Introduction
1La prise en charge des plaies chroniques s’est considérablement développée au cours de la dernière décennie, ce qui nécessite de la part des infirmiers d’être particulièrement performants et à jour des dernières recommandations de bonnes pratiques. Des formations continues et des diplômes universitaires visant le développement de compétences dans le traitement des plaies sont ainsi proposés aux professionnels infirmiers. Mais qu’en est-il exactement en formation initiale, au sein des Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) français ?
2Peu d’études ont été menées sur les moyens déployés par les établissements d’enseignement en soins infirmiers et encore moins en Europe. Néanmoins, les résultats provenant de trois études nord-américaines nous permettent de penser qu’une étude française aurait toute sa légitimité. En effet, Abuleal a interrogé des enseignants et des étudiants en premier cycle de Bachelor en sciences infirmières au Canada et il s’avère que 69 % des enseignants ont exprimé leur insatisfaction face aux ressources actuellement proposées aux étudiants en matière de plaies, tandis que 43 % des étudiants interrogés ne sont pas satisfaits des enseignements reçus (1). Aux État-Unis, Zulkowski et al. mettent quant à eux en évidence que 70 % des infirmiers ne disposent pas d’une formation suffisante dans le domaine des plaies chroniques et que plusieurs contenus importants sont absents du programme (2). Moore et Clarke avaient même déjà mis en évidence plusieurs années plus tôt la problématique du transfert des apprentissages, avec une corrélation entre le manque de connaissances et les compétences insuffisantes en matière de prise de décision clinique face à une plaie chronique. Il ressort en outre que l’infirmier nouvellement diplômé et insuffisamment formé risque de ne pas être capable de prendre des décisions appropriées, ce qui entraînerait un impact négatif sur les résultats cliniques et donc sur la qualité de la prise en soin (3).
3Pourtant, s’il est un domaine dans lequel l’infirmier peut en grande partie exercer dans le cadre de son rôle propre, c’est-à-dire en totale autonomie, et ce, de la phase préventive à la phase curative, c’est bien celui des plaies chroniques. Dès lors, sa responsabilité est pleinement engagée et il peut rapidement se retrouver dépassé, tiraillé d’une part par ses obligations déontologiques et d’autre part du fait de l’évolution continuelle des connaissances dans le domaine des plaies et de la gamme pléthorique et exponentielle des produits de santé qui y sont associés. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de nombreux pays ont adopté depuis quelques années le concept de « Wound Management », lequel confirme s’il en est, toute la spécificité et toute la complexité que revêt la prise en charge des plaies chroniques.
4Pour autant, comment les étudiants en soins infirmiers sont-ils formés à cette prise en charge si particulière ? Les contenus dispensés sont-ils homogènes d’un institut à un autre ? Quels moyens sont mis en place pour permettre à l’étudiant de s’approprier ce champ si spécifique ? Quelles ressources sont proposées aux formateurs afin de dispenser un enseignement de qualité, actualisé et tenant compte des dernières recommandations ?
5Voilà autant de champs que nous souhaitons interroger afin de pouvoir réaliser un état des lieux de l’enseignement des plaies chroniques dans les Ifsi français.
6Pour débuter, il convient de préciser ce qui caractérise la plaie chronique et quels types de plaies s’y rapportent. Les sociétés savantes s’accordent sur le fait que la plaie chronique regroupe les escarres, les ulcères veineux, les ulcères artériels et les plaies neuropathiques liées au diabète (4). Mustoe et al. précisent que tous ces types de plaies ont un potentiel de chronicisation. Par conséquent, identifier et traiter l’étiologie sous-jacente d’une plaie chronique, tels que l’insuffisance veineuse, la perfusion artérielle, le diabète ou la pression, mais aussi prendre en compte les facteurs systémiques tels que l’état nutritionnel, l’immunosuppression et l’infection sont le traitement clé des plaies chroniques (5). Ces éléments permettent ainsi de prendre la mesure des facteurs endogènes et exogènes qui impactent sur la genèse, le développement et la guérison d’une plaie chronique, lesquels nécessitent d’être particulièrement pris en compte par le soignant durant les soins. Par ailleurs, de par leur retentissement douloureux et fonctionnel, les plaies chroniques sont bien souvent à l’origine d’une altération de l’estime de soi, mais également d’une majoration de l’état de dépendance qui se répercute in fine sur la charge en soins (6), sur la durée moyenne de séjour et bien entendu sur le coût des dépenses de santé. Une étude de prévalence menée par Ramez et al. grâce aux données du système d’information inter-régimes de l’assurance maladie a révélé qu’environ 670 000 personnes étaient porteuses d’une plaie chronique en France. Elle a aussi permis d’apprécier le coût de la prise en charge à domicile des plaies de pression et plaies d’ulcères de jambe qui s’élevait à elles seules à près d’un milliard d’euros (7).
7Cependant, dans un domaine aussi complexe et aussi large que la prise en charge des plaies chroniques, il paraît essentiel de nous pencher également sur les aspects législatifs et sur la déontologie professionnelle. Ainsi, l’exercice de la profession d’infirmier en France repose sur trois textes législatifs complémentaires :
- l’Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au référentiel de compétences (8), elles sont au nombre de dix,
- le Code de déontologie du 25 novembre 2016 (9) qui précise les devoirs et règles professionnelles s’appliquant à tout infirmier, quel que soit son lieu et mode d’exercice,
- le Décret du 29 juillet 2004 dit « décret de compétences » (10) qui décrit le rôle et le champ d’intervention de l’infirmier et qui liste de manière exhaustive les actes que l’infirmier est habilité à effectuer soit dans le cadre de son rôle propre, soit dans le cadre de la prescription médicale.
