Notes
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Afin d’alléger le texte, l’utilisation du féminin a été privilégiée pour la rédaction de cet article s’intéressant à la formation de la relève infirmière, une profession enracinée à l’histoire des femmes.
Introduction
1Tout au long de leur formation en sciences infirmières, les étudiantes [1] réfléchissent et envisagent les différentes trajectoires professionnelles possibles, une fois leur diplôme en main. Au sein de la discipline infirmière, un nombre important d’écrits provenant de plusieurs régions du globe démontrent qu’une carrière en santé mentale demeure l’une des projections professionnelles les moins désirées par la relève infirmière, c’est-à-dire par les personnes inscrites dans un programme de baccalauréat en sciences infirmières (1-6). Cette problématique est particulièrement préoccupante, puisque mondialement, les besoins en santé mentale ne cessent de s’accentuer et représentent un fardeau de plus en plus important pour les systèmes de santé (7). Notamment, la dernière enquête de l’Organisation mondiale de la Santé (8) sur les problématiques de santé mentale établit qu’environ le quart des êtres humains souffriront d’un trouble mental ou de comportement au cours de leur vie. À l’intérieur des frontières de l’Union européenne, il est projeté que 38,2 % des populations seront victimes chaque année d’un trouble de santé mentale ou de tout autre trouble lié au fonctionnement du cerveau (9). De ce nombre, seulement le tiers de ces personnes obtiendra une offre de soin optimale pour répondre à leurs différents besoins en regard à ces problématiques (9). Au Québec, une province francophone du Canada, des données aussi alarmantes sont disponibles, puisque l’accès à des services interdisciplinaires en santé mentale est difficile (10-13). Comme en Europe, il est établi qu’environ le tiers des Québécois ayant un trouble dépressif ou anxieux n’obtient pas des services optimaux en santé mentale (11). Différents facteurs expliquent les difficultés d’accès aux services, dont les problèmes de recrutement de professionnels de la santé dans ce domaine.
2Ce problème de recrutement en santé mentale est accentué par le vieillissement des professionnels de la santé y travaillant, dont les infirmières (6,14). Par exemple, au Canada, l’âge moyen des infirmières œuvrant en santé mentale est l’un des plus élevés lorsqu’on le compare aux autres milieux de soins (15). Entre 2009 et 2016, le nombre d’infirmières canadiennes travaillant dans ces milieux de soins a augmenté de seulement 0,3 % annuellement, ce qui n’est point suffisant dans un contexte d’explosion des besoins en santé mentale (15). L’âge avancé de ce groupe d’infirmières s’explique notamment par un phénomène d’attrition ; les départs à la retraite sont difficilement remplacés par les finissantes en sciences infirmières parce que celles-ci ne désirent pas orienter leur cheminement professionnel vers la santé mentale (6,14,16,17). Pour illustrer l’ampleur de ce problème, une étude internationale dénombre que seulement 7,6 % des étudiantes en sciences infirmières prévoient de fortement orienter leur carrière en santé mentale (16). Une autre étude affirme, pour sa part, que le tiers de ces étudiantes rejette catégoriquement ces milieux de soins de leur cheminement professionnel (17).
3Dans le but de mieux comprendre cette problématique importante de recrutement de la relève infirmière inscrite dans un programme de baccalauréat en sciences infirmières dans les milieux de santé mentale, diverses études internationales ont examiné les facteurs d’influence d’un tel rejet de cette spécialité (3,18-21). Leurs constats univoques ciblent les représentations sociales négatives et stigmatisantes des étudiantes en sciences infirmières envers 1) la clientèle ayant des problématiques de santé mentale dépeinte comme dangereuse, 2) le milieu psychiatrique ou de santé mentale en soi souvent décrit comme anxiogène, et 3) le rôle infirmier dans ces milieux de soins qui s’apparente à celui d’un « garde » plutôt qu’un professionnel de la santé compétent et autonome (14,18,20-22). Plusieurs chercheurs ont établi que les programmes de formation en sciences infirmières constituent le vecteur de changement le plus efficient pour contribuer à un meilleur recrutement des finissants en santé mentale (3,18-21).
4Afin de mieux cerner l’influence des interventions éducatives sur les représentations sociales liées à la santé mentale, une revue systématique des écrits (n=40) a été réalisée à partir des bases de données CINAHL, MEDLINE, PsycArticles et Scopus, par les mêmes auteurs que ceux de ce présent article (23). Une synthèse narrative des études recensées à devis qualitatif, quantitatif et mixte a permis de conclure que deux stratégies pédagogiques semblent être les plus encourageantes pour atténuer le rapport négatif des étudiantes par rapport à ce milieu de soins, et donc potentialiser leur recrutement en santé mentale. D’abord, les contenus théoriques coenseignés par des personnes vivant avec des problématiques de santé mentale et des professeurs spécialistes de ces milieux de soins permettent de réduire significativement les préjugés associés à la clientèle (24), de contribuer à un rapport plus positif envers les enjeux liés à la santé mentale (25), de surpasser le sentiment de peur à l’endroit de cette clientèle (26) et de reconnaître la contribution du travail infirmier dans ces milieux de soins (26). À l’inverse, les approches pédagogiques « classiques », principalement sous forme d’enseignements théoriques magistraux, surtout lorsqu’ils sont imprégnés du paradigme biomédical (1,27), n’ont aucune influence sur les représentations sociales des étudiantes et donc sur le choix d’orienter leur carrière en santé mentale. De plus, toute immersion clinique dans ces milieux de soins semble avoir des répercussions positives, à des niveaux assez variables, sur le rapport des étudiantes envers la santé mentale (28-32). En effet, selon les écrits (17,22), plus une étudiante est exposée aux enjeux liés à la santé mentale, plus elle aura des représentations sociales favorables, et plus elle sera encline à envisager une carrière dans ces milieux.
5En définitive, les enjeux populationnels en santé mentale exigent de valoriser l’apport significatif des infirmières en santé mentale afin d’améliorer l’accès, la qualité et la sécurité des soins et des services offerts dans ces milieux de soins (33-34). Puisqu’une proportion importante de la relève infirmière écarte ce champ d’expertise de ses perspectives professionnelles, et que les programmes de formation intégrant des enseignements théoriques et des immersions cliniques constituent un levier majeur de changement pour atténuer cette problématique, il s’avère donc pertinent d’explorer le vécu expérientiel des étudiantes au baccalauréat en sciences infirmières lors d’un stage en santé mentale. Dans l’espace francophone de la discipline infirmière, de telles expériences sont très peu documentées par la recherche ; aucune étude recensée n’a été réalisée dans des pays francophones (23). Aussi, cette recherche qualitative permettra de réfléchir aux enjeux de ce phénomène social complexe, à partir du vécu des étudiantes en sciences infirmières. Plus spécifiquement, les objectifs poursuivis sont 1) d’étudier l’expérience d’apprentissage relative au stage en santé mentale des étudiantes au baccalauréat en sciences infirmières, et 2) d’explorer comment ces étudiantes donnent un sens à leur immersion clinique en milieu psychiatrique et ce qui influence de telles expériences.
Cadre théorique
6La théorie de l’humain en devenir de Rosemarie Parse (35) a été utilisée dans cette étude (36). Cette conception, créée par une infirmière et pour des infirmières, s’intéresse aux expériences riches de sens des êtres humains (35,37). Plusieurs postulats exposent les bases philosophiques de cette théorie (35,37). Premièrement, Parse propose de s’imprégner du bagage expérientiel de toute personne pour illuminer la signification qu’elle attribue à son vécu (35,37). Seul l’humain vivant une expérience significative pourrait donc affirmer connaître une telle expérience. Deuxièmement, tout humain est défini comme indivisible, imprévisible, unitaire, en changement constant avec le monde et en processus de devenir (35,37). Aussi, le modèle conceptuel de Parse n’est nullement limité aux barrières temporelles, car les processus humain-univers intègrent simultanément les souvenirs, le moment présent, ainsi que les projections vers l’avenir (35,37). Troisièmement, le processus de devenir et transformatif habitant toute personne se construit à partir d’une synthèse de valeurs coconstruites avec l’univers ou l’environnement de l’humain, qu’il soit social, culturel, familial et plus encore (35,37).
