Notes
-
[1]
Cet article résume les principaux enseignements de l’analyse évaluative « Les terrains équipés mis à disposition des entreprises pour favoriser leur développement », menée par l’IWEPS dans le cadre du programme d’évaluation du Plan Marshall 4.0. Les travaux ont bénéficié de l’accompagnement scientifique et méthodologique du Professeur Jean-Marie Halleux (ECOGEO, ULiège). Le rapport final (IWEPS, 2019), remis au gouvernement wallon en avril 2019, est disponible sur le site de l’IWEPS : https://www.iweps.be/publication/terrains-equipes-mis-a-disposition-entreprises-favoriser-developpement-analyse-evaluative/.
-
[2]
Le financement alternatif est une procédure classique de débudgétisation permettant au pouvoir exécutif régional d’effectuer des investissements dont la charge est étalée sur une durée d’au minimum 20 ans. Les financements alternatifs sont mobilisés par des emprunts contractés par des institutions wallonnes tierces (notamment la SOWAFINAL) et dont les charges d’intérêt et les amortissements sont, en tout ou en partie, supportés par le budget régional. En d’autres termes, au niveau du budget régional, seuls apparaissent les charges d’intérêt et les amortissements de ces emprunts.
-
[3]
La notion légale d’unité d’établissement représente l’unité de référence pour étudier les décisions de localisation des entreprises. Craignant que la terminologie d’unité d’établissement ne soit pas comprise de tous, il a été décidé d’utiliser le terme de site. L’unité d’établissement (ou établissement) et le site doivent être considérés ici comme des termes équivalents pour désigner l’unité géographique de base de l’entreprise.
-
[4]
En complément du rapport d’évaluation (IWEPS, 2019), un rapport spécifique a été publié sur l’analyse de benchmarking (Halleux et Zangl, 2018).
-
[5]
À titre de comparaison prudente, d’après l’Union wallonne des entreprises (2019), sur la base des données de l’ONSS (données décentralisées) de 2017, les entreprises de petite taille (TPE) et (PE) correspondent à 97,2 % du total des entreprises en Wallonie.
-
[6]
Face aux délais croissants de mise en place de nouvelles zones d’activités économiques, la Flandre a développé une politique de « réserve stratégique » afin d’éviter une pénurie de terrains à vocation économique ; en différenciant les étapes de planification et de promotion, soit les deux rôles distincts dévolus aux autorités publiques en matière d’accueil physique des entreprises.
1 – Introduction
1En Wallonie, les premiers parcs d’activités économiques (PAE) se sont développés dans les années 1960, pour s’étendre au fil des années, et occuper aujourd’hui environ 13 000 hectares. Dans le cadre du Plan Marshall 1.0, le gouvernement wallon a formulé le souhait de stimuler la création d’activités dans les PAE et les zones portuaires et a, dès lors, décidé de donner un coup d’accélérateur à sa politique de mise à disposition de terrains pour l’activité économique. Cet élan s’est prolongé dans les Plans Marshall 2.Vert et Marshal 4.0 et se poursuit encore aujourd’hui avec le Plan wallon d’investissements.
2Le présent article résume les principaux enseignements d’un exercice d’évaluation de cette politique, commandée à l’IWEPS par le gouvernement wallon, dans le cadre de l’évaluation du Plan Marshall 4.0. L’exercice questionne, d’une part, la conception et la mise en œuvre de la politique (« la politique constitue-t-elle une réponse adéquate aux besoins fonciers et immobiliers des entreprises ? » et préalablement « sur quels connaissances et diagnostics s’appuie la politique pour cerner les besoins fonciers et immobiliers des entreprises ? » et, d’autre part, ses effets (« la politique permet-elle de maintenir et d’attirer des entreprises sur les terrains mis à disposition ? » et « quel est le profil économique de ces entreprises ? »).
3La suite de l’article se structure de la manière suivante. Après une brève description de la politique évaluée, la section 3 présente les cinq démarches de collecte et d’analyse qui ont été combinées afin de répondre au questionnement évaluatif. La section 4 synthétise les résultats à travers les réponses aux questions formulées. Tandis que la cinquième et dernière section évoque les recommandations dérivées de l’exercice.
