Notes
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Mémoire réalisé en vue de l’obtention du Grade de Master en psychologie : Ingénierie des apprentissages en formation professionnelle
Sous la direction de Patrick MAYEN, Département des Sciences de la Formation et de la Communication
ENESAD Dijon
Introduction
1Observer le métier de formateur, s’intéresser à ses pratiques ne sont pas liés, au départ, à la commande spécifique d’un organisme, comme il l’est habituellement demandé dans notre formation, mais à une volonté affirmée de notre part, d’améliorer notre pratique professionnelle.
2Notre projet de formation s’inscrivait dans une dynamique d’amélioration de notre qualification de formatrice d’adultes.
3Pour nous, le mémoire doit aussi être source de développement.
4Cependant notre préoccupation correspond à celle de nombreux formateurs et notre travail de recherche répond à un réel besoin dans notre domaine de formation.
5Comment raccrocher les savoirs acquis en formation aux savoirs issus de l’expérience ?
6Comment mieux prendre en compte les situations de travail vécues par les étudiants, l’expérience professionnelle ?
7En définitive, comment optimiser une formation professionnelle par alternance et construire la légitimité professionnelle du formateur ?
8Si l’étude des compétences de l’enseignant ont fait l’objet de nombreux travaux à partir d’options théoriques différentes, le cadre de cette recherche se situe dans le champ de la didactique professionnelle (analyse des situations de travail en vue de la formation).
9L’analyse du travail a été longtemps orientée vers les travaux à prédominance manuelle, de nombreux métiers ont été observés dans le domaine de la didactique professionnelle mais le métier de formateur a été peu exploré jusqu’à ce jour.
10Il s’agira donc, pour nous, de mieux comprendre les situations de travail des cadres de santé formateurs en Institut de Formation en Soins Infirmiers, afin d’améliorer leur formation en Institut de Formation de Cadres de Santé et d’inscrire cette formation dans une dynamique de professionnalisation du métier de formateur.
11Nous nous souviendrons qu’en formation professionnelle, l’objectif prioritaire n’est pas l’acquisition de savoirs théoriques et techniques, mais la maîtrise des situations professionnelles et que les compétences professionnelles peuvent se développer en partie par l’analyse réflexive des situations de travail vécues.
12« L’exploitation de stage », organisée par les formateurs, servira de support à notre recherche puisque dans cette séance de retour de stage les étudiants rapportent spécifiquement l’expérience de stage et cette pratique est commune aux IFSI.
13Nous aurons donc un support identique pour observer le travail des formateurs.
14Dans cette perspective, après avoir situé le contexte général de l’étude, posé problématique et hypothèse de travail, expliqué le cadre théorique de la recherche, nous nous proposons :
- De repérer la tâche prescrite c’est-à-dire d’identifier les éléments de la fiche pédagogique et du projet pédagogique relatifs à l’exploitation de stage.
- D’observer le métier de formateur lors des séances de retour de stage, à partir de la démarche d’analyse du travail de formateur dans le domaine de la formation professionnelle infirmière :
- Que se passe-t-il au cours des séances d’exploitation de stage ?
- Comment le formateur prend-il en compte l’expérience de stage des étudiants au cours de l’exploitation de stage ?
- Est-ce-que cette situation peut être « une situation potentielle de développement ?»
- Réaliser une analyse descriptive des séances d’exploitation de stage.
- D’analyser l’activité des formateurs que nous confronterons à leur propre regard.
- D’identifier leurs représentations de l’exploitation de stage.
- Et de mettre en interaction ces différents pôles afin de réaliser une approche dynamique du travail.
- Enfin, nos propositions doivent permettre d’élargir la capacité d’agir des formateurs en IFSI et de professionnaliser les formations par alternance dans le domaine de la santé.
Le contexte de l’étude
Le contexte général
La formation infirmière
15Depuis 1992, une formation unique, un même diplôme d’état permet à l’infirmière d’exercer aussi bien en psychiatrie qu’en soins généraux.
16Elle dure 36 mois.
17Les écoles d’infirmières deviennent des IFSI, les élèves infirmiers des étudiants en soins infirmiers.
18Et si la présence aux travaux dirigés et aux stages est obligatoire, l’assistance aux cours est facultative (arrêté du 23 mars 1992)
19Le programme d’étude est toujours en vigueur actuellement.
20État des lieux et formation (CEFIEC, 2002, p.13)
21Le cadre général de la formation
22Après réussite au baccalauréat ou à la validation des acquis ou après 3 ans d’activité pour les aides-soignantes ou auxiliaires de puériculture, puis succès au concours d’entrée, les études durent 136 semaines (4760 heures) et 27 semaines de vacances :
- 64 semaines d’enseignement théorique soit 2240 heures,
- 68 semaines d’enseignement clinique soit 2280 heures
- et 4 semaines de suivi pédagogique soit 140 heures
23La formation est organisée en modules (de 40 à 100 heures)
- 28 modules obligatoires avec 2 types de modules (modules transversaux : sciences humaines, santé publique, hygiène, soins infirmiers, législation… et modules globaux en lien avec les différentes pathologies médicales)
- 2 modules optionnels
- Les stages se réalisent dans les différentes disciplines en secteur hospitalier et extra hospitalier.
- Contrôle continu des connaissances (théorie, clinique et stages) qui permet le passage dans l’année supérieure et la présentation au diplôme d’état
- Diplôme d’état en fin de formation
- Épreuve écrite consistant en un travail écrit de fin d’études et une mise en situation professionnelle
- Depuis 2000, les IFSI doivent palier une nouvelle évolution de la profession, la pénurie des infirmières ; les quotas augmentent alors de 43%.
La formation de cadre de santé
24Le décret du 18 août 1995 porte création d’un diplôme de cadre de santé se substituant au certificat de cadre infirmier avec l’ouverture de la formation cadre aux 13 métiers paramédicaux, avec l’objectif de décloisonnement et de cohérence de prestations dans le respect des filières professionnelles.
25Les candidats au concours doivent avoir exercé pendant au moins 4 ans leur profession, « expérience technique confirmée et avoir des aptitudes à la prise de responsabilités d’encadrement. »
26Le cadre général de la formation
27Après réussite au concours, la durée des études est de 42 semaines dont une semaine de congés :
- 24 ou 26 semaines d’enseignement théorique
- 13 ou 15 semaines de stage
- 2 semaines de travail personnel, de recherche et de documentation.
28La formation a pour objectif de « préparer conjointement les étudiants à l’exercice des fonctions d’animation et de gestion, d’une part, et de formation et de pédagogie, d’autre part » (décret du 18 Août 1995).
29Elle se compose de 6 modules, de M1 à M6 (Initiation à la fonction cadre 90h, Santé publique 90h, Analyse des pratiques et Initiation à la recherche 90h, Fonction d’encadrement 150 à 180h, Fonction de formation 150 à 180h, Approfondissement des fonctions d’encadrement et de formation professionnelle 150 heures).
30Les stages sont organisés en cohérence avec les enseignements théoriques :
- 3 semaines hors secteur sanitaire
- 3 ou 4 semaines en établissement sanitaire ou social
- 3 ou 4 semaines en établissement de formation sanitaire ou social
- Enfin 4 semaines soit en établissement sanitaire ou social, soit en établissement de formation, soit en structure de santé publique.
31Chaque module est évalué.
32« Un mémoire individuel donnant lieu à soutenance » valide les modules 3 et 6.
33Seuls, les étudiants ayant préalablement validés les modules 1, 2, 4, 5 peuvent soutenir leur mémoire.
34Il faut attendre le décret du 31 décembre 2001 pour que le législateur crée le corps des cadres de santé. Il précise dans l’article 4 que les cadres de santé, « exerçant des fonctions d’encadrement correspondant à leur qualification dans les instituts de formation et les écoles, prennent part en qualité de formateur à l’enseignement théorique et pratique et à la formation des élèves et des étudiants. »
35Aujourd’hui, la formation cadre doit s’adapter à l’évolution et à la complexification des situations de travail.
Le contexte institutionnel
36Il perdure depuis des années un clivage entre l’école et les terrains de stage.
37Du côté des acteurs concernés par la formation infirmière
38A propos du témoignage des étudiants :
« Qu’est ce que je vais faire de toute cette théorie ? Ça nous sert à rien, on nous gave.
Le jour de l’évaluation, je dois travailler comme l’école me l’a appris et le reste du temps comme me l’a montré l’infirmière du service.
Ce que je fais en service ne correspond pas à ce que j’ai appris à l’école ; je n’arrive pas à faire les liens ; cependant, c’est en stage que j’apprends mon métier.
A l’école, c’est trop scolaire. »
40A propos des paroles des infirmières des services ;
« Ces nouveaux étudiants, ils ne savent plus rien. Qu’est ce qu’ils apprennent dans les IFSI ?
Les formateurs sont déconnectés de la réalité des services ; on ne les voit que pour évaluer les étudiants. »
42Quant aux formateurs, ils déclarent :
« Les étudiants ne savent pas aller à l’essentiel ; ils ne savent pas transférer la théorie à la pratique.
Les infirmières ne pratiquent pas selon les règles de l’art. »
44Ces discours ont pour résultat d’établir une rupture entre 2 lieux qui seraient en concurrence alors qu’ils existent pour fonctionner de manière coordonnée.
45Du côté du questionnement sur le métier de formateur
46Les enseignants s’interrogent sur leurs pratiques pédagogiques, leur place, leur légitimité et leur devenir.
47Il existe dans notre profession un rapport très fort entre savoir et légitimité ; quel que soit son secteur d’activité, la caractéristique principale de l’enseignant est d’être le sujet supposé savoir.
48On rencontre 2 catégories de situations de formation dans les IFSI :
- l’enseignement des savoirs infirmiers avec les savoirs pratiques (procédural et psycho-gestuel) et les savoirs théoriques (rôle propre, démarche de soins, diagnostic infirmier)
- l’enseignement scientifique emprunté aux autres disciplines (médecine, biologie, sciences humaines…)
49• Pour les savoirs procéduraux, c’est-à-dire les manières de faire indispensables à l’exercice de la profession, c’est bien à l’école de transmettre les bonnes pratiques, mais il existe un écart entre ce travail prescrit et le travail réel des situations concrètes de terrain ;
50Le formateur reconnaît qu’il existe un écart entre l’enseignement réalisé sur le lieu de formation et l’application concrète des connaissances sur le terrain. S’il explique ces différences par le fait que la situation d’une personne soignée, à la fois semblable et différente des autres situations enseignées et rencontrées, est à reconstruire à chaque fois, il ne les considère pas et ne les utilise pas comme des opportunités pour accroître le processus de développement de l’étudiant.
- Pour les savoirs infirmiers théoriques, on pourrait penser que c’est là que réside leur légitimité. Certains ont acquis une maîtrise de la démarche de soins, du diagnostic infirmier, mais c’est l’utilisation de ces savoirs sur le terrain qui pose problème. Or, un savoir pratique non appliqué ne peut être revendiqué comme source de légitimité par celui qui le détient.
- Quant aux savoirs empruntés aux autres disciplines, les formateurs ne peuvent se considérer comme des spécialistes et affirmer la nécessité de leur place dans ce domaine.
51S’il existe des objectifs de stage élaborés par les formateurs en collaboration avec les responsables d’encadrement, il n’existe pas de partenariat pour la construction des enseignements théoriques.
52Quant au projet pédagogique, ne devrait-il pas être le document fédérateur des objectifs des formateurs et des responsables de stage ?
53Il existe une dichotomie qui a pour résultat de maintenir le statu-quo dans chaque institution.
54Quand un différend apparaît au sein d’une institution, il n’est pas considéré comme le signal pertinent d’une contradiction qu’il faut analyser et traiter, mais il sert à accréditer l’idée que ce différend est dû à l’autre.
« Dans la mesure où chacun s’applique à demander à l’autre de changer, c’est l’ensemble qui s’immobilise. »
« L’alternance, au lieu d’être interactive, fonctionne plus généralement sur le mode de l’exclusion mutuelle »
56Cette séparation entre théorie et pratique entraîne une rupture entre IFSI et services hospitaliers, renforcée le plus souvent par l’éloignement géographique des terrains de stage.
L’enjeu
57A qui confier la formation infirmière ?
58Quelles sont les finalités d’une formation professionnelle ?
59Quelles sont les compétences spécifiques pour le métier de formateur en formation infirmière ?
60Et un défi à relever :
61La capacité pour les formateurs à gérer un système de formation par alternance et à construire une légitimité professionnelle spécifique, en occupant à la fois le pôle du travail prescrit et le pôle du travail réel dans le domaine des soins infirmiers.
Analyse de la demande, problématique et hypothèse
La demande
62Notre projet de recherche peut répondre à la demande spécifique d’un IFSI qui s’inscrit dans une dynamique d’amélioration de la formation infirmière, c’est-à-dire :
- Rapprocher l’IFSI et les terrains de stage
- Raccrocher les savoirs acquis en formation aux savoirs issus de l’expérience
- Articuler la formation infirmière aux expériences vécues en stage
- Et quelle formation pour optimiser le travail des formateurs ?
- Les temps de réflexions, de questionnement sont insuffisants.
- L’expérience professionnelle, les situations de travail des étudiants ne sont pas encore assez prises en compte dans le cursus de formation par alternance.
- Les expériences de stage ne sont pas assez exploitées.
La problématique
63La formation infirmière est une formation professionnelle par alternance qui se doit d’articuler des lieux différents.
64Cette alternance se réduit la plupart du temps au passage, en deux temps successifs, d’un lieu de formation à un lieu de stage :
- Les services hospitaliers : lieu de pratique qui vise la professionnalisation
- Les IFSI : lieu de théorie qui priorise le diplôme
65Cependant, le stage représente 50% du temps de formation.
66Pour l’étudiant, c’est le 1er pas dans la vie professionnelle.
67C’est un lieu de socialisation, temps d’apprentissage privilégié de la pratique professionnelle, un temps fort de la construction de l’identité professionnelle de l’étudiant.
68Mais c’est aussi le stage qui révèle un écart théorico-pratique déstabilisant pour l’étudiant, un décalage entre ce qui est appris à l’IFSI et la réalité quotidienne des services, modifiant progressivement le comportement de l’étudiant pour s’adapter aux différents interlocuteurs.
69Si les formateurs ont mis l’accent sur un partenariat entre terrains de stage et centres de formation, il faut sans doute davantage œuvrer sur la cohérence entre la pédagogie des formateurs et les situations de travail rencontrées ou vécues par l’étudiant en stage.
70Lorsque la pédagogie de l’alternance existe, elle est le fait la plupart du temps d’initiatives individuelles ou d’un organisme de formation isolé.
71Si les écarts de l’alternance s’expriment dans des différences de lieux, dans une trop grande distance entre théorie et pratique, entre savoirs d’école et savoirs d’action, entre travail prescrit et travail réel, ils se retrouvent aussi dans le décalage entre les situations professionnelles vécues par l’étudiant en stage et les mêmes situations où il est évalué par le formateur de l’IFSI, dans les différentes finalités, pratiques soignantes et raisonnements des infirmiers pour aborder les situations de soins. Ajoutons aussi le jugement professionnel qui permet à l’infirmier de moduler ses actions alors qu’il s’agit de la même personne soignée.
72Cependant, ce décalage peut être appréhendé de manière positive par le formateur.
73Cet écart avec les pratiques de terrain peut ne pas relever d’une incohérence pédagogique mais d’une finalité pédagogique, clairement affichée et nécessaire au processus d’apprentissage de l’étudiant.
« On constate que les élèves, d’une part, n’ont pas toujours la chance d’être confrontés à des incidents qui les obligeraient à raisonner au-delà de ce qui est suffisant pour assurer des activités routinières, d’autre part sont alors souvent remplacés dans l’action par les professionnels expérimentés qui les entourent et reprennent alors la main.
En outre, ces derniers, engagés dans une action inhabituelle et plus complexe, disposent de moins de temps et de ressources pour commenter et expliquer leur action et leur raisonnement, alors que ce serait le moment le plus opportun pour le faire.
C’est pourquoi il est important que les élèves puissent, après coup, faire retour sur ce qu’ils considèrent comme des évènements et sur la manière dont leur maître de stage les a traités, puis échanger sur les stratégies différentes que les uns et les autres ont pu observer chacun de leur côté. »
75A l’énoncé de ce qui précède, nous pouvons porter notre observation sur la manière dont les formateurs exploitent le retour des stages dans les IFSI, positionner la problématique dans notre questionnement et la formaliser ainsi :
76Quelles sont les pratiques de formation mobilisées par les formateurs lors des temps d’exploitation de stage institués au retour des stages ? Permettent-elles d’utiliser les différents écarts de l’alternance mais plus largement l’expérience des situations professionnelles pour optimiser le processus de « développement de l’étudiant en vue d’une meilleure intégration des connaissances par celui-ci ? »
77(Profession infirmier, Recueil des principaux textes relatifs à la formation et à l’exercice de la profession réf. 531 001, p 28).
78Ce cheminement nous amène à penser :
- Que le formateur en IFSI a une contribution spécifique dans la formation infirmière par rapport à des pratiques alternatives, quelque chose qui caractérise son métier, qui lui serait propre, qui peut constituer une base identitaire solide.
- Qu’il a une place unique pour gérer la parole dans ce système alterné.
- Que le retour de stage peut être l’occasion pour l’étudiant de faire retour sur son activité ou sur celle de son référent de stage, donc de renforcer la cohérence entre l’IFSI et les terrains de stage et de redonner du sens à l’acte d’apprendre.
79Le rôle du formateur, au retour du stage, est de guider l’analyse réflexive afin que les connaissances pragmatiques des étudiants soient utilisées pour développer la nature des significations qu’ils leur attribuent et conceptualiser les situations professionnelles et que les connaissances théoriques trouvent une voie explicative et compréhensive pour l’action.
Cadre théorique pour l’analyse de l’activité du formateur en IFSI, en vue d’améliorer la formation des étudiants cadres en IFCS
Le champ de la didactique professionnelle
« La didactique professionnelle a pour but d’analyser le travail en vue d’élaborer des modalités de formation pour le développement des compétences professionnelles. »
81A l’origine de cette démarche, on trouve la rencontre de deux courants : la psychologie du travail (FAVERGE, LEPLAT) a mis en évidence la dimension cognitive existant dans tout travail et la psychologie du développement (PIAGET, VYGOTSKI, VERGNAUD) insiste sur « le rôle de la conceptualisation dans l’action. » (Revue Française de pédagogie n°138, 2002, p.9).
82Cette discipline est récente ; 2 équipes de recherche en didactique professionnelle existent en France ; l’une au CNAM à PARIS encadré par Pierre PASTRE, son fondateur, et l’autre à l’ENESAD de Dijon avec Patrick MAYEN.
83Les idées fortes que nous retiendrons peuvent s’énoncer ainsi :
- Le travail est plein de ressources pour la formation professionnelle
- Le travail, comme référence et non le savoir
- Travail et formation, formation et développement professionnel
- Apprendre des situations et non des contenus
- Utiliser les situations de travail pour l’apprentissage
- Transposition de l’analyse du travail dans des dispositifs de formation professionnelle
- « Apprendre des situations, c’est tout d’abord apprendre à les maîtriser et à les analyser. De la même manière qu’on apprend des savoirs, on peut dire qu’on apprend des situations. » (Éducation permanente n° 139, 1999, p. 8)
La psychologie du travail
84Analyser le travail, en psychologie du travail, c’est tout d’abord définir la tâche, l’activité et leur articulation.
85LEPLAT définit la tâche comme « le but à atteindre et les conditions dans lesquelles il doit être atteint ». Le but peut être considéré comme l’état final à atteindre.
86Il distingue tâche prescrite et tâche réelle.
87La tâche prescrite est celle qui est définie par le prescripteur et que l’acteur est censé devoir faire. Elle peut être formalisée et se trouve alors définie dans la fiche de poste ou tout document institutionnel ou législatif.
88La tâche effective repose sur le constat que le travail réel diffère toujours du travail prescrit ; c’est celle réellement réalisée par l’opérateur.
89D’après LEPLAT, il s’agit « des buts et des conditions effectivement pris en compte par le sujet ». (Support de cours et de TD Analyse du travail JM BOUCHEIX, ENESAD Dijon).
90Mais les buts peuvent être différents d’un individu à l’autre et la tâche prescrite peut ne pas être comprise de la même façon par tous.
91Observer une tâche, c’est tout d’abord regarder la tâche prescrite, en repérer le ou les buts puis observer la tâche effective.
92De plus, dans tout travail, il existe une dimension cognitive (un travail mental) :
93L’activité, pour le même auteur, « c’est ce qui est mis en œuvre par le sujet pour exécuter la tâche. »
94L’analyse de l’activité s’appuie sur l’analyse de la tâche critique qui correspond à la tâche centrale, au cœur du métier.
95Pour ajouter une dimension dynamique à l’analyse du travail, nous prendrons en compte les représentations des acteurs.
96Dans le cadre de notre recherche, nous retiendrons que :
- La tâche prescrite représente la tâche que l’acteur est censé devoir faire ; pour notre étude l’exploitation du retour de stage qui est déclinée dans le projet pédagogique et plus spécifiée dans la fiche pédagogique relative au retour de stage.
- La tâche effective, celle qui est réellement réalisée et que nous allons observer : la situation d’exploitation de stage.
- L’activité, la manière dont l’acteur s’y prend pour réaliser la tâche effective, sous-tendue par son activité cognitive que nous analyserons aussi à partir des entretiens de confrontation avec les formateurs en regard de situations spécifiques.
- Et les représentations, ce que l’acteur pense qu’il faut faire et ce qu’il croit qu’il fait à partir d’entretiens avec les formateurs observés.
- Quant aux situations de travail, elles sont définies d’après Patrick Mayen, « par leur globalité, par leur complexité, par des unités significatives pour le monde du travail, par le fait qu’elles sont en évolution ; elles peuvent être en plus ou moins forte évolution mais on ne peut pas considérer qu’il existe une situation de travail stable. Même pour une situation de travail très répétitive, en fait, il y a des variabilités de la situation qui sont liées à l’évolution du produit transformé, qui sont dues à l’évolution de l’état physique, psychique de l’individu qui travaille, à l’évolution de la relation avec les personnes avec qui il travaille. » (Atelier Didactique, Colloque de Caen, mai 2002)
97Si nous affirmons qu’une situation peut être source de développement, nous commencerons par définir le concept de développement.
« A la question qu’est-ce qui se développe ?
FREUD répond l’affectivité et principalement la sexualité, sous la pression de la libido.
VYGOTSKI répond la pensée, par l’intermédiaire du langage et de la socialisation, tandis que pour Wallon, c’est la personne toute entière qui se développe.
Enfin pour PIAGET, c’est surtout l’intelligence, grâce aux schèmes d’action. »
99Notre recherche s’appuie sur les travaux de PIAGET et VYGOTSKI.
La psychologie du développement
100À partir du processus de développement étudié par PIAGET et VYGOTSKI chez l’enfant, une perspective développementale apparaît chez l’adulte avec Gérard VERGNAUD.
101PIAGET et le constructivisme (1896 - 1980)
102PIAGET a cherché toute sa vie à répondre à la question :
« Comment la connaissance vient-elle aux individus et comment se développe l’intelligence ? »
104Il a construit sa théorie en observant ses propres enfants et d’autres du même âge dans une situation particulière.
105Pour lui, l’enfant apprend à connaître les objets par le toucher donc par l’action. La connaissance est au départ « sensori-motrice. »
106Les connaissances ne sont donc pas transmises de celui qui sait à celui qui ne sait pas.
107«Elles sont construites par l’individu, par l’intermédiaire des actions qu’il accomplit sur les objets. Ces actions sont intériorisées et constituent les schèmes. C’est en manipulant des objets nouveaux que les schèmes vont se diversifier.
108Ceux-ci s’inscrivent dans le cerveau, s’organisent en structures opératoires et permettent à l’individu de répondre de façon satisfaisante à une situation (« adaptation »).
109PIAGET appelle « schème d’action ce qui, dans une action, est ainsi transposable généralisable ou différenciable d’une situation à la suivante autrement dit ce qu’il y a de commun aux diverses répétitions ou applications de la même action. »
110Toutes nos actions sont donc commandées par des schèmes qui se construisent au fil de nos nombreuses expériences par les différentes actions que nous effectuons mais aussi par le feed-back, ce retour d’information que nous recevons, donc avec la connaissance immédiate de nos résultats.
111PIAGET remarque aussi que l’enfant semble agir en fonction d’un but. Par exemple, il observe les conséquences de ses actes sur le mouvement du hochet accroché à son berceau.
112Le retour d’information obtenu en comparant « intention et résultat de l’action » serait à l’origine des modifications des schèmes.
113Les schèmes se modifieraient et se développeraient en fonction de l’évaluation des résultats obtenus mais aussi en fonction des nouvelles situations rencontrées. PIAGET nomme ce phénomène : « l’accommodation ».
114Il avance aussi que l’acquisition du raisonnement est progressif et passe par différents stades.
« L’intelligence est une conduite adaptative faite de déséquilibres suivis d’équilibrations. »
116Quant à l’apprentissage, c’est pour PIAGET, l’intelligence qui permet à l’individu de s’adapter aux conditions de son environnement et qui se développe si l’individu rencontre un problème à résoudre, une situation pour laquelle il n’a pas en mémoire de schème adapté.
117Le déséquilibre ressenti comme inconfortable va le conduire à rechercher une solution au problème.
118Pour cela, il va tenter d’assimiler la situation nouvelle (assimilation) à une situation déjà rencontrée et utiliser un schème existant en le modifiant quelque peu (accommodation) et résoudre cette nouvelle situation ou bien créer un nouveau schème.