8S’agissant du référentiel de compétences, on peut noter que toutes peuvent être mobilisées par l’infirmier lorsqu’il prend en soins un patient présentant une plaie chronique. Néanmoins, cinq d’entre elles s’avèrent particulièrement importantes dans ce contexte de gestion de la plaie chronique :
- la compétence 1 « évaluer une situation clinique et établir un diagnostic dans le domaine infirmier »
- la compétence 2 « concevoir et conduire un projet de soins infirmiers »
- la compétence 4 « mettre en œuvre des actions à visée diagnostique et thérapeutique »
- la compétence 5 « initier et mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs »
- la compétence 8 « rechercher et traiter les données professionnelles et scientifiques »
9Le décret de compétences est lui aussi assez précis lorsqu’il s’agit de définir le rôle de l’infirmier et les actes qu’il est habilité à réaliser dans ce domaine. Il est précisé que :
10Article R. 4311-1 « L’exercice de la profession d’infirmier ou d’infirmière comporte l’analyse, l’organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d’éducation à la santé. (…) »
11Article R. 4311-2 « Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. (…) »
12Article R. 4311-3 « Relèvent du rôle propre de l’infirmier ou de l’infirmière les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes. Dans ce cadre, l’infirmier ou l’infirmière a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu’il juge nécessaires conformément aux dispositions des articles R. 4311-5 et R. 4311-6. Il identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue. Il peut élaborer, avec la participation des membres de l’équipe soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. (…) »
13Article R. 4311-5 « Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage :
- Réalisation, surveillance et renouvellement des pansements non médicamenteux ;
- Prévention et soins d’escarres ;
- Soins et surveillance d’ulcères cutanés chroniques ; (…)
14Le décret d’actes confirme bien que la prise en charge des plaies d’escarre et d’ulcères cutanés chroniques, qu’il s’agisse de leur prévention ou des soins, relève pleinement du rôle propre de l’infirmier, ce qui lui permet d’agir en totale autonomie décisionnelle. Il convient cependant de préciser qu’une fois encore, la plaie d’origine diabétique ne figure pas dans le texte, pas plus qu’un acte fondamental dans le traitement d’une plaie chronique : la détersion des zones fibrino-nécrotiques d’une plaie (encore appelée débridement). Dès lors, il appartient à l’infirmier de prendre en considération que les mentions « soins d’escarres » et « soins d’ulcères cutanés chroniques » doivent être appréciées dans un contexte large qui tient compte des recommandations de bonnes pratiques et de l’évolution des savoirs. Ainsi, la détersion faisant largement consensus dans la communauté scientifique et étant un préalable essentiel à une bonne cicatrisation, cet acte fait donc intégralement partie du rôle propre de l’infirmier, dès lors qu’il est amené à effectuer des « soins d’escarre » ou des « soins d’ulcères cutanés chroniques ». La décision de la Haute autorité de santé de rembourser les sets de pansements pour la détersion mécanique avec curette intégrée confirme également la légitimité de ce geste par l’infirmier. Quant à la mention « réalisation, surveillance et renouvellement des pansements non médicamenteux » fait directement référence à l’Arrêté du 20 mars 2012 fixant la liste des pansements que les infirmiers sont autorisés à prescrire après information du médecin, ces derniers étant justement considérés comme des pansements non médicamenteux.
15Enfin, le Code de déontologie des infirmiers réaffirme quant à lui la responsabilité de l’infirmier en abordant trois aspects fondamentaux que tout professionnel devrait pouvoir mettre en application dès lors qu’il est amené à soigner un patient porteur d’une plaie chronique :
16Art. R. 4312-10 – « L’infirmier agit en toutes circonstances dans l’intérêt du patient. Ses soins sont consciencieux, attentifs et fondés sur les données acquises de la science. Il y consacre le temps nécessaire en s’aidant, dans toute la mesure du possible, des méthodes scientifiques et professionnelles les mieux adaptées. Il sollicite, s’il y a lieu, les concours appropriés. (…) »
17Art. R. 4312-32 – « L’infirmier est personnellement responsable de ses décisions ainsi que des actes professionnels qu’il est habilité à effectuer. Il ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre son indépendance, la qualité des soins ou la sécurité des personnes prises en charge. »
18Art. R. 4312-33 – « Dans le cadre de son rôle propre et dans les limites fixées par la loi, l’infirmier est libre du choix de ses actes professionnels et de ses prescriptions qu’il estime les plus appropriés. Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses actes professionnels et ses prescriptions à ce qui est nécessaire à la qualité et à la sécurité des soins. (..) »
Un référentiel de formation morcelé
19L’enseignement relatif aux plaies chroniques apparaît de façon morcelée dans le référentiel de formation actuel et il se répartit dans plusieurs semestres. On retrouve les notions de « prévention des escarres » dès le semestre 1, dans l’unité d’enseignement (UE) 4.1.S1 « Soins de confort et de bien-être » et de « prescription des dispositifs médicaux » dans l’UE 4.4.S2 « Thérapeutiques et contribution au diagnostic médical ». Mais les plaies chroniques n’apparaissent clairement que dans l’UE 2.7.S4 « Défaillances organiques et processus dégénératifs » sous l’item « principales atteintes cutanées : escarres, ulcères variqueux ». Le nombre d’heures allouées à telle ou telle pathologie n’est pas précisé dans le référentiel. D’autre part, ni la plaie du pied diabétique, ni les plaies liées à l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs n’y figurent explicitement. Pour autant, il est mentionné la possibilité pour les Ifsi de compléter s’ils le souhaitent, la liste des pathologies abordées. Cette dernière mention présente certes l’intérêt pour les instituts de bénéficier d’une certaine marge d’autonomie pour traiter telle ou telle pathologie non prévue par le référentiel, mais contribue aussi à encourager des inégalités, certains instituts traitant des pathologies que d’autres n’aborderont pas.