7À partir de ces assomptions philosophiques, Parse (35,37) propose trois principes clés : la signification, la rythmicité et la transcendance. En premier lieu, la signification permet de donner un sens à une expérience vécue en réfléchissant aux expériences passées, en vivant le moment présent et en se projetant dans l’avenir (35,37). Toute personne est libre de ses choix et donc d’attribuer une signification personnelle à son vécu, cocréée avec l’univers. En deuxième lieu, la rythmicité expose les processus de négociation de l’humain avec l’univers (35,37). L’univers est ici appréhendé selon ses significations multiples et réfère, par exemple, à l’univers organisationnel ou éducatif. Certains paradoxes découlent de cette négociation expérientielle, parce que l’humain peut vivre des attitudes, des perceptions ou des croyances contradictoires au sein d’une même expérience. Par exemple, lors d’une expérience de stage, il est possible qu’une étudiante désire appliquer des techniques de communication apprises lors de ses cours théoriques, alors qu’en même temps, elle souhaiterait s’éloigner de ces mêmes techniques pour être plus authentique avec la personne rencontrée. En troisième lieu, la transcendance permet à l’être humain de s’ouvrir aux projets, aux rêves et aux possibilités futures (35,37). En d’autres mots, la transcendance est appréhendée comme un processus d’actualisation de la personne, en fonction de ses valeurs, de ses idéaux et de ses ambitions professionnelles. Elle permet, par exemple, d’explorer ce qui peut contribuer ou nuire au recrutement et à la rétention des infirmières en santé mentale. Ce devenir est imprégné d’un certain mystère face aux regards externes, puisque l’humain est imprévisible et en continuel changement.
8Un tel cadre théorique est particulièrement pertinent pour explorer, dans toute sa profondeur et sa complexité, le phénomène ciblé, puisque ce modèle conceptuel a particulièrement contribué au développement d’une formation infirmière enracinée dans les valeurs de la discipline. Considérant qu’aucune étude recensée ayant utilisé ce cadre théorique ne s’est intéressée à une expérience d’apprentissage en sciences infirmières, cette étude propose donc une nouvelle façon d’intégrer ce cadre théorique à toutes les phases du processus de la recherche afin d’étudier le vécu des étudiantes en sciences infirmières qui vivent des expériences d’apprentissages. Plus précisément, cette influence théorique a structuré la démarche scientifique, c’est-à-dire les objectifs de recherche, la méthodologie choisie, l’interprétation, ainsi que la mise en relation des données pour assurer sa cohérence (36-38).
Considérations méthodologiques
9La phénoménologie interprétative, issue du courant constructiviste, a été retenue comme approche méthodologique pour cette étude. D’une part, l’apport d’une approche qualitative permet une compréhension approfondie et élargie d’un phénomène social peu connu dans l’espace infirmier francophone (38,39). D’autre part, l’utilisation d’un courant interprétatif plutôt que descriptif a été préférée, puisqu’elle permet de décrire le phénomène étudié mais également d’en comprendre le sens profond (38,39). Cette posture permet de décrire la signification à la fois personnelle et sociale de l’expérience humaine, ainsi que d’interpréter la nature implicite et explicite de cette expérience vécue par les participantes (38,39).
10Pour sa rigueur, sa flexibilité et sa systématicité, l’analyse phénoménologique interprétative (API) de Smith, Flowers et Larkin (39) a servi de cadre méthodologique pour ce projet de recherche. L’API intègre une « triple analyse » afin d’accéder et d’interpréter la signification d’une expérience humaine : 1) une analyse phénoménologique descriptive, 2) une analyse herméneutique, et 3) une analyse idiographique (39,40). Premièrement, l’API est inspirée du courant phénoménologique descriptif développé par Husserl, afin de centrer l’analyse sur l’expérience telle qu’elle est vécue par la personne (39,40). Le chercheur se doit d’utiliser le discours de la personne et son interprétation de sa propre expérience pour bien décrire le phénomène étudié (39,40). Il s’agit donc d’une analyse enracinée dans le discours. Deuxièmement, l’approche herméneutique constitue un autre des piliers analytiques de l’API. En effet, Smith et al. (39) ont intégré la double herméneutique, soit un processus de circularité (cercle herméneutique) et d’analyse entre l’expérience vécue par la participante et l’interprétation posée par le chercheur (40,41). Les participantes et les chercheurs ont ainsi chacun un rôle actif dans la formulation des résultats de l’étude (40). Cette rencontre entre le chercheur et la participante vise à créer une vérité construite, intersubjective et partagée (41). Troisièmement, l’API est également dite idiographique, c’est-à-dire centrée sur le particulier plutôt que sur le général. Ce dernier fondement permet de relever à la fois des points de convergence et de divergence au sein d’un même échantillon (39,40).
11Cette recherche a été approuvée par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université du Québec en Outaouais. Le formulaire de consentement a été expliqué aux participantes afin que leur accord de participation à cette étude soit libre, éclairé et continu. Leur droit de se retirer en tout temps et sans conséquence, ou de ne pas répondre à une ou plusieurs questions a également été explicité. Aussi, afin de protéger la vie privée des participantes, l’ensemble des données manuscrites ont été conservées sous clé, et les données numériques ont été protégées par mot de passe. L’anonymisation des données a été effectuée dès le début du processus de transcription des bandes audio réalisé par l’étudiante-chercheure. Le processus de recrutement a aussi permis de proposer ce projet de recherche à toute la population accessible : toutes les étudiantes ayant porté un intérêt pour y participer ont été incluses à cette étude. Aucun critère d’exclusion n’a été élaboré afin de préserver le principe de justice et de garantir le caractère inclusif de ce projet à l’ensemble de la population concernée.
12Un échantillonnage non probabiliste de convenance, une stratégie couramment utilisée en recherche qualitative, a été privilégié afin de recruter les participants au cours des mois de septembre, d’octobre et de novembre 2019, dans une université québécoise francophone (38). Après avoir envoyé une invitation par courriel à l’ensemble de la communauté étudiante infirmière, un total de onze étudiantes au baccalauréat en sciences infirmières poursuivant ou ayant poursuivi leur stage de santé mentale moins de six mois avant la recherche et s’exprimant en français se sont portées volontaires pour participer à cette étude. En conformité avec le devis de cette étude, un échantillon d’une à onze participantes constitue une cible idéale ; il est important de rappeler que l’homogénéité de l’échantillon est préférable à sa représentativité, puisque l’API repose sur une analyse idiographique (39,40). La saturation théorique des données est une approche peu utilisée et controversée lors de la réalisation d’une API, car la phase de collecte des données est antérieure au travail d’analyse, et la reconnaissance de l’unicité des expériences ne permet pas d’atteindre ce point de redondance des données (39,40). De ce fait, la taille de l’échantillon de cette phénoménologie interprétative est justifiée par une analyse intensive des trames narratives et par sa focalisation idiographique plutôt que nomothétique (40,42). Cette recherche traduit ainsi un phénomène précis par des personnes spécifiques dans un contexte particulier (40,42).
13Le choix de rencontrer des étudiantes universitaires de 1er cycle en sciences infirmières permet de répondre adéquatement aux objectifs de recherche, car depuis 2009, au Québec, il a été recommandé que les infirmières exerçant directement dans le domaine de la santé mentale soient titulaires d’un baccalauréat en sciences infirmières (34). Ainsi, ce bassin d’étudiantes représente les candidates potentielles à une orientation professionnelle dans ce domaine d’intervention. De plus, le milieu de recherche préconisé est particulièrement pertinent pour cette étude car il permet d’interroger à la fois les étudiantes issues de la formation universitaire initiale en sciences infirmières ainsi que celles détenant un diplôme d’études collégiales en soins infirmiers et poursuivant actuellement leurs études universitaires au sein du cheminement intégré.
14Les étudiantes ont rempli un court questionnaire sociodémographique afin 1) d’ériger un portrait des caractéristiques démographiques générales de l’échantillon, 2) de recueillir des données sur leur pratique comme infirmière, puisque certaines étudiantes au baccalauréat sont déjà infirmières en raison d’une formation antérieure en soins infirmiers au collégial, 3) de préciser le parcours universitaire des participantes, et 4) de cibler les principales caractéristiques du milieu de stage.
15Un entretien individuel semi-dirigé d’environ 60 minutes, enregistré numériquement, pour chacune des participantes volontaires a été réalisé par l’étudiante-chercheure, l’auteure principale de cet article, dans le cadre de sa maîtrise en sciences infirmières. L’entretien semi-dirigé utilisant des questions ouvertes et non directives est la méthode la plus efficace pour favoriser l’expression en profondeur du vécu des participantes (39,40). Un guide d’entrevue a été produit par l’étudiante-chercheure et validé par ses superviseurs de recherche avant son utilisation auprès de la population cible. Les questions ouvertes ont été construites à partir des trois principes clés de la théorie de l’humain en devenir de Parse (35) dans le but d’assurer une cohésion entre les différentes étapes de la recherche (36). Par exemple, pour explorer le principe de signification, la question suivante était posée aux participantes : « Quels ont été les moments les plus marquants de votre stage ? ». Pour explorer la rythmicité, voici l’une des questions ayant été élaborées : « Décrivez-moi vos relations avec les différents acteurs clés de votre stage en santé mentale ? ». Finalement, pour comprendre le processus de transcendance, voici l’une des questions construites dans le guide d’entretien : « À partir de votre expérience de stage en milieu psychiatrique, quelle place occupera la santé mentale dans votre pratique infirmière future ? ». Aussi, des questions d’éclaircissement et d’approfondissement ont été élaborées dans le but de faciliter l’exploration du vécu et du sens que le participant y attribue. Également, un prétest auprès d’une étudiante répondant aux critères d’inclusion a été réalisé avant le processus de recrutement. Des ajustements ont été effectués à partir des constats de cette première expérience (38).
