Notes
- [1]Alain MONNIER, Sophie PENNEC, « Le nombre d’orphelins, une inconnue démographique », Association internationale des démographes de langue française (AIDELF), Enfants d’aujourd’hui : diversité des contextes, pluralité des parcours, 2006, pp. 44-55.
- [2]Laurent TOULEMON, Thomas DENOYELLE, « La définition des ménages dans les enquêtes françaises : comment tenir compte des multi-résidences ? », Actes des onzièmes journées de méthodologies statistiques, 2012.
- [3]Alain MONNIER, Sophie PENNEC, « Orphelins et orphelinage », in Cécile LEFÈVRE (éd.), Histoires de familles, histoires familiales : les résultats de l’enquête Famille de 1999, Ined, Cahiers de l’Ined, 2005, pp. 367-385.
- [4]Cécile FLAMMANT, Sophie PENNEC, Laurent TOULEMON, Cinquième rapport pour la Fondation d’entreprise Ocirp : Estimation de l’orphelinage précoce à partir de l’échantillon démographique permanent, juin 2017, 28 p., https://orphelins.site. ined.fr/fr/la-recherche/
Patrick FESTY, « Mortalité des adultes et proportions d’orphelins en 1991 en Autriche », Population, n° 49, vol. 4-5, 1994, pp. 1173-1179. - [5]Cécile FLAMMANT, Sophie PENNEC, Laurent TOULEMON, 2017, Cinquième rapport..., op. cit.
- [6]4 % des orphelins vivant en France repérés dans les fichiers de la Cnaf résident dans les départements et régions d’outre-mer.
- [7]Cécile FLAMMANT, Approche démographique de l’orphelinage précoce en France. Thèse de doctorat en démographique, sous la direction de Laurent TOULEMON et Sophie PENNEC, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, École doctorale de géographie de Paris ED, 434, 2019, 209 p.
- [8]Nathalie BLANPAIN, « Perdre un parent pendant l’enfance : quels effets sur le parcours scolaire, professionnel, familial et sur la santé à l’âge adulte ? », Études et Résultats, n° 668, 2008, 8 p.
- [9]Cécile Flammant, 2019, op. cit.
- [10]France MESLÉ, Jacques VALLIN, Richard G ROGERS, Eileen M. CRIMMINS, « Historical trends in mortality », in International Handbook of Adult Mortality, Springer, 2011, pp. 9-47.
- [11]Alain MONNIER, Sophie PENNEC, « Trois pour cent des moins de 21 ans sont orphelins en France », Population et Sociétés, n° 396, 2003, 4 p.
- [12]En regroupant les enquêtes réalisées de 2005 à 2013, nous disposons d’un échantillon de 2 010 familles avec un orphelin mineur, dont 1 580 avec un ou plusieurs orphelins de père et 430 un orphelin de mère. Ces enquêtes ne montrent pas d’évolution temporelle dans les situations familiales des orphelins.
- [13]Vianey COSTEMALLE, « Parcours conjugaux et familiaux des hommes et des femmes selon les générations et les milieux sociaux », Couples et familles, Insee, 2015, pp. 63-76.
- [14]Nathalie BLANPAIN, « Les hommes cadres vivent toujours 6 ans de plus que les hommes ouvriers », Insee Première, n° 1584, 2016, 4 p.
- [15]Le niveau de vie monétaire est un indicateur qui mesure la richesse d’un ménage en tenant compte de sa structure (le nombre de personnes du ménage et leur âge) et des économies d’échelle réalisées en partageant un même logement, ce qui permet de comparer des ménages de structures différentes. Il se calcule en rapportant le revenu disponible total du ménage à la somme des unités de consommation (UC) : le premier adulte compte pour 1 UC, les autres pour 0,5 UC et les enfants de moins de 14 ans pour 0,3 UC.
- [16]Le niveau de vie des 10 % des habitants au niveau de vie le plus faible correspond pour les familles avec enfants mineurs au seuil de pauvreté monétaire (à 60 % du niveau de vie médian). Les résultats concernant les familles avec ou sans orphelins sont similaires quand on décrit les 10 % ou les 20 % au niveau de vie le plus faible, mais la précision statistique est meilleure au seuil de 20 %. C’est pourquoi nous présentons ici des comparaisons sur les proportions de familles à niveau de vie faible (20 % de la population).
- [17]L’odds ratio (OR, ou rapport des risques) est le rapport des proportions de familles à faible niveau de vie dans le groupe d’intérêt comparé au groupe de référence, divisé par le rapport des proportions de familles qui n’ont pas un faible niveau de vie. Il est égal à 1 si le groupe est similaire au groupe de référence, et supérieur à 1 pour les groupes à niveau de vie plus faible.
1Les familles sont très diverses et, au sein de cette diversité, la situation des familles des orphelins peut être considérée comme problématique pour deux raisons. D’une part, les enfants privés d’un parent se trouvent en situation de fragilité sociale et économique ; d’autre part, être orphelin résulte du décès d’un parent, accident de la vie souvent non prévu et jamais souhaité, et la question de la solidarité nationale face à ces situations se pose dans des termes spécifiques. Pourtant, très peu d’études quantitatives sont réalisées sur les orphelins, notamment en raison de la difficulté pour les repérer [1].
2Pour étudier les familles des orphelins, il faut d’abord définir ce qu’est un orphelin. Après en avoir proposé une définition et analysé comment elle peut être mise en application à partir des données de la statistique publique, nous verrons comment estimer le nombre d’orphelins en France et son évolution récente, et proposerons une nouvelle estimation du nombre d’orphelins en France en 2015.
3Nous nous intéresserons ensuite aux familles des orphelins. Une comparaison avec l’ensemble des familles permettra de voir quels groupes sociaux sont les plus concernés. Nous étudierons ensuite le niveau de vie des familles des orphelins : ces familles sont-elles confrontées à des difficultés particulières, notamment de pauvreté ? Si l’on trouve des différences, quelle part de ces différences peut-on attribuer spécifiquement à la présence d’un orphelin ? Nous répondrons à cette dernière question en mettant en regard leur niveau de vie avec celui de familles aussi comparables que possible, en termes de structure ou de position sociale.
Comment repérer les orphelins et leurs familles ?