20En 2017, au regard des données scientifiques et des recommandations de bonnes pratiques en vigueur, l’European wound management association (Ewma) a décidé de travailler sur l’élaboration d’un curriculum commun dédié à l’enseignement des plaies chroniques durant la formation initiale en soins infirmiers dans les différents pays européens. Ce programme s’appuierait à la fois sur un socle de connaissances théoriques, d’habilités gestuelles et d’analyse de la pratique et complèterait les dispositifs et programmes déjà existants. Ainsi, 16 « unités d’enseignement » sont proposées (11) :
- Le rôle de la prévention dans la survenue des plaies chroniques
- Utilisation des données fondées sur des preuves (Evidence Based Nursing…)
- Education du patient
- Etude de cas cliniques
- Plaies chroniques et processus de cicatrisation
- Prise en charge nutritionnelle et cicatrisation
- Microbiologie des plaies chroniques
- Agents anti-microbiens, hygiène et plaies chroniques
- Débridement des plaies
- Cicatrisation en milieu humide
- Traitements alternatifs et non conventionnels destinés aux plaies chroniques
- Ulcères de pression (escarres)
- Plaies du pied diabétique
- Ulcères de jambe
- Economie de la santé
- Recherche documentaire
21Ce programme s’avère particulièrement intéressant car il permet de mesurer toute la complexité de la prise en charge d’une plaie et des différents éléments de savoirs qui y sont rattachés. Il met l’accent sur la compréhension de la physiologie et de la physiopathologie des quatre grands types de plaies chroniques mais aussi sur les aspects médico-économiques et l’initiation de l’étudiant à la recherche documentaire. Enfin, il valorise une étape fondamentale dans le processus de cicatrisation : la préparation du lit de la plaie et notamment son débridement.
22La préparation du lit de la plaie a été conceptualisée et opérationnalisée en 2000 par Falanga sous l’acronyme TIME (12,13). Celui-ci vise à proposer au praticien (médecin ou infirmier), un algorithme procédural qui lui permet d’une part de favoriser la cicatrisation d’une plaie chronique en luttant contre les quatre principaux facteurs locaux qui peuvent le retarder voire stopper ce processus, et d’autre part d’appliquer le pansement adéquat. Ainsi, le modèle conceptuel TIME s’articule comme suit :
- T = tissus fibrino-nécrotiques ou atones sous contrôle
- I = inflammation et infection sous contrôle
- M = macération sous contrôle et maintien du taux d’humidité optimal
- E = épidermisation à partir des berges
23Comme le stipule Falonga, « la structure TIME propose donc un modèle qui met en lumière les relations entre anomalies pathogènes empêchant la cicatrisation et application des traitements et protocoles existants. La préparation du lit de la plaie doit être considérée parallèlement à l’évaluation holistique de la plaie, englobant les besoins psychosociaux du patient et toute étiologie sous-jacente ou associée. De cette façon, si toutes les étapes de la structure TIME sont correctement abordées, de nombreuses plaies devraient pouvoir évoluer vers la cicatrisation. » (13).
24L’ensemble de ces éléments nous amènent donc à poser la question de recherche suivante : Quels moyens, les cadres de santé formateurs, déploient-ils pour garantir un enseignement pertinent et exhaustif dans le domaine des plaies chroniques en formation initiale ?
Matériel et méthode
25Pour répondre à notre question de recherche, nous avons opté pour une étude descriptive.
26Les principales variables relevées étaient : le profil des cadres de santé formateurs, les modalités d’organisation des enseignements relatifs aux plaies chroniques, les contenus d’enseignements proposés ainsi que les moyens mis à la disposition des cadres formateurs pour actualiser leurs savoirs et proposer des enseignements fondés sur des données probantes.
27La population cible concerne les cadres de santé formateurs en Ifsi ayant la responsabilité des enseignements en lien avec la prise en charge des plaies.
28Le recueil de données utilisé est celui d’un questionnaire auto-administré anonyme et en ligne, construit via le logiciel Drag’n Survey®. Après avoir été testé, celui-ci a été rendu accessible durant une période limitée de deux mois, à savoir de février à avril 2018 et se compose de 21 questions ouvertes et fermées. A noter qu’une définition préalable de la notion de « plaie chronique » et des types de plaies s’y rapportant a été précisée sur la page d’accueil du questionnaire.
29Afin d’atteindre une portée nationale, le lien du questionnaire, accompagné d’une présentation des objectifs de l’étude a ensuite été envoyé au bureau national du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (CEFIEC) qui l’a transmis à l’ensemble des présidents des comités d’entente régionaux qui, à leur tour, ont eu pour mission de les envoyer vers les territoires, à chaque Directeur d’Ifsi.
30Enfin, pour éviter plusieurs réponses pour un même institut, les directeurs d’instituts avaient pour consigne de transmettre le lien du questionnaire à un seul cadre formateur de son équipe, si possible référent dans le domaine des plaies et cicatrisation au sein de son Ifsi ou le cas échéant, référent de la programmation pédagogique.
31Une relance a dû être réalisée au bout de trois semaines en raison d’un relais de l’information très disparate d’une région à l’autre par les présidents des comités d’entente régionaux aux différents instituts.
32Toutes les données ont été traitées de manière confidentielle après anonymisation des instituts.
Résultats
33Au total, 46 instituts ont répondu au questionnaire en ligne sur les 331 présents sur le territoire national, soit un taux de participation national de 13,9 %. Ce faible taux de participation est probablement lié aux difficultés de relai de l’information déjà évoquées précédemment. A noter également que deux instituts ont fait le choix de répondre anonymement en ne s’identifiant pas. Néanmoins, pour la seule région Lorraine (désormais intégrée à la région Grand-Est), dix instituts ont répondu à l’enquête sur les 13 autorisés, ce qui correspond à un taux de participation de 76,9 %. Les quatre départements lorrains et toutes les catégories d’Ifsi sont représentés, qu’il s’agisse de gros instituts adossés à un centre hospitalier universitaire ou régional ou d’instituts périphériques de taille moyenne, adossés à un centre hospitalier général ou spécialisé.
