Couverture de RHREN_082

Article de revue

À l’enseigne du masque : imprimeurs, libraires et éditeurs de Rabelais de 1552 à 1588

Pages 65 à 115

Notes

  • [1]
    Pour une approche générale de ce phénomène dans l’édition au xvie siècle, et quelques références bibliographiques sur la question, cf. la synthèse de Magali Vène, « Histoire du livre », in Copier et contrefaire à la Renaissance. Faux et usage de faux, dir. P. Mounier et C. Nativel, Paris, Honoré Champion, 2014, p. 45-50.
  • [2]
    Pour les éditions des textes de Rabelais, nous indiquerons systématiquement le numéro d’ordre attribué dans la bibliographie de Stephen Rawles et Michael Screech, A New Rabelais Bibliography : editions of Rabelais before 1626, Genève, Droz, 1987 (abrégé en NRB). Notre article n’est qu’un simple complément à cet admirable livre ; parmi les interrogations laissées pendantes par les deux bibliographes, on tentera en particulier de résoudre les apories des stimulantes p. 296-300.
  • [3]
    Brigitte Moreau (« Contrefaçon et clandestinité à Paris au début de la Réforme : les premières “fausses adresses” », in Les Presses grises. La contrefaçon du livre (xvie-xixe siècles), dir. Fr. Moureau, Paris, Aux Amateurs de Livres, 1988, p. 41-47, ici p. 43-44), a proposé de distinguer les « fausses adresses fictives » des « vraies fausses adresses », c’est-à-dire des noms d’imprimeurs ou libraires ayant réellement existé. Nous préférons en distinguer quatre types : les fausses adresses manifestement fictives (par exemple : « Loys qui ne se meurt point ») ; les fausses adresses vraisemblables (par exemple « Jean Chabin ») ; « les vraies fausses adresses » (consistant à reprendre le nom d’un confrère – mort de préférence) ; et un dernier cas, que l’on pourrait appeler, si l’on ne craint pas les taxinomies alambiquées, « les vraies fausses adresses manifestement fictives ». Dans ce dernier type pourraient entrer les cas complexes de noms d’hommes du livre, comme Pierre Estiard ou Jean Martin dont le patronyme était devenu un pseudonyme passe-partout. Au bout d’un moment, il va de soi que les imprimeurs ne se cachent plus derrière le nom d’un Pierre Estiard parce qu’il s’agissait d’un véritable imprimeur mais bien parce qu’ils reprennent un pseudonyme en circulation. Ou quand la « feintise ludique » était « partagée » chez les imprimeurs et libraires… La délimitation de ces catégories dépend des connaissances du récepteur : tel récepteur est abusé, tel autre a parfaitement conscience de la supercherie. En outre, d’un nom inventé vraisemblable à un nom réel repris, il n’y a que l’épaisseur de notre connaissance ou de notre ignorance des personnes qui gravitaient dans le monde du livre il y a quelques siècles.
  • [4]
    Ajoutons à la description fournie par la NRB que Jean Le Prest fut vraisemblablement l’imprimeur de cette édition pour son confrère libraire. Pour s’en convaincre, on comparera les lettrines de ce Quart Livre avec celles du splendide livre illustré imprimé par Jean Le Prest pour Robert Le Hoy, Robert et Jean Du Gort, en 1551, C’est la deduction du sumptueux ordre plaisantz spectacles et magnifiques theatres dressés, et exhibés par les citoiens de Rouen… (au moins cinq lettrines communes).
  • [5]
    Sur Pierre Estiard, imprimeur-libraire passé par Genève, Lyon et surtout Strasbourg, cf. l’important article de Jean-Marie Arnoult, « Pierre Estiard, imprimeur-libraire, 1552-1597 ? », in Cinq Siècles d’imprimerie genevoise, dir. J.-D. Candaux et B. Lescaze, Genève, Société d’histoire et d’archéologie, 1980, t. I, p. 151-169.
  • [6]
    Le nom de Jean Martin se retrouve aussi affublé d’une adresse parisienne en 1577, rémoise en 1579.
  • [7]
    Nous avons principalement cherché à retrouver les lettrines et parfois les bandeaux, fleurons ou autres ornements typographiques. Pour certains cas, nous nous appuierons aussi sur l’identification des caractères.
  • [8]
    Exemplaire consulté : BnF, Rés. Y2-2163. Par la suite, l’absence d’indication sur l’exemplaire consulté pour les éditions rabelaisiennes signifie soit que nous connaissons l’édition concernée seulement par les reproductions données dans la NRB, soit que nous avons travaillé sur un exemplaire numérisé sans vérification sur le volume original.
  • [9]
    Attributions exposées dans un compte-rendu de la NRB paru dans The Library, 11, 1989, p. 363-366 (trad. en anglais par A. Saunders). Nous remercions Olivier Pédeflous de nous avoir fourni cette précieuse référence bibliographique.
  • [10]
    St. Rawles et M. Screech n’ont manifestement pas pris garde que la même lettrine C était présente sur les reproductions fournies dans la NRB aux p. 198 et 554.
  • [11]
    BSG, 8 D 9983 Rés. (P. 2).
  • [12]
    Il n’est pas rare qu’une lettrine ait l’air « plus usée » dans une impression antérieure, pour bien des raisons pour lesquelles n’entre pas la question de « l’usure » : l’encrage, la manière dont tel papier boit l’encre, la fixation plus ou moins serrée de la lettrine sur la forme, etc.
  • [13]
    Abel Lefranc, « Un prétendu Ve livre de Rabelais », Revue des études rabelaisiennes, t. I, 1903, p. 29-54 et 122-142, ici p. 34-35.
  • [14]
    Bringuenarilles Cousin Germain de fesse pinte, Paris, Nicolas Buffet, 1548, unicum conservé à la Bayerische Staatsbibliothek ; cette édition inconnue de la NRB, ainsi que de J. Veyrin-Forrer et B. Moreau, est en revanche cataloguée dans USTC (24045). Nous remercions Romain Menini qui nous l’a fait connaître.
  • [15]
    BnF, Rés. Y2-2167.
  • [16]
    BnF, Rés. Y2-2165.
  • [17]
    Philippe Renouard, Répertoire des imprimeurs parisiens, Paris, Minard, « Lettres modernes », 1965, p. 173.
  • [18]
    Sur le même mode, l’édition du traité de Postel, Les Raisons de la Monarchie, dont l’impression en 1551 est attribuable à Jean Rousset, est connue par deux émissions, l’une portant au colophon « Imprimé à Tours », l’autre « Imprimé à Paris ».
  • [19]
    Jean Rousset a parfois partagé quelques lettrines avec son confrère de la rue de la Scellerie, lui aussi installé devant les Cordeliers, Mathieu Chercelé (voir par exemple les lettrines A et C du Manuel royal de Jean Brèche, imprimé par Chercelé en 1541) mais le matériel des deux imprimeurs est aisé à différencier tant celui de Rousset est bien plus diversifié et plus élégant que celui, beaucoup plus fruste, de son voisin. Sur la carrière de Jean Rousset, voir les quelques indications données par Eugène Giraudet, Les Origines de l’imprimerie à Tours (1467-1550) contenant la nomenclature des imprimeurs depuis la fin du xve siècle jusqu’en 1850, Tours, Imprimerie Rouillé-Ladevèze, 1881, p. 81-92.
  • [20]
    Jean Bernier, Jugement et Nouvelles Observations sur les œuvres Greques, Latines, Toscanes et Françoises de Maître François Rabelais D. M. ou le véritable Rabelais reformé…, Paris, Laurent d’Houry, 1697, p. 39.
  • [21]
    Cf. les Ordonnances Royaulx faictes sur l’abbreviation des causes et proces du bailliaige de Touraine…, Tours, Mathieu Chercelé pour Jehan Richart, 1536, f. A2 ou Thibault Lespleigney, Promptuaire des medecines simples en Rithme joieuse…, Tours, Mathieu Chercelé, 1537/38, f. C6 v° et E2 v°.
  • [22]
    Cf. par exemple Les Troys Premiers Livres de Claude Galien De la composition des medicamens en general.
  • [23]
    Aux deux exemplaires localisés dans la NRB, il faut en adjoindre un troisième, conservé dans la collection Rothschild (Supplément-3370), relié en maroquin bleu (reliure signée Wallis et Lloyd).
  • [24]
    Pour J. Veyrin-Forrer et Br. Moreau, art. cit., p. 365 : « It does not at all look like a Parisian edition. »
  • [25]
    Voir Guillaume Berthon, « Quelques nouveautés bibliographiques autour d’Étienne Dolet et Jean de Tournes : les Psaumes de Marot et le Benefice de Jesuschrist traduits par Claude Le Maistre (1544-1545) », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, n° 158, oct.-déc. 2012, p. 671-684, ici p. 674.
  • [26]
    Nous pouvons seulement signaler que nous avons trouvé le même type de petit fleuron imprimé à plusieurs reprises sur le livre sorti des presses de Jean le Prest mentionné supra : La deduction du sumptueux ordre plaisantz spectacles et magnifiques theatres dresses, et exhibes par les citoiens de Rouen… Néanmoins, ce fleuron n’est pas parfaitement identique à celui du Quart Livre et de la Bergerie ; il s’agit seulement d’une copie faite sur le même modèle. Est-ce que ce genre d’ornement est plutôt rouennais ou parisien que lyonnais ? Question sans (ou en attente de) réponse. Ajoutons que le même type d’ornement réapparaît sur les Œuvres de 1626 (NRB 93).
  • [27]
    BnF, Rés. Y2-2174.
  • [28]
    Sur l’utilisation de cette dénomination au xvie siècle, voir Christine de Buzon et Michèle Clément, « Œuvres et collection : L’emploi du mot œuvres dans un titre français avant 1560 et l’impression des Œuvres d’un auteur avant 1560 en France », RHR, n° 74, juin 2012, p. 135-160.
  • [29]
    Henri Meylan, Épitres du coq à l’âne. Contribution à l’histoire de la satire au xvie siècle, Genève, Droz, 1956, p. 38.
  • [30]
    BnF, Rés. P-Y2-1349.
  • [31]
    Hendrik D. L. Vervliet, Vine Leaf Ornaments in Renaissance Typography, New Castle, Oak Knoll Press et Houten, HES & DE GRAAF Publishers, 2012, n° 205, p. 306 : « The “Geneva” vine leaf on Canon ». La première occurrence donnée par Vervliet est celle de L’Isle sonante ; c’est la plus grande feuille de vigne qu’il répertorie.
  • [32]
    Michel Simonin, « L’édition de L’Isle sonante (1562-1563) », in Le Cinquiesme Livre, Études rabelaisiennes, t. 40, dir. Fr. Giacone, Genève, Droz, 2001, p. 55-66, ici p. 60.
  • [33]
    BnF, Rés. Y2-2170.
  • [34]
    Voir Henri Baudrier, Bibliographie lyonnaise, Paris, F. de Nobele, 1964, t. X, p. 150 : « À la mort de Balthazar Arnoullet, survenue après le 20 novembre 1556, sa veuve, Denise Barbou, fille aînée de Jean Barbou, conserva la direction de la maison paternelle jusqu’à la majorité de son frère Hugues Barbou, sous la raison sociale, Veuve de Balthazar Arnoullet, et s’adjoignit, comme correcteur de l’atelier, Guillaume Gueroult, son beau-frère, rentré depuis peu en grâce auprès de la famille de sa femme. […] Hugues Barbou, parvenu à sa majorité, reçut de sa sœur la direction de la maison, en 1560, et la conserva jusqu’à la fin de 1565. La maison d’Arnoullet avait périclité depuis le procès de Michel Servet et Hugues Barbou, n’ayant pas pu réussir à rétablir l’ancienne vogue, liquida la maison paternelle et alla s’installer à Limoges, accompagné de son neveu Isaac Arnoullet, compagnon imprimeur, fils de Balthazar. […] Jean d’Ogerolles, imprimeur de Lyon, se rendit acquéreur de la partie du matériel de B. Arnoullet laissée à Lyon par Hugues Barbou […] ».
  • [35]
    BnF, Rés. Y2-2169.
  • [36]
    Comme les répertoires bibliographiques en ligne sont confus sur ce point, rappelons à la suite de Chantal Liaroutzos (Le Pays et la Mémoire, Paris, Honoré Champion, 1998, p. 323) que Du Puis avait commandité non pas une mais deux éditions de L’Agriculture et Maison rustique en 1564, preuve du grand succès rencontré par ce livre. Le matériel n’est pas du tout le même d’une édition à l’autre : les lettrines et bandeaux différent systématiquement. On peut comparer d’un côté l’état le plus ancien, connu par les exemplaires de la BM de Lyon [Rés. 393639], de la Biblioteca nazionale centrale di Roma [55. 1. B. 8] ou de la Thomas Fisher Rare Book Library de Toronto [Sci 00844], qui se finit au f. T3 v° (fin de l’index au f. T2 v°, les f. T3 r° et v° ajoutant une liste des « Fautes advenues en l’impression ») et le second état représenté par l’exemplaire de la BnF [S-4430], qui s’arrête au f. T2 v° (à la fin de l’index, les « Fautes advenues en l’impression » n’ayant plus raison d’être puisqu’elles ont été corrigées au sein même du texte). Nous n’avons pas pu comparer la seconde édition de 1564 avec celle de 1565 pour Jacques Du Puis. Nous ne savons donc pas s’il s’agit de deux éditions différentes ou d’une seule édition avec deux émissions distinctes, l’une pour la fin de l’année 1564, l’autre pour l’année 1565. C’est sur l’édition princeps que figurent les lettrines communes avec Le Cinquiesme livre : le C apparaît pour la première fois au f. 18 ; le B au f. 27 v°.
  • [37]
    Plusieurs lettrines présentes sur L’Agriculture se trouvaient déjà dans le Quart Livre de 1553 que nous avons attribué supra à Maurice Ménier. D’ailleurs, en 1564, Maurice Ménier imprime également (grand écart typique de ce qui se passait dans les ateliers d’imprimerie) les Sententiarum libri IIII de Pierre Lombard pour Du Puis et un autre libraire parisien, Claude Frémy.
  • [38]
    Cf. Eugénie Droz, Chemins de l’hérésie, Genève, Slatkine, t. I, 1970, p. 351 et sqq.
  • [39]
    Richard Cooper, « L’authenticité du Cinquiesme Livre : état présent de la question », in Le Cinquiesme Livre, op. cit., p. 9-22, ici p. 13. Les auteurs de la NRB (p. 326) faisaient le même constat : « It is probable that the editio princeps of the Cinquiesme Livre (NRB 54) was intended to be associated with this edition of the Œuvres and that it was printed by the same printer. »
  • [40]
    Lettrine B : S’ensuit l’histoire de Morgant le geant lequel avec ses freres persecutoient tousjours les Chrestiens et serviteurs de Dieu…, Paris, Alain Lotrian, 1536, f. v2 v° ; lettrine C : Eustorg de Beaulieu, Les Divers Rapportz…, Paris, Alain Lotrian, 1540, f. M4.
  • [41]
    Et neuf éditions en tout si l’on y adjoint le Cinquiesme Livre évoqué supra (NRB 57) et la Navigation du compaignon à la bouteille dont nous parlerons ensuite (NRB 143).
  • [42]
    L’imprimeur n’est pas indiqué dans le livre mais nous reconnaissons aisément les lettrines de Maurice Ménier, ainsi qu’un de ses bandeaux à l’intérieur duquel sont gravées les initiales « MM ».
  • [43]
    Bibliothèque de la Sorbonne, Victor Cousin 10.888.
  • [44]
    BnF, Rés. 8-NFR-377 (exemplaire non répertorié dans la NRB, acquis par la BnF à Paris, en vente publique, le 27 novembre 2013).
  • [45]
    BnF, Rés. p-Y2-1423 (incomplet : seulement Le Cinquiesme Livre).
  • [46]
    BnF, Rés. Y2-2183/2186.
  • [47]
    Il y a sur cette édition de 1567 deux encadrements différents pour les pages de titre, l’un pour les titres des Œuvres et du Cinquiesme Livre, l’autre pour le titre du Tiers Livre, que nous n’avons malheureusement pas retrouvés.
  • [48]
    De ce fait, la fructueuse collaboration entre Georges Loyselet et Claude Micard a commencé bien plus tôt qu’on ne le pense habituellement et a concerné un nombre d’éditions beaucoup plus élevé que celui auquel on peut songer en ne s’en tenant qu’aux ouvrages pour lesquels Loyselet se manifestait au colophon.
  • [49]
    BnF, Rés. Y2-2179/2181.
  • [50]
    Avec et sans l’encadrement qui se trouvait déjà sur les Œuvres de 1571.
  • [51]
    Arsenal, 8° B-19601.
  • [52]
    Plautus ex fide, atque auctoritate complurium librorum manu scriptorum opera Dionys. Lambini…, Paris, Jean Le Blanc pour Jean Macé, 1576.
  • [53]
    BnF, Rés. p-Y2-1404.
  • [54]
    BSG, Delta 59972 Rés.
  • [55]
    BnF, Rés. p-Y2-2033.
  • [56]
    BnF, Rés. Y2-2182.
  • [57]
    Eugénie Droz, « Fausses adresses typographiques (suite) », BHR, t. XXIII-3, 1961, p. 572-591, ici, p. 588-591.
  • [58]
    La présence de l’adresse « François Nierg » sur la page de titre du Cinquiesme Livre des Œuvres « Estiard » de 1573-1574 (NRB 68) provient seulement du fait que c’était l’édition source et que l’adresse du Cinquiesme Livre n’avait pas été corrigée par l’éditeur.
  • [59]
    BnF, Rés. Y2-2719/2721.
  • [60]
    Jacques-Charles Brunet, Manuel du libraire et de l’amateur de livres, Paris, Firmin Didot, 1862, t. II, col. 607, qui renvoie à Nicolas Lenglet Du Fresnoy, Bibliothèque des romans…, Amsterdam, Veuve De Poilras, à la Vérité sans fard, 1734, t. II, p. 257. À partir de Du Verdier (La Bibliotheque, Lyon, Barthélémy Honorat, 1585, p. 468) est aussi évoquée la possible existence d’une édition « Jean Diepi », sans date, in-8° ; l’orthographe de « Diepi » fait plutôt songer à l’édition de 1572.
  • [61]
    Mythistoire Barragouyne de Fanfreluche et Gaudichon…, Rouen, [Georges Loyselet] pour Nicolas Lescuyer, 1575 (édition non répertoriée dans USTC ; exemplaire conservé à la Regensburg Staatliche Bibliothek, cote 999/Gall.171, et numérisé sur le site de la Bayerische StaatsBibliothek) ; nous y reconnaissons le matériel de Georges Loyselet. Comme la suivante, c’est une édition sans illustration.
  • [62]
    Mythistoire Barragouyne de Fanfreluche et Gaudichon…, Rouen, Nicolas Lescuyer, 1578 (éd. reproduite en fac-similé avec des notes de M. Françon, Cambridge, Schoenhof’s foreign books, 1962).
  • [63]
    Les Bibliothèques françoises de La Croix du Maine et de Du Verdier, Paris, Saillant et Nyon et Michel Lambert, 1773, t. IV, p. 66 et Baudrier, op. cit., t. I, p. 127-128.
  • [64]
    Étienne Pasquier, Des Recherches de la France, Paris, pour Gilles Robinot, 1581, f. 187.
  • [65]
    On comparera par exemple les lettrines de cette édition avec celles des Six Comedies de Terence, tres excellent poete comique…, Paris, Maurice Ménier pour Claude Micard, 1572 : au moins six sont communes.
  • [66]
    La lettrine C est par exemple imprimée sur les G. Budaei graecae epistolae…, Paris, C. Wechel, 1550, f. O2.
  • [67]
    Cf. par exemple l’édition des Homélies de Jean Doc (Homiliarum quadragesimalium opus, Paris, Charles Périer, 1555) : lettrine C au f. LLL1 v°, lettrine V au f. CC2 v°.
  • [68]
    On songe au Livre de la fontaine perilleuse, avec la chartre d’amours : autrement intitulé, le songe du verger, Paris, pour Jean Ruelle, 1572 (lettrine E au f. A4v°) et aux Epistres des princes…, Paris, par Jean Ruelle, 1574 (lettrines D au f. A3v°, I au f. B6, L au f. E3v°).
  • [69]
    La proximité avec le matériel d’Olivier de Harsy est également troublante.
  • [70]
    Ce sont des copies des bois employés pour illustrer les éditions antérieures d’Apulée.
  • [71]
    Luc. Apulee de l’ane d’ore, XI. Livres…, Paris, Claude Micard, 1570, p. 146.
  • [72]
    Index de l’inquisition espagnole. 1583, 1584, J. M. De Bujanda (éd.), Éditions de l’Université de Sherbrooke et librairie Droz, 1993, n° 2058, p. 685.
  • [73]
    L’Histoire de Herodian, des empereurs romains depuis Marcus…, Paris, [Maurice Ménier] pour Claude Micard, 1572, f. x5 v°.
  • [74]
    Dans l’Abbregé sur la vie et mœurs des autres empereurs imprimé à la fin des Œuvres de Justin Historien, contenant XLIIII. Livres tirez des Histoires universelles de Trogue Pompee…, Paris, Georges Loyselet pour Claude Micard, 1577 (autre émission datée de 1578), f. Ll5 v°.
  • [75]
    St. Rawles et M. Screech (NRB, p. 296-297 et 346) ont malheureusement suivi l’avis d’E. Droz (« Fausses adresses typographiques (suite) », art. cit., p. 583-588), qui pensait que cette édition Micard de Marot avait en réalité été imprimée à Genève par François Estienne. Le portrait de Rabelais n’est jamais arrivé à Genève, puisqu’il n’y a pas à remettre en cause l’authenticité de l’édition Micard. E. Droz a été abusée par l’exemplaire qu’elle a consulté (BnF, Rés. YE-1568/1569), qui a été refait en complétant une édition niortaise (Thomas Portau, 1596) avec les deux premiers feuillets de l’édition Micard ; voir les indications de Guillaume Berthon (« La dernière œuvre de Clément Marot. Le Balladin “restitué à son naturel” », BHR, t. 73/2, 2011, p. 333-349, ici n. 6, p. 334) et Jean-François Gilmont (notes de la notice GLN-2639 sur la base GLN 15-16 en ligne).
  • [76]
    Claude Micard ne figure pas dans la liste des libraires avérés ou hypothétiques ayant vendu cette réédition : faut-il conjecturer une émission perdue ?
  • [77]
    Cet encadrement légèrement différent se trouve sur les éditions Micard de Valère Maxime (1567), Commynes (1567), Suétone (1569), Pierre Messie (1569), Apulée (1570), « Valentinian » (1572), Habert (1572), Boccace (1572), Dom Flores de Grece (1573), Corlieu (1573), Gelli (1575), L’Horloge des princes (1576), Commynes (1576), Léon l’Hébreu (1580), Hérodote (1580), Habert (1581), etc.
  • [78]
    Sont révélatrices les nombreuses éditions partagées sur lesquelles la page de titre est modifiée non seulement pour modifier les adresses et marques de chacun des libraires mais aussi pour accueillir un encadrement propre à un libraire en particulier.
  • [79]
    Deux éditions connues pour 1555.
  • [80]
    Histoire des neuf livres de Herodote d’Alicarnasse…, Paris, Claude Micard, 1580, f. A2 « L’imprimeur au lecteur » : « Ayant tousjours (amy lecteur) jusques icy selon mon petit moyen, et de toutes mes forces tasché de profiter au public, et à la jeunesse de nostre France, en l’impression des meilleurs et anciens Historiens traduits en nostre langue. J’ay deliberé avec la grace de Dieu de continuer de mieux en mieux, et avec toute la diligence que j’y pourray mettre, et sur ce j’ay mis la main sur cest ancien historien Herodote, traduit en François plus fidelement, je croy, qu’il n’a esté en Latin […] ».
  • [81]
    Les Œuvres de Publie Virgile Maron, Prince des Poetes latins…, Paris, Claude Micard, 1574, « Claude Micard au Lecteur benevole Salut », f. †2.
  • [82]
    C’est le cas des éditions d’Étienne Pasquier, Le Second Livre des recherches de la France, Orléans, Pierre Trepperel, 1567 et Des Recherches de la France, livres premier et second…, Paris, Pierre L’Huillier, 1569.
  • [83]
    Pierre-Paul Plan, Les Éditions de Rabelais de 1532 à 1711, Paris, Imprimerie nationale, 1904, p. 185.
  • [84]
    Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au seizième siècle, Baden-Baden et Bouxwiller, Valentin Koerner, 1993, t. III, p. 38 (écrit par Jean Muller pour Grenoble).
  • [85]
    Cf. la notice « Jean Martin » de la précieuse base électronique RIECH (Répertoire des imprimeurs et éditeurs suisses actifs avant 1800) pour davantage d’informations.
  • [86]
    Voir à nouveau la base RIECH et les indications bibliographiques auxquelles Jean-François Gilmont renvoie (en particulier Ph. Renouard, Répertoire…, p. 299).
  • [87]
    En 1564, il imprime pour ces deux libraires un ouvrage de Rudolf Walther, D. Marcus evangelista. In evangelium Jesu Christi secundum Marcum homiliae CXXXIX… et, en 1565, les trois parties des Secrets de Girolamo Ruscelli pour Louis Cloquemin. Mentionnons aussi au titre des liens entre la maison Arnoullet-Barbou et Louis Cloquemin l’intrigante édition des Six livres… de la matiere medicale de Dioscoride imprimée en 1559 par la veuve de Balthasar Arnoullet pour elle-même, Macé Bonhomme et Thibaud Payen, dont Cloquemin semble avoir récupéré un stock d’invendus, qu’il remet en circulation vingt ans plus tard, en 1580, avec une nouvelle page de titre à son nom et le feuillet qui comportait l’épître liminaire refait (voir H. Baudrier, op. cit., t. IV, p. 58).
  • [88]
    L’Agriculture et Maison rustique de M. Charles Estienne, docteur en medecine, Lyon, par Jan Martin, 1565.
  • [89]
    Du Puis vendait un élégant in-4° avec de nombreuses lettrines ; l’édition Jean Martin est un in-16° très commun, avec peu de lettrines (une seule au début de chaque partie).
  • [90]
    C’est-à-dire Jean Liebault, mari de Nicole Estienne et gendre de Charles Estienne, qui a considérablement œuvré à l’édition et aux rééditions de L’Agriculture et Maison rustique.
  • [91]
    L’Agriculture et Maison rustique de M. Charles Estienne docteur en medecine, Paris, chez Jacques Du Puis, 1567, f. ē2 v°.
  • [92]
    L’hypothèse de Louis Cloquemin pour « L. C. » avait déjà été faite par J.-M. Arnoult, art. cit., p. 157.
  • [93]
    En 1563 : édition partagée entre (au moins) Robert Le Mangnier, Vincent Normant et Jeanne Bruneau ; en 1564 : entre Robert Le Mangnier et Gilles Robinot. Nous n’avons pas eu l’occasion de vérifier s’il s’agit de deux éditions distinctes ou seulement de deux émissions différentes de la même édition.
  • [94]
    Éditions parisiennes datées de 1562, 1563, 1565 et 1566, qui impliquent Jean Longis, Robert Le Mangnier, Gilles Robinot, Vincent Sertenas, Gabriel Buon, Jean Ruelle, Vincent Normant et Jeanne Bruneau.
  • [95]
    Cf. les donnés recueillies dans la notice « Louis Cloquemin » de la base RIECH.
  • [96]
    Sur cette traduction, cf. Silvio F. Baridon, Claude de Kerquefinen italianisant et hérétique, Genève, Droz, 1954, p. 22-27.
  • [97]
    Et ce un an avant que Du Puis n’attaque Jean Martin, alias L. C.
  • [98]
    Sur l’histoire complexe de la réception des Cent et Dix Consyderations à Genève et sur la pensée de Valdés, voir la partie qui est consacrée à cet ouvrage dans Jan Nicolaas Bakhuizen van den Brink, Juan de Valdés réformateur en Espagne et en Italie, Genève, Droz, 1969.
  • [99]
    P. Renouard, Répertoire des imprimeurs parisiens, p. 355.
  • [100]
    N’oublions pas que certains libraires parisiens avaient aussi des boutiques à Lyon.
  • [101]
    Remonstrance au roy, et aux Estatz, par messieurs de la maison de ville de Paris, pour l’entretenement de la paix.
  • [102]
    Le Tocsain contre les massacreurs et auteurs des confusions en France (autre édition en 1579) et Notable et Sommaire Discours de l’estat des afaires de France.
  • [103]
    Selon Eugénie Droz (La Veuve Berton et Jean Portau 1573-1589, Genève, Droz, 1960, p. 66-67), la Remonstrance au roy, et aux Estatz, par messieurs de la maison de ville de Paris, pour l’entretenement de la paix fut imprimée à La Rochelle, chez Jean Portau. Elle note aussi l’existence pour d’autres textes des adresses « Reims, Jacques Martin » et « Reims, Pierre Martin ».
  • [104]
    Voir Mireille Huchon, « Note sur le texte », dans Rabelais, Œuvres complètes, M. Huchon (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1994, n. 2, p. 1608.
  • [105]
    Jean Bernier, Jugement et Nouvelles Observations sur les œuvres Greques, Latines, Toscanes et Françoises de Maître François Rabelais D. M. ou le véritable Rabelais reformé…, Paris, Laurent d’Houry, 1697, p. 39.
  • [106]
    On peut rapprocher les deux notes formulées de la même manière de la p. 39 du livre de Bernier. Nous avons déjà cité la précédente : « On se trompe, c’est celle de Lion 1542 […] ».
  • [107]
    J. Bernier, op. cit., p. 38 : « On voit encore une Edition du quatriéme Livre à part et seul, apparemment de Lion 1553 et 54 car elle est sans lieu et sans nom d’Imprimeur ; elle est in 12. avec des notes à la fin, qu’on croit de Rabelais même [la « Briefve Declaration »]. » Nous ne connaissons pas d’édition du Quart Livre en 1554 : émission perdue de l’édition de 1553 ?
  • [108]
    Louis Guyon, Les Diverses Leçons…, Lyon, Claude Morillon, 1604, p. 386.
  • [109]
    Œuvres de maitre François Rabelais…, J. Le Duchat (éd.), Amsterdam, Henri Bordesius, 1711, t. I, p. XX.
  • [110]
    Ibid., « N’aiant trouvé celle [l’orthographe] de Rabelais nulle part si bien observée pour les quatre premiers livres, que dans l’édition de 1553 quoi que d’ailleurs peu correcte, c’est sur elle principalement que j’ai corrigé ces quatre livres. » Il avait indiqué plus tôt : « Pour le texte du IV Livre, j’ai eu recours à l’édition de 1553 en IV livres. »
  • [111]
    Ibid., t. IV, p. XXVIII et Œuvres, [Lyon, Thomas Bertheau], 1553, p. 655.
  • [112]
    Ibid., t. V, p. 68-69 (en note).
  • [113]
    Mireille Huchon, Rabelais grammairien, Genève, Droz, 1981, p. 50-52.
  • [114]
    L’Isle sonante, p. 870 (éd. M. Huchon).
  • [115]
    La date de sa mort est incertaine.
  • [116]
    Manuel Royal, ou Opuscules de la doctrine et condition du Prince : tant en Prose, que Rhytme Francoyse…, Tours, Mathieu Chercelé, 1541 ; il existe une autre émission (même édition) qui porte la date de 1544 au titre (exemplaire incomplet des derniers feuillets).
  • [117]
    Les Coustumes du pais et duché de Touraine…, Tours, Guillaume Bourgeat pour lui-même, Laurent Richard et Zacharie Griveau, 1560, f. aa4 v°. Les textes liminaires de Jean Brèche disparaissent lors de la réédition de ces Coustumes en 1567 à Tours par Pierre Regnard pour Laurent Richard.
  • [118]
    Voir H. Baudrier, op. cit., t. VI, p. 377. Il est question d’un accord entre Jean Temporal et Guillaume Burfait (ou Bourfait) ; ce dernier étant parfaitement inconnu, il pourrait s’agir d’une erreur désignant en réalité Guillaume Bourgeat.
  • [119]
    M. Huchon, Rabelais grammairien, op. cit., p. 34 et 52.
  • [120]
    De la même manière, l’addition sur « le trou de la Sibylle » relevée par M. Huchon (op. cit., p. 52) pourrait être lue comme une trace de surenchère humoristique sur un personnage qui faisait partie du folklore tourangeau.
  • [121]
    Jean Brèche, Manuel Royal…, Tours, Mathieu Chercelé, 1541, f. A2v° (repris dans les Epistres familieres de Jean Bouchet). Cf. Abel Lefranc, « Sur quelques amis de Rabelais », Revue des études rabelaisiennes, t. 5, 1907, p. 52-56.
  • [122]
    Jean Brèche, Aphorismi Jurisprudentiae…, Paris, Poncet Le Preux, 1552, f. A4.
  • [123]
    Tiers Livre, p. 466 (éd. M. Huchon) : « on phrontistere et escholle des Pyrrhoniens […] ». Sur ce terme, voir Romain Menini, Rabelais altérateur, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 816.
  • [124]
    Les Troys Premiers Livres de Claude Galien de la composition des medicamens en general…, Tours, Jean Rousset, 1545, f. *3 v°.
  • [125]
    Pantagruel, p. 236 (Œuvres complètes, éd. M. Huchon).
  • [126]
    Gargantua, p. 78 (Œuvres complètes, éd. M. Huchon).
  • [127]
    Ce n’est peut-être pas une coquille, le jeu de mots « bénéfices »/« vénefices » étant attesté à l’époque, voir H. Meylan, op. cit., p. 38, v. 77-78.
  • [128]
    Les variantes indiquées dans l’éd. M. Huchon (Pléiade, p. 1609 et 1612) d’après le Cinquiesme Livre de 1565 paru au sein des Œuvres de 1566 (NRB 63) viennent (quasiment) toutes de cette édition.
  • [129]
    Enfin, en 1584, deux épîtres en vers seront ajoutées, les « deux épîtres à deux vieilles de différentes mœurs ». Comme ces pièces sont apocryphes, nous ne nous y attarderons pas.
  • [130]
    M. Huchon, « note sur le texte », dans Œuvres complètes, p. 1609 : « L’édition en date de 1564 est bien la plus ancienne qui nous soit parvenue, mais une édition ultérieure comme celle de 1565 [Œuvres de 1565-1566] (qui introduit des textes nouveaux) offrant certaines leçons plus proches de L’Isle Sonante et du manuscrit, il semble légitime de supposer l’existence d’une édition antérieure à celle de 1564 » ; voir également Rabelais grammairien, op. cit., p. 430-432.
  • [131]
    M. Huchon, « Notice du Cinquiesme Livre », p. 1596.
  • [132]
    Selon St. Rawles et M. Screech (NRB, p. 280), c’est dans l’édition de 1572 qu’apparaît ce poème. C’est une erreur. La reproduction donnée à la p. 277 ne provient pas, contrairement à ce qu’indique la légende, de l’édition de 1572. Nous n’avons pas pu consulter les rééditions de 1573 et 1574. Le débat sur l’orthographe de « Nature Quite [ou Quitte] » (NRB, p. 280) n’a pas lieu d’être ; la forme « Nature Quitte » n’est vraisemblablement qu’une coquille due à une réédition.
  • [133]
    L’Agriculture et Maison rustique…, Lyon, Jacques du Puis, 1576, f. ã4 v°.
  • [134]
    La Geomance du seigneur Christofe de Cattan, Paris, Gilles Gilles, 1558, f. ē4 : le « Sonet de Jan Turquet Parisien, au Lecteur en faveur de G. D. Preau » est signé de la devise « Pour merite quel gain ? » ; nous connaissons ce texte grâce à Didier Kahn, Alchimie et Paracelsisme en France (1567-1625), Genève, Droz, 2007, n. 26, p. 359.
  • [135]
    Les Croniques de messire Philippe de Commines…, Paris, Mathurin Prévost, Pierre du Pré et Claude Micard, 1567.
  • [136]
    Contrairement à ce qu’avait pu penser J.-M. Arnoult, art. cit., p. 156 : « Martin, Nierg, Estiard : la mise en scène tient à la conjoncture économique et politique qui poussera certains petits imprimeurs à user de subterfuges pour survivre, et à exploiter la réputation d’un auteur, Rabelais, qui avait ouvert un marché dans lequel s’installèrent ces imprimeurs tâcherons pour la plupart comme Lescuyer et Jacquy commandités par Charles Pesnot. »
  • [137]
    Il est peu de textes ayant connu pareille fortune : de nombreuses éditions, une postérité durable, mais un refus systématique de signer l’impression.
  • [138]
    Sur ces privilèges, voir Michèle Clément, « Rabelais et ses privilèges : un autre accès à la pratique auctoriale ? », in Inextinguible Rabelais, Paris, Classiques Garnier, à paraître.
  • [139]
    Cf. Jeanne Veyrin-Forrer, « Le Tiers Livre toulousain de 1546 », BHR, t. LIX/2, 1997, p. 321-323, qui attribue à partir d’un examen des reliures de certains exemplaires l’impression à l’atelier de Pierre de Tours. De notre côté, nous avons retrouvé les lettrines B et P sur des impressions de Pierre Fradin, datées de 1552 (lettrine P : Bartoli commentaria in primam digesti novi partem…, f. 125, 158 v°, 160 v°, etc. [nouvelle édition en 1555, la même lettrine P a généralement été réemployée aux mêmes endroits qu’en 1552]) et 1556 (Psalterium. Liber psalmorum…, f. A3, lettrine B), ce qui confirme l’origine lyonnaise. En revanche, l’attribution à Pierre de Tours est douteuse et pour l’instant sans preuve ; l’atelier précis qui possédait ce matériel en 1546 reste à identifier.
  • [140]
    Sur ce point, voir la synthèse de Fancis Higman, « Censors and Censorship », in The Rabelais Encyclopedia, dir. El. Chesney Zegura, Westport, Greenwood Press, 2004, p. 30-32.