2 – La politique wallonne de mise à disposition de terrains pour l’activité économique
4Les lignes qui suivent décrivent brièvement la politique, objet de l’évaluation.
5Pour mener à bien sa politique, outre l’administration régionale, le gouvernement s’appuie sur des opérateurs publics, en particulier huit intercommunales de développement économique (IDE) et quatre ports autonomes. Ces opérateurs se répartissent sur le territoire wallon et sont les principaux acteurs en matière d’acquisition, d’équipement et de vente de terrains aux entreprises.
6La politique est régie par le décret du 2 février 2017 relatif au développement des parcs d’activités économiques, venu remplacer le décret du 11 mars 2004 relatif aux infrastructures d’accueil des activités économiques, et qui prévoit, entre autres, l’octroi de subsides aux opérateurs pour l’équipement des zones d’activités économiques.
7Afin de financer son action, le gouvernement recourt à plusieurs sources de financement : le budget régional dit ordinaire, les fonds européens de développement régional (fonds FEDER), et des financements alternatifs [2], via la Société wallonne de gestion d’un financement alternatif (SOWAFINAL). La SOWAFINAL a été créée en 2005, en lien avec le Plan Marshall 1.0, en vue d’accélérer le financement de l’assainissement des sites à réaménager (SAR, anciennement nommés pour partie sites d’activité économique désaffectés (SAED)), ainsi que l’équipement des PAE prioritaires et des zones portuaires.
8Le public cible de la politique est constitué des entreprises confrontées à une décision de localisation, c’est-à-dire les entreprises qui font face au choix du lieu d’implantation d’un nouveau site [3] pour le transfert (partiel ou total) d’activités existantes ou la création de nouvelles capacités (en ce compris les créations ex nihilo).
9L’objectif affiché par l’intervention publique est d’augmenter l’offre foncière en quantité (superficie) et d’en améliorer la qualité. À l’échelle de l’entreprise (niveau microéconomique), cela devrait permettre de minimiser les coûts immobiliers, y compris les coûts de transaction (en d’autres termes, l’entreprise face à une décision de localisation trouve un espace qui répond à son besoin), et influer ainsi positivement sur la productivité. À l’échelle de la région (niveau macroéconomique), la disponibilité foncière constituerait un facteur d’attractivité, permettant à la fois de maintenir et d’attirer en Wallonie des entreprises, condition nécessaire pour un développement économique régional pérenne. Notons ici que la politique d’accueil de l’activité économique doit s’intégrer dans les objectifs stratégiques de l’aménagement du territoire. La question de l’efficacité spatiale (parcimonie dans la gestion du sol) doit donc être considérée en parallèle de l’efficacité économique (développement régional).
3 – Une stratégie empirique articulant 5 démarches de collecte et d’analyse
10La stratégie empirique développée pour cette évaluation est composée de cinq démarches différentes et complémentaires. La figure 1 donne une vue d’ensemble de ces 5 démarches de collecte et d’analyse.
Cinq démarches de collecte et d’analyse (couleur claire = analyse quantitative ; couleur foncée = analyse qualitative)
Cinq démarches de collecte et d’analyse (couleur claire = analyse quantitative ; couleur foncée = analyse qualitative)
11La première démarche est une analyse budgétaire des moyens consacrés à la mise à disposition des terrains pour l’activité économique de 2005 à 2017 en Wallonie. Trois types de financement ont été considérés : les budgets ordinaires, les fonds FEDER et les financements alternatifs SOWAFINAL. Une analyse des montants budgétaires, en évolution temporelle, ainsi que des remboursements d’emprunts (dans le cas des financements alternatifs) a été réalisée.
