Notes
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[1]
Une des plus récentes : R. Castel, L’insécurité sociale, Paris, Seuil, 2003.
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[2]
Pour des données chiffrées : voir supra.
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[3]
La solidarité assistancielle porte assistance immédiate. Elle est en cela différente de la solidarité assurancielle qui assure contre les différents risques sociaux (chômage, retraite, maladie, etc.).
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[4]
Chiffres communiqués par la DASS de Paris aux auteurs.
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[5]
Entretien avec le responsable des CHU d’une des principales associations caritatives de Paris, décembre 2005.
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[6]
Information recueillie « en coulisses » lors de la préparation du colloque organisé par le Secours catholique à la Cité CHU André Jacomet, 11 octobre 2006.
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[7]
Rapport de la Cour des comptes 2002-2004 sur le Secours catholique.
-
[8]
Ibid., p 36.
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[9]
Selon l’ADEME, chaque habitant se débarrasse de 17kg de textile par an dont 9kg de vêtements. Sur presque 600 000 t. de vêtements usagés par an, 100 000 t. sont collectées sur lesquelles 20% sont détruits, 80% sont valorisés. Il serait possible, selon Emmaüs, de collecter 400 000 t. supplémentaires entraînant la création de 3 à 4 000 emplois en insertion.
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[10]
Créé en 1984, Le Relais est un réseau d’entreprises à but socio-économique (EBS) dont l’objectif est l’insertion par le travail de personnes en difficulté. Plus gros opérateur textile français il offre un service gratuit de collecte, de tri et de conditionnement. Ses trois filières de valorisation des textiles sont la revente des vêtements de seconde main dans 50 boutiques en France, l’exportation vers les pays en voie de développement (Afrique) et la revente à des entreprises de transformation textile (source : site Emmaüs).
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[11]
Emmaüs, dans son projet, souhaite lancer une éco-filière à part entière dans ce secteur.
-
[12]
Il faut compter, dans les aides de l’État, le manque à gagner fiscal qu’il autorise sous la forme des déductions fiscales relatives aux dons et aux legs faits à ces associations humanitaires et dont la DGI est incapable de cerner le montant. Cf. Cour des comptes, Rapport public thématique sur les personnes sans domicile fixe, 2007, p. 49, note 85.
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[13]
Philippe Ryfman, « Le partenariat ONG-entreprises : une idée d’avenir ? », Le Monde, Économie, 2005, 29/11 :V.
1De nombreuses études soulignent [1] l’affaiblissement de l’État-providence en matière de logement social, de santé et d’éducation, alors même qu’on assiste à une progression faramineuse des crédits affectés, en France, à l’urgence sociale [2]. Toutefois, la hausse de la solidarité assistancielle [3], visible par exemple dans l’explosion des minima sociaux au cours des vingt dernières années (RMI, ASS, etc.), exerce un effet en trompe-l’œil : elle masque la diminution des indemnisations liées au chômage. Ainsi, parce que la visibilité des SDF est plus manifeste que la pauvreté des autres travailleurs précaires ou des retraités, et parce que l’État est pris dans un jeu de surenchère dans la gestion de l’urgence sociale, il se veut le garant de la solidarité nationale en affichant sans cesse sa résolution d’éradiquer la pauvreté [Damon, 2007].
2Il est difficile de faire la part des choses entre la stratégie politique de couverture minimale des désaffiliés et, depuis une trentaine d’années, les effets de la pression continue des associations caritatives constituées institutionnellement (FNARS) et politiquement (ALERTE). Une chose est certaine : une interdépendance très forte entre ces acteurs s’est cristallisée, non sans le relais des médias subjugués par le charisme de l’abbé Pierre, qui a abouti à l’apparition d’un champ de l’urgence [Bruneteaux, 2007]. Au début des années 1980, l’État, par son relais administratif (la DASS) a initié, avec d’autres acteurs (dont le Samu social créé par X. Emmanuelli sous l’impulsion politique de J. Chirac), un ensemble de dispositifs et de financements, les associations caritatives recevant délégation de service public pour les activer.