16Six étapes permettant d’effectuer cette API ont été réalisées systématiquement : 1) s’imprégner du contenu à travers maintes relectures des trames narratives ; 2) réaliser le processus de codification dans les marges, c’est-à-dire (a) décrire les éléments importants et le sens que la participante leur attribue, (b) annoter les thèmes redondants, importants et divergents, (c) émettre des commentaires linguistiques et conceptuels afin de conserver une trace du processus d’interprétation et d’analyse et (d) déconstruire certains narratifs afin de se centrer sur les mots et le sens des verbatims ; 3) développer les thèmes émergents à partir des codes identifiés et réaliser un cercle herméneutique permettant au chercheur d’attribuer un sens à l’expérience de la participante ; 4) chercher des connexions entre les thèmes émergents dans le but de créer des grandes catégories superordonnées ; 5) réaliser les quatre premières étapes pour chacune des autres participantes ; 6) mettre en commun les catégories superordonnées de chacune des participantes afin d’établir des catégories et des sous-catégories entre les cas (39,40). Ces étapes ont été réalisées par l’étudiante-chercheure et révisées par ses superviseurs de recherche. Afin de mieux cerner la posture de l’étudiante-chercheure et son influence sur l’analyse des données, il semble pertinent de préciser qu’il s’agit d’une infirmière détenant une expérience préalable en psychiatrie médicolégale et ayant réalisé un programme de baccalauréat en sciences infirmières dans l’espace francophone de la discipline au cours des cinq dernières années.
Résultats
Population à l’étude
17Les participantes de cette étude étaient toutes de sexe féminin. L’âge des étudiantes variait entre 20 et 34 ans. Neuf des onze participantes détenaient un diplôme d’études collégiales en soins infirmiers et avaient donc en moyenne deux ans d’expérience comme infirmière. Six étudiantes ont effectué leur stage de santé mentale en milieu communautaire, et les cinq autres participantes l’ont réalisé en milieu hospitalier. Plus précisément, les stagiaires ont été placées dans des centres de jour en santé mentale, des ressources intermédiaires pour les adolescents, des ressources communautaires pour les personnes itinérantes, des cliniques externes de santé mentale et des unités de soins psychiatriques. Finalement, six étudiantes étaient supervisées par des infirmières, et les cinq autres participantes étaient supervisées par des intervenants sociaux (travailleur social, éducateur spécialisé, intervenant).
Analyse phénoménologique interprétative
18Ce processus d’analyse fait ressortir différentes catégories et sous-catégories imprégnées du vécu des participantes vis-à-vis de leur stage en santé mentale. La mise en commun de l’expérience de ces onze étudiantes permet de souligner les éléments de convergence et de divergence par rapport au phénomène étudié. Il est important de rappeler que ces résultats ne visent pas à généraliser le processus d’immersion clinique des étudiantes, mais bien à mieux comprendre 1) le sens que les étudiantes attribuent à une telle immersion clinique, 2) les processus de négociation entre les différents univers des participantes, et 3) leur capacité à se projeter au-delà de l’expérience d’apprentissage en soi. La figure 1 permet d’illustrer l’ensemble des catégories et sous-catégories arrimé au cadre théorique de Parse.
Catégories principales et sous-catégories
Catégories principales et sous-catégories
Signification
19Dans un premier temps, cette section met en lumière le processus réflexif lié à l’expérience d’immersion clinique en santé mentale des étudiantes en sciences infirmières. Cette réflexion sur l’expérience de stage en santé mentale constitue un arrimage entre le passé, le présent, ainsi que les projections futures, et apporte certaines nuances aux résultats de cette catégorie.
Catégorie 1. Les vecteurs de sens d’une immersion clinique en santé mentale
20Afin de donner un sens à leur expérience immersive d’apprentissage, la majorité des participantes accordent beaucoup d’importance à l’impression de découvrir un milieu souvent inconnu. Elles vivent aussi des sentiments d’inquiétude et de crainte face à un stage perçu comme un environnement doublement étranger, puisque les participantes découvrent à la fois la santé mentale en soi et le milieu communautaire plutôt qu’hospitalier. Elles tentent de donner un sens à cette expérience en valorisant le développement de leurs habiletés relationnelles auprès de cette clientèle, mais le manque de modèle de rôle infirmier vient freiner cet élan. Ce paradoxe amène donc les participantes à questionner la pertinence d’une telle immersion dans le cadre d’une formation universitaire en sciences infirmières.
Centrer son expérience d’apprentissage sur la découverte
21Pour donner une signification à leur expérience d’apprentissage, les étudiantes désirent découvrir un nouveau milieu clinique et un nouveau champ d’expertise, tout en s’initiant à de nouvelles clientèles et approches de soins. Notamment, l’exploration d’un nouvel environnement de travail en communauté crée une coupure par rapport à leur milieu de travail en centre hospitalier et à leurs milieux de stage habituels. Cette différence importante, aux dires des étudiantes, constitue aussi une motivation à effectuer cette immersion, puisqu’une majorité des participantes avait déjà réalisé un tel stage au niveau collégial de leur formation en soins infirmiers. Un tel stage est, la plupart du temps, réalisé en milieu hospitalier. De ce fait, pour stimuler leur intérêt à redécouvrir la santé mentale, l’apport d’une vision communautaire de la santé mentale fait toute la différence : « J’étais contente de ne pas être à l’hôpital et d’aller explorer quelque chose que je ne connaissais pas. J’étais aussi contente que ce soit une population […] adolescente parce que je n’avais pas d’expérience. J’ai vraiment fait quelque chose d’autre et c’est [plaisant] » (participante 11).
Faire face à l’incertitude et la crainte devant l’inconnu
22Ce désir de découverte amène toutefois son lot d’inconfort pour les étudiantes, qui se traduit par des sentiments tels que l’anxiété, la peur, la crainte, l’appréhension ou encore l’incertitude. Plus spécifiquement, la peur de l’inconnu liée au milieu de stage est un élément important pour comprendre la naissance de ces émotions. En effet, les participantes expriment leur difficulté à se projeter dans leur environnement de stage, puisqu’elles n’ont souvent aucune expérience en santé mentale, et encore moins en milieu communautaire. Également, les étudiantes verbalisent une perception de complexité en regard aux problématiques de santé mentale, à la prise en charge d’une telle clientèle, à la prépondérance des comorbidités ou des conséquences multisystémiques ayant une influence sur les sphères personnelle, conjugale, familiale, sociale et professionnelle d’un individu. Ainsi, la rencontre de ces problématiques de santé mentale constitue aussi des vecteurs d’émotions difficiles pour les participantes. Le manque de préparation sur le plan théorique à une telle immersion semble être un levier important pour comprendre ces sentiments difficiles exprimés par la majorité des stagiaires : « La peur de la santé mentale… je pense que c’est parce qu’on ne connaît pas ça. Ce qu’on ne connait pas, ça fait peur, en général. Pis c’est un domaine complexe avec lequel on est moins à l’aise » (participante 11).
23Parallèlement, cette peur de l’inconnu est amplifiée par l’impossibilité pour ces étudiantes de participer au processus de sélection des milieux de stage par les instances universitaires et donc de se préparer adéquatement, tant psychologiquement que cliniquement, à cette immersion clinique : « Déjà, ce que je trouvais [difficile]… c’est le processus… on ne peut pas savoir à l’avance notre milieu de stage, vraiment. […] On le sait vraiment juste au début de la session » (participante 7).
Approcher cette expérience comme une opportunité de développer ses aptitudes relationnelles
24À partir du vécu des participantes, l’acquisition d’habiletés relationnelles auprès de la clientèle facilite la signification particulière de cette expérience. Souvent, les étudiantes mentionnent avoir de la difficulté à identifier les apprentissages effectués au fil de l’immersion clinique, puisqu’ils s’éloignent des champs dits techniques de la pratique infirmière. La valorisation de la technicité des soins infirmiers liée à la prépondérance du paradigme biomédical pour comprendre les enjeux en santé semble être fréquemment imbriquée à l’identité professionnelle des infirmières. Ainsi, la découverte et la valorisation des espaces relationnels et expérientiels avec la clientèle constituent des leviers pour donner un sens à cette expérience d’apprentissage. « […] je n’ai pas fait de technique, je n’ai pas appris quelque chose de génial, je n’ai pas fait de technique incroyable. Je pense que c’est vraiment l’approche à la personne qui a changé » (participante 8).