12La deuxième démarche est une étude du profil économique des entreprises présentes dans les PAE et dans les zones des ports autonomes. Préalablement à cette analyse du profil économique, faute de données existantes, un inventaire des entreprises implantées dans les PAE et zones portuaires a été dressé par l’IWEPS, avec l’aide des IDE et des ports autonomes. Afin de s’assurer de la fiabilité statistique des données collectées, l’exercice a été reproduit à trois reprises, en juin 2016, juin 2017 et juin 2018. Dans un second temps, la liste des entreprises implantées en PAE et zones portuaires en juin 2017 (9 211 entreprises) a été croisée avec les registres du datawarehouse « entreprises » de Statbel (office belge de statistiques). Sur cette base, des statistiques descriptives et des indicateurs de performances économiques des entreprises implantées dans les PAE et zones portuaires ont été établis. Ces indicateurs documentent notamment la question des effets de la politique (cf. supra).
13La troisième démarche, menée au printemps 2018, s’appuie sur une technique qualitative de recueil d’informations, à savoir des entretiens semi-directifs auprès d’opérateurs de terrains. Au total, treize opérateurs (huit IDE, quatre ports autonomes et un opérateur privé) ont été interrogés sur plusieurs volets : les forces et faiblesses en termes de compétitivité territoriale qu’ils identifient pour leur sous-région, leurs perceptions des besoins fonciers et immobiliers des entreprises, leur point de vue sur le nouveau cadre légal (décret du 2 février 2017) et les inventaires (existants ou à créer) pour piloter efficacement la politique, ainsi que leurs avis par rapport aux politiques menées dans les régions ou pays voisins. Outre la réalisation d’une analyse de type SWOT (strenghs, weaknesses, opportunities, threats pour forces, faiblesses, opportunités et menaces) des facteurs de compétitivité territoriale, l’information collectée dans le cadre de ce troisième axe éclaire bon nombre de résultats obtenus via les autres démarches d’analyse.
14La quatrième démarche vise à mieux cerner les besoins fonciers et immobiliers des entreprises, notamment au travers des facteurs influençant leur choix de localisation. Une enquête en ligne, propre à cet exercice d’évaluation, a été développée. La conception du questionnaire, la méthode d’analyse et la mise en perspective des résultats se sont appuyées sur différents travaux menés à l’échelle de la Wallonie (CPDT, 2005 ; IWEPS, 2013 ; UWE, 2017) mais aussi en France (Sergot, 2004) ou en Tchéquie (Suchácek et al., 2017). Au total, 166 entreprises, principalement localisées en PAE ou zones portuaires, et plus ponctuellement dans d’autres types d’espaces (parcs privés, environnement urbain, etc.), ont répondu à l’enquête. Outre des analyses de type univarié sur les caractéristiques des entreprises répondantes et de leur site, une attention particulière a été accordée au processus de décision de localisation et aux facteurs influençant celui-ci. Une analyse factorielle exploratoire a également été réalisée afin de mettre en évidence les facteurs les plus prégnants dans les décisions de localisation des entreprises. Les résultats tirés de l’enquête apportent un éclairage important à la question évaluative relative aux besoins fonciers et immobiliers des entreprises.
15La cinquième démarche consiste en une analyse de type benchmarking de la politique d’accueil de l’activité économique mise en place en Wallonie, par rapport à celles de la Flandre, de la France, des Pays-Bas, de l’Allemagne et du Royaume-Uni [4]. L’exercice a été mené sur la base d’une analyse documentaire et la rencontre de témoins privilégiés, en particulier pour le cas allemand. Cette analyse permet, d’une part, de comparer les politiques au niveau de leur efficacité économique et spatiale, et d’autre part, de mieux comprendre les forces et les faiblesses relatives de la politique wallonne.
16Au sein de chacune des cinq démarches d’analyse, des regards croisés avec les éléments recueillis dans d’autres parties ont été établis. Par exemple, au travers des entretiens (troisième démarche), les opérateurs ont été invités à réagir aux résultats préliminaires de l’enquête auprès des entreprises (quatrième démarche) et aux premiers enseignements du benchmarking (cinquième démarche). De même, le questionnaire de l’enquête auprès des entreprises a tenté d’éclairer certains points d’attention mis en avant par l’analyse de benchmarking. Ces interactions entre les approches ont enrichi substantiellement l’analyse globale et aidé à construire une synthèse des résultats sous la forme de réponses aux questions évaluatives.
4 – Résultats
17La présentation des résultats est structurée en deux parties, en fonction des réponses apportées aux questions évaluatives relatives, d’une part, à la conception et la mise en œuvre de la politique et, d’autre part, aux effets de la politique.