119Lorsqu’il modifie uniquement un schème existant, pour résoudre un nouveau problème, le schème modifié peut acquérir une dimension supérieure et l’individu retrouve son équilibre à un niveau lui aussi supérieur, avec une compétence plus large.
120Si la situation lui apparaît complètement nouvelle, il crée un nouveau schème pour résoudre le problème (par apprentissage personnel ou par enseignement) et se retrouve équilibré avec un niveau pouvant être supérieur. L’individu qui a intégré un nouveau schème devient en principe plus compétent.
121Que nos actes soient concrets ou abstraits, nous ne les inventons pas à chaque fois. Les situations et les tâches se ressemblent donc nos opérations singulières varient sur une trame assez stable. C’est cette trame ou encore structure de l’action qui correspond au schème.
122Nous ne sommes pas conscients du fait que les schèmes guident nos actions ; qu’ils se sont constitués au cours de l’expérience et qu’ils nous permettent d’agir rapidement. PIAGET parle d’un « inconscient pratique. »
123A noter cependant qu’il fait peu de cas de l’affectivité et du rôle des autres dans l’apprentissage.
124Les réponses de PIAGET, avec l’acquisition des schèmes d’action et les stades du développement éclairent le concept d’apprentissage.
125Apprendre, c’est donc modifier ou créer de nouveaux schèmes pour s’adapter à de nouvelles situations, donc être plus compétent.
126Et en conséquence former, c’est créer des situations d’apprentissage propices pour l’apprenant à la création de nouveaux schèmes et au développement.
127Mais la question fondamentale devant laquelle s’est trouvé PIAGET est la suivante :
128« L’apprentissage pourrait-il accélérer le développement ou le développement précède-t-il systématiquement l’apprentissage ? PIAGET répond : dans tous les cas, le développement précède l’apprentissage. »
129Pour lui, il ne sert à rien d’enseigner quelque chose à un enfant si son niveau de développement ne lui permet pas d’apprendre.
130VYGOTSKI et le socio-constructivisme (1934 - 1985)
131Par contre VYGOTSKI, psychologue russe de la même époque, contredit PIAGET dans sa réponse, en affirmant :
133C’est donc l’enseignement qui active et stimule le processus de développement.
134Il donne une origine sociale de la pensée ; celle-ci se développe grâce au processus naturel de maturation organique mais en interaction avec les activités de l’enfant réalisées avec ses proches, (enfants, parents, enseignants).
135C’est l’interaction sociale qui permet à l’enfant de construire de nouvelles connaissances qui favorisent ses progrès intellectuels.
136VYGOTSKI distingue ce que l’enfant peut accomplir seul actuellement (« développement actuel de l’enfant ») et ce qu’il peut réaliser avec l’aide d’autrui (« capacité potentielle de développement »).
137L’écart entre ces deux types d’activité constitue la « zone proximale de développement ». Il s’agit d’un espace où le développement est en devenir.
138En quelque sorte, ce que l’enfant peut réaliser avec l’aide d’un autre annonce ce qu’il réussira seul par la suite.
139VYGOTSKI ajoute donc au concept de développement l’existence de son « potentiel de développement » à un moment donné qui ne demande qu’à se développer grâce à l’aide d’un médiateur entre le savoir et l’individu.
140Le rôle du médiateur est primordial dans le processus d’acquisition et c’est la qualité de cet accompagnement qui permettra à l’individu d’agir seul et de manière optimum par la suite.
141Le concept de développement se transpose chez l’adulte avec Gérard VERGNAUD.
142Si cette perspective développementale a été étudiée chez l’enfant, Gérard VERGNAUD l’explique par le lien entre développement et processus de maturation biologique.
143De plus, les développements psychologique et cognitif ont fait l’objet d’évaluations rigoureuses et il a même été possible d’avancer que certaines capacités déclinaient avec l’âge, surtout après 25 ans.
144Cependant, il reprend le concept de développement en considérant que « l’expérience dans sa durée et sa richesse est un facteur très important de développement. »
145Pour lui, « ce qui se développe au cours de l’expérience, ce sont des formes d’organisation de l’activité ». Ces formes d’organisation concernent tous les registres de l’activité :
- les gestes
- les activités intellectuelles et techniques
- l’énonciation et le dialogue (la mise en mots des idées, comprendre et énoncer ne sont pas confondus)
- l’interaction sociale et l’affectivité (Gérard VERGNAUD, 1999, p.194).
146La zone proximale de développement : « Ce n’est pas autre chose que la distance entre le niveau actuel du développement, déterminé par la capacité de résoudre indépendamment un problème, et le niveau proximal de développement, déterminé par la capacité de résoudre un problème sous le guidage d’un adulte ou en collaboration avec un autre compagnon plus capable. » (Éducation Permanente, n° 139, 1999, p. 67).
147Ou encore zone de proche développement :
« Ce qu’un individu est capable de faire avec l’aide de quelqu’un et qu’il pourra faire seul par la suite. »
149P. Mayen définit le développement comme « l’élargissement et la transformation des significations que les sujets donnent aux objets et aux phénomènes du monde dans lequel ils agissent. » (Éducation Permanente n°139, 1999, p.71)
150Et, c’est dans ce sens là que nous l’entendons pour notre recherche ; il s’agit de développement de l’expérience des étudiants, à partir du guidage par le formateur, de leur expression sur l’expérience vécue en situation professionnelle.
151Il définit aussi la notion de « situation potentielle de développement » comme « l’ensemble des conditions qu’une situation doit remplir pour engager puis étayer le processus de développement des compétences d’un individu ou d’un groupe d’individus. » (Éducation Permanente n°139, 1999, p.66)
152Gérard VERGNAUD reprend aussi le concept de schème pour analyser l’activité et le redéfinit « comme une forme invariante d’organisation de l’activité et de la conduite pour une classe de situations déterminées.
153Ce qui est invariant, ce n’est pas l’activité, ni la conduite observable, mais l’organisation de l’activité. » « Les schèmes concernent tous les registres de l’activité : les gestes, les jugements et les raisonnements intellectuels, le langage, les interactions avec autrui et les affects. » (Psychologie Française, 2000, p.43). De plus, ils s’enrichissent au cours de l’expérience.
154Cependant, il existe une régularité dans la diversité des situations, et pour chaque nouvelle situation, nous retrouvons : « la familiarité et la répétition » conjuguées à « l’innovation et l’adaptation ». (Psychologie Française, 2000).
155Le schème représente donc l’organisation de la pensée pour l’action, il s’agit de l’activité mentale de la personne, ses opérations mentales, donc la représentation fonctionnelle de l’activité, « il engendre l’action ».
« Seul le concept de schème permet de comprendre l’adaptation aux situations : aux situations d’action qui sont les occasions premières du développement et de l’apprentissage. ».
157Pour lui, le schème est composé de quatre éléments :
158• Un but, qui peut se décliner en sous-buts (démultiplication du but) et anticipations.
159Nous pouvons définir le but comme « l’intentionnalité. » (Gérard VERGNAUD, 2000, p.91)
160L’anticipation est « ce quelque chose à faire d’avance » sous tendue par exemple par la question : qu’est-ce-qui se passera si je…
161• Des règles d’action, de prise d’information et de contrôle qui constituent la Partie « générative » du schème.
« Les règles d’action engendrent l’activité au fur et à mesure. »
163Toute activité est réalisée par une suite de règles d’action qui peuvent s’exprimer sur le principe de « si condition A… alors action B ou « quand alors », moins équivoque.
164Elles correspondent à des connaissances, sont explicitement exprimées dans les procédures et les modes o pératoires mais l’intervenant les réadapte en fonction du contexte et de la situation rencontrée.
« Chez les professionnels expérimentés, elles sont automatisées, implicites, incorporées. »
166Les prises d’information, de contrôle peuvent être visuelles, auditives, tactiles et proprioceptives.
167La référence aux informations pertinentes prises en compte pour l’action est primordiale pour atteindre la compréhension et le raisonnement de l’intervenant et le pourquoi de son action.
168• Des invariants opératoires : (ce qui est constant)
169Ils traduisent « la connaissance du réel. » (Gérard VERGNAUD, 2000, p.91)
170Ils constituent la partie la plus cognitive du schème puisqu’ils assurent une fonction de conceptualisation avec « les concepts en actes et théorèmes en acte. » (Gérard VERGNAUD, 2000, p.91)
171Les concepts en actes définissent des catégories ; les professionnels fonctionnent avec ses catégories.
172« Les théorèmes en actes sont des propositions tenues pour vraie dans l’activité » : des affirmations. L’invariant n’est ni dedans ni dehors et à la fois dedans et dehors.
173Nous construisons en pensée une variable qui est aussi d’une certaine manière dans le réel ; il faut se la représenter comme telle.
174C’est un travail de conceptualisation, c’est-à-dire de représentation de cette variable dans son lien avec les autres éléments du monde.
175C’est un concept pour l’action puisqu’il y a des variables du monde dont nous ne tenons absolument pas compte.
176C’est cette variable qui organise l’activité donc l’invariant opératoire ; c’est elle qui va servir dans l’action, dans le sens où c’est elle qui va nous permettre de nous informer de l’état du monde et sur laquelle nous allons agir.
177• Des possibilités d’inférence en situation
« Elles permettent l’adaptabilité à la variété des cas de figure. »
179Nous nous aiderons de la définition du dictionnaire LAROUSSE pour expliquer l’inférence.
180« C’est une opération intellectuelle par laquelle on passe d’une vérité à une autre, vérité jugée telle en raison de son lien avec la première » ; la déduction est une inférence.
181Les inférences sont donc des relations entre les propositions.
182Si a et b (prémisses), alors action (conclusion).
« Elles sont présentes dans toutes les activités en situation, parce qu’il n’arrive jamais qu’une action soit déclenchée par une situation - stimulus, puis se déroule ensuite de manière totalement automatique, c’est-à-dire sans contrôle et sans prise nouvelle d’information. »
184Le schéma suivant réalisé par Sylvie CAENS - MARTIN (équipe didactique professionnelle, ENESAD Dijon) visualise les composants du schème.
185Il est possible de rentrer par n’importe lequel des composants du schème puisqu’ils sont tous liés les uns aux autres, en contre partie, il est difficile de les traiter les uns sans les autres.
186Nous avons donc une organisation de pensée identique pour l’action à laquelle nous pouvons accéder à partir de l’un des composants du schème.
187En conséquence, la rencontre avec les différentes situations auxquelles nous avons à faire face nous permet, avec aide, puis seul, de modifier ou de créer de nouveaux schèmes pour nous adapter, ce qui est source de développement.
188Et c’est, à partir de l’analyse de l’activité (dimension cognitive du travail), donc « dans les schèmes qu’il faut rechercher les connaissances en actes du sujet, c’est-à-dire les éléments cognitifs qui permettent à l’action du sujet d’être opératoire. »
189(G VERGNAUD cité par PERRENOUD, 2001, p.38)
190Nous avons donc une organisation de pensée identique pour l’action à laquelle nous pouvons accéder à partir de l’un des composants du schème.
191Ces connaissances en acte sont de véritables savoirs professionnels, de réels « organisateurs de l’action », construits dans le travail par le professionnel et qui peuvent se transmettre de professionnel à professionnel mais que l’on ne retrouve pas dans les livres. Il devient alors possible d’identifier à partir des schèmes « la structure conceptuelle de la situation correspondant à la représentation fonctionnelle de la situation professionnelle de l’acteur. » (Revue française de pédagogie n°138, 2002, p.10).
192Ce qui permet à Gérard VERGNAUD, de montrer «l’importance de la conceptualisation dans l’action. » Nous tenterons donc dans notre étude de réaliser la structure conceptuelle de certaines séquences d’exploitation de stage repérées comme sources de développement.
193Mais, nous ne sommes pas toujours conscients que nos conduites suivent ces structures stables, une trame stable, un même schème, non pas qu’elles soient irréfléchies mais parce que notre décision leur a fait prendre le même chemin, sans en avoir conscience. Par contre, nous en percevons les résultats, avec la permanence des effets positifs ou négatifs pour des situations comparables.
194Nous avons donc une organisation de pensée de l’action identique pour une classe de situations identiques.
195Il existe un « inconscient pratique », comme le dénomme PIAGET où la conscience reste partielle et non systématique et c’est la réflexion sur l’action avec un tiers, en l’occurrence le formateur, qui va permettre la conscientisation de notre structure d’action, une étape nécessaire au processus de développement optimum. Elle permet l’évolution des savoirs professionnels, de l’agir professionnel donc des compétences.
196Ce qui nous amène à aborder le concept de réflexivité, clé de voûte de notre recherche.
Le concept de réflexivité
197Toute réflexion occasionnelle sur l’action ne constitue pas une pratique réflexive. Réfléchir ne se limite pas à une évocation de la situation. Ce n’est pas un flash-back.
198Une démarche réflexive s’impose pour identifier l’agir professionnel. Elle demande un effort de décentration et d’explicitation, des prises de conscience qui déboucheront sur une nouvelle lecture de la situation avec des propositions d’action pour sa pratique future.
«Le professionnel construit son savoir professionnel par l’action et la réflexion dans et sur l’action. »
« L’exercice de l’activité n’est pas souvent une condition suffisante pour le développement, il doit être prolongé, développé par l’analyse réflexive de l’activité. »
Le tournant réflexif avec SCHÖN
201SCHÖN à travers son ouvrage « The reflexive practitionner » montre la façon de concevoir le fonctionnement des professionnels et leur formation.
202Il a développé ce « paradigme de praticien réflexif » (PERRENOUD, 2001, p.14), pour contrer le fait très ancré à l’époque que la science aussi rationnelle soit-elle, ne pouvait répondre à tous les problèmes rencontrés par les professionnels.
203Il a étudié avec ARGYRIS le rôle des savoirs dans les conduites des professionnels de différents secteurs. Il a montré « que la pratique professionnelle n’est pas un domaine d’application de théories élaborées en dehors d’elle. » C’est un « lieu » qui permet la résolution de problèmes nouveaux par la production constante de nouvelles solutions et par conséquent de nouvelles compétences professionnelles. (recherche et Formation n°36, 2001, p.5)
204Il distingue :
- La réflexion dans l’action, c’est-à-dire en cours d’action
- Et la réflexion sur l’action, celle que l’on conduit a posteriori sur sa propre action qui devient alors objet de réflexion.
Dans le cadre de notre étude
205Nous nous intéresserons par deux fois à la réflexion sur l’action menée a posteriori :
- L’une centrée sur l’étudiant et guidée par le formateur, au retour de stage dans la situation d’exploitation de stage à partir de l’expérience des étudiants vécue en situations professionnelles.
- Et l’autre sur la pratique du formateur au moment des entretiens de confrontation.
206Le plus souvent, il priorise ce dont il a immédiatement besoin pour agir, sa réflexion est rapide et guide sa décision immédiate.
207Son objectif est d’être vite opérationnel, renforcé actuellement par les effectifs restreints dans les services.
208De plus, il n’a pas toujours l’occasion d’être confronté à des situations formatrices qui demandent une réflexion plus poussée de sa part et le référent prend vite le relais face aux difficultés rencontrées.
209Et Pierre PASTRE d’écrire qu’ « il est probablement vain de vouloir faire coïncider dans l’apprentissage l’action et sa compréhension. Toujours un écart se creuse, qui est peut-être en définitive une des grandes chances de la pensée. Car ce qu’on n’a pas réussi à faire en cours d’action, on peut toujours espérer le réussir plus tard, quand on aura fini par comprendre le sens de ce que l’on a fait, et de tous les errements par lesquels on est passé. » (Revue Française de Pédagogie n°138, 2002, p.16)
210La réflexion, hors du feu de l’action, est donc à prendre en charge par le formateur.
211C’est pourquoi, nous partageons l’idée nécessaire « d’accompagner la réflexion après coup pour aider l’élève à se dégager de l’action immédiate et d’engager les élèves dans un processus de réflexion sur l’activité professionnelle. » (Initiatives n°1, p.11)
212Le rôle du formateur en IFSI est donc de développer l’analyse guidée de l’activité en créant des espaces didactiques où les étudiants peuvent confronter leurs pratiques ou celles de leur référent de stage ainsi que les connaissances relatives à ces pratiques apprises à l’IFSI. C’est à lui de mettre l’étudiant dans des conditions qui favorisent la prise de conscience et lui permettent de conceptualiser cette situation.
213Pour l’étudiant, réfléchir sur l’action, c’est prendre sa propre action comme objet de réflexion, c’est s’observer comme sujet d’une pratique professionnelle et c’est par la pensée qu’il va revenir sur l’action.
214Au formateur, de guider les étudiants, d’intervenir dans leur « zone de proche développement », de provoquer le déséquilibre nécessaire qui leur permette de rechercher une solution au problème et d’acquérir de nouveaux schèmes donc de se développer.
215Afin de concrétiser les propos énoncés dans le cadre théorique, nous nous proposons de réaliser une démarche d’analyse du travail du cadre de santé formateur dans le domaine de la formation infirmière, lors de séances de retour de stage des étudiants, encore appelées exploitation de stage.
216Nous avons introduit notre recherche par la problématique suivante :
217Quelles sont les pratiques de formation mobilisées par les formateurs lors des temps d’exploitation de stage institués au retour des stages ? Permettent-elles d’utiliser les différents écarts de l’alternance mais plus largement l’expérience des situations professionnelles, pour optimiser le processus de « développement de l’étudiant en vue d’une meilleure intégration des connaissances par celui-ci »?
218Et défini l’hypothèse comme suit :
219Le rôle du formateur, au retour du stage, est de guider l’analyse réflexive afin que les connaissances pragmatiques des étudiants soient utilisées pour développer la nature des significations qu’ils leur attribuent et conceptualiser les situations professionnelles et que les connaissances théoriques trouvent une voie explicative et compréhensive pour l’action.
220Cette hypothèse guidera la suite de notre travail.
Du cadre théorique à la méthodologie de recherche
La démarche
221Il ne nous a pas été nécessaire, au préalable, d’étudier le métier de formateur et d’identifier les différentes tâches qu’il réalise puisque nous avons exercé ce métier durant 8 ans et qu’actuellement nous formons les formateurs des IFSI, nous avons donc souhaité cibler directement le retour de stage, guidé par notre problématique de départ.
222Cependant, nous pouvons supposer qu’il existe bien d’autres moments dans la formation où les formateurs font appel à l’expression de l’expérience des étudiants.
223Notre choix d’observer ce moment précis a aussi été guidé par le fait que ce temps d’exploitation de stage est présent dans tous les IFSI ; nous avons donc un support identique pour toutes nos observations.
224Pour procéder à une analyse du travail, notre première étape est de repérer les éléments de la tâche prescrite dans les documents internes élaborés par les IFSI puisque les textes législatifs relatifs à la formation infirmière n’en font pas référence, puis nous nous appuyons sur 4 observations enregistrées de séances de retour de stage, complétées par des entretiens auprès des mêmes formateurs pour analyser leur activité professionnelle.
Un travail méthodologique
Les premiers contacts
225Nous profitons d’une réunion des directrices de différents IFSI pour présenter notre projet de recherche qui est accueilli favorablement.
226Les directrices se proposent de le communiquer à leurs équipes pédagogiques.
227Puis nous recevons une programmation des retours de stage des étudiants infirmiers de 4 IFSI avec le nom des formateurs volontaires pour participer à notre étude.
228Un IFSI ne répond pas.
229Les observations vont porter sur les retours de stage des étudiants de 1ière année de 3 IFSI puisque la proposition des dates du 4ième correspond à nos propres jours de formation.
230Cependant nous ne retenons pour notre étude que 2 sites dont les situations sont relativement identiques, c’est-à-dire animées par des formateurs.
231L’expression de l’expérience du vécu de stage du 3ième IFSI est guidée par un binôme formateur - psychologue. Nos lectures centrées sur l’analyse du travail et plus particulièrement dans le champs de la didactique professionnelle, associés aux tutorats collectifs et à notre journal de bord nous aident à cibler la problématique et à formuler l’hypothèse de recherche.
Regard sur la tâche prescrite
232Les principes pédagogiques énoncés dans la présentation du programme des études mentionnent :
« Articulation de la formation autour des connaissances professionnelles, des aptitudes, des attitudes personnelles de l’étudiant et de son projet professionnel ; Cohérence entre les objectifs de la formation, les principes pédagogiques et les pratiques professionnelles ».
234Ce sont les seuls repères que nous avons identifiés relatifs à la tâche prescrite.
235Nous avons donc plus spécifiquement consulté les projets pédagogiques des deux IFSI afin de repérer s’ils font référence au retour de stage ou à l’expérience vécue en stage, de même que les fiches pédagogiques relatives à l’exploitation de stage constituées par les formateurs.
Mise en place du dispositif d’enquête
L’observation
236L’analyse du travail implique une méthode de recueil de données.
237Nos avons choisi l’observation, un outil qui permet de recueillir des données qualitatives et surtout de comprendre les comportements, les pratiques se déroulant dans des situations données et au moment où elles se produisent.
238Nous choisissons l’observation directe, continue et naturelle, enregistrée, ce qui a consisté à aller sur place, voir des situations se dérouler en temps réel mais aussi écouter, entendre.
239En fonction de notre questionnement de départ, nous nous sommes attachées uniquement au dialogue entre formateurs et étudiants avec enregistrement au magnétophone. Ce dernier nous paraît plus discret que l’enregistrement vidéo.
240Les formateurs ont accepté l’enregistrement en toute simplicité et avec une grande compréhension, quant à nous, nous avons adopté une position de « neutralité bienveillante » dans le but de rendre notre présence la moins gênante possible. Nous avons du négocier à chaque fois avec les étudiants la distance du magnétophone.
241L’unité de lieu et d’acte significatif par rapport à notre objet de recherche est constant : la salle de cours et l’exploitation du retour de stage par le formateur.
242Nos prises de notes durant la séance et au-delà compléteront les retranscriptions.
Description des constituants de la situation
243Dans un premier temps, nous présentons les constituants communs aux 4 situations observées ; les spécifiques seront traités pour chaque situation ultérieurement.
Le lieu
244Notre connaissance des différents IFSI guide le choix des lieux, elle facilite aussi les prises de contacts avec les différents formateurs.
245Nous nous limitons volontairement à ces données car nous nous sommes engagées à préserver leur anonymat.
Le choix du public observé
246Les formateurs observés sont tous volontaires, le niveau d’expérience n’est pas un critère de choix, il est cependant hétérogène, les étudiants en 1ière année de formation, un choix de notre part.
Le moment retenu pour observer
247Suite à nos différentes prises de contact, les observations sont prévues pour les retours du 2ième et 3ième stage aux dates qui ont été planifiées par les formateurs. Elles ont lieu entre janvier et avril. Un temps de préparation et d’exploitation est planifié à chaque départ en stage par les formateurs.
248L’exploitation se réalise en principe dès les 1ier jours de retour à l’IFSI.
La durée
249Les séances sont programmées en moyenne sur 2 heures.
250Chaque exploitation est précédée d’une intervention de notre part pour une prise de contact, accompagnée d’une explication de l’objet de notre présence et se termine par nos remerciements.
Les entretiens
251Des entretiens avec les formateurs complètent nos observations.
252Ils ont deux buts :
253• Le premier entretien permet d’identifier les représentations des formateurs au regard de l’exploitation de stage.
254Nous entendons par représentation mentale « un substitut de la réalité, une construction intellectuelle momentanée, qui permet de donner du sens à une situation, en utilisant les connaissances stockées en mémoire et / ou les données issues de l’environnement, dans le but d’attribuer une signification d’ensemble aux éléments issus de l’analyse perceptive. » Le sens donné par les formateurs de l’exploitation de stage va donc influencer leur manière d’agir pendant la séance de retour de stage. Nous le prendrons en compte dans l’analyse.
255Cet entretien est conçu autour de 3 questions ouvertes :
- au niveau du concept : Quel terme utilisez-vous pour nommer cette séance de retour de stage ? Que signifie pour vous ce retour de stage ?
- Au niveau de l’évocation : Qu’est-ce qu’évoque pour vous le retour de stage. Au niveau de l’action : Comment pensez-vous vous y prendre ? Quelles sont les questions que vous vous posez pour animer ce type de séance ?
256Le déroulement des entretiens :
257Ils ont eu lieu une fois l’analyse des observations réalisée et ont duré 2 heures.
258Les formateurs ont montré une grande disponibilité et un vif intérêt à ce retour sur l’action.
259Nous avons commencé par les entretiens sur les représentations suivis des entretiens de confrontation. Ils ont été enregistrés.
La retranscription
260Elle a constitué une phase longue et rigoureuse à raison de 7 à 8 heures pour 1’heure d’observation.
261Un problème d’audibilité amenuise la restitution des observations, liée principalement à l’utilisation du magnétophone qui ne permet pas d’enregistrer les discours distants de l’appareil.
262Nous avons aussi retranscrit les entretiens.
La méthode d’analyse
263Nous cherchons à comprendre comment le formateur guide l’analyse réflexive, hors du feu de l’action, à partir de l’expression de l’expérience des étudiants, vécue en situation professionnelle, pour leur permettre de développer, d’élargir leur capacité d’agir dans les situations de travail.
264Nous cherchons à analyser plus particulièrement comment le formateur, à partir d’un objet présenté par un étudiant, agit, aide à la progression, à l’évolution qui amène au développement de l’expérience. Notre objet d’analyse est donc la situation de restitution et le rôle du formateur.
265Nous nous appuyons sur les retranscriptions des observations enregistrées des exploitations de stage. Notre analyse se réalise en 2 étapes :
266• Tout d’abord une analyse descriptive de la séance : Elle consiste en une mise à plat de ce qui se passe.