1À la suite des dernières parutions autorisées par l’auteur des Tiers et Quart Livres en 1552, à Paris, chez Michel Fezandat, commence un impressionnant défilé de copies et contrefaçons dans le monde de l’édition rabelaisienne du xvie siècle [1]. Le constat est simple : si l’on prend l’édition des Œuvres de 1600 (Lyon, Jean Martin) comme terminus ad quem, sur les trente-six éditions parues après Fezandat conservées (c’est-à-dire de NRB 47 à 81 compris, ainsi que NRB 37 [2]), trente-cinq sont soit données sans lieu ni nom d’imprimeur ou libraire, soit en exhibant un nom qui fleure bon la supercherie [3]. Une seule édition fait exception : un Quart Livre paru à Rouen pour le libraire Robert Valentin en 1552 (NRB 50 [4]), adresse fiable, pouvant être exclue de cette ère du soupçon généralisé. En effet, tous les autres noms d’imprimeurs ou de libraires mis en avant sur les pages de titre ont déjà, pour une raison ou une autre, été envisagés par la critique comme des signatures masquées.

2Ainsi, il y a tout lieu de se méfier du lyonnais Baltasar Aleman, qui n’est connu que pour l’édition d’un Quart Livre en 1552 ou de l’adresse « A Lyon par Maistre Jehan Chabin », qui se trouve seulement sur un Tiers Livre et un Quart Livre de 1552. Et que dire de « Loys qui ne se meurt point », soi-disant installé à Troyes ; de l’étrange Pierre Estiard, qui se meurt au cours de l’été 1564, et se trouve néanmoins promu responsable apparent de bien des impressions à partir de 1571 [5] ; de l’anversois François Nierg, dont le nom n’apparaît que sur des éditions de Rabelais ; ou de Jean Martin, généralement lyonnais [6], et à qui sont imputées bien des impressions rabelaisiennes jusqu’au xviie siècle !

3Afin d’envisager plus précisément cette vaste entreprise de copies et contrefaçons diverses, nous commencerons par présenter une quinzaine d’identifications nouvelles d’imprimeurs, certaines ou hypothétiques, essentiellement fondées sur une analyse matérielle [7]. Ensuite, nous pourrons revenir sur la question plus épineuse des libraires et commanditaires des éditions du Cinquiesme Livre et des Œuvres, avant de réfléchir sur celle des éditeurs de L’Isle sonante et du Cinquiesme Livre.

Les imprimeurs

Les Tiers et Quart Livres

NRB 37 : Tiers Livre, Lyon, Maistre Jehan Chabin, 1552 [8] = Paris, Valérienne Malet, veuve de Nicolas Buffet. NRB 51 : Quart Livre, Lyon, Maistre Jehan Chabin, 1552 = Paris, Valérienne Malet, veuve de Nicolas Buffet

4Jeanne Veyrin-Forrer et Brigitte Moreau ont démontré que le Tiers Livre de maître Jean Chabin était sorti des presses de la veuve de Nicolas Buffet [9]. Elles ont aussi mis en valeur le fait que les deux éditions du pseudo-Cinquiesme Livre de 1549 (NRB 111 [unicum Chicago, Newberry Library, daté de 1549] et 112 [unicum Bib. Ste-Geneviève, non daté car le premier cahier et le dernier feuillet manquent, c. 1549]) avaient été exécutées avec le même matériel [10]. Nos recherches confirment qu’il s’agit bien du matériel de l’atelier Buffet. On retrouvera par exemple les lettrines du Tiers Livre « Chabin » et du pseudo-Cinquiesme Livre dans La Vie de Jesuchrist nouvellement imprimée à la verité du texte de la Saincte escripture, selon les quatre Evangelistes, Paris, Nicolas Buffet, 1551.