4Nous définissons l’état d’orphelin comme celui d’une personne qui a perdu soit un parent soit ses deux parents par décès, et nous centrons nos analyses sur les enfants mineurs (âgés de moins de 18 ans) et les jeunes adultes (âgés de moins de 25 ans). Nous utilisons l’expression « orphelins de père » pour désigner les enfants dont le père est décédé, indépendamment de la survie de la mère, c’est-à-dire que la catégorie « orphelins de père » inclut les orphelins de père et de mère (il en va de même pour l’expression « orphelins de mère »). Les enquêtes de l’Institut de la statistique et des études économiques (Insee) utilisant le Tronc commun des ménages (TCM) comportent deux questions posées pour tous les habitants des logements, sur la présence du père et de la mère dans le logement [2]. Une modalité de réponse concerne le décès éventuel du père ou de la mère :
- « La mère de [PRÉNOM] vit-elle ici ? Oui, elle vit ici / Non, elle vit ailleurs / Non, elle est décédée / Mère inconnue / Ne sait pas »
- « Le père de [PRÉNOM] vit-il ici ? Oui, il vit ici / Non, il vit ailleurs / Non, il est décédé / Père inconnu / Ne sait pas »
6On peut ainsi, à la date de chaque enquête, estimer la proportion d’orphelins parmi les enfants mineurs ou les jeunes vivant dans les ménages ordinaires.
7Dans les Enquêtes « Famille » réalisées par l’Insee en 1999 et 2011, deux questions sont posées aux adultes de plus de 18 ans sur le décès éventuel du père et de la mère :
- « Votre père (ou l’homme qui vous a élevé) est-il vivant ? et « votre mère (ou la femme qui vous a élevé) est-elle vivante ? »
- En cas de décès du père ou de la mère, l’année du décès est demandée.
9On peut donc distinguer rétrospectivement les individus qui ont perdu leur père ou leur mère avant l’âge de 18 ou 25 ans [3]. Dans les Enquêtes « Famille » les tests ont montré que les personnes ont à cœur de parler des « parents qui les ont élevés ». Les enfants qui n’ont jamais connu leur père ne sont donc pas considérés comme orphelins ; de même, les enfants qui ont été adoptés font le plus souvent référence à leurs parents d’adoption et ne se déclarent pas comme orphelins si les parents qu’ils avaient avant d’être adoptés sont décédés, tandis que leurs parents d’adoption sont vivants. Enfin, à partir des données de l’état civil sur les naissances selon l’âge des parents et de la mortalité des parents par âge, on peut estimer par simulation le nombre d’orphelins. Les statistiques de mortalité ne distinguent pas les décédés selon qu’ils aient ou non des enfants, et nous avons utilisé l’Échantillon démographique permanent (EDP) de l’Insee pour estimer la sous-mortalité des parents par rapport à celle des personnes sans enfant, puis finalement la mortalité des parents [4]. Chaque source a ses atouts et ses limites : les enquêtes utilisant le TCM souffrent très probablement d’une sous-déclaration des orphelins, mais renseignent très précisément sur les conditions de vie des orphelins et de leur famille ; les Enquêtes « Famille » renseignent sur un champ partiel (sont définis comme parents les adultes qui ont élevé les enfants), tandis que les estimations fondées sur l’état civil sont fragiles car indirectes : elles nécessitent de modéliser le lien entre fécondité et mortalité adulte. L’évolution de la proportion d’orphelins est difficile à mesurer à partir des enquêtes, à cause de l’instabilité des réponses au cours du temps. Les tendances observées dans les séries des TCM sont perturbées par une amélioration de la déclaration (qui peut cacher une baisse) tandis que c’est probablement l’inverse dans les Enquêtes « Famille » où les enfants devenus adultes évoquent les « parents qui les ont élevés ». Ces enquêtes n’ont lieu que dans les ménages ordinaires dans lesquels vivent plus de 95 % des orphelins, soit avec leur parent vivant soit avec d’autres adultes, y compris en famille d’accueil. Le calcul démographique fondé sur les évolutions de la fécondité et de la mortalité issues de l’état civil et de l’Échantillon démographique permanent [5] est assez robuste aux modélisations des différences sociales et de la corrélation entre fécondité et mortalité, et apparaît donc finalement comme la source la plus sûre pour estimer la tendance de l’orphelinage dans les années récentes. En revanche, pour décrire les situations familiales des orphelins, le TCM est la source la plus complète et la plus précise. La plupart des enquêtes n’ayant pas eu lieu dans les départements d’outre-mer, toutes nos estimations portent uniquement sur la France métropolitaine [6].
Une estimation du nombre d’orphelins en 2015
10Ces sources conduisent à des estimations assez hétérogènes, mais dont les ordres de grandeur sont proches pour 2015 : nous arrivons à l’estimation moyenne de 251 000 orphelins de moins de 18 ans (1,8 % de cette tranche d’âge) [7]. Le tableau 1 présente également une estimation des proportions d’orphelins de mère et de père : 77 % des orphelins mineurs sont orphelins de mère et 25 % sont orphelins de père (dont 2 % sont à la fois orphelins de père et de mère). Par rapport à la population des enfants mineurs, on compte donc 1,3 % d’enfants orphelins de mère et 0,5 % d’enfants orphelins de père. L’estimation des orphelins de père et de mère est très faible (0,04 %) et très imprécise à partir de nos sources, car d’une part les enquêtes n’incluent pas les enfants vivant en logement collectif et d’autre part les orphelins de père et de mère sont les plus susceptibles d’être adoptés et donc de « disparaître » en tant qu’orphelins, grâce au fait qu’ils ont des parents adoptifs. Dans les fichiers de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), on compte environ 1 700 enfants pour lesquels un allocataire touche l’Allocation de soutien familial (ASF) et codés comme orphelins de père et de mère, mais on ne peut pas mettre simplement en rapport ce nombre avec notre estimation de 5 000 orphelins mineurs de père et de mère. Quelques orphelins mineurs vivent hors ménage ordinaire. En 2005, 5 % des adultes devenus orphelins avant l’âge de 20 ans (4 % des orphelins de mères, 6 % des orphelins de père et un quart des orphelins doubles) ont connu une période de leur vie en orphelinat ou dans une autre structure collective [8] ; comme ceux qui ont vécu dans un établissement peuvent ne pas y être entrés après le décès ou ne pas y être restés jusqu’à leur majorité, et que de plus la proportion d’orphelins vivant en établissement a diminué au fil du temps, la part des orphelins en 2015 vivant en institution est donc certainement inférieure à 5 % (et leur nombre est inférieur à 13 000 orphelins mineurs). On estime que 3 à 4 % des orphelins vivent en ménage collectif [9]. Si l’on ajoute aux mineurs les orphelins de 18 à 24 ans, on arrive à une estimation de 612 000 orphelins de moins de 25 ans (3,3 % de cette tranche d’âge). La répartition entre orphelins de mère et orphelins de père reste inchangée (environ trois quarts et un quart), mais les orphelins de père et de mère deviennent plus fréquents : 5 % des orphelins de 18-24 ans sont orphelins de leurs deux parents et c’est le cas de 4 % pour l’ensemble des orphelins de moins de 25 ans. Compte tenu de l’incertitude de nos estimations, nous proposons une fourchette d’estimation du nombre des orphelins : entre 600 000 et 650 000 orphelins de moins de 25 ans et entre 250 000 et 270 000 orphelins mineurs.
