteurs économiques très différents, qui guident largement leurs orientations stratégique et gestionnaire.

Secteur public : des dispositifs peu incitatifs facteurs d’hétérogénéités

3Le secteur hospitalier public a été pendant très longtemps placé sous un régime de financement rétrospectif fondé sur les coûts historiques. Jusqu’à la mise en place du budget global, en 1983 et 1984, les hôpitaux publics ont bénéficié du mode de financement le plus laxiste qui soit : un paiement sur la base d’un prix de journée ajusté sur les coûts observés de chaque établissement. Un trait important de ce mode de financement est que chaque hôpital public avait son propre prix de journée, fondé sur ses coûts constatés. D’autre part, ce prix de journée était quasi-automatiquement réajusté tous les ans pour tenir compte de l’augmentation des coûts. Il en a résulté une hétérogénéité des coûts hospitaliers qui marque encore la période actuelle. Surtout, les gestionnaires d’établissement n’avaient aucune incitation à contrôler les coûts unitaires, puisque leurs dépenses étaient automatiquement couvertes. Enfin, dans ce système, plus un hôpital remplissait ses lits, plus ses recettes augmentaient : ceci peut paraître vertueux, puisqu’un hôpital actif augmentait ses recettes. Mais un hôpital peu dynamique en recrutement pouvait couvrir ses coûts en allongeant les durées de séjour, sans justification.

4L’arrivée du PMSI a depuis permis de rendre visible la très grande variabilité de coûts hospitaliers dans le secteur public, fruit des stratégies plus ou moins efficaces des établissements pour attirer des ressources humaines et des équipements. Certes, le budget global a introduit un élément prospectif (passage d’un financement a posteriori à une formule de dotation a priori) et une incitation aux gains de productivité en coût. Mais il a été fondé sur des coûts historiques incitant les établissements à s’améliorer par rapport à eux-mêmes, pénalisant en cela les établissements les moins bien dotés. Il a fallu attendre 1996 pour introduire un élément de réajustement des bases budgétaires par rapport à la moyenne nationale, mais de façon assez homéopathique. Par ailleurs, les déficits d’exercice n’ont jamais été réellement sanctionnés, la puissance publique trouvant des expédients au cours du temps pour pallier les situations financières les plus critiques.

5Un financement rétrospectif sans contrôle, au moins jusqu’au budget global, n’incite en aucune sorte les établissements publics à réguler leurs effectifs, ni en volume ni en qualité. Ce jugement est un peu sommaire, mais il vise à illustrer le fait que les besoins en effectif des établissements publics sont établis par ceux-ci en fonction de la conception qu’ils se font de la qualité des soins, sans prise en compte de normes de productivité. Le système ne peut qu’être inflationniste, la seule régulation venant des contraintes budgétaires nationales portant sur la création de postes, contraintes déclinées de façon inégale établissement par établissement en fonction de la réputation de chacun et de ses ressources politiques. Par ailleurs, les médecins sont salariés et n’ont pas d’incitation personnelle à la productivité, notamment en chirurgie. Il serait cependant inexact de dire que les incitations sont absentes de la sphère hospitalière publique : les politiques de réduction du nombre de lits et de réduction des durées de séjour ont contraint les établissements publics à augmenter leur activité, même si leurs ressources n’en dépendaient pas. Dans les négociations avec les tutelles, des établissements peu actifs ont peu de chances d’obtenir les ressources supplémentaires qu’ils revendiquent.

6Si la mise en place du budget global a certes cassé la dynamique inflationniste des prix de journée, ce fut au détriment de l’incitation à l’activité : en effet, dans un modèle où le montant des dépenses est fixé a priori en début d’année, toute croissance non prévue de l’activité se traduit par des dépenses supplémentaires, qui ne sont pas couvertes par des ressources nouvelles. Un établissement public avait donc le choix entre réduire ses coûts unitaires (ce qui a été fait pour la fonction hôtelière, par l’externalisation des cuisines et de la blanchisserie, par exemple) ou freiner son recrutement, ou encore, recourir à une demande de ressources supplémentaires à la tutelle pour couvrir un déficit.