5En outre, Veyrin-Forrer et Moreau ont affirmé en comparant l’état d’usure de la même lettrine C reproduite dans la NRB (p. 198 et 554) que le pseudo-Cinquiesme Livre de 1549 (« in which the ornamental capital C from the “Chabin” 1552 Tiers Livre appears in a much more damaged state. The edition is in any case grossly antedated ») était antidaté car nécessairement postérieur, selon elles, au Tiers Livre « Chabin » de 1552. Cette remarque, qui ne repose que sur l’observation de l’état d’une lettrine, est sans valeur, d’autant que l’observation est faite d’après une reproduction et sans vérification sur l’exemplaire de NRB 112 conservé à la Bibliothèque Sainte-Geneviève [11], où la même lettrine C apparaît dans deux états différents. Passons sur la difficulté extrême qui consiste à proposer une datation à partir de l’observation de l’état d’« usure » des lettrines, tant c’est une pratique délicate et très souvent incertaine [12]. Dès 1903, Abel Lefranc avait fourni et reproduit un argument décisif, malheureusement non repris dans la NRB, lorsqu’il avait décrit le seul exemplaire connu de NRB 111 :

6

On relève à l’intérieur de la reliure une inscription d’une authenticité incontestable qui atteste que l’ouvrage fut acheté à Paris, dès l’année de son apparition [1549], par un certain C. Mellinger* [*en note : Ce témoignage est utile en ce qu’il confirme la date de la mise en vente et qu’il prouve que cette dernière n’est pas supposée] [13].

7Les deux pseudo-Cinquiesme Livre sont donc sortis des presses parisiennes en 1549 pour l’un, aux alentours de cette même date pour l’autre, alors que Nicolas Buffet était encore vivant († en 1551).

8Si le Tiers Livre de « Jean Chabin » est imputable à la veuve de Nicolas Buffet, Valérienne Malet, la logique voudrait également que ce même nom présent sur la page de titre d’un Quart Livre de 1552 (NRB 51) cache le même atelier. Nous n’avons pas retrouvé les deux seules lettrines de cette impression dans la production Buffet. Néanmoins, comme les caractères romains semblent être les mêmes sur les pages reproduites dans la NRB, les deux productions « Chabin » sortent vraisemblablement des mêmes presses.

9Il n’est en définitive guère étonnant que l’atelier Buffet se soit intéressé aux textes rabelaisiens et pseudo-rabelaisiens, puisque cette officine avait fait de la vente de livres facétieux l’une de ses spécialités, donnant entre autres productions notables un intéressant Plaisant Devis du Pet, les Baliverneries ou Contes nouveaux d’Eutrapel de Noël Du Fail, une version en prose du Roman de RenartLe Docteur en malice, maistre Regnard –, ou encore un Disciple de Pantagruel[14].

NRB 52 : Quart Livre, s. l., 1553 [15] = Paris, Maurice Ménier

10Rawles et Screech (NRB, p. 267) ont signalé avoir retrouvé deux des onze capitales ornées de cette édition sur deux livres parisiens datés de 1548 et 1549, dont l’un fut assurément imprimé par François Girault (pour l’autre impression, le seul nom donné est celui du libraire). Néanmoins, en 1553, François Girault n’est plus parisien mais sénonais, et il semble avoir liquidé, au moment où il quitte Paris, entre 1551 et 1552, au moins une partie de son matériel. C’est son confrère Maurice Ménier qui en a récupéré certains éléments, notamment les deux lettrines en question, qui se voient très fréquemment dans sa production.

11En effet, six des onze lettrines utilisées pour ce Quart Livre apparaissent également sur Le Stile et Maniere de composer, dicter, et escrire toute sortes d’Epistres, ou lettres missives, tant par response que autrement…, imprimé par Maurice Ménier, également en 1553 (pour ne mentionner que la comparaison la plus probante, puisque les autres lettrines peuvent être aisément trouvées dès lors qu’on se penche sur le reste de la foisonnante production de cet atelier). Que le Quart Livre soit sorti des presses parisiennes de Ménier ne fait aucun doute. Nul besoin de s’attarder donc, d’autant que nous allons retrouver Maurice Ménier sur notre chemin pour des productions rabelaisiennes bien plus importantes.

NRB 49 : Quart Livre, Paris, « Michel Fezandat », 1552 [16] = Tours, Jean Rousset

12Il s’agit là d’une savoureuse contrefaçon de la seconde édition de Michel Fezandat, qui imite la marque de son modèle sur la page de titre, en donne l’adresse exacte et la date d’achevé d’imprimer au colophon (« le XXVIII. de Janvier M.D.LII. », soit la date de la première édition Fezandat du Quart Livre, conservée sur la seconde édition produite dans le même atelier). Un piratage aussi poussé est assez rare pour être souligné même si sa raison profonde demeure inexpliquée. Ne s’agirait-il pas du produit du travail d’un soigneux contrefacteur souhaitant donner à son public l’illusion qu’il allait lire une belle exclusivité, récemment sortie des presses parisiennes ? Le roman jouissait d’un succès de scandale après avoir été interdit de vente pendant quinze jours par le parlement de Paris, sur demande de la Sorbonne, ce qui pouvait donner une valeur marchande plus grande à un Quart Livre « Fezandat », quitte à ce que ce « Fezandat » soit quelque peu faisandé. Certes, le privilège fièrement annoncé sur la page de titre est absent du livre mais quel lecteur allait vraiment y faire attention ?

13Deux lettrines semblent nous permettre de présenter une attribution. Le S du f. 89 v° de ce Quart Livre est imprimé au f. A2 de La Complaincte de monsieur le Cul, Contre les Inventeurs des Vertugalles, « imprimé à Sens par Francoys Girault », en 1552 ; le M du f. 17 v° se trouve sur la même sympathique Complaincte, au f. A4. En outre, les caractères romains, de 85/86 mm pour 20 lignes sont identiques dans les deux livres. La Complaincte de monsieur le Cul est la plus ancienne impression sénonaise connue, les autres livres conservés de la production de François Girault à Sens datant de la période 1554-1556. François Girault avait été imprimeur à Paris entre 1546 et 1551 [17] avant de venir s’installer à Sens. Mais une difficulté se pose : nous ne retrouvons jamais le matériel de La Complaincte ou du Quart Livre pseudo-Fezandat dans les autres impressions sénonaises de Girault, où nous voyons en revanche réapparaître certains éléments de son matériel parisien antérieur. La raison en est fort simple : La Complaincte de monsieur le Cul ne fut pas imprimée à Sens, contrairement à ce qu’indique la page de titre, mais à Tours, chez Jean Rousset. La mention « imprimé à Sens » dut n’être qu’une variante d’émission pour une édition partagée, l’émission « imprim[ée] à Tours » ayant vraisemblablement disparu [18]. Peut-être François Girault, lorsqu’il s’installa à Sens, n’avait-il pas encore le matériel nécessaire pour redevenir imprimeur et fut-il seulement libraire dans un premier temps avant de pouvoir reprendre son véritable office quelques mois plus tard – et notamment en faisant venir à Sens son ancien matériel parisien.

14Le Quart Livre pseudo-Fezandat est indéniablement une édition tourangelle. On retrouvera par exemple au moins quinze lettrines du roman rabelaisien (et les mêmes caractères R 85) sur le Promptuaire des loix municipales […] extraict des Commentaires de M. Jehan Brèche…, imprimé par Jean Rousset en 1553, ou au moins onze lettrines communes sur Les Troys Premiers Livres de Claude Galien De la composition des medicamens en general, également imprimés par Rousset, en 1545 [19].

15Selon Jean Bernier, qui présentait en 1697 un essai de bibliographie rabelaisienne, « on dit, mais je ne l’ai pas vûë, qu’il y en a une [édition] de Tours, ainsi je ne sçai de quelle année », ce qu’il corrigeait en note marginale : « On se trompe, c’est celle de Lion 1542 par Pierre de Tours [20]. » Certes, ce n’est pas de ce Quart Livre que parlait Bernier mais la rumeur n’avait en l’occurrence pas totalement tort. Alors que la NRB ne recense aucun imprimeur tourangeau pour le grand auteur de Touraine que fut Rabelais, il y eut effectivement plusieurs éditions inavouées qui sortirent des presses de la rue de la Scellerie. À ce Quart Livre, il faut en effet adjoindre une autre édition tourangelle, que nous mentionnons rapidement car elle dépasse le cadre temporel que nous nous sommes fixé pour cet article : le Tiers Livre de 1546 (NRB 29), donné comme « Nouvellement Imprimé à Lyon » en caractères romains mais avec le privilège de François Ier imprimé en bâtarde gothique. Cette édition ne fut pas produite à Lyon mais à Tours, rue de la Scellerie. Ce livre semble être le résultat d’une collaboration entre Mathieu Chercelé et Jean Rousset. Les caractères gothiques du privilège (B 96/97) et la lettrine F sans filet appartenaient à Mathieu Chercelé [21]. En revanche, les lettrines B et P avec filets, que nous n’avons pas retrouvées, font plutôt penser au matériel de Rousset. Quant aux caractères romains du texte (R 71/72), c’est une fonte qui appartenait à Rousset [22]. Nous reviendrons infra sur certaines variantes propres à ce Tiers Livre. Et ce n’est pas la dernière édition de Rabelais que nous attribuerons aux imprimeurs tourangeaux…

16Avant d’en finir avec les diverses copies du Quart Livre parues en 1552 et 1553, disons quelques mots de deux éditions pour lesquelles nos recherches sont restées infructueuses. En premier lieu, le Quart Livre sans lieu, paru en 1552, et donné comme « reveu et corrigé pour la seconde edition » (NRB 47[23]) semble plutôt lyonnais au vu des lettrines utilisées [24]. Mais ce n’est qu’une impression… Quant au Quart Livre vendu « à Lyon, chez Baltasar Aleman » en 1552 (NRB 48), le singulier fleuron imprimé sur la page de titre est sans doute un des seuls ornements sur lequel pourrait s’appuyer une tentative d’identification. Guillaume Berthon nous a généreusement signalé que ce même ornement apparaissait sur une autre édition « lyonnaise » de 1552 d’un texte auparavant condamné par la faculté de Théologie [25] : La Bergerie ou Sermon tresutile du bon Pasteur et du mauvais : prins et extraict du 10. Chap. de S. Jehan. Ce livre porte l’adresse « à Lyon. Chez Robert le Bœuf » (et non « Robert le Boeve », comme on le lit parfois). La comparaison des pages de titre de ces deux livres nous conduit à penser qu’ils sont sortis du même atelier. Le nom de Robert le Bœuf, inconnu par ailleurs, est une pure invention qui se joue d’un écho avec une citation du Deutéronome (XXV, 4) présente sur la page de titre de La Bergerie : Bovi trituranti non obligabis os, c’est-à-dire « tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain ». La parole libre est ainsi revendiquée par le choix du patronyme du pseudo-imprimeur-libraire. Le nom de Baltasar Aleman, tout aussi inconnu, est vraisemblablement de la même nature fictive ; il faut peut-être l’entendre au sens de « Baltasar l’Allemand », un livre en provenance d’Allemagne sentant assurément le fagot ! Il n’y a aucune raison de croire en la réalité de ce Baltasar et la provenance lyonnaise est elle aussi à prendre avec précaution, même si nous ne sommes pour l’instant pas en mesure de proposer une quelconque attribution [26].

Les Œuvres en quatre livres

NRB 58 : Les Œuvres, s. l., 1553 [27] = Lyon, Thomas Bertheau

17Cette édition est intéressante à plusieurs titres. En premier lieu, c’est la première fois que le terme d’« œuvres » est employé pour désigner les fictions rabelaisiennes [28]. En outre, c’est vraisemblablement cette édition que Ronsard avait sous la main lorsqu’il rédigea son épitaphe de Rabelais, parue en 1554 dans Le Bocage, puisqu’il y reprend une erreur présente sur la page de titre, à savoir l’indication selon laquelle Panurge serait le fils de Gargantua (la vie, faicts et dicts Heroiques de Gargantua, et de son filz Panurge).

18Cette édition présente une trentaine de capitales ornées différentes, pour la plupart des petites lettrines carrées de 12 mm. Nous en avons retrouvé au moins seize sur un livre imprimé par Thomas Bertheau en 1549, le Primum volumen tractatuum ex variis juris interpretibus collectorum. Cet imprimeur, spécialisé dans l’édition juridique et particulièrement dans les grands in-folio sur deux colonnes où il faisait un usage parfois intensif de diverses lettrines de petite taille, est sans conteste un invité inattendu au sein de la cohorte d’imprimeurs rabelaisiens. Il n’a pas dû imprimer Rabelais de son propre chef mais plutôt répondre à une commande d’un libraire lyonnais. Nous pourrions tenter de chercher ce libraire anonyme au sein des collaborateurs réguliers de Thomas Bertheau mais ce serait peine en partie perdue puisque les noms de libraires qui apparaissent comme ses collaborateurs sont justement des commanditaires d’éditions juridiques (à cette époque, Bertheau imprime en général pour la compagnie des libraires lyonnais, pour les héritiers de Jacques Giunta ou les frères Senneton). Une commande aussi singulière pour cet atelier que Les Œuvres de Rabelais pourrait donc tout à fait provenir d’un libraire non recensé parmi ses commanditaires habituels.

19En outre, cette publication a tout l’air d’être un coup de libraire opportuniste mais qui connaissait assez mal le texte rabelaisien. La coquille sur la page de titre, qui fait de Panurge le fils de Gargantua, pourrait notamment s’expliquer par la confusion entre les romans rabelaisiens et un autre corpus qui était parfois diffusé de concert (voir en particulier NRB 124 et 130) : Les Chroniques de Gargantua et Panurge, le disciple de Pantagruel.

20À la suite de cette première édition des quatre Livres réunis, trois autres vont s’intituler Œuvres, deux en 1556 (NRB 59 et 60) et une en 1559 (NRB 61), pour lesquelles nous n’avons aucune identification matérielle à proposer. À ce moment-là, le marché de l’édition rabelaisienne semble s’essouffler quelque peu mais va se réveiller brutalement avec l’arrivée du Cinquiesme Livre. À la question posée dans le premier vers de l’épigramme imprimée à la fin du Cinquiesme Livre : « Rabelais est-il mort [ ?] », nous pourrions répondre par un autre vers tiré d’un coq-à-l’âne des années 1530 et qui parlait de Villon : « Mort, c’est bien dict. Non est, il dort [29]. »

L’Isle sonante

NRB 53 : L’Isle sonante, s. l., 1562 [30] = Tours, Jean Rousset

21De ce premier état de ce qui deviendra deux ans plus tard le Cinquiesme Livre ne reste qu’une seule édition, connue par un unicum conservé à la BnF. Pour identifier l’imprimeur, plusieurs éléments matériels peuvent être exploités outre les caractères romains : la grande feuille de vigne imprimée sur le premier feuillet, l’unique lettrine présente au début du texte, et le filigrane du papier.

22La grande feuille de vigne (de 18 sur 25,3 mm, selon les mesures de H. Vervliet, dont on ne cherchera pas à concurrencer la précision [31]) imprimée sur la page de titre de L’Isle sonante se trouve également sur le premier feuillet de La Complaincte de monsieur le Cul dont il a été question supra. Quant à la seule lettrine de cette première version du Cinquiesme Livre, un C (f. A2), elle est imprimée par deux fois dans le Quart Livre pseudo-Fezandat que nous venons d’attribuer à Jean Rousset (f. 48 v° et 162). Par conséquent, retour dans la province originelle de Panurge, « au jardin de France, c’est Touraine ».

23Les auteurs de la NRB (p. 272) avaient mis en évidence que le filigrane en forme de cœur était comparable à ceux que Briquet avait trouvés sur du papier en provenance d’Indre-et-Loire (Briquet, n° 4217 et surtout 17557) mais n’ont pas suffisamment suivi cette piste qui était pourtant décisive. S’il était en effet difficile de retrouver la lettrine et la feuille de vigne ailleurs que sur les impressions que nous avons indiquées, les caractères romains utilisés pour imprimer le texte de L’Isle sonante pouvaient également permettre d’identifier l’atelier de Jean Rousset. Ces caractères font la même taille que ceux de La Complaincte de monsieur le Cul ou du Quart Livre pseudo-Fezandat (85/86 mm pour 20 lignes) mais ne sont en revanche pas de la même fonte. Ils sont beaucoup plus frustes et il arrive d’y voir quelques caractères italiques – essentiellement le « R » sur L’Isle sonante – mélangés au sein de la casse. Cette fonte et ce même mélange sporadique des italiques mal rangés dans la casse des caractères romains se retrouvent fréquemment sur différentes éditions sorties des presses de Jean Rousset dans les années précédentes, par exemple sur la Commission par laquelle le roy entend faire convocation et assemblee generalle des trois Estatz de son Royaume en la Ville de Meaux… (1560) ou sur l’Edict du roy sur l’imposition et subside, qu’il entend estre levé pour aucun temps… (1561).

24Quant à la date exacte de publication de L’Isle sonante, nous nous contenterons de rappeler l’hypothèse convaincante de Michel Simonin, qui avait plaidé pour une impression postérieure au massacre de Vassy, le 1er mars 1562 [32]. Deux ans après L’Isle sonante paraîtra la première des quatre éditions indépendantes conservées du Cinquiesme Livre. Nous allons cependant pour les commodités de la démonstration envisager ces éditions sans suivre leur ordre chronologique.

Le Cinquiesme Livre

NRB 56 : Cinquiesme Livre, Lyon, Jan Martin, 1565 [33] = Lyon, Hugues Barbou

25Toutes les éditions indépendantes du Cinquiesme Livre n’emploient que deux lettrines, placées au même endroit, un B au début du prologue et un C en ouverture de la table des matières. La capitale ornée B à double filet (f. A2) de cette édition est imprimée sur le Petit Traité de Arnalte et Lucenda…, Lyon, Balthazar Arnoullet pour Eustace Barricat, 1555, f. e3. Le C (f. N2) se trouve à plusieurs reprises dans le Tresor des remedes secretz, par Evonyme Philiatre, Lyon, veuve de Balthazar Arnoullet pour Antoine Vincent, 1559 (première occurrence au f. b4 v°) mais aussi sur La Premiere Partie des secrets du S. Alexis Piemontois, imprimée en 1565 par Hugues Barbou pour Louis Cloquemin (f. A2).

26L’imprimeur de ce Cinquiesme Livre est donc Hugues Barbou, fils de l’imprimeur-libraire Jean Barbou. Hugues avait pris la direction de l’atelier Arnoullet, à la suite de sa sœur Denise Barbou, veuve de Balthazar Arnoullet. Le dernier livre rabelaisien paraît lors de la dernière année d’activité d’Hugues Barbou à Lyon, avant que ce dernier ne liquide le matériel de la maison pour partir s’installer comme imprimeur à Limoges [34].

27Les quatre exemplaires conservés de cette édition ne sont jamais reliés à des Œuvres de Rabelais, ce qui pourrait être le signe qu’il n’y avait alors pas d’édition récente en vente à Lyon pour compléter le Cinquiesme Livre, contrairement à ce qu’on observe pour les éditions suivantes.

NRB 54 : Cinquiesme Livre, s. l., 1564 [35] = Paris, Maurice Ménier. NRB 57 : Cinquiesme Livre, Lyon, s. n., 1565 = Paris, atelier non identifié. NRB 62 : Œuvres, Lyon, s. n., 1564 = Paris, Maurice Ménier ?

28Il est nécessaire d’évoquer ces trois éditions de manière simultanée car la manière dont elles sont conservées permet de reconstruire la chronologie des impressions. En effet, le Cinquiesme Livre de 1564 (NRB 54) et celui de 1565 sont très souvent conservés en étant reliés avec les Œuvres de 1564 (NRB 62). On peut donc en inférer qu’en 1564 le Cinquiesme Livre fut d’abord donné comme une nouveauté indépendante. Ensuite fut lancée l’impression des Œuvres rassemblant les quatre premiers livres, peut-être pour répondre à la demande et profiter du succès de ce Rabelais ressuscité. Une fois le premier Cinquiesme Livre épuisé, une nouvelle édition fut lancée en 1565, généralement vendue avec les mêmes Œuvres. Cette édition du Cinquiesme Livre a la particularité de présenter un nouveau bois pour la bouteille du Cinquiesme Livre (que nous appellerons, suivant la NRB, version D), beaucoup plus commode que ses prédécesseurs. Auparavant, le bois dépassait les mesures d’une page de texte et imposait donc qu’il soit imprimé à part sur une feuille volante qui était insérée et pliée au moment de la reliure. Le nouveau bois tient parfaitement sur la dimension d’une page imprimée normale. Enfin, en 1565, l’ensemble étant épuisé, une nouvelle édition fut lancée, reprenant le même bois (D) pour la bouteille : ce sera la première édition des Œuvres « complètes », de Gargantua au Cinquiesme Livre (NRB 63).