267Nous nous imprégnons du contenu de chaque séance. Le découpage est réalisé en fonction de ce que nous cherchons et du déroulement du dialogue. Nous repérons les différents moments qui présentent une cohérence sémantique, où l’on parle de la même chose, du même objet, nous permettant de découper le corpus en unités dialogales, appelées séquences et nous mesurons la durée de chaque séquence puisque chaque séquence a un début et une fin.
268Qui initie, pilote, clôture les séquences ? Qui change de thème ?
269Nous mesurons la durée totale des interventions, coté formateur, coté étudiants. Nous calculons leur nombre de prises de parole et le nombre d’interactions qui compose les échanges entre formateur et étudiants.
270De plus, nous identifions les différents objets sur lesquels les formateurs interviennent.
271• Puis s’ensuit un travail de décorticage systématique, guidé par toutes les données recueillies. Un zoom sur des éléments, des évènements que nous avons repérés après plusieurs lectures de nos transcriptions, en lien avec notre hypothèse de départ, nous permet de nous centrer sur le « de quoi on parle », donc « sur quoi formateurs et étudiants travaillent-ils ensemble ».
272Il nous faut donc rechercher le « de quoi on parle », ce qui correspond en analyse du travail à l’objet de l’activité de parole. Quel est l’objet transformé ?
273S’intéresser à l’activité de parole, constitue la base même de notre analyse. Lorsque nous parlons, nous agissons comme lorsque nous agissons sur un objet matériel.
274A chaque parole, nous essayons de savoir « de quoi on parle » et à un moment donné, il nous faut repérer les progressions, les évolutions qui se produisent, que nous allons suivre et qui amènent au développement de l’expérience. Il nous faut montrer comment l’intervention du formateur amène à ce développement et si les renvois de l’étudiant peuvent témoigner d’une transformation opérée chez lui.
275Nous analysons, comment le formateur agit, relance, comment il passe de quelque chose de plus ou moins bien formulé, de bribes de quelque chose qui va changer de nom, évoluer, se rattacher à des éléments de connaissances, à des savoirs infirmiers ou à des éléments de l’expérience.
276Nous explorons l’usage que le formateur fait d’un objet présenté par un étudiant, comment cet objet est retravaillé, comment le formateur suscite d’autres productions et comment l’étudiant reprend à son compte des choses qui ont été dites par le formateur. Nous analysons le processus de soutien mis en place par les formateurs pour mener la séance.
277Puis, nous suivons comment il aide à le transformer, à le développer, comment il produit un travail de conceptualisation avec l’apport des étudiants.
278Toute notre progression est guidée par les données.
279De plus, nous retenons les éléments repérés, exprimés par des étudiants et non repris par les formateurs et en quoi ces objets auraient mérités d’être traités.
280Enfin nous analysons le processus de soutien mis en place par les formateurs pour mener la séance.
281L’analyse thématique des entretiens vient compléter ce que nous avons observé, moduler, contredire et enrichir notre analyse.
282L’articulation entre tâche, activité et représentations doit permettre une approche dynamique de l’analyse du travail.
Les limites
283Il nous est difficile de mesurer l’impact de notre présence sur les formateurs et les étudiants, au cours des séances de retour de stage.
284Même si notre présence nous semble avoir été bien acceptée par les formateurs, il ne nous a pas toujours été possible de placer le magnétophone comme nous le souhaitions ou d’utiliser le 2ième magnétophone lors des prises de paroles des étudiants en raison de la réticence de ces derniers.
285De plus, notre manque d’expérience dans l’utilisation du matériel d’enregistrement, pour ce type de démarche, a rendu les échanges pas toujours audibles.
286Plusieurs lectures de nos retranscriptions ont été nécessaires pour analyser le corpus.
287Dans un 1ier temps, nous analysons le travail des formateurs lors des séances de retour du 2ième et 3ième stage de l’IFSI A, puis nous analysons celles de l’IFSI B. L’analyse s’organise en 2 temps :
288Tout d’abord une analyse descriptive du déroulement de la séance, suivie de l’analyse explicative des séquences.
Analyse des 2 situations d’exploitation de stage de l’IFSI A
289Il nous paraît important de prendre connaissance de la tâche prescrite puisqu’elle nous renseigne sur ce que les formateurs sont censés faire de l’exploitation de stage.
290Elle a été définie par la directrice et l’équipe pédagogique dans le projet pédagogique de cette IFSI.
La tâche prescrite
291Pour l’identifier, nous reprenons les éléments du projet pédagogique se rapportant à l’exploitation de stage qui se décline comme suit :
292« Objectif global »
293L’exploitation de stage permet :
- D’exprimer un vécu émotionnel plus ou moins, de « déposer » les émotions, les colères plus ou moins
- Raconter, narrer.
- Identifier les déterminants d’une situation problème (questionnante).
- Mesurer l’écart entre la situation jugée satisfaisante ou insatisfaisante en faisant appel à des référentiels scientifiques, juridiques, éthiques, déontologiques et dans un contexte socio-économique = analyser.
- notion de transfert, capacités à se retrouver dans la même situation en se positionnant différemment, ou à investir une autre situation.
- A repérer ses fondations personnelles,
- A se positionner en regard de ses fondements (ou fondation),
- A se mettre à distance - évolution - jugement – analyse,
- A travailler en équipe : recherche de l’authenticité - vérité - oser dire, autoriser à dire, confronter les idées.
- Travail en petits groupes avec 2 cadres pédagogiques par groupe.
- Tous les étudiants sont invités à s’exprimer.
« L’exploitation de stage animée par un cadre pédagogique permet :
- D’amener l’étudiant à dégager « un profit » de ses expériences par une mise à distance,
- L’émergence d’un ou plusieurs thèmes à partir de situations vécues qui pourront faire l’objet d’un approfondissement dans le cadre d’atelier pédagogique,
- L’utilisation de travaux de recherche demandés lors des périodes de stage en lien avec les modules globaux et transversaux,
- De faire évoluer le projet professionnel de l’étudiant. »
295La prescription présente une richesse dans son approche qui demande cependant une compréhension de la part des formateurs car elle est peu opérationnelle.
296Pour nous, elle représente la conception de l’exploitation de stage de l’équipe.
297Comment chacun se l’approprie-t-il ?
298Nous allons observer des formateurs exercer cette tâche spécifique d’exploitation de retour de stage telle qu’ils l’ont comprise et mise en œuvre lors du retour du 2ième et 3ième stage des étudiants de 1ière année.
Le retour du 2ième stage
Les constituants de la situation
299Caractéristiques des formateurs : Animation en binôme
300Formatrice 2 :
- Diplôme d’état infirmier en 1976
- Diplôme de cadre infirmier en 1984
- 6 ans, infirmière en chirurgie
- 1 an, faisant fonction de cadre infirmier formateur en IFSI
- 6 ans, formatrice (2 ans en IFSI et 4 ans comme responsable de la formation aide-soignante)
- 5 ans, cadre infirmier en service de soins
- Depuis l’été 1995, formatrice dans cet IFSI.
301Cette formatrice a la double expérience de cadre infirmier en service de soin et en IFSI.
302Formations :
- Diplôme Universitaire en Santé Publique
- Diplôme Universitaire en Éthique
- Formation en Analyse des pratiques
303Regroupement des étudiants et organisation de la salle :
304La promotion de 1ière année, soit 65 étudiants, est regroupée dans une grande salle où les tables sont positionnées l’une derrière l’autre.
305Choix du thème de travail :
306Un travail de recherche a été demandé aux étudiants pendant le stage après une décision collégiale.
307Il rentre dans le cadre de la prescription dont nous rappelons la rubrique spécifique qui concerne notre situation :
« L’exploitation permet l’utilisation de travaux de recherche demandés lors des périodes de stage en lien avec les modules globaux et transversaux. »
309Il s’agit d’effectuer un recueil de données auprès d’une personne soignée à un moment donné sur un support réalisé par les formatrices.
310Ce recueil s’inscrit dans les préalables avant d’exécuter un soin. Il est en lien direct avec l’enseignement théorique de la démarche de soin effectuée avant le départ en stage.
311La consigne est la suivante :
- Recueillir des données concernant une personne hospitalisée (la personne, l’environnement, la santé).
- Observer cette personne à un moment donné (manifestations, réponses apportées, par qui, résultats obtenus, commentaires).
312Modalités d’exploitation :
313Les formatrices ont étudié tous les recueils rapportés par les étudiants et ont choisi de travailler durant la séance d’exploitation de stage 7 recueils représentatifs des différents lieux de stage.
314Ce travail s’inscrit sur 3 heures et s’effectue en 2 temps :
- tout d’abord, l’exploitation d’un recueil avec la totalité du groupe d’étudiants.
- puis l’exploitation, en plénière, des 6 autres recueils, travaillés préalablement pendant 45 minutes en groupes de 10 étudiants.
315Notre analyse descriptive porte sur le temps d’exploitation en grand groupe. L’audibilité des enregistrements n’est pas de bonne qualité du fait du nombre d’étudiants et de la configuration de la pièce et ne permet pas d’analyser le rendu des situations travaillées par petits groupes, puis exploitées en plénière.
Analyse descriptive
316Le corpus de la séance représente 23 séquences.
317Les 23 séquences s’étendent sur 1 heure 10 minutes dont 10 minutes de réflexion individuelle demandée par les formatrices avant d’engager la mise en commun.
31817 séquences sont initiées et pilotées par les formatrices.
3196 séquences sont initiées par des étudiants.
320La durée totale des interventions des formateurs représente 50 minutes, celle des étudiants ne peut être chiffrée du fait de réponses en groupe ou inaudibles. Nous pouvons cependant déduire qu’elle a duré 10 minutes.
321En 1h10, l’ensemble des échanges est composé de 153 interactions.
322Les formateurs ont pris 87 fois la parole ; les étudiants 65 fois.
323Les formatrices prennent tout l’espace ; ce qui peut s’expliquer du fait du nombre des étudiants (65) et de la configuration de la salle (tables en rangées). De plus, la formatrice (2) est obligée de tirer le groupe qui n’offre cependant aucune résistance. Les prises de parole des étudiants en témoignent mais les réponses sont très courtes.
324Elle utilise le peu que lui redonnent les étudiants, cependant elle le récupère bien et relance à chaque fois.
325Le contenu du déroulement de la séance de retour de stage (schéma n°1) est représenté par le schéma page suivante, il reprend les différents objets sur lesquels les formatrices interviennent.
326Le descriptif du déroulement de la séance nous a donné une vision globale de la situation, avec ses différentes séquences que nous complétons par l’analyse explicative des séquences.
327C’est pourquoi, nous nous centrons sur l’analyse de l’activité, de l’usage et du développement des objets par les formatrices, dans la situation d’exploitation du retour de stage.
Analyse explicative des séquences
328Dans cette situation, les formatrices partent de quelque chose qui relève du savoir infirmier, des savoirs enseignés à l’IFSI ; tout est mené dans ce sens. Nous sommes guidés par un mode général d’action organisée, « Penser, organiser le soin », relevant du savoir infirmier et l’expérience va servir à traiter, à illustrer, à pragmatiser et à acquérir ce mode d’action.
La consigne
329Le travail demandé part du recueil de données. C’est l’objet de la consigne donc l’objet du travail dans cette situation et il part de l’action.
330En ce sens, la consigne définit littéralement la situation, elle l’oriente d’une certaine manière même si les réactions des étudiants influent aussi ; elle constitue la prescription, but du travail.
331Elle permet d’orienter l’activité des étudiants et en même temps de passer un contrat entre formateurs et étudiants.
332Le but, un des composants du schème, est de penser le soin.
333L’action pour penser le soin est d’effectuer le recueil de données pour une personne soignée à un moment donné (1ière étape de la démarche de soin infirmière).
Les autres séquences
334Tout au long du descriptif de la séance d’exploitation de stage, nous sommes guidée par le discours de la formatrice(2), prioritairement centré sur la qualité des informations recueillies par l’étudiant concernant la situation de Mr ALAIN.
335La question est bien de savoir si ses données nous permettent de connaître cette personne et si elles sont suffisamment précises pour agir, en tant qu’infirmière, en prodiguant des soins infirmiers adaptés.
336Par conséquent, nous citons des éléments du discours de la formatrice se rapportant à la qualité des informations recueillies :
• « Ces données sont insuffisantes, imprécises, incomplètes, un recueil de données, ça ne se fait pas n’importe comment. »
Il devient le basique qui va me permettre ensuite de penser le soin, donc le recueil de données part sur des données qui sont précises, fiables et qui sont pertinentes et objectives.
Là, en tout cas, quand on dit que pour penser le soin, je dois m’appuyer sur le recueil de données, là les données qui me sont proposées, je me dis il y a des choses qui me manquent, moi si je suis infirmière et que je reprends cette situation. »
Contenu du déroulement de la séance de retour du 2ème stage
Contenu du déroulement de la séance de retour du 2ème stage
- « Je vois encore que c’est une manifestation qui ne va pas me dire sur quel signe je me suis appuyée pour dire qu’il est en manque d’alcool ; le recueil de données est là encore imprécis, incomplet, insuffisant ; il faut que je travaille mes données recueillies et que je sois capable de les écrire d’une manière précise qui permette à ma collègue de savoir ce qui m’a fait dire qu’il était en manque d’alcool. » ensuite, elle prolonge la réponse d’un étudiant :
- « Ça c’est très important ce que vous venez de dire d’où la précision du recueil de données. »
- « Le recueil de données est vraiment un élément fondamental, qui ensuite va permettre l’analyse de la situation ; donc là le recueil est imprécis.
La précision du recueil de données, c’est quelque chose que vous devez bien enregistrer. »
339Elle identifie aussi d’autres invariants opératoires : La fiabilité, la pertinence, l’objectivité et plus loin l’observable.
340Les invariants opératoires exigent de noter les indicateurs qui correspondent aux manifestations observées chez la personne soignée en référence à la démarche de soin.
- « Disparition des signes de manque ; là encore quels sont les signes ? »
342Par conséquent, elle peut aller plus loin, en demandant aux étudiants de nommer les indicateurs et en leur faisant trouver les moyens d’agir en regard de ces indicateurs car ce sont ces manières d’agir qui aident à une conceptualisation pratique.
343Toutefois, elle leur rappelle des propositions tenues pour vraies :
- Si je n’ai pas de connaissances théoriques, je vais avoir des difficultés à penser le soin.
- Si je n’ai pas de résultat, est ce que tout a été bien pensé ? bien fait ?
- Je dois être capable d’écrire mes données d’une manière précise qui permette à ma collègue de savoir ce qui m’a permis d’avancer telle chose.
- Plus les données sont précises, moins elles sont sujettes à interprétation et, plus du coup, la cohérence dans les soins pourra être gardée.
- Alors que si ma donnée n’est pas précise, un autre soignant peut l’interpréter et modifier l’acte de soin.
344Elle s’en sert comme un instrument pratique, comme une théorie pragmatique, qui va permettre aux étudiants de repérer les besoins de la personne soignée, d’identifier la satisfaction ou la non satisfaction de ses besoins et d’adapter ensuite les actions de soins.
345En même temps, elle procure un ensemble d’idées, de réflexions, de concepts qui permettent aux étudiants d’atteindre mentalement un niveau supérieur, en référence à la notion de « zone proche de développement » de VYGOTSKI. (Jérôme BRUNER, 2000, p.91).
346Elle les aide à développer le concept de santé.
- « Vous avez dit : il satisfait seul ses besoins fondamentaux.
Honnêtement, quand je satisfais seul mes besoins fondamentaux, je suis comment ?
En santé, vous êtes d’accord, donc, je n’ai pas compris que cet homme ne soit pas en santé puisqu’il satisfait seul ses besoins ses fondamentaux.
Ca ne vous a pas interpellé ?
Alors ça veut dire quoi ? Si je pars du principe que cet homme qui a quarante ans, qui satisfait seul ses besoins fondamentaux, je me dis que cet homme est en santé. » Un étudiant :
- « C’est qu’il n’a pas de handicap. »
La formatrice :
- « Ça, c’est intéressant, s’il n’a pas de handicap, c’est bon, il est donc en santé ; mais en fait, il est à l’hôpital !»
Un étudiant :
- « Il n’y a pas que la santé physique. »
La formatrice :
- « C’est pourquoi je vous provoque, bien sûr qu’il n’y a pas que la santé physique, qu’est- ce qui du coup anime cette réflexion quand je dis il n’y a pas que la santé physique ? sur quoi repose votre réflexion ? »
Un étudiant :
- « Il y a la santé psychique. »
La formatrice :
- « Et pourquoi vous dites ça qu’en satisfaisant seul ses besoins, il n’est pas en santé ? C’est quoi pour vous la santé ? »
L’étudiant : inaudible
La formatrice :
- « C’est quoi, ça, qui étaye votre réflexion : la santé, l’être humain, c’est quoi ça ? début de première année. » L’étudiant :
- « Les conceptions »
La formatrice :
- « Les conceptions, bien sûr. Alors, c’est fabuleux, dans les réflexions que vous apportez, je trouve ça fabuleux quand vous dites : «il est en santé puisqu’il n’a pas de handicap et là, quand je suis dans ce genre de réflexion, il faut que j’interroge mon concept de soin, mon concept de la santé, si non, ça veut dire que cet homme, comme il n’a pas de handicap physique, je le considère en santé. Attention, je dois donc élargir, affiner, modifier ma conception de la santé. »
348Ce cadre théorique est en même temps une grille de lecture du malade, de la situation, qui permet au soignant d’ajuster son comportement, ses actions.
349Elle apporte aux étudiants un instrument pour l’action et dans le discours qui suit, elle en fait la « démonstration », telle qu’on la retrouve dans le processus de soutien de BRUNER avec la présentation d’un modèle.
350Elle leur montre son utilité, sa faisabilité sur le terrain, dans une situation réelle pour que ceux-ci en comprennent, à leur tour l’utilité, puissent se l’approprier et le mettre en action en stage.
351Cette séquence procure « un étayage » pour enseigner la référence (Jérôme BRUNER, 2000, p.95) :
- « Il faut, que l’étudiant qui a fait son recueil de données et qui a inscrit ça, se dise quels sont les besoins que j’ai pris en compte pour dire qu’il satisfait seul ses besoins fondamentaux.
Quand je prends la liste de Virginia Henderson :
• Communiquer : Satisfait seul ses besoins fondamentaux. Manifestation : mutisme
Alors, je me dis, là, dans la communication, il y a quelque chose qui ne va pas, donc, je me dis : voilà un besoin qu’il ne satisfait pas.
• Apprendre, par rapport à sa maladie : il fume, il boit de l’alcool.
Pour prendre soin de sa santé, c’est quelqu’un qui doit être en difficulté.
Après, j’ai pris :
• Éviter les dangers : au niveau physique, quand il a 4 grammes d’alcool dans le sang et sur le plan psychologique, quand je vois qu’il est dépressif, ça m’interroge.
• Se recréer, s’occuper en vue de se réaliser : chômeur, isolé, CMU.
C’est pour vous montrer, que votre conception de l’être humain, de la santé, du soin, vont également influencer « votre penser le soin », ça va drôlement vous guider dans le choix de vos actions.
Parce que, si pour moi, il satisfait ses besoins, je vais le regarder comme quelqu’un d’alcoolique avec peut être la constatation négative qu’on peut avoir sur l’alcoolisme (il boit, il n’a que ce qu’il mérite), alors que, si je le regarde avec une conception humaniste, je vais me dire que cet homme, il est en danger, il est en grande difficulté, il va falloir l’aider.
Vous voyez que ma manière d’aborder cette personne va s’en trouver modifiée.
J’invite l’étudiant, qui a fait ce recueil, à se dire comment je vais regarder cet homme, avec quel titre ?
Avec le titre des besoins physiques ? Ça veut dire, qu’il y a quelque chose qui m’échappe, ça veut dire que dans ma conception de l’être humain, je ne vois qu’une dimension qui est physique alors que, là, dans notre situation, la dimension psychologique, elle est forte, la dimension sociale, elle est forte au même titre que la dimension physique de la pathologie ; vous avez compris, mes conceptions vont influencer mon penser le soin, d’accord ?»
353Les 14 besoins constituent des variables qui renseignent sur l’état de santé de la personne. Elles font partie du cadre théorique déjà construit ; elles sont apportées d’emblée par la formatrice pour interpréter l’état de dépendance ou d’indépendance de la personne soignée, à partir de la satisfaction ou de la non satisfaction de ses besoins.
354Et finalement, la formatrice est vraiment « la conscience pour deux » ; elle est explicitement « la conscience déléguée »décrite par BRUNER puisqu’elle intervient sur les raisonnements et les conditions de réussite de l’action, à la place des étudiants. Quand elle le fait dans cette situation et pour les étudiants, c’est bien pour qu’ils se l’approprient comme leur propre élément de compétence.
355« Penser et organiser le soin » est quasiment un concept mais aussi un but en même temps, un mode de pensée qui permet de traiter beaucoup de buts. Pour penser le soin, « je dois faire comme ça » ; pour penser le soin je dois m’appuyer sur le recueil de données.
356La formatrice met à la disposition des étudiants une manière de penser son action, de raisonner son action, donc une aide à penser l’action qui peut correspondre à une forme de méta-connaissance.
357Dans la 11ième séquence, la formatrice (2), exerce, plus spécifiquement, une fonction de « réduction des degrés de liberté », appelée ainsi par BRUNER ; « cela implique une simplification de la tâche par réduction du nombre des actes :
- « Je vous invite, à vous centrer sur la situation, ici, parce que quand on échafaude des hypothèses, déjà on va en échafauder sur une situation qui est à peu près nommée, mais si on se met à échafauder d’autres hypothèses, on est encore en train de réfléchir ; je voudrais que vous vous arrêtiez sur la situation qui est celle-ci, c’est déjà compliqué. »
359Dans l’échange dialogique des 18, 19 et 20ièmes séquences, la formatrice reprend le mutisme qui constitue une caractéristique déterminante pour l’action infirmière. (Jérôme BRUNER, 1983, p.278)
360Nous suivons son action sur le concept du mutisme :
- « Si on reprend déjà le mutisme, c’est pour vous une manifestation ? »
Les étudiants :
- « Bein oui. »
362Mais, c’est aussi la variable organisatrice, la variable essentielle pour organiser l’action infirmière avec cette personne muette, c’est donc aussi l’invariant opératoire.
363Puis, elle commence un travail de conceptualisation en renvoyant les étudiants aux manifestations du mutisme qui sont en d’autres termes les indicateurs :
- « Le mutisme correspond à ? Comment je vais observer le mutisme ? »
Les étudiants :
- « Par rapport à la clinique. »
- « Son comportement. »
D’autres étudiants inaudibles.
365La réponse trop générale des étudiants l’amène à préciser sa question :
- « Alors, c’est intéressant ce que vous dites là ; ça veut dire, quand on dit manifestation, recueillir des données objectives et ou subjectives.
Quand on qualifie quelqu’un de mutique, il faut que l’on ait des données précises, c’est-à-dire ?
Et elle énonce les indicateurs du mutisme :
- Est replié sur lui-même
- Ne me regarde pas
- Ne regarde pas le soignant quand il rentre
- Ne répond pas aux questions
- Semble complètement s’isoler.
Il y a des caractéristiques du mutisme, d’accord, donc la manifestation en elle-même serait plutôt mutisme, donc le chapeau sur un ensemble de signes que j’ai observés. »
L’étudiant :
- « Une cible. »
La formatrice saisit le dire de l’étudiant :
- « Oui, ça serait plutôt une cible si vous avez regardé dans les dossiers de soins les transmissions ciblées avec les données : replié sur lui-même, ne répond pas à mes questions, ne me regarde pas… »
367L’intervention de la formatrice a produit l’effet attendu puisque l’étudiant reconnaît une cible.
368La réponse de cet étudiant montre bien qu’elle cherche à construire du sens entre le langage des disciplines enseignées à l’IFSI et le langage du travail.
369En effet, les transmissions ciblées sont une méthode de travail pour organiser l’information infirmière.
370Elles ont pour objectif d’opérationnaliser le suivi infirmier afin de permettre un meilleur suivi de l’évolution de l’état de la personne soignée, en sélectionnant les aspects les plus significatifs.
371La cible se définit comme un ou deux mots qui décrivent un aspect précis de la personne de façon concise. C’est le centre de l’action infirmière ; ce qu’elle cible lorsqu’elle agit.
372Et, nous pouvons nous demander si nous n’avons pas une trace, un repère de construction de la reconnaissance des mesures spécifiques de transmissions écrites du travail infirmier.
373Ce passage présente donc une configuration particulièrement formatrice.
374Peut-être avons nous identifié un moment de résolution où la transformation s’est opérée chez cette étudiante ?
375Du reste par son action, la formatrice aide les étudiants à identifier la structure de l’action et leur offre l’occasion de produire un recueil de données représentatif de ce type de situation et donc, une conduite infirmière spécifique à une personne mutique.
376Puis, elle renvoie à nouveau les étudiants au schème du recueil de données.
377Elle entre par la variable organisatrice : la précision, un concept pour l’action, et la suite de l’énoncé de son intervention correspond à la structure de propositions tenues pour vraies :
- « Je dois donc donner des signes observables qui sont le plus précis possibles.
Il ne faut pas que j’oublie, je suis là que huit heures donc, ça veut dire que je passe le relais à mes collègues.
Il faut qu’elles aient des éléments précis à observer pour ensuite dire il est toujours aussi mutique ou au contraire, il a évolué parce qu’il a répondu à ma question, il était moins replié sur lui-même.