4.1 – La politique constitue-t-elle une réponse adéquate aux besoins fonciers des entreprises ?
4.1.a – Le modèle de financement de la politique et sa soutenabilité à moyen et long termes
18De 2014 à 2017, 86 millions d’euros du budget ordinaire wallon ont été consacrés à l’équipement des PAE, 14 millions à celui des ports. Pour la même période, la part régionale des fonds FEDER pour les PAE et les ports s’élevait respectivement à 59 millions d’euros et 4,5 millions d’euros. Quant aux financements alternatifs, les mécanismes SOWAFINAL 1 et SOWAFINAL 2 ont permis de réaliser des travaux pour 64 millions d’euros dans les PAE et pour 10 millions dans les ports autonomes.
19Dans la figure 2, pour la période 2005 à 2017, sont additionnés en bâtonnets les moyens venant du budget wallon consacrés à l’équipement des parcs d’activités économiques selon les différentes sources de financement et les moyens mis à disposition des opérateurs par la SOWAFINAL. Parallèlement, la courbe bleue montre l’évolution des montants dévolus dans le budget régional au remboursement des emprunts contractés dans le cadre de la SOWAFINAL.
Moyens consacrés à l’équipement des parcs d’activités économiques de 2005 à 2017 (en euros)
Moyens consacrés à l’équipement des parcs d’activités économiques de 2005 à 2017 (en euros)
20En 2017, les interventions régionales pour supporter la charge du remboursement des financements alternatifs étaient à peine inférieures de 3 millions d’euros aux moyens engagés pour l’équipement des PAE dans le cadre du budget ordinaire. En outre, comme tous les moyens réservés auprès de la SOWAFINAL n’ont pas encore été utilisés, ces interventions régionales vont augmenter dans les années à venir.
21Le premier Plan Marshall devait servir à résorber le retard en termes de terrains disponibles pour l’activité économique et comptait, pour ce faire, sur un mécanisme de financement alternatif. L’analyse budgétaire met en évidence les impacts actuel et futur, à moyen et long termes, des choix posés pour financer la politique et questionne la soutenabilité de ce modèle.
4.1.b – Des entreprises bénéficiaires de petite taille, avec des besoins spécifiques
22L’inventaire dressé dans le cadre de cette évaluation met en évidence le résultat suivant : le tissu des entreprises présentes dans les PAE et ports autonomes de Wallonie est constitué principalement de très petites entreprises (TPE) (53,9 % du total) et de petites entreprises (PE) (30,0 % du total) (tableau 1). Les bénéficiaires de la politique sont donc à 85,9 % des entreprises de petite taille [5]. De plus, ce sont pour la grande majorité des entreprises dites mono-établissement (un seul site).
Répartition des entreprises des PAE et zones portuaires selon la classe de taille (en fonction du nombre d’équivalents temps plein – ETP)
Aucun ETP (0) | 2,0 |
TPE (de 0,25 à 9,75 ETP) | 53,9 |
PE (de 10 à 49,75 ETP) | 30,0 |
ME (50 à 249,75 ETP) | 10,1 |
GE (250 ETP et plus) | 3,9 |
TOTAL | 100,0 |
Répartition des entreprises des PAE et zones portuaires selon la classe de taille (en fonction du nombre d’équivalents temps plein – ETP)
23D’après les analyses issues de l’enquête auprès des entreprises et des entretiens auprès des opérateurs, ces petites entreprises ont des besoins spécifiques. Elles sont principalement à la recherche de terrains de petite taille ou alors d’espaces modulables dans des bâtiments relais ou des centres d’entreprises. Elles sont souvent aussi demandeuses d’une mutualisation de services et d’un accompagnement personnalisé. Les deux premiers facteurs qui les poussent dans une démarche de (re)localisation sont des locaux jugés « trop petits » ou « inadaptés ». Si elles doivent se (re)localiser, elles veulent le plus souvent conserver leur ancrage local (cf. infra point 4.1.3.) ; d’où l’importance de veiller à une disponibilité de terrains de petite taille ou de locaux modulables dans l’ensemble des sous-régions. Enfin, elles souhaiteraient disposer d’une information de qualité sur les offres, au niveau sous-régional, voire même local.