Profil des cadres formateurs répondants
34Près de la moitié des cadres formateurs ayant répondu au questionnaire ont entre 5 et 10 ans d’expérience dans la pédagogie (45,6 % pour la moyenne nationale vs 50 % pour la moyenne en Lorraine). Ils sont 26,2 % à avoir plus de 10 ans d’expérience en pédagogie (vs 30 % en Lorraine) et 28,2 % à exercer leurs fonctions pédagogiques depuis moins de cinq ans (vs 20 % en Lorraine).
35Les instituts ne comptant pas dans leur équipe de cadre formateur « référent plaies et cicatrisation » représentent 63.3 % des établissements alors que 60 % des instituts lorrains ont un formateur particulièrement dédié à cette « spécificité ».
36Les instituts qui comptent parmi leurs effectifs des cadres enseignants possédant un diplôme spécialisé en lien avec la prise en charge des plaies représentent 34,8 %. Ils sont 40 % dans la région Lorraine (tableau 1). Les principaux diplômes évoqués sont par ordre décroissant, le diplôme universitaire en plaies et cicatrisation (23,9 % pour la moyenne nationale vs 40 % pour les instituts lorrains), diplôme universitaire de prise en charge de la douleur ou en hypno-analgésie (23,9 % vs 10 % en Lorraine), un établissement évoque un cadre formateur possédant un diplôme universitaire en lien avec le pied diabétique et un établissement lorrain dont un cadre formateur possède un master en gérontologie. A noter que 56 % des personnes ayant répondu par l’affirmative ne se sont pas prononcées quant au type de diplôme (tableau 2).
Nombre de cadres formateurs titulaires d’un diplôme spécialisé en lien avec les plaies
France entière (n = 46) | Région Lorraine (n = 10) | |||
---|---|---|---|---|
Formateur(s) possédant un diplôme spécialisé en lien avec la prise en charge des plaies ? | Total | % | Total | % |
Oui | 16 | 34,8 | 4 | 40 |
Non | 27 | 58,7 | 6 | 60 |
Ne se prononce pas | 3 | 6,5 | - | - |
Nombre de cadres formateurs titulaires d’un diplôme spécialisé en lien avec les plaies
Types de diplômes en lien avec les plaies dont sont titulaires les cadres formateurs
France entière (n = 46) | Région Lorraine (n = 10) | |||
---|---|---|---|---|
Si oui, quel type de diplôme ? | Total | % | Total | % |
DU « plaies et cicatrisation » | 11 | 23,9 | 4 | 40 |
DU « pied diabétique » | 1 | 2,2 | 0 | - |
DU « brûlologie » | - | - | 0 | - |
DU « douleur » | 8 | 17,4 | 2 | 20 |
DU « hypno-analgésie » | 3 | 6,5 | 1 | 10 |
Autre diplôme | 1 | 2,2 | 1 | 10 |
Ne se prononce pas | 26 | 56,5 | 3 | 30 |
Types de diplômes en lien avec les plaies dont sont titulaires les cadres formateurs
37Enfin, 30,4 % des instituts proposent un accompagnement des étudiants par les formateurs, sur les lieux de stage, au cours d’encadrements cliniques (vs 20 % pour les instituts lorrains) (tableau 3).
Nombre d’Ifsi proposant un encadrement clinique des étudiants sur les lieux de stage, par les cadres formateurs
France entière (n = 46) | Région Lorraine (n = 10) | |||
---|---|---|---|---|
Formateurs se rendant sur les lieux de stage pour accompagner les étudiants lors d’encadrements cliniques auprès des patients ? | Total | % | Total | % |
Oui | 14 | 30,4 | 2 | 20 |
Non | 25 | 54,3 | 7 | 70 |
Ne se prononce pas | 7 | 15,3 | 1 | 10 |
Nombre d’Ifsi proposant un encadrement clinique des étudiants sur les lieux de stage, par les cadres formateurs
Modalités d’organisation des enseignements relatifs aux plaies chroniques
38Les unités d’enseignement dans lesquelles sont intégrés les cours relatifs aux plaies chroniques sont par ordre décroissant l’UE 2.7.S4 « défaillances organiques et processus dégénératifs » (60,9 %), l’UE 4.1.S1 « soins de confort et de bien-être » (56,2 %), suivies des UE 4.4 « thérapeutiques et contribution au diagnostic médical » (28,2 %), 2.4.S1 « processus traumatiques » (19,5 %), 2.8.S3 « processus obstructifs » et des UE 2.11 « pharmacologie ». De plus, 4,3 % des instituts proposent également un enseignement optionnel dédié aux plaies dans le cadre des UE 5.7. En Lorraine, les UE citées sont par ordre décroissant l’UE 4.1S1 (70 %), l’UE 2.7.S4 (50 %) ainsi que les UE 4.4, 2.4.S1, 2.8.S3 et 2.11, chacune étant mentionnée à hauteur de 10 %. A noter qu’aucun des instituts lorrains ne propose d’enseignement optionnel dédié aux plaies.
39Les instituts font appel pour 74 % d’entre eux à un infirmier spécialisé/expert en plaies et cicatrisation, et 50 % d’entre eux proposent aux cadres formateurs d’intervenir dans ces enseignements. Seuls 24 % font intervenir un médecin, 6,5 % un laboratoire pharmaceutique et 4.3 % des patients experts. En Lorraine, 90 % des instituts font intervenir en priorité les cadres formateurs, 60 % font intervenir un infirmier spécialisé/expert en plaies et cicatrisation, 20 % proposent l’intervention d’un médecin et seul 10 % (soit un institut) fait intervenir des patients.