Donc voilà, une manifestation, c’est quelque chose qui est précis, là ça manque de précision, d’accord. »
379Puis, elle reprend les moyens d’agir, énoncés dans le recueil de données de l’étudiant.
380Elle démontre, comme dans l’étape de démonstration du processus de BRUNER.
381(Jérôme BRUNER, 1983, p.278), l’inadéquation entre les moyens d’agir et les indicateurs qu’elle a qualifiés auparavant d’imprécis :
- « Ensuite, vous dites, la réponse ne nous semble pas cohérente, c’est sûr que le mutisme, bien l’installer, ça veut dire quoi ? le rassurer, comment ? Qu’est- ce- que vous avez fait ? C’est quoi le rassurer ? Pour quel résultat ? Aucun, si pas de résultat, est-ce que tout a été pensé ? Bien fait ?
Vous comprenez, on est là dans quelque chose de l’ordre de l’imprécision, mais j’ai envie de dire, c’est normal que ce soit imprécis, parce que déjà les manifestations ne sont pas précises donc, à partir du moment où la manifestation n’est pas précise, le soin va rester dans quelque chose de global et général, d’accord, là, je suis dans quelque chose du soin un peu routinier pas trop pensé, d’accord. »
383Tout au long de la séance, elle cherche vraiment à ce que les connaissances théoriques trouvent une voix explicative et compréhensive pour l’action.
384Elle est d’une certaine manière en train de mettre à la disposition des étudiants « le comment je pourrais me parler à moi-même » pour utiliser mes connaissances théoriques pour « penser et organiser le soin ».
385C’est elle, qui à chaque fois relance, qui fait des mises en relation et toute la séance d’exploitation est orchestrée par le va et vient connaissances et situation de soin rapportée.
386Et, si elle ramène sans cesse aux connaissances, c’est bien dans une perspective d’action. Elle se sert des connaissances partagées collectivement pour étayer les connaissances individuelles.
387Comme par exemple :
- « À travers l’analyse qu’on va faire et de vos différentes prestations, vous allez voir comment on peut encore améliorer cette approche du milieu professionnel et puis bien sûr mobiliser, compléter, approfondir, vos connaissances théoriques et là encore au regard des situations, on va justement se rendre compte que les connaissances que F(1) vient de vous faire remémorer, connaissances que vous aviez apprises sur le plan théorique, ici à l’IFSI, comment ces connaissances, vous en avez besoin, on en a besoin en tant qu’infirmière pour justement penser, organiser un soin.
On est bien dans cette notion d’apprentissage où il faut à la fois allier le champ théorique et le champ pratique, clinique.
On ne peut pas se couper l’un de l’autre, on est sans arrêt en train de faire des va et vient et c’est bien aussi les connaissances, qui vont nous être utiles, quand on va en stage pour avoir à penser le soin. »
- « Si je prends, par exemple, la maladie alcoolique, elle est abordée dans un module global de 2ième année qui sera le module de psychiatrie alors que tout ce qui est de la relation soignée, comme la distance thérapeutique, je vais l’aborder à travers les connaissances d’un module transversal qui est le module de sciences humaines. Là encore, je vois bien que les connaissances abordées dans les différents modules me sont nécessaires pour penser le soin. »
- « Alors, voilà, c’est là où je dis que j’ai besoin de connaissances pour comprendre parce que les tremblements disparaissent juste en le rassurant, c’est quand même fabuleux dans la maladie alcoolique, vous le comprenez ?
- « Ça montre bien en quoi, les connaissances théoriques me sont utiles, pour faire le choix d’actions de soins qui aient du sens. Je vois que mes connaissances m’aident pour comprendre. »
- « C’est là, que mes connaissances vont m’aider parce que je vais apprendre la maladie alcoolique, on va bien me dire les effets secondaires : le sevrage et tous les signes qui vont être déclinés, bien sûr, les tremblements vont être dedans tout à fait, donc mes connaissances, j’en ai besoin pour penser le soin ; alors là, je le rassure, on lui donne un traitement médical, qui le donne ? Mais en tout cas c’est fabuleux, il n’y a plus de signe de manque. »
389Ce que nous pouvons aussi noter à la lecture des retranscriptions de cette situation d’exploitation de stage, c’est l’usage que la formatrice fait des instruments de la culture dans son discours, des éléments très matériels, concrets qui lui permettent de mener à bien ses interventions, par exemple : le recueil de données, le projet pédagogique, le décret du 11 février 2002, relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier, la théorie de Virginia Anderson, avec les besoins fondamentaux et la conception de soin, le rôle infirmier avec le raisonnement clinique, le concept de responsabilité, le concept d’évaluation, la situation de précarité d’une personne.
390De plus, elle ramène aux éléments de l’expérience avec ces éléments très concrets qui font partie du travail infirmier mais aussi du travail tel qu’il est réglementé.
391Par exemple :
- « On a des données législatives que l’on doit prendre en compte et que penser un soin, vous le verrez dans une autre situation tout à l’heure, c’est flagrant, c’est aussi se référer, sur le plan théorique, à tout le contexte législatif qui règle notre profession et nous, en l’occurrence, c’est notre décret qui a été modifié en février 2002, donc il va falloir que je regarde ce décret et quand même au niveau des médicaments, je vois que le médecin est là, donc dans cette situation là, attention de déjà faire vivre notre rôle infirmier ; d’accord ? ça me paraît quelque chose de fondamental : on est à l’entrée et on voit que le médecin est là, donc voilà, le décret relatif à l’exercice infirmier, va nous permettre de décider de ce que je peux faire à partir de mon rôle propre, de mon rôle sur prescription médicale, donc en fait, les choses sont relativement bien positionnées. »
393En définitive, ce qui est soutenu dans cette situation d’exploitation de stage, c’est l’activité de diagnostic de la formatrice. (Traité de psychologie cognitive 2, 19, p.158)
394Elle la met en scène, elle met en paroles son raisonnement d’activité de diagnostic.
395Elle parle du recueil de données mais en réalité, il s’agit bien d’un véritable diagnostic de la situation d’une personne soignée particulière, dans la situation rapportée, et au regard du rôle infirmier.
396Au fond, ce n’est pas simplement le recueil de données pour élaborer un diagnostic infirmier.
397Il y a des invariants opératoires qu’elle essaie de faire acquérir et ils sont en lien avec les champs conceptuels médicaux, infirmiers, législatifs.
398Son action, c’est aussi d’inscrire, que tout ce qui est avancé, est ancré dans tous ses savoirs.
399Elle intègre une « activité de compréhension, c’est-à-dire d’organisation d’un ensemble d’éléments en une structure significative ».
400Elle leur montre « le lien entre le diagnostic et l’action ».
401Elle décrit toutes les erreurs, les bifurcations, qui se produisent au repérage de certains indices de situation mais aussi les erreurs d’interprétation de ces indices et combien les connaissances jouent un rôle majeur, qu’elles sont à mobiliser dans le repérage et l’interprétation des indices.
402Elle contrôle souvent. Par exemple :
- « Quand il n’y a pas de résultat, il faut impérativement ré-interroger les différentes étapes, qui est- ce- qui l’a fait ? Si je n’ai pas de résultat, est-ce que tout a été bien pensé ? bien fait ? »
- « Qu’est- ce-qui va nous aider à repérer si c’est du rôle infirmier ou si c’est du rôle médical ? »
404La compréhension permet « une décision pour l’action. »
405De plus, elle introduit des bouleversements, des déstabilisations, des déséquilibres cognitifs qui s’apparentent aux « conflits sociaux cognitifs », définis comme une « dynamique interactive, caractérisée par une coopération active, avec prise en compte de la réponse ou du point de vue d’autrui, et recherche, dans la confrontation cognitive d’un dépassement des différences et contradictions pour parvenir à une réponse commune ». (Pédagogie, dictionnaire des concepts clés, 19, p.)
406Quand elle s’en sert, ça lui permet d’expliquer, pourquoi ce qu’elle avance est différent, de réfuter des éléments du recueil de données rapportés par l’étudiant ou énoncés par d’autres étudiants, de les faire évoluer jusqu’à ce que les schèmes d’action se modifient et deviennent performants.
407Cette stratégie lui permet aussi de renforcer la motivation d’apprendre et de maintenir « l’intérêt, l’adhésion » des étudiants, en référence à la « fonction d’enrôlement » du processus de soutien de BRUNER.
408À partir du schème de Gérard VERGNAUD, le schéma page suivante (n°2) représente le schème du recueil de données, avec l’action de la formatrice enrichie des fonctions qu’elle met en œuvre, et de son activité de diagnostic, dans la séance de retour du 1ier stage.
Entretien avec la formatrice
La confrontation
409Elle s’effectue à partir de points clés de l’analyse. Tout d’abord, la formatrice montre son adhésion à notre analyse.
- « Je me retrouve »
411Et s’explique au fur et à mesure de nos questions :
412Par rapport à la consigne :
413Elle a conscience que la consigne part des savoirs infirmiers pour aller explorer et recueillir les données du terrain.
414Cette stratégie soutient fortement son intention.
415Puis, elle va tenter de formaliser la manière dont elle s’y est prise durant la séance.
416Par rapport à la théorie de Virginia Henderson :
- Elle lui donne du sens. Elle renforce le fait qu’elle l’utilise comme un instrument pratique au lieu d’un « truc d’école. »
- Elle ne la présente pas comme quelque chose de rigide, de figé, mais elle la transforme en quelque chose de pragmatique, de « drôlement utile » pour recueillir les données auprès de la personne soignée, et elle cherche ainsi, à le démontrer aux étudiants pour emporter leur adhésion.
- En même temps, elle leur montre aussi combien le diagnostic infirmier, enseigné en école, enrichit les actions infirmières sur le terrain.
- Elle vise constamment à mettre en interaction les dimensions théorique et pratique de la formation infirmière.
- Tout ce qu’elle développe est en lien avec les soins infirmiers et trouve du sens dans l’action.
- Elle les aide à transformer des connaissances théoriques en compétences opératoires.
Action de la formatrice au cours de la seance de retour de stage
Action de la formatrice au cours de la seance de retour de stage
417Elle met en mot ses actions :
- Elle raisonne à voix haute pour apprendre à raisonner aux étudiants.
- Elle formule ainsi sa pratique :- « Je me dis A, comment tu en es arrivé là ? Et du coup, je remonte, je remonte et c’est dans ma tête que ma pensée essaie de se découper, je suis passée par là, par là. »
418Elle explique aussi :
420Elle leur apprend donc à penser, à lire la théorie avec l’action, que « ça ne soit pas cloisonné, ici on apprend la théorie, et à l’hôpital on va faire. »
- « C’est un exercice qui demande beaucoup d’énergie mais c’est là où je prends le plus de plaisir. »
422C’est pour elle le moyen de donner du sens à l’action infirmière et en même temps à son métier de formateur.
423En effet, les étudiants peuvent imiter les gestes sans connaître les buts, souvent ils ne regardent que l’apparence de l’activité, il n’imite que l’action.
424De plus, il est nécessaire, pour elle, que l’étudiant se projette dans cette fonction d’infirmière, se mette dans « la peau » d’infirmière, qu’il se détache de son statut d’étudiant.
425Notamment en cours d’intervention, elle a pour habitude de leur dire :
- « Sur le terrain, qu’est- ce- qu’on dirait en équipe ?» et alors elle sent parfois, à leur discours, à leur comportement, « qu’ils ont remis la blouse et sont sur le terrain ; Quand on est en réflexion, on se dit infirmière dans le service et je suis le cadre infirmier du service. »
427Le discours de la formatrice est piloté par ses conceptions.
428Elle a une conception, une vision explicite de l’articulation théorie- pratique qu’elle traduit dans l’exercice de son métier de formateur.
429Sa manière de s’y prendre rejoint aussi ses convictions personnelles sur la place du formateur dans une formation par alternance.
430Elle découvre avec nous la notion de « zone proche de développement » notamment :
- « Ça, je le sens bien entre le début et la fin de la 2ième année ; c’est étonnant justement comme quoi, pas chez tous les étudiants mais une majorité, la réflexion s’est développée. On sent une richesse dans leur propos au niveau de leur conception, on sent que les choses se sont élargies, vraiment moi je le sens, c’est étonnant oh là là …comme ils s’ouvrent. »
432Du reste, elle cherche à accroître leur autonomie de raisonnement.
433Par ailleurs, c’est un avantage pour elle, d’avoir été formatrice en 1ière année, où sont étudiés tous les concepts, les bases théoriques ; elle peut ainsi mieux établir les liens entre théorie et clinique, donner du sens à l’action, enrichir les soins infirmiers, avec les étudiants de 2ième année dont elle est responsable actuellement.
434Nous complétons l’entretien par ses représentations.
Ses représentations sur le retour de stage
435Le tableau suivant représente la synthèse de l’entretien au niveau des 3 dimensions retenues (concept, évocation, action).
436L’exploitation évoque quelque chose en elle ; elle existe à l’état de représentation et elle nous en donne sa propre interprétation liée à sa propre vision de l’exploitation de stage. Elle oriente sa conduite du retour de stage et détermine ses choix pédagogiques.
437Ses représentations sont donc des guides pour son action :
438La formatrice utilise l’expérience de stage, elle interroge l’action, le sens que l’étudiant donne à son action.
439Elle considère les situations de travail comme des situations formatrices puisqu’elles les utilisent comme situations de formation.
En résumé
440Dans cette séance, la consigne part des savoirs infirmiers (la démarche de soins et plus spécifiquement le recueil de données), pour trouver une voie explicative et concrète sur le terrain.
441Elle est donnée avant le départ en stage et le travail de recherche est à réaliser durant le stage pour être exploité au retour à l’IFSI.
442La formatrice(2) est bien ici la personne ressource, qui aide ces débutants, à partir de l’analyse réflexive d’une situation professionnelle, à atteindre ce niveau supérieur, leur permettant de développer la nature des significations des connaissances pragmatiques, puis de se distancier de celles-ci et de les emmener jusqu’à la conceptualisation en utilisant sans en avoir conscience des bouts de schème.
443Dans cette situation d’exploitation de stage, la formatrice est bien là à faire référence au travail soignant, à parler du travail soignant, tout en étant hors de l’espace travail, dans le but de guider les étudiants à s’approprier les situations de travail.
444C’est bien elle qui aide les étudiants à identifier la structure de l’action et plus spécifiquement les composantes de l’organisation de l’action, c’est-à-dire le schème.
445En somme, elle leur offre l’occasion de produire des conduites propres à « effectuer un recueil de données précises pour une personne soignée à un moment donné », 1ière étape de la démarche de soin.
446Elle leur permet ainsi de pouvoir réaliser un recueil de données représentatif de l’ensemble des recueils de données qu’ils auront à effectuer en situation professionnelle.
447Le dispositif de soutien mis en place par la formatrice, dans cette situation de retour de stage, rejoint celui décrit par BRUNER dans « le rôle de l’interaction de tutelle dans la résolution de problème. »
448Quant à sa stratégie, elle présente aussi les caractéristiques d’une activité de diagnostic.
449L’entretien de confrontation avec la formatrice et l’expression de ses représentations du retour de stage vont bien dans le sens, que tout ce travail de guidage, hors du feu de l’action, revient bien à l’institut de formation et plus particulièrement à la formatrice, par son statut, ses compétences techniques et pédagogiques.
450Tâche, activité et représentations forment un tout cohérent.
451Pour conclure, nous pouvons considérer cette situation comme source potentielle de développement de l’expérience pour les étudiants.
Le retour du 3ième stage
Les constituants spécifiques de la situation
452Caractéristiques des formateurs
453Formateur 1 :
- Diplôme d’état infirmier en 1995
- Expérience d’infirmier en milieu psychiatrique (intra et extra hospitalier)
- Faisant fonction de formateur depuis septembre 2002
- Formations : Au débriefing, Analyse transactionnelle
- Projet de formation : La formation de cadre de santé en vue d’être formateur en IFSI
- Diplôme d’état d’infirmier en 1968
- Diplôme de cadre infirmier en 1981
- 9 ans infirmière en chirurgie
- 2 ans Faisant fonction de cadre infirmier
- 11 ans Cadre infirmier en centre hospitalier
- 5 ans Cadre supérieur de santé en établissement de personnes âgées
- Depuis mars 1997, formatrice dans cet IFSI, elle a participé à la construction du projet pédagogique.
- Cette formatrice a la double expérience de cadre infirmier en service de soin et en IFSI.
- En management, en pédagogie et d’analyse des pratiques
- Répartition des 65 étudiants en 4 groupes
- F1 et F2 exploitent le retour de stage de 20 étudiants de psychiatrie et de pédiatrie
- Profiter de l’expérience de psychiatrie de F1 pour orienter le retour de stage sur le travail des émotions. Il a organisé le déroulement de la séance de façon autonome.
- Identifier les émotions réveillées en situation professionnelle
- La mise en évidence des intentions du formateur est formalisée sur une fiche distribuée aux étudiants. Cette fiche reste d’un usage personnel et s’énonce ainsi :
454Au cours de votre stage, avez-vous éprouvé une de ces émotions :
- De la tristesse
- De la peur
- De la colère
- De la joie
455Si non, comment avez-vous géré des circonstances particulières ? (Décès, conflit, frustration….) Quelles ressources avez-vous trouvées, utilisées ?
456A l’issue de ce stage, quelles difficultés persistent ? Comment pensez-vous les résoudre ? Avec quels moyens ?
457Organisation de la salle
458Les étudiants sont installés en cercle avec les 2 formateurs.
459Modalités d’exploitation
460Faire réfléchir les étudiants pendant 10 minutes sur la situation professionnelle qu’ils ont retenue, guidés par la fiche élaborée par le formateur.
461Puis, partager avec le groupe cette situation et répondre aux différentes questions soulevées, guidés par les formateurs.
Analyse descriptive
462Nous avons découpé le contenu de la séance en 13 séquences.
463La totalité des séquences représente 1 heure 30 minutes.
46413 séquences sur 15 sont initiées et pilotées par un formateur.
465L’autre formatrice intervient à l’intérieur des différentes séquences.
4662 séquences sont initiées par 2 étudiants mais pilotées par le formateur.
467Nous remarquons que les interventions sont pilotées par les formateurs, elles sont initiatives, celles des étudiants sont en réponse aux questions des formateurs, elles sont donc réactives.
46811 étudiants sur 20 ont exprimé une émotion, 9 n’ont pas pu s’exprimer, la durée de l’exploitation étant terminée. La prise de paroles de 21 minutes des étudiants en pédiatrie est-elle en cause ?
- Pour 3, l’émotion est en lien avec une situation professionnelle vécue en stage.
- Pour 7, l’émotion se rapporte à la qualité de leur encadrement en stage.
- 4 sont satisfaits et 3 insatisfaits éprouvent de la colère.
- Pour le 11ième étudiant, l’émotion négative est liée aux résultats de son évaluation clinique.
469Les formateurs ont pris 165 fois la parole ; 176 prises de parole d’étudiants ont été comptabilisées.
470En 1h30, l’ensemble des échanges est composé de 341 interactions.
471Le schéma page suivante (n°3) représente le déroulement de la séance de retour de stage du point de vue de son contenu.
Analyse explicative des séquences
472Dans cette situation d’exploitation de stage, nous sommes guidés par l’expérience. Le formateur propose de recueillir les émotions éprouvées dans une situation professionnelle spécifique et de travailler sur la manière dont les étudiants ont agi dans cette situation. Il part directement du travail.
473Il ne s’agit pas de l’exploitation d’un travail de recherche demandé avant le départ en stage.
La consigne
474Le travail demandé part des émotions, c’est l’objet de la consigne.
475Le formateur part d’emblée de l’action et c’est en cela que les émotions peuvent concerner l’analyse du travail ; l’identification des émotions est liée à l’action et l’action professionnelle constitue l’objet du travail.
Contenu du déroulement de la séance de retour du 3ème stage
Contenu du déroulement de la séance de retour du 3ème stage
476Il existe dans toute interaction des dimensions cognitives, sociales et affectives mais notre observation portera uniquement sur la dimension cognitive.
477Sinon, comment travailler sur les émotions des étudiants ? Le formateur a une compétence limitée dans ce domaine, il va rester très général même si nous reconnaissons que l’approche psychologique des émotions est nécessaire en formation infirmière.
478En regard de notre contexte théorique, il s’agit en somme pour le formateur de transformer quelque chose qui relève de la personnalité, de l’histoire de vie de l’étudiant en conceptualisation ; c’est donc reconnaître « la fonction de libération de la connaissance. » Par la compréhension, l’étudiant pourra atténuer son ressenti.
479La question, c’est bien, « qu’est-ce-que j’en fais pour agir, en quoi elle m’empêche d’agir et en quoi je peux la transformer, m’en servir pour agir ?»
480Elle nous amène plus précisément à :
« Comment agir en situation professionnelle quand je ressens de l’émotion ? »
482La consigne définit donc la situation de travail du groupe et oriente l’activité des étudiants.
483Dans cette situation, elle peut correspondre à la 2ième fonction décrite par BRUNER, dans le processus de tutelle. (Jérôme BRUNER, 1983, p.277)
484Il s’agit de la « réduction des degrés de liberté. » En effet, les émotions exprimées par les étudiants, doivent être liées à l’action.
485Si la consigne a été bien posée au départ, «Identifier les émotions réveillées en situation professionnelle », le fait d’avoir ajouté : « Au cours du stage avez-vous éprouvé une de ces émotion » n’a-t-il pas éloigné les étudiants de leurs situations professionnelles ?
486Le formateur a un rôle « de maintien de l’orientation » afin d’éviter que les étudiants ne s’orientent vers un autre but (Jérôme BRÜNER, 1983, p. 278), cependant, il a laissé les étudiants exprimer leur colère par rapport à l’encadrement de stage, ce qui lui permet d’exercer le « contrôle de la frustration » des étudiants. (Jérôme BRUNER, 1983, p. 278).
487L’émotion ressentie par rapport à l’encadrement des étudiants en stage n’est pas liée au travail humain mais aux relations avec les autres, à leur statut, à leur positionnement dans le stage.
488Si ce problème n’est pas l’objet de notre travail, apprendre le travail, c’est aussi pour l’étudiant, apprendre à se positionner dans le cadre du stage, à trouver sa place. La dimension de son positionnement dans le groupe, dans les normes, les échelons de l’organisation du travail fait partie de la compétence professionnelle et l’insertion sociale est à traiter par le formateur.
489Habituellement, la séance de retour de stage s’organise en 2 temps :
490• La 1ière étape permet aux étudiants de déposer leur ressenti, les difficultés rencontrées, de s’exprimer sur leur satisfaction ou non-satisfaction à l’égard du stage, de leur encadrement.
491En effet, il n’est pas possible d’imaginer que ceux-ci soient uniquement pilotés par la raison et les connaissances objectives, cette étape est donc jugée nécessaire par l’ensemble des étudiants et des formateurs.
492Et nous avons montré qu’elle permet au formateur de « contrôler la frustration » des étudiants.
493• Quant à la 2ième étape, elle concerne la plupart du temps, l’exploitation de travaux de recherche effectués pendant le stage en lien avec les enseignements réalisés à l’IFSI.
494Dans la séance de retour de stage observée, la 1ière étape n’a pas eu lieu ; le fait que la consigne parte des émotions ne peut-elle pas expliquer le retour rapide des étudiants à exposer les problèmes liés à leur encadrement de stage ?
Les autres séquences
495Tout au long de la séance et à chaque fois que le formateur initie une séquence, il est bien dans cette fonction d’enrôlement décrite par BRUNER (1983, p. 277) où le formateur cherche l’adhésion du groupe envers les exigences formulées dans la consigne.
496Nous reprenons la 7ième séquence (pages 64 et 65) car la situation de restitution est représentative des échanges entre formateurs et étudiants qui produisent des effets de ré élaboration chez les étudiants à partir du travail du formateur.
497Dans cette séquence, l’aide apportée par le formateur va produire une certaine prise de conscience de la part de l’étudiant et elle est favorable au développement de l’expérience.
498Pendant la situation de restitution de cette étudiante, nous pouvons suivre la dynamique de l’évolution, à partir des échanges entre formateurs et étudiants.
- Nous partons de la question sur l’émotion, objet de la consigne pour la transformer en situation de travail. D’emblée l’identification des émotions est liée à l’action qui nous amène à la question :
• Comment agir quand je ressens une émotion en situation de travail ? Ici la colère, l’agacement.
Les actions semblent pour des débutants, étudiants infirmiers en milieu de 1ière année inhibées, difficiles à trouver : «On se sent impuissant » - Au fond le pouvoir d’agir est à trouver ; le pouvoir d’agir professionnel, mais n’est-ce pas la compétence de l’infirmière ?
Il est à repérer chez le soignant : « Alors, je demande à l’équipe qui sait faire » - Et non seulement l’étudiante ne sait pas comment faire mais en plus, elle ne sait pas comment faire dans le cadre normatif, dans le cadre de son statut de stagiaire. «Je n’avais pas le droit en tant que stagiaire »
Elle s’interroge donc sur la manière de faire ici mais aussi comment faire ici en tant que stagiaire.
Les étudiants nous montrent que dans la situation, source d’agacement, ils vont chercher des ressources dans l’équipe, en parler aux autres, que cet agacement, au départ individuel, est en fait partagé par les membres de l’équipe.
Ils découvrent en situation de travail que le malade se montre plus envahissant vis à vis de certaines personnes et même que le plus nouveau, en l’occurrence l’étudiant, est encore plus agacé du fait d’un manque de pouvoir d’agir. - Cependant, elle découvre son pouvoir d’agir dans cette situation, le pouvoir d’agir sur soi-même : «Je peux me maîtriser, dans un autre contexte, je n’aurais pas été aussi calme, ici je n’avais pas le droit, il était hospitalisé. »
499Et, c’est ce contexte qui lui permet de le faire sans être dans l’effort.