“ La part des subventions allouées au domaine de « l’urgence sociale », par rapport aux autres formes d’intervention sociale, n’a cessé de croître. »
4Depuis cette période initiale, les « plans d’urgence » comprenant des « plans grands froids » se sont succédés et les budgets ont régulièrement augmenté d’une année sur l’autre. On est passé, en région parisienne, de 4 millions d’euros début des années 1980 à plus de 160 millions aujourd’hui? [4]. En France, on serait passé de 500 à 1 000 millions d’euros de 2001 à 2008 [Damon, 2007]. Cette politique d’inclusion périphérique des plus pauvres dans un maillage qui se situe en deçà de l’insertion a conduit à une instrumentalisation croisée de l’État et des associations engagées dans la « lutte contre la grande pauvreté ». La part des subventions allouées au domaine de « l’urgence sociale », par rapport aux autres formes d’intervention sociale, n’a cessé de croître. Éléments d’un « programme global de lutte contre les exclusions », les plans hivernaux d’accueil des SDF mobilisent en amont, chaque année, différentes institutions intégrées au dispositif du Samu social, des plus traditionnelles (département de Paris, Centre d’action sociale de la ville de Paris, DASS, Assistance publique, FNARS…) aux plus nouvellement intéressées (EDF, SNCF, GDF, Caisse des dépôts…). Mais, en pratique, l’essentiel de l’hébergement et de l’accueil de jour est assuré par les associations caritatives : Secours catholique, Emmaüs, Centre d’action sociale protestant, Armée du salut et, plus secondairement, Petits Frères des pauvres. ATD-Quart monde ne constitue pas une association gestionnaire, quoiqu’elle a toujours joué un rôle déterminant en tant que groupe de pression pour faire passer la loi sur le RMI de 1988 et la loi de 1998 contre les exclusions.
Volume global des prestations de protection sociale (en % du PIB)
Volume global des prestations de protection sociale (en % du PIB)
Prestations de protection sociale selon le risque (1981–2002)
Prestations de protection sociale selon le risque (1981–2002)
Répartition par risque des prestations de protection sociale en 2006 (en %)
Répartition par risque des prestations de protection sociale en 2006 (en %)
Les difficultés à évaluer l’efficacité du secteur caritatif
5Cependant, l’État omet de penser la nature de ses liens avec les associations qui ont reçu une délégation de service public. Dans les rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), il n’est question que de « dispositifs », de « places » et de « moyens ». De même, il n’est jamais précisé quelles sont les sommes recueillies par les associations caritatives ni quelles sont les modalités d’attribution des budgets alloués. On ne sait pas non plus quelles sont les prestations fournies par les associations au regard des subventions accordées et les critères de leur évaluation, alors même qu’elles reçoivent des sommes très importantes de la part du contribuable. Parfois, les associations elles-mêmes se montrent réticentes à évaluer leur efficacité : « Oui, ces derniers temps, on a eu la Cour des comptes qui est venue. Il y a un inspecteur qui nous a demandé de nous expliquer sur nos résultats. Moi je lui ai dit que je refusais toute explication sur ça. On ne peut être évalué puisque l’on fait en fonction de là où en est la personne. Si elle met dix ans pour avoir le projet de s’en sortir, nous on l’accompagne jusqu’à ce qu’elle ait cette volonté. Pour d’autres ça prendra deux ans, pour d’autres un an. Nos structures sont là pour accompagner ces démarches personnelles? [5]. » Bien plus, ces associations, comme les services de l’État, ne décrivent jamais les négociations qui déterminent les prix de journée ou les responsabilités sociales des unes et des autres. Ce que l’on sait, malgré tout, c’est que certaines associations parisiennes ont accepté de recevoir des SDF dans des conditions très dégradées, alors que beaucoup d’associations en région ont forcé les pouvoirs public à financer des hébergements d’urgence dans le cadre des Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), structures bien mieux dotées en matière d’accueil et de logiques d’insertion que les rudimentaires Centres hospitaliers universitaires (CHU)? [6].