24La question de savoir si ce sont bien des petites entreprises qui étaient attendues dans les PAE et zones portuaires, et dans cette proportion, sera abordée dans les recommandations (section 5).
4.1.c – La rapidité d’installation et l’inertie spatiale
25Les entreprises ne cherchent pas longtemps un terrain ou un bâtiment. De l’enquête auprès des entreprises, il ressort que la rapidité d’installation est un des critères dominants dans le choix d’une nouvelle localisation. Le processus de recherche et de comparaison d’alternatives est souvent fort peu poussé. Les entreprises ont tendance à saisir la première opportunité qui répond autant que faire se peut à leurs besoins.
26Selon les IDE, les lenteurs administratives et la mauvaise communication entre les administrations sont des facteurs ralentissant la mise à disposition de nouveaux terrains pour les entreprises.
27Sur ce sujet, le benchmarking invite à réfléchir au modèle flamand de l’Ijzeren voorraad [6] (à traduire par fonds de réserve ou réserve stratégique), pour répondre plus rapidement aux besoins, tout en conservant des gardes fous pour qu’une plus grande disponibilité de terrains affectables à l’activité économique n’aille pas à l’encontre d’un usage parcimonieux du sol.
28L’inertie spatiale des entreprises est un autre point important identifié dans l’analyse des décisions de localisation d’entreprises : la plupart du temps, la distance entre l’ancien site et le site actuel est relativement courte. Cette forme d’inertie spatiale est confirmée par plusieurs opérateurs. Les décisions de localisation sont liées à l’ancrage local, de manière à ne pas perdre trop de clients mais surtout de personnel ; cette perte serait en effet dommageable pour l’organisation du travail et la productivité de l’entreprise. Si dans certaines sous-régions la disponibilité en terrains ou bâtiments de petite taille est rare, il semble important que la politique puisse y apporter une solution.
4.1.d – L’accessibilité en voiture, un facteur de localisation prioritaire
29D’après l’enquête réalisée, le premier facteur influençant la satisfaction des entreprises répondantes par rapport aux sites qu’elles occupent est celui de l’accessibilité en voiture pour les travailleurs et les clients (tableau 2). Le second facteur est l’accessibilité par la route pour le trafic de marchandises. Ces résultats corroborent les dires des opérateurs par rapport aux besoins que leur expriment les entreprises dans leur recherche d’un nouveau site.
Les deux premiers facteurs déterminants du degré de satisfaction par rapport au site actuel
Facteurs (0 = sans objet, 5 = facteur fondamental) | Moyenne | Écart-type | Coefficient de variation |
---|---|---|---|
Accessibilité en voiture pour les travailleurs/clients | 4,11 | 1,04 | 0,25 |
Accessibilité par routes pour le trafic de marchandises | 3,69 | 1,53 | 0,41 |
Les deux premiers facteurs déterminants du degré de satisfaction par rapport au site actuel
4.1.e – Une gestion du sol qui pourrait être plus parcimonieuse
30Selon l’analyse de benchmarking, relativement à d’autres régions ou pays, la Wallonie pourrait améliorer le caractère parcimonieux de sa gestion du sol. La parcimonie est primordiale si l’on veut continuer à offrir des espaces aux entreprises. Le ratio d’emplois à l’hectare reste peu performant en Wallonie, malgré une attention accrue exprimée par les opérateurs. Plusieurs autres mesures en vue d’une plus grande parcimonie devraient y être associées ; notamment, la mise en place d’immeubles (semi-)mitoyens, la construction sur plusieurs niveaux lorsque les fonctions s’y adaptent ou encore la mise en commun pour plusieurs entreprises de divers services ou de parkings. D’après les informations recueillies lors des entretiens, ces mesures sont encore de l’ordre de l’exception plutôt que de la règle.
4.2 – La politique d’infrastructures d’accueil des activités économiques permet-elle de maintenir et d’attirer des entreprises sur les terrains mis à disposition ? Quel est le profil économique de ces entreprises ?