500Avec l’aide du formateur, les étudiants vont identifier un ensemble d’éléments de compréhension, des moyens qui élargissent leur pouvoir d’agir.
501Nous pouvons montrer comment, dans le cadre des échanges, l’intervention du formateur guide le retour de l’expression de l’expérience, vécue en situation professionnelle, centrée sur l’agacement, et amène au développement de l’expérience.
502Les tours de paroles s’organisent et nous pouvons suivre le travail d’élaboration du formateur à partir des interactions entre formateurs et étudiants.
503Nous pouvons suivre comment l’agacement est transformé, traité et comment il évolue dans la situation professionnelle rapportée.
504Pour commencer, le formateur relance l’agacement autour des éléments de l’expérience d’un étudiant : « colère, agacement par rapport à un patient qui n’a aucune limite, qui est très envahissant, je ne pouvais pas l’arrêter. »
505L’identification des émotions est liée à l’action, au pouvoir d’agir :
- « Je sentais par rapport à la posture du soignant que vous auriez aimé pouvoir maîtriser la situation. »
507L’étudiant se situe alors dans la relance, dans le prolongement de la suggestion du formateur et reprend à son compte :
- « Il aurait fallu que je me maîtrise » et en plus, elle ajoute :
« il devenait trop envahissant », ce qui provoque sa crainte.
509Les paroles de l’étudiant nous renvoient à ses propres limites et à la posture du soignant qui doit maîtriser la situation et qu’elle souhaite acquérir.
510Puis, en reprenant le fait que le patient est envahissant, le formateur prolonge à son tour et confirme ce que vient d’énoncer l’étudiant, il l’amène à passer de l’émotion agacement à l’agacement comme résultat d’un comportement de la personne soignée (l’envahissement).
- « Il était envahissant, ça provoquait de l’agacement pour vous. »
512Nous avons un effet de décentration tout à fait Piagetien dans le sens où nous passons de l’émotion pour soi à l’analyse de ce qui dans la situation produit des émotions ; décentration de l’émotion agacement, ressentie par l’étudiant à l’émotion agacement comme résultat du comportement envahissant de la personne soignée.
513C’est donc l’envahissement qui est identifié comme cause de la colère et de l’agacement chez l’étudiant du fait de son manque de savoir-faire avec cette personne et le manque de moyens pour gérer la situation :
- « Parce que, vous ne saviez pas comment faire, quelque part vous étiez en colère contre vous de ne pas avoir certains outils pour pouvoir la gérer. »
515L’affirmation de l’étudiante, « bien sûr », renforcée par l’intonation qui manifeste une adhésion totale de sa part, relance l’énoncé affirmatif du formateur et traduit une certaine force, même si elle représente une satisfaction faible en référence à la théorie des actes du langage.
516L’intérêt de repérer, dans l’enchaînement conversationnel, des effets de satisfaction chez l’étudiant serait de pouvoir lier sa satisfaction au processus de transformation qui s’opère en elle, grâce au travail d’élaboration du formateur.
517Puis, le but directif de l’énonciation d’une question par l’autre formatrice :
- « Le bénéfice que vous pourriez dire a posteriori de cette expérience, ce serait quoi ? Quelque chose que vous avez appris sur vous ?» permet à l’étudiante de découvrir son pouvoir d’agir : le pouvoir d’agir sur soi-même.
- « Je peux me maîtriser, dans un autre contexte, je n’aurais pas été aussi calme, ici je n’avais pas le droit, il était hospitalisé. »
519L’étudiante prolonge dans le sens de la 1ière interprétation de la question, elle prolonge ce que dit la formatrice et donc d’une certaine manière, elle satisfait encore plus l’acte puisque l’explicitation apportée constitue la trace d’une vraie satisfaction.
520Et, c’est bien le travail de la formatrice qui permet de produire ce résultat et de faire progresser la réflexion de l’étudiant. Nous pouvons suivre cette progression, cette ré-élaboration à partir des évolutions de paroles.
521Puis, la formatrice réagit sur l’agacement, elle propose de quantifier l’agacement par rapport à l’envahissement de la personne et d’identifier le propre degré de tolérance à l’agacement de chacun.
522L’agacement devient l’objet du travail collectif.
523Elle mesure l’agacement, c’est-à-dire, elle essaie de faire trouver des indicateurs :
- « A partir de quand une personne agace ? A votre avis, à partir de quand un patient agace ?»
525Les étudiants satisfont sa proposition :
- « Ça dépend des personnes. »
527La réponse est reprise par la formatrice, elle demande de la concrétiser en faisant appel à l’expérience :
- « Pour vous, ou d’après votre expérience, ça sera à partir de quand ? »
529Il s’ensuit 2 réponses générales :
- « Quand on n’a plus la patience de le supporter. » (l’étudiante est centrée sur elle)
- « Quand il a dépassé les limites. » (l’étudiant se décentre et se réfère à la personne soignée.
531La formatrice appuie :
- « Donc voilà, c’est important de dire quand un patient aurait dépassé la limite qui est la mienne. »
533En reprenant la limite, « elle signale une caractéristique déterminante » pour l’action (en référence au processus de soutien de BRUNER) mais la formatrice s’arrête.
534Elle ne reprend pas cette notion des limites qui lui permettrait de poursuivre le travail de conceptualisation, de faire trouver aux étudiants les propriétés, les indicateurs spécifiques de la limite par la question :
535Ces limites, c’est quoi, ça veut dire quoi ?
536Cette question renverrait les étudiants à une prise de conscience de leur propre limite et permettrait de travailler sur les indicateurs,
537Est-ce-que-c’est quand le malade s’approche de trop prêt ?
538Quand il parle trop fort
539Quand il touche une personne…
540de s’apercevoir que les limites des uns ne le sont pas pour les autres, qu’un geste agressif pour l’un ne l’est pas pour l’autre, de découvrir que certains hospitalisés peuvent présenter des comportements qu’ils n’avaient pas imaginés.
541Mais il faut poursuivre en sortant l’objet du travail, c’est-à-dire prendre l’objet de la limite à l’extérieur et commencer à conceptualiser :
- La limite constitue la variable organisatrice donc l’invariant opératoire puisque c’est elle qui va servir pour l’action. C’est la variable la plus essentielle pour organiser toute son action dans cette situation. (action sur l’autre et sur soi-même)
- Le travail du formateur consiste à recueillir, auprès des étudiants, les indicateurs. Ceux-ci doivent spécifier ce qu’est la limite pour chacun, permettant ainsi à la fois de généraliser la notion de limite mais aussi de particulariser pour certains.
- Une fois les indicateurs définis, il faut trouver les moyens d’agir :
542Quand il parle fort,
543Quand il me regarde avec insistance
544J’agis comment ?
545Toutes ces manières d’agir aident à une conceptualisation pratique.
546Dans la suite de la séquence, différents éléments, énoncés par les formateurs, mais aussi grâce aux interactions et confrontations verbales entre étudiants, sont mis en évidence avec des moyens de comprendre et des moyens d’agir :
547• Le comportement de la personne soignée varie en fonction de l’âge, du sexe, du statut du soignant donc il n’est donc pas lié à la personne, à la personnalité, au physique de l’étudiante mais peut être dû au fait qu’elle est la plus jeune, qu’elle est une femme, la dernière arrivée et puis qu’elle est stagiaire.
548Tous ces éléments aident les étudiants à comprendre. Il est donc possible de mettre en relation les comportements de la personne soignée avec certaines des caractéristiques de l’étudiant sur lesquelles il ne peut agir mais qui aident à la compréhension des évènements.
- De même, la référence aux connaissances médicales permet d’expliquer le comportement envahissant du patient. En réalité, son comportement est lié à sa pathologie, il est donc normal que cette personne soit incapable de construire, de mettre en œuvre la distance proxémique sociale en raison de sa pathologie.
- De plus, en relançant, en prolongeant, la formatrice guide les étudiants pour arriver à mettre en évidence, comme ils l’ont fait pour le cadre de contrainte du stagiaire, le fait que l’agacement, individuel au départ, est collectif puisque symptôme de la maladie de ce patient et qu’il est encore plus accentué chez le débutant (donc l’étudiant) du fait de son inexpérience.
- La formatrice propose le contrat de soin comme « instrument » pour agir, le rôle de l’équipe, c’est-à-dire les autres, le collectif, la voix, l’autorité sont aussi des moyens d’agir.
549Reprenons et déclinons les éléments du schème :
550• Le but : il s’agit pour l’étudiante de maîtriser la relation de soin avec une personne soignée envahissante.
551Il y a donc la situation de relation de soin avec cette personne envahissante et la propre personne de l’étudiante ; ce qui sous-entend que l’étudiante doit maîtriser la personne soignée mais aussi se maîtriser.
552Son activité est double. Elle porte sur le comportement envahissant de la personne soignée et sur son état émotionnel.
553• Les règles d’action :
554Si le patient est envahissant :
- je peux utiliser le contrat de soins,
- je peux utiliser la voix,
- je peux faire preuve d’autorité,
- je peux demander l’aide de l’équipe.
- Le formateur suggère des règles de compréhension :
- Si la personne soignée est hors limite, c’est peut être dû à mon statut, à mon âge, à une pathologie particulière.
- Ce sont des composantes de l’organisation de l’action.
- Des variables sont traitées : les limites supportables, le comportement envahissant.
555Mais le formateur s’arrête, il ne fait pas les liens entre les variables et les règles d’action et entre les différents composants du schème. En quelque sorte, il n’y a pas de schème de destination, alors qu’il a la possibilité d’entrer par n’importe lequel des composants du schème puisqu’ils sont liés les uns aux autres et effectuer une mise en relation entre les différents composants.
556Quant à l’étudiant qui se propose d’agir comme la professionnelle agit, la formatrice ne tranche pas. Elle ne pourrait acquiescer que si le groupe de professionnels en place convient que l’étudiant doit agir comme une professionnelle.
557Dans l’alternance conversationnelle, certaines expressions comme « bien sûr, oui, on en parlait toujours » témoignent donc d’un effet de satisfaction.
558Et, lorsque l’étudiant prolonge ce qu’a dit la formatrice, en dit plus, explicite, développe, il satisfait encore plus l’acte que dans le simple «oui, bien sur », c’est une vraie satisfaction qui peut correspondre à une ré-élaboration.
559Par contre, il est difficile de repérer des traces de moments de résolution où la transformation est réellement en train de s’opérer chez Nadège.
560Le schéma page suivante (n°4) permet de visualiser comment le formateur reprend, traite, transforme l’émotion de l’étudiant, vécue en situation professionnelle, et d’en suivre l’évolution lors d’une séquence d’une séance d’exploitation de stage.
561Il permet de visualiser les étapes du développement d’une question émotionnelle mais plus largement aussi du développement de l’expérience grâce aux effets produits par le travail du formateur.
562Puis, nous complétons notre analyse par des entretiens auprès des formateurs que nous avons observés en situation de retour de stage.
Entretien avec les 2 formateurs
La confrontation
563Tout d’abord, elle permet aux formateurs d’expliciter les buts poursuivis puis de s’exprimer sur la consigne :
Par rapport aux buts des formateurs
564La formatrice 2 s’exprime ainsi :
Dynamique de l’évolution de l’émotion : Décentration et processus de conceptualisation
Dynamique de l’évolution de l’émotion : Décentration et processus de conceptualisation
566De manière habituelle, il y a un enseignement qui est valable pour tous ; ce que vient de dire un étudiant, ça rapporte un élément qui est transférable pour un autre.
567Notre souci à nous, c’est de se dire, ce qui est énoncé, en quoi ça m’enseigne en tant que futur professionnel.
568Le schéma du plus au moins émotionnel, c’est exactement ce qu’on vise, tout à fait.
569L’exploitation de stage est un lieu qui nous permet aussi de faire du lien avec ce qui a été fait précédemment, de faire des boucles. »
Par rapport à la consigne
570L’arrivée de F1 (infirmier avec une expérience de psychiatrie) leur a permis de se questionner sur leur manière d’exploiter le retour de stage et d’orienter le retour du 3ième stage sur un travail sur les émotions.
- « L’idée, c’était de les éveiller à ressentir ce qui se passait pour eux dans des situations particulières, pour qu’ils prennent conscience que c’est quelque chose de normal et puis apprendre à faire avec dans la relation de soin. »
Par rapport au non respect de la consigne dans la suite de la séance
572Les formateurs prennent conscience que les émotions n’étaient plus liées à une situation professionnelle mais à un ressenti douloureux, par rapport au vécu de stage, chez certains étudiants mais l’expliquent :
- « Le but, c’est aussi qu’ils puissent l’exprimer, c’était autre chose, mais c’était ça qui les avaient atteint et quelque part, c’était vraiment à nous qu’ils pouvaient le dire. »
- « Je me rappelle le non verbal de S ; elle regardait de chaque côté en ayant l’air de dire quand est-ce-que ça s’arrête, est-ce-qu’elle était gênée ?
573Du coup, c’est un temps qui était plus libre d’expression qu’on n’a pas réellement analysé, j’ai conscience qu’on n’avait perdu la maîtrise de l’exploitation aux moments où les étudiants venaient se plaindre en fait. »
« Ce qui s’est passé avec S. relevait de l’analyse de pratique, on n’avait donné aucune information sur ce que ça pouvait être et je pense que S. n’était pas à l’aise, c’était nouveau, inhabituel et ça demande une préparation. »
575Par contre, « elle n’a pas créé de résistance, elle a accepté de se laisser conduire, elle était vraiment le terrain d’une expérience. »
576Puis d’apporter des explications sur des points spécifiques.
Par rapport aux moyens d’agir
577Les réponses des formateurs renforcent notre analyse.
578Effectivement les connaissances sont indispensables pour comprendre la pathologie mais aussi la situation :
- « Ce sont les connaissances qui me permettent de comprendre comment je dois me positionner. »
580De plus, ils s’expliquent sur ces moyens d’agir ; il leur était donc tout à fait possible de les faire trouver aux étudiants :
- « Il n’y a pas de positionnement standard, c’est dans la posture du soignant, le soignant est plus droit, plus ferme intérieurement dans la posture, il ne bouge pas, regarde la personne, le ton de sa voix est très posé et c’est son positionnement droit qui fait autorité.
582Et les étudiants apprennent la posture en observant les professionnels. »
Par rapport à leurs modalités d’intervention
583Le fait d’être deux permet une répartition des rôles : Un formateur anime et l’autre observe ou vient aider l’animateur « en panne », prend le relais pour donner la parole à un autre étudiant alors que « l’animateur est encore habité par l’histoire qui vient de se dire. »
584Et les moyens d’agir, énoncés par la formatrice, ont pour but de vérifier auprès des étudiants ceux qui semblent les plus pertinents car, pour elle, c’est l’étudiant qui possède la réponse, il a observé les postures des professionnels pendant les 4 semaines de stage.
585Finalement, les formateurs sont bien dans cette dynamique d’analyse des situations de travail pour la formation.
Les représentations des 2 formateurs du retour de stage
586Pour le formateur 1, le but de l’exploitation de stage est de favoriser l’expression et l’analyse du vécu de stage des étudiants, en regard des situations de toute nature et en particulier des situations négatives.
587A juste titre, il rappelle que la consigne oriente la situation, si bien que stratégiquement, il demande aux étudiants de rapporter les points positifs du stage pour que tous enchaînent sur le positif sauf pour ceux pour qui les situations ont été vraiment trop difficiles à vivre.
588De plus, dans sa représentation, il nomme exploitation de stage, l’analyse du vécu de stage et la différencie nettement de l’exploitation d’un travail réalisé en stage.
589Pour la formatrice 2, elle nomme aussi l’expression du vécu de stage « exploitation de stage » et l’exploitation d’un travail réalisé en stage « analyse des pratiques. » L’expression du vécu de stage se traduit aussi par l’évocation de phénomènes douloureux qui permettra au stage ultérieur d’être abordé d’une façon plus enrichie c’est-à-dire « qu’est-ce-que je peux tirer comme enseignement et sur quoi je peux m’appuyer pour la prochaine fois. »
590La représentation de ce qu’elle met en œuvre, dans ce moment, s’appuie sur les étapes du déroulement de l’exploitation de stage prescrit dans le projet de formation de l’IFSI qu’elle a construit collectivement. La lecture qu’elle fait de la prescription correspond tout à fait à la prescription de son institution.
591Elle lui donne du sens.
592Tâche, activité et représentation sont en harmonie. Par ailleurs, elle explique qu’elle sollicite les étudiants pour favoriser les échanges et les interactions. Elle met alors en lumière le rôle des autres dans le développement de l’expérience des étudiants.
593Finalement, leurs représentations sont aussi des guides pour l’action. Du reste, ils s’appuient sur leurs propres représentations pour agir.
En résumé
594Nous reprenons les éléments de cette séance d’exploitation de stage qui produisent des effets, par le travail des formateurs, et qui constituent une configuration favorable au développement de l’étudiant :
595• Le formateur provoque un retour réflexif sur les émotions vécues en situation professionnelle, la consigne part directement du travail, aucune directive n’est donnée à l’étudiant avant de partir en stage.
596Le dispositif d’accompagnement des formateurs rejoint le processus d’étayage et de soutien dont parle BRUNER.
597• Dans la 7ième séquence
598L’objet du travail est l’agacement, il va être traité comme la relation de soin :
- entre l’envahissement de la personne soignée et l’agacement de l’étudiant
- entre le comportement de la personne soignée et l’émotion de l’étudiant infirmier.
599A la suite d’une décentration des émotions, des variables sont travaillées, des éléments de compréhension ont été avancés mais nous n’avons pas l’explication des moyens d’agir en relation avec ces variables ; la conceptualisation pragmatique est donc insuffisante.
600Si elle était plus complète, elle pourrait engendrer des conduites pour une classe de situations : agir avec une personne soignée envahissante, et pourquoi pas, généraliser à toute une classe de situation :
601Agir avec un personne soignée qui provoque des émotions négatives.
602Le rôle du formateur est donc bien d’utiliser les connaissances pragmatiques des étudiants pour les amener à une conceptualisation de la situation professionnelle.
603Si les formateurs arrivent à faire ré élaborer l’expérience, à propos de cette situation, ils ne peuvent généraliser, passer du cas particulier d’une personne soignée avec telle pathologie, avec des variables de situation, à une forme de connaissance très générale ;
604Ce qui permettrait aux étudiants de se servir de ces connaissances pour comprendre et agir dans certaines situations similaires.
605L’expression de leurs représentations a montré qu’elles sont aussi des guides pour l’action.
606Pour conclure, est-ce-que cette exploitation de stage est une situation source de développement pour l’étudiant ?
607Incontestablement, les interventions des formateurs, la consigne de départ, ce qu’ils proposent, la manière de faire développer, constituent des éléments qui produisent une élaboration que nous avons constatée et développée.
608Mais est-ce-que cette élaboration, traduite dans les propos et les réactions des étudiants, produit du développement chez eux ?
609Elle permet un certain potentiel de développement de l’expérience.
Analyse des 2 situations d’exploitation de stage de l’IFSI B
La tâche prescrite
610Dans le projet pédagogique nous pouvons lire :
612Il n’est pas fait référence au travail des formateurs en lien avec cette expérience.
613Ils ne connaissent pas les attentes de l’institution en regard de l’expérience de stage.
Le retour du 2ième stage
Les constituants
614Caractéristiques de la formatrice
- Diplôme d’état d’infirmière en 1980
- Certificat de cadre infirmier en 1988
- 3 ans infirmière
- 4 ans faisant Fonction de formatrice en IFSI
- Depuis 1983, formatrice dans cette IFSI
- Diplôme Universitaire en gérontologie
615Les formateurs exploitent le stage en groupes de suivi pédagogique ;
616Dans notre situation, la formatrice a regroupé les 18 étudiants de son suivi.
617Choix des modalités d’exploitation :
618L’exploitation est prévue en 2 temps ; il s’agit d’un choix institutionnel :
- Un temps d’expression du vécu de stage de chaque étudiant où les étudiants doivent resituer le lieu de leur stage, dire comment ils se sont situés au niveau de leurs pratiques, au niveau de leurs relations avec les personnes, leur intégration dans l’équipe, quels ont été leurs acquis, leurs difficultés ?
- Puis un retour sur le travail demandé en stage relatif à l’anxiété.
619Dans quelles circonstances ?
620Les manifestations objectives, subjectives.
621Les facteurs réels, les facteurs de risque.
622Comment cela est entendu par le soignant ? Est-ce reconnu ?
623Comment détecter une anxiété non dite par le malade ?
624Il leur est demandé un travail écrit qui sera collecté lors de l’exploitation de stage.
625Avant le départ en stage, la formatrice a fait réfléchir les étudiants sur leur représentation de l’anxiété à partir de la question :
« Qu’est-ce-que l’anxiété pour vous ? »
627La réflexion, par écrit, a été gardée par l’étudiant et elle est à rapporter lors de l’exploitation de stage ou à transmettre à la formatrice.
628Une particularité à signaler pour ce retour : les formatrices viennent de leur communiquer la note de leur premier devoir.
629Organisation de la salle
630Les étudiants et la formatrice sont installés en cercle.
Analyse descriptive
631La séquence se divise en 32 séquences.
632La totalité des séquences s’étend sur 1 heure 30 minutes.
63323 séquences sur 32 sont initiées par la formatrice, 9 le sont par les étudiants.
634La durée totale des interventions de la formatrice représente 20 minutes, celle des étudiants 70 minutes.
635En 1 heure 30 minutes, l’ensemble des échanges est composé de 185 interactions.
636La formatrice a pris 99 fois la parole, les étudiants 86 fois.
637Les 18 étudiants se sont exprimés sur leur vécu de stage.
638Seule, la première étape du retour de stage a pu être réalisée.
639La deuxième étape de l’exploitation de stage est reportée la semaine suivante, sur une demie-heure, après la fin des cours.
640Nous représentons le contenu du déroulement de la séquence par le schéma page suivante (n°5)
Analyse explicative des séquences
641Tout au long de ce retour de stage, nous suivons le vécu de stage de 18 étudiants.
La consigne
642Le travail, demandé par le formateur, est que chaque étudiant se situe par rapport à son stage, au niveau de ses pratiques, de sa relation avec les personnes, de son intégration au niveau de l’équipe, de ses acquis, de ses difficultés.
643C’est l’objet de la consigne, donc l’objet du travail dans cette situation est centré sur l’expression du vécu de stage.
644Il ne s’agit pas de rapporter l’expérience d’une situation de travail, c’est-à-dire d’une action réalisée en stage.
Contenu du déroulement de la séance de retour du 2ème stage
Contenu du déroulement de la séance de retour du 2ème stage
645La consigne n’a donc pas de caractère opératoire.
646Et, si comme nous l’avons démontré dans les deux précédentes exploitations, la consigne définit la situation et oriente l’activité des étudiants, nous comprendrons que les discours soient descriptifs, très généraux et restent à l’état de constat.
Les autres séquences
647Dans cette situation, l’étudiant dépose son expérience de stage, son vécu, ses réflexions, ses difficultés, ces questions. C’est un espace de parole qui lui est offert et qui témoigne d’une variété d’expériences mais qui consomme du temps puisque la 2ième étape n’a pu être réalisée.
648Il permet ainsi de mesurer la satisfaction de chacun :
- 11 étudiants sont satisfaits de leur stage
- 1 étudiant a bénéficié d’un encadrement infirmier moyen
- 1 étudiante n’a pas été encadrée sauf une matinée par une aide-soignante :
- « Je me suis débrouillée toute seule. » - 1 n’a pas eu de soutien, 1’autre « a eu du mal à s’adapter »
- Et 3 étudiants n’ont pas exprimé leur degré de satisfaction
649De plus, le fait de permettre aux étudiants de déposer le vécu de stage ne permet-il pas à la formatrice d’exercer la fonction « de contrôle de la frustration » des étudiants ? (Jérôme BRUNER, 1983, p.278)
650Nous reprenons les séquences où les étudiants énoncent des écarts de pratique entre ce qu’ils ont vu et fait et ce qui leur a été enseigné par les formateurs de l’IFSI ; puisque travailler sur les écarts, c’est donner à l’étudiant la possibilité de revenir sur son activité ou sur celle des professionnels de son stage et engager le groupe d’étudiants dans un processus réflexif.
651Séquence 16 :
652L’étudiant rapporte que l’infirmière libérale ne mettait jamais de gants pour réaliser les prises de sang.
653Réponse de la formatrice :
- « Ca nous permet de faire un équilibre entre eux et nos pratiques. »
655Intervention d’une autre étudiante :
- « Mais Mme… qu’est-ce-que vous en pensez, vous ? Est-ce-qu’il faut mettre des gants ? On nous dit de mettre des gants, faut mettre des gants ! »
657A nouveau la formatrice :
- « Ah, je pense qu’elle vous proposerait de mettre des gants si vous en vouliez, mais, c’est vrai qu’on vous donne quand même le conseil d’en mettre. (proposition tenue pour vraie)
659Maintenant, effectivement, une infirmière à domicile, elle connaît très bien ses personnes, ce sont des personnes un peu âgées, (proposition tenue pour vrai) (catégorie en acte), enfin je ne sais pas, c’est son choix, après c’est comme elle évalue qu’elle peut être transmetteur de germes d’une personne à une autre.
