Notes
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Ces établissements sont : l’EMS Val Fleury et la Maison de Vessy pour Genève, le Home des Glariers, le Foyer Haut-de-Cry et le Home Les Crêtes pour le Valais.
Introduction
1Alors que de nombreuses études montrent une institutionnalisation grandissante de la mort dans nos sociétés, les conditions, facteurs et obstacles à la réalisation de « bonnes/belles » morts semblent encore peu étudiés [1-4,7]. Caractéristique de notre époque, le transfert des décès du domicile vers les institutions exige des professionnels qui y œuvrent non seulement des compétences techniques mais aussi et surtout des connaissances, des attitudes et un comportement nouveau dans la prise en charge et l’accompagnement des personnes en fin de vie. Dans cette perspective et sans remettre en cause les rôles et responsabilités des patients et de leurs proches dans la réalisation d’une bonne mort, les croyances, les opinions et perceptions qu’en ont les professionnels conditionnent leur pratique et influent sur la qualité des soins dont les mourants et leur entourage ont besoin [5-7].
2Si, à l’évidence, on sait que ces perceptions diffèrent entre professionnels de soins et patients, la connaissance des facteurs explicatifs et des implications sociales et politiques fait défaut parmi les premiers [8-10].
3Dans le but de contribuer à la formulation des politiques de santé intégrant la qualité de la mort comme un objectif de santé publique, une étude a été menée dans deux Cantons de Suisse Romande (GE et VS) auprès de professionnels de soins travaillant dans les Etablissements Médico-Sociaux (EMS) en février 2004 dans l’objectif de connaître leurs perceptions d’une bonne mort et d’identifier les facteurs pouvant en expliquer les différences.
Méthodes
4Avec la collaboration des directions de cinq EMS à Genève et en Valais [1], un questionnaire auto-administré de type « un jour donné » à été distribué aux professionnels travaillant dans ces institutions par l’entremise des étudiants de la formation « Soins palliatifs et thanatologie » de l’Institut Universitaire Kurt Bösch qui effectuaient alors un travail consacré à la recherche de terrain. Au total 161 questionnaires sur les 180 distribués ont été retournés, soit un taux de réponse de 89 %.
5Le tableau I présente les caractéristiques sociales et démographiques des répondants. Il s’agit d’un collectif dominé par de femmes (79,5 %). Six sur dix pratiquent directement des soins (infirmières, aides soignantes) et environ un sur cinq a une formation en soins palliatifs. Le tiers de cette population déclare avoir accompagné des mourants moins de cinq fois tandis que 45 % l’ont vécu plus de 6 fois.
Caractéristiques sociales et démographiques des répondants (n : 161)
Caractéristiques sociales et démographiques des répondants (n : 161)
6Leur expérience professionnelle varie ; un sur dix a moins d’une année d’expérience et la moitié totalise 6 ans et plus. Leur lieu de travail est Genève pour 41,6 % et le Canton du Valais pour 52,6 %.
7Le questionnaire a été élaboré à l’aide d’un instrument validé et adapté à la mesure des perceptions du concept de bonne mort [11]. Il comporte 11 items et une échelle de mesure comprenant quatre modalités de réponse « pas nécessaire, souhaitable, important et essentiel ».
8Les répondants devaient choisir pour chaque item proposé une de quatre modalités considérée comme pouvant mieux caractériser selon eux une bonne mort.
9Les analyses ont consisté à calculer les proportions des répondants pour qui un item donné est considéré important et/ou essentiel à la réalisation ou au vécu d’une bonne mort.
10Ensuite, ces statistiques ont à leur tour été analysées en fonction des caractéristiques des répondants afin de tester la force de l’association des caractéristiques des répondants sur les réponses obtenues.
11Ces analyses ont été effectuées à l’aide du logiciel EPINFO 6.
Résultats
12Le tableau II présente la synthèse des résultats.