4.2.a – Des timings différents, des difficultés administratives et des parcs vieillissants
31La rapidité d’installation est un facteur important pour les entreprises lorsqu’elles font un choix de localisation. Face à ce constat, les opérateurs pointent des difficultés relatives à de longs délais avant la mise à disposition de terrains équipés, liées notamment à la lourdeur des procédures administratives et au manque de coordination entre administrations.
32Pour maintenir les entreprises en place, les opérateurs insistent sur l’importance d’entretenir les infrastructures en état dans les parcs « vieillissants ». Le nouveau décret (décret du 2 février 2017 relatif au développement des parcs d’activités économiques) devrait permettre de répondre en partie à cette difficulté. Au niveau des ports, en revanche, rien ne semble à ce jour prévu pour financer l’entretien des infrastructures ; les subsides étant uniquement prévus pour les dépenses d’investissement.
4.2.b – Le profil socio-économique des entreprises implantées en PAE et zones portuaires
33En 2017, l’agrégation des données reçues par les opérateurs permet de conclure que 9 211 entités sont implantées en PAE et zones portuaires, soit sur des terrains, soit dans des bâtiments. En croisant cette liste avec les données du datawarehouse « entreprises » de Statbel, il est possible de fournir quelques statistiques sur le profil des entreprises présentes, plus précisément sur les entreprises dites mono-établissement (82,5 % du total de l’échantillon d’entreprises). Sont repris ici l’emploi et la valeur ajoutée.
34Un total d’environ 108 000 emplois sont localisés en PAE en 2016, soit de l’ordre de 10 % de l’emploi wallon. En termes de valeur ajoutée, les entreprises mono-établissement des PAE et zones portuaires pèseraient 8,36 milliards en 2016. Il est important d’insister sur le fait que ces chiffres, par la seule prise en compte des entités mono-établissement, sous-estiment la réalité, mais restent de bonnes approximations sur la base des données à disposition.
5 – Conclusions et recommandations
35Les enseignements tirés de l’exercice d’évaluation de cette politique wallonne de mise à disposition de terrains en PAE et zones portuaires pour le développement de l’activité économique ont amené à formuler quatre recommandations à l’attention des autorités régionales.
5.1 – Assurer une plus grande cohérence entre, d’une part, la politique économique, et d’autre part, les politiques de mobilité et d’aménagement du territoire
36Plusieurs points d’attention ou incohérences ont été identifiés en lien avec le défi de la mobilité.
37Un premier exemple d’incohérence concerne les travaux de construction de pistes cyclables, réalisés au sein de certains parcs, notamment les plus récents. Ces pistes sont souvent mal connectées au reste du réseau cyclable.
38Un autre point d’attention concerne la fréquente localisation des parcs le long des accès routiers rapides. Certes, ce type de localisation répond au besoin, fréquemment exprimé par les entreprises, d’optimiser les flux routiers de leurs travailleurs, de leurs clients ou de leurs marchandises. Cela génère toutefois des densifications de trafic et renforce les difficultés de connexions aux pistes cyclables et transports en commun.
39Le transport fluvial pose également question. Si ce trafic est en augmentation, il est souvent initié, puis utilisé, par les entreprises, à la suite d’un travail important de promotion. Pour favoriser un report modal du transport de marchandises de la route vers la voie d’eau, il conviendrait de renforcer la coordination des politiques de mobilité par les voies navigables et de développement économique, notamment via l’identification de localisations stratégiques pour les infrastructures portuaires.
40Plusieurs éléments ont également été pointés par rapport à la parcimonie dans la gestion des sols, en lien avec l’aménagement du territoire.
41Les entreprises en développement, lorsque leurs locaux deviennent trop petits ou inadaptés, cherchent à se relocaliser à une courte distance de leur localisation initiale. Il est donc important de proposer des espaces disponibles dans toutes les sous-régions du territoire. Or, dans certaines de celles-ci, les terrains sont de plus en plus rares. Dans ce contexte, la gestion parcimonieuse des PAE et zones portuaires est primordiale. Ce rapport plaide pour une mise en œuvre plus systématique des pratiques de gestion parcimonieuse.