29La lettrine B du Cinquiesme Livre de 1564 (f. A2) se trouve dix ans plus tôt sur une édition des Oribasii Sardiani Synopseos ad Eustathium Filium lib. novem… procurée par Maurice Ménier pour Oudin Petit (p. 105). Surtout, les deux lettrines du Cinquiesme Livre, le B mais aussi le C (f. N2) sont imprimées la même année 1564 dans l’édition princeps de L’Agriculture et Maison rustique de Charles Estienne, imprimée pour Jacques Du Puis [36]. Nous reconnaissons aisément sur ce beau livre garni de nombreuses lettrines le matériel de Maurice Ménier, officiant pour le libraire parisien Jacques Du Puis [37]. Ainsi, c’est à nouveau de chez Ménier que sort un roman rabelaisien, et ce ne sera assurément pas la dernière fois. Soulignons que dans ces mêmes années, l’atelier Ménier avait imprimé à de nombreuses reprises des opuscules de propagande et des textes huguenots, notamment pour Geneviève Landry, femme de Charles Langelier. Le Cinquiesme Livre ne fut donc pas le seul texte subversif à sortir de ces presses en 1564 [38].

30Il est plus difficile d’affirmer qui fut l’imprimeur des Œuvres de 1564, livre imprimé sans lettrine, bandeau ni fleuron. Néanmoins, Richard Cooper, qui a pu comparer côté à côte, à la British Library, l’édition du Cinquiesme Livre de 1564 et les Œuvres de la même année, « a l’impression que c’est le travail du même imprimeur, et que le libraire entendait vendre les cinq volumes ensemble [39] ». En effet, les caractères du texte (R 67) semblent bien être les mêmes dans les deux éditions. Il y a donc de fortes chances que Maurice Ménier soit également l’imprimeur de cette édition.

31Quant au Cinquiesme Livre de 1565, il sort assurément d’un atelier parisien et pas seulement car les exemplaires conservés sont reliés aux Œuvres de 1564. Les deux capitales ornées de type gothique présentes sur l’imprimé sont d’anciennes lettrines d’Alain Lotrian [40]. Nicolas Chrestien fut le successeur d’Alain Lotrian rue Neuve-Notre-Dame à l’enseigne de l’écu de France. À la mort de ce dernier en 1557, sa veuve semble avoir donné quelques impressions mais nous nous garderons d’affirmer qu’elle était encore en activité en 1565. Un autre imprimeur a pu collaborer puis succéder à Nicolas Chrestien à l’écu de France : Richard Roux mais il meurt en 1562. Ainsi, nous ne savons pas quel atelier parisien fut mandaté pour l’impression de ce Cinquiesme Livre.

Les Œuvres imprimées avec la version D de la bouteille

32Nous avons écrit que le bois représentant la bouteille dans NRB 57 était beaucoup plus pratique que les bois antérieurs. C’est justement ce bois qui va servir dans un nombre considérable de nouvelles impressions des Œuvres, sept pour être précis [41], dont S. Rawles et M. Screech ont donné la liste (NRB, p. 11). Si le bois est identique, les imprimeurs de ces éditions ne sont pas tous les mêmes, comme nous allons le démontrer.

NRB 63 : Œuvres, Lyon, s. n., 1566 (avec un Cinquiesme Livre daté de 1565) = Paris, Maurice Ménier ?

33Faute d’exemplaire conservé dans les bibliothèques françaises, nous n’avons pour l’instant pas pu consulter cette édition, dont le texte est dépourvu de capitales ornées. Néanmoins, le bois (98-99 mm sur 65-66 mm) qui sert d’encadrement pour les pages de titre des Œuvres et du Cinquiesme Livre ne nous est pas inconnu. Nous l’avons rencontré sur les pages de titre de la première et de la troisième partie des Diverses Leçons de Pierre Messie gentilhomme de Sevile de 1564, impression de Maurice Ménier [42] pour les libraires parisiens Mathurin Prévost et Claude Micard. Le même bois est repris pour la réédition des Diverses Leçons en 1566, partagée entre les deux mêmes libraires. Nous en connaissons une dernière occurrence, sur la page de titre des Cent et Dix Consyderations divines de Jan de Val d’Esso, également imprimées par Maurice Ménier pour Mathurin Prévost, qui partage cette fois-ci les coûts d’impression, non pas (« voire », dirait Panurge…) avec son habituel acolyte Claude Micard mais avec Jan Martin, à Lyon ! Laissons cette surprise non négligeable en attente ; nous y reviendrons dans la seconde partie de l’article.

34Ajoutons que la disposition du titre est la même dans les Œuvres de Rabelais que sur les Diverses Leçons de Pierre Messie et que la collation (pour les quatre premiers livres, bien entendu) est la même dans ces Œuvres en cinq livres de 1566 que dans les Œuvres en quatre livres de 1564. Ainsi, même si nous n’en sommes pas totalement certain, Maurice Ménier apparaît à nouveau comme une hypothèse d’imprimeur très vraisemblable.

NRB 65 : Œuvres, Lyon, Jean Martin, 1569 [43] = Paris, Maurice Ménier

35L’encadrement de la page de titre de cette édition est le même que sur les Œuvres de 1564 (NRB 62). S’y trouvent de nombreuses lettrines communes avec les Diverses Leçons de Pierre Messie imprimées pour Claude Micard cette même année 1569. Les auteurs de la NRB (p. 275 et 279) avaient déjà remarqué qu’une des lettrines se trouvait également sur le Cinquiesme Livre de 1564. Ces diverses capitales ornées et les deux fleurons imprimés nous ramènent avec certitude au matériel de Maurice Ménier.

NRB 64 : Œuvres, Lyon, Jean Martin, 1567 [44] = Rouen, Georges Loyselet. NRB 66 : Œuvres, Lyon, Pierre Estiart, 1571 [45] = Rouen, Georges Loyselet. NRB 72 : Œuvres, Lyon, Jean Martin, 1584 [46] = Rouen, Georges Loyselet

36Il est nécessaire de traiter ces trois éditions de concert. Les auteurs de la NRB avaient remarqué (p. 297) qu’au moins cinq lettrines étaient communes entre l’édition « Estiart » de 1571 et celle de « Jean Martin » de 1584, la dernière à imprimer la version D de la bouteille. Mais on peut ajouter que l’édition de 1571 sort des mêmes presses que celle de 1567 [47]. La comparaison des deux éditions ne laisse aucun doute. Pour la partie que nous avons pu comparer (le seul Cinquiesme Livre), on y voit les mêmes caractères pour le texte (R 53/54), les mêmes lettrines (dans plus de la moitié des cas, la même lettrine a été conservée au même emplacement) et les mêmes bandeaux. Ainsi, on peut affirmer sans hésitation que le même imprimeur a donné ces trois éditions malgré les adresses divergentes de « Jean Martin » et « Pierre Estiart ».

37Le matériel de l’édition « Estiart » de 1571 se retrouve sur de nombreuses éditions imprimées pour Claude Micart, comme les Diverses Leçons de Pierre Messie gentilhomme de Sevile (1572) ou Les Œuvres de Publie Virgile Maron, prince des poetes latins (1574). Malheureusement, l’imprimeur ne se signale pas explicitement. Pour lever le voile, il suffit de comparer ces différents livres avec L’Horloge des princes imprimé en 1576 à Rouen par Georges Loyselet pour Claude Micard : au moins quinze lettrines sont communes avec les Œuvres de 1567 [48].

NRB 68 : Œuvres, Lyon, Pierre Estiard, 1573/1574 (Anvers, François Nierg, 1573 pour le Cinquiesme Livre) [49] = Paris, Olivier de Harsy

38Pour trouver le nom de l’imprimeur de l’édition des Œuvres de 1573 ou 1574 (deux états conservés pour cette même édition [50]), il est commode de la comparer avec des productions presque contemporaines comme Le Decameron imprimé en 1572 par Olivier de Harsy pour lui-même et différents libraires parisiens (Jean Ruelle, Claude Micard, Claude Gaultier) ou la traduction française des Epistres dorées et Discours salutaires de Guevara, imprimées en 1573 à nouveau par Olivier de Harsy (pour lui-même, Claude Gaultier, Gabriel Buon et Jean Ruelle). Au moins une dizaine de lettrines sont communes à ces différentes éditions. En outre, le fleuron imprimé au f. a2 v° des Epistres dorées est similaire (mais imprimé dans un sens différent) à celui qui est présent par deux fois sur l’édition rabelaisienne (sur la page qui précède Le Cinquiesme Livre et à la fin du volume). Olivier de Harsy est donc l’imprimeur de NRB 68.

NRB 69 : Œuvres, Lyon, Pierre Estiard, 1573 [51] = Paris, Jean Le Blanc

39Sur les vingt-cinq lettrines utilisées au cours de l’impression de ce texte, treize sont communes avec une édition des œuvres commentées de Plaute, procurée par l’imprimeur parisien Jean Le Blanc pour son confrère libraire Jean Macé en 1576 [52]. C’est donc Jean Le Blanc qui s’est chargé d’imprimer ces Œuvres de Rabelais.

40Notons que certaines lettrines de Jean Le Blanc sont extrêmement proches de celles qu’on voit chez Olivier de Harsy, les fines différences ne se voyant parfois qu’à grand renfort de besicles. L’un des deux imprimeurs avait manifestement fait copier le matériel de son confrère.

Œuvres avec la collation 9

41L’édition Estiard de 1573 sortie des presses de Jean Le Blanc inaugure une composition d’ensemble (collation n° 9 dans la NRB) qui est suivie par de nombreuses éditions avec différents bois pour illustrer la bouteille du Cinquiesme Livre. Nous avons déjà évoqué une de ces éditions (Jean Martin, 1584, NRB 72), qui imprimait la version D de la bouteille. Il en reste trois autres à envisager, qui donnent à voir deux autres versions du bois de la bouteille (G et H).

NRB 71 : Œuvres, Lyon, Pierre Estiard, 1580 [53] = Paris, Jean Du Carroy

42Jean Du Carroy est l’imprimeur de cette édition présentant la version G de la bouteille. Pour s’en convaincre, on comparera avec profit la petite trentaine de lettrines employées pour l’impression rabelaisienne avec celles de la Declamation contre l’erreur execrable des Maleficiers, Sorciers, Enchanteurs, Magiciens, Devins, et semblables observateurs des superstitions…, Paris, chez Jean du Carroy Imprimeur, 1578. Plus de dix capitales ornées sont les mêmes. Une comparaison similaire avec un autre livre sorti des presses de Du Carroy donne un résultat équivalent : au moins douze lettrines des Epistres dorées et Discours salutaires imprimées en 1577 par Jean du Carroy pour Emmanuel Richard sont communes avec les Œuvres de 1580.

NRB 73 : Œuvres, Lyon, Jean Martin, 1586 = même imprimeur que NRB 74 ? NRB 74 : Œuvres, Lyon, Jean Martin, 1588 [54] = Rouen, Georges Loyselet

43Le bois de la bouteille (H) est encore différent pour ces deux éditions mais le ou les imprimeurs n’ont peut-être pas changé. Nous mentionnons rapidement les Œuvres de 1586, que nous n’avons pas pu consulter, car leur collation (n° 9 dans la NRB) est la même que celle de 1588 et que le bois de la bouteille (H) aussi est identique. Il se peut donc que ce soit le même imprimeur pour ces deux éditions, simple hypothèse qu’il faudra vérifier par une analyse d’un des exemplaires conservés.

44Pour trouver l’imprimeur des Œuvres de 1588, il suffit de se reporter aux Œuvres de 1584. Vingt-cinq lettrines sont communes aux deux impressions. Le même constat s’impose pour le fleuron imprimé à la fin du Quart Livre, ainsi que pour le plaisant bandeau visible au-dessus de la table des matières de Gargantua et Pantagruel (f. C2). L’imprimeur de NRB 74 est donc à nouveau Georges Loyselet.

Les Œuvres à l’adresse « Anvers, François Nierg »

NRB 67 : Œuvres, Anvers, François Nierg, 1573 [55] = Montluel, Sébastien Jaquy et Claude Lescuyer pour Lyon, Charles Pesnot. NRB 70 : Œuvres, Anvers, François Nierg, 1579 [56] = Lyon, imprimeur non identifié

45Selon Eugénie Droz [57], l’édition des Œuvres de 1573, signée « Anvers, François Nierg » (NRB 67) aurait en réalité été imprimée à Montluel par Sébastien Jaquy et Claude Lescuyer pour Charles Pesnot. Nous n’avons pas pu vérifier cette attribution à partir du matériel de Jaquy et Lescuyer mais la démonstration d’E. Droz semble très convaincante.

46L’autre édition signée à la fausse adresse anversoise de François Nierg est assurément lyonnaise ; nous y retrouvons deux petites lettrines carrées de 12 mm auparavant utilisées sur les Œuvres de 1553 et qui faisaient alors partie du matériel de Thomas Bertheau, mais nous ignorons chez quel imprimeur lyonnais elles étaient passées en 1579.

47Remarquons seulement que dans les années 1570 les imprimeurs parisiens de Rabelais usaient des pseudonymes « lyonnais » de Pierre Estiard et surtout Jean Martin, tandis que les imprimeurs lyonnais employaient une adresse « anversoise [58] ».

Pastiches rabelaisiens : Le Disciple de Pantagruel et la Mytistoire barragouyne

48Pour terminer ce parcours des imprimeurs et avant d’en venir à la question des libraires, nous souhaiterions constater et mettre en valeur l’écart existant entre les textes de Rabelais et deux de ses meilleures imitations. Tandis qu’aucun libraire ne s’affiche sur les pages de titre des éditions rabelaisiennes, les éditions du Disciple de Pantagruel qui paraissent dans les mêmes années sont toutes signées. En particulier, un libraire essentiel, Claude Micard, n’hésite pas à faire apparaître son nom sur le premier feuillet de La Navigation Du Compaignon à la Bouteille… (NRB 143), parue en 1576, édition richement illustrée et qui s’ouvre sur le poème et le bois de la bouteille du Cinquiesme Livre (version D).

49Nous mentionnons cette édition surtout parce que le seul exemplaire connu est conservé au sein d’un important recueil factice [59] qui regroupe trois textes comiques et parodiques. Avant La Navigation se lit la Mytistoire barragouyne de Fanfreluche et Gaudichon (Lyon, Jean Dieppi, 1574) et, à sa suite, Les Ordonnances generalles d’amour (en Enveres, Pierre Urbert, 1574) d’Étienne Pasquier. Or ces deux titres présentent des adresses d’impression qui fleurent bon la mystification.

50Le nom d’imprimeur ou de libraire anversois Pierre Urbert n’est connu que pour deux éditions de 1574 du mandement joyeux de Pasquier. Alors que l’édition reliée avec La Navigation du compaignon à la bouteille donne à lire l’orthographe fautive « Enveres », l’autre édition présente une graphie correcte « Anvers ». Le matériel est radicalement différent entre ces deux éditions. Celle qui est reliée à la suite du pastiche rabelaisien est vraisemblablement parisienne, tandis que l’autre édition nous donne plutôt l’impression d’être lyonnaise, mais nous n’avons pas cherché davantage à élucider quels imprimeurs réels se cachent derrière ces deux « Pierre Urbert ». Quant à la Mytistoire barragouyne, elle mérite que nous lui consacrions un développement autonome.

Mytistoire barragouyne de Fanfreluche et Gaudichon, Lyon, Jean Diepi, 1572 = Paris, Maurice Ménier. Mitistoire barragouyne de Fanfreluche et Gaudichon, Lyon, Jean Dieppi, 1574 = Paris, atelier incertain

51L’histoire éditoriale de ce très intéressant pastiche rabelaisien est mystérieuse. Deux éditions lyonnaises sont portées disparues ; il s’agirait d’un in-8° paru en 1559 et d’un in-16° paru en 1560, d’après Brunet, qui n’en connaissait pas d’exemplaire mais rapportait ce qu’il avait pu lire dans la Bibliothèque des romans de Lenglet Du Fresnoy [60]. Viennent ensuite deux éditions chez « Jean Diepi » en 1572 et « Jean Dieppi » en 1574, avant que le roman ne soit réimprimé à Rouen pour le libraire Nicolas Lescuyer, en 1575 [61] et 1578 [62].

52L’adresse de « Jean Dieppi » n’est pas limitée à la Mytistoire, puisqu’elle apparaît aussi sur un livre de 1573, une adaptation française d’un texte d’Alessandro Piccolomini, de la plume de Marie de Romieu, intitulée Instruction pour les jeunes dames. Depuis Bernard de La Monnoye, on a souvent voulu voir dans ce « Jean Dieppi » un pseudonyme facétieux du véritable imprimeur lyonnais Jean Pidié [63]. Nul besoin d’imaginer Pidié s’essayer au verlan (d’autant plus qu’il n’était apparemment plus actif [mort ?] depuis bien longtemps) car cette adresse, tout comme celles que nous avons rencontrées pour le corpus rabelaisien, n’a de lyonnais que le nom.

53La lettrine M qui se trouve au f. A2 de l’Instruction pour les jeunes dames est présente sur une impression parisienne, sans que nous puissions en déterminer avec exactitude l’imprimeur [64]. Quant à la Mytistoire, si certaines illustrations sont communes aux éditions de 1572 et 1574 (bois parfois repris pour illustrer les mêmes chapitres d’une édition à l’autre), les caractères, lettrines et autres ornements typographiques relèvent de deux matériels différents. L’édition de 1572 est imputable à l’atelier de Maurice Ménier [65]. Celle de 1574 nous pose davantage de difficultés. Des quatorze lettrines utilisées sur cette impression, deux sont de type gothique : un C (f. A2 v°) et un V (f. D3). Ce sont d’anciennes lettrines de Chrestien Wechel [66], reprises par son beau-fils Charles Périer [67]. En 1574, ces lettrines appartenaient peut-être au gendre et successeur de Périer, Guillaume Auvray. Certaines autres lettrines (sans filet, avec fond blanc, lettre noire et rinceaux, parmi les motifs les plus copiés à l’époque) se retrouvent dans des publications signées par Jean Ruelle [68], libraire mais aussi imprimeur (et nous ne savons pas si c’était le cas ici). Pour l’instant, nous ne parvenons pas à faire l’entière lumière sur ce matériel [69] ; retenons seulement qu’il s’agit assurément d’une impression parisienne.

54Les deux éditions « Jean Diep[p]i » sont illustrées avec des bois vraisemblablement fournis par le libraire Claude Micard, qui ne présentent généralement que peu de rapport avec le texte, puisque ce sont de simples réemplois. Plusieurs de ces bois proviennent notamment du lot d’illustrations gravées pour une réédition de L’Âne d’or d’Apulée (1570) [70]. Par exemple, le même bois présent sur La Navigation du compaignon à la bouteille (Claude Micard, 1576, f. E6) et sur les deux éditions de la Mytistoire (« Jean Diepi », 1572, chap. ii ; « Jean Dieppi », 1574, chap. vi) était à l’origine une illustration du premier chapitre du livre V d’Apulée : « Comment Psyches estant en la montaigne veit plusieurs belles chasses, et comment son espoux coucha secretement avec elle [71]. » C’est le libraire, Claude Micard, qui désire vendre des éditions illustrées et, à cette fin, prête les bois aux divers imprimeurs qu’il emploie.

55Les éditions du Disciple de Pantagruel et de la Mytistoire barragouyne fournissent un intéressant point de comparaison avec celles des Œuvres de Rabelais. Imprimées dans la même période, elles présentent trois situations différentes : alors que Rabelais est toujours imprimé sans le vrai nom d’imprimeur et de libraire, le Disciple de Pantagruel apparaît comme un texte inoffensif sur lequel les libraires affichent toujours ouvertement leur identité. La Mytistoire – qui sera mise à l’index de l’inquisition espagnole [72] – donne, elle, à voir un phénomène plus contrasté : les éditions parisiennes sont inavouées mais le libraire rouennais Nicolas Lescuyer n’hésite pas à vendre le pastiche rabelaisien sans se cacher.

Les libraires au moment de la parution du Cinquiesme Livre puis des Œuvres

56Pour aborder la question des libraires ayant assuré la diffusion des textes rabelaisiens, nous allons resserrer notre corpus en le limitant aux seules éditions du Cinquiesme Livre et des Œuvres à partir de 1564.

La circulation du matériel

57L’un des aspects les plus notables de cet ensemble d’éditions concerne la manière dont certains éléments du matériel ont circulé entre divers ateliers. En particulier, la version D du bois de la bouteille est passée en l’espace de vingt ans, de 1565 à 1584, dans au moins quatre ateliers différents, trois parisiens (Maurice Ménier, Olivier de Harsy, Jean Le Blanc) et un rouennais (Georges Loyselet). Ce bois n’appartenait donc en propre à aucun de ces imprimeurs mais devait être fourni par le(s) commanditaire(s) de ces différentes éditions. Ainsi, certains exemplaires de l’édition Estiard datée de 1573 ou 1574 sont imprimés sans la bouteille, ce qui provient vraisemblablement du fait qu’Olivier de Harsy avait commencé l’impression alors qu’il n’était pas encore en possession du bois, peut-être resté dans un autre atelier.