Secteur privé : contrôle des coûts et spécialisations stratégiques

7Le secteur privé est également très marqué par son modèle de financement et de fonctionnement originel, avec une différence majeure par rapport au secteur public : pour une clinique, la cessation de paiement est une vraie menace. Le caractère libéral de la pratique médicale au sein des cliniques, payée à l’acte, est également un trait de différenciation majeur. Les médecins sont des partenaires contractuels des établissements, dans un jeu donnant-donnant : ils recrutent les patients qui permettent au propriétaire de la clinique de rentabiliser l’équipement en lits et le plateau technique. Mais la structure des financements des lits et de l’outil technique est biaisée. Jusqu’à la mise en place de la tarification à l’activité (T2A), les cliniques étaient principalement financées de trois façons : par un prix de journée couvrant les dépenses d’hospitalisation hors honoraires médicaux, par un forfait dit de « salle d’opération » rémunérant le capital technique (les blocs opératoires), et par les redevances payées par les médecins en rémunération de l’utilisation des capacités. Les prix de journée étaient négociés avec les caisses primaires d’assurance maladie, mais contrairement au secteur public, ils n’étaient pas réajustés en fonction des dépenses observées, mais approximativement comme le coût de la vie. Ils ont donc été toujours plus bas que dans le secteur public. Les forfaits de salles d’opération ont été en revanche généreux, car proportionnels aux coefficients des actes réalisés par les médecins, mais cette générosité a diminué au cours du temps.

8L’ensemble de ces incitations économiques sous contrainte d’équilibre financier ont conduit le secteur privé à développer des segments d’activité riches en actes doublement rémunérateurs (la chirurgie et la rémunération du plateau technique), de préférence pour des patients à durée de séjour courte, en tout cas de durée prévisible. Compte tenu de la faiblesse des prix de journée, les cliniques n’ont pas investi dans un plateau technique d’examens complémentaires (imagerie et biologie) : ces actes sont réalisés par des cabinets libéraux – certes hébergés dans les locaux de la clinique – mais dont les propriétaires sont des professionnels libéraux payés à l’acte, reversant également une redevance à la clinique sous forme d’un loyer.

9Les séjours de médecine sont moins rentables, car potentiellement moins générateurs d’actes techniques et d’une durée plus longue. La sélection des patients dont on parle pour le secteur privé est en fait avant tout une sélection induite par la spécialisation des créneaux d’activité, avant d’être une sélection individuelle en fonction des caractéristiques des patients. L’apparition du secteur 2 a également introduit une sélection par la capacité à payer (ou par la capacité à acquérir une couverture complémentaire généreuse). Mais les cliniques ont au cours du temps imposé aux médecins des clauses de plafonnement des dépassements, pour ne pas risquer de décourager une clientèle solvable et pour éviter que les médecins ne limitent leur activité en augmentant leurs prix. La rapidité avec laquelle le secteur privé a investi les hospitalisations de jour, riches en actes techniques, témoigne de la puissance des incitations économiques décrites ci-dessus.

10Un prix de journée bas et étroitement régulé a conduit les établissements privés à contrôler leurs coûts de main d’œuvre. Ceci est rendu possible sans impact observable sur la qualité sans doute parce que les segments d’activité choisis s’y prêtaient. Par ailleurs, les établissements privés sont en moyenne plus petits en taille que leurs homologues publics, avec une ligne hiérarchique plus écrasée, et supportent des coûts d’infrastructures plus faibles. Ils ont également moins de contraintes immobilières, car un héritage parfois lourd pèse sur les hôpitaux historiques dans le secteur public.

11Pourquoi ce rappel schématique et nécessairement simpliste de l’histoire ? Parce qu’avant d’aborder la question d’une convergence tarifaire entre les deux secteurs, l’identification des causes de leurs divergences majeures est indispensable. Il y a de fait spécialisation des rôles des deux secteurs en matière d’hospitalisation, les deux secteurs étant à la fois complémentaires (le public est dominant sur les séjours de médecine) et concurrentiels (les deux secteurs se partagent les activités de chirurgie). Mais surtout, il y a adaptation des fonctions de production des deux secteurs aux incitations économiques auxquelles ils sont soumis.