Perceptions de la bonne mort auprès du personnel soignant et non soignant de 5 EMS en Suisse Romande
Perceptions de la bonne mort auprès du personnel soignant et non soignant de 5 EMS en Suisse Romande
(Résultats en % des répondants ; N : 161)Légende
GE : Genève SOI : Soignants (Infirmier-e-s, aides soignant-e-s,…)
VS : Valais NSOI : Non Soignants (coiffeurs, cuisiniers, administratifs)
H : Hommes FOR : Formé(e)s en Soins Palliatifs
F : Femmes NFOR : Non Formé(e)s en Soins Palliatifs
SOI : Soignants (infirmier/es), aides soignant(e)s
13Le soulagement des douleurs, la paix et la sérénité, la présence des proches et le respect des dernières volontés forment les quatre piliers caractéristiques d’une bonne mort pour plus de 80 % des répondants.
14Le soutien des professionnels, la possibilité de transmettre les valeurs et l’essentiel des expériences de la vie ainsi que la prise en compte des besoins religieux ou spirituels des patients sont considérés comme des caractéristiques importantes et essentielles d’une bonne mort pour une frange de 60 à 70 % des membres de ce collectif.
15Le besoin d’avoir un temps de préparation, la possibilité de choisir le lieu de décès, le besoin d’être conscient et en relation jusqu’au bout ainsi que la nécessité d’un contrôle des fonctions du corps ; obtiennent des taux d’acceptation d’environ 50 % environ.
16Toutefois, on observe de fortes différences en fonction du lieu de travail, du sexe, de la formation en soins palliatifs, de l’expérience professionnelle ou du nombre de décès auxquels les répondants ont été confrontés.
17Ainsi, s’ils s’accordent sur le soulagement de la douleur, le soutien des professionnels et le contrôle des fonctions du corps comme composantes importantes d’une bonne mort, les répondants du Valais sont plus nombreux que ceux de Genève à considérer que :
- le fait d’être en paix et serein est plus important voire essentiel pour une bonne mort (93.9 % vs 83.5 % ; p < 0.05) ;
- le temps de préparation à la mort (75 % vs 70 % ; p < 0.05) ;
- la transmission des valeurs de la vie joue un rôle (71 % vs 67 % ; p < 0.05) ;
- la présence des proches est capitale (85 % vs 78 % ; p < 0.05) ;
- les besoins religieux doivent être pris en compte (67 % vs 50.7 % ; p > 0.05) ;
- le lieu de décès influe aussi sur la qualité de la mort (57 % vs 48 % ; p > 0.05).
18Pour leur part, les répondants de Genève mettent plus l’accent sur la nécessité de rester conscient et en relation jusqu’à la mort (55 % vs 42 % ; p > 0.05).
19Même si elles sont statistiquement moins significatives, les différences de perceptions entre sexe méritent d’être soulignées. Dans des proportions allant de 96 à 82 %, plus de femmes pointent le soulagement de la douleur, la paix et la sérénité, la présence des proches, le respect de dernières volontés comme des caractéristiques importantes. Chez les hommes cette proportion est de 82 à 68 %
20La formation en soins palliatifs modifie aussi les perceptions de ces professionnels. Si l’on n’observe guère de différence pour le soulagement de la douleur, le besoin de paix et de sérénité, le soutien des professionnels et le rôle du lieu de décès, ces différences sont apparentes en fonction de la formation.
21Les personnes non formées aux soins palliatifs sont plus nombreuses à considérer que le temps de préparation (55 % vs 47 %), la présence des proches (84 % vs 78 %), le respect de dernières volontés (86 % vs 75 %), la possibilité de transmettre les expériences de la vie (78 % vs 71 %) demeurent des caractéristiques importantes de la bonne mort.
22De même, la fonction de soignants en contact (infirmier(e) s, aides soignantes) ou du personnel administratif et d’appui (cuisinier, administratif, etc.) semble conduire à des variations de perceptions.