660C’est toutes les situations qui sont à observer, (proposition tenue pour vraie) maintenant c’est sûr en terme de prise de sang, d’injection, il vaut mieux quand même en mettre. (règle d’action)
661C’est la réalité actuelle, au niveau des pratiques, vous allez trouver des choses. (proposition tenue pour vraie)
662Il y a longtemps qu’elle exerce ? Les plus jeunes s’y mettent directement, c’est aussi les pratiques, en disant avec les personnes âgées, on ne risque pas grand chose (proposition tenue pour vraie) mais, il y a à un moment donné où on risquera quand même, ne serait-ce-que l’hépatite ; maintenant notre rôle et notre devoir, c’est de vous dire il faut piquer avec des gants. » (règle d’action)
663Séquence 20 :
664L’étudiante :
- « Il y a une chose qui m’a un peu tracassée, j’espère que vous me donnerez une solution. En fait, le matin on donnait les médicaments, ce qui me gênait, c’était de donner des médicaments que je n’avais pas préparés. Il y avait des médicaments déconditionnés, j’allais voir l’infirmière, elle me disait oui, oui, c’est ça, t’inquiète pas.
J’étais pas en confiance, moi, j’aimerais bien avoir une solution, parce que ce système de donner les médicaments qu’on n’a pas préparés, ça me gène vraiment beaucoup. »
666La formatrice :
- « Alors les solutions, pas de solutions miracles, on verra les uns et les autres, comment vous avez fait. Normalement, l’infirmière, elle part faire sa tournée avec le plateau de médicaments, normalement, elle devrait avoir le dossier de soins, (proposition tenue pour vraie) vérifier la prescription, au moment où elle le donne, et le porter elle même. (règle d’action) Alors, je ne veux pas affirmer que l’infirmière qui donne le traitement est celle qui a rempli les cupules mais, déjà, ne déconditionner qu’à la porte de la chambre (règle d’action) et normalement, vous, vous deviez aider, participer, c’est-à-dire accompagner l’infirmière au moins qu’elle soit certaine que vous puissiez donner la bonne prescription ; vous devez être encadrée par l’infirmière.
Normalement, vous ne devez pas donner de médicaments sans avoir vérifié le dossier de la personne. (règle d’action)
La circulaire sur la distribution des médicaments, c’était effectivement, la personne qui prépare est la personne qui donne (règle d’action), le bon geste au bon moment, le bon médicament au bon patient. (prise d’information)
C’est un peu utopique dans la réalité, mais je pense qu’il y a moyen. »
668Et la 28ième séquence où l’étudiant a eu du mal à s’adapter aux protocoles du service différents de ceux enseignés à l’IFSI.
669Réponse de la formatrice :
- « Oui, puis, l’évaluateur, il aime bien aussi voir les choses telles qu’on vous les a dites dans les grandes lignes, on est quand même assez sensible à ça. »
671Dans les séquences sur les écarts de pratiques, rencontrés dans différents services, la formatrice pourrait plus utiliser les éléments du schème qui guide l’action. Ce sont des opportunités pour les formateurs d’aller plus loin que l’énonciation des constats et que le descriptif des pratiques.
672Le constat de l’existence des différentes pratiques ne permet pas à lui seul d’expliquer les causes de ces différences.
673Seule, la connaissance des différents raisonnements de ses acteurs, permet d’expliquer les causes de ces écarts et être source de développement pour les étudiants. La compréhension du travail réel est primordiale.
674Mais, l’étudiant, particulièrement dans les séquences 16 et 20, a aussi à apprendre des situations professionnelles imparfaites, dans le sens qu’il peut apprendre à ne pas retenir, à ne pas reproduire.
675Dans cette situation, l’idée habituelle du terrain comme modèle est inversée.
676Pour cela, c’est au formateur de prendre position, d’assurer la responsabilité de rappeler la légalité.
677Le rôle du formateur, c’est aussi préparer les futurs professionnels à travailler correctement, dans le respect des règles de sécurité, et à modifier certaines pratiques de terrain.
678De même que les organismes de formation ont aussi des exigences par rapport au monde du travail.
679Et le contenu de ces séquences nous informe de la position non conflictuelle de cette formatrice, par exemple : « C’est vrai qu’on vous conseille d’en mettre, enfin je ne sais pas, c’est son choix. » Néanmoins, elle doit profiter de cette situation pour rappeler la légalité et prendre une position affirmée et déterminée, en avançant que la loi est un incontournable, qui doit être respectée par tous.
680Il n’est pas possible de tout expliquer et la position du formateur doit être aussi déterminée par rapport au monde professionnel.
681Dans la séquence 28, où l’étudiant rapporte que les protocoles du service sont différents de ceux de l’IFSI, la compréhension du travail est à développer. Les différences de pratiques entraînent, chez l’étudiant, une déstabilisation qui doit les réélaborer pour les rendre acceptables et la médiation du formateur est nécessaire pour engager et conduire le processus de réélaboration.
682Pour que cette situation constitue une configuration favorable au développement, l’aide, apportée par le formateur, doit permettre à l’étudiant de comprendre les écarts, en revenant sur sa propre activité ou sur celle de son référent ; ce qui lui donne la possibilité d’élargir son domaine de raisonnement et d’action, mais aussi, engage le groupe d’étudiants dans un processus de réflexion qui lui permette de confronter les différentes pratiques, observées ou réalisées en stage, à celles enseignées à l’IFSI.
683Ce sont les échanges langagiers entre étudiants et formateur, à partir du retour sur l’action et de son analyse de l’activité, qui sont sources de développement.
684Ce travail ne peut être réalisé en stage, en cours ou post action, puisque les étudiants, le plus souvent, n’ont pas accès à la verbalisation des prises d’informations, des règles d’action, ni au raisonnement des professionnels.
685De plus, l’avantage pour le formateur, est de pouvoir engager les étudiants dans une analyse comparative des activités.
686Et, pour élargir la pratique du formateur sur le travail des écarts, nous reprenons les éléments sur lesquels peuvent porter les comparaisons, à partir de l’article de P. MAYEN (Initiatives n° 1, 2000, p. 12) : « Résultats obtenus, buts de la tâche, enchaînement des actions pour atteindre les buts, informations prises en compte, langage utilisé, type de contrôle de l’action, stratégies et connaissances mobilisées en situation normale et en situation dégradée.
687Bien entendu, la comparaison et la prise de conscience des écarts doivent être prolongées par une analyse effective des causes de ces écarts pour appréhender les logiques qui prévalent à ces différents écarts.
688Pour cela, les élèves doivent pouvoir décrire les situations dans leurs différentes composantes pour repérer les caractéristiques et les spécificités de chacune d’entre elles et en particulier celles qui peuvent expliquer les écarts de pratiques.
689Les observables sont alors les contraintes de la situation, mais aussi les différences individuelles entre les acteurs, et en particulier entre les maîtres de stage : différences de valeurs, de finalités, de motivations personnelles, de niveau de connaissances ».
Entretien avec la formatrice
La confrontation
690L’entretien permet à la formatrice de porter un regard sur la manière dont elle a conduit le retour de stage. Elle partage notre analyse où l’expression du vécu de stage, à un moment donné, devient « lassant », démobilisateur aussi bien du côté formateur que du côté étudiant, cependant elle module sa réponse.
691La dynamique est totalement différente, en tout début de formation, où les étudiants ressentent le besoin de s’exprimer par rapport à ce qu’ils ont vécu.
692Par contre, plus ils avancent dans la formation, en particulier dès le milieu de la formation de 1ière année, plus ils se « lassent de s’exprimer. »
693Cependant, dans le bilan de fin de formation de 1ière année, les étudiants apprécient de pouvoir s’exprimer à l’IFSI sur le vécu de stage et que le formateur soit personne ressource, en regard des difficultés rencontrées en stage.
694Par rapport aux thèmes qu’ils doivent travailler en stage, la formatrice remarque que les étudiants s’investissent beaucoup plus s’ils sont suggérés par eux plutôt que proposés par les formateurs.
695Mais, pour le moment, ce sont essentiellement les formateurs qui proposent des thèmes à explorer en stage, ils ont conscience que d’autres modalités sont possibles.
696Par rapport aux écarts de pratique, elle apporte 2 types de réponse :
697Tout d’abord, par rapport aux situations de travail dégradées, elle reconnaît que le formateur doit se positionner « catégoriquement » au regard de la norme, de la légalité mais ce problème est constant : « un éternel problème entre la législation, ce qui est autorisé et ce qui se fait dans les services, mais après ça, tu fais quoi ? »
698Le non respect de la réglementation dans les services, pour la préparation et la distribution des médicaments, est lié au manque d’effectif infirmier et la formatrice se sent impuissante devant cette situation. Elle nous fait remarquer qu’elle ne « peut pas toujours critiquer la pratique des soignants. »
699Ce qui peut expliquer son manque de positionnement vis-à-vis des étudiants.
700Quant aux infirmières libérales, elle renforce qu’elles ont les mêmes obligations législatives que les infirmières hospitalières et là encore, elle reconnaît, que c’est au formateur de recadrer, de repositionner la norme, toujours en regard de la réglementation professionnelle.
701Enfin, les différences de protocoles de soins seraient les plus faciles à gérer par les formateurs, puisqu’elles sont liées à la diversification des protocoles, à la différence des situations de soin puisque chaque hôpital les a conçus en fonction de son propre contexte et si l’IFSI crée aussi ses propres fiches de soins, le formateur les utilise, pour son enseignement, dans le but d’élargir les possibles et d’aider les étudiants à se les réapproprier en service de soin.
702Il est vrai que l’adaptation n’est pas toujours très aisée pour l’étudiant, surtout en 1ère année.
703Et, pour elle, ces situations de travail pourraient faire l’objet de séance d’analyse de pratique.
Ses représentations sur l’exploitation de stage
704Le tableau suivant synthétise les représentations de cette formatrice.
705Cette formatrice nomme le retour de stage « exploitation de stage » et met l’accent sur l’expression du vécu de stage mais aussi sur l’atteinte ou non des objectifs de stage institutionnels.
706Elle trouve son intérêt dans la continuité entre préparation et retour de stage, dans la cohérence des échanges en regroupant les étudiants par spécialité, pour l’expression de l’expérience de stage ; ce qui lui permet certainement aussi de tendre vers une forme de généralisation.
707Elle ne peut pas se référer aux attentes institutionnelles puisqu’il n’existe pas de prescription et ne peut donc pas lui donner du sens.
En résumé
708La consigne part de l’expression du vécu de stage qui s’exprime en terme de satisfaction ou d’insatisfaction. Elle n’est pas opératoire. Comme nous l’avons montré, elle permet aux étudiants de déposer leur ressenti, dans un espace de parole réservé à cet effet.
709La formatrice a priorisé l’expression du vécu de stage.
710Il devient alors possible à la formatrice de référence, de repérer certaines difficultés spécifiques à un étudiant qu’elle pourra reprendre en suivi pédagogique individuel.
711Nous avons repéré les fonctions de « maintien de l’orientation » et de « contrôle de la frustration » du processus de soutien de BRUNER, dans le guidage de cette séance par la formatrice.
712Nous avons montré que le positionnement de la formatrice, en regard du monde du travail, est primordial et que les étudiants ont aussi à apprendre des situations de travail dégradées.
713Quant aux écarts de pratique, entre situations de travail et situations de formation (séquence 28), le travail du formateur doit se situer dans la prise en compte de ces différences, dans l’accompagnement du processus de réflexion, de compréhension et de réélaboration des étudiants.
714Enfin, ses représentations de l’exploitation de stage expriment une continuité entre préparation et exploitation et l’évocation de situations de travail interpellatives par les étudiants pourraient être utilisée au retour de stage et retravaillée en IFSI.
Le retour du 3ième stage
Les constituants de la situation
715Caractéristiques de la formatrice :
- Diplômée infirmière en 1977
- Diplômée cadre infirmier en 1990
- De 1997 à 2000, infirmière où elle assume des responsabilités d’encadrement.
- De 1990 à 2000, occupe les fonctions de surveillante générale en clinique.
- En poste à l’IFSI, depuis décembre 2000 ; 3 ans d’expérience de formatrice.
716Formation
- DESS en gestion de l’administration des entreprises
- Les formateurs exploitent le retour de stage avec les étudiants de leur groupe de suivi pédagogique. (20 étudiants dans notre situation)
717En réunion d’équipe, les formateurs de 1ière année ont décidé de travailler les transmissions écrites. Ils ont construit un questionnaire à partir duquel les étudiants doivent réfléchir et rapporter des informations recueillies sur leur lieu de stage :
- Lors de mon activité en stage, qu’est-ce-que je transmets ?
- Qu’est ce que je transmets = Lieu et/ou support
- Quand ?
- Comment je transmets ?
- Pourquoi est-ce-que je fais des transmissions ?
- Quelles questions je me pose face aux transmissions ?
- « Prendre conscience qu’il existe des transmissions écrites et orales, de la difficulté de transmettre par écrit, de résumer, synthétiser une situation dans une phrase qui soit claire, concise, précise, intelligible et compréhensible par tous. »
- Théoriquement, les transmissions sont censées être acquises en 1ière année.
- Les étudiants et la formatrice sont installés en cercle.
718L’exploitation se scinde en 2 étapes :
- Tout d’abord, l’expression du vécu de stage, avec pour consigne d’exprimer comment s’est passé le stage ? L’accueil ? Est-ce-que les étudiants ont pu atteindre leurs objectifs ? Quelles difficultés ils ont pu rencontrer pour essayer de comprendre ce qui a pu se passer pour ne pas le reproduire lors des stages suivants.
- Puis la mise en commun du travail réalisé en stage sur les transmissions, à partir du questionnaire élaboré par l’équipe.
Analyse descriptive
La 1ière étape
71922 séquences ont été comptabilisées.
720Les 22 séquences s’étendent sur 1 heure 20 minutes.
72111 séquences sont initiées par la formatrice, les 11 autres le sont par les étudiants.
722Elles se caractérisent par l’enchaînement de tours de paroles.
723Les interventions de la formatrice représentent 26 minutes, celles des étudiants 54 minutes.
724312 interactions composent l’ensemble des échanges sur une durée de 1 heure 20 minutes. La formatrice a pris 170 fois la parole, les étudiants 142 fois.
725Les 20 étudiants ont exprimé leur vécu de stage. A nouveau des problèmes liés à leur encadrement en stage surgissent.
726Cette étape n’est pas productrice de développement chez les étudiants.
La 2ième étape
727Elle s’articule autour de 13 séquences (42 minutes). Les séquences s’organisent à partir du questionnement qui a servi à réaliser le travail sur les transmissions en stage :
- Qu’est-ce-que je transmets ?
- Quand ?
- Comment je transmets ?
728La 2ième étape a duré 42 minutes.
72913 séquences sur 13 sont initiées par la formatrice. Ses interventions durent 28 minutes, celles des étudiants 14 minutes.
730La formatrice a pris 113 fois la parole, nous avons compté 119 prises de paroles d’étudiants qui témoignent de leur participation mais les réponses restent succinctes.
731Nous avons pu comptabiliser 232 interactions sur l’ensemble des échanges.
732Les schémas suivants nous renseignent sur les différents objets traités par la formatrice pendant la 1ière et la 2ième étape de la séance de retour de stage (schéma n°6 et schéma n°7 pages suivantes).
Analyse explicative des séquences
La 1ère étape
733Durant cette 1ière étape, nous sommes guidés par l’expression du vécu de stage.
La consigne
734Comme pour le précédent retour de stage, l’objet de la consigne se centre sur le vécu de stage ; elle n’a pas de caractère opératoire. En conséquence, les discours restent très généraux.
Les autres séquences
735L’analyse de cette 1ière étape renseigne sur les éléments de satisfaction ou d’insatisfaction du stage de la part des étudiants :
- Pour 14 étudiants, le stage s’est bien passé
- Pour 2, il s’est mal passé du fait de leur encadrement défaillant en maternité
- Pour 1 moyennement car déçue par son stage
- Il a eu du mal à trouver sa place avec le personnel de la crèche
- Et pour 1 étudiant le stage s’est bien passé les 3 premières semaines, pour la 4ième semaine, les contacts s’avéraient difficiles avec un infirmier.
736Par rapport au « bien passé » ou « mal passé », la formatrice pourrait d’avantage questionner les étudiants en leur demandant « pourquoi » puis « qu’est-ce-que vous avez fait pour que ça se passe bien » et dans le cas où ça s’est mal passé, « qu’est-ce-que vous avez fait pour que ça s’arrange ».
737Par contre, le regroupement des étudiants par suivi pédagogique permet qu’une partie de la résolution se fasse dans une autre régulation mais individuelle.
738Nous retrouvons essentiellement « les fonctions d’orientation et de contrôle de la frustration » de BRUNER, dans le processus de guidage de ce retour de stage, centré sur l’expression du vécu de stage.
Contenu du déroulement de la séance de retour du 3ème stage - 1ère étape
Contenu du déroulement de la séance de retour du 3ème stage - 1ère étape
Contenu du déroulement de la séance de retour du 3ème stage - 2ème étape
Contenu du déroulement de la séance de retour du 3ème stage - 2ème étape
739La consigne, posée au départ par la formatrice, oriente effectivement la séance et le fait qu’elle donne la possibilité aux étudiants de déposer leur ressenti, par rapport au stage, donc d’évacuer leurs tensions, lui permet certainement de réguler en partie leurs frustrations et d’éviter de parasiter la seconde étape de l’exploitation de stage.
La deuxième étape
740La formatrice débute la 2ième étape par la lecture de 3 articles qui engagent la responsabilité de l’infirmière et où elle se positionne d’emblée.
741Elle rappelle la légalité, prend une position affirmée et déterminée en énonçant aux étudiants que le non respect de la loi par l’infirmière engage pénalement sa responsabilité.
742Ces 3 articles énoncent la règle établie par le droit : « pour la loi, ce qui est noté dans le dossier signifie que ça a été fait et ce qui n’est pas noté signifie que ça n’a pas été fait ». Par conséquent, la loi constitue un principe organisateur de l’action mais elle ne le reprend pas par la suite.
743Le rappel de la loi constitue donc le point de départ de la réflexion menée sur les transmissions.
744Elle crée un choc, bouscule les étudiants, les met en posture d’apprentissage, elle donne du sens.
745En même temps, c’est aussi une manière « d’engager leur intérêt et leur adhésion » en référence à « l’enrôlement » décrit dans le processus de soutien de « BRUNER » (Jérôme BRUNER, 1983, p. 277), au regard des transmissions.
746Puis, la formatrice poursuit par l’action, le travail et l’expérience des étudiants sur les transmissions oriente la deuxième partie du retour de stage.
747Elle va servir à faire émerger les caractéristiques de cette activité liée à l’écriture des transmissions.
La consigne
748Le travail se situe donc au niveau des transmissions ; il part de l’action infirmière. La consigne part du but, un des composants du schème. « Effectuer des transmissions écrites. »
Les autres séquences
749Nous structurons notre analyse autour des 4 questions utilisées par la formatrice pour guider ce retour d’expérience et « maintenir les étudiants à la poursuite d’un objectif défini » (Jérôme BRUNER, 1983, p.278) :
750Effectuer des transmissions.
- « Lors de mon activité en stage, qu’est-ce-que je transmets ?
- Pourquoi est-ce-que je transmets ?
- Quand ?
- Comment ?»
752Et nous reprenons les échanges les plus représentatifs du développement de l’expérience pour explorer le travail de la formatrice.
753L’objet des échanges, entre étudiants et formatrice, ne porte pas sur des connaissances mais sur l’activité de transmettre en situation professionnelle.
754Nous nous appuyons une nouvelle fois sur la définition analytique du schème pour avoir accès à la compréhension de cette activité, à partir des paroles tenues par les étudiants sur les actions menées pour effectuer les transmissions et sur le discours de la formatrice.
755A la 1ière question « qu’est-ce-que je transmets ?» les étudiants identifient :
- Les actions
- Les actes de soins
- Les observations comportementales, alimentaires, en définitive les observations en regard des 14 besoins
- L’état physique
- L’état psychologique
- Les faits marquants
- Les ressentis de l’infirmière, par rapport au patient dans la relation de soin
- Les activités à buts thérapeutiques ou récréatifs
- Les changements concernant les modifications de traitement
- De nouvelles actions à mettre en place.
756Dans cette séquence, elle ne reprend pas les informations énoncées par les étudiants pour les catégoriser et les généraliser mais les aide à mettre en évidence qu’elles sont en lien avec le type de support et d’organisation du service :
- « Qu’est-ce-que ça nous amène comme réflexion ?
Ça veut dire quoi ?
Qu’en fonction de l’endroit où on travaille, on ne transmet pas les mêmes choses.
Les transmissions sont en lien avec une organisation et avec ? »
Un étudiant :
- « Un support »
- « Avec un support exact, donc, on voit en fonction du support qui est utilisé, on va avoir des transmissions qui vont être d’un ordre différent puisqu’on vient de pointer qu’effectivement toutes ces choses là peuvent être transmises mais que selon les établissements, les supports, on ne va pas transmettre les mêmes choses donc les transmissions sont conditionnées par l’organisation et par le dossier de soins, donc quelque chose de pas universel bien que partout on transmette. »
758Le guidage du processus de retour d’expérience permet à la formatrice de pointer 2 variables de situation qui organisent l’action de transmettre :
- le support des transmissions et l’organisation.
- Elles correspondent à des caractéristiques déterminantes pour l’action en référence à BRUNER.
759De plus, il est important que la formatrice spécifie qu’il s’agit d’un support légal puisque sur le plan juridique, le dossier de soin peut être présenté comme preuve.
760Comme nous l’avons déjà énoncé, l’absence de notes infirmières peut laisser supposer que « si rien n’a été noté, rien n’a été fait. »
761Les notes infirmières doivent reprendre les faits, les actions, les observations, en regard de la personne soignée et elles font partie de son dossier ; elles constituent à ce titre un document légal pouvant servir de preuve devant les tribunaux.
762Elle enchaîne avec la 2ième question :
- « Pourquoi est-ce-que je fais des transmissions ? Par rapport à tout ce que vous avez dit, pourquoi ça je veux le transmettre ? »
764Le pourquoi renseigne sur les buts des transmissions. Et les différents paramètres, énoncés par les étudiants à partir de cette question, correspondent à l’emboîtement de buts et de sous-buts considérés comme un des organisateurs du schéme.
Un étudiant :
- « Pour informer l’équipe qui arrive en fait de ce qui s’est passé durant la journée. »
La formatrice :
- « Donc un rôle d’information. »
Des étudiants :
- « Le suivi »
- « La prise en charge »
- « Il y a aussi la prise de responsabilité, prendre ses propres responsabilités en fait. »
La formatrice :
- « De responsabilité, donc j’ai entendu 2 choses, se protéger en cas de litige et puis la responsabilité, c’est aussi dans l’engagement par rapport à ses actes.
Je trouverais dommage que vous réduisiez les transmissions qu’à une sécurité pour vous, c’est sécurité pour vous mais sécurité pour qui ? »
Un étudiant :
- « Pour le patient »
La formatrice :
- « Pourquoi ? »
Des étudiants :
- « A cause des erreurs »
- « Pour la continuité des soins »
766La formatrice :
- « Alors ça renvoie à quoi ?
La notion d’engagement par rapport à ses actes parce que dans ce métier, on n’est pas là pour faire des actes, on est là pour soigner les personnes en tenant compte de cet individu, avec tout ce qui fait qu’il est lui.
Donc la notion de responsabilité pour moi, c’est se protéger, c’est s’engager dans ce que je fais ; ça va dans les 2 sens. »
768La formatrice réalise une expansion de ce qui est considéré et énoncé par certains étudiants.
769Ils énoncent à moitié les concepts de responsabilité, de sécurité et la formatrice va les expanser, c’est-à-dire montrer que chacun des 2 concepts concerne aussi bien l’infirmière que la personne soignée.
770Ainsi, elle élargit la signification énoncée par les étudiants.
771Pourtant, elle ne prolonge pas avec le concept de traçabilité qui renvoie à la responsabilité de l’infirmière. Le retour réflexif sur le « pourquoi je fais des transmissions » a permis à la formatrice d’utiliser certaines connaissances pragmatiques des étudiants pour développer, en partie, la nature des significations qu’ils leur attribuent.
772En somme, elle se rapproche de notre hypothèse de recherche.
773En revanche, elle ne reprend pas le concept de continuité énoncé par un étudiant.
774Puis, elle s’appuie sur l’expérience des étudiants, de situations de transmission vécues en stage :
- « Quoi d’autre ? Pourquoi est-ce-que je transmets ?
Faites appel à ce que vous avez vu en service ? Vous avez vu plein de richesse, partageons-les, c’est ça qui est constructif. »
Un étudiant :
- « Quand on est étudiant, ça permet de mieux s’intéresser, pour être ancré dans l’équipe, pour être intégré à l’équipe. »
La formatrice :
- « Oui, il y a une notion d’appartenance, une notion d’équipe et l’information que j’ai, elle ne sert pas qu’à moi, elle est utile à tout le monde puisque je ne suis pas seule à prendre en charge le patient. »
776Dans sa réponse, la formatrice rebondit sur le mot équipe mais détourne les paroles de l’étudiant pour introduire et servir sa propre notion de l’équipe.
777En effet, l’étudiant n’accorde pas tout à fait le même sens qu’elle à la notion d’équipe.
778Pour lui, s’intégrer à l’équipe est une préoccupation constante, une priorité, une nécessité afin d’être reconnu par celle-ci mais la formatrice reprend l’équipe dans le sens des transmissions qui répond précisément au besoin d’information de l’équipe pluridisciplinaire. La stratégie de détournement est fréquemment utilisée par les formateurs pour atteindre leur but.