40La moyenne horaire consacrée à l’enseignement théorique des plaies chroniques est de 8 heures sur l’ensemble du cursus avec des écarts allant de 0 à 19 heures en fonction des instituts. Le nombre moyen d’heures consacrées aux travaux dirigés et études de cas est de 4 heures (écart allant de 0 à 23h). Enfin, le nombre moyen d’heures consacrées aux travaux pratiques et/ou à la simulation procédurale est de 2 heures (écart allant de 0 à 12h). En Lorraine, le nombre moyen d’heures dédiées aux enseignements théoriques est de 5 heures (écart allant de 4 à 8h), celles consacrées aux travaux dirigés et études de cas est de 3, 4 heures (écart allant de 0 à 19h) et le nombre moyen d’heures consacrées à la pratique est d’une heure (écart allant de 0 à 4 h).
41Ce volume d’heures consacrées à la prise en charge des plaies chroniques est jugé insuffisant pour 47,9 % des cadres interrogés et suffisant pour 21,7 % d’entre eux. Précisons que 30,4 % ne se sont pas prononcés. En Lorraine, ils sont 60 % à juger insuffisant ce volume horaire tandis que 20 % le trouvent suffisant.
4267,4 % des instituts utilisent ou mobilisent les protocoles institutionnels de leur établissement hospitalier de référence afin d’harmoniser les pratiques entre l’Ifsi et l’hôpital. 6,5 % ne les utilisent pas et 26,1 % ne se sont pas prononcés. En Lorraine, 80 % utilisent les protocoles institutionnels, 10 % ne les utilisent pas (soit un institut) et 10 % ne se prononcent pas.
43Enfin, 60,9 % des instituts ont l’occasion de collaborer avec un infirmier expert en plaies et cicatrisation. 17,4 % n’ont pas l’occasion de collaborer avec celui-ci et 21,7 % ne se sont pas prononcés. En Lorraine, 50 % des instituts collaborent avec un infirmier expert, 40 % ne collaborent pas avec un infirmier expert et 10 % ne se prononcent pas.
Eléments de contenu
44Nous avons dans un premier temps demandé aux cadres formateurs de préciser de quelle manière étaient abordés les différents éléments de contenus préconisés par la Ewma auxquels nous avons rajouté d’autres éléments qui nous paraissent tout aussi essentiels dans la prise en charge d’une plaie chronique, à savoir la prise en charge de la douleur associée ou encore les différentes classes de pansements que l’infirmier est autorisé à prescrire. Sur les 46 Ifsi ayant participé à l’étude, 40 réponses sont exploitables pour cette question. En effet, six formateurs n’ont pas répondu à cette question qui exigeait de posséder une bonne connaissance des contenus d’enseignements. Les dix Ifsi lorrains ont répondu à la question. Les résultats figurent dans le tableau ci-dessous (tableau 4). Il convient de préciser que le premier chiffre correspond aux résultats généraux sur l’ensemble du territoire alors que les chiffres entre parenthèses sont spécifiques à la région Lorraine.
Eléments de contenus abordés ou non par les Ifsi (n = 40) (Données entre parenthèses = région Lorraine)
Eléments de contenus abordés ou non par les Ifsi (n = 40) (Données entre parenthèses = région Lorraine)
45La détersion/débridement de la plaie chronique est abordée sur un mode théorique (cours, travaux dirigés, études de cas cliniques…) pour 78,2 % des instituts. 17,4 % utilisent un support audio-visuel (vidéo, DVD…) et 15 % proposent des ateliers pratiques. Elle n’est pas du tout abordée pour 4,3 %. 15 % ne se prononcent pas. En Lorraine, ce versant théorique de la détersion est abordé dans 90 % des instituts. 20 % proposent un support audio-visuel et 30 % des ateliers pratiques. Notons que tous les instituts lorrains interrogés abordent la question de la détersion sous une forme ou une autre durant la formation.
46Concernant la compression veineuse, elle est abordée sur un versant théorique par 65,2 % des instituts, pour 6,5 % à partir d’un support audio-visuel et 47,8 % sur un versant pratique. 2,1 % déclarent ne pas du tout l’aborder durant le cursus (soit un institut) et 8,7 % ne se prononcent pas. En Lorraine, ce sujet est abordé par 60 % des instituts sur un versant théorique, par 10 % à partir d’un support audio-visuel et à 40 % sur un versant pratique. A noter que tous les instituts lorrains interrogés abordent la question de la compression veineuse sous une forme ou une autre durant la formation et que 30 % d’entre eux ne se sont pas prononcés.
47Pour 73,9 %, les contenus proposés sont globalement adaptés aux dernières recommandations. Seuls 2,1 % pensent qu’ils ne le sont pas, tandis que 24 % ne se sont pas prononcés. En Lorraine, ils sont 80 % à juger les contenus adaptés, 20 % ne se prononçant pas.
Accès à la formation continue et aux ressources spécialisées
48S’agissant de l’accès aux ressources spécialisées et notamment aux revues spécialisées dans le domaine des plaies, 41,3 % des instituts déclarent ne pas posséder d’abonnements à de telles revues (vs 70 % pour les Ifsi lorrains), 32 % en disposent (vs 20 %). Pour autant, tous les instituts possédant des abonnements les mettent à disposition aussi bien des cadres formateurs que des étudiants.
49En ce qui concerne l’utilisation de références issues des données probantes telles que l’Evidence Based Nursing (EBN), 43,4 % des formateurs interrogés ne se prononcent pas, tandis que 28,3 % déclarent utiliser ce type de références et 28,3 % ne pas les utiliser. En Lorraine, le nombre de formateurs utilisant l’EBN dans leurs enseignements monte à 40 %, 20 % n’utilisant pas l’EBN et 40 % préférant ne pas se prononcer.