La délégation de « service public » aux associations
6Si le désengagement de l’État signifie un recul global des financements publics de la question sociale, celui-ci ne peut, dans un cadre démocratique ayant pour principe le respect des droits de l’homme, ignorer totalement la question des sans-abri. Même aux États-Unis, où l’État social est pourtant faible, les programmes fédéraux et municipaux en matière d’hébergement des Homeless n’ont jamais été remis en cause [Baumohl, 1997]. À l’Est, des asiles de nuit ont récemment été construits afin d’accueillir les Bonji, ces nouveaux exclus du capitalisme naissant [Riabchuk, 2009]. Ainsi, le champ de l’urgence s’étoffe. Tandis que l’insertion par l’activité économique et les emplois aidés ont montré leurs limites [Burgi, 2006], l’accueil du sous-prolétaire et « sa mise à l’abri » (expression utilisée par la Directions des affaires sanitaires et sociales, ou DASS) sont devenus une politique à part entière destinée à stocker et à gérer en périphérie – et ainsi à invisibiliser – la fraction la moins présentable de l’État développé. Les villes ne constituent-elles pas les vitrines de la réussite et de la modernité des États ? Dans ce travail de « nettoyage social », les associations caritatives sont intervenues activement, anticipant les attentes de l’État ; à charge pour elles d’assurer, contre compensations financières, la survie hors de la rue. Ainsi, François Bonnet [2008] a montré, dans sa comparaison des dispositifs italiens et français de prise en charge des SDF, la « privatisation de l’État-providence ». Les associations deviennent des gestionnaires capables de répondre à des appels d’offre structurés autour de cahiers des charges précis, imposant des missions parfois répressives (par exemple, vider les gares de leurs occupants illégitimes). La mise en concurrence des associations a pour effet leur instrumentalisation : remporter l’appel d’offres, c’est s’astreindre à collaborer étroitement avec les services de police afin de « résorber les points de fixation » des SDF. Par ailleurs, le principe de financements provisoires engendre une dépendance totale de l’association à son financeur. C’est précisément le cas des associations caritatives qui interviennent dans le domaine des CHU à Paris. Dans cette institutionnalisation de la précarité, les salariés en CDD se substituent aux fonctionnaires de l’État ou à ceux des collectivités locales. La flexibilité dans la gestion des pauvres signifie alors une précarisation des travailleurs sociaux eux-mêmes. Celle-ci touche aussi des institutions plus pérennes, comme le Samu social de Paris, qui recrute des salariés avec des contrats précaires, aisément non renouvelables en cas de conflit [Rullac, 2004].
7Ainsi, en renforçant le pouvoir des associations, l’État réalise des économies substantielles. Pourtant, le secteur caritatif souffre d’un faible professionnalisme. D’une part, les associations recourent massivement à des bénévoles – 67 000 pour 950 salariés au Secours catholique [7] – qui ne reçoivent aucune formation initiale. Or, comme le rappelait P. Bourdieu dans La Misère du monde, les moyens alloués au « bras gauche de l’État » ne permettent pas de remplir la mission assignée au secteur assistanciel : l’insertion. Dans cette configuration, les bénévoles deviennent paradoxalement le « bras droit » d’associations qui, tout en accaparant les budgets publics, hébergent les pauvres dans des locaux sordides et dans l’insécurité la plus manifeste. D’autre part, le personnel associatif lui-même manque souvent de formation, comme le reconnaissent les responsables étatiques de l’urgence rencontrés [Thierry, 1996] :
8« Pouvant offrir jusqu’à 15 000 places, le système d’hébergement d’urgence apparaît quantitativement suffisant. Il souffre cependant d’inadaptations qualitatives ou de lacunes. La qualité de la prise en charge doit être encore améliorée. La persistance de comportements d’“écrémage” peut renforcer certains processus d’exclusion de fait. L’écrémage, c’est-à-dire la sélectivité à l’entrée, touche essentiellement les alcooliques, les toxicomanes, les personnes présentant de sérieux troubles du comportement, les étrangers en situation irrégulière. L’écrémage peut résulter de dispositions discriminatoires des règlements intérieurs ou de pratiques traduisant une insécurité croissante des équipes ».