779Ensuite, une étudiante poursuit :
- « En libéral, c’était plus pour avoir l’histoire de vie de la personne, pour comprendre. »
781La formatrice :
- « Donc les transmissions, ça aide à comprendre, pourquoi d’autre, on transmet ? »
783La réponse de la formatrice est ambiguë.
784Elle donne l’impression qu’il existe une différence entre les transmissions en secteur libéral et en institution.
785Il persiste un flou résiduel, cette ambiguïté se matérialise dans les échanges dialogiques.
786Les infirmières libérales peuvent-elles se passer des transmissions ?
787Ne sont-elles pas soumises aux mêmes exigences législatives que les infirmières en institution ?
788Et nous pouvons même penser que les distances temporelle et spatiale entre les acteurs de soin et les personnes soignées, ainsi que leurs nombreuses interventions, renforcent la problématique des transmissions.
789De même, lorsqu’un étudiant considère les transmissions comme un moyen pour comprendre, il détourne le but des transmissions qui correspond à nouveau à sa préoccupation d’étudiant.
790Et, c’est à la formatrice de recadrer en reprenant la fonction essentielle des transmissions.
791Une autre étudiante :
- « Pour informer la famille, quand ils viennent voir leur parent et qu’ils demandent des renseignements sur son état. Si c’est une personne que l’on ne connaît pas parce qu’on vient d’arriver par exemple, on regarde dans les transmissions et on peut informer la famille. »
793La formatrice :
- « Mais, est-ce-que c’est uniquement la famille ? Est-ce-qu’il n’y a pas d’autres membres ? »
795Des étudiants :
- « Les médecins »
- « L’équipe »
- « L’assistante sociale »
- « Voilà, j’avais mis l’équipe dans le sens où j’appartiens à une équipe et ce que je sais intéresse les autres ; c’est l’équipe pluridisciplinaire. »
797Elle vient de leur faire identifier une autre variable organisatrice qui mériterait d’être développée : Le collectif et en particulier l’équipe pluridisciplinaire, qu’est-ce-que ça signifie ?
798Ceci implique une inter-dépendance donc une complémentarité, une coopération entre les différentes catégories professionnelles qui ne peuvent travailler les unes sans les autres.
799Nous le développerons en l’associant au concept de continuité dans la suite de notre analyse.
800Mais elle poursuit avec :
- « Quand est ce que je transmets ? » (2ième question) Le quand questionne sur les moments.
Les étudiants :
- « Ça dépend »
- « Tout le temps »
La formatrice :
- « Ça veut dire quoi tout le temps ? »
Des étudiants :
- « Tout au long de la journée en fait ; dès qu’on fait une action, dès qu’on prend la température, dès qu’on a des selles, je transmets. » (règle d’action)
- « Il y a des infirmières qui notent tout à la fin de la journée. » (proposition tenue pour vraie)
La formatrice :
- « Vos commentaires par rapport à ça, tout noter à la fin de la journée. »
Des étudiants :
- « Il y a une perte d’information. » (proposition tenue pour vraie)
- « Elles peuvent mélanger les patients. » (proposition tenue pour vraie)
La formatrice :
- « On a un risque de perte d’informations et on a un risque de mélange de patients et quel autre risque y a-t-il ?»
Un étudiant :
- « Des oublis » (proposition tenue pour vraie)
La formatrice :
- « Ces informations dont dispose l’infirmière ne concernent pas que le corps infirmier mais d’autres qui utilisent l’information dont nous disposons.
Je marque tout à la fin de mon temps de service, on vient d’identifier des risques, est-ce qu’on y voit quelque chose de positif dans ce fonctionnement là ? »
Une étudiante :
- « Oui, le gain de temps. » (proposition tenue pour vraie)
La formatrice :
- « Le gain de temps, donc on a une opposition entre le gain de temps et la qualité des informations qu’on va distribuer ; M. disait « elles notent tout sur le petit carnet, avantages, inconvénients ?»
Une étudiante :
- « Elle recopie 2 fois » : correspond à la structure d’une règle d’action :
Quand je note tout sur un carnet, je recopie 2 fois.
La formatrice :
- « Double écriture, donc perte de temps. » (proposition tenue pour vraie)
Un étudiant :
- « Il y a moins de risque d’oublis. » (proposition tenue pour vraie).
La formatrice :
- « On a un recueil d’informations qui semble être plus complet, avec moins de risque d’oublis, mais cette information là, elle va arriver en fin d’activité et donc elle vient en opposition avec la prise en charge globale.
Comment elle est la prise en charge globale ?»
Une étudiante :
- « Continue »
La formatrice :
- « Voilà globale et continue. »
Elle devrait prolonger cette prise en charge globale et continue par :
« Qu’est-ce-que ça veut dire ? »
802En effet, la seule continuité, c’est la personne soignée et sur le plan du suivi des informations, de la traçabilité, c’est le dossier de soins.
803C’est aussi l’idée que le travail de l’infirmière fait partie d’un travail collectif, pluridisciplinaire, qu’en permanence d’autres professionnels peuvent intervenir sur la même personne soignée dont elle a la charge et qu’à tout moment de la journée, chacun peut apporter des informations éventuellement contradictoires et que, par ailleurs, certains acteurs dépendent de l’information précédente pour agir.
804De plus, penser que les autres existent, qu’ils peuvent intervenir sur le même objet de travail quand les étudiants sont absents du service, n’est pas forcément facile à conscientiser par tous.
805Il n’est donc pas possible de prendre en charge la personne soignée sans la penser à ses relations avec les autres.
806Cette situation démontre bien que d’une part la continuité s’inscrit dans le dossier et que d’autre part les transmissions assurent cette continuité.
807Finalement, le concept de continuité est fonction de l’information continue, de la part de tous, disponible pour tous et en lien avec les évènements prévisibles et imprévisibles concernant l’état de la personne soignée.
808Il existe donc tout un ensemble de propriétés qui expliquent pourquoi cette continuité est fondamentale, comment elle est liée aux transmissions et comment les transmissions assurent cette continuité.
809Par conséquent, si la prise en charge est globale et continue et si les transmissions assurent cette continuité, alors chaque professionnel transmet par écrit ses observations relatives à l’état de la personne soignée et ses actions de soin dans l’instantané.
810Nous pouvons penser que la formatrice n’a pas conceptualisé les transmissions de cette façon ou alors elle ne les pas encore conceptualisées pour les transmettre.
811Plusieurs propriétés n’ont pas été mises en évidence. Elle n’a pas organisé ces notions extrêmement difficiles de transmission et de continuité des soins dans un environnement spécifique.
812La formatrice poursuit :
- « Les transmissions, la façon dont elles sont faites, sont sujettes à l’organisation, au support ; ça va conditionner une question de temps qui va être mise en permanence en opposition à la qualité.
On va privilégier la qualité tout en gérant la question du temps et la fiabilité. »
814Elle énonce 3 autres variables de situation :
815La qualité, le temps, la fiabilité.
816Cependant, ces variables demeurent floues, peu concrètes donc peu organisatrices pour l’action.
817Puis :
- « A votre avis, ça va être quoi qui va permettre de joindre ces 3 choses ? » lui permet de passer à la 4ième question :
« Alors voilà, c’est, qu’est-ce-que j’écris ? Comment est-ce-qu’on transmet ?
Comment est-ce-que vous avez vu et comment est-ce-que vous avez transmis vous, en tant qu’étudiant ? »
Cette question du « comment » oriente les étudiants directement sur l’action et correspond au comment cela se passe-t-il ?
Une étudiante
- « Il faut marquer l’heure. »
Une autre inaudible.
La formatrice :
- « Donc il y a une notion de précision, alors pour qu’elles soient précises, il faut ?»
Une étudiante :
- « Qu’elles soient claires, pas interprétables. »
Une autre :
- « Qu’il y ait le nom. »
819La formatrice :
- « La date, l’heure et la signature, c’est qui fait quoi et à quel moment ?»
821Ces réponses correspondent à la structure de règles d’action :
- Quand je transmets, alors j’écris le jour.
- Quand je transmets, alors j’écris l’heure.
- Quand je transmets, alors j’écris mon nom.
822Effectivement, l’état de la personne soignée constitue une autre variable essentielle dans la transmission ce qui sous tend :
823Quand je transmets, alors je note aussi l’état de la personne.
824Mais elle réoriente les étudiants sur le comment, elle a pour objectif de leur faire qualifier les notes infirmières, elle maintient alors l’orientation à la poursuite de cet objectif (Jérôme BRUNER, 1983, p. 278).
- « Ça, c’est essentiel, ça fait partie de la transmission parce que c’est l’identification et c’est ce qui va vous permettre de gérer la question de la responsabilité et de la sécurité aussi, mais c’est moins en lien avec comment vous écrivez ; donc on dit, il faut que ça soit clair, que ça soit précis et quand on est clair et précis, ça veut dire quoi ?
Une étudiante :
- « Concis »
La formatrice :
- « Si on est concis, ça veut dire qu’on ne va pas en écrire »
Une étudiante :
- « Des tartines »
La formatrice :
- « Des tartines, donc on va gérer la question temps. »
Une étudiante :
- « Un sujet, un verbe, un complément »
C’est une autre règle d’action :
Quand je transmets, j’écris un sujet, un verbe, un complément. »
826Et cette question du « comment », lui permet de revenir sur la qualité des transmissions.
827De ce fait, elle identifie d’autres variables peu opératoires : la lisibilité, la clarté, la concision, la précision.
828Alors, elle poursuit en illustrant ses propos par des exemples de transmissions incorrectes certainement dans le but de leur faire trouver des indicateurs qui correspondraient à ces variables.
829Mais, c’est elle qui leur en fait « la démonstration » dans un but d’imitation, dans l’espoir d’être imitée en retour. (Jérôme BRUNER, 1983, p. 278).
830Cependant les exemples à eux seuls ne permettent pas de généraliser.
- « Justement, j’allais y venir, est-ce-que c’est facile ? Alors ça suppose quoi ? »
Une étudiante :
- « Un entraînement »
La formatrice :
- « Ça suppose de s’entraîner, alors je vous propose un entraînement, ça vous dit quoi malade perturbé et confus ?
C’est clair et précis pour vous ça ? »
Un étudiant :
- « Non »
La formatrice :
- « Alors s’il est perturbé, comment est-ce-qu’il le manifeste ?
Vous venez d’observer que votre malade est perturbé, il est confus.
Là vous avez dit un sujet, un verbe, un complément.
Comment est-ce-qu’on peut traduire la confusion de votre patient en utilisant un sujet, un verbe, un complément ? »
L’étudiant :
- « Il dit n’importe quoi par exemple. »
La formatrice :
- « Il ne dit pas n’importe quoi, il vous a simplement dit qu’il cherchait son chien dans le couloir, en chemise fendue, non ? Est-ce-que-c’est pas clair ça ?
Donc effectivement, on peut marquer :
Malade perturbé et confus : il cherche son chien dans le couloir, en chemise fendue.
Là, okay, j’ai des faits qui sont concrets, actualisés. »
832Ce qui correspond à une autre règle d’action et qui permet la généralisation :
833Quand je transmets, j’écris des faits concrets et actualisés, relatifs à la personne soignée.
834Autre exemple :
- « Bonne nuit, qu’est ce que ça veut dire ? est-ce que ça veut dire qu’il n’a pas dérangé l’infirmière de la nuit ? » On peut marquer : « Monsieur X dit qu’il a passé une bonne nuit. »
836Précisément, par ses exemples, elle lève l’ambiguïté sur le manque de concrétisation des caractéristiques énoncées.
837Cette fois ci les notes infirmières sont centrées sur le comportement de la personne soignée et non plus sur le jugement de l’infirmière.
838La formatrice tient le discours approprié qui correspond à une « pensée en acte » mais il ne suffit pas.
839Elle doit énoncer clairement que les infirmières doivent écrire ce que fait et ce que dit la personne soignée plutôt que d’interpréter les faits et leur donner un sens, ce qui constituerait de réels repères génériques pour les étudiants.
840Il faut trouver, à partir des exemples, les concepts pour généraliser.
841L’exemple est indissociable du concept.
842En effet, nous pouvons nous demander si tous les étudiants sont capables d’extraire de ces exemples le fait que l’infirmière, dans ces notes écrites, doit se situer du côté du comportement et des paroles de la personne soignée.
843En somme, la formatrice sait faire mais elle n’a pas conceptualisé son action, ce qu’est la transmission avec ses propriétés, ses moyens d’agir, ses buts.
844Une fois qu’elle l’aura bien défini pour elle, elle pourra aider les étudiants à le faire.
845Enfin elle ramène les étudiants à leur propre expérience en faisant référence à une situation de travail qu’ils ont rencontrée durant leur stage :
- « Alors, partez de vos expériences de stage sur des transmissions, faites un effort de réflexion pendant 2 minutes d’une transmission que vous avez lu ou entendu et qui veut rien dire pour vous, pour laquelle vous vous êtes posé des questions. »
Une étudiante :
- « Morsure, en fait à la crèche »
La formatrice :
- « Est-ce que c’est lui qui a mordu ou est ce que c’est lui qui s’est fait mordre ?
L’intérêt de la morsure, c’est par rapport à un comportement, c’est d’avoir une vision de ce qui s’est passé, dans quel contexte ? »
847Là, elle peut prolonger avec la règle d’action sujet, verbe, complément en demandant aux étudiants comment ils peuvent écrire cette transmission, par exemple :
848Pierre a mordu Paul au bras pendant l’activité de puzzle.
849Et pour dépasser le cadre de l’exemple, tirer les concepts pour généraliser l’activité de transmission : Les transmissions reprennent donc des faits concrets, actualisés, contextualités, centrés sur les personnes concernées.
850Nous pouvons aussi supposer que la remémoration spontanée de transmissions spécifiques lors de situations de travail vécues reste difficile, aléatoire et un autre moyen de faire travailler les étudiants sur leur propre expérience serait qu’ils rapportent des traces de transmissions écrites à partir de photocopies.
851Finalement, la formatrice termine la séance par une synthèse, pressée par le temps, où elle rappelle les caractéristiques déterminantes pour l’action donc les variables de situation :
852- « Donc si elles ont l’avantage d’être très lisibles, elles auront aussi l’avantage d’être claires, concises, précises donc compréhensibles par tout le monde.
853Donc globalement, qu’est ce qu’on transmet ? Vous avez dit des informations qui relèvent de tous les actes, qu’ils soient de tous les domaines du soin, qu’ils soient du relationnel, du curatif ; qu’ils soient préventifs enfin toute cette dimension des soins, en relation avec l’organisation et le support que l’on dispose. »
854À partir du modèle du schème de VERGNAUD, le schéma page suivante (n° 8) représente les différentes variables organisatrices proposées par la formatrice, à partir des composants des discours entre formatrice et étudiants.
855Pour nous, ils ne représentent pas les invariants essentiels pour engendrer l’action de transmission et nous proposons sur le schéma n° 9 (page 88) d’autres invariants opératoires plus professionnels, plus conceptualisés qui aideraient les étudiants à mieux comprendre l’activité des transmissions écrites.
Entretien avec la formatrice
La confrontation
856Par rapport au vécu de stage :
857La formatrice rejoint notre analyse sur la démobilisation :
- « Il y a des moments où on se dit qu’est ce qu’on va faire, qu’est ce qu’on va dire ?
L’exploitation n’est pas suffisamment préparée, travaillée ».
859Par contre :
- « Si on attaque d’emblée par l’exploitation du thème, à un moment donné, on est débordé parce que l’étudiant qui a un vécu particulier a besoin de l’extérioriser, il faut leur donner un temps de débriefing. »
861Nous décidons ensemble de gérer l’expression du vécu de stage de manière plus cadrée, en respectant un timing précis.
862La stratégie retenue est de débuter la séance par ceux qui sont satisfaits de leur stage afin que les insatisfaits ne prennent pas tout l’espace.
863Du reste, le regroupement par suivi pédagogique permet à la formatrice de référence de réguler individuellement, par la suite, les problèmes spécifiques.
864Cette modalité de répartition permet donc le suivi des étudiants.
Action de la formatrice au cours de la seance de retour de stage
Action de la formatrice au cours de la seance de retour de stage
Les principaux invariants opératoires organisateurs de l’activité de transmissions
Les principaux invariants opératoires organisateurs de l’activité de transmissions
Par rapport à l’exploitation du travail sur les transmissions
865Tout d’abord, son but :
866Il s’agit pour elle de rappeler que l’activité infirmière est légiférée, qu’elle engage sa responsabilité, elle a donc commencé son intervention par la lecture de textes :
- « On est obligé de laisser des traces écrites, elles constituent la preuve que la chose a été faite ; je leur dis toujours que les écrits restent, les paroles s’envolent. »
868Puis, elle nous explique que les concepts que nous avons repérés comme variables organisatrices de l’action de transmission n’ont pas été repris car ils sont traités individuellement lors d’autres interventions ;
869Par exemple, la traçabilité a été traitée dans le cours sur la responsabilité.
870La loi, la sécurité, n’ont pas été reprises du fait que suivait le cours sur le dossier de soins et que tous les éléments légaux sont repris dans ce cadre, de plus les transmissions font partie du dossier de soins.
871Nos échanges permettent de poser la question de la place de ces différents enseignements et de leurs liens dans la programmation des cours, le dossier de soins n’est-il pas à traiter avant les transmissions ?
872La formatrice prend conscience :
873Que l’exploitation de stage suppose un travail de préparation en amont, une réflexion entre formateurs pour arriver à cibler les variables à prendre en compte pour réaliser une action de soin afin de guider les étudiants vers une conceptualisation pratique.
- « J’ai appris plein de choses, riches d’enseignement, je vais m’en servir prochainement pour ma prochaine présentation de stage, je vais pouvoir la cibler comme ça ; ça ne m’étonne pas que j’aie une difficulté par rapport à la conceptualisation. »
875Qu’elle a laissé les étudiants dans l’ambiguïté « parce que des choses n’ont pas été suffisamment traitées » en particulier les transmissions en secteur libéral.
876Effectivement, une infirmière libérale intervient uniquement sur prescription médicale auprès des personnes et n’effectue pas de transmission écrite.
877Par contre lorsqu’elles travaillent à plusieurs ou en équipe pluridisciplinaire, elles utilisent un cahier, support de transmissions pour assurer la continuité des soins.
878De même lorsqu’elles interviennent à l’intérieur d’un dispositif de soins à domicile, elles utilisent le support mis en place par cet organisme pour transmettre.
879La confrontation a permis à la formatrice de porter un regard critique sur son travail, de prendre conscience de son travail effectif durant la séance, de déclencher des réflexions et d’envisager des modifications dans ses pratiques pédagogiques.
Ses représentations sur le retour de stage
880Le tableau suivant reprend les principales formulations énoncées en regard de la séance de retour de stage.
881Pour cette formatrice, l’exploitation de stage est aussi un espace, un moment où les étudiants expriment librement leur vécu de stage mais aussi un temps pour l’expression et l’analyse de l’expérience de situations professionnelles qui permettra de conduire les étudiants à la professionnalisation.
882En résumé :
883La consigne part du questionnement systématique pour interroger directement le travail infirmier, en l’occurrence les transmissions.
884Elle est donnée avant le départ en stage et le travail demandé est exploité au retour à l’IFSI.
885Les fonctions des transmissions restent partiellement construites et énoncées mais la formatrice a tous les instruments pour aller plus loin.
886Elle sait réaliser des transmissions mais elle n’a pas conceptualisé son action, c’est-à-dire trouvé fondamentalement ce qu’est la transmission avec ses propriétés, ses moyens d’agir, ses buts.
887Par conséquent, la généralisation, la conceptualisation sont insuffisantes.
888Finalement, elle maîtrise les transmissions en tant que professionnelle mais ne permet pas aux étudiants de généraliser, de conceptualiser.
889Elle en a pris conscience lors de l’entretien de confrontation et est convaincue de la nécessité d’évoluer dans ce sens.
890Une fois cette démarche réalisée pour elle-même, elle pourra alors guider les étudiants à conceptualiser cette situation professionnelle.
891Par ailleurs, le questionnement systématique constitue un outil de collecte d’informations qui peut aider à identifier des composants du schème donc à comprendre l’activité de transmission :
- Qu’est ce que je transmets ? alimente les prises d’information
- Pourquoi ? Le but et les sous-buts
- Quand ? et comment ? interrogent directement la manière de faire, de s’y prendre.
- Il faut ajouter le qui, à qui s’adresse ces actions et quel est l’état de la personne au moment où le soignant intervient ?
892Enfin, ses représentations nous renseignent sur sa vision du retour de stage.
893En effet, elle évoque bien la nécessité d’utiliser l’expérience de stage et considère les situations de travail comme formatrices mais rencontre des difficultés de conceptualisation pour que celles-ci deviennent des situations de formation.
894Pour conclure nous pouvons retenir que la configuration de cette situation pourrait participer au développement de l’expérience à condition que les modes d’intervention de la formatrice amène les étudiants à une conceptualisation pratique des transmissions.
Synthèse, retour à l’hypothèse et propositions pour les formateurs
Synthèse
895Tout d’abord, nous retiendrons les éléments qui ont été particulièrement porteurs dans les situations A1, A2 et B2 dans sa phase 2.
La consigne
896Sa particularité est d’être opératoire et énoncée au début de la séance de retour de stage, elle oriente la séance. Elle constitue la prescription, le but du travail.
- Dans 2 situations, le retour réflexif s’effectue à partir de la restitution d’une recherche réalisée en stage et nous avons relevé 2 types de consigne :
- pour la situation, A1, la consigne part des savoirs infirmiers pour explorer l’action infirmière
- pour la phase 2 de la situation B2, elle part du questionnement systématique pour analyser aussi la situation professionnelle
897Il s’agit du récit d’une situation professionnelle d’ordre émotionnel où les étudiants disposent de 10 minutes pour conduire une auto- analyse rétrospective écrite à partir de questions guides avant d’exposer leur situation devant le groupe d’étudiants.
898Puis, les traces concrètes de l’activité observée, rapportées par les étudiants permettent aux formateurs d’engager puis de guider l’analyse après coup, de mutualiser les expériences individuelles, de tenter de les étendre à des compréhensions, à des connaissances plus générales et de développer la structure conceptuelle d’une situation de travail même si elle est encore incomplète.
899C’est donc surtout la manière dont le formateur conduit la séance du retour de stage qui produit une prise de conscience et la réélaboration de l’expérience.
900Certes, il faut que le formateur soit convaincu de la nécessité de travailler sur l’expérience de stage s’il veut conduire les étudiants vers la professionnalisation.
901Nous avons voulu montrer que pour analyser le travail du formateur, il faut raisonner avec 3 pôles et les mettre en interaction (Intervention Jacques BONNET, ENESAD, 2003) :
902La tâche prescrite (prescription institutionnelle du retour de stage), la tâche réelle (ce que font réellement les formateurs dans cette situation) et leurs représentations de l’exploitation de stage puisque le développement des compétences ne peut se faire sans la prise en compte du problème du sens.
903Dans les entretiens sur les représentations, tous ont évoqué l’utilisation de l’expérience de stage et lui ont donné du sens.
904Les formatrices de l’IFSI A se sont appropriées la tâche prescrite, elles avaient participé à la construction du projet pédagogique institutionnelle, ce qu’elles mettent en œuvre, répond à la prescription et leurs représentations guident leur action aussi dans ce sens.
905Le formateur est donc là pour engager, guider et soutenir le processus de développement de l’étudiant, nous avons cherché à montrer comment chacun s’y prend à un moment donné et nous avons mis en évidence le dispositif de soutien dont parle BRUNER. En utilisant le concept de schème pour l’analyse, nous nous sommes rendu compte que les formateurs n’en sont pas si loin, cependant leur niveau de conceptualisation est hétérogène.
906Nous avons montré que les situations collectives de retour sur l’expérience de travail vécue en stage ont permis de mettre à la disposition des étudiants une grande partie des connaissances non traitées pendant le stage.
907De surcroît, nous ajoutons que « ce qui se construit en situation de travail entre un professionnel et un moins expérimenté que lui ne constitue qu’une étape d’un processus à prolonger, une expérience inachevée ». C’est celle-ci qui constitue précisément l’objet du travail des formateurs et des enseignants et l’objet d’une autre forme d’échanges : celle du retour sur l’activité et de son analyse après-coup. (Patrick MAYEN, 2002, p92)
908De plus, en référence aux travaux de Vilar de Melo, nous nous apercevons que les modes discursifs des formateurs correspondent plutôt aux « modes explicatif, conditionnel et interrogatif » dans les 3 situations où les formateurs traitent des situations de travail alors que les « modes sont constatif et commentaire » dans la situation où les étudiants expriment leur vécu de stage et nullement presciptif dans les séquences relatant les situations de travail dégradées. (Gérard VERGNAUD, 1999, p. 200)
909Quant à la phase 1 de la situation B1 et B2, elle s’intéresse aux conditions dans lesquelles s’est déroulé le stage, l’étudiant a besoin d’y revenir, de faire connaître son vécu aux autres étudiants et au formateur.
910Nous pouvons l’expliquer par le fait qu’il a à gérer d’un côté son intégration dans le stage où la charge mentale et affective est très prégnante mais en même temps l’apprentissage du métier d’infirmier.
911L’analyse a montré que si le formateur ne prévoit pas cette phase, l’étudiant y revient spontanément. De plus cette phase est présente, à chaque retour de stage, dans chaque IFSI.
912Elle est donc à conserver mais mérite d’être mieux gérée par le formateur car elle consomme du temps et paraît peu propice au développement.
913De plus, cette phase est modulable puisque le besoin d’expression du vécu de stage évolue en fonction du parcours de formation des étudiants.