50S’agissant de l’accès à la formation continue des formateurs dans le domaine des plaies, 56,5 % déclarent y avoir accès, qu’il s’agisse de congrès SFPC, colloques, formation à distance. 19,6 % n’y ont pas accès et 23,9 % ne se prononcent pas. En Lorraine, les données sont sensiblement identiques avec 50 % de cadres formateurs ayant accès à la formation, 20 % déclarant ne pas y avoir accès et 30 % ne se prononçant pas.
51Enfin, lorsque l’on interroge les cadres formateurs sur leur ressenti personnel en leur demandant d’estimer l’état de leurs connaissances dans le domaine des plaies chroniques, 60,9 % estiment être moyennement formés ou à jour des dernières recommandations, 17,4 % pensent être bien formés et à jour dans les recommandations et 8,7 % s’estiment insuffisamment formés et à jour dans les recommandations. En Lorraine aussi, les formateurs interrogés estiment en majorité être moyennement formés (60 %) tandis que 30 % d’entre eux pensent être bien formés et à jour dans les recommandations.
Discussion
52La principale limite de cette étude est son manque de représentativité à l’échelle nationale malgré l’existence d’un réseau fiable et structuré que constitue le Cefiec. Néanmoins, la forte participation des Ifsi lorrains permet d’obtenir une vision assez précise de la situation actuelle. De plus, il n’a pas été possible de connaître le niveau d’expertise et d’implication des cadres formateurs enquêtés dans le registre des plaies chroniques, ce qui risque d’entraîner une certaine subjectivité dans les réponses apportées, notamment du fait d’une connaissance insuffisante des pratiques pédagogiques déployées au sein de leur institut en ce qui concerne la problématique de ces plaies.
53Si la participation nationale est relativement faible, nous pouvons néanmoins considérer comme acceptable et représentative la participation de la région Lorraine. Par conséquent, l’exploitation des données prend en compte d’une part les résultats à l’échelle nationale, et d’autre part, les résultats à l’échelle de la seule région Lorraine, ces derniers pouvant probablement refléter au moins en partie un état des pratiques pédagogiques mises en œuvre sur le plan national.
Profil des cadres formateurs répondants
54L’analyse des données sur le profil des formateurs nous montre que près de la moitié des instituts ne comptent pas dans leur équipe un cadre formateur référent dans le domaine de la prise en charge des plaies. Cette réalité est moindre en Lorraine, dont les instituts en possèdent un dans 60 %. De plus, les Ifsi ne sont que 34,8 % (vs 40 % en Lorraine) à compter dans leur équipe un ou plusieurs formateurs possédant un diplôme spécialisé dans le domaine des plaies. Néanmoins, les diplômes spécialisés les plus courants sont les diplômes universitaires (DU) et notamment le DU en plaie et cicatrisation dont bénéficient 11 instituts, soit 23,9 % (vs 40 % en Lorraine). Suivent ensuite les DU de prise en charge de la douleur et d’hypnoanalgésie. Notons que le nombre de titulaires d’un DU lié à la prise en charge du pied diabétique s’avère très anecdotique. Sur l’ensemble des répondants, un seul formateur est titulaire d’un diplôme type Master potentiellement en lien avec le domaine des plaies, en l’occurrence un master en gérontologie.
55Enfin, cette étude nous permet de mettre en évidence que seuls 30,4 % des instituts (vs 20 % en Lorraine), font le choix de proposer à leurs étudiants un accompagnement par un formateur, lors d’encadrements cliniques, « au lit du malade ». Ce constat est d’autant plus surprenant que la formation infirmière est réalisée pour moitié en alternance et que la pratique clinique constitue le cœur de métier de l’infirmier. Cette donnée nous laisse à croire que les cadres formateurs s’éloignent de plus en plus du terrain et plus précisément de la pratique clinique. Ce constat est favorisé par le changement de référentiel de formation en 2009, ce dernier supprimant les « mises en situation professionnelles », très normatives, au profit d’une approche plus réflexive qui ne se déroule plus forcément en milieu de soin : l’analyse de la pratique professionnelle. Dès lors, se pose la question de la réactualisation de leurs propres connaissances et des connaissances transmises par les cadres formateurs, ces derniers étant très probablement obligés de s’inscrire régulièrement à des actions de formation continue ou, le cas échéant, de puiser dans leur propre expérience professionnelle pour animer une séquence de cours, laquelle peut s’avérer plus ou moins ancienne. Cela est d’autant plus préjudiciable que l’actuel référentiel de formation a totalement changé de paradigme d’apprentissage puisqu’il laisse une large place à l’accompagnement, au suivi individualisé, à la réflexivité ou encore à l’apprentissage par l’erreur. Cette approche permettrait ainsi au cadre formateur de proposer des encadrements cliniques individualisés au lit du malade et centrés sur le cœur de métier, tout en permettant à l’étudiant de cheminer à son rythme en puisant dans les expériences personnelles que partagerait le formateur. Ces temps d’accompagnement clinique en stage, seraient également l’occasion pour le formateur de pouvoir s’appuyer sur l’expertise des professionnels infirmiers et d’échanger sur les nouvelles recommandations ou pratiques de soins.