58Autre élément intéressant du matériel : deux des éditions sur lesquelles nous avons travaillé présentent un portrait de l’auteur gravé dans un médaillon. La première à innover en ce sens est celle des Œuvres de 1569, qui abuse avec gourmandise de cette nouveauté typographique dans la production rabelaisienne, puisque le portrait est imprimé à cinq reprises au sein du volume, marquant divers seuils : au dessus du dizain « Aux lecteurs » de Gargantua, du dizain « À l’esprit de la Royne de Navarre », à la fin du Tiers Livre, au-dessus de l’épigramme de « Nature Quite », qui ouvre le Cinquiesme Livre, et à la toute fin du volume. En sacrifiant au goût typographique du temps (ce genre de médaillons avec le portrait de l’auteur placé au verso du premier feuillet étant très fréquent à l’époque), Maurice Ménier ne fait pas les choses à moitié ! En 1571, l’idée est conservée dans l’édition imprimée par Georges Loyselet mais le portrait a été regravé. Cette seconde version du bois employée à Rouen va ensuite revenir à Paris et se retrouve sur une édition d’Hérodien en 1572, imprimée par Maurice Ménier, où elle sert à figurer l’empereur Gordien [73]. En 1577, le bois repart à Rouen, chez Georges Loyselet, pour incarner Charles Quint (!) [74]. Enfin, il représente Clément Marot sur la page de titre d’une édition des Œuvres du poète imprimée pour Claude Micard en 1577 [75], puis sur une réédition de 1579, partagée par de nombreux libraires parisiens (Jean De Bordeaux, Thomas Belot, Noël Le Coq, etc. [76]).

59Il est surtout nécessaire de revenir sur les encadrements des pages de titre. Un encadrement en particulier a été employé sur plusieurs éditions des Œuvres : dans un premier état en 1564 (NRB 62) et 1569 (NRB 65), dans un second état en 1571 (NRB 66) et 1573/74 (NRB 68). Entre ces deux périodes, le bois a été retravaillé pour faire disparaître le mascaron qui se trouvait dans la partie inférieure, l’espace vide ainsi créé pouvant dorénavant servir à accueillir l’adresse fictive, le pseudo-nom d’imprimeur (ou de libraire), ainsi que la date de l’édition. Rawles et Screech avaient rapproché à juste titre cet encadrement d’un bois récurrent dans les éditions imprimées pour le libraire Claude Micard (NRB, p. 294 et 297) [77], presque identique à quelques différences près. Nous pouvons retirer le presque et affirmer que l’encadrement spécifiquement utilisé pour les éditions rabelaisiennes a aussi été employé pour une production autre, une édition des Diverses Leçons de Pierre Messie en 1572, vendue « chez Claude Micard ».

60On pourrait s’étonner de cette circulation des principaux ornements typographiques d’un atelier à l’autre. Pourquoi par exemple la bouteille n’a-t-elle pas été regravée ? Cette circulation est la preuve de la répartition du matériel dans le domaine de la production imprimée de ces années-là. L’imprimeur procure certains ornements qui lui appartiennent : lettrines, fleurons, bandeaux, mais les ornements plus grands comme les illustrations sont souvent à la charge du libraire, qui fait le choix de vendre ou non une édition illustrée. Le bois de la bouteille est un élément typographique essentiel à la mise en livre du Cinquiesme Livre, le fait que les lecteurs trouveront « l’oracle de la Dive Bacbuc et le mot de la Bouteille » étant annoncé dès les pages de titre. Ainsi, le libraire est attentif à fournir ce bois aux divers imprimeurs avec qui il travaille. Quant aux encadrements, ils identifient nettement la production imprimée vendue par un libraire, assurant une cohérence visuelle, donnant l’apparence d’une « collection » aux divers livres qu’il vendait [78].

L’implication de Claude Micard et de ses confrères parisiens

61La conséquence du point précédent est évidente, et elle avait déjà été remarquée par les auteurs de la NRB : le principal libraire lié aux éléments matériels qui se voient sur les éditions rabelaisiennes (ainsi que sur les deux éditions « Dieppi » de la Mytistoire) est le parisien Claude Micard. Cela vaut pour l’encadrement dont nous venons de parler mais aussi pour l’encadrement des Œuvres de 1565/66 ou pour le bois de la Bouteille (version D) réutilisé sur une édition de La Navigation du compaignon à la Bouteille (1576). En outre, les principaux imprimeurs que nous avons pu évoquer ont tous travaillé explicitement sur d’autres ouvrages pour Micard, que ce soit Jean Du Carroy, Olivier de Harsy, et surtout Maurice Ménier et Georges Loyselet.

62Claude Micard est un libraire installé rue des Poirées et au Palais en 1555 [79] mais dont on perd aussitôt la trace. Ce n’est qu’en 1564 qu’il refait surface, année essentielle de parution à Paris du Cinquiesme Livre et des Œuvres de Rabelais. Il est spécialisé dans la vente d’ouvrages vernaculaires de petit format. Dans deux textes liminaires, il se montre particulièrement soucieux de l’édification de la jeunesse par la transmission, grâce aux traductions, des grands historiens et poètes anciens [80]. En Clément Marot, il préfère voir l’excellent traducteur plutôt que l’auteur de L’Adolescence clémentine :

63

Je desirerois, amy Lecteur, que Clement Marot Prince de nos Poëtes François, se fust occupé à traduire toutes les œuvres de Virgile de bout en bout, plustost que de s’estre amusé à escrire plusieurs choses legeres et de nulle consequence [81].

64Mais cela ne l’empêche pas de donner en 1577 une édition des Œuvres de Marot. La prédilection de Micard pour les ouvrages en vernaculaire pouvait l’amener à être un des principaux diffuseurs de Rabelais, auteur auquel une partie de sa clientèle ne devait pas être insensible.

65Néanmoins, la diffusion de Rabelais sous les masques de Jean Martin ou de Pierre Estiard ne dut pas se limiter à la seule boutique de Claude Micard. Ce dernier avait bien des collègues avec qui il partageait les frais d’impression, Mathurin Prévost en particulier, dont on a pu voir qu’il usait tout autant que Micard de l’encadrement qui se trouve sur les Œuvres de Rabelais de 1565/66. Et l’on pourrait plus généralement dresser la liste de tous les collaborateurs de Claude Micard à cette époque, chacun de ces libraires ayant pu à un moment donné être intéressé au financement des livres rabelaisiens qui se vendaient très bien. En ne prenant qu’une période courte, entre 1564 et 1567, on peut ainsi répertorier dix-sept libraires ayant partagé une ou plusieurs éditions avec Micard : Mathurin Prévost en particulier, mais aussi Gilles Gourbin, Jean Ruelle, Jean Macé, Étienne Petit, Michel Sonnius, Michel Julian, Jacques Du Puis, etc., sans parler des libraires qui utilisent l’encadrement de Claude Micard (celui qui est reproduit p. 294 de la NRB), alors qu’aucune émission Micard n’est connue pour les livres en question [82] – ce qui doit nous amener à conjecturer l’existence d’émissions pour Micard disparues.

66Bien des libraires parisiens (mais aussi de Rouen, d’Orléans, et autres villes très liées à Paris sur le plan éditorial) ont pu se cacher derrière ces mystifications éditoriales que furent Pierre Estiard et surtout Jean Martin, la fausse adresse la plus récurrente dans la production rabelaisienne.

Jean Martin et « Jean Martin » : entre Genève, Lyon, Paris, etc.

67Qui fut Jean Martin ? Ou plutôt qui furent les Jean Martin et les « Jean Martin » ? Épineuse question, que les quelques attributions présentées supra permettent d’aborder avec un œil nouveau. Pour comprendre le pseudonyme « Jean Martin », on s’écartera en particulier de l’hypothèse formulée par Pierre-Paul Plan, qui envisageait une allusion au célèbre Jean Martin, traducteur de Vitruve et du Songe de Poliphile[83], le « Martin industrieux » cher à Joachim Du Bellay. C’est au contraire dans le monde des imprimeurs et des libraires qu’il faut chercher la transformation en pseudonyme de ce nom bien commun.

68Il faut rappeler que sont connus au moins deux « vrais » Jean Martin dans le monde des imprimeurs et libraires pour les décennies qui nous intéressent. Commençons par exclure un libraire grenoblois nommé Jean Martin, ayant travaillé avec des imprimeurs lyonnais, notamment Denis de Harsy et Pierre de Tours. Sont conservés trois des livres qu’il avait commandités, datés de 1545, 1548 et 1550 [84], avant qu’on ne le perde de vue. Il n’est vraisemblablement pas à confondre avec ses deux homonymes qui nous intéressent le plus. Le premier qui nous occupera, Jean (I) Martin, est né à Troyes en 1528. C’est surtout à Genève que son existence est documentée, à partir de juillet 1558. Il fut libraire de la ville et notamment lié par contrat avec un libraire messin, Claude Boucheron, en 1566 [85]. Quant au second à être connu dans les mêmes années, Jean (II) Martin, c’est un drôle d’individu. Il fut compagnon imprimeur à Lyon, où il participa au groupe des griffarins. Il vient ensuite à Paris, où il se fait à nouveau remarquer, puisqu’il est condamné au bannissement pour cinq ans pour falsification de privilège, le 24 mai 1566. Il part ensuite à Genève, où il est compagnon chez François Perrin, et connaît la prison pour avoir été membre des griffarins, en mars 1567 [86].

69Néanmoins, il est manifeste qu’à l’époque « Jean Martin » fut aussi pour plusieurs imprimeurs ou libraires un nom d’emprunt, véritable Paul Bismuth ou Alan Smithee de l’édition des dernières décennies du xvie siècle. Ainsi, la NRB répertorie pas moins de dix-sept éditions rabelaisiennes arborant l’adresse « Lyon, Jean Martin » entre 1565 et les premières décennies du xviie siècle. Sans nous intéresser à tous ces « Jean Martin », revenons aux plus intéressants, les premiers à avoir choisi cette identité masquée. La première édition rabelaisienne à porter cette adresse est le Cinquiesme Livre de 1565 imprimé par Hugues Barbou (NRB 57). Dans ces mêmes années, Barbou travaille notamment pour deux libraires lyonnais fréquemment associés, Louis Cloquemin et Henri Hylaire [87]. Or, en 1567, le libraire parisien Jacques Du Puis, qui n’avait guère apprécié que l’édition qu’il avait financée de L’Agriculture et Maison rustique de Charles Estienne ait été copiée dès 1565 par un confrère se faisant appeler « Jean Martin » de Lyon [88], écrit une cinglante diatribe contre ceux qui falsifient leur nom et dévoile en partie l’identité du coupable :

70

Aussi amy, ce qui m’a tant retardé à te bailler ceste presente edition si bien augmentée, a esté par ce qu’un certain forfant, soy disant estre Libraire de Lyon, nommé L. C. et en ses livres Jean Martin, m’ayant faict ce tort que d’avoir imprimé ce livre en petite marge, et fort mal basti [89], je n’estois deliberé de le r’imprimer, sans la priere des parents du defunct Estienne [90], qui m’ont solicité à ce faire, me baillant la copie augmentée de plus de moitié : et ce d’autant qu’estois fasché du tort qu’avois reçeu du susdict, qui m’avoit ainsi desrobbé mon labeur, sans se soulcier autrement du Privilege du Roy. Vray est qu’il est coustumier de ce faire, aussi bien à mes compaignons Libraires comme à moy : mais s’il ne se deporte de telles manieres de faire, il se doibt tenir pour asseuré, qu’en advertiray les gents du Roy, en telle sorte, qu’ils luy feront entendre, qu’il fault tenir autre compte des commandements du Roy. Tels compaignons, qui ainsi supposent et falsifient leurs noms, font souventefois porter la folle enchere à beaucoup de bons marchands, qui ne sont en rien coulpables. Dieu nous face la grace de ne procurer chose à autruy, que ne vouldrions nous estre faicte [91].

71« Jean Martin », nom falsifié de « L. C. », pourrait donc bien être Louis Cloquemin, l’associé d’Henri Hylaire et commanditaire régulier de Barbou [92].

72Si l’on suit le propos de Du Puis, notre édition du Cinquiesme Livre rabelaisien, imprimée par Hugues Barbou, aurait donc été également commanditée par « Jan Martin », alias L. C., alias Louis Cloquemin. Quand Du Puis écrivait que « L. C. » était « coustumier de ce faire, aussi bien à [s]es compaignons Libraires comme à [lu]y », il devait songer aux XVIII histoires tragiques tirées de Bandello, imprimées en 1563 et 1564 pour divers libraires parisiens [93] et copiées en 1564 « par Jean Martin », ou au Theatre du monde de Boaistuau, imprimé dans les mêmes années à Paris pour divers libraires de la ville [94] et copié en 1566 par Jean Martin. Mais peut-être Du Puis pensait-il également au Cinquiesme Livre.

73Néanmoins, faut-il suivre totalement l’idée du nom d’emprunt et évacuer toute participation du véritable Jean I Martin à ces éditions ? Louis Cloquemin étant protestant, ayant habité un temps à Genève, et travaillé avec des imprimeurs et libraires genevois [95], il n’est pas interdit de penser qu’il ait pris le nom de « J(e)an Martin » parce qu’il était en relation, voire en collaboration commerciale, avec Jean I Martin. Enfin, il est nécessaire de rester prudent et de ne pas voir dans le témoignage de Du Puis, aussi capital soit-il, un argument définitif. Bien d’autres libraires lyonnais ont pu officier en prenant l’identité de « Jean Martin ».

74Les choses se compliquent nettement lorsqu’on prend en compte le fait que les autres éditions de Rabelais signées « Lyon, Jean Martin » sur lesquelles nous avons travaillé sont en réalité des productions parisiennes ou rouennaises. Le masque de Jean Martin a également couvert le visage de bien des libraires autres que lyonnais jusqu’à la fin du xvie siècle. Trois raisons se conjoignent pour faire de « Jean Martin » un nom d’emprunt dont les libraires pouvaient disposer à plaisir. Premièrement, c’est un nom banal. Deuxièmement, en 1567, à la suite de la diatribe de Jacques Du Puis, le nom de « Jean Martin » entrait en quelque sorte dans le domaine public des pseudonymes. Enfin, c’était en particulier le nom d’un falsificateur de privilège, condamné et banni de Paris, Jean II Martin. Rien de plus commode que le nom d’un mort pour servir de couverture (Pierre Estiard) ou d’un filou banni de Paris ! Tous les libraires parisiens pourraient donc être potentiellement suspects d’avoir choisi ce nom d’emprunt. Cependant, pour les premières éditions des Œuvres de Rabelais qui reprirent ce nom après le Cinquiesme Livre lyonnais, nos soupçons se portent plus précisément, on l’a déjà dit, sur Claude Micard et ses collaborateurs.

75En effet, il est troublant de constater que l’encadrement de la page de titre des Œuvres de 1566 (NRB 63) a également servi sur plusieurs éditions partagées entre Mathurin Prévost et Claude Micard, à l’exception des Cent et Dix Consyderations divines de Juan de Valdés, traduites en français par Claude de Kerquefinen, impression partagée en 1565 par Mathurin Prévost et « Jan Martin » de Lyon [96]. Une édition de l’ouvrage de Valdés circulait déjà à Lyon, procurée en 1563 par Claude Senneton. L’édition de 1566 est-elle donc une collaboration de Mathurin Prévost avec Jean I Martin de Genève, ou avec le vrai-faux « Jean Martin » lyonnais, Louis Cloquemin, ou encore avec Jean II Martin, trublion qui ne tarderait pas à se faire éjecter de la capitale ? Dans l’état actuel de nos connaissances, nous n’allons privilégier aucune de ces trois hypothèses. On songe davantage – et c’est l’histoire des éditions rabelaisiennes qui nous amène à le penser – à une nouvelle collaboration entre Mathurin Prévost et Claude Micard, ce dernier ayant préféré par prudence opérer sous le masque de « Jean Martin » pour un livre sensible [97]. Valdès avait été poursuivi par l’inquisition espagnole, et sa pensée évangélique, qui a parfois autant gêné les calvinistes que les catholiques, pouvait susciter assez de remous pour qu’il soit préférable de ne pas trop s’afficher comme son propagateur à Paris [98]. Micard a donc peut-être eu la prudence (ou moins de convictions personnelles) qui a, semble-t-il, parfois manqué à Mathurin Prévost, lui qui fut, selon Renouard, « poursuivi, saisi et arrêté comme soupçonné d’hérésie » par trois fois, en 1562, 1563 et 1568 [99].

76L’adresse « Lyon, Jean Martin » ayant été imprimée sur bien des livres autres que Rabelais, tout un travail d’éclaircissement serait nécessaire sur l’ensemble du corpus. À défaut de parvenir à le proposer, nous nous contenterons de recenser les diverses réalités que put recouvrir cette adresse :

  1. Les éditions imprimées à Genève (et à Lyon ?) pour le libraire genevois Jean I Martin, le « vrai » Jean Martin en somme.
  2. Les « fausses » éditions « Jean Martin », imprimées à Lyon (et à Genève ?) pour le libraire lyonnais et – un temps – genevois L[ouis] C[loquemin].
  3. Variante redoutable des deux premières possibilités : une éventuelle collaboration entre Jean I Martin et Louis Cloquemin.
  4. Des éditions pour Jean II Martin, imprimées à Paris, Lyon ou Genève ? Nous ignorons totalement si quelque témoin a subsisté de l’activité de cet homme singulier, manifestement doué quand il s’agit de s’attirer des ennuis.
  5. Les « fausses » éditions « Jean Martin », imprimées à Paris pour des libraires de Paris et d’ailleurs (Rouen ? Orléans ? Lyon [100] ?…), parmi lesquels Claude Micard a dû être une figure primordiale mais pas la seule. Les éditions rabelaisiennes tiennent une place essentielle au sein de ce corpus.
  6. Il faut aussi mentionner trois publications pamphlétaires de 1577, éditions où « Jean Martin » perd son adresse lyonnaise traditionnelle au profit de Paris [101] et Reims [102], adresses exhibées que l’on se gardera bien entendu de prendre au pied de la lettre [103]

Les éditeurs du Cinquiesme Livre

L’Isle sonante

77Avant d’évoquer le problème de l’éditeur de L’Isle sonante, il est nécessaire d’interroger la nature de la seule édition conservée : n’est-ce qu’une copie ou a-t-on affaire à l’édition princeps qui, comme l’exhibe fièrement la page de titre, est imprimé[e] nouvellement et n’a point encores esté imprimée ne mise en lumiere ? D’autres éditions ont en effet pu exister, ce que Mireille Huchon [104] et les auteurs de la NRB (p. 273) avaient envisagé. Néanmoins, les témoignages sur lesquels reposent les tentatives de preuve d’existence d’au moins une autre édition sont particulièrement douteux.

78On se méfiera en particulier du jugement de Jean Bernier qui décrivait ainsi L’Isle sonante : « Quant à l’Edition de l’Isle sonante, elle est de 1562. caracteres Romains, elle est sans lieu et sans nom d’Imprimeur*. [En marge : *C’est celle de Geneve in 12] [105]. » La formulation de sa note est ambiguë : compare-t-il l’édition s. l. à une autre édition, genevoise celle-là ? Ou suppose-t-il, hypothèse que nous tendons à privilégier, que l’édition s. l. était en réalité genevoise [106] ? En ce second sens, la localisation indiquée ne serait qu’une simple supposition, somme toute logique puisque L’Isle sonante sent la satire réformée, même si elle s’avère sans fondement. En outre, la description du format in-12° ne peut en aucun cas être tenue comme une preuve qu’il parlait d’une autre édition que celle actuellement connue, qui est un in-8°. On sait assez que l’identification des formats est un hobby bibliographique souvent pratiqué de manières divergentes : tel livre sera décrit par les uns comme un in-8°, par les autres comme un in-12°, voire un in-16°, d’autant plus que nous confrontons notre identification du format à l’indication d’un bibliographe du xviie siècle, dont la méthode était tout autre. Pour preuve, Jean Bernier décrit un Quart Livre de 1553 s. l. et s. n. in-12° [107]. S’il s’agit bien du Quart Livre que nous avons attribué à Maurice Ménier, seul Quart Livre s. l. connu pour l’année 1553, l’in-12° de Jean Bernier est un in-8° selon Rawles et Screech…

79Autre témoignage dont on ne sait que penser, celui de Louis Guyon :

80

Quant au livre dernier, qu’on met entre ses œuvres, qui est intitulé l’Isle sonnante, qui semble à bon escient blasmer et se mocquer des gens, et officiers de l’Eglise Catholique, je proteste qu’il ne l’a pas composé, car il se fit long temps apres son decez, j’estoy à Paris lors qu’il fut fait, et scay bien qui en fut l’autheur, qui n’estoit Medecin [108].