914Les formateurs en ont pris conscience.
915Par contre, nous pensons qu’elle permet aux étudiants d’évacuer leurs tensions avant de pouvoir passer au guidage de l’expression de l’expérience de situations de travail.
916Le tableau page suivante visualise la synthèse de l’analyse des 4 situations de retour de stage et les représentations des formateurs observés.
917Il reprend les particularités que nous avons mis en évidence dans notre recherche.
Retour à l’hypothèse
918Notre hypothèse de départ était la suivante :
919Le rôle du formateur, au retour du stage est de guider l’analyse réflexive afin que les connaissances pragmatiques des étudiants soient utilisées pour développer la nature des significations qu’ils leur attribuent et conceptualiser les situations professionnelles et que les connaissances théoriques trouvent une voie explicative et compréhensive pour l’action
920A partir des cadres théoriques de VERGNAUD et de VYGOTSKY, nous constatons que 2 situations de retour de stage sur 4 (A1 et A2), présentent une configuration potentiellement formatrice pour accroître le processus de développement de l’expérience des étudiants.
921Ces 2 formatrices ont la double expérience de cadre de santé dans le domaine de l’encadrement et de la formation.
922Elles ont participé à la construction du projet pédagogique de l’IFSI et de plus ont suivi une formation d’analyse des pratiques.
923Quant aux 2 autres situations, elles sont porteuses d’éléments, sur lesquels les formateurs peuvent s’appuyer pour engager et étayer le processus de développement.
924Au terme de cette 5ième partie, nous pouvons confirmer partiellement notre hypothèse.
925Cependant les formateurs veulent se situer dans cette dynamique d’analyse du travail pour la formation, leurs représentations en sont les témoins, ils utilisent l’expérience de stage même si le terme d’exploitation de stage n’a pas le même sens pour tous et même si la conceptualisation reste encore, pour certains, incomplète dans leur pratique de formateur.
926Par ailleurs, la double expérience professionnelle de cadre de santé en service de soins et dans le domaine de la formation n’aide-t-elle pas le formateur à guider l’expression de l’expérience des situations de travail rapportées par les étudiants ?
Tableau recapitulatif
Tableau recapitulatif
927Pour conclure, « aider à l’expression de l’expérience de situation professionnelle » constitue pour nous, une tâche « représentative » (ou critique) du métier de formateur en école paramédicale qui « mobilise des compétences critiques qui sont difficiles à construire ».
« C’est une tâche qui ne s’apprend pas facilement, qui comporte une part importante de raisonnement, qu’on ne confie pas immédiatement à un débutant, qui n’est pas maîtrisée par tout le monde et qui fait la différence entre le bon professionnel et les autres ».
929Elle demande aux formateurs de savoir engager, guider, soutenir l’expression de l’expérience qui conduira au développement de l’étudiant.
930En définitive, le formateur doit être dans une position de médiateur- guide entre l’étudiant et ses opérations de pensée pour l’aider, à partir du retour réflexif sur une situation professionnelle, à construire « ses savoirs d’action » qui lui permettront de s’adapter aux variétés des situations qu’il sera amené à rencontrer, donc de se professionnaliser.
931Le schéma suivant reprend les éléments de la situation didactique.
De la recherche en didactique professionnelle à nos acquis professionnels et à nos propositions pour les formateurs
Nos acquis
932Se former, c’est accepter de changer ses pratiques professionnelles et au terme de cette formation nous reprendrons une citation de DEVELAY :
« Le but de toute formation n’est-il pas d’aider les formés à trouver leur forme ? »
934A laquelle nous ajouterons :
935Nous l’avons trouvée cette année.
936Nous avons acquis la certitude que la place du formateur dans un dispositif de formation par alternance est d’occuper à la fois, mais différemment, le pôle du travail prescrit et le pôle du travail réel, de gérer la parole dans ce système alterné, de raccrocher les savoirs théoriques aux savoirs d’expériences en utilisant l’analyse des situations de travail et en particulier les éléments du schème.
937La plus grande avancée m’est permise par la réalisation de ce mémoire dans le domaine de la didactique professionnelle et l’aide apportée de manière soutenue par le directeur de mémoire, véritable situation de développement.
938Même si l’écrit reste imparfait, il nous a permis de mettre en pratique ces nouveaux acquis dès notre retour à l’IFCS.
939Articuler la formation par alternance aux expériences professionnelles vécues en stage par les étudiants en formation initiale ou en situation de travail pour ceux de formation post initiale, et plus spécifiquement mettre l’analyse du travail au cœur des formations professionnelles dans le domaine de la santé, constituent les fondements de nos propositions.
940Mais une question se pose : actuellement, le formateur peut-il initier ce changement ?
941Nous pensons qu’il doit se former à l’analyse du travail, centrée sur l’analyse des situations de travail. Le formateur se doit de développer ses capacités à analyser les situations de travail afin qu’il puisse proposer aux étudiants des situations d’apprentissage qui s’appuient sur les situations vécues en stage et améliorer ainsi les échanges, le partenariat, avec les professionnels des terrains.
942De plus cette orientation mérite une réflexion spécifique de toute l’équipe pédagogique autour de la formation professionnelle alternée, de la problématique du sens, du lien entre savoirs théoriques et pratiques et là encore le projet pédagogique élaborée par toute l’équipe et la directrice formalisera les modalités d’articulation des savoirs acquis en formation aux savoirs issus de l’expérience de stage.
943Cependant, nous poursuivons notre réflexion par des propositions, à partir de nos acquis de formation et de nos lectures, qui engageront les formateurs sur ce chemin. De plus, elles vont dans le sens d’une professionnalisation de la formation infirmière et de la formation cadre de santé et professionnalise en même temps le métier de formateur.
Nos propositions
944A la lumière de notre analyse, le rôle du formateur dans un dispositif de formation par alternance, est bien d’offrir aux étudiants « des situations potentielles de développement » (Patrick MAYEN, 1999, p.65) à partir du retour réflexif sur des situations de travail, c’est pourquoi nous proposons d’outiller les formateurs pour leur pratique réflexive sur l’action.
945Tout d’abord, faire rapporter par les étudiants des traces concrètes du travail réalisé par l’étudiant ou par des professionnels.
946Ce peut être les traces d’une réflexion écrite à mener en stage par l’étudiant sur une action précise et concrète, définie par le formateur et formalisée à partir d’un questionnement : en IFSI une action de soin, en IFCS, une action de cadre de santé.
947Le retour réflexif sur cette activité, au retour de stage, par groupe de 15 à 20 étudiants, à partir de l’exposé d’une ou deux situations différentes repérées après un tour de table permet de déclencher les discussions, les échanges, les interactions entre étudiants et formateur où chacun peut parler de ce qu’il a vu, fait, autour de ces traces et où les étudiants apprennent des uns et des autres.
948C’est un temps qui échappe à toute logique disciplinaire mais aussi un moyen qui leur permettra de faire face à la complexification des situations de travail.
949Nous proposons d’utiliser le schème pour analyser une situation de travail.
950Les différents composants du schème représentent une structure dynamique et entrer par l’un des composants du schème, c’est aussi faire appel aux autres et les expliciter.
951Si le schème est un élément d’analyse, il peut aussi devenir un instrument d’investigation, un outil pour construire le questionnement.
952Nous citerons quelques questions parmi celles proposées par Sylvie CAENS-MARTIN (équipe didactique de l’ENESAD) pour explorer les éléments du schème mais elles ne sont pas exhaustives.
953L’action :
- Qu’est-ce que vous faites ?
- Comment faites-vous ?
- Faites-vous comme vous l’avez indiqué tout à l’heure ?
- Qu’est-ce qui change ici ?
- Dans quelles circonstances modifiez-vous votre pratique ?
- Qu’est-ce que vous regardez ?
- Quels sont les éléments que vous prenez en compte ?
- Qu’est-ce que vous surveillez ?
- Comment vous surveillez ?
- A quoi vous faites attention ?
- Qu’est-ce que vous avez besoin de savoir ?
- Qu’est-ce qui va se passer si vous faites cela ?
- Quels sont les risques si vous faites ça ?
- A quoi vous attendez-vous ?
- Quel est votre but ?
- Quels sont les résultats attendus ?
954De la même façon, il est aussi possible pour l’étudiant de rapporter du stage les traces concrètes d’une situation professionnelle de son choix qui sera aussi exploitée avec le groupe d’étudiants.
955Ce peut être aussi l’enregistrement filmé d’une action de soin ou d’une action de cadre de santé, réalisée par un étudiant ou plusieurs étudiants et filmée par le formateur. La tâche filmée est identique pour tous.
956La gestuelle peut être analysée mais il faut aller au-delà d’un descriptif, ce qui importe ce sont les raisonnements, ses différentes étapes, les connaissances, utilisés pour mener l’action. Il faut donc recueillir tout le discours qui supporte l’action, demander à l’étudiant de verbaliser, de décrire ses actions mais aussi la manière dont il s’y prend, tous les éléments qu’il prend en compte.
957Là aussi le modèle du schème peut être utilisé pour recueillir l’ensemble de l’activité pendant l’action et sur l’action.
958Le retour réflexif lors des séances de retour de stage peut porter sur l’analyse d’une action à partir de la visualisation d’un enregistrement filmé ou des différences de pratiques si l’analyse porte sur 2 enregistrements.
959Il s’agit alors de repérer les différents écarts mais également d’identifier leurs causes qui sont à mettre en lien avec les logiques qui expliquent ces écarts,
960Le retour réflexif permet aussi de mettre en relation les savoirs appris à l’IFSI et ceux des différents lieus de stage.
961De même, il serait possible de filmer un professionnel, un étudiant réalisant une même tâche mais de manière complètement autonome en leur demandant de verbaliser leurs actions, leurs raisonnements avec ses différentes étapes, en s’entretenant avec eux après coup, pour noter leurs propos sur l’action et que ses films servent aussi de supports pédagogiques pour les formateurs pour l’analyse des différentes pratiques.
962Nous avons expérimenté la 1ière modalité avec les étudiants cadres de santé, avant leur départ en stage de fonction d’encadrement, et nous vous livrons notre expérience. Elle est tout à fait perfectible et transposable pour une action de soin en IFSI.
963Elle a l’avantage d’être sécurisante pour le formateur débutant dans la pratique réflexive car elle est réalisée dans un cadre défini au départ entre les étudiants et le formateur et le questionnement proposé pour analyser l’activité sert de support lors de la séance de retour de stage.
964Objectifs :
965Analyser une activité de cadre de santé durant le stage : la réalisation du planning mensuel du personnel.
966Enrichir sa pratique professionnelle. La 1ière étape : Explication de la démarche
967Il existe différents moyens d’apprendre. Une des manières d’apprendre, c’est de faire.
968Cependant, l’exercice de l’activité n’est pas une condition suffisante pour développer ses compétences, il doit être prolongé par son analyse réflexive c’est-à-dire réfléchir sur l’action que nous avons menée.
969Notre intention pédagogique, c’est de vous faire réfléchir à l’activité de réalisation du planning (tâche incontournable pour le cadre et le stage est le moment opportun pour mener cette réflexion sur l’action).
970Pour cela 2 possibilités :
- Participer ou réaliser un planning, ce qui vous permettra de réfléchir dans l’action puis de réfléchir sur l’action, c’est-à-dire celle que vous conduirez à postériorité sur votre propre action et que vous confronterez à celle du cadre
- Vous n’avez pas la possibilité de participer ou de réaliser un planning.
- Vous allez réfléchir sur l’action en interrogeant le cadre sur sa pratique.
971Au retour nous prolongerons la réflexion à partir de votre travail. (3h).
972Et nous ferons aussi appel à l’expérience de cadres (3h) dans des situations plus spécifiques.
973La 2ième étape : Présentation du support de questionnement
974Nous nous sommes aidées de questions posées dans un dossier pour la VAE (document ENESAD) pour aider les étudiants à recueillir leur activité.
- Situer le planning dans son contexte. Pour cela, présenter les caractéristiques principales du service et si besoin institutionnelles.
- Décrire cette activité à partir du questionnement suivant :
- Quels en sont ses buts principaux ?
- Quelles en sont ses conditions de réalisation ? (Quand – Où…).
- Quelle est la succession des actions ?
- Quel en est le temps habituel de réalisation ?
- Expliquez comment procéder pour conduire cette activité ?
- De quelles informations avez-vous besoin ?
- Comment les obtenez-vous ?
- A quoi devez-vous être attentif ?
- Quels résultats devez-vous obtenir ?
- Qui contrôle les résultats ?
- Quels en sont les effets sur les agents ?
- Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
- Quels sont les écarts entre planning prévisionnel et planning réel ? Comment le cadre les gère-t-il ?
- Que devient le planning une fois le mois écoulé ?
975Afin d’approfondir l’analyse, ajouter la question pourquoi ? À chacune des questions posées.
976La 3ième étape : Organisation pour le retour de stage :
9771ier temps :
9783 heures
979Mettre en commun l’activité observée : réalisation du planning mensuel :
980Confronter les différentes pratiques professionnelles
- Tour de table : Faire exprimer chaque étudiant sur les buts identifiés
- Retenir 2 situations de réalisation de planning avec des buts différents
- Ces 2 étudiants exposent leur analyse en regard des 4 items cités dans la fiche « analyser la réalisation du planning »
- Les formateurs sont là pour accompagner les étudiants, les guider dans la réflexion, pour animer la séance
- Le but est de faire ressortir la structure conceptuelle de la réalisation du planning. Quels sont les invariants opératoires mobilisés pour construire un planning ?
- Les autres étudiants complètent l’analyse au fur et à mesure de la séance à partir de leur propre observation et analyse. (Questions, éléments nouveaux ou différents)
- La formatrice note au fur et à mesure, sur paper-board les différentes variables organisatrices du planning, soit directement énoncées par les étudiants ou à partir d’éléments concrets qu’ils ont rapportés qu’elles fait conceptualiser ou qu’elle énonce pour obtenir un niveau de généralisation, la structure conceptuelle de l’activité.
- Traçabilité
- Continuité
- Responsabilité du cadre
- Sécurité du cadre, des agents, des personnes soignées
- Organisation du travail
- Textes législatifs
- État de la situation de l’agent
- Support institutionnel informatisé ou non sont les concepts qui organisent l’activité planning.
981En quoi la maîtrise de cette activité vous semble-telle importante et demande-t-elle d’être compétente ?
9822ième temps
9833 heures
984Interventions de 2 cadres de santé sur l’activité réalisation de planning, dont une teste un logiciel de planification, et de 3 étudiants cadres d’un même établissement, porteurs d’une expérience spécifique.
985Présentation du « comment ils s’y prennent pour réaliser un planning »
986Échanges avec les étudiants à partir de leur réflexion et de leurs questions.
987Les autres étudiants ont parlé de ce qu’ils ont vu ou fait autour des traces des 2 situations retenues. Ce qui leur a permis d’apprendre de différentes situations plutôt que d’une seule situation.
988De plus, il nous faut développer la pratique réflexive en IFCS pour que les étudiants puissent eux-mêmes se former à cette pratique, ce qui leur permettra de l’utiliser en tant que formateur à l’IFSI avec les étudiants infirmiers.
989Nous avons donc choisi de leur faire réaliser par écrit l’analyse réflexive d’une intervention pédagogique qu’ils ont à concevoir et à conduire pendant leur stage sur la fonction de formation en IFSI.
990Sur le même principe, il nous parait possible d’utiliser avec les étudiants cadres, une mise en situation filmée, en secteur de formation, comme support de réalisation d’une action spécifique, que le groupe d’étudiants pourrait analyser à posteriori tout en étant guidé par le formateur.
991A l’intérieur de ces situations, le formateur peut varier les situations, leur niveau de complexité, introduire des incidents puisque les obstacles à franchir par les étudiants sont des facteurs de développement.
- Nous proposons de varier les consignes de travail proposées par le formateur tout en gardant leur caractère opératoire ainsi que les modes d’interventions des formateurs. Le fait de multiplier les modes de consignes, d’exploitation permet de bénéficier de tout l’intérêt du vécu de stage.
Il est possible de rentrer par la pensée, par la théorie, par la pratique d’où la nécessité de démultiplier les moyens d’exploiter et par conséquent de développer l’expérience. - Ensuite, d’utiliser les différents écarts de l’alternance particulièrement en IFSI où les écarts sont fréquemment rapportés par les étudiants pour engager le retour réflexif sur l’action.
992Le fait que chacun donne aux choses une signification particulière et explique pourquoi, fait évoluer les représentations jusqu’à ce que les schèmes d’action se modifient et deviennent plus performants.
993Enfin, nous proposons aussi d’organiser à l’intérieur des suivis pédagogiques institutionnalisés des temps d’expression de l’expérience de situations professionnelles (tutorat interne à l’IFSI) pour que l’étudiant rééalabore son expérience de travail, guidé par le formateur référent.
994Pour conclure, nous pensons nécessaire de développer la pratique réflexive des formateurs en participant à des ateliers de mutualisation « des savoirs d’action » à la place des traditionnelles séances d’analyse de pratique qui échappent difficilement à la distorsion entre le faire et le dire.
« Réfléchir ne se limite pas alors à une évocation mais passe par une critique, une analyse, une mise en relation avec des règles, des théories ou d’autres actions imaginées ou conduite dans une situation analogue »
996De surcroît, il existe une grande diversité de dispositifs et de pratiques réflexives avec chacune leurs propres références théoriques.
997C’est pourquoi nous lions la pratique réflexive à l’analyse du travail.
998Là encore, c’est au formateur d’apporter des traces de son activité, par exemple 5 à 10 minutes d’un cours filmé, des productions d’élèves, un enregistrement d’un débat entre étudiants.
999Pour nous, la posture et la pratique réflexive se situent au cœur de l’identité du formateur dans une formation professionnelle par alternance.
1000Ce sont elles qui conduiront à la professionnalisation du métier de formateur dans les dispositifs de formation dans le domaine de la santé.
Conclusion
1001Nous avons montré comment la didactique professionnelle pouvait professionnaliser la formation infirmière en réarticulant formation infirmière et travail soignant.
1002Même si les formateurs, dans nos formations du domaine de la santé accorde une place importante aux questions émotionnelles et relationnelles, à laquelle nous nous associons, elles ne suffisent pas.
1003La dimension cognitive de l’activité professionnelle doit aussi être travaillée pour accroître le processus de développement des étudiants.
1004Nous avons cherché à comprendre comment les formateurs s’y prennent pour conduire le retour de stage et nous avons analysé dans quelles conditions, les situations de retour de stage étaient porteuses de développement chez les étudiants.
1005Nous avons constaté que la simple expression du vécu de stage n’était pas source de développement par contre c’est au cours de ces échanges libres que les étudiants ont exprimé des écarts de pratique qui peuvent être repris et travaillés en groupe.
1006Ils sont de véritables supports didactiques pour un travail collectif.
1007Par ailleurs, certaines situations de travail dégradées rapportées par les étudiants demandent un positionnement déterminé du formateur par rapport au monde professionnel ; c’est à lui de rappeler la légalité, les règles de sécurité et d’apprendre aux étudiants à ne pas reproduire ces situations.
1008La consigne de travail, énoncée par le formateur en début de séance, a une place centrale pour mener le retour de stage puisque c’est elle qui oriente l’activité ; elle doit être opératoire.
1009Lorsque les étudiants rapportent des traces d’une activité, elles doivent être concrètes, les formateurs peuvent alors les utiliser au retour de stage.
1010Certains guident déjà l’analyse réflexive à partir de l’expression, de l’expérience des étudiants, vécues en situation professionnelle et les amènent jusqu’à une forme de généralisation.
1011Le modèle du schème proposé par Gérard VERGNAUD a constitué un modèle qui nous a permis de rendre compte de la structure, de l’organisation de plusieurs actions infirmières et nous avons découvert que l’aide du formateur portait sur les composants du schème.
1012Nous avons montré que les situations collectives de retour sur l’expérience de travail vécue en stage permettaient de mettre à la disposition des étudiants une grande partie des connaissances, des concepts pragmatiques organisateurs de l’action non traités en stage.
1013Toute formation professionnelle ne peut donc plus se concevoir dissociée de l’activité de travail.
1014Les savoirs, théoriques, procéduraux, rationnels ne suffisent pas à faire face à la complexité et à la variété des situations de travail et à générer les pratiques professionnelles, c’est pourquoi l’expression de l’expérience de situations de travail lors du retour de stage ou liée à l’expérience professionnelle est constitutive du développement de l’étudiant.
1015Le travail exercé par les formateurs en IFSI est donc complémentaire de celui exercé par le référent de l’étudiant en stage, il permet de construire, par une mise à distance, spatiale et temporelle et « dans l’interaction avec la classe, un espace physique, social et langagier de développement de l’expérience à partir de l’expression de l’expérience des situations de travail »
1016« Ce qui se construit en situation de travail entre un professionnel et un moins expérimenté que lui ne constitue qu’une étape d’un processus à prolonger, une expérience inachevée » (Patrick MAYEN, 2002, p.92) qui doit se poursuivre sur le lieu de formation par l’analyse après coup, objet du travail du formateur.
1017L’exploitation de stage peut donc constituer une configuration favorable au développement de l’expérience professionnelle des étudiants si le formateur a une position de médiateur - guide entre l’étudiant et le savoir professionnel.
1018Tout l’art du formateur est de solliciter les étudiants dans leur « zone de proche développement », de provoquer un déséquilibre, une déstabilisation qui mettent les opérations de pensée des étudiants en mouvement tout en maintenant un climat de sécurité dans la salle. De plus, travailler sur l’analyse des situations de travail développera le savoir analyser des étudiants.
1019L’analyse des situations de travail rapportées par les étudiants cadres est le meilleur moyen de développer leur savoir-faire et de les amener à transférer cette modalité dans leur propre pratique de formateur en IFSI.
1020Finalement, l’analyse des situations de travail devient le fil conducteur de la formation professionnelle par alternance dans le domaine de la santé, même si le principe de l’alternance est peu décliné dans nos textes réglementaires
1021Mais, pour développer cette compétence, les formateurs doivent aussi s’inscrire dans une dynamique de développement professionnel et participer à des ateliers de mutualisation de « savoirs d’action » du travail de formateur.
1022Dans la 5ième partie de notre recherche, nous pensons avoir répondu en partie à la question comment optimiser la formation professionnelle alternée dans les IFSI, rendre l’alternance « interactive, articulée » et construire la légitimité du formateur en proposant d’utiliser le modèle de Gérard Vergnaud pour analyser les situations de travail.
1023Pour conclure, c’est « l’Enseignement - Apprentissage qui crée le développement. » (Vygotski cité par Patrick MAYEN, Education Permanente n°151, 2002, p105) de même que le rôle du langage dans les interactions avec les étudiants et le formateur.
1024Enfin, « le développement des compétences concerne toute la vie et s’appuie sur trois sources principales : la formation initiale, l’expérience et la formation continue.
1025L’expérience est incontournable : on ne maîtrise pas un domaine d’activité et on ne devient pas expert sans expérience directe de cette activité. Mais la formation initiale fournit des moyens importants pour tirer le meilleur profit de l’expérience, l’interpréter, et traduire en forme prédicative la forme opératoire de la connaissance issue de l’expérience sur le tas. » (Gérard VERGNAUD, 1999, p.202)
1026Quant à la formation continue, elle permet aussi aux stagiaires de s’appuyer sur leur expérience, de donner du sens à ce qu’ils apprennent, de conceptualiser les savoirs empiriques, intuitifs et de se développer.
Livres
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- BARBIER Jean - Marie, Savoirs théoriques et savoirs d’action, Paris, PUF, 1996, 305 p.
- BLANCHARD - LAVILLE Claudine et FABLET Dominique, Analyser les pratiques professionnelles, Paris, L’Harmattan, 1998, 357 p.
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- BRUNER Jérôme, Culture et modes de pensée, Paris, Retz, 2000.
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- DALONGEVILLE Alain - HUBER Michel, (De) Former par les situations - problèmes, Chronique Sociale, Lyon, 2000, 202 p.
- GHIGLIONE Rodolphe - TROGNON Alain, Où va la pragmatique, de la pragmatique à la psychologie sociale, Grenoble, Presses Universitaires, 1993, 299 p.
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- PERRENOUD Philippe, Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant, Paris, ESF éditeur, 2001, 219 p.
- SCHÖN Donald A, Le praticien réflexif, Montréal, Les éditions logiques, 1994, 418 p.
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- De VECCHI Gérard - CARMONA - MAGNALDI Nicole, Faire vivre de véritables situations problèmes, Hachette Education, Paris, 2002, 251 p.
- VERGNAUD Gérard, Lev Vygotski Pédagogue et penseur de notre temps, Hachette Education, Paris, 2000, 95 p.
- VERGNAUD Gérard, Traité des sciences et des techniques de la Formation, Paris, Dunod, 1999.
Periodiques
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- MAYEN Patrick, Activité réalisée, activité analysée, Initiatives n°1, pp.6 - 12.
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- Situations Professionnelles, Initiatives n°1
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Autres
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Dictionnaire
- RAYNAL Françoise - RIEUNIER Alain, Pédagogie : dictionnaire des concepts clés, Paris, ESF Editeur.
- Petit LAROUSSE
Mots-clés éditeurs : retour réflexif, didactique professionnelle, concept de schème, analyse du travail, développement
Date de mise en ligne : 11/01/2014
https://doi.org/10.3917/rsi.083.0034Notes
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Mémoire réalisé en vue de l’obtention du Grade de Master en psychologie : Ingénierie des apprentissages en formation professionnelle
Sous la direction de Patrick MAYEN, Département des Sciences de la Formation et de la Communication
ENESAD Dijon