9En voulant faire des économies, l’État a fermé les yeux sur la compétence déplorable des personnels recrutés pour assurer les missions de l’urgence, en dehors de situations individuelles exemplaires, qui existent notamment dans certaines maraudes.
Quels bénéfices pour les associations ?
10Quelles sont les rétributions financières des associations ? Comment sont utilisés les 200 millions d’euros qui « subventionnent » les quatre grandes organisations caritatives ? En fait, les subventions allouées ne sont pas contrôlées dans le rapport entre le financement et le dispositif précis pour lequel cet argent a été donné. Comme les subventions sont « fongibles », chaque association peut gérer comme bon lui semble la masse du public accueilli ; à charge pour elle d’assurer le gîte et le couvert dans un minimum de sécurité et d’hygiène et d’utiliser, pour d’autres actions, les financements ainsi recueillis. Parfois, il arrive même que de l’argent soit détourné en l’absence de contrôle serré de l’usage des fonds lors des inspections de la DASS ou de la Cour des comptes (fausses notes de frais, détournement des tickets restaurants, missions bidons à l’étranger, etc.), les structures qui offrent une façade de centre social servant aussi de lieu de sociabilité aux membres de l’association. Une étude serait ainsi à réaliser sur les rétributions matérielles des « acteurs caritatifs » et le « confort associatif » gagné contre celui des SDF.
11Par ailleurs, les dispositifs publics sont parfois détournés de leur fonction et permettent d’engranger des fonds. Instituée par la loi n° 91–1406 du 31 décembre 1991, l’aide aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées (ALT) est versée exclusivement aux associations ou centres communaux d’action sociale (CCAS) ayant conclu une convention avec l’État. Or, dans le même temps, les SDF hébergés dans les hôtels sociaux des associations caritatives versent une sorte de loyer à l’organisation, variable selon les revenus. Par exemple, un sans-logis en arrêt-maladie qui percevait, en 2004, 360 euros d’indemnités journalières de la CPAM, devait verser 172 euros de « loyer » à l’association Emmaüs, à qui appartenait l’hôtel conventionné en hôtel social [Bruneteaux, 2007]. Alors que l’ALT constitue une alternative au non-versement des aides à la personne (APL ou AL), elle sert surtout à « permettre aux associations de développer le parc de logements susceptible d’accueillir les personnes défavorisées? [8] ». Or, chaque association fixe son « prix » de journée aux SDF. Une fondation caritative très connue, bailleur de la ville de Paris, expulse comme les autres bailleurs sociaux les mauvais payeurs. Les personnes sont relogées dans des hôtels sociaux. Les dettes de la famille peuvent être récupérées par les subventions en hôtel social. En quelque sorte la DASS donne une prime à l’expulsion quand le réseau caritatif fait sortir le ménage du droit commun pour mieux le solvabiliser dans la précarité. Quand l’association ne dispose pas de ses propres infrastructures ou lorsque celles-ci sont déjà complètes, la DASS verse les fonds à l’association mandatée pour le suivi social, laquelle verse ensuite à l’hôtelier un certain montant, déduction faite de la commission de l’association. Lors d’un récent colloque, en 2006, à la faculté de médecine de Paris organisé par l’Espace éthique de l’Assistance publique, le directeur de la DASS de Paris a reconnu verser 3 000 euros par mois à une association caritative pour une famille avec un enfant en hôtel social.