12Pourtant, la réforme dite de la T2A (tarification à l’activité) repose sur l’idée que l’on dispose d’un outil commun de description de l’activité hospitalière, la classification des GHM (groupes homogènes de malades), censée décrire de la même façon les prestations délivrées dans les deux secteurs. Dès lors, le principe de la convergence est simple : à prestation identique, tarif identique. Mais à quel niveau fixer le tarif de chaque prestation ?

Les modalités de mise en œuvre de la convergence tarifaire

Mesurer et comprendre les divergences de coûts

13Pour le moment, la seule certitude du payeur est le montant qu’il rembourse pour une prestation dénommée de la même façon dans la gamme de services de tous les établissements. Il constate aujourd’hui qu’il y a une différence moyenne de 40 % environ (étude de l’assurance maladie) à 48 % (étude de l’Inspection générale des affaires sociales – IGAS) entre les coûts des deux secteurs [1]. Le client (le patient) s’en remet généralement au bouche à oreille et aux recommandations de son médecin, mais ce n’est pas lui qui paye l’addition, sauf en cas de dépassements d’honoraires.

14Admettons que l’on sache aujourd’hui mesurer le poids des missions spécifiques des établissements publics : les contraintes imposées par les hospitalisations non programmées, la prise en charge de patients à statut social et économique précaire, les diverses missions de santé publique et, pour les établissements universitaires, le poids de la recherche et de l’enseignement. Observons que ces dernières sont déjà financées de manière spécifique et forfaitaire et ne rentent donc pas en principe dans le calcul du coût par GHM dans le secteur public (par les financements dits « missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation » (MIGAC) et « missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation » (MERRI)). On ne peut donc pas expliquer intégralement le différentiel de dépenses remboursées par ces spécificités.

15Une analyse des échelles tarifaires et de coût par GHM des deux secteurs vient en fait conforter la thèse d’une différence des fonctions de production des deux secteurs, qui n’est pas réductible aux spécificités évoquées ci-dessus.

16Comment les échelles tarifaires sont-elles construites ? Dans le secteur public, la base du calcul des tarifs est une enquête annuelle réalisée auprès d’une cinquantaine d’établissements fournissant des données fines de coût par séjour. À des ajustements près que l’on ne détaillera pas ici, le tarif d’un GHM est proche du coût moyen observé sur cet échantillon. Dans le secteur privé, pour l’instant, l’échelle tarifaire n’a pas été construite sur des coûts observés, mais sur les factures présentées par les cliniques à l’assurance maladie. Mais là encore, le tarif est proche de la facture moyenne observée par GHM.

17L’assurance maladie et l’IGAS ont observé qu’en moyenne les tarifs ainsi calculés étaient quasi-systématiquement inférieurs dans le secteur privé, pour un GHM donné. Mais une observation plus fine montre également que les écarts tarifaires par GHM ne sont pas homogènes, et que les classements des GHM par tarif décroissant dans les deux secteurs ne sont pas comparables. Par exemple, dans le secteur public, une appendicectomie sans complication coûte 2,65 fois plus cher qu’un accouchement par voie basse sans complication, contre 1,6 fois plus cher dans le privé. A contrario, une craniotomie pour une affection non tumorale coûte 7,3 fois plus cher qu’un accouchement dans le public, mais 9,4 fois plus cher dans le privé. La question qui se pose alors est de savoir sur quelle base définir une échelle tarifaire commune compte tenu de ces écarts. Mais pour y répondre, encore faudrait-il que le payeur puisse mesurer les résultats des prises en charge dans les deux secteurs, afin de fonder les tarifs sur une notion d’efficience et non simplement de moindre coût, au détriment de la qualité du service rendu.