Effectif (en milliers) et proportion d’orphelins (en %) au 1er janvier 2015
Effectifs (en milliers) | Proportion (en %) | |||
Groupe d’âge | Groupe d’âge | |||
0-17 | 0-24 | 0-17 | 0-24 | |
Orphelins (Ensemble) | 251 | 612 | 1,8 | 3,3 |
Orphelins de père | 194 | 476 | 1,3 | 2,5 |
Orphelins de mère | 62 | 160 | 0,5 | 0,9 |
Orphelins de père et de mère | 5 | 24 | 0,0 | 0,1 |
Effectif (en milliers) et proportion d’orphelins (en %) au 1er janvier 2015
Champ : France métropolitaine.Note de lecture : 251 000 enfants de moins de 18 ans sont orphelins de père, de père ou des deux parents. Cela représente 1,8 % des enfants de 0 à 17 ans inclus.
11Depuis 1999, la proportion d’orphelins a diminué grâce à la baisse de la mortalité des adultes [10] ; cependant cette baisse a été contrariée par le retard des naissances, entraînant une différence d’âge accrue entre parents et enfants. Entre 1999 et 2015, les proportions d’enfants mineurs orphelins de père et orphelins de mère ont baissé respectivement de 18 % et 14 %, car l’effet de la baisse de la mortalité domine celui du retard des naissances.
Les familles des orphelins ressemblent aux familles des enfants de parents séparés
12Dans quelles familles vivent les orphelins ? Compte tenu de leurs besoins spécifiques, nous concentrons nos analyses sur les enfants mineurs. Les enfants orphelins ou non peuvent vivre avec leurs deux parents dans une famille « simple » (un couple et ses enfants), avec un seul parent non en couple (famille monoparentale) ou à nouveau en couple (famille recomposée) ou sans aucun de ses parents. Dans ce dernier cas nous distinguons la présence d’un couple avec un lien familial à l’enfant ou sans lien familial (le plus souvent une famille d’accueil) ou la présence d’un homme ou d’une femme non en couple dans le ménage (presque toujours un adulte ayant un lien familial avec le ou les enfants du ménage). Nous allons d’abord décrire la situation familiale des enfants orphelins qui vivent en ménage ordinaire, à partir des caractéristiques de leur parent ou de l’adulte de référence du ménage (diplôme et catégorie socioprofessionnelle [11]) telles qu’elles figurent dans les enquêtes avec TCM [12]. Nous vérifierons ensuite si les familles avec orphelins ont plus souvent un faible niveau de vie que les familles comparables en termes de structure et de caractéristiques sociales.
13Plus de 98 % des orphelins mineurs ont un parent vivant et plus de 93 % habitent avec celui-ci. Lorsque les orphelins habitent avec leur parent vivant, il s’agit de la mère dans plus de 80 % des cas. Parmi les orphelins qui n’habitent avec aucun parent, environ les trois quarts ont un parent vivant, qui habite ailleurs, et dans plus de 60 % des cas il s’agit du père.
14Presque tous les orphelins de père vivent avec leur mère (96 %), mais seuls 84 % des orphelins de mère vivent avec leur père. Tout d’abord, la proportion d’enfants dont les deux parents sont décédés (5/251 = 2 % des orphelins, voir tableau 1) est mécaniquement plus grande parmi les orphelins de mère (5/62 = 8 % des orphelins de mère) que parmi les orphelins de père (5/194 = 3 % des orphelins de père) puisque les premiers sont beaucoup moins nombreux (62 000 contre 194 000). Ensuite, une petite partie des orphelins de mère ne connaissent pas leur père, alors que la situation inverse n’existe pas ; au total, 1,7 % d’orphelins de père et 6,1 % des orphelins de mère n’ont pas d’autre parent car il est inconnu ou décédé. Enfin, lorsque les orphelins ont un parent vivant et connu, la non-cohabitation avec ce parent est plus probable lorsqu’il s’agit du père (13 % contre 3 %). Le risque plus important d’éloignement du père en cas de décès de la mère pourrait s’expliquer soit par des séparations résidentielles des parents antérieures au décès qui auraient affaibli le lien entre les enfants et leur père avant le décès de la mère, soit par une plus grande « fragilité » des pères dont la conjointe décède (notamment en termes de santé).
15Environ les deux tiers des orphelins vivent dans une famille monoparentale (71 % des orphelins de père et 49 % des orphelins de mère, Tableau 2). La deuxième configuration la plus fréquente est de vivre dans une famille recomposée (un quart de l’ensemble des orphelins), et cela est plus fréquent pour les orphelins de mère (environ un tiers) que pour les orphelins de père (environ un cinquième) : on sait en effet que les hommes se remettent plus rapidement en couple cohabitant que les femmes après une rupture conjugale [13], et cela pourrait être encore plus le cas lorsqu’ils ont des jeunes enfants à charge. Enfin, à peine 10 % des orphelins vivent dans un ménage complexe et, parmi eux, les deux tiers vivent dans un ménage dans lequel ils n’ont aucun parent présent. Les orphelins recueillis (c’est-à-dire ne vivant pas avec un parent, qu’ils aient un parent vivant ou non) vivent pour moitié avec un couple et pour moitié avec une personne seule, le plus souvent une femme de leur famille.
Parent(s) présents dans le logement | Structure familiale du ménage | Ensemble des orphelins | Orphelins de père (mère vivante) | Orphelins de mère (père vivant) | Orphelins de père et de mère |
Mère | Monoparentale | 53,3 | 70,9 | - | - |
Recomposée | 16,4 | 21,8 | - | - | |
Complexe | 2,2 | 3,0 | - | - | |
Père | Monoparentale | 11,6 | - | 48,8 | - |
Recomposée | 7,6 | - | 32,1 | - | |
Complexe | 0,8 | - | 3,2 | - | |
Aucun parent | Complexe - couple | 3,4 | 1,5 | 6,3 | 69,3 |
Complexe - femme | 2,0 | 1,1 | 4,4 | 12,5 | |
Complexe - homme | 1,1 | 0,0 | 3,8 | 11,9 | |
Informations manquantes ou incohérentes | 1,7 | 1,7 | 1,4 | 6,7 | |
Ensemble | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 |
Répartition des enfants mineurs selon la configuration familiale du ménage
Champ : Mineurs résidant en ménage ordinaire en France métropolitaine.Note de lecture : 53,3 % des orphelins de moins de 18 ans vivent avec leur mère vivante dans une famille monoparentale. Ils sont 3,4 % à vivre avec aucun parent dans un ménage complexe dans lequel il y a un couple. Les ménages complexes, au sens statistique du terme, sont ceux qui comptent plus d’une famille ou plusieurs personnes isolées, ou toute autre combinaison de familles et personnes isolées (Insee, https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1641).