“ Les associations deviennent des gestionnaires capables de répondre à des appels d’offres structurés autour de cahiers des charges précis, imposant des missions parfois répressives. »
13Enfin, il faut développer une analyse en termes d’économie politique des pauvres. Grâce à eux, on recycle avec profit des bâtiments obsolètes (pour leur hébergement), des denrées invendables (pour leur alimentation), des vêtements désuets (pour les vêtir), autant de choses qui ne coûtent rien mais rapportent des bénéfices secondaires non négligeables. Sur les milliers de tonnes de vêtements ainsi collectés gratuitement au nom des pauvres et triés par une majorité de bénévoles, un infime pourcentage de ceux-ci finit dans les vestiaires pour les SDF. La majorité est revendue soit en France dans le cadre caritatif, soit à des revendeurs vers les pays de l’Est et d’Afrique, soit (pour ce qui est trop abîmé) comme fibres recyclables par des industriels. Les profits générés par ces marchés, à partir d’une matière première gratuite et d’une main-d’œuvre également en grande partie gratuite, ne servent pourtant que rarement à acheter aux SDF les chaussures et les ceintures qui leur manquent. En tout état de cause, l’amendement Emmaüs qui proposait initialement une taxe sur les vêtements neufs visait trop ouvertement à préserver cette association (qui traite 60 % des 100 000 tonnes annuelles de vêtements avec 3 000 emplois précaires créés) des importations textiles chinoises plutôt qu’à aider les pauvres eux-mêmes. Retoqué dans sa version initiale par l’Assemblé nationale, cet amendement Emmaüs a été habilement reformulé en s’appuyant sur la nécessité, pour « les producteurs et/ou importateurs de textiles d’habillement, de chaussures et de linge de maison à destination des ménages […] de contribuer ou de pourvoir au recyclage ou au traitement des déchets », et en développant des arguments relatifs à l’environnement et à la création d’emplois. Le 17 novembre 2006, l’Assemblée nationale vote la « taxe Emmaüs » qui, à raison de 1/1 000 de la valeur du produit acheté, peut, selon les estimations d’Emmaüs et d’une trentaine d’autres structures, générer des revenus annuels à hauteur de 10 millions d’euros? [9]. L’une de ses structures, le Relais Pas-de-Calais? [10] vient de mettre sur le marché de la construction un isolant (à base de textile recyclé), « Métisse », vendu 11,25 €/m2 (en 100 mm). En réorientant son image vers une implication environnementale? [11], Emmaüs glisse imperceptiblement de l’entreprise de l’économie sociale à l’entreprise « verte » tout en cumulant les bénéfices du don et les profits du financement industriel.
“ Les moyens alloués au « bras gauche de l’État » ne permettent pas de remplir la mission assignée au secteur assistanciel : l’insertion. »
15Au final, confrontées à des baisses de subventionnement de l’État (de l’ordre de 30 %) depuis 2003, de nombreuses associations caritatives et humanitaires se sont tournées vers un partenariat avec les entreprises : ces dernières, en contrepartie d’une aide technique ou financière, espèrent ainsi améliorer leur image. Les associations humanitaires qui refusent les financements privés n’ont plus qu’à se tourner vers la société civile pour solliciter, de sa part, plus de dons? [12] et de legs.
La notion d’éthique, un pont vers le secteur privé
16Pour rassurer les donateurs et les partenaires, les différents acteurs du « marché de la pauvreté » ont multiplié les déclarations de bonnes intentions. Depuis les « chartes d’éthique » (la dernière en date étant celle des maraudes en mai 2008) que nombre d’associations font signer aux bénévoles – qu’elles exploitent avec leur consentement – et qui n’engagent que ces derniers envers elles (sans engager ces dernières envers eux), jusqu’au « Comité de la charte » – composé d’un représentant de chaque association ainsi juge et partie –, la manipulation de l’éthique est telle qu’elle s’harmonise assez bien avec celle dont usent les entreprises, dans leur stratégie de communication, pour légitimer leur profit. Ainsi, de nombreux rapprochements s’organisent entre le secteur privé et les associations caritatives? [13] : « L’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) vient d’organiser au siège du MEDEF (Mouvement des entreprises de France) une conférence bien dans l’air du temps, sur les “partenariats stratégiques ONG-entreprises” ».
17Certes, ces partenariats permettent de lever des fonds, mais ils ne rendent pas plus possible l’évaluation de l’activité du secteur caritatif, si tant est que les partenaires privés l’exigent. Sait-on, au final, ce que deviennent les plus démunis au terme des efforts faits pour eux, par les associations ? Cette question, embarrassante – puisque peu nombreux sont ceux qui osent la poser –, reste obstinément sans réponse véritable. Aucune donnée statistique précise n’existe par exemple sur la réinsertion supposée des SDF, ou sur les effets de la rue sur la mortalité [Terrolle, 2005].
