Couverture de RSI_147

Article de revue

La santé environnementale au cœur des préoccupations infirmières : une nécessité identifiée et des actions à entreprendre

Pages 5 à 6

Notes

Versión en español

1Dans son ouvrage publié en 1860 « Note on nursing. What it is and what it is not », Florence Nightingale décrivait les principes de gestion de l’environnement des lieux de vie pour prévenir les maladies ou favoriser la guérison [1]. On peut y lire des conseils sur la ventilation et le chauffage des pièces, la gestion du bruit et de la lumière, l’entretien des espaces… L’importance de l’attention portée à l’environnement des personnes malades résulte de ses observations réalisées en Crimée et de son rôle dans la réorganisation de l’accueil des soldats blessés. La prise en compte de l’environnement pour prévenir ou soigner les maladies constituait pour elle la base du soin infirmier.

2Plus tard, les travaux visant à définir les sciences infirmières, à identifier la conception singulière du soin infirmier, s’intéressent à la personne en interaction avec son environnement. Au-delà de cette interaction pensée à une échelle individuelle, le lien entre environnement délétère, risques et/ou effets sur la santé ont été établis pour les populations et ont fait l’objet de prises de position, de rapports et de préconisations pour les professionnels de santé, notamment d’organismes internationaux. Par exemple, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2021, dans le rapport « Health and climate change global survey report » [2], identifie les professionnels de santé comme des vecteurs de l’information et du changement nécessaire à mettre en œuvre par les populations dans leur environnement pour améliorer leur santé. Les organisations infirmières se sont aussi saisies du sujet comme l’American Nurses Association (ANA), qui a publié en 2008 une résolution concernant le changement climatique : elle invitait les infirmières à soutenir les politiques publiques locales qui favorisent les sources d’énergie durables et réduisent les émissions de gaz à effet de serre. L’ANA a également décidé de soutenir les initiatives visant à réduire la contribution de l’industrie des soins de santé au réchauffement de la planète. En 2019, le Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone (SIDIIEF) publiait une prise de position intitulée « Infirmières et infirmiers à l’avant-garde d’une planète en santé » [3]. En préface, André Cicolella, toxicologue et président du « Réseau Environnement Santé », invitait les infirmiers à se saisir des enjeux environnementaux, à la fois en prenant part aux débats généraux sur les politiques environnementales, et en développant des programmes de recherche en sciences infirmières sur les questions de la santé environnementale.

3De façon plus concrète, ces interventions invitent à s’emparer des données scientifiques concernant la gestion des températures extrêmes, la préservation d’un air sain, la qualité de l’eau et des aliments, la lutte contre les polluants domestiques, les perturbateurs endocriniens, l’attention aux nanoparticules et aux ondes électromagnétiques, autant de facteurs influençant la santé des personnes et favorisant l’augmentation des maladies chroniques. Des éléments sont déjà pris en compte par les infirmières pour partie avec des actions qui sont peu ou pas resituées dans une globalité et dans le cadre de la santé environnementale. À titre illustratif, dans le contexte professionnel, les connaissances reconnues comme utiles pour limiter la transmission des germes (virus, bactéries, etc.), telles que l’hygiène des mains, l’aération des pièces, le nettoyage des surfaces et des équipements, l’usage de protections individuelles, sont enseignées aux infirmières, mais peu reliées aux données scientifiques concernant l’impact environnemental de ces précautions (perturbateurs endocriniens et usage des produits de nettoyage, recyclage des matériaux et dispositifs à usage unique…). Dans un autre domaine, celui des pathologies chroniques, alors que les connaissances sont suffisantes pour établir le lien, par exemple, avec les perturbateurs endocriniens retrouvés dans les produits cosmétiques ou l’alimentation, elles ne sont pas ou peu intégrées aux programmes de formation infirmière. Pourtant, les crises et la survenue d’évènements indésirables rappellent l’importance des mesures et/ou des informations à transmettre. Cependant, de façon générale, la formation des infirmières est actuellement essentiellement orientée vers la gestion des traitements et de leurs effets secondaires, et des réactions humaines liées à la vie avec une pathologie. Mais qu’en est-il des programmes de prévention centrés sur l’environnement pour éviter ces pathologies ?

4Alors que la culture de l’erreur est valorisée dans les organisations sanitaires, ce paradigme semble échapper à la gestion des problèmes de santé identifiés comme ayant des causes environnementales, et peu de mesures sont entreprises pour mobiliser les professionnels de santé sur ces questions. Si l’environnement concerne intrinsèquement les soins infirmiers, on peut cependant questionner la part qui lui est réservée dans les programmes de formation infirmière en France, plus explicitement les enseignements liés à la santé environnementale, en considérant un large spectre allant de la personne à la santé des populations.

5Pourtant, des initiatives existent. Aux États-Unis, l’American Association of Colleges of Nursing (AACN) a identifié des moyens par lesquels les écoles d’infirmières pourraient aborder la question de la gestion durable de l’environnement dans les bâtiments et les salles de classe, pour intégrer ces connaissances à la pratique des soins infirmiers. Les recommandations internationales sur les programmes de formation infirmière rédigées par l’Association canadienne des écoles de sciences infirmières (ACESI) intègrent au niveau licence des connaissances dans le domaine « de la justice sociale, de la santé des populations, de l’environnement et des questions de santé mondiale » [4]. À un moment où l’urgence d’agir pour favoriser un environnement compatible avec la santé est rappelé par la succession des problèmes sanitaires à gérer, les programmes de formation en soins infirmiers pourraient intégrer ces dimensions de santé publique et les valoriser pour développer les compétences des professionnels qui travaillent dans les institutions ou à domicile, là où vivent quotidiennement les personnes dans des environnements souvent toxiques. Des connaissances sont alors à construire pour intervenir efficacement dans ces lieux à haut potentiel de meilleure santé sur un long terme ; elles constituent une urgence et un enjeu fort pour les recherches en sciences infirmières.


Date de mise en ligne : 22/02/2022.

https://doi.org/10.3917/rsi.147.0005

Notes

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions