Gilles Polizzi : Un silence « générique » dans le Triumphe de Tempérance de Jean Thenaud (1519-1520)
Un séminaire de master enseigné à l’Université de Mulhouse en 2015 a conduit à une typologie des silences mettant en valeur ceux qui découlent de l’altération des règles constituant les genres littéraires : des silences « génériques » donc, ou « méta-fictionnels », pour les distinguer d’une première catégorie (ceux qui modulent l’oralité, scandent le discours ou agencent le récit), ainsi que d’une deuxième référée au sujet-locuteur (les silences qui « disent » sa mélancolie ou sa plénitude, révèlent sa duplicité ou ses dénis).
Un épisode du Triumphe de Tempérance de Thenaud est à ce titre exemplaire car il concerne l’évolution dernière du songe allégorique. Dans l’espace mental d’une allégorie moralisée (vision plutôt que songe) le narrateur suit le cortège triomphal de la reine Claude de France en direction du « château de Vérité ». Les pèlerins ne l’atteindront pas, mais rejoindront en lieu et place un « château de Taciturnité » qui fera « dérailler » l’allégorie. Thenaud y loge en effet aussi bien les « vertueux » que les menteurs (par omission), non seulement ceux qui ont su « tenir leur langue », mais aussi ceux qui, innocents ou coupables, n’ont pas « parlé » sous la torture. Sachant que les pèlerins ont auparavant quitté une chartreuse mutique pour cheminer sur l’étroite chaussée, qui traverse un « marais de Babil, Janglerie et Locacité », sans répondre aux invectives des monstres (bavards) qui y séjournent, force est de constater que dans cet épisode, l’allégorie se représente elle-même, démultipliée et décomposée en reflets multiples qui tous réfèrent au silence…
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