Constater l’absence d’un modèle de rôle infirmier
25Le manque de modèle de rôle infirmier en milieu communautaire de santé mentale constitue la barrière la plus importante pour donner un sens significatif à cette expérience d’apprentissage. Majoritairement, dans leur milieu de stage, les étudiantes étaient accompagnées par des intervenants des services sociaux plutôt que par des infirmières. En effet, dans le cadre de cette expérience de stage, toutes les stagiaires étaient supervisées par une personne enseignante diplômée en sciences infirmières et affiliée à leur université d’attache, ainsi que par un superviseur clinique pouvant être un infirmier ou un intervenant des services sociaux. Le superviseur infirmier du milieu universitaire permettait de faire le pont entre le milieu clinique et le milieu de formation des étudiantes de manière globale (ratio de 1 superviseur universitaire pour environ 12 étudiantes), alors que le superviseur clinique agissait à titre de modèle de rôle (ratio de 1 superviseur clinique pour 1 étudiante).
26Or, puisque dans la majorité des immersions cliniques étudiées, l’encadrement par un infirmier était uniquement offert par le milieu universitaire, les étudiantes expriment que l’absence de modèle de rôle infirmier au sein du milieu de stage les empêchait de bien comprendre la nature de la pratique infirmière en santé mentale. Cette barrière est accentuée, puisque les stagiaires disent apprendre par mimétisme, c’est-à-dire en imitant la pratique du superviseur clinique servant de modèle de rôle. En d’autres termes, bien que l’encadrement soit partagé par l’université et le milieu de stage, les étudiantes en sciences infirmières s’imprègnent particulièrement du bagage expérientiel provenant du superviseur avec qui elles sont jumelées sur le terrain, et non des partages expérientiels lors de séminaires en grand groupe ou de tutorat individualisé avec la personne enseignante affiliée au milieu universitaire. La proximité relationnelle entre les étudiantes et le superviseur avec qui elles sont jumelées sur le terrain semble ainsi agir comme inhibiteur ou facilitateur au développement de leur compréhension du rôle infirmier en santé mentale. Il est possible que cette difficulté de s’approprier les savoirs et les connaissances propres à la discipline infirmière débute dès la réalisation des cours théoriques en santé mentale, puisque cette appropriation nécessite un travail réflexif approfondi de la part des étudiantes. Par ailleurs, l’absence de modèle de rôle infirmier nuit à l’attribution d’une signification identitaire en lien avec leur immersion, car les participantes verbalisent avoir de la difficulté à comprendre leur apport, ou même leur présence, dans un tel milieu de stage. Le manque de modèle de rôle infirmier amène également une confusion au niveau de l’identité professionnelle des étudiantes en sciences infirmières : « On dirait que ça n’a pas [vraiment] influencé ma vision du rôle de l’infirmière, parce que, pendant ce stage, oui, j’étais une stagiaire en sciences infirmières et je suis une infirmière à la base, mais on dirait que là-bas je n’étais pas une infirmière… j’étais vraiment une intervenante » (participante 2).
Questionner la pertinence d’une telle expérience d’apprentissage
27La difficulté à donner un sens clinique à leur expérience d’apprentissage pousse les étudiantes à remettre en question la pertinence d’une immersion clinique de santé mentale, du moins en milieu communautaire. Les participantes contestent la réalisation des tâches s’apparentant aux activités de la vie quotidienne ou encore des activités sociales, en raison d’une perception d’inutilité de ces acquis dans leur pratique infirmière future. L’omniprésence du paradigme biomédical dans le domaine des sciences infirmières, au détriment des approches biopsychosociales de santé, semble également renforcer cette impression de futilité relative à ces activités. Il est ainsi possible qu’une préparation théorique souvent enracinée dans le paradigme biomédical impose des limites au bagage expérientiel d’un tel stage en santé mentale. En effet, lorsque les étudiantes se retrouvent dans un milieu de stage avant tout influencé par des approches psychosociales, certaines préconceptions issues de leur formation biomédicale pourraient entraîner un choc culturel chez les étudiantes ayant été préparées à intervenir selon ce schème de pensées. Les outils enseignés en termes d’intervention ne sont pas ceux espérés, puisqu’ils constituent des dispositions et des modes relationnels, plutôt que des techniques ou des grilles d’évaluation standardisées : « Dans mon stage, il n’y a pas tant de choses que j’ai faites qui sont importantes pour la profession infirmière. Je veux dire… on faisait des soupers, on écoutait des films, on allait jouer au basket. Il y a beaucoup d’éléments [qui relevaient plutôt de] la vie quotidienne » (participante 2).
28Aux dires des participantes, la place prépondérante de ces activités sociales ou encore de la vie quotidienne, au détriment de l’acquisition d’outils d’intervention, n’est pas pertinente dans un contexte d’apprentissage de la pratique infirmière en santé mentale. Cette perception d’inutilité semble s’expliquer par l’impression de ne pas utiliser son bagage de connaissances universitaires, encore une fois développé à partir d’un paradigme biomédical des enjeux en santé : « J’en ai parlé avec d’autres personnes qui ont fait leur stage en santé mentale dans des centres de jour […], puis on m’a dit “c’est comme une atteinte à mon intelligence”. Dans le sens que… moi, je suis là et j’accompagne pour animer les activités. Le matin, on fait de l’art plastique, puis l’après-midi, c’est du karaoké. Dans un sens, j’aurais aimé ça, un stage qui représente mon rôle… tu comprends ? Sauf que… animer un karaoké, je ne ferai jamais ça […] comme infirmière » (participante 10).
Rythmicité
29Dans un deuxième temps, cette section met en relief les différents processus de négociation expérientielle des participantes vis-à-vis des divers univers gravitant autour de cette immersion clinique. Plus spécifiquement, le vécu personnel et professionnel des étudiantes, les univers académiques associés à une telle immersion et le milieu de stage en soi seront explorés afin de comprendre les facteurs d’influence dans ce processus de négociation expérientielle.
Catégorie 2. Le vécu personnel et professionnel comme rituel initiatique
S’initier aux différentes trajectoires en santé mentale par des expériences personnelles et familiales
30Dix des onze participantes disent avoir vécu une expérience personnelle ou familiale avec la maladie mentale. Certaines ont jugé leur expérience comme positivement significative, alors que d’autres y associent des souvenirs douloureux et une perception négative des enjeux liés à la santé mentale. Ce paradoxe illustre différentes trajectoires en santé mentale. D’un côté, pour plusieurs étudiantes, des retombées positives résultent de cette expérience difficile de découverte de la santé mentale, se traduisant par une confrontation des préjugés, une prise de conscience de l’aspect invisible et intangible des problématiques de santé mentale, ainsi qu’une augmentation du sentiment d’empathie à l’égard de cette clientèle. Les étudiantes verbalisent un processus de normalisation lié aux étiquettes de santé mentale : « J’ai une amie qui a fait une dépression majeure. Elle était complètement déconnectée. C’est sûr… vu que c’est plus proche de moi… ça vient plus émotif… c’est sûr que je vois ça plus normal, d’un sens. Sinon, moi, j’ai déjà été en maladie pour trouble d’adaptation… ça fait partie de la santé mentale, je pense. Alors, c’est ça…. je le vois plus normal et j’ai un peu plus d’empathie pour ces gens-là » (participante 10).
31Alors que pour d’autres participantes, des conséquences unanimement négatives en découlent. L’expérience personnelle et familiale peut alors devenir un vecteur traumatique. Ces traumatismes ont pour effet de créer des préconceptions à l’endroit de la clientèle en santé mentale et donc à l’endroit d’un tel stage : « Parce que c’est sûr que quand tu as douze ans et que tu es sur une unité psychiatrique barrée… tu rentres avec ta mère [visiter] ton père et qu’il est dans une chambre à deux avec une personne schizophrène qui veut faire un trou dans le plancher pour s’évader, [c’est certain] que ça doit finir par marquer un peu l’inconscient ! » (participante 8).
Intégrer une culture du risque et de la dangerosité
32Puisque neuf des onze participantes possédaient une formation collégiale en soins infirmiers, la majorité des étudiantes volontaires pratiquaient en milieu hospitalier au moment de leur stage en santé mentale. Aux dires des participantes, cet environnement de travail contribue à la création d’un rapport négatif face aux problématiques de santé mentale, puisque l’intégration de la culture de soins hospitalière diabolise ces problématiques en leur attribuant les étiquettes de risque et de dangerosité. Par le fait même, cette culture peut également servir à normaliser l’utilisation de mesures restrictives à l’endroit de cette clientèle : « Je travaille à l’urgence de l’hôpital. […] Mes patients sont souvent vraiment décompensés, c’est des grosses psychoses, des gros cas… souvent, on doit utiliser des contentions […] Donc notre but premier, c’est vraiment de contrôler, d’assurer la sécurité des patients, de la personne » (participante 2).