Les obstacles à la convergence

18Pour l’instant, on ne dispose que de très peu d’informations pour mesurer les résultats des activités mises en œuvre par les établissements. Trois dimensions importantes peuvent être distinguées : la pertinence des indications d’hospitalisation et des soins délivrés, la qualité relationnelle de service aux patients au cours de l’hospitalisation, et les résultats en termes d’amélioration de l’état de santé des patients. Sur la deuxième dimension, il semblerait qu’il y ait une différence significative entre les deux secteurs en matière de ratio de personnel soignant par lit ainsi que dans la composition du personnel. Peut-on montrer que cette différence se traduit à la fois dans la qualité des soins délivrés, dans la gestion des risques et dans l’attention portée aux patients ? Objectivement, on ne sait pas répondre à la question. Dès lors, si l’efficience se mesure par le rapport entre les coûts et les résultats, quel est le tarif d’efficience à adopter ?

19La façon de parvenir à la convergence n’est certainement pas de fixer a priori et arbitrairement un niveau tarifaire. Les partisans d’une politique de diminution des coûts hospitaliers choisiront le niveau du secteur privé, ce qui mettrait sans nul doute la plupart des établissements publics dans une situation intenable et ne serait politiquement pas recevable. Toute solution intermédiaire entre le niveau actuel des tarifs public et privé peut difficilement être fondée sur des arguments rationnels, si l’on adhère à l’analyse qui précède.

20En théorie, la seule méthode consiste à rapprocher les conditions de fonctionnement des deux secteurs, à partir de leur mode de financement et des niveaux tarifaires actuels. Il faut sortir des distorsions tarifaires historiques de façon à réaligner les fonctions de production des deux secteurs. Il convient aussi d’adopter un point de vue plus global que celui de l’assurance maladie pour évaluer le coût d’une prise en charge hospitalière, en incluant dans son évaluation le coût total du service pour le patient, y compris les restes à charge (qu’ils soient ou non couverts par une assurance complémentaire). Le processus doit également soumettre les deux secteurs aux mêmes exigences en termes de production de données permettant de comparer non seulement leurs coûts, mais aussi leurs résultats.

21Concrètement, cela conduirait à organiser une convergence intra-sectorielle à l’intérieur de nouvelles règles pour chacun des secteurs, tout en observant de façon continue l’évolution des coûts de production dans chacun d’entre eux, pour se rapprocher in fine d’un tarif unique.

22Ce processus n’est pas facile à organiser en France, compte tenu des dispositifs de planification régionale qui définissent les besoins locaux à satisfaire et les octroient aux différents établissements par le biais de la construction des territoires de santé et des objectifs quantifiés en termes d’activité. Ces dispositifs ont pour effet de pérenniser les parts de marché acquises par chaque établissement. La planification rend donc difficile la mise en place d’une procédure d’appel d’offre sur des segments d’activité, puisqu’elle définit a priori les contributions de chaque établissement sur un territoire de santé. Les seules marges de manœuvre possibles sont celles qui proviennent d’opérations de restructuration dans les deux secteurs, ou des procédures d’autorisation pour des activités nouvelles.

Pour un processus de convergence incrémentale

23On peut néanmoins mettre en œuvre un processus incrémental, qui permettrait d’approcher progressivement un tarif d’efficience. Plus exactement, ce processus permettrait de s’assurer que les coûts moyens observés qui servent de base au calcul des tarifs reflètent des conditions de fonctionnement identiques dans les deux secteurs.

24Un tel processus devrait tout d’abord s’inscrire dans un cadre commun de mesure de la performance des établissements, du point de vue des résultats, des risques et de la qualité du service rendu au patient en cours d’hospitalisation. L’accréditation et la publication de données comparatives de qualité des soins sur des indicateurs partiels (comme l’indicateur composite des activités de lutte contre les infections nosocomiales – ICALIN) sont des amorces de ce cadre commun. Il ne s’agit pas de sous-estimer la difficulté de mener à bien un tel exercice, mais cette difficulté ne doit pas être une raison pour ne pas agir. Cela signifie également un monitorage plus étroit des recours à l’hospitalisation et une gestion plus active des risques par l’assurance-maladie.

25Il est également nécessaire de s’interdire de refinancer les déficits des établissements publics, en instaurant ainsi un véritable financement prospectif avec une incitation forte à la recherche de gains de productivité. En contrepartie, les établissements publics devraient obtenir plus de marges de manœuvre dans la gestion de leurs ressources humaines et en particulier dans le recrutement des médecins. Ce point a été mis en avant dans le rapport Larcher, qui a aboutit à la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST) débattue en mars 2009 au Parlement. S’ils dégagent un excédent d’exploitation, ils pourraient en garder une partie pour financer le développement de services nouveaux, l’acquisition d’innovations technologiques, l’amélioration des revenus de leur personnel et de la qualité du service rendu.

26Le financement prospectif s’étendrait aux missions d’intérêt général (MIG), sur la base d’une liste positive mais restrictive de ces missions, ainsi que d’une définition plus précise des objectifs attendus. Elles donneraient alors lieu à un contrat d’objectifs et de moyens, qui serait opposable aux deux parties contractantes. Elles pourraient le cas échéant faire l’objet d’un appel d’offre régional ouvert aux deux secteurs hospitaliers.

27Il est difficile de demander aux établissements publics de renoncer à leur logique de service public, avec les impératifs qui y sont associés, notamment la permanence des soins et l’obligation de prendre en charge tous les patients : dit autrement, il est difficile de leur demander de rentrer dans une logique de spécialisation/standardisation qui a été l’une des caractéristiques du développement du secteur privé. C’est donc le mouvement inverse qu’il faut promouvoir. Dans les marges de manœuvre que laisse la planification régionale, la tutelle (les futures agences régionales de santé) pourrait offrir au secteur privé sur la base d’un appel d’offre des segments d’activité, notamment en médecine, sous réserve que les établissements se plient à un cahier des charges en matière de permanence des soins, d’obligation de prise en charge de tous les patients relevant du segment de soins considérés et de résultats. Ce serait à l’établissement privé de proposer un prix par prestation, sachant que ce prix devrait d’une part inclure les éventuels dépassements d’honoraires des praticiens libéraux et d’autre part rester en dessous du tarif public. Pour tenir la première contrainte, cela inciterait les établissements privés à recruter aussi des médecins salariés, ce qui rentabiliserait les activités médicales moins denses en actes techniques.

28Les tenants du service public mettront sans doute en avant l’effet d’aubaine créé par une telle ouverture au secteur privé. Cet effet d’aubaine est en partie contrôlé par le fait que les cliniques prendront un risque en s’engageant sur prix, dans une situation d’incertitude liée à l’adoption d’un cahier des charges nouveau pour elles. Par ailleurs, il est possible de prévoir un mécanisme rétroactif de contrôle des marges avec reversement pour limiter encore plus l’effet d’aubaine.

29Pourquoi plaider pour un tel processus ? La raison principale en est qu’il n’est pas possible, à l’heure actuelle, de définir en toute raison un tarif d’efficience pour les deux secteurs. Cela nécessiterait a minima de réaliser des études longues et complexes dont on peut regretter qu’elles n’aient pas été lancées plus tôt. On peut certes faire l’impasse sur de telles études et se contenter, comme ce fut le cas pour la recherche et l’enseignement, d’évaluations forfaitaires grossières qui créent des rentes de situation pour certains et en pénalisent d’autres. Dans ce cas, on peut effectivement organiser une convergence public/privé fondée sur un tarif de base, sans doute à partir des coûts du secteur privé, avec des suppléments forfaitaires liés par exemple au poids du non programmé, de la précarité, etc. J’espère avoir montré que cette méthode, qui paraît pragmatique et qui répond aux besoins d’action rapide des acteurs, ne permettra pas d’aboutir à un tarif d’efficience ni de corriger les distorsions de fonctionnement héritées de l’histoire.

Notes

  • [1]
    Notons au passage que cette comparaison des seules dépenses remboursées n’est pas complètement pertinente : il faudrait inclure dans l’estimation des dépenses les restes à charge dans les deux secteurs, en particulier les dépassements d’honoraires dans le secteur privé.
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