16On peut comparer les enfants orphelins aux autres enfants qui ne vivent pas avec leurs deux parents, le plus souvent à la suite de la rupture du couple parental. La grande majorité des enfants mineurs (78 %) vivent avec leurs deux parents, 20 % vivent avec un seul ou aucun parent sans être orphelins (Tableau 3). Ces derniers, comme les orphelins, vivent plus souvent avec leur mère qu’avec leur père, et plus souvent en famille monoparentale qu’en famille recomposée. Les orphelins vivent un peu plus souvent avec aucun de leurs parents, et un peu plus souvent en famille monoparentale, parce qu’ils sont un peu plus âgés et, probablement, parce que les ruptures du couple parental par décès sont plus récentes que les autres ruptures. Bien entendu, les orphelins qui vivent avec leur parent vivant n’ont plus leur autre parent, alors que les autres enfants de parents séparés peuvent conserver des contacts avec le parent qui ne vit pas avec eux. Mais la structure familiale des ménages dans lesquels vivent les orphelins est très proche de celle des autres enfants qui ne vivent pas avec leurs deux parents.
Répartition des enfants mineurs selon la configuration familiale du ménage et le sexe du parent présent, après reclassement des ménages complexes
Parent(s) présent(s) | Structure de la famille parentale | Ensemble des mineurs | Un ou aucun parent | Orphelins |
Père et mère | Simple | 77,9 | - | - |
Mère | Monoparentale | 12,4 | 56,3 | 54,8 |
Recomposée | 4,6 | 20,7 | 16,9 | |
Père | Monoparentale | 2,4 | 10,7 | 12,1 |
Recomposée | 1,8 | 8,4 | 8,2 | |
Aucun parent | Couple, lien familial | 0,2 | 0,9 | 2,2 |
Couple, lien non familial | 0,2 | 0,9 | 1,3 | |
Femme | 0,2 | 0,7 | 1,9 | |
Homme | 0,1 | 0,3 | 1,0 | |
Informations manquantes ou incohérentes | 0,4 | 1,1 | 1,7 | |
Ensemble | 100,0 | 100,0 | 100,0 |
Répartition des enfants mineurs selon la configuration familiale du ménage et le sexe du parent présent, après reclassement des ménages complexes
Champ : Mineurs résidant en ménage ordinaire en France métropolitaine.Note de lecture : Les enfants mineurs sont 12,4 % à vivre avec leur mère dans une famille monoparentale. Parmi les enfants vivant avec un seul ou aucun parent, c’est le cas de 56,3 % ; quant aux orphelins, ils sont 54,8 % à vivre dans cette configuration familiale.
Les familles des orphelins sont plus souvent défavorisées en termes de diplôme et de catégorie socioprofessionnelle
17Les orphelins vivent-ils dans des familles défavorisées, tant du point de vue de la position sociale que des revenus ? Pour étudier la position sociale des familles, nous utilisons deux indicateurs : le diplôme et la catégorie socioprofessionnelle du ou des parents (diplôme et catégorie socioprofessionnelle du père ou de la mère pour les familles monoparentales ; du beau-père et de la mère ou du père et de la belle-mère pour les familles recomposées ; du père et de la mère pour les familles simples).
18Les mères d’orphelins en famille monoparentale sont moins diplômées que les autres mères de famille monoparentale (Tableau 4), et nettement moins que les mères de famille simple : environ 30 % ont un niveau de diplôme très bas (aucun diplôme ou seulement le certificat d’études primaire) et 19 % ont un diplôme du supérieur. La répartition par catégorie socioprofessionnelle des mères d’orphelins est par contre peu différente de celle des mères séparées, bien que les premières soient un peu plus souvent employées ou inactives.
19Les pères d’orphelins en famille monoparentale sont un peu moins diplômés que les pères en famille monoparentale sans orphelin et que les pères en famille simple (28 % ont un niveau de diplôme très bas ; 10 % ont un niveau bac et 21 % un diplôme du supérieur). De plus, par rapport à l’ensemble des pères séparés et par rapport aux pères en famille simple, les pères d’orphelins exercent un peu moins souvent une profession de cadre ou intermédiaire, ils sont un peu plus souvent ouvriers et nettement plus souvent inactifs.
20Les familles recomposées avec orphelins de mère sont plutôt favorisées en termes de diplôme : bien que près d’un tiers des pères soient très peu diplômés, ils sont aussi souvent diplômés du supérieur que les pères en famille recomposée sans orphelin et presque aussi souvent que les pères en famille simple (25 % contre 29 %) ; et les belles-mères des orphelins de mère sont un peu plus diplômées que les mères ou belles-mères en famille recomposée sans orphelin et aussi souvent diplômées du supérieur que les mères en famille simple. La répartition par catégorie socioprofessionnelle des pères et des belles-mères des orphelins de mère n’est pas très différente de celle des parents sans orphelin, bien que les premiers (et premières) soient plus fréquemment inactifs (et inactives) ; elle est un peu moins favorable que celle des pères et des mères en famille simple. À l’inverse, les beaux-pères des orphelins de père ont nettement moins souvent un diplôme du supérieur, et ils sont bien plus souvent très peu diplômés que les pères ou beaux-pères sans enfant orphelin ; et les mères des orphelins de père sont également moins diplômées que les mères ou belles-mères sans enfant orphelin. Du point de vue de la catégorie socioprofessionnelle, les beaux-pères des orphelins de père sont un peu plus souvent ouvriers et un peu moins souvent professions intermédiaires que les pères ou beaux-pères sans enfant orphelin, tandis que les mères sont plus souvent inactives que les mères ou belles-mères sans enfant orphelin. Les familles recomposées avec orphelins de père ont également une position sociale moins favorable que les familles simples, que l’on s’intéresse au diplôme ou à la catégorie socioprofessionnelle du père ou de la mère. La mortalité des pères est donc plus fréquente et plus sélective socialement que la mortalité des mères ; on retrouve ici, du point de vue des enfants, un résultat connu sur la mortalité différentielle des adultes [14], qui s’applique aussi aux parents.