33Cette même culture semble aussi propager ou même amplifier certains préjugés entretenus en société envers cette clientèle déjà fortement stigmatisée. « Souvent, quand on est dans le domaine de la santé, peu importe où, une personne qui a un diagnostic de trouble de personnalité limite (TPL), on va entendre : “Ah, une [autre] TPL”. J’ai une tendance à le penser honnêtement […]. Oui, je sais que c’est un préjugé » (participante 11).
Catégorie 3. Les programmes de formation comme vecteurs d’aliénation
Former en se centrant sur les dimensions biomédicales
34Préalablement à leur immersion clinique, l’ensemble des participantes a réalisé un cours théorique en santé mentale en vue de se préparer adéquatement à cette expérience immersive. Aux dires des étudiantes, leur formation tant théorique que clinique est imprégnée du paradigme biomédical et ce, en raison de deux principaux motifs :
- d’une part, l’omniprésence des diagnostics ou des étiquettes, en santé mentale, pour reconnaître et même quantifier la souffrance vécue par cette clientèle, ainsi que pour organiser leur prise en charge globale constitue l’une des retombées majeures de ce courant. L’utilisation de ces étiquettes a aussi pour effet d’illustrer des cas « typiques » pour chacune des maladies mentales, et donc d’amplifier les représentations sociales stigmatisantes des étudiantes. En définitive, les participantes verbalisent vouloir découvrir des diagnostics plutôt que des êtres humains : « On a été chanceux pendant notre séjour de 15 jours ; on a vu plein de maladies qu’on ne voit pas nécessairement régulièrement. […] On a vu les classiques de gens qui parlent tout seuls, qui ont des hallucinations, des gens qui décompensaient, des troubles de personnalité limite, de l’automutilation, des tentatives [de suicide] sur le milieu » (participante 4) ;
- d’autre part, la pratique infirmière en santé mentale est intégrée comme un soin technique, conformément aux postulats d’un paradigme biomédical actuellement dominant en psychiatrie. Notamment, les étudiantes expriment vouloir apprendre les aspects communicationnels et relationnels du travail infirmier comme une technique de soin ou encore une séquence de communication. Aussi, aux dires des participantes, en santé mentale, il est nécessaire de « gérer » la clientèle, puisqu’elle représente constamment un risque pour soi ou pour autrui. La gestion des risques par le personnel soignant, au détriment de la valorisation de l’autonomisation de la clientèle, constitue une autre conséquence de ce courant biomédical : « Dans le fond, c’est que dans tous nos cours, on nous apprend : “il faut traiter les personnes de santé mentale de telle ou telle façon.” […] On avait certaines techniques qu’il fallait qu’on apprenne. Entre autres, la communication thérapeutique : respecter certaines étapes […] » (participante 3).
Avoir précédemment vécu une expérience traumatique de stage
35Comme il a été précisé antérieurement, neuf des onze participantes possèdent un diplôme collégial en soins infirmiers. Au cours de cette formation, les étudiantes ont réalisé une première immersion clinique en milieu psychiatrique. Cette immersion antérieure est souvent dépeinte par les étudiantes comme une expérience traumatique, puisqu’elle personnifie certaines représentations sociales négatives associées à la clientèle. En raison des enjeux émotionnels liés à une telle expérience immersive, il s’avère important de bien préparer les étudiantes afin d’aborder préalablement leurs préjugés à l’endroit de la clientèle et des milieux de santé mentale, ce qui peut être plus difficile dans le contexte d’une formation collégiale plutôt qu’universitaire : « J’ai fait un stage sur une aile de psychiatrie. Pour moi, c’était comme un petit peu épeurant. J’avais des patients… j’avais un patient schizophrène, il se lançait dans les murs, et une patiente bipolaire qui était super [collante]. Alors moi, avant mon stage, ce n’était pas très positif » (participante 10).
Catégorie 4. Le milieu de stage comme espace de négociation expérientielle
Négocier son rôle de stagiaire
36En raison de la diversité des milieux de stage, tant en milieu hospitalier qu’en milieu communautaire, les étudiantes doivent apprendre à négocier au cas par cas leur rôle à titre de stagiaires en sciences infirmières. De ce fait, aux dires de certaines participantes, leur rôle de stagiaire consistait principalement à « aider » le milieu de stage afin d’accomplir les tâches quotidiennes. Dans cette perspective, ces étudiantes verbalisaient que les tâches réalisées à titre de stagiaire n’ont en aucun temps bonifié leur bagage de connaissances, puisque l’objectif perçu était de soutenir le milieu de stage dans ces activités quotidiennes. Cet élément soulève ainsi la question du rôle d’accompagnement des milieux de stage afin de soutenir l’apprentissage des étudiantes en sciences infirmières : « Je suis là comme support. Des fois, ils manquent d’inspiration et je les aide. C’est vraiment ça. Je ne suis pas [du tout une] infirmière à ce moment-là. […] À l’Halloween, [la superviseure clinique] m’a demandé de faire des sacs de bonbons. […] C’est comme si j’étais bénévole dans le centre, on dirait » (participante 10).
37D’autres participantes ont pour leur part négocié leur rôle de stagiaire différemment. En effet, ces étudiantes comparaient leur expérience clinique à une intégration à un nouveau milieu de travail à titre d’infirmières diplômées. L’objectif était donc de devenir autonome dans la gestion des tâches quotidiennes du superviseur clinique. Il semble justifiable, pour une ressource, d’espérer que l’étudiante acquière un certain degré d’autonomie au quotidien. Par contre, cette perception du rôle de stagiaire soulève un autre élément important pour potentialiser l’expérience d’apprentissage des étudiantes, car cette autonomie absolue semble être priorisée, au détriment d’une approche plus éducative, formatrice et réflexive : « Je [la superviseure clinique] vais te former comme si tu étais une intervenante qui venait commencer à travailler ici. Tout ce que les intervenantes faisaient à la base là-bas, moi j’ai appris à le faire » (participante 2).
38Force est de constater que la négociation expérientielle du rôle de stagiaire en santé mentale soulève des éléments de convergence et de divergence au sein de l’échantillon. Or, cette fois à l’unanimité, les participantes verbalisent s’être intégrées à la culture organisationnelle du milieu de stage. Parfois de façon volontaire ou par obligation de conformité aux attentes du superviseur clinique, elles ont assimilé les approches de soins et les méthodes de travail sans questionner ou réfléchir à la pertinence de celles-ci. Même les nombreuses étudiantes contestant la pertinence d’un tel stage n’ont pas verbalisé de réflexion à l’égard de leur intégration dans le milieu de stage, excepté le fait qu’elles jugeaient que les activités étaient impertinentes dans un contexte d’apprentissage. De ce fait, plutôt que de développer la pensée réflexive des étudiantes, les apprentissages effectués ont été acquis par mimétisme du superviseur clinique, qu’il soit infirmier ou intervenant en services sociaux : « Ça n’a vraiment pas été long avant que je fasse comme “OK, ici, ça fonctionne comme ça, on aborde les choses comme ça.” » Les [intervenantes] me l’ont dit même rapidement que… elles m’écoutaient parler avec les jeunes puis elles étaient comme “c’est exactement comme ça que nous on aborde les choses” » (participante 2). « Ce que [le superviseur clinique] me disait au départ… ce qu’il voulait, c’était vraiment […] que je m’intègre dans le milieu. Je pense que l’objectif, c’était de ne pas trop détonner » (participante 8).
Transcendance
39Dans un troisième et dernier temps, cette section expose les processus réflexifs et transformatifs liés à cette immersion, notamment sur les plans clinique, relationnel et identitaire, des participantes. Les étudiantes ont été appelées à se projeter au-delà du stage en soi pour identifier et interpréter les possibilités émergentes en lien avec cette expérience, que ce soit sous forme de projection vers l’avenir, d’espoir ou encore de projet professionnel.
Catégorie 5. La découverte de soi comme intervenant
Confronter ses préjugés et reconnaître le savoir expérientiel de la clientèle
40À l’unanimité, les étudiantes expriment qu’une telle expérience immersive les a confrontées à leurs idées préconçues envers les enjeux liés à la santé mentale, mais surtout envers cette clientèle fortement stigmatisée en société. Cette introspection sur leurs préjugés s’est actualisée dans un contexte où souvent les diagnostics de santé mentale ne sont pas dévoilés aux stagiaires effectuant leur immersion clinique en milieu communautaire. De ce fait, pour certaines participantes, cela a suscité un désir de découvrir des êtres humains plutôt que des étiquettes souvent associées au diagnostic : « J’ai pu briser mes stéréotypes parce qu’[au centre], [les intervenants] ne nous disent pas les diagnostics des personnes. Tu ne pouvais pas juger la personne parce que tu ne savais pas ce qu’elle avait [comme diagnostic] » (participante 1).