Modalités d’organisation des enseignements relatifs aux plaies chroniques
56Les unités d’enseignement (UE) mentionnées par les répondants sont globalement en adéquation avec les prescriptions du référentiel de formation. Rappelons que les deux UE les plus concernées sont au premier semestre l’UE 4.1.S1 « soins de confort et de bien-être » qui prévoit une séquence sur la prévention des escarres et au semestre 4, l’UE 2.7.S4 « défaillances organiques et processus dégénératifs » qui prévoit de traiter des escarres et des ulcères variqueux. Il est cependant surprenant que les réponses ne dépassent pas les 70 % pour ces deux UE, d’autant plus que ce sont les deux seules pour lesquelles certains types de plaies sont clairement mentionnées et donc à traiter. D’autres UE sont évoquées : il s’agit des UE 4.4 « thérapeutiques et contribution au diagnostic médical » et 2.11 « pharmacologie » qui prévoient quant à elle d’aborder les dispositifs médicaux, et notamment les classes de pansements ou encore la prescription infirmière. Enfin, sont également citées de manière assez anecdotique l’UE 2.2.S1 « cycles de la vie et grandes fonctions » qui prévoit notamment de traiter de l’anatomie et de la physiologie du tissu cutané et l’UE 2.8.S3 « processus obstructifs » qui ne prévoit pas de séquence spécifique en lien avec les plaies mais pour laquelle certains instituts peuvent traiter de la problématique de l’ulcère artériel consécutif à l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (Aomi). Enfin, nous pouvons constater que peu d’instituts proposent aux étudiants d’approfondir la problématique des plaies chroniques à travers l’une des deux UE optionnelles prévues par le référentiel durant les semestres 5 et 6.
57S’agissant des personnes réalisant les enseignements dans le champ des plaies chroniques, on relève que les cadres formateurs restent très majoritaires, notamment dans la région Lorraine (90 %). Cette question ne nous permet malheureusement pas de préciser s’ils sont principalement positionnés sur les cours théoriques ou s’ils sont plutôt chargés d’animer les travaux dirigés et par conséquent de favoriser l’émergence de liens théorico-pratiques chez l’apprenant. L’intervention d’un infirmier expert en plaies et cicatrisation est assez répandue puisque 74 % des instituts y font appel (vs 60 % en Lorraine). Les infirmiers semblent investir pleinement le champ des plaies chroniques car l’intervention d’un médecin est plus rare (24 % vs 20 % en Lorraine), de même que celle des laboratoires spécialisés qui interviennent généralement en ciblant exclusivement leurs produits. Enfin, l’intégration des patients et plus particulièrement des patients experts est largement sous-exploitée. Il est vrai que ce concept est relativement récent et qu’il nécessite un changement radical de philosophie de la part des acteurs en santé. Cette collaboration nécessaire devrait cependant évoluer favorablement ces prochaines années, notamment grâce à la place toujours plus grande laissée à l’usager mais aussi au concept de « démocratie sanitaire » qui émerge sur le territoire (14).
58La répartition moyenne du nombre d’heures consacrées aux plaies chroniques est très hétérogène d’un institut à l’autre. Aussi, les heures consacrées aux enseignements purement théoriques sont estimées à 8 heures (vs 5 heures en Lorraine) avec des écarts allant de 0 à 19 heures sur l’ensemble du cursus. S’agissant des travaux dirigés et des études de cas, la moyenne est de 4 heures avec des écarts importants de 0 à 23 heures. Quant à la part consacrée aux enseignements pratiques, elle ne représente que 2 heures (vs 1 heure en Lorraine), avec des écarts de 0 à 12 heures. S’agissant des instituts pour lesquels on relève une absence de cours magistraux, on note néanmoins un volume d’heures très important en TD et inversement. Cette question est cependant à interpréter avec précaution car il ne s’agit d’une part que d’estimations et d’autre part, elle précède la question dans laquelle étaient évoqués tous les éléments de contenus potentiels. Dans tous les cas, les cadres formateurs interrogés estiment globalement insuffisant le nombre d’heures consacrées aux plaies chroniques (47,9 % vs 60 % en Lorraine).
59Enfin, la collaboration avec l’établissement hospitalier support, notamment pour l’harmonisation des pratiques et des protocoles et la sollicitation des infirmiers experts en plaies et cicatrisation semble satisfaisante et homogène. Cela est d’autant plus important que de nombreux cadres formateurs ne possèdent pas de DU ou possèdent une expérience professionnelle de soignants désormais plus ou moins lointaine. Cette collaboration est cependant dépendante de l’existence d’un infirmier expert en plaies et cicatrisation ou d’une équipe plaies et cicatrisation au sein de l’hôpital de rattachement mais également de la mise à jour effective et fréquente des protocoles de soins.
Eléments de contenus pédagogiques abordés
60Le tableau 4 nous fournit une vision assez globale des éléments de contenus abordés par les instituts, notamment en Lorraine. On relève que les contenus prescrits dans le référentiel de formation sont globalement abordés même si le temps alloué à chaque item diffère d’un Ifsi à l’autre, surtout pour les ulcères, le pied diabétique et les classes de pansements. La prise en charge de la douleur, de la dénutrition et de l’infection, sont des éléments qui mériteraient d’être davantage développés selon près de la moitié des cadres formateurs. Il paraît également important de souligner que la préparation du lit de la plaie selon le modèle TIME et le débridement ne sont pas du tout abordés dans respectivement 40 et 20 % des Ifsi lorrains. S’agissant de la compression veineuse, les résultats sont à peu près équivalents en France et en Lorraine puisque 40 % des cadres formateurs estiment qu’elle devrait être davantage développée. Enfin, les aspects médico-économiques et l’éducation du patient sont aussi des points largement sous-développés dans les instituts.