23Les non soignants mettent davantage l’accent que les soignants sur :
- la présence des proches (85 % vs 80 %),
- la prise en compte des besoins religieux (64 % vs 59 %),
- le fait d’être conscient et en relation jusqu’au bout (64 % vs 40 %),
- le temps de se préparer (55 % vs 50 %).
24Par contre environ six soignants sur dix considèrent le lieu de décès comme une des composantes importantes contre la moitié de non soignants.
25L’expérience professionnelle est aussi porteuse de différences de perceptions de la bonne mort auprès des soignants. Les plus expérimentés (6 ans et plus) montrent une plus grande sensibilité que les moins expérimentés en particulier face aux besoins de :
- un soutien des professionnels (76 % vs 67 %, p < 0.05),
- transmission des expériences de la vie (76 % vs 65 %, p > 0.05) ;
- être conscient et en relation (54 % vs 35 %, p > 0.05),
- avoir un contrôle de fonctions du corps (46 % vs 31 %)
26Enfin dans quatre domaines précis, les perceptions des soignants sont dépendantes du nombre d’accompagnement vécu. La transmission des expériences de la vie, le temps de préparation, le fait d’être conscient et en relation et le contrôle des fonctions du corps sont des domaines qui rencontrent un intérêt plus grand auprès des personnes ayant vécu plus de cinq situations d’accompagnements à la mort.
Discussion
27Les résultats de cette étude indiquent que les soignants ont une conception claire de ce qu’est une bonne mort. Ils en ont donné les composantes importantes aussi bien du point de vue technique que relationnel.
28Dans l’ensemble, ces résultats ne s’écartent pas des tendances connues et confirment l’importance du soulagement de la douleur, de la présence des proches, de la préparation à la mort et du respect des directives anticipées comme le suggèrent plusieurs études [4, 5, 8, 12]. Vus sous l’angle des besoins, ces résultats ne s’écartent nullement de ceux rapportés par Reynolds & al dans leur étude des besoins des mourants dans un nursing home en Caroline du Nord. Pour les infirmières, les aides soignantes et les familles interrogées après les décès des résidents, 86 % trouvent que la douleur a été le symptôme physique majeur, 81 % signalent des problèmes de propreté, 75 % la dyspnée, 59 % l’incontinence et seuls 58 % pensent que le défunt a eu une bonne mort [13].
29La prévalence et l’intensité de la douleur auprès des patients et des résidents dans les institutions de soins restent, comme le montre notre étude, des sujets de vive préoccupation.
30En France, deux études situent à 55 % et à 57 % les proportions des patients souffrant de douleurs 24 heures après leur admission respectivement au Groupe Hospitalier Pitié Salpêtrière à Paris et à l’Hôpital Albert-Chenevier de Créteil [14-15].
31En Italie, l’étude de Costantini & al fixe à 56,6 % des malades hospitalisés déclarant avoir souffert de douleurs durant les 24 heures ayant précédé l’enquête [16].
32Dans les Nursing Homes (EMS), une revue de littérature de 1999 conclut que la prévalence de la douleur auprès des personnes âgées vivant dans les nursing homes et les institutions de soins de longue durée se situe entre 49 et 83 % [17].
33Bien que la situation en Suisse reste peu connue, l’étude de Groux-Frenher et Rapin réalisée en 1996 auprès de 115 patients de la Maison de Vessy à Genève établit à 63 % le taux de patients présentant des douleurs [18].
34Mourir avec, par et dans la douleur reste ainsi une réalité que vivent nombre des personnes en fin de vie.
35Le rôle de l’entourage dans la phase ultime de la vie a été fortement souligné, néanmoins il devrait faire l’objet d’attention afin d’éviter l’acharnement relationnel tout aussi préjudiciable que l’acharnement thérapeutique.