41Pour plusieurs étudiantes, cette expérience les a aussi sensibilisées au fait qu’il n’existe pas de cas « typiques » en santé mentale en fonction des diagnostics. La découverte de l’unicité des êtres humains constitue un processus transformatif important, à la suite de la réalisation d’une telle immersion clinique. Cette confrontation des préjugés mène donc également à un désir de s’ouvrir aux autres et d’apprendre à les découvrir : « Je pensais que la schizophrénie… que c’était vraiment handicapant et que la personne ne pouvait pas avoir une vie normale, mais je me rends compte actuellement que [plusieurs personnes à la ressource communautaire] ont la schizophrénie et qu’ils vivent presque normalement. […] J’ai appris à laisser tomber le jugement. […] J’avais des idées un peu préconçues sur l’itinérance [et maintenant], je me rends compte qu’il n’y a pas d’itinérant typique, puis que ça peut être n’importe qui » (participante 6).
42Finalement, cette reconnaissance de l’unicité de la personne permet aussi à quelques participantes d’enrichir leur pratique à partir du savoir expérientiel de la clientèle en santé mentale. Sur le plan expérientiel, de fortes émotions sont suscitées vis-à-vis de ces partages : « L’autre fois, on a demandé à un patient en toxicomanie de nous parler un peu de son savoir expérientiel pour… pour nous enrichir. […] Quand [les patients] nous racontent leur histoire […], ben c’est hyper émouvant d’être face à ça… » (participante 7).
43Ce changement de paradigme renforce ainsi l’importance de l’écoute et d’une présence attentive auprès de cette clientèle. Un rapport plus égalitaire soignant/soigné résulte aussi de cette ouverture professionnelle à cheminer à partir du partage de leurs histoires de vie : « J’étais plus dans le “je m’en viens écouter ton histoire [et examiner] comment on peut cheminer ensemble. Je m’en viens, moi aussi, apprendre de ton histoire de vie à toi” » (participante 8).
Prendre conscience des dimensions sociopolitiques de la santé mentale
44Cette immersion clinique amène les étudiantes à transcender d’une réflexion clinique à une réflexion critique touchant divers enjeux liés à la santé mentale. De ce fait, la moitié des stagiaires verbalisent un désir d’exercer un leadership politique, notamment pour améliorer les environnements de soins en milieu psychiatrique, pour augmenter le financement des ressources communautaires en santé mentale ou encore pour proposer des approches de soins novatrices en sciences infirmières : « [Je tire] un constat sociétal… pas assez de structures, pas assez d’accompagnement pour toutes ces personnes-là. […] Ça m’a fait grandir, ça m’a fait réfléchir à d’autres choses et à penser à d’autres politiques d’accompagnement » (participante 7).
45Pour quelques étudiantes, cette expérience les a aussi poussées à effectuer une critique sociopolitique de l’organisation des systèmes de soins et des services offerts en santé mentale. Ainsi, à travers une telle immersion clinique, les stagiaires ont pris conscience des futurs défis au plan sociopolitique à relever pour répondre adéquatement aux enjeux d’accessibilité, de continuité et de qualité des soins et des services de santé mentale. La proximité relationnelle avec la clientèle ayant des problématiques de santé mentale lors du stage semble avoir « forcé » une réflexion à ce sujet. En effet, la réalisation d’une immersion sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines, a ainsi permis aux étudiantes de comprendre ces enjeux sous la perspective de la clientèle, et non sous une perspective théorique : « [Je retiens] que le gouvernement a besoin de mettre plus d’argent en santé mentale. Il manque de lits. Puis l’environnement, l’environnement… il faut repenser la structure des unités de santé mentale. Ce n’est pas réaliste. La marche est trop grosse entre la sortie de l’hôpital et la réinsertion [dans le milieu de vie], surtout quand ça fait plusieurs mois qu’on est comme interné » (participante 4).
Faire difficilement le pont entre l’expérience d’apprentissage et l’actualisation professionnelle
46La majorité des participantes expriment qu’il est ou qu’il sera difficile, voire impossible, d’actualiser leurs acquis par l’intermédiaire de leur pratique infirmière actuelle ou future. Le principal obstacle à une telle transférabilité des savoirs se situe au niveau de l’incompatibilité du milieu de stage et de leur milieu de travail. Aux dires des étudiantes, puisque les environnements, les objectifs de soins et les approches sont complètement divergents des milieux de soins habituels, elles ne sont pas en mesure de transposer leur bagage expérientiel à leur pratique infirmière. Dans l’extrait narratif suivant, une participante travaillant à l’urgence d’un centre hospitalier et ayant effectué son stage dans une ressource communautaire pour adolescents exprime cette incompatibilité des milieux : « Honnêtement, ça n’a pas vraiment changé quelque chose, parce que les deux milieux sont tellement différents, mes approches sont tellement différentes avec un jeune qui fait de l’anxiété qu’avec un monsieur de 40 ans qui fait une psychose. Ce n’est tellement pas la même chose. Je ne vais pas aborder les choses de la même façon » (participante 2).
Catégorie 6. L’immersion clinique comme facilitateur et barrière à une carrière en santé mentale
Se percevoir comme infirmière en santé mentale
47D’un côté, la moitié des participantes ont envisagé leur expérience immersive comme une occasion de transcendance et de transition vers une carrière comme infirmière en santé mentale. Pour seulement deux étudiantes de ce groupe, cette immersion clinique a été jugée extrêmement significative professionnellement, ce qui les a menées à postuler sur un poste en milieu psychiatrique ou communautaire de santé mentale. Dans la trame narrative suivante, une participante exprime ce sentiment de révélation lié à un changement de carrière imprévu, à la suite de son stage : « Ben, j’ai postulé en toxicomanie. Ouais, non, vraiment, franchement… on me l’aurait dit, il y a trois mois… [et j’aurais répondu] : “quand même, c’est bizarre !” […] Je n’ai pas eu le poste, mais oui, j’ai trouvé ça hyper intéressant. […] J’aimerais faire une transition vers la toxicomanie qui m’a marquée » (participante 7).
48D’un autre côté, avant même de commencer cette immersion clinique, environ le quart des participantes étaient complètement révulsées à l’idée d’orienter leur carrière en santé mentale. L’immersion clinique n’a pas été utilisée comme une possibilité d’envisager des projets professionnels dans les milieux psychiatriques ou communautaires de santé mentale. Le maintien d’une vision dichotomique de la pratique infirmière en santé dite physique versus en santé dite mentale semble également expliquer ce rejet de la santé mentale : « Moi, ce que je veux faire plus tard, ça n’a aucun rapport avec la psychiatrie. C’est plus la cardiologie qui m’intéresse ou l’enseignement » (participante 1).
49Chez neuf des onze participantes, aucune transition professionnelle n’avait été suscitée par la réalisation d’une telle immersion au moment de ce projet. Aux dires des étudiantes, ce refus de travailler en santé mentale s’explique par un profond désir de travailler en santé dite physique, puisque cela semble être le cheminement professionnel « classique » de la relève. Les différents processus de socialisation avec des infirmières diplômées, s’opérant tant lors des cours théoriques que lors des immersions cliniques, renforcent cette trajectoire professionnelle d’une étudiante « typique » en sciences infirmières : « [Une infirmière], durant mon stage, m’avait conseillé d’aller plus en médecine-chirurgie ou d’autres départements plus actifs, pour [acquérir] mon expertise, et après ça de revenir en santé mentale. Moi, [l’immersion clinique], ça m’a laissé en mémoire que la santé mentale, c’est plus un département [où tu vas] quand tu as fini d’explorer tous les autres […] » (participante 9).
50Ce rejet d’une carrière en santé mentale peut aussi s’expliquer par une certaine persistance des préjugés à l’égard du rôle infirmier dans ces milieux de soins, se traduisant par une difficulté à reconnaître la contribution infirmière en santé mentale. De plus, ces participantes refusant d’envisager une carrière dans ces milieux expriment des craintes envers l’environnement de travail en soi, décrit comme « lourd » (participantes 2 et 9), « déprimant » (participante 4), « dur » (participante 4), sans innovation (participantes 4 et 9) et dangereux pour leur personne (participantes 1, 2, 9 et 11).
51Dans cet ordre d’idées, les processus de socialisation de la relève avec les infirmières des milieux de santé mentale accentuent cette perception négative et stigmatisante de l’environnement psychiatrique. Un paradoxe est palpable, puisque ce sont ces mêmes infirmières qui devraient agir à titre de leader de changement pour promouvoir une vision positive de la santé mentale : « Il y avait des membres du personnel qui me disaient “[…] la santé mentale, je ne te le conseillerais pas parce que ça peut être fatal si tu te fais frapper, si tu t’y prends mal” » (participante 9).