A. Diplôme
Structure familiale | Primaire | Collège | Lycée | Supérieur | Total | ||
Mono, mère | Pas d’O | Mère | 21,8 | 33,6 | 18,8 | 25,8 | 100,0 |
OP | 29,9 | 35,1 | 16,5 | 18,5 | 100,0 | ||
Mono, père | Pas d’O | Père | 16,8 | 41,3 | 16,7 | 25,2 | 100,0 |
OM | 27,7 | 41,9 | 9,8 | 20,7 | 100,0 | ||
Recomposée | Pas d’O | Père | 17,3 | 41,0 | 18,1 | 23,6 | 100,0 |
Mère | 16,5 | 35,4 | 20,0 | 28,0 | 100,0 | ||
OP | Père | 27,9 | 38,9 | 14,0 | 19,2 | 100,0 | |
Mère | 29,4 | 36,7 | 10,8 | 23,1 | 100,0 | ||
OM | Père | 32,1 | 27,8 | 14,6 | 25,6 | 100,0 | |
Mère | 17,9 | 35,3 | 9,6 | 37,3 | 100,0 | ||
Simple | Père | 17,2 | 36,9 | 16,5 | 29,4 | 100,0 | |
Mère | 14,9 | 29,9 | 19,2 | 36,1 | 100,0 |
A. Diplôme
B. Catégorie socioprofessionnelle
Structure familiale | Indépendants | Cadres | Intermédiaires | Employés | Ouvriers | Inactifs | Total | ||
Mono, mère | Pas d’O | Mère | 3,2 | 8,0 | 19,6 | 45,7 | 10,2 | 13,3 | 100,0 |
OP | 2,9 | 6,1 | 15,3 | 46,0 | 14,6 | 15,1 | 100,0 | ||
Mono, père | Pas d’O | Père | 9,6 | 16,7 | 27,5 | 10,0 | 33,3 | 2,9 | 100,0 |
OM | 11,2 | 12,7 | 18,3 | 14,1 | 35,0 | 8,8 | 100,0 | ||
Recomposée | Pas d’O | Père | 9,9 | 14,5 | 23,2 | 12,9 | 37,1 | 2,4 | 100,0 |
Mère | 3,3 | 8,6 | 19,4 | 41,4 | 9,5 | 17,7 | 100,0 | ||
OP | Père | 9,3 | 15,0 | 15,9 | 10,5 | 43,2 | 6,0 | 100,0 | |
Mère | 2,7 | 4,8 | 20,2 | 38,1 | 8,8 | 25,5 | 100,0 | ||
OM | Père | 4,4 | 15,0 | 22,5 | 13,8 | 39,0 | 5,3 | 100,0 | |
Mère | 1,7 | 6,9 | 18,4 | 45,0 | 6,2 | 21,8 | 100,0 | ||
Simple | Père | 12,5 | 18,9 | 22,8 | 10,7 | 33,6 | 1,6 | 100,0 | |
Mère | 4,0 | 10,1 | 21,8 | 38,7 | 7,2 | 18,2 | 100,0 |
B. Catégorie socioprofessionnelle
Position sociale des parents selon le type de famille
Note : OP : orphelin de père ; OM : orphelin de mère ; O : orphelin.Note de lecture : un quart (25,8 %) des familles monoparentales sans orphelin ont à leur tête une femme ayant un niveau d’éducation supérieur ; ce pourcentage est de 18,5 % dans les familles de même configuration dans lesquelles il y a un ou plusieurs orphelins.
21En résumé, les familles monoparentales avec orphelins de père, les familles monoparentales avec orphelins de mère et les familles recomposées avec orphelins de père ont une position sociale nettement moins favorable que les familles simples, mais également moins favorable que les familles de même structure sans enfant orphelin. Seules les familles recomposées avec orphelins de mère ont une situation comparable aux familles recomposées sans orphelin, mais elles restent un peu moins favorisées que les familles simples.
En termes de niveau de vie, les familles avec orphelins se distinguent peu des autres familles de même structure et position sociale
22Le logement est un élément important de la sécurité économique d’une famille. Par rapport aux familles simples, les familles recomposées avec orphelins de père ou de mère et les familles monoparentales avec orphelins de père sont aussi souvent propriétaires de leur logement et les familles monoparentales avec orphelins de mère le sont même deux fois plus souvent (Tableau 5). Contrairement aux autres familles qui ont vécu une rupture du couple parental, les familles des orphelins ne sont donc pas désavantagées du point de vue de la propriété du logement.
23L’accession à la propriété est par contre moindre : elle concerne la moitié des familles simples mais seulement 16 % des familles monoparentales avec orphelins de père, 20 % des familles monoparentales avec orphelins de mère, un tiers des familles recomposées avec orphelins de père et 42 % des familles recomposées avec orphelins de mère. De même, il y a proportionnellement plus de familles locataires parmi les familles avec orphelins que parmi les familles simples : à peine un tiers des familles simples sont locataires, contre 40 à 50 % des familles recomposées avec orphelins de père ou de mère et des familles monoparentales avec orphelins de mère et un peu plus de 60 % des familles monoparentales avec orphelins de père.
24La répartition selon le statut d’occupation du logement semble montrer une double spécificité des familles des orphelins. D’un côté, ces familles seraient un peu plus « fragiles », au moins d’un point de vue économique, que les familles simples et donc se seraient moins souvent engagées dans un projet d’acquisition de leur logement avant le décès parental ; de plus, le décès fragilise les familles et elles sont donc plus souvent locataires. D’un autre côté, une partie de celles qui étaient accédants à la propriété sont devenues propriétaires plus rapidement que les familles simples en raison du décès parental : en effet, si le parent emprunteur avait souscrit une assurance décès, l’assureur a soldé le prêt à la mort de ce parent. Les héritiers (le conjoint vivant et les enfants si le couple était marié, ou les enfants) sont alors devenus directement propriétaires du logement. Ce mécanisme peut aussi expliquer la proportion particulièrement élevée de propriétaires parmi les familles monoparentales paternelles par rapport aux autres types de familles. Les pères des orphelins de mère en famille monoparentale ont en très large majorité été mariés avec leur ex-conjointe décédée : ils ont sans doute fréquemment souscrit un emprunt pendant leur mariage en vue de devenir propriétaires de leur logement, et une partie d’entre eux sont devenus propriétaires au moment du décès de leur épouse.
Statut d’occupation du logement par le ménage selon la structure familiale et la présence d’orphelins (en %)
Statut d’occupation du logement par le ménage | Familles simples | Familles recomposées | Familles monoparentales, mères seules | Familles monoparentales, pères seuls | ||||
Ensemble | Orphelins de père | Orphelins de mère | Ensemble | Orphelins de père | Ensemble | Orphelins de mère | ||
Accédant propriété | 49,1 | 39,1 | 32,6 | 42,3 | 15,4 | 15,9 | 28,6 | 20,4 |
Propriétaire | 17,1 | 9,4 | 16,3 | 16,3 | 7,1 | 18,3 | 15,2 | 32,0 |
Locataire | 30,7 | 48,9 | 47,1 | 41,2 | 75,3 | 62,3 | 50,8 | 45,2 |
dont HLM | 15,1 | 19,8 | 28,0 | 17,6 | 24,8 | 44,3 | 33,0 | 23,1 |
Logé gratuitement | 2,9 | 2,5 | 3,6 | 0,2 | 2,2 | 2,5 | 4,9 | 1,6 |
Usufruitier | 0,2 | 0,1 | 0,4 | 0,0 | 0,1 | 1,0 | 0,5 | 0,8 |
Total | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Statut d’occupation du logement par le ménage selon la structure familiale et la présence d’orphelins (en %)
Note : « Accédant propriété » signifie que la famille rembourse un prêt contracté pour l’achat du logement. La famille devient propriétaire lorsque le prêt est totalement remboursé.Note de lecture : Environ la moitié (49,1 %) des familles simples sont accédant à la propriété contre 39,1 % des familles recomposées, 15,4 % des familles monoparentales de femmes et 28,6 % des familles monoparentales d’hommes.