42La remise à niveau des parcs vieillissants est également un enjeu important. Une accélération de ce processus, en concertation avec tous les acteurs publics concernés, notamment pour l’entretien des infrastructures routières ou des impétrants, doit constituer une priorité. La rénovation des zones existantes et de leurs infrastructures est particulièrement cruciale le long des voies d’eau, au vu de la difficulté de trouver des moyens pour rénover les infrastructures portuaires, alors qu’un transfert modal vers les voies d’eau est à encourager.
5.2 – S’interroger/se réinterroger sur le public cible et adapter le ciblage de la politique en fonction
43Les informations récoltées et les statistiques construites dans le cadre de l’évaluation conduisent au constat que les PAE sont occupés par une proportion très importante (93 %) de petites ou très petites entreprises.
44Ce constat amène au questionnement suivant : le public cible principal de la politique est-il celui qui était attendu ? Il est important de noter qu’aucun document établi au lancement de la politique ou lors des différents aménagements de celle-ci ne caractérise les bénéficiaires ou destinataires de la politique. Plusieurs alternatives sont possibles.
45Soit la politique de mise à disposition de terrains vise à faciliter le développement de petites entreprises. L’accueil et le maintien de ces entreprises permettent une forme de stabilité pour l’économie wallonne. En effet, leurs lieux de décision sont, dans la plupart des cas, localisés en Wallonie ou à Bruxelles, parfois en Flandre. Il existe donc une forme d’ancrage territorial par rapport à la Wallonie, ce qui n’est bien souvent pas le cas pour de plus grosses entreprises. Il est alors important de noter que les petites entreprises ont des besoins spécifiques et, en ne les ciblant pas particulièrement, la politique manque d’efficacité.
46Soit le but de la politique de mise à disposition de terrains n’est pas d’attirer une telle proportion de petites entreprises dans les PAE. On peut alors supposer que les petites entreprises en PAE sont pour certaines mal localisées. Si le secteur d’activité s’y prête et que les nuisances par rapport à l’usage résidentiel du sol ne posent pas de problème particulier, il faudrait encourager leur localisation en dehors des PAE, dans des zones plus proches des centres urbains, dans de petits espaces, etc.
47Soit le public cible recherché est un équilibre entre des entreprises de tailles différentes. Étant donné les résultats obtenus dans cette évaluation, l’équilibre est alors à construire.
48Dans tous les cas, une clarification du public cible et de ses caractéristiques permettrait de mieux cibler les réponses apportées par la politique et accroîtrait son efficacité.
5.3 – Assurer un financement de la politique qui minimise les conséquences budgétaires, à moyen et long termes
49Depuis le premier Plan Marshall, qui avait l’objectif de résorber le retard en termes de terrains disponibles pour l’activité économique, trois programmes de financement alternatif se sont succédé. Les remboursements des emprunts contractés dans ce cadre se cumulent et ont des répercussions sur les budgets à moyen et long termes.
50La question à se poser aujourd’hui est de savoir si on est toujours en train de combler un retard. Si ce n’est plus le cas, quelles sont les raisons qui poussent à la poursuite des programmes de financement alternatif ? Et plus fondamentalement, le modèle de financement actuel est-il soutenable sur le long terme ?
5.4 – Mobiliser les moyens financiers et humains nécessaires à la mise en place de deux inventaires pour renforcer le suivi et la planification de la politique : un inventaire des terrains occupés et disponibles pour l’activité économique et un inventaire des entités actuellement implantées dans les PAE et zones portuaires
51Bien qu’il s’agisse d’un sujet de préoccupation depuis plus de 10 ans, il n’existe toujours pas d’inventaire des terrains occupés et disponibles pour l’activité économique en Wallonie ni d’inventaire des entités implantées dans les PAE et zones portuaires.
52Dans le nouveau décret, entré en vigueur le 1er septembre 2017, le rapportage demandé aux opérateurs est une première étape. La validation, l’harmonisation et l’analyse de ces données sont les étapes suivantes. Ce rapportage ne concerne cependant pas les ports autonomes. L’absence d’inventaires centralisés pose des problèmes pour le suivi et la planification de la politique ; par exemple, pour s’assurer du bon ciblage de la politique, ou pour savoir s’il y a un manque de terrains disponibles pour l’activité économique.