61L’importance et l’efficacité du débridement de la plaie et/ou de la compression veineuse dans l’ulcère veineux dans le processus de cicatrisation ne sont plus à démontrer. Pour autant, l’exploitation des données montre que le versant pratique de l’acte de détersion et le rôle de l’infirmier dans la pose et la surveillance d’une compression veineuse sont très largement sous-exploités par les instituts, d’autant plus que l’utilisation de la vidéo s’avère toute aussi rare et que sur le terrain, cet acte est souvent mal compris voire évité par certains soignants. Deux études menées en France en 2007 et 2015 ont d’ailleurs démontré que si la détersion est bien connue des infirmiers, elle n’en demeure pas moins encore trop peu utilisée en raison notamment « d’un manque de connaissances et d’une appréhension du geste » (15,16). Pourtant des initiatives locales existent et l’organisation d’ateliers pratiques de détersion est simple à mettre en œuvre, peu chronophage et peu onéreuse. Pour exemple, l’Ifsi de Forbach propose aux étudiants des ateliers « détersion/débridement » d’une heure en utilisant de simples oranges. En effet, de par ses différentes couches, ce fruit a l’avantage de présenter des caractéristiques comparables avec une plaie présentant une nécrose sèche, une phlyctène ou de la fibrine. L’objectif de ces ateliers est d’une part de permettre aux étudiants de se familiariser avec les outils spécifiques comme le bistouri, la pince anatomique ou la curette et d’autre part de prendre conscience de la précision et de la finesse de ce geste au niveau de la plaie. Après avoir visionné des séquences vidéo de détersion, chaque étudiant dispose d’un bistouri, d’une pince anatomique, d’une curette et d’une orange qu’il devra dans un premier temps scarifier, puis en débarrasser l’albédo (peau blanche située entre la pulpe et l’écorce) avec la pince et la curette comme s’il s’agissait de fibrine et enfin découper méticuleusement la fine peau entourant la pulpe (sans la percer), de la même manière que l’on découperait le toit d’une phlyctène.
62S’agissant de la compression veineuse, l’Ifsi de Forbach organise une séquence de travaux pratiques sur la mise en place des bandes de compression, puis, dans un second temps (en 1ère, 2ème et 3ème année), une séquence Ecos (Evaluation clinique objective structurée) est organisée. Durant chacune de ces séquences Ecos, chaque étudiant est amené à gérer quatre situations cliniques simulées dont l’une portera obligatoirement sur la pose de bandes de compression veineuse avec surveillance clinique du membre inférieur (contexte scénarisé de thrombose veineuse). A l’issue de la séquence, les étudiants bénéficient d’un débriefing d’une heure pour chaque situation clinique abordée, le tout en groupes restreints de huit étudiants. Pour la station « compression veineuse », un réinvestissement théorico-pratique est prévu, notamment à l’aide d’une vidéo.
Accès à la formation continue et aux ressources spécialisées
63Le dernier champ étudié concernait l’accès à la formation continue ainsi qu’aux ressources et données probantes et peut directement être mis en lien avec les problèmes soulevés précédemment lorsque nous avons étudié le profil des cadres formateurs.
64Il semble que l’accès à des ressources spécialisées, notamment des revues scientifiques reste marginal dans une majorité d’instituts. Ainsi, seuls 32,6 % des Ifsi (vs 20 % en Lorraine) disposent d’abonnements spécialisés à des revues ou à des sociétés savantes. Précisons que d’après une étude menée par le Cefiec Lorraine (17), les instituts adossés à un CHU peuvent facilement avoir accès à la bibliothèque universitaire, ce qui n’est pas ou peu le cas des instituts périphériques qui, non seulement sont souvent très éloignés de l’Université mais possèdent aussi des moyens très hétérogènes pour la gestion de leurs centres de documentation. Néanmoins, tous les instituts bénéficiant de telles ressources les mettent à disposition aussi bien des cadres enseignants que des étudiants, ce qui contribue à actualiser les connaissances des uns et à stimuler la recherche documentaire des autres.
65L’accès à la formation continue via des congrès ou des colloques est également assez hétérogène puisque seuls 56,5 % des instituts (vs 50 % des instituts lorrains) permettent aux cadres formateurs d’actualiser leurs connaissances dans le domaine des plaies chroniques. Ce constat confirme le ressenti de ces derniers puisqu’ils sont 60 % à s’estimer moyennement formés et à jour des recommandations, contre 17,4 % à penser qu’ils sont bien formés et à jour des recommandations (vs 30 % en Lorraine).
66Enfin, l’utilisation par les formateurs des références scientifiques fondées sur les preuves est encore assez timide : 56,5 % (vs 50 % en Lorraine). L’intégration définitive à l’université, l’enseignement des sciences infirmières à l’Université et l’essor de la recherche infirmière devraient permettre aux formateurs de s’inscrire dans une dynamique scientifique.
Conclusion
67Malgré l’existence de certaines limites, cette première étude nous aura permis d’établir un état des lieux assez complet des pratiques pédagogiques déployées au sein des Ifsi et notamment dans les établissements lorrains. Avec le vieillissement de la population et l’évolution croissante des maladies chroniques telles que le diabète et l’insuffisance veineuse, les plaies chroniques constituent une problématique dans laquelle la place et le rôle de l’infirmier ont toute leur légitimité. Pour permettre à l’infirmier de s’approprier pleinement son rôle clinique et d’exercer ses missions avec professionnalisme, l’approfondissement de certains éléments clés de cette prise en charge dès la formation initiale, notamment la préparation du lit de la plaie, permettraient de développer la pratique infirmière basée sur des données probantes. La formalisation avec les différents partenaires professionnels (Cefiec, Ordre National des Infirmiers, sociétés savantes, Ministère de la Santé…) d’un curriculum exhaustif, un travail de fond sur la question du transfert des apprentissages et le maintien de la présence du cadre formateur au lit du malade, aux côtés de l’étudiant sont également des défis de taille que nous devrons relever. Enfin, au regard des enjeux et des nombreuses disparités soulevées, il conviendra d’insister sur la nécessité de formaliser et d’intégrer de manière précise et exhaustive la nature des contenus d’enseignements relatifs aux plaies chroniques dans le référentiel de formation en soins infirmiers.
Déclaration de conflits d’intérêt
68L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt.
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Mots-clés éditeurs : enseignement infirmier, escarre, détersion, cicatrisation de plaie, ulcère de jambe
Date de mise en ligne : 02/05/2019
https://doi.org/10.3917/rsi.136.0054