Bibliographie
- Baumohl J. (1996), « Responses to Homelessness », in Homelessness in America, Oryx Press, Wesport, p. 141–213 ; Dossier « Le bel avenir de la pauvreté », Esprit, mai 1997.
- Bonnet F. (2008), « La gestion des marginaux par les associations dans les gares de Lyon et de Milan », colloque « Action publique et mobilisations face aux populations mobiles indésirables », ENS Cachan, 3 juin.
- Bruneteaux P. (2007), « Les politiques de l’urgence à l’épreuve d’une ethnobiographie d’un SDF », Revue française de science politique, n° 1, vol. 57, février.
- Burgi N. (2006), La machine à exclure. Les faux-semblants du retour à l’emploi, La Découverte, Paris.
- Damon J. (2007), Note de veille n° 69, 30 juillet, à propos du Conseil de Lisbonne de mars 2000. www. strategie. gouv. fr/ IMG/ pdf.
- Riabchuk A. (2009), « La culture du “bomj” : réponse critique à l’approche culturaliste », à paraître in P. Bruneteaux et D. Terrolle, Zones frontières et nouvelles approches de la pauvreté.
- Rullac S. (2004), L’urgence de la misère, Éditions Les quatre chemins.
- Terrolle D. (2005) , « Sans-logis : une mort rendue invisible », in D. Ballet (dir.), Les SDF. Visibles, proches, citoyens, PUF, p. 157-165.
- Thierry M. (1996), « Rapport sur la mise en œuvre du dispositif hivernal d’accueil en hébergement d’urgence », secrétariat d’État à l’Action humanitaire, La Documentation française, Paris.
Mots-clés éditeurs : grande pauvreté, Etat, SDF, marché de la pauvreté
Date de mise en ligne : 24/09/2008
https://doi.org/10.3917/rce.004.0223Notes
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Une des plus récentes : R. Castel, L’insécurité sociale, Paris, Seuil, 2003.
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Pour des données chiffrées : voir supra.
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La solidarité assistancielle porte assistance immédiate. Elle est en cela différente de la solidarité assurancielle qui assure contre les différents risques sociaux (chômage, retraite, maladie, etc.).
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Chiffres communiqués par la DASS de Paris aux auteurs.
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Entretien avec le responsable des CHU d’une des principales associations caritatives de Paris, décembre 2005.
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Information recueillie « en coulisses » lors de la préparation du colloque organisé par le Secours catholique à la Cité CHU André Jacomet, 11 octobre 2006.
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[7]
Rapport de la Cour des comptes 2002-2004 sur le Secours catholique.
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[8]
Ibid., p 36.
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[9]
Selon l’ADEME, chaque habitant se débarrasse de 17kg de textile par an dont 9kg de vêtements. Sur presque 600 000 t. de vêtements usagés par an, 100 000 t. sont collectées sur lesquelles 20% sont détruits, 80% sont valorisés. Il serait possible, selon Emmaüs, de collecter 400 000 t. supplémentaires entraînant la création de 3 à 4 000 emplois en insertion.
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[10]
Créé en 1984, Le Relais est un réseau d’entreprises à but socio-économique (EBS) dont l’objectif est l’insertion par le travail de personnes en difficulté. Plus gros opérateur textile français il offre un service gratuit de collecte, de tri et de conditionnement. Ses trois filières de valorisation des textiles sont la revente des vêtements de seconde main dans 50 boutiques en France, l’exportation vers les pays en voie de développement (Afrique) et la revente à des entreprises de transformation textile (source : site Emmaüs).
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[11]
Emmaüs, dans son projet, souhaite lancer une éco-filière à part entière dans ce secteur.
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[12]
Il faut compter, dans les aides de l’État, le manque à gagner fiscal qu’il autorise sous la forme des déductions fiscales relatives aux dons et aux legs faits à ces associations humanitaires et dont la DGI est incapable de cerner le montant. Cf. Cour des comptes, Rapport public thématique sur les personnes sans domicile fixe, 2007, p. 49, note 85.
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[13]
Philippe Ryfman, « Le partenariat ONG-entreprises : une idée d’avenir ? », Le Monde, Économie, 2005, 29/11 :V.