Bibliographie
Bibliographie
- CPDT (2005), Thème 1.1 Mutations spatiales et structures territoriales, Rapport de la subvention 2004-2005.
- Halleux, J.-M. et Zangl, S. (2018), Les politiques d’accueil de l’activité économique : benchmark sur la Wallonie et ses régions/pays limitrophes, Université de Liège, https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/222647/1/13.RapportBenchmarking.pdf.
- IWEPS (2013), Évaluation du Plan Marshall 2.Vert – Évaluation thématique n° 5 : Terrains mis à disposition du développement économique, Rapport de recherche IWEPS, n° 4.
- IWEPS (2019), Les terrains équipés mis à disposition des entreprises pour favoriser leur développement – Analyse évaluative, Rapport de recherche IWEPS, n° 29.
- Sergot, B. (2004), Les déterminants des décisions de localisation – Les créations de nouveaux sites des entreprises françaises de l’industrie et des services, Thèse de doctorat, Université Paris I Panthéon Sorbonne.
- Suchácek, J., Sed’a, P., Friedrich, V. et Koutský, J. (2017), « Regional aspects of the development of largest enterprises in the Czech Republic », Technological and Economic Development of Economy, 23(4), 649-666.
- Union Wallonne des Entreprises – Cellule Parcs d’Activité Durables (2017), Étude sur l’occupation et la réutilisation des bâtiments dans les parcs d’activité économique, Rapport de recherche.
- Union Wallonne des Entreprises (2019), Études sur la situation de l’entreprise – Édition 2019. « Combien d’entreprises compte la Wallonie ? ».
Notes
-
[1]
Cet article résume les principaux enseignements de l’analyse évaluative « Les terrains équipés mis à disposition des entreprises pour favoriser leur développement », menée par l’IWEPS dans le cadre du programme d’évaluation du Plan Marshall 4.0. Les travaux ont bénéficié de l’accompagnement scientifique et méthodologique du Professeur Jean-Marie Halleux (ECOGEO, ULiège). Le rapport final (IWEPS, 2019), remis au gouvernement wallon en avril 2019, est disponible sur le site de l’IWEPS : https://www.iweps.be/publication/terrains-equipes-mis-a-disposition-entreprises-favoriser-developpement-analyse-evaluative/.
-
[2]
Le financement alternatif est une procédure classique de débudgétisation permettant au pouvoir exécutif régional d’effectuer des investissements dont la charge est étalée sur une durée d’au minimum 20 ans. Les financements alternatifs sont mobilisés par des emprunts contractés par des institutions wallonnes tierces (notamment la SOWAFINAL) et dont les charges d’intérêt et les amortissements sont, en tout ou en partie, supportés par le budget régional. En d’autres termes, au niveau du budget régional, seuls apparaissent les charges d’intérêt et les amortissements de ces emprunts.
-
[3]
La notion légale d’unité d’établissement représente l’unité de référence pour étudier les décisions de localisation des entreprises. Craignant que la terminologie d’unité d’établissement ne soit pas comprise de tous, il a été décidé d’utiliser le terme de site. L’unité d’établissement (ou établissement) et le site doivent être considérés ici comme des termes équivalents pour désigner l’unité géographique de base de l’entreprise.
-
[4]
En complément du rapport d’évaluation (IWEPS, 2019), un rapport spécifique a été publié sur l’analyse de benchmarking (Halleux et Zangl, 2018).
-
[5]
À titre de comparaison prudente, d’après l’Union wallonne des entreprises (2019), sur la base des données de l’ONSS (données décentralisées) de 2017, les entreprises de petite taille (TPE) et (PE) correspondent à 97,2 % du total des entreprises en Wallonie.
-
[6]
Face aux délais croissants de mise en place de nouvelles zones d’activités économiques, la Flandre a développé une politique de « réserve stratégique » afin d’éviter une pénurie de terrains à vocation économique ; en différenciant les étapes de planification et de promotion, soit les deux rôles distincts dévolus aux autorités publiques en matière d’accueil physique des entreprises.