52Chez le quart des participantes, la réalisation des immersions cliniques dans des milieux inconnus ou moins traditionnels que les milieux hospitaliers agit comme facteur facilitant une transition de carrière en santé mentale. Cette découverte d’un nouveau milieu semble ainsi ouvrir les perspectives professionnelles des étudiantes vers des avenues jugées initialement incompatibles, par manque d’ouverture face à l’inconnu : « Je voulais voir si j’aimais ça assez pour considérer ça comme une option, une fois mon baccalauréat [terminé]. Pour sortir de l’hôpital… j’aimerais sortir de l’hôpital… est-ce que ça c’est une option pour moi ? […] [Après la réalisation de mon stage, je confirme que] j’ai le goût d’aller travailler là » (participante 11).
53Finalement, pour la majorité des étudiantes, l’expérience immersive a favorisé l’émergence d’un rapport plus positif envers la clientèle souffrant de problématiques de santé mentale dans leur milieu de travail actuel en santé dite physique. La confrontation des préjugés et la normalisation des problématiques de santé mentale sont deux facteurs importants pour comprendre ce changement attitudinal à l’égard de cette clientèle : « Quand on me parlait de santé mentale, je venais limite agressive. Je ne voulais pas en entendre parler. J’étais comme “non”. La vie est belle. Lâchez-moi avec la santé mentale. […] [Je ne veux] toujours pas [orienter ma carrière en santé mentale], mais ça m’a permis de voir ça moins négativement, de savoir mieux gérer, mais c’est sûr que tu ne me verras pas [dans une institution psychiatrique]. J’ai envie de dire que ce stage a été libérateur » (participante 8).
Discussion
54Cette recherche ayant étudié l’expérience d’apprentissage relative au stage des étudiantes au baccalauréat en sciences infirmières dans divers milieux psychiatriques ou communautaires de santé mentale est particulièrement innovante dans l’espace francophone de cette discipline, puisqu’aucune étude recensée ne s’y était intéressée (23). Les résultats de cette étude soulèvent différents enjeux liés à la formation infirmière en santé mentale et permettent de mieux comprendre les facteurs d’influence liés au rejet d’une carrière en santé mentale par la relève infirmière. Pour comprendre une expérience humaine selon la théorie de l’humain en devenir de Parse (35,37), il est nécessaire de considérer le passé, le moment actuel et les projections futures. De ce fait, cette discussion sera divisée selon ces trois espace-temps : avant, pendant et après le stage en santé mentale. Des pistes réflexives sont aussi proposées pour tenter de remédier concrètement aux problématiques liées à la formation infirmière en santé mentale.
Avant le stage en santé mentale : les expériences significatives antérieures
55L’étude de Thongpriwan et al. (22) indique qu’une expérience personnelle ou familiale liée à la santé mentale agit comme facteur facilitateur à une carrière dans ces milieux de soins. Nos résultats ne permettent pas de tirer cette conjoncture de cause à effet. Toutefois, il est clair que ces expériences passées peuvent amener des retombées diamétralement opposées sur l’expérience de stage en soi, en fonction du sens que les étudiantes attribuent à une telle expérience. D’un côté, les étudiantes jugeant qu’un tel vécu est positif dans leur vie ont moins de préjugés envers la clientèle et sont plus sensibles à « l’invisibilité » des problématiques de santé mentale, alors que, de l’autre, les participantes jugeant cette expérience comme traumatique ont davantage de préconceptions envers les enjeux liés à la santé mentale et ont ainsi tendance à généraliser leur expérience personnelle à une majorité de personnes ayant des problématiques de santé mentale. En concordance avec l’étude de Poreddi et al. (21), nos résultats indiquent que les gestionnaires et le corps professoral des programmes de formation en santé mentale doivent réfléchir à ces expériences passées pour être en mesure de bien préparer psychologiquement les étudiantes à une telle expérience immersive. Par ailleurs, dans notre étude, une majorité d’étudiantes au baccalauréat étaient déjà des infirmières diplômées, en raison d’une formation collégiale antérieure. Ainsi, ces participantes travaillant en milieu hospitalier, avant leur stage, ont intégré une culture hospitalière attribuant l’étiquette de dangerosité à l’ensemble de la clientèle souffrant de problématiques de santé mentale. Cette culture du risque et de danger en santé mentale amène son lot de conséquences négatives pour cette clientèle vulnérable, dont la justification des mesures restrictives à leur égard (43). Dans cette optique, les gestionnaires et le corps professoral des programmes de formation devraient promouvoir une culture de soins inclusifs et valorisant l’autonomisation des personnes vivant avec des problématiques de santé mentale afin que la relève infirmière agisse comme vecteur de changement au sein des milieux de soins (1).
Pendant le stage : le vécu expérientiel
56Premièrement, la place centrale des aptitudes relationnelles et communicationnelles lors d’une immersion en santé mentale semble prioritaire afin de donner un sens particulier à cette expérience d’apprentissage. Des études récentes (29-32) ayant approfondi le processus et les effets d’une immersion en santé mentale précisent également que la communication et les relations interpersonnelles avec la clientèle sont prioritaires. Tout comme dans ces études (29-32), cette recherche démontre que le partage d’une relation réciproque avec la clientèle réduit les préjugés envers les enjeux liés à la santé mentale, favorise l’adoption d’une attitude plus empathique et confronte donc les fondements du paradigme biomédical souvent enseigné dans les programmes de formation en sciences infirmières.
57Deuxièmement, les participantes de cette étude accordent une forte signification à leur superviseur clinique, et malheureusement peu d’importance au soutien universitaire d’une personne enseignante diplômée en sciences infirmières. Aux dires des participantes, le fait que ce superviseur soit un infirmier plutôt qu’un intervenant des services sociaux contribue à la perception de pertinence d’un stage en santé mentale. Dans cet ordre d’idées, deux études récentes (28,31) ont aussi identifié que le superviseur clinique agit à titre de modèle de rôle pour les stagiaires. Tout comme dans notre recherche, les étudiantes en sciences infirmières semblent apprendre principalement par « mimétisme » des actions du superviseur clinique (28,31). Ces processus de socialisation entre la personne-ressource du milieu et la stagiaire semblent ainsi avoir pour effet de créer une compréhension limitée du rôle de l’infirmière en santé mentale et, par conséquent, engendrer une rupture entre l’apprentissage théorique et l’expérience clinique. Il est important de préciser que cette rupture peut être causée par l’inadéquation de la formation théorique et biomédicale enseignée aux étudiantes avant la réalisation d’un stage en santé mentale. Cet enseignement des contenus théoriques en santé mentale, souvent imprégné du paradigme biomédical, rend difficile la préparation des étudiantes à des approches communautaires en santé mentale. Cette nuance semble importante, puisque ce « problème » est possiblement amplifié par les attentes établies lors de la formation théorique de la relève infirmière.
58Troisièmement, non décrite dans l’ensemble des études recensées sur ce phénomène (23), la négociation expérientielle du rôle de stagiaire en santé mentale est particulièrement problématique. Il est important de se rappeler qu’aux dires des étudiantes, le rôle de stagiaire se limite souvent à « aider » et à soutenir les milieux de stage dans leurs activités quotidiennes. Cette perception d’inutilité des activités sociales et de la vie quotidienne, dans le contexte d’un stage en sciences infirmières, peut également s’expliquer par la socialisation professionnelle de la relève à une pratique infirmière en santé mentale essentiellement technique et biomédicale. Un problème de communication des attentes et des objectifs de l’immersion clinique entre le milieu universitaire et le milieu de stage pourrait aussi accentuer cette perception chez les participantes. Par ailleurs, les étudiantes estiment que l’intégration au milieu consiste à apprendre à travailler comme les autres intervenants, et non à lire les pratiques établies à partir d’une perspective infirmière. Il y a donc lieu de déterminer comment les étudiantes peuvent réfléchir de manière critique à la pertinence de différentes approches de soins pour leur pratique professionnelle (44) plutôt que de s’intégrer passivement à la routine des milieux. Comme l’étude de Stuhlmiller et Tolchard (28) le propose, cette intégration à une culture organisationnelle souvent divergente de celle des milieux hospitaliers permet aux stagiaires de s’éloigner du paradigme biomédical, de découvrir des approches alternatives et de confronter leurs préjugés envers la clientèle. Bref, l’intégration des étudiantes à la culture organisationnelle du milieu de stage représente un autre élément auquel les gestionnaires et le corps professoral des programmes de formation en sciences infirmières devront réfléchir.
Après le stage : les projections professionnelles
59Selon plusieurs études récentes (29-32) tout comme dans la recherche actuelle, une telle expérience clinique permet à la relève infirmière de confronter ses préjugés à l’égard de la clientèle en santé mentale et d’encourager le développement d’un rapport plus positif envers les enjeux qui y sont liés. Ainsi, le désir de découvrir des humains plutôt que des diagnostics de santé mentale constitue une retombée importante. Toutefois, aucune étude recensée (23) sur ce phénomène n’aborde cette difficulté vécue par les participantes de cette recherche à transférer leurs acquis dans leur milieu de travail respectif ou à leur pratique infirmière future. L’hétérogénéité des caractéristiques du milieu de stage et du milieu de travail semble être la barrière empêchant ce transfert de savoirs. Dans ce contexte, il pourrait être pertinent que les gestionnaires et le corps professoral des programmes de formation en santé mentale sensibilisent les étudiantes à la « transcendance » des compétences, notamment relationnelles, en santé mentale à tous les milieux de soins, qu’ils soient associés à la santé dite physique ou à celle dite mentale (45).