81Songeait-il à ce que nous appelons L’Isle sonante, c’est-à-dire l’édition de 1562 ? ou bien au Cinquiesme Livre qui était « appellé vulgairement l’Isle Sonnante » selon l’indication de la page de titre du Cinquiesme Livre de 1565 et de bien des éditions postérieures ? Sans revenir sur la question de l’auteur dans laquelle s’engage Guyon, il est manifeste que le Cinquiesme Livre était bien une nouveauté parisienne et qu’il n’est pas certain que Guyon parlait de L’Isle sonante en évoquant L’Isle sonnante [sic].

82Le dernier argument souvent allégué est tiré d’une comparaison entre les quelques citations données par Jacob Le Duchat de L’Isle sonante et le texte de l’édition conservée de 1562. Les variantes graphiques sont nombreuses. Or, Le Duchat accorde une grande importance à la question de l’orthographe. Selon lui, « il importe extrémement de conserver à un ancien Auteur sa véritable orthographe [109] ». Mais la fidélité orthographique souhaitée par l’éditeur ne va pas dans le sens du respect scrupuleux des graphies observées sur les diverses éditions qu’il a consultées mais plutôt dans celui de l’intervention correctrice. Pour prendre un exemple simple, celui du Quart Livre, Le Duchat explique avoir suivi le texte des Œuvres de 1553, édition qui est en outre la plus proche de l’orthographe de Rabelais selon lui [110]. Or, si l’on compare la seule première page du texte du nouveau prologue du roman (quatorze lignes) avec sa source, on relève neuf variantes orthographiques [111]. Si on suit cette logique, il est moins étonnant de constater de nombreuses variantes graphiques dans le texte de L’Isle sonante qui est selon lui « monstrueusement corrompu en divers endroits » et dans lequel « on voit que l’orthographe n’est ni uniforme ni correcte [112] ». Certes, puisqu’il invite le lecteur à constater l’absence d’uniformité de l’orthographe, l’éditeur moderne s’attendrait à un respect scrupuleux des graphies observées sur le texte source mais l’attitude de Le Duchat est trop interventionniste pour que nous puissions lui prêter des intentions claires et assurées dans ce passage.

83En l’absence de preuve du contraire, nous allons donc donner sa chance à l’édition tourangelle de L’Isle sonante d’être bien l’édition princeps. De ce fait, c’est du côté des ateliers de Tours que nous allons chercher l’éditeur du texte, qui fut peut-être également l’auteur du chapitre des Apedeftes. Comme nous l’avons vu, cette édition tourangelle n’est pas isolée puisque sortirent également des presses de la rue de la Scellerie un Tiers Livre (1546) et un Quart Livre (1552). Or, l’édition du Tiers Livre de 1546 (pseudo-lyonnaise) présente quelques variantes qui sont manifestement le fait d’un éditeur, comme l’a démontré Mireille Huchon [113]. L’une de ces variantes est particulièrement intrigante. Au chapitre xiv, une adresse à Carpalim – « Allons desjeuner Carpalim » – devient : « Allons desjeuner monsieur maistre Crapalim. » Passons sur la modification du nom du personnage qui n’est vraisemblablement qu’une coquille du compositeur car il y a plus important. Le terme d’adresse « monsieur maistre » pour désigner un des compagnons pantagruélistes n’est pas du tout dans la manière de Rabelais et fait songer à l’expression, elle aussi peu rabelaisienne, qui désigne frère Jean dans le chapitre des Apedeftes : « maistre Jean [114] ». Le lien est mince mais on ne serait pas étonné qu’à dix-huit ans d’intervalle ce soit le même homme qui ait œuvré, à Tours, à l’édition du Tiers Livre et de L’Isle sonante.

84Parmi les divers éditeurs envisageables, nous n’allons en évoquer qu’un seul, celui qui nous paraît être à l’heure actuelle la figure de remanieur la plus digne d’intérêt et la plus probable : Jean Brèche, avocat au présidial de Tours, né en 1517 [115], érudit qui s’intéressait tout autant à la médecine qu’au droit, et traducteur du latin mais aussi du grec vers le vernaculaire. Cet écrivain de second plan, proche de la jeune princesse Jeanne de Navarre, à qui il dédie en particulier son Manuel royal et sa traduction de Lactance, est actuellement la piste la plus sérieuse car ses préoccupations, ses goûts et parfois sa manière d’écrire font écho à ceux de Rabelais, et parce qu’il fut pendant les années qui nous occupent l’éditeur le plus actif dans les ateliers de Tours, de Mathieu Chercelé à Guillaume Bourgeat en passant par Jean Rousset. Commençons par dresser un bilan de l’activité de Jean Brèche en nous limitant strictement aux éditions imprimées à Tours. En 1541 a. st. (« le douziesme jour de Janvier L’an Mil cinq cens quarante et ung, avant Pasques »), il fait imprimer chez Mathieu Chercelé une institution du prince, le Manuel royal[116], qui mêle traductions de Plutarque (avec des annotations) et d’Isocrate ; en 1544, il donne chez Jean Rousset la traduction en français du De opificio dei de Lactance ; en 1545, il fait paraître à nouveau chez Rousset un abrégé des trois premiers livres de Galien sur La Composition des médicaments ; en 1553, toujours chez Rousset, il édite un Promptuaire des Loix municipales et Coustumes des Bailliages, Seneschaucées et païs du Royaulme de France ; enfin, en 1560, il est à l’œuvre dans l’atelier de Guillaume Bourgeat pour l’impression des Coustumes du pais et duché de Touraine qu’il a « mis en bon ordre, et […] diligemment corrigé sur la presse d’imprimerie », et « enrichy d’une Table et repertoire [117] ». Même lorsqu’il fait paraître à Lyon chez Jean Temporal un commentaire sur le titre des Pandectes « De verborum et rerum significatione », en 1556, une collaboration commerciale est contractée avec un libraire de Tours [118]. Durant ces deux décennies, de 1540 à 1560, Jean Brèche est sans conteste l’éditeur mais aussi l’auteur et le traducteur le plus actif à Tours.

85En suivant cette piste, nous pouvons réévaluer la portée d’une des variantes du Tiers Livre tourangeau de 1546. Dans le prologue, la mention de « l’imposture des imprimeurs » est remplacée par « l’imposture des Traducteurs ». Selon M. Huchon, qui avait proposé un précieux relevé de variantes, cette modification « ne pouvait qu’être l’œuvre de l’imprimeur ou d’un de ses compagnons soucieux de ménager sa susceptibilité [119] ». À la lumière de l’identification de l’atelier tourangeau, nous y voyons bien plus une trace d’humour. La pique rabelaisienne se joue du lieu commun de l’éternelle faute des imprimeurs, toujours coupables de la moindre erreur dans les livres imprimés. Mais c’était tout autant un lieu commun que de s’en prendre aux traducteurs comme des propagateurs d’erreurs. Le traducteur et l’imprimeur, ou les deux parfaits boucs émissaires du monde du livre de la Renaissance ! Cette translation humoristique de la faute des imprimeurs en imposture des traducteurs prend tout son sens si on imagine qu’elle provient d’un éditeur qui était justement un traducteur. Jean Brèche, dans les textes liminaires de ses nombreuses traductions (Plutarque, Isocrate, Lactance, Galien, Hippocrate…), ne cessait de prendre la pose du traducteur modeste qui s’attend à être la victime des attaques des calomniateurs et jaloux, qui n’ont de cesse de critiquer les traductions nécessairement imparfaites. La variante est ici une belle manifestation de la connivence comique existant entre Rabelais et son éditeur, et de la manière dont l’éditeur s’approprie le texte [120].

86On sait par ailleurs que Jean Brèche mentionne Rabelais comme une gloire locale à l’occasion d’une épître en vers destinée à Jean Bouchet : « Touraine peult louer son Rabellays [121]. » S’il connaît Jean Bouchet, ce n’est pas le seul ami poitevin de Rabelais à qui Brèche s’adresse. En 1552, il écrit une épître dédicatoire à André Tiraqueau, dont il loue la demeure, qui était « vraiment une académie, ou un phrontistère, ou plutôt un refuge de tous les lettrés » (omnium sane literatorum Academiam seu φροντιστήριον, ac potius dixerim asylum[122]). Rabelais n’aurait pas dit mieux et peut-être l’eût-il formulé avec les mêmes mots, lui qui avait transcrit en français l’hellénisme phrontistère dans le Tiers Livre[123].

87Tout occupé par la traduction d’œuvres savantes, il arrive même à Jean Brèche de se laisser aller à la muse comique. Dans la préface de son Galien de 1545, il rédige une anecdote satirique sur un pseudo-médecin et vrai charlatan passé à Tours :

88

En ces derniers jours en avons veu ung en ceste ville de Tours, qui par l’inspection des urines se ventoit et glorifioit juger, et affin que je die comme le vulgaire diviner (car aussi estoit appellé le Divin) non seulement les maladies, mais les choses advenir. À quoy ont creu et adjousté Foy plusieurs badaulx, fatz, sotz, et nyais par nature, par beccarre, et par bemol. Voyre tellement que les ungs voulants guarir du mau tac (que mal de pippe le birre) c’est à dire de la verolle sans suer : les autres, de la teigne : les autres des maladies secrettes, ilz s’addressoient à ce maistre Divin, ou mettre du vin : lequel par la grande vertu d’une chartée de bonnes drogues d’elevant [sic : de Levant] les envoyoit le plus souvent au Royaume des Taulpes, et passer ce beau fluve [sic] de Lethes [124].

89La plume de Jean Brèche se fait ici savoureusement rabelaisienne, moquant notamment les fous « par nature, par bequare, et par bemol [125] » ou s’amusant du jeu de mots « divin »/« du vin [126] ». Nous pourrions plus généralement multiplier les centres d’intérêt communs entre Rabelais et son compatriote tourangeau (passion pour la médecine, le grec, mêmes attaques contre ceux qui obscurcissent le droit, etc.) mais cela n’avancerait guère notre démonstration. Il est délicat d’attribuer un travail éditorial non signé et une rédaction limitée au chapitre des Apedeftes. Aussi mince soit-il, le fil qui relie Jean Brèche à L’Isle sonante existe, et il paraît incontestable qu’en 1562, à Tours, il était l’un des intellectuels les plus aptes à faire revivre Rabelais.

Le Cinquiesme Livre

90Reste à évoquer la dernière interrogation brûlante dès lors qu’il est question du travail éditorial conduisant à l’impression de L’Isle sonante puis du Cinquiesme Livre : qui est ou sont le(s) possesseur(s) et remanieur(s) des brouillons rabelaisiens, ayant œuvré pour donner naissance à ce roman posthume qui achève la quête des compagnons pantagruélistes ? Sur ce point, nous n’avons que très peu avancé. À défaut de pouvoir dire d’où proviennent ces textes (et comment peut se faire le lien entre L’Isle sonante, le Cinquiesme Livre et le seul manuscrit, non-autographe, conservé du Cinquiesme Livre), nous savons seulement que leur point d’arrivée est le monde de l’édition parisienne. À la suite de L’Isle sonante de 1562, cinq éditions sont essentielles car elles montrent qu’un éditeur est au travail et permettent de discerner la chronologie précise de ce travail.

  1. Le Cinquième Livre de 1564, édition princeps ou plus ancienne édition connue – nous allons y venir. Cette édition indépendante a vraisemblablement relancé fortement l’intérêt pour Rabelais, conduisant à l’impression de nouvelles Œuvres pour satisfaire la curiosité renouvelée du public.
  2. Les Œuvres en quatre livres de 1564. La correction de l’attaque contre le « démoniacle Calvin » en « Domoniacles [sic] Chicanous et racleurs de venefices [127] » dans le Quart Livre dessine une personnalité d’éditeur réformé.
  3. Le Cinquiesme Livre de 1564 étant épuisé, une nouvelle édition est commandée ; c’est le Cinquiesme Livre de « Lyon, 1565 » (NRB 57), sur la page du titre duquel le texte est donné comme « nagueres mis en lumiere, et de nouveau reveu et corrigé ». Effectivement, le texte est régulièrement modifié [128]. Le Cinquiesme Livre y est aussi présenté comme « appellé vulgairement l’Isle Sonnante », comme si l’éditeur avait pris connaissance de l’existence de L’Isle sonante.
  4. En 1565/66, les premières Œuvres en cinq livres paraissent. Elles adjoignent à la fin du corpus rabelaisien des textes à l’authenticité incertaine : l’Epistre du Lymosin avec le dizain qui lui répond, la Cresme philosophalle et le distique latin Francisco Rabelesio poeta sitiens ponebat. Ces allongeails ne sont pas mentionnés sur la page de titre alors qu’ils fournissent un intéressant argument publicitaire ; peut-être est-ce le signe que la décision de ces ajouts a été prise en cours d’impression du volume.
  5. En 1567 paraissent de nouvelles Œuvres. La principale modification concerne l’ajout du chapitre des Apedeftes dans le Cinquième Livre, alors qu’il avait seulement paru dans L’Isle sonante auparavant. La présence des nouveaux textes est mise en valeur sur la page de titre de l’ensemble : « De nouveau veu et augmenté de ce qui s’ensuit outre les autres impressions. Les navigations et isle Sonnante. L’isle des Apedeftes, la cresme Philosophale, avec une epistre limosine, le tout par M. François Rabelais. » Les éditions suivantes ne semblent pas présenter de réel intérêt en ce qui concerne le texte [129].

91Le Cinquiesme Livre de 1564 est-il l’édition princeps ou seulement la plus ancienne édition conservée ? Mireille Huchon avait fait part de ses doutes sur ce point [130]. Or le fait que les différentes éditions proviennent des mêmes réseaux d’imprimeurs-libraires où se trouvent le ou les éditeur(s) disposant des brouillons (ou des copies des brouillons) de Rabelais indique plutôt que le Cinquiesme Livre de 1564 fut bien l’édition princeps de ce roman et non une simple copie. Sur le plan de l’histoire éditoriale proprement dite, rien ne requiert de faire l’hypothèse d’une édition princeps disparue. Vraisemblablement, c’est le même éditeur ou le même groupe d’éditeurs qui fournit d’abord le Cinquiesme Livre de 1564 avant de revenir sur sa copie selon des modalités précises qui demeurent mystérieuses mais qui pourraient bien inclure la découverte d’une édition ou d’une copie manuscrite de L’Isle sonante.

92Le fait que ce premier Cinquiesme Livre ait été imprimé chez le même imprimeur et la même année que L’Agriculture et Maison rustique de Charles Estienne conforte en revanche une autre hypothèse formulée par Mireille Huchon, qui voit en Jean Turquet l’éditeur de l’ultime roman rabelaisien [131]. En effet, Jean Turquet qui signe, en 1564, l’épigramme « Rabelais est-il mort, Voicy encor un livre » de son anagramme Nature Quite, donne pour une réédition (entre 1573 et 1576 [132]) de L’Agriculture et Maison rustique un quatrain avec la même signature. Ce court « Advertissement du mesme à un certain Imprimeur » s’adresse au « sot plagiaire » qui envisagerait de copier l’édition de Du Puis ; tel Prométhée, il doit s’attendre à être puni de son larcin. Même si le propos est plus large et concerne tout autant le plagiat textuel par d’autres auteurs que les copies éditoriales des imprimeurs et libraires, il n’est pas interdit de songer que Jean Turquet pense, quelques années plus tard, toujours au plagiat initial opéré par « Jean Martin » de la première édition de l’ouvrage de Charles Estienne :

93

Celuy qui desroba le feu dedans les Cieux,
En fut en fin puny par arrest des grands Dieux :
Toy qui veux le semblable en ceste Maison faire,
Garde d’estre surpris, comme un sot plagiaire.

94Néanmoins, Jean Turquet était-il déjà dans l’atelier de Maurice Ménier en 1564 auprès de Jean Liébault pour éditer le dernier écrit de Charles Estienne à côté de celui de Rabelais ? Ce n’est qu’une hypothèse, certes vraisemblable. On sait par ailleurs trop peu de choses sur ce Jean Turquet, qui fréquente les médecins férus d’alchimie et semble hanter les ateliers parisiens en se fendant pour l’occasion d’une pièce de circonstance. Ainsi, il s’était déjà fait remarquer en donnant un sonnet, en 1558, pour louer la traduction par Gabriel Du Préau de La Geomance du seigneur Christofe de Cattan[134].

95On pourrait aussi être tenté de pousser le rapprochement entre l’éclosion éditoriale de L’Agriculture et Maison rustique et du Cinquiesme Livre. Est-ce dans les papiers de Charles Estienne, polymathe qui avait peut-être connu Rabelais, que se trouvaient certains brouillons en partie remaniés du Cinquiesme Livre ? L’hypothèse avait déjà été mentionnée mais nous n’avons guère d’arguments nouveaux à apporter pour la fortifier.

96Pour en finir avec le problème de l’éditeur du Cinquiesme Livre, nous avons mis plus tôt en valeur la place de Claude Micard dans la diffusion du texte rabelaisien. Jean Turquet fut-il un des éditeurs au service de ce libraire ? Notre méconnaissance de ceux qui entouraient Micard est pour l’instant trop grande. Il semble qu’il vendait plutôt des rééditions mais il serait nécessaire de travailler de manière détaillée sur son catalogue d’ouvrages pour voir si ces rééditions étaient corrigées et si de nouveaux textes étaient adjoints. Ainsi, lorsqu’il édite Commynes en 1567, un manuscrit trouvé est donné comme une nouveauté, le sommaire de la vie d’Angelo Catho par Denis Sauvage : « Pour scavoir sommairement qui estoit l’Archevesque de Vienne, auquel le seigneur d’Argenton adresse ces presens memoires. Ce que nous vous donnons de mot à mot, et en tel stile qu’il a esté trouvé entre les papiers de quelque bon ancien personnage, studieux, et curieux de nostre histoire [135]. » Le manuscrit est édité fidèlement, les notes marginales se chargeant d’indiquer parfois des ajouts faits d’une autre main sur le manuscrit. Cet ajout d’un court texte destiné à compléter une édition antérieure n’est pas sans faire songer aux différentes amplifications du corpus rabelaisien dans ces mêmes années 1564-1567.

97En conclusion, le succès continu de Rabelais durant tout le xvie siècle est remarquable. Le Quart Livre de Fezandat donnait l’impression d’être la dernière impression parisienne de Rabelais au cours du siècle. Nous avons vu qu’il n’en était rien et que les Œuvres de Rabelais étaient produites et s’écoulaient régulièrement dans la capitale, la belle supercherie du Cinquiesme Livre ayant relancé un intérêt durable pour les fictions du Chinonais. À Paris, ce ne sont pas des petits libraires ou des « imprimeurs tâcherons » qui diffusent le texte rabelaisien mais quelques officines importantes du monde de l’édition [136].

98Il faut aussi revenir sur une question laissée en suspens : comment expliquer ce défilé peu commun d’éditions inavouées [137] ? Dans un premier temps, les privilèges obtenus par Rabelais sont une explication à ne pas négliger [138]. À proprement parler, le privilège est comme souvent parfaitement inefficace mais il contraint les copistes illégitimes à opérer de manière furtive. En 1546 déjà, le Tiers Livre imprimé à Tours était donné comme lyonnais et les Tiers Livre (NRB 30 et 31) soi-disant parisiens (sans nom) ou toulousains (« Jacques Fournier, devant le college de Foix ») avaient en réalité été produits à Lyon [139]… Mais cette explication, outre qu’elle est insatisfaisante si on l’envisage seule, s’estompe très vite. Avec la mort de Rabelais en 1553, le privilège d’auteur est caduc.

99C’est donc bien davantage le contexte politique et religieux qui explique cette pratique massive de l’anonymat des imprimeurs. Les trois premiers romans de Rabelais avaient été placés sur la liste des livres censurés par la Sorbonne [140]. L’auteur des fictions pantagruéliennes fut ensuite mis sur la liste des auteurs interdits de l’Index romain. De ce fait, les imprimeurs et libraires restent prudents, d’autant plus lorsqu’ils semblent tout faire pour cultiver une réputation très respectable comme ce fut le cas pour Claude Micard. Commanditer l’impression des ouvrages de Rabelais et les vendre (sous le manteau ? dans l’arrière-boutique ?) sous une fausse adresse est une nécessité pour donner le change et éviter de trop s’exposer. En outre, une forme d’entropie s’installe nécessairement au cours des décennies qui suivent : pourquoi s’exposer sur la page de titre d’un livre quand personne d’autre ne le fait ? Si personne ne le fait, alors mieux vaut ne pas s’y risquer.

100Néanmoins, cette explication de la censure et, partant, de l’auto-censure des imprimeurs est insuffisante si on se contente de la prendre de manière univoque et uniforme. La manière de contourner la censure évolue en fonction des pratiques des imprimeurs et libraires, et aussi de la pression, de la surveillance exercée par les autorités à un moment donné. En outre, les libraires ne subissent pas totalement la réputation d’un auteur mais participent aussi à sa construction, et sur ce plan, les imprimeurs et libraires qui diffusaient Rabelais ont parfois interprété une étrange partition. Ils ne signaient pas mais usaient de nombreux ornements typographiques qui les rendaient plus ou moins identifiables. Les textes les plus dangereux ont souvent une origine presque impossible à détecter : ils sont imprimés sans fioriture, c’est-à-dire sans (ou presque sans) lettrines, bandeaux, fleurons, gravures, etc. C’est le cas de certaines éditions du Quart Livre (Aleman par exemple) et de certaines éditions des Œuvres. Mais, autour des années 1570, le nombre de lettrines augmente et les ornements se font plus nombreux. Les éditeurs de Rabelais se cachent mais sans renoncer totalement à une élégance typographique minimale. L’ambiguïté de leur attitude est parfois plus prononcée, en particulier lorsque des encadrements sont utilisés sur les pages de titre : pourquoi Micard use-t-il avec certaines éditions de Rabelais d’encadrements qui identifient sa boutique et celle de certains de ses collaborateurs réguliers comme Mathurin Prévost ? Que pouvait penser un lecteur qui, en 1572, partait d’une boutique parisienne en ayant sous le bras le Rabelais « Lyon, Pierre Estiart » de 1571 et le Pierre Messie imprimé pour Claude Micard en 1572 ? C’est un lecteur de bon goût : Rabelais pour s’amuser et Messie pour se cultiver, à moins que ce ne soit l’inverse. Ce lecteur devait bien réaliser que l’habillage typographique des deux pages de titre était exactement le même et que quelque chose clochait dans l’adresse lyonnaise du livre rabelaisien.

101À la différence d’une édition sans lieu ni nom, la fausse adresse permet de brouiller les pistes, ce qui pouvait être ressenti comme une nécessité forte à la suite de l’édit de Chateaubriand de 1551. On devait être abusé par l’illusion créée par un nom inconnu comme Jean Chabin. En revanche, on devait l’être nettement moins par ces fausses adresses devenues communes de Jean Martin ou Pierre Estiard, adresses qui plus est souvent employées pour la diffusion de textes réformés. À user pendant quelques décennies de fausses adresses, les libraires et imprimeurs ont construit un horizon d’attente et la réputation d’un Rabelais sulfureux. Loin d’essayer d’aller contre ce fait imposé par les autorités religieuses, ils le confortent. La fausse adresse a ainsi une nature quelque peu publicitaire ; elle sent le scandale, le soufre, et nul doute que les libraires ont parfois su pleinement profiter de cette réputation. Rabelais est vendu comme un texte interdit, voire dans certains cas comme un texte crypto-réformé. Le lecteur qui part avec son Pierre Messie signé Micard sous le bras emporte avec lui la promesse d’un beau texte plein de savoir ; ce même lecteur qui emportait un Rabelais signé « Lyon, Pierre Estiard » ou « Jean Martin », avait en sus le plaisir de braver l’interdit. C’est notamment parce que Rabelais sent le fagot et qu’il a le don d’agacer les bigots de toute espèce que les libertins érudits du xviie siècle le goûteront tout particulièrement.

102Bien des choses restent par ailleurs à éclairer. Liste non exhaustive : la diffusion de Rabelais pendant la première moitié du xviie siècle avec ses contrefaçons, ses éditions non datées ou antidatées reste très mal connue ; pour en revenir à la période sur laquelle nous avons travaillé, de nombreuses éditions ont résisté à nos investigations ; les éditeurs et le travail d’édition du Cinquiesme Livre restent emplis de ténèbres ; la motivation du choix de bien des fausses adresses nous échappe en partie : pourquoi avoir pris ces noms de « Jean Chabin » ou « Jean Dieppi » ? Dans les décennies et siècles qui suivront, le choix de certaines fausses adresses sera parfois bien plus lisible. Ainsi aux alentours de 1700, Rabelais ressuscitera comme imprimeur d’une édition du Moyen de parvenir de Béroalde de Verville, réalisée, si l’on en croit la page de titre, « à Chinon : de l’imprimerie de François Rabelais, rüe du Grand Bracquemart, à la Pierre philosophale, l’année Pantagruéline ». Gageons que l’idée de renaître en imprimeur chinonais n’aurait pas déplu à maître François !