25Au-delà de leur situation face au logement, les familles des orphelins sont confrontées à la perte d’un salaire (évidemment non compensée par le versement d’une pension alimentaire) après le décès du parent. Ces difficultés spécifiques se cumulent-elles aux difficultés que connaissent ces familles parce qu’elles appartiennent à des milieux défavorisés ? Pour le savoir nous comparons les niveaux de vie monétaires des familles avec ou sans orphelins [15]. Nous utilisons la répartition par quintiles, qui divisent la population totale de chaque enquête en cinq parts égales de 20 %, classées par niveau de vie croissant [16].
26Les familles monoparentales constituées d’une mère et de son ou ses enfant(s) orphelin(s) de père sont beaucoup plus défavorisées financièrement que les familles simples : plus de la moitié (54 %) se situent dans le premier quintile de niveau de vie, contre 18 % pour les familles simples. Cependant, leur situation financière est proche de celle de l’ensemble des familles monoparentales maternelles (Tableau 6). Les familles monoparentales constituées d’un père et de son ou ses enfant(s) orphelin(s) de mère sont également plus défavorisées que les familles simples : un tiers se situent dans le premier quintile de niveau de vie. À nouveau, leur répartition selon le quintile de niveau de vie est proche de l’ensemble des familles monoparentales paternelles.
27Les familles recomposées avec orphelin(s) de père et celles avec orphelin(s) de mère se situent plus souvent dans le premier quintile de niveau de vie que les familles simples. Cependant, leur répartition par niveau de vie est nettement plus favorable que celle des familles monoparentales (paternelles ou maternelles) avec orphelin(s). Elles sont également proches, en termes de niveau de vie, de l’ensemble des familles recomposées.
Répartition de familles de différentes structures et avec ou sans orphelins selon le quintile de niveau de vie (en %)
Quintiles de niveau de vie | Familles simples | Familles recomposées | Familles monoparentales, mères seules | Familles monoparentales, pères seuls | ||||
Ensemble | Orphelins de père | Orphelins de mère | Ensemble | Orphelins de père | Ensemble | Orphelins de mère | ||
Q1 | 18,2 | 23,4 | 30,7 | 28,0 | 49,3 | 54,1 | 30,3 | 34,6 |
Q2 | 21,1 | 23,4 | 19,9 | 20,2 | 27,0 | 25,2 | 29,5 | 26,1 |
Q3 | 23,8 | 23,3 | 22,2 | 21,9 | 13,3 | 12,3 | 18,9 | 13,3 |
Q4 | 21,2 | 18,4 | 17,7 | 16,6 | 6,6 | 5,7 | 12,2 | 16,3 |
Q5 | 15,7 | 11,4 | 9,5 | 13,4 | 3,8 | 2,6 | 9,2 | 9,8 |
Total | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 |
Répartition de familles de différentes structures et avec ou sans orphelins selon le quintile de niveau de vie (en %)
Note : les quintiles sont calculés sur l’ensemble des ménages dans chaque enquête. Q1 : 1er quintile (niveau de vie le plus faible) ; Q2 : 2e quintile ;... ; Q5 : 5e quintile (niveau de vie le plus élevé).Note de lecture : Si 18,2 % des familles simples se situent dans les 20 % de familles avec le niveau de vie le plus faible (premier quintile Q1), ce sont 23,4 % des familles recomposées, 49,3 % des familles monoparentales maternelles et 30,3 % des familles monoparentales paternelles qui se situent dans le premier quintile.
28Quelle que soit la structure familiale, les familles des orphelins sont un peu plus souvent défavorisées en termes de niveau de vie que les familles sans orphelin ; de plus les orphelins vivent nettement plus souvent en famille monoparentale que les enfants dont les deux parents sont vivants, et les familles monoparentales ont un niveau de vie plus faible que les familles biparentales. Pour tenir compte des différences de structure familiale, de position sociale des adultes de la famille et des spécificités des familles des orphelins, nous avons construit différents modèles de régression logistique, dont les résultats figurent au tableau 7. Dans ces modèles, on estime la probabilité que le niveau de vie d’une famille se situe dans le premier quintile, et on compare les familles dans lesquelles au moins un enfant est orphelin (de père ou de mère) avec les familles dans lesquelles aucun enfant n’est orphelin. Pour l’ensemble des familles, l’odds ratio (OR) est de 2,7 : comparées aux familles sans orphelin, les familles avec un orphelin ont plus souvent un niveau de vie faible [17]. Les régressions permettent d’affiner ces comparaisons en contrôlant certaines caractéristiques des familles : l’âge du plus jeune enfant (Âge), le diplôme du parent ou le diplôme le plus élevé des parents (Dipl), la catégorie socioprofessionnelle de la personne de référence du ménage (CS), et la structure familiale (SF : simple, recomposée, monoparentale avec une mère ou avec un père).