60Par ailleurs, l’expérience immersive en santé mentale suscite deux trajectoires opposées au niveau des projets professionnels de la relève infirmière. D’un côté, une minorité d’étudiantes approche cette expérience comme une opportunité à envisager une carrière dans ces milieux de soins, alors que, de l’autre, une majorité de participantes a rejeté cette possibilité de transcender ou de réfléchir à une possible carrière en santé mentale. Selon nos résultats de recherche, la réalisation d’un stage en santé mentale dans un milieu extrahospitalier représente un facteur d’influence positif à une transition professionnelle dans ces milieux de soins. L’étude de Stuhlmiller et Tolchard (28) propose un constat similaire quant à l’importance de valoriser les milieux communautaires de santé mentale auprès de la relève infirmière. Autrement, comme l’évoquent plusieurs recherches récentes (4,17,18,20-22,46), la perception négative de l’environnement psychiatrique ou communautaire de santé mentale est le principal facteur contraignant à une transition professionnelle dans ces milieux. Aux dires des participantes de cette étude et de quelques recherches sur le sujet (4,17,18,20-22,46), cette perception est fortement accentuée par le risque de danger perçu par les professionnels travaillant en santé mentale. Cette perception est aussi amplifiée par les processus de socialisation s’opérant entre les professionnels travaillant en santé mentale et les stagiaires. Selon nos résultats, ces processus de socialisation laissent aux participantes une image stéréotypée de ces milieux de soins. En définitive, les étudiantes, au sein de ces programmes de formation en santé mentale, pourraient être encouragées à adopter une ouverture d’esprit envers les milieux de santé mentale, comme celle qu’elles adoptent auprès de cette clientèle vulnérable. Pour se faire, il semble pertinent d’aborder les différents préjugés des stagiaires selon trois axes : 1) les préjugés envers la clientèle, 2) les préjugés envers les milieux de santé mentale, et 3) les préjugés envers la contribution infirmière dans ces milieux de soins (4,18,20-22).
Pistes réflexives et formation infirmière en santé mentale
61Pour remédier à ces problématiques relatives à la formation infirmière en santé mentale, plusieurs stratégies pédagogiques semblent pertinentes à envisager. Tout comme dans maintes recherches sur ce phénomène, les résultats de cette étude mettent en relief que l’exposition aux problématiques de santé mentale dans un contexte professionnel serait efficace pour confronter les préjugés envers ce champ de pratique (3,17,21-23). Dans ce contexte, il pourrait être approprié de placer le cursus intégré de santé mentale (cours théorique et immersion clinique) en début de parcours universitaire ou, à tout le moins, en concomitance afin de favoriser et de faciliter les liens entre les contenus théoriques et pratiques de ce cursus de formation. Une étude ayant inséré la formation en santé mentale lors de la première année du baccalauréat en sciences infirmières propose des résultats encourageants pour cette avenue (29).
62Par ailleurs, la réalisation du stage en milieu communautaire de santé mentale représente aussi une piste intéressante afin d’atténuer les perspectives stigmatisantes de la relève infirmière et de la familiariser à des compréhensions différentes de la santé mentale, de la maladie mentale et du rétablissement que celles typiquement encouragées par le paradigme biomédical. En effet, selon Stuhlmiller et Tolchard (28), comparativement aux étudiantes en milieu hospitalier, les étudiantes placées dans la communauté avaient des attitudes plus positives envers les personnes ayant des problèmes de santé mentale à la suite de leur stage. Offrir des opportunités dans la communauté avec une exposition aux croyances positives des superviseurs cliniques sur les problématiques de santé mentale pourrait améliorer les attitudes des étudiantes envers la santé mentale (28). Il est toutefois important de nuancer cette stratégie : les résultats de notre étude concordent et font écho à deux autres recherches sur le sujet. Ils soulignent l’importance, pour la relève infirmière, d’être accompagnée par une superviseure clinique infirmière en stage, dans le but de favoriser une construction identitaire positive et de mieux comprendre la contribution infirmière en santé mentale (28,31). Même si les participantes de notre étude ont systématiquement profité d’un encadrement pédagogique de la part d’une personne enseignante en sciences infirmières durant leur stage, sous forme de rencontres individuelles et de groupe, la superviseure clinique directement impliquée dans les milieux de stage semble avoir une influence beaucoup plus importante sur la création de sens vis-à-vis des apprentissages effectués. En effet, comme Saarikoski et al. (47) le soulignent, le manque de soutien au quotidien, en raison de rencontres peu fréquentes au cours du stage avec la personne enseignante, et la priorisation des communications électroniques (courriels, textos) constituent les deux principales barrières à la valorisation d’un tel modèle clinique pour les étudiantes. De plus amples études seraient donc nécessaires afin de déterminer les facteurs et les caractéristiques pédagogiques pouvant influencer positivement un tel accompagnement externe mené en concomitance à l’expérience immersive en soi. Il est en effet utile de réfléchir aux stratégies permettant d’optimiser les opportunités d’apprentissage accessibles aux étudiantes au sein de milieux plus atypiques, tout en favorisant une réflexion approfondie sur les savoirs infirmiers et leurs applications concrètes en santé mentale. En outre, nos résultats indiquent aussi qu’une implication active des étudiantes dans le processus d’attribution des milieux de stage serait un facteur important à privilégier afin de favoriser une expérience immersive positive (23).
Limites
63La phase de collecte de données apporte son lot de limites, souvent dites intrinsèques à la recherche qualitative et plus précisément à l’API (38,39-41). D’abord, un échantillon de petite taille ne permet pas de généraliser les résultats de cette étude à de larges populations. Conformément aux objectifs de l’API (39,40), une telle étude favorise une compréhension approfondie d’un phénomène particulier s’actualisant dans un contexte social donné. Bien que la médicalisation de la pratique soignante soit observée au sein de différents domaines de pratique (48,49), les résultats de cette étude sont limités à la pratique infirmière en santé mentale. Ces résultats contribuent cependant à la documentation d’un tel phénomène, qui selon certains auteurs participe à une dénaturation de l’identité et du rôle infirmier (48) et fait l’objet d’une résistance de la part des infirmières elles-mêmes (49). De surcroît, l’échantillonnage non probabiliste de convenance élimine un bassin de participantes potentielles ayant certainement des vécus significatifs à partager en lien avec le phénomène étudié (38). Également, le cadre théorique choisi module les résultats de cette étude, puisque l’API exige des chercheurs qu’ils interprètent et analysent le vécu des participantes en s’ancrant à ces perspectives théoriques (39-41). Cette recherche est aussi limitée par une absence de diversité culturelle au sein de l’échantillon. Des études récentes soulignent que le bagage culturel des étudiantes en sciences infirmières est un facteur important pour comprendre le sens attribué à une expérience de stage en santé mentale (4,50). L’absence de participant masculin constitue une autre limite à cette recherche.
Perspectives futures
64Dans le but de poursuivre le développement d’un corpus de connaissances francophone sur ce phénomène problématique pour les populations vulnérables, d’autres études qualitatives et quantitatives doivent analyser les différentes approches pédagogiques utilisées dans les programmes de formation en santé mentale, et formuler des pistes réflexives pour les milieux éducatifs. Il pourrait donc être pertinent de comparer les processus de négociation et les retombées d’une immersion clinique de santé mentale en communauté et en milieu hospitalier dans l’espace francophone de la discipline infirmière. Il serait aussi pertinent que le rôle des superviseurs universitaires fasse l’objet d’études supplémentaires, puisque ces personnes participent activement à l’expérience de stage des étudiantes. Une meilleure compréhension de la complémentarité des rôles des superviseurs du milieu universitaire et des milieux de stage, ainsi que des défis qui y sont associés, permettrait sans aucun doute de mieux appréhender les processus de socialisation professionnelle.
Déclaration de conflits d’intérêts
65Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Remerciements
L’auteure principale de cet article souhaite remercier le Fonds de recherche en santé du Québec (FRSQ) ainsi que le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec (MEES) pour leur soutien financier dans le cadre de ses études supérieures en sciences infirmières.Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : soins infirmiers en psychiatrie, étudiant en soins infirmiers, recherche en enseignement des soins infirmiers, recherche qualitative
Mise en ligne 13/07/2021
https://doi.org/10.3917/rsi.145.0022Notes
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Afin d’alléger le texte, l’utilisation du féminin a été privilégiée pour la rédaction de cet article s’intéressant à la formation de la relève infirmière, une profession enracinée à l’histoire des femmes.