Notes

  • [1]
    Pour une approche générale de ce phénomène dans l’édition au xvie siècle, et quelques références bibliographiques sur la question, cf. la synthèse de Magali Vène, « Histoire du livre », in Copier et contrefaire à la Renaissance. Faux et usage de faux, dir. P. Mounier et C. Nativel, Paris, Honoré Champion, 2014, p. 45-50.
  • [2]
    Pour les éditions des textes de Rabelais, nous indiquerons systématiquement le numéro d’ordre attribué dans la bibliographie de Stephen Rawles et Michael Screech, A New Rabelais Bibliography : editions of Rabelais before 1626, Genève, Droz, 1987 (abrégé en NRB). Notre article n’est qu’un simple complément à cet admirable livre ; parmi les interrogations laissées pendantes par les deux bibliographes, on tentera en particulier de résoudre les apories des stimulantes p. 296-300.
  • [3]
    Brigitte Moreau (« Contrefaçon et clandestinité à Paris au début de la Réforme : les premières “fausses adresses” », in Les Presses grises. La contrefaçon du livre (xvie-xixe siècles), dir. Fr. Moureau, Paris, Aux Amateurs de Livres, 1988, p. 41-47, ici p. 43-44), a proposé de distinguer les « fausses adresses fictives » des « vraies fausses adresses », c’est-à-dire des noms d’imprimeurs ou libraires ayant réellement existé. Nous préférons en distinguer quatre types : les fausses adresses manifestement fictives (par exemple : « Loys qui ne se meurt point ») ; les fausses adresses vraisemblables (par exemple « Jean Chabin ») ; « les vraies fausses adresses » (consistant à reprendre le nom d’un confrère – mort de préférence) ; et un dernier cas, que l’on pourrait appeler, si l’on ne craint pas les taxinomies alambiquées, « les vraies fausses adresses manifestement fictives ». Dans ce dernier type pourraient entrer les cas complexes de noms d’hommes du livre, comme Pierre Estiard ou Jean Martin dont le patronyme était devenu un pseudonyme passe-partout. Au bout d’un moment, il va de soi que les imprimeurs ne se cachent plus derrière le nom d’un Pierre Estiard parce qu’il s’agissait d’un véritable imprimeur mais bien parce qu’ils reprennent un pseudonyme en circulation. Ou quand la « feintise ludique » était « partagée » chez les imprimeurs et libraires… La délimitation de ces catégories dépend des connaissances du récepteur : tel récepteur est abusé, tel autre a parfaitement conscience de la supercherie. En outre, d’un nom inventé vraisemblable à un nom réel repris, il n’y a que l’épaisseur de notre connaissance ou de notre ignorance des personnes qui gravitaient dans le monde du livre il y a quelques siècles.
  • [4]
    Ajoutons à la description fournie par la NRB que Jean Le Prest fut vraisemblablement l’imprimeur de cette édition pour son confrère libraire. Pour s’en convaincre, on comparera les lettrines de ce Quart Livre avec celles du splendide livre illustré imprimé par Jean Le Prest pour Robert Le Hoy, Robert et Jean Du Gort, en 1551, C’est la deduction du sumptueux ordre plaisantz spectacles et magnifiques theatres dressés, et exhibés par les citoiens de Rouen… (au moins cinq lettrines communes).
  • [5]
    Sur Pierre Estiard, imprimeur-libraire passé par Genève, Lyon et surtout Strasbourg, cf. l’important article de Jean-Marie Arnoult, « Pierre Estiard, imprimeur-libraire, 1552-1597 ? », in Cinq Siècles d’imprimerie genevoise, dir. J.-D. Candaux et B. Lescaze, Genève, Société d’histoire et d’archéologie, 1980, t. I, p. 151-169.
  • [6]
    Le nom de Jean Martin se retrouve aussi affublé d’une adresse parisienne en 1577, rémoise en 1579.
  • [7]
    Nous avons principalement cherché à retrouver les lettrines et parfois les bandeaux, fleurons ou autres ornements typographiques. Pour certains cas, nous nous appuierons aussi sur l’identification des caractères.
  • [8]
    Exemplaire consulté : BnF, Rés. Y2-2163. Par la suite, l’absence d’indication sur l’exemplaire consulté pour les éditions rabelaisiennes signifie soit que nous connaissons l’édition concernée seulement par les reproductions données dans la NRB, soit que nous avons travaillé sur un exemplaire numérisé sans vérification sur le volume original.
  • [9]
    Attributions exposées dans un compte-rendu de la NRB paru dans The Library, 11, 1989, p. 363-366 (trad. en anglais par A. Saunders). Nous remercions Olivier Pédeflous de nous avoir fourni cette précieuse référence bibliographique.
  • [10]
    St. Rawles et M. Screech n’ont manifestement pas pris garde que la même lettrine C était présente sur les reproductions fournies dans la NRB aux p. 198 et 554.
  • [11]
    BSG, 8 D 9983 Rés. (P. 2).
  • [12]
    Il n’est pas rare qu’une lettrine ait l’air « plus usée » dans une impression antérieure, pour bien des raisons pour lesquelles n’entre pas la question de « l’usure » : l’encrage, la manière dont tel papier boit l’encre, la fixation plus ou moins serrée de la lettrine sur la forme, etc.
  • [13]
    Abel Lefranc, « Un prétendu Ve livre de Rabelais », Revue des études rabelaisiennes, t. I, 1903, p. 29-54 et 122-142, ici p. 34-35.
  • [14]
    Bringuenarilles Cousin Germain de fesse pinte, Paris, Nicolas Buffet, 1548, unicum conservé à la Bayerische Staatsbibliothek ; cette édition inconnue de la NRB, ainsi que de J. Veyrin-Forrer et B. Moreau, est en revanche cataloguée dans USTC (24045). Nous remercions Romain Menini qui nous l’a fait connaître.
  • [15]
    BnF, Rés. Y2-2167.
  • [16]
    BnF, Rés. Y2-2165.
  • [17]
    Philippe Renouard, Répertoire des imprimeurs parisiens, Paris, Minard, « Lettres modernes », 1965, p. 173.
  • [18]
    Sur le même mode, l’édition du traité de Postel, Les Raisons de la Monarchie, dont l’impression en 1551 est attribuable à Jean Rousset, est connue par deux émissions, l’une portant au colophon « Imprimé à Tours », l’autre « Imprimé à Paris ».
  • [19]
    Jean Rousset a parfois partagé quelques lettrines avec son confrère de la rue de la Scellerie, lui aussi installé devant les Cordeliers, Mathieu Chercelé (voir par exemple les lettrines A et C du Manuel royal de Jean Brèche, imprimé par Chercelé en 1541) mais le matériel des deux imprimeurs est aisé à différencier tant celui de Rousset est bien plus diversifié et plus élégant que celui, beaucoup plus fruste, de son voisin. Sur la carrière de Jean Rousset, voir les quelques indications données par Eugène Giraudet, Les Origines de l’imprimerie à Tours (1467-1550) contenant la nomenclature des imprimeurs depuis la fin du xve siècle jusqu’en 1850, Tours, Imprimerie Rouillé-Ladevèze, 1881, p. 81-92.
  • [20]
    Jean Bernier, Jugement et Nouvelles Observations sur les œuvres Greques, Latines, Toscanes et Françoises de Maître François Rabelais D. M. ou le véritable Rabelais reformé…, Paris, Laurent d’Houry, 1697, p. 39.
  • [21]
    Cf. les Ordonnances Royaulx faictes sur l’abbreviation des causes et proces du bailliaige de Touraine…, Tours, Mathieu Chercelé pour Jehan Richart, 1536, f. A2 ou Thibault Lespleigney, Promptuaire des medecines simples en Rithme joieuse…, Tours, Mathieu Chercelé, 1537/38, f. C6 v° et E2 v°.
  • [22]
    Cf. par exemple Les Troys Premiers Livres de Claude Galien De la composition des medicamens en general.
  • [23]
    Aux deux exemplaires localisés dans la NRB, il faut en adjoindre un troisième, conservé dans la collection Rothschild (Supplément-3370), relié en maroquin bleu (reliure signée Wallis et Lloyd).
  • [24]
    Pour J. Veyrin-Forrer et Br. Moreau, art. cit., p. 365 : « It does not at all look like a Parisian edition. »
  • [25]
    Voir Guillaume Berthon, « Quelques nouveautés bibliographiques autour d’Étienne Dolet et Jean de Tournes : les Psaumes de Marot et le Benefice de Jesuschrist traduits par Claude Le Maistre (1544-1545) », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, n° 158, oct.-déc. 2012, p. 671-684, ici p. 674.
  • [26]
    Nous pouvons seulement signaler que nous avons trouvé le même type de petit fleuron imprimé à plusieurs reprises sur le livre sorti des presses de Jean le Prest mentionné supra : La deduction du sumptueux ordre plaisantz spectacles et magnifiques theatres dresses, et exhibes par les citoiens de Rouen… Néanmoins, ce fleuron n’est pas parfaitement identique à celui du Quart Livre et de la Bergerie ; il s’agit seulement d’une copie faite sur le même modèle. Est-ce que ce genre d’ornement est plutôt rouennais ou parisien que lyonnais ? Question sans (ou en attente de) réponse. Ajoutons que le même type d’ornement réapparaît sur les Œuvres de 1626 (NRB 93).
  • [27]
    BnF, Rés. Y2-2174.
  • [28]
    Sur l’utilisation de cette dénomination au xvie siècle, voir Christine de Buzon et Michèle Clément, « Œuvres et collection : L’emploi du mot œuvres dans un titre français avant 1560 et l’impression des Œuvres d’un auteur avant 1560 en France », RHR, n° 74, juin 2012, p. 135-160.
  • [29]
    Henri Meylan, Épitres du coq à l’âne. Contribution à l’histoire de la satire au xvie siècle, Genève, Droz, 1956, p. 38.
  • [30]
    BnF, Rés. P-Y2-1349.
  • [31]
    Hendrik D. L. Vervliet, Vine Leaf Ornaments in Renaissance Typography, New Castle, Oak Knoll Press et Houten, HES & DE GRAAF Publishers, 2012, n° 205, p. 306 : « The “Geneva” vine leaf on Canon ». La première occurrence donnée par Vervliet est celle de L’Isle sonante ; c’est la plus grande feuille de vigne qu’il répertorie.
  • [32]
    Michel Simonin, « L’édition de L’Isle sonante (1562-1563) », in Le Cinquiesme Livre, Études rabelaisiennes, t. 40, dir. Fr. Giacone, Genève, Droz, 2001, p. 55-66, ici p. 60.
  • [33]
    BnF, Rés. Y2-2170.
  • [34]
    Voir Henri Baudrier, Bibliographie lyonnaise, Paris, F. de Nobele, 1964, t. X, p. 150 : « À la mort de Balthazar Arnoullet, survenue après le 20 novembre 1556, sa veuve, Denise Barbou, fille aînée de Jean Barbou, conserva la direction de la maison paternelle jusqu’à la majorité de son frère Hugues Barbou, sous la raison sociale, Veuve de Balthazar Arnoullet, et s’adjoignit, comme correcteur de l’atelier, Guillaume Gueroult, son beau-frère, rentré depuis peu en grâce auprès de la famille de sa femme. […] Hugues Barbou, parvenu à sa majorité, reçut de sa sœur la direction de la maison, en 1560, et la conserva jusqu’à la fin de 1565. La maison d’Arnoullet avait périclité depuis le procès de Michel Servet et Hugues Barbou, n’ayant pas pu réussir à rétablir l’ancienne vogue, liquida la maison paternelle et alla s’installer à Limoges, accompagné de son neveu Isaac Arnoullet, compagnon imprimeur, fils de Balthazar. […] Jean d’Ogerolles, imprimeur de Lyon, se rendit acquéreur de la partie du matériel de B. Arnoullet laissée à Lyon par Hugues Barbou […] ».
  • [35]
    BnF, Rés. Y2-2169.
  • [36]
    Comme les répertoires bibliographiques en ligne sont confus sur ce point, rappelons à la suite de Chantal Liaroutzos (Le Pays et la Mémoire, Paris, Honoré Champion, 1998, p. 323) que Du Puis avait commandité non pas une mais deux éditions de L’Agriculture et Maison rustique en 1564, preuve du grand succès rencontré par ce livre. Le matériel n’est pas du tout le même d’une édition à l’autre : les lettrines et bandeaux différent systématiquement. On peut comparer d’un côté l’état le plus ancien, connu par les exemplaires de la BM de Lyon [Rés. 393639], de la Biblioteca nazionale centrale di Roma [55. 1. B. 8] ou de la Thomas Fisher Rare Book Library de Toronto [Sci 00844], qui se finit au f. T3 v° (fin de l’index au f. T2 v°, les f. T3 r° et v° ajoutant une liste des « Fautes advenues en l’impression ») et le second état représenté par l’exemplaire de la BnF [S-4430], qui s’arrête au f. T2 v° (à la fin de l’index, les « Fautes advenues en l’impression » n’ayant plus raison d’être puisqu’elles ont été corrigées au sein même du texte). Nous n’avons pas pu comparer la seconde édition de 1564 avec celle de 1565 pour Jacques Du Puis. Nous ne savons donc pas s’il s’agit de deux éditions différentes ou d’une seule édition avec deux émissions distinctes, l’une pour la fin de l’année 1564, l’autre pour l’année 1565. C’est sur l’édition princeps que figurent les lettrines communes avec Le Cinquiesme livre : le C apparaît pour la première fois au f. 18 ; le B au f. 27 v°.
  • [37]
    Plusieurs lettrines présentes sur L’Agriculture se trouvaient déjà dans le Quart Livre de 1553 que nous avons attribué supra à Maurice Ménier. D’ailleurs, en 1564, Maurice Ménier imprime également (grand écart typique de ce qui se passait dans les ateliers d’imprimerie) les Sententiarum libri IIII de Pierre Lombard pour Du Puis et un autre libraire parisien, Claude Frémy.
  • [38]
    Cf. Eugénie Droz, Chemins de l’hérésie, Genève, Slatkine, t. I, 1970, p. 351 et sqq.
  • [39]
    Richard Cooper, « L’authenticité du Cinquiesme Livre : état présent de la question », in Le Cinquiesme Livre, op. cit., p. 9-22, ici p. 13. Les auteurs de la NRB (p. 326) faisaient le même constat : « It is probable that the editio princeps of the Cinquiesme Livre (NRB 54) was intended to be associated with this edition of the Œuvres and that it was printed by the same printer. »
  • [40]
    Lettrine B : S’ensuit l’histoire de Morgant le geant lequel avec ses freres persecutoient tousjours les Chrestiens et serviteurs de Dieu…, Paris, Alain Lotrian, 1536, f. v2 v° ; lettrine C : Eustorg de Beaulieu, Les Divers Rapportz…, Paris, Alain Lotrian, 1540, f. M4.
  • [41]
    Et neuf éditions en tout si l’on y adjoint le Cinquiesme Livre évoqué supra (NRB 57) et la Navigation du compaignon à la bouteille dont nous parlerons ensuite (NRB 143).
  • [42]
    L’imprimeur n’est pas indiqué dans le livre mais nous reconnaissons aisément les lettrines de Maurice Ménier, ainsi qu’un de ses bandeaux à l’intérieur duquel sont gravées les initiales « MM ».
  • [43]
    Bibliothèque de la Sorbonne, Victor Cousin 10.888.
  • [44]
    BnF, Rés. 8-NFR-377 (exemplaire non répertorié dans la NRB, acquis par la BnF à Paris, en vente publique, le 27 novembre 2013).
  • [45]
    BnF, Rés. p-Y2-1423 (incomplet : seulement Le Cinquiesme Livre).
  • [46]
    BnF, Rés. Y2-2183/2186.
  • [47]
    Il y a sur cette édition de 1567 deux encadrements différents pour les pages de titre, l’un pour les titres des Œuvres et du Cinquiesme Livre, l’autre pour le titre du Tiers Livre, que nous n’avons malheureusement pas retrouvés.
  • [48]
    De ce fait, la fructueuse collaboration entre Georges Loyselet et Claude Micard a commencé bien plus tôt qu’on ne le pense habituellement et a concerné un nombre d’éditions beaucoup plus élevé que celui auquel on peut songer en ne s’en tenant qu’aux ouvrages pour lesquels Loyselet se manifestait au colophon.
  • [49]
    BnF, Rés. Y2-2179/2181.
  • [50]
    Avec et sans l’encadrement qui se trouvait déjà sur les Œuvres de 1571.
  • [51]
    Arsenal, 8° B-19601.
  • [52]
    Plautus ex fide, atque auctoritate complurium librorum manu scriptorum opera Dionys. Lambini…, Paris, Jean Le Blanc pour Jean Macé, 1576.
  • [53]
    BnF, Rés. p-Y2-1404.
  • [54]
    BSG, Delta 59972 Rés.
  • [55]
    BnF, Rés. p-Y2-2033.
  • [56]
    BnF, Rés. Y2-2182.
  • [57]
    Eugénie Droz, « Fausses adresses typographiques (suite) », BHR, t. XXIII-3, 1961, p. 572-591, ici, p. 588-591.
  • [58]
    La présence de l’adresse « François Nierg » sur la page de titre du Cinquiesme Livre des Œuvres « Estiard » de 1573-1574 (NRB 68) provient seulement du fait que c’était l’édition source et que l’adresse du Cinquiesme Livre n’avait pas été corrigée par l’éditeur.
  • [59]
    BnF, Rés. Y2-2719/2721.
  • [60]
    Jacques-Charles Brunet, Manuel du libraire et de l’amateur de livres, Paris, Firmin Didot, 1862, t. II, col. 607, qui renvoie à Nicolas Lenglet Du Fresnoy, Bibliothèque des romans…, Amsterdam, Veuve De Poilras, à la Vérité sans fard, 1734, t. II, p. 257. À partir de Du Verdier (La Bibliotheque, Lyon, Barthélémy Honorat, 1585, p. 468) est aussi évoquée la possible existence d’une édition « Jean Diepi », sans date, in-8° ; l’orthographe de « Diepi » fait plutôt songer à l’édition de 1572.
  • [61]
    Mythistoire Barragouyne de Fanfreluche et Gaudichon…, Rouen, [Georges Loyselet] pour Nicolas Lescuyer, 1575 (édition non répertoriée dans USTC ; exemplaire conservé à la Regensburg Staatliche Bibliothek, cote 999/Gall.171, et numérisé sur le site de la Bayerische StaatsBibliothek) ; nous y reconnaissons le matériel de Georges Loyselet. Comme la suivante, c’est une édition sans illustration.
  • [62]
    Mythistoire Barragouyne de Fanfreluche et Gaudichon…, Rouen, Nicolas Lescuyer, 1578 (éd. reproduite en fac-similé avec des notes de M. Françon, Cambridge, Schoenhof’s foreign books, 1962).
  • [63]
    Les Bibliothèques françoises de La Croix du Maine et de Du Verdier, Paris, Saillant et Nyon et Michel Lambert, 1773, t. IV, p. 66 et Baudrier, op. cit., t. I, p. 127-128.
  • [64]
    Étienne Pasquier, Des Recherches de la France, Paris, pour Gilles Robinot, 1581, f. 187.
  • [65]
    On comparera par exemple les lettrines de cette édition avec celles des Six Comedies de Terence, tres excellent poete comique…, Paris, Maurice Ménier pour Claude Micard, 1572 : au moins six sont communes.
  • [66]
    La lettrine C est par exemple imprimée sur les G. Budaei graecae epistolae…, Paris, C. Wechel, 1550, f. O2.
  • [67]
    Cf. par exemple l’édition des Homélies de Jean Doc (Homiliarum quadragesimalium opus, Paris, Charles Périer, 1555) : lettrine C au f. LLL1 v°, lettrine V au f. CC2 v°.
  • [68]
    On songe au Livre de la fontaine perilleuse, avec la chartre d’amours : autrement intitulé, le songe du verger, Paris, pour Jean Ruelle, 1572 (lettrine E au f. A4v°) et aux Epistres des princes…, Paris, par Jean Ruelle, 1574 (lettrines D au f. A3v°, I au f. B6, L au f. E3v°).
  • [69]
    La proximité avec le matériel d’Olivier de Harsy est également troublante.
  • [70]
    Ce sont des copies des bois employés pour illustrer les éditions antérieures d’Apulée.
  • [71]
    Luc. Apulee de l’ane d’ore, XI. Livres…, Paris, Claude Micard, 1570, p. 146.
  • [72]
    Index de l’inquisition espagnole. 1583, 1584, J. M. De Bujanda (éd.), Éditions de l’Université de Sherbrooke et librairie Droz, 1993, n° 2058, p. 685.
  • [73]
    L’Histoire de Herodian, des empereurs romains depuis Marcus…, Paris, [Maurice Ménier] pour Claude Micard, 1572, f. x5 v°.
  • [74]
    Dans l’Abbregé sur la vie et mœurs des autres empereurs imprimé à la fin des Œuvres de Justin Historien, contenant XLIIII. Livres tirez des Histoires universelles de Trogue Pompee…, Paris, Georges Loyselet pour Claude Micard, 1577 (autre émission datée de 1578), f. Ll5 v°.
  • [75]
    St. Rawles et M. Screech (NRB, p. 296-297 et 346) ont malheureusement suivi l’avis d’E. Droz (« Fausses adresses typographiques (suite) », art. cit., p. 583-588), qui pensait que cette édition Micard de Marot avait en réalité été imprimée à Genève par François Estienne. Le portrait de Rabelais n’est jamais arrivé à Genève, puisqu’il n’y a pas à remettre en cause l’authenticité de l’édition Micard. E. Droz a été abusée par l’exemplaire qu’elle a consulté (BnF, Rés. YE-1568/1569), qui a été refait en complétant une édition niortaise (Thomas Portau, 1596) avec les deux premiers feuillets de l’édition Micard ; voir les indications de Guillaume Berthon (« La dernière œuvre de Clément Marot. Le Balladin “restitué à son naturel” », BHR, t. 73/2, 2011, p. 333-349, ici n. 6, p. 334) et Jean-François Gilmont (notes de la notice GLN-2639 sur la base GLN 15-16 en ligne).
  • [76]
    Claude Micard ne figure pas dans la liste des libraires avérés ou hypothétiques ayant vendu cette réédition : faut-il conjecturer une émission perdue ?
  • [77]
    Cet encadrement légèrement différent se trouve sur les éditions Micard de Valère Maxime (1567), Commynes (1567), Suétone (1569), Pierre Messie (1569), Apulée (1570), « Valentinian » (1572), Habert (1572), Boccace (1572), Dom Flores de Grece (1573), Corlieu (1573), Gelli (1575), L’Horloge des princes (1576), Commynes (1576), Léon l’Hébreu (1580), Hérodote (1580), Habert (1581), etc.
  • [78]
    Sont révélatrices les nombreuses éditions partagées sur lesquelles la page de titre est modifiée non seulement pour modifier les adresses et marques de chacun des libraires mais aussi pour accueillir un encadrement propre à un libraire en particulier.
  • [79]
    Deux éditions connues pour 1555.
  • [80]
    Histoire des neuf livres de Herodote d’Alicarnasse…, Paris, Claude Micard, 1580, f. A2 « L’imprimeur au lecteur » : « Ayant tousjours (amy lecteur) jusques icy selon mon petit moyen, et de toutes mes forces tasché de profiter au public, et à la jeunesse de nostre France, en l’impression des meilleurs et anciens Historiens traduits en nostre langue. J’ay deliberé avec la grace de Dieu de continuer de mieux en mieux, et avec toute la diligence que j’y pourray mettre, et sur ce j’ay mis la main sur cest ancien historien Herodote, traduit en François plus fidelement, je croy, qu’il n’a esté en Latin […] ».
  • [81]
    Les Œuvres de Publie Virgile Maron, Prince des Poetes latins…, Paris, Claude Micard, 1574, « Claude Micard au Lecteur benevole Salut », f. †2.
  • [82]
    C’est le cas des éditions d’Étienne Pasquier, Le Second Livre des recherches de la France, Orléans, Pierre Trepperel, 1567 et Des Recherches de la France, livres premier et second…, Paris, Pierre L’Huillier, 1569.
  • [83]
    Pierre-Paul Plan, Les Éditions de Rabelais de 1532 à 1711, Paris, Imprimerie nationale, 1904, p. 185.
  • [84]
    Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au seizième siècle, Baden-Baden et Bouxwiller, Valentin Koerner, 1993, t. III, p. 38 (écrit par Jean Muller pour Grenoble).
  • [85]
    Cf. la notice « Jean Martin » de la précieuse base électronique RIECH (Répertoire des imprimeurs et éditeurs suisses actifs avant 1800) pour davantage d’informations.
  • [86]
    Voir à nouveau la base RIECH et les indications bibliographiques auxquelles Jean-François Gilmont renvoie (en particulier Ph. Renouard, Répertoire…, p. 299).
  • [87]
    En 1564, il imprime pour ces deux libraires un ouvrage de Rudolf Walther, D. Marcus evangelista. In evangelium Jesu Christi secundum Marcum homiliae CXXXIX… et, en 1565, les trois parties des Secrets de Girolamo Ruscelli pour Louis Cloquemin. Mentionnons aussi au titre des liens entre la maison Arnoullet-Barbou et Louis Cloquemin l’intrigante édition des Six livres… de la matiere medicale de Dioscoride imprimée en 1559 par la veuve de Balthasar Arnoullet pour elle-même, Macé Bonhomme et Thibaud Payen, dont Cloquemin semble avoir récupéré un stock d’invendus, qu’il remet en circulation vingt ans plus tard, en 1580, avec une nouvelle page de titre à son nom et le feuillet qui comportait l’épître liminaire refait (voir H. Baudrier, op. cit., t. IV, p. 58).
  • [88]
    L’Agriculture et Maison rustique de M. Charles Estienne, docteur en medecine, Lyon, par Jan Martin, 1565.
  • [89]
    Du Puis vendait un élégant in-4° avec de nombreuses lettrines ; l’édition Jean Martin est un in-16° très commun, avec peu de lettrines (une seule au début de chaque partie).
  • [90]
    C’est-à-dire Jean Liebault, mari de Nicole Estienne et gendre de Charles Estienne, qui a considérablement œuvré à l’édition et aux rééditions de L’Agriculture et Maison rustique.
  • [91]
    L’Agriculture et Maison rustique de M. Charles Estienne docteur en medecine, Paris, chez Jacques Du Puis, 1567, f. ē2 v°.
  • [92]
    L’hypothèse de Louis Cloquemin pour « L. C. » avait déjà été faite par J.-M. Arnoult, art. cit., p. 157.
  • [93]
    En 1563 : édition partagée entre (au moins) Robert Le Mangnier, Vincent Normant et Jeanne Bruneau ; en 1564 : entre Robert Le Mangnier et Gilles Robinot. Nous n’avons pas eu l’occasion de vérifier s’il s’agit de deux éditions distinctes ou seulement de deux émissions différentes de la même édition.
  • [94]
    Éditions parisiennes datées de 1562, 1563, 1565 et 1566, qui impliquent Jean Longis, Robert Le Mangnier, Gilles Robinot, Vincent Sertenas, Gabriel Buon, Jean Ruelle, Vincent Normant et Jeanne Bruneau.
  • [95]
    Cf. les donnés recueillies dans la notice « Louis Cloquemin » de la base RIECH.
  • [96]
    Sur cette traduction, cf. Silvio F. Baridon, Claude de Kerquefinen italianisant et hérétique, Genève, Droz, 1954, p. 22-27.
  • [97]
    Et ce un an avant que Du Puis n’attaque Jean Martin, alias L. C.
  • [98]
    Sur l’histoire complexe de la réception des Cent et Dix Consyderations à Genève et sur la pensée de Valdés, voir la partie qui est consacrée à cet ouvrage dans Jan Nicolaas Bakhuizen van den Brink, Juan de Valdés réformateur en Espagne et en Italie, Genève, Droz, 1969.
  • [99]
    P. Renouard, Répertoire des imprimeurs parisiens, p. 355.
  • [100]
    N’oublions pas que certains libraires parisiens avaient aussi des boutiques à Lyon.
  • [101]
    Remonstrance au roy, et aux Estatz, par messieurs de la maison de ville de Paris, pour l’entretenement de la paix.
  • [102]
    Le Tocsain contre les massacreurs et auteurs des confusions en France (autre édition en 1579) et Notable et Sommaire Discours de l’estat des afaires de France.
  • [103]
    Selon Eugénie Droz (La Veuve Berton et Jean Portau 1573-1589, Genève, Droz, 1960, p. 66-67), la Remonstrance au roy, et aux Estatz, par messieurs de la maison de ville de Paris, pour l’entretenement de la paix fut imprimée à La Rochelle, chez Jean Portau. Elle note aussi l’existence pour d’autres textes des adresses « Reims, Jacques Martin » et « Reims, Pierre Martin ».
  • [104]
    Voir Mireille Huchon, « Note sur le texte », dans Rabelais, Œuvres complètes, M. Huchon (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1994, n. 2, p. 1608.
  • [105]
    Jean Bernier, Jugement et Nouvelles Observations sur les œuvres Greques, Latines, Toscanes et Françoises de Maître François Rabelais D. M. ou le véritable Rabelais reformé…, Paris, Laurent d’Houry, 1697, p. 39.
  • [106]
    On peut rapprocher les deux notes formulées de la même manière de la p. 39 du livre de Bernier. Nous avons déjà cité la précédente : « On se trompe, c’est celle de Lion 1542 […] ».
  • [107]
    J. Bernier, op. cit., p. 38 : « On voit encore une Edition du quatriéme Livre à part et seul, apparemment de Lion 1553 et 54 car elle est sans lieu et sans nom d’Imprimeur ; elle est in 12. avec des notes à la fin, qu’on croit de Rabelais même [la « Briefve Declaration »]. » Nous ne connaissons pas d’édition du Quart Livre en 1554 : émission perdue de l’édition de 1553 ?
  • [108]
    Louis Guyon, Les Diverses Leçons…, Lyon, Claude Morillon, 1604, p. 386.
  • [109]
    Œuvres de maitre François Rabelais…, J. Le Duchat (éd.), Amsterdam, Henri Bordesius, 1711, t. I, p. XX.
  • [110]
    Ibid., « N’aiant trouvé celle [l’orthographe] de Rabelais nulle part si bien observée pour les quatre premiers livres, que dans l’édition de 1553 quoi que d’ailleurs peu correcte, c’est sur elle principalement que j’ai corrigé ces quatre livres. » Il avait indiqué plus tôt : « Pour le texte du IV Livre, j’ai eu recours à l’édition de 1553 en IV livres. »
  • [111]
    Ibid., t. IV, p. XXVIII et Œuvres, [Lyon, Thomas Bertheau], 1553, p. 655.
  • [112]
    Ibid., t. V, p. 68-69 (en note).
  • [113]
    Mireille Huchon, Rabelais grammairien, Genève, Droz, 1981, p. 50-52.
  • [114]
    L’Isle sonante, p. 870 (éd. M. Huchon).
  • [115]
    La date de sa mort est incertaine.
  • [116]
    Manuel Royal, ou Opuscules de la doctrine et condition du Prince : tant en Prose, que Rhytme Francoyse…, Tours, Mathieu Chercelé, 1541 ; il existe une autre émission (même édition) qui porte la date de 1544 au titre (exemplaire incomplet des derniers feuillets).
  • [117]
    Les Coustumes du pais et duché de Touraine…, Tours, Guillaume Bourgeat pour lui-même, Laurent Richard et Zacharie Griveau, 1560, f. aa4 v°. Les textes liminaires de Jean Brèche disparaissent lors de la réédition de ces Coustumes en 1567 à Tours par Pierre Regnard pour Laurent Richard.
  • [118]
    Voir H. Baudrier, op. cit., t. VI, p. 377. Il est question d’un accord entre Jean Temporal et Guillaume Burfait (ou Bourfait) ; ce dernier étant parfaitement inconnu, il pourrait s’agir d’une erreur désignant en réalité Guillaume Bourgeat.
  • [119]
    M. Huchon, Rabelais grammairien, op. cit., p. 34 et 52.
  • [120]
    De la même manière, l’addition sur « le trou de la Sibylle » relevée par M. Huchon (op. cit., p. 52) pourrait être lue comme une trace de surenchère humoristique sur un personnage qui faisait partie du folklore tourangeau.
  • [121]
    Jean Brèche, Manuel Royal…, Tours, Mathieu Chercelé, 1541, f. A2v° (repris dans les Epistres familieres de Jean Bouchet). Cf. Abel Lefranc, « Sur quelques amis de Rabelais », Revue des études rabelaisiennes, t. 5, 1907, p. 52-56.
  • [122]
    Jean Brèche, Aphorismi Jurisprudentiae…, Paris, Poncet Le Preux, 1552, f. A4.
  • [123]
    Tiers Livre, p. 466 (éd. M. Huchon) : « on phrontistere et escholle des Pyrrhoniens […] ». Sur ce terme, voir Romain Menini, Rabelais altérateur, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 816.
  • [124]
    Les Troys Premiers Livres de Claude Galien de la composition des medicamens en general…, Tours, Jean Rousset, 1545, f. *3 v°.
  • [125]
    Pantagruel, p. 236 (Œuvres complètes, éd. M. Huchon).
  • [126]
    Gargantua, p. 78 (Œuvres complètes, éd. M. Huchon).
  • [127]
    Ce n’est peut-être pas une coquille, le jeu de mots « bénéfices »/« vénefices » étant attesté à l’époque, voir H. Meylan, op. cit., p. 38, v. 77-78.
  • [128]
    Les variantes indiquées dans l’éd. M. Huchon (Pléiade, p. 1609 et 1612) d’après le Cinquiesme Livre de 1565 paru au sein des Œuvres de 1566 (NRB 63) viennent (quasiment) toutes de cette édition.
  • [129]
    Enfin, en 1584, deux épîtres en vers seront ajoutées, les « deux épîtres à deux vieilles de différentes mœurs ». Comme ces pièces sont apocryphes, nous ne nous y attarderons pas.
  • [130]
    M. Huchon, « note sur le texte », dans Œuvres complètes, p. 1609 : « L’édition en date de 1564 est bien la plus ancienne qui nous soit parvenue, mais une édition ultérieure comme celle de 1565 [Œuvres de 1565-1566] (qui introduit des textes nouveaux) offrant certaines leçons plus proches de L’Isle Sonante et du manuscrit, il semble légitime de supposer l’existence d’une édition antérieure à celle de 1564 » ; voir également Rabelais grammairien, op. cit., p. 430-432.
  • [131]
    M. Huchon, « Notice du Cinquiesme Livre », p. 1596.
  • [132]
    Selon St. Rawles et M. Screech (NRB, p. 280), c’est dans l’édition de 1572 qu’apparaît ce poème. C’est une erreur. La reproduction donnée à la p. 277 ne provient pas, contrairement à ce qu’indique la légende, de l’édition de 1572. Nous n’avons pas pu consulter les rééditions de 1573 et 1574. Le débat sur l’orthographe de « Nature Quite [ou Quitte] » (NRB, p. 280) n’a pas lieu d’être ; la forme « Nature Quitte » n’est vraisemblablement qu’une coquille due à une réédition.
  • [133]
    L’Agriculture et Maison rustique…, Lyon, Jacques du Puis, 1576, f. ã4 v°.
  • [134]
    La Geomance du seigneur Christofe de Cattan, Paris, Gilles Gilles, 1558, f. ē4 : le « Sonet de Jan Turquet Parisien, au Lecteur en faveur de G. D. Preau » est signé de la devise « Pour merite quel gain ? » ; nous connaissons ce texte grâce à Didier Kahn, Alchimie et Paracelsisme en France (1567-1625), Genève, Droz, 2007, n. 26, p. 359.
  • [135]
    Les Croniques de messire Philippe de Commines…, Paris, Mathurin Prévost, Pierre du Pré et Claude Micard, 1567.
  • [136]
    Contrairement à ce qu’avait pu penser J.-M. Arnoult, art. cit., p. 156 : « Martin, Nierg, Estiard : la mise en scène tient à la conjoncture économique et politique qui poussera certains petits imprimeurs à user de subterfuges pour survivre, et à exploiter la réputation d’un auteur, Rabelais, qui avait ouvert un marché dans lequel s’installèrent ces imprimeurs tâcherons pour la plupart comme Lescuyer et Jacquy commandités par Charles Pesnot. »
  • [137]
    Il est peu de textes ayant connu pareille fortune : de nombreuses éditions, une postérité durable, mais un refus systématique de signer l’impression.
  • [138]
    Sur ces privilèges, voir Michèle Clément, « Rabelais et ses privilèges : un autre accès à la pratique auctoriale ? », in Inextinguible Rabelais, Paris, Classiques Garnier, à paraître.
  • [139]
    Cf. Jeanne Veyrin-Forrer, « Le Tiers Livre toulousain de 1546 », BHR, t. LIX/2, 1997, p. 321-323, qui attribue à partir d’un examen des reliures de certains exemplaires l’impression à l’atelier de Pierre de Tours. De notre côté, nous avons retrouvé les lettrines B et P sur des impressions de Pierre Fradin, datées de 1552 (lettrine P : Bartoli commentaria in primam digesti novi partem…, f. 125, 158 v°, 160 v°, etc. [nouvelle édition en 1555, la même lettrine P a généralement été réemployée aux mêmes endroits qu’en 1552]) et 1556 (Psalterium. Liber psalmorum…, f. A3, lettrine B), ce qui confirme l’origine lyonnaise. En revanche, l’attribution à Pierre de Tours est douteuse et pour l’instant sans preuve ; l’atelier précis qui possédait ce matériel en 1546 reste à identifier.
  • [140]
    Sur ce point, voir la synthèse de Fancis Higman, « Censors and Censorship », in The Rabelais Encyclopedia, dir. El. Chesney Zegura, Westport, Greenwood Press, 2004, p. 30-32.
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