Probabilité pour un ménage d’avoir un faible niveau de vie : effet de la structure familiale et de la présence d’enfant(s) mineur(s) orphelin(s) (odds ratios)
Groupe de modèles | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | |||
Groupe de familles de référence | Famille sans orphelin | Famille simple | Famille recomposée, pas d’orphelin | Mère seule, pas d’OP | Père seul, pas d’OM | |||
Groupe de familles que l’on compare | Orphelin(s) (OP ou OM) | Recomposée avec OP | Recomposée avec OM | Recomposée sans O | Recomposée avec OP | Recomposée avec OM | Mère seule avec OP | Père seul avec OM |
Contrôles | ||||||||
Aucun | 2,69 | 2,02 | 1,73 | 1,35 | 1,50 | 1,28 | 1,20 | 1,27 |
Age | 2,70 | 2,03 | 1,75 | 1,36 | 1,61 | 1,28 | 1,34 | 1,33 |
Diplôme | 1,85 | 1,48 | 1,74 | 1,34 | 1,09 | 1,28 | 1,00 | 1,05 |
CS | 2,02 | 1,61 | 1,63 | 1,25 | 1,30 | 1,31 | 1,06 | 0,99 |
Âge, dipl. | - | 1,50 | 1,71 | 1,34 | 1,16 | 1,26 | 1,12 | 1,11 |
Âge, CS | - | 1,62 | 1,65 | 1,26 | 1,41 | 1,31 | 1,11 | 1,02 |
Age, dipl., CS | - | 1,38 | 1,73 | 1,31 | 1,30 | 1,10 | 1,04 | 0,93 |
SF | 1,36 | - | - | - | - | - | - | - |
SF, âge, dipl. | 1,18 | - | - | - | - | - | - | - |
SF, âge, CS | 1,19 | - | - | - | - | - | - | - |
SF, âge, dipl., CS | 1,10 | - | - | - | - | - | - | - |
Probabilité pour un ménage d’avoir un faible niveau de vie : effet de la structure familiale et de la présence d’enfant(s) mineur(s) orphelin(s) (odds ratios)
Notes : Le tableau indique les odds ratios (OR). Par rapport au groupe de référence, OR > 1 signifie que le groupe de familles que l’on compare a plus de chances d’avoir un niveau de vie faible ; OR = 1 signifie que les risques de niveau de vie faible sont identiques ; OR < 1 signifie que le groupe que l’on compare a moins de chances d’avoir un niveau de vie faible. Les OR qui ne sont pas significativement différents de 1 au seuil de 5 % sont indiqués en italique.- Âge : âge du plus jeune enfant ; dipl. : diplôme ; CS : catégorie socioprofessionnelle
- SF : structure familiale (famille biparentale / famille monoparentale, mère / famille monoparentale, père)
- OM : Orphelin de mère ; OP = orphelins de mère ; O = orphelin (de père ou de mère)
Note de lecture : Par rapport aux familles sans orphelin, les familles avec orphelins ont un risque supérieur d’être dans les 20 % des familles avec le plus faible niveau de vie : le rapport des risques s’élève à 2,69 contre 1 ; si l’on contrôle par le type de configuration familiale, l’âge, le diplôme et la catégorie sociale de la personne de référence de la famille, ce rapport des risques diminue à 1,10 et n’est plus significativement différent de 1 ; après l’introduction de ces variables de contrôle, le risque supérieur des familles avec orphelin d’appartenir aux familles de faible niveau de vie disparaît.
29Les modèles du groupe 1 montrent que le rapport des risques d’avoir un revenu faible reste plus fort pour les familles des orphelins que pour les autres quand on considère l’âge du plus jeune enfant, et est encore de l’ordre de 2 contre 1 quand on effectue les comparaisons « à diplôme ou à catégorie socioprofessionnelle (CS) comparable ». À structure familiale comparable, le rapport des risques n’est plus que de 1,4. Quand on contrôle à la fois par la structure familiale et soit le diplôme soit la CS, il atteint 1,2. Finalement, si l’on considère toutes les variables de contrôle simultanément, le risque d’avoir un niveau de vie faible apparaît comme similaire pour les familles avec orphelins et les familles sans orphelin de milieu social et de structure comparable (OR = 1,1, non significativement différent de 1).
30Parmi les familles composées d’un couple et d’enfants, le risque de faible niveau de vie est plus fort pour les familles recomposées, qu’elles soient sans orphelin (1,3), avec orphelins de mère (1,7) ou avec orphelins de père (2,0). La diminution marquée de l’excès de risque pour les familles recomposées avec orphelins de père s’explique par la structure défavorable de ces familles en termes de position sociale (voir tableau 4). Si l’on circonscrit l’analyse aux familles recomposées (modèles 3) ou monoparentales (modèles 4 et 5), les spécificités des familles avec orphelins s’effacent. Parmi les familles recomposées, les différences sont modérées (OR de 1,5 et 1,3 par rapport aux familles sans orphelin) et la prise en compte du diplôme le plus élevé des parents « explique » les différences observées : à diplôme égal, les rapports des risques sont proches de 1 et ne sont pas significatifs pour les familles d’orphelins de père ; pour les familles avec orphelins de mère, les contrastes sont plus faibles et non significatifs. Pour les familles monoparentales, la prise en compte des variables de position sociale efface complètement les différences : les rapports des risques de 1,2 et 1,3 s’approchent de 1 lorsque l’on tient compte de la position sociale ou du diplôme du parent, il n’y a plus aucune différence avec les familles monoparentales comparables.
31Les familles avec un ou plusieurs orphelins mineurs cumulent des risques de faible niveau de vie liés à leur structure (famille recomposée ou, le plus souvent, monoparentale) et à leur position sociale (parent peu diplômé et appartenant à une catégorie socioprofessionnelle défavorisée). Elles ont plus souvent un niveau de vie faible (44 % contre 23 %, OR = 2,7) mais, quand la comparaison est faite en contrôlant de la position sociale des parents, les odds ratios diminuent (1,3 ou 1,1 pour les familles recomposées, 1,0 pour les familles monoparentales). Finalement, en contrôlant à la fois par la structure familiale et la position sociale, le contraste est faible (1,1, non significativement différent de 1).
Conclusion
32À partir de plusieurs sources de données et en confrontant plusieurs méthodes, nous estimons qu’il y avait en 2015 entre 600 000 et 650 000 orphelins de moins de 25 ans, dont 250 000 à 270 000 mineurs. Presque trois orphelins sur quatre sont des orphelins de père dont la mère est vivante. Le nombre d’orphelins de père et de mère est plus difficile à estimer mais cette situation concernerait un peu moins de 25 000 enfants (dont 5 000 mineurs), soit environ 4 % des orphelins de moins de 25 ans et 2 % des orphelins mineurs.
33L’étude de l’environnement familial des mineurs orphelins permet de dégager trois grandes situations. Tout d’abord, les orphelins de père qui habitent avec leur mère : c’est la situation la plus courante, qui concerne 72 % des mineurs orphelins. Ces enfants vivent le plus souvent dans une famille monoparentale, la forme de famille la plus défavorisée en termes de niveau de vie. Ensuite, les orphelins de mère qui habitent avec leur père représentent un orphelin mineur sur cinq (20 %). Ces enfants vivent plus souvent dans une famille monoparentale que dans une famille recomposée, mais ils vivent deux fois plus souvent en famille recomposée que les orphelins de père qui vivent avec leur mère. Les familles monoparentales paternelles et, dans une moindre mesure, les familles recomposées sont également moins favorisées que les familles simples. Enfin, une minorité d’orphelins n’habitent avec aucun parent ; on pourrait les qualifier d’orphelins « les plus orphelins », bien que la plupart d’entre eux aient un parent vivant qui réside ailleurs. Cette catégorie d’enfants particulièrement démunis en termes de soutien parental regroupe des enfants dont les deux parents sont décédés (à peine 2 % des mineurs orphelins) et d’autres enfants (majoritairement des orphelins de mère) qui n’habitent pas avec leur parent vivant.
34Les familles des orphelins sont plus à risque que les autres familles d’avoir un niveau de vie faible ; cela s’explique surtout parce qu’elles sont plus souvent monoparentales ou recomposées, mais également parce que les caractéristiques sociales du ou des parents de la famille sont moins favorables (diplôme plus faible, parent plus souvent inactif, ouvrier ou employé). Par rapport aux familles comparables en termes de structure et de milieu social, les familles des orphelins ne se distinguent pas des familles sans orphelin. Les comparaisons effectuées ne permettent pas d’analyser les bouleversements qu’entraîne pour les enfants le décès d’un parent, mais indiquent que les politiques sociales de lutte contre la pauvreté et les inégalités, fondées sur la situation concrète des familles plus que sur leur histoire (par exemple en considérant de la même manière les familles monoparentales quel que soit l’événement à l’origine de leur situation) ne créent pas d’inégalité spécifique pour les orphelins.
Remerciements
35Ce travail reprend certains éléments d’une thèse en démographie réalisée par Cécile Flammant à l’Ined (Institut national d’études démographiques) et au Cridup (Centre de recherches de l’Institut de démographie de l’université Paris 1) grâce à un financement de la fondation Ocirp (Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance, https://www.ocirp.fr/la-fondationocirp). Le détail des analyses est disponible sur le site du projet, https://orphelins.site.ined.fr/fr/ la-recherche.
36Les enquêtes de l’Insee (Enquêtes « Famille » de 1999 et 2011, enquêtes utilisant le Tronc commun des ménages - TCM) ont été obtenues via le réseau Quetelet. L’accès aux données de l’Échantillon démographique permanent de l’Insee s’est fait par le Centre d’accès sécurisé aux données (CASD, programme Investissements d’avenir, subvention ANR-10-EQPX-17). Il a été financé par le projet Big_Stat, https://big-stat.site.ined.fr, qui bénéficie du soutien de l’Agence nationale de la recherche (subvention ANR-16-CE41-0007-01).
Notes
- [1]Alain MONNIER, Sophie PENNEC, « Le nombre d’orphelins, une inconnue démographique », Association internationale des démographes de langue française (AIDELF), Enfants d’aujourd’hui : diversité des contextes, pluralité des parcours, 2006, pp. 44-55.
- [2]Laurent TOULEMON, Thomas DENOYELLE, « La définition des ménages dans les enquêtes françaises : comment tenir compte des multi-résidences ? », Actes des onzièmes journées de méthodologies statistiques, 2012.
- [3]Alain MONNIER, Sophie PENNEC, « Orphelins et orphelinage », in Cécile LEFÈVRE (éd.), Histoires de familles, histoires familiales : les résultats de l’enquête Famille de 1999, Ined, Cahiers de l’Ined, 2005, pp. 367-385.
- [4]Cécile FLAMMANT, Sophie PENNEC, Laurent TOULEMON, Cinquième rapport pour la Fondation d’entreprise Ocirp : Estimation de l’orphelinage précoce à partir de l’échantillon démographique permanent, juin 2017, 28 p., https://orphelins.site. ined.fr/fr/la-recherche/
Patrick FESTY, « Mortalité des adultes et proportions d’orphelins en 1991 en Autriche », Population, n° 49, vol. 4-5, 1994, pp. 1173-1179. - [5]Cécile FLAMMANT, Sophie PENNEC, Laurent TOULEMON, 2017, Cinquième rapport..., op. cit.
- [6]4 % des orphelins vivant en France repérés dans les fichiers de la Cnaf résident dans les départements et régions d’outre-mer.
- [7]Cécile FLAMMANT, Approche démographique de l’orphelinage précoce en France. Thèse de doctorat en démographique, sous la direction de Laurent TOULEMON et Sophie PENNEC, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, École doctorale de géographie de Paris ED, 434, 2019, 209 p.
- [8]Nathalie BLANPAIN, « Perdre un parent pendant l’enfance : quels effets sur le parcours scolaire, professionnel, familial et sur la santé à l’âge adulte ? », Études et Résultats, n° 668, 2008, 8 p.
- [9]Cécile Flammant, 2019, op. cit.
- [10]France MESLÉ, Jacques VALLIN, Richard G ROGERS, Eileen M. CRIMMINS, « Historical trends in mortality », in International Handbook of Adult Mortality, Springer, 2011, pp. 9-47.
- [11]Alain MONNIER, Sophie PENNEC, « Trois pour cent des moins de 21 ans sont orphelins en France », Population et Sociétés, n° 396, 2003, 4 p.
- [12]En regroupant les enquêtes réalisées de 2005 à 2013, nous disposons d’un échantillon de 2 010 familles avec un orphelin mineur, dont 1 580 avec un ou plusieurs orphelins de père et 430 un orphelin de mère. Ces enquêtes ne montrent pas d’évolution temporelle dans les situations familiales des orphelins.
- [13]Vianey COSTEMALLE, « Parcours conjugaux et familiaux des hommes et des femmes selon les générations et les milieux sociaux », Couples et familles, Insee, 2015, pp. 63-76.
- [14]Nathalie BLANPAIN, « Les hommes cadres vivent toujours 6 ans de plus que les hommes ouvriers », Insee Première, n° 1584, 2016, 4 p.
- [15]Le niveau de vie monétaire est un indicateur qui mesure la richesse d’un ménage en tenant compte de sa structure (le nombre de personnes du ménage et leur âge) et des économies d’échelle réalisées en partageant un même logement, ce qui permet de comparer des ménages de structures différentes. Il se calcule en rapportant le revenu disponible total du ménage à la somme des unités de consommation (UC) : le premier adulte compte pour 1 UC, les autres pour 0,5 UC et les enfants de moins de 14 ans pour 0,3 UC.
- [16]Le niveau de vie des 10 % des habitants au niveau de vie le plus faible correspond pour les familles avec enfants mineurs au seuil de pauvreté monétaire (à 60 % du niveau de vie médian). Les résultats concernant les familles avec ou sans orphelins sont similaires quand on décrit les 10 % ou les 20 % au niveau de vie le plus faible, mais la précision statistique est meilleure au seuil de 20 %. C’est pourquoi nous présentons ici des comparaisons sur les proportions de familles à niveau de vie faible (20 % de la population).
- [17]L’odds ratio (OR, ou rapport des risques) est le rapport des proportions de familles à faible niveau de vie dans le groupe d’intérêt comparé au groupe de référence, divisé par le rapport des proportions de familles qui n’ont pas un faible niveau de vie. Il est égal à 1 si le groupe est similaire au groupe de référence, et supérieur à 1 pour les groupes à niveau de vie plus faible.