36La préparation à la mort ne peut être vue de manière unidirectionnelle vis-à-vis des patients et de leurs proches ; elle exige également une acceptation et une formation des soignants aux déchirements et ruptures qu’entraînent les décès même dans un environnement où ils sont naturellement attendus.
37Le faible taux (20 %) des soignants formés aux soins palliatifs dans notre échantillon montre le besoin de développer des programmes de formation spécifiques devant inclure les aspects psychologiques, culturels, juridiques et éthiques de la fin de la vie. Des enquêtes récentes ont mis en lumière ces carences de formation tant auprès des médecins que des infirmier(es) notamment au pays de Galles où 75 % des médecins internes n’avaient aucune formation en relation avec les soins palliatifs et le deuil [19].
38Pour environ 80 % des répondants, le respect des dernières volontés est l’une des composantes majeures d’une bonne mort. Une étude récente réalisée par une équipe de la Policlinique de Gériatrie à Genève renseigne que 61 % des demandes réclament le soulagement de la douleur, 41 % demandent des mesures de confort et 43 % l’arrêt de traitement. Dans la même étude 30 % des personnes âgées désignent le médecin traitant comme leur représentant thérapeutique [20].
39En dépit de leur importance dans l’humanisation de soins, les directives anticipées restent ce qu’elles sont, soit des souhaits exprimés par une personne, à un moment donné de la vie et qui peuvent être limités par la loi, les ressources disponibles, l’éthique, l’évolution clinique et psychosociale voire l’ambivalence de la personne en fin de vie.
40Au delà de leur cohérence, les résultats de la présente étude suggèrent que les perceptions des professionnels de soins sont d’une part modulées par leurs caractéristiques personnelles telles que leur sexe, leur fonction, leur expérience professionnelle, leur expérience de l’accompagnement des personnes en fin de vie et par leur culture d’autre part.
41Rappelons que la sensibilité, les émotions et les effets de la mort varient en fonction du sexe comme par exemple face aux suicides [21].
42Les différences de perceptions dues à la nature des activités de soins paraissent moins évidentes comme une étude américaine le propose [22]. À l’inverse l’expérience professionnelle est reconnue comme un puissant discriminant tant des attitudes des soignants devant la mort que de leur aptitude à faire face aux problèmes de fin de vie [23-24].
43A ces caractéristiques démographiques et sociales des répondants, il convient d’ajouter le rôle de la culture dans la variation des rapports à la mort. L’importance accordée par les soignants du Valais aux besoins religieux, à la présence des proches et au lieu de décès semble témoigner de la forte imprégnation de la religion durant les trajectoires de la vie et surtout face à la mort [25].
44Les points de forces développés ci-dessus ne sauraient occulter les limites de cette étude. Au niveau méthodologique, la bonne mort concerne aussi bien les morts que les vivants. L’impossibilité matérielle d’interroger les premiers ampute le champ de l’analyse d’une dimension essentielle.
45La mort étant par essence une expérience à la fois individuelle et collective.
46L’outil d’analyse utilisé a été construit dans le contexte de la culture anglo saxonne, la traduction des différents items pourrait avoir introduit des difficultés de différenciation entre les caractéristiques jugées « importantes » ou « essentielles ».
47Cet outil est construit dans une perspective plus individualiste et centrée sur les seuls besoins du mourant. L’équilibre nécessaire entre les besoins des mourants et ceux des survivants est moins présent dans ses bases théoriques et son modèle opératoire.
48A ce même niveau, il paraît légitime de s’interroger sur l’objet même de ces perceptions. Une bonne mort est-elle liée au moment et à l’acte du trépas ou, au contraire, reste-t-elle un processus incluant le décès comme l’ultime du « mourir » ?
49Par ailleurs, ce concept n’en est pas moins porteur d’interrogations dans les cultures latines, où la « belle mort » est plus couramment utilisée que la « bonne mort » et les perceptions de sa qualité se prolongent au-delà du décès incluant des rites comme la présence de nombreuses personnes aux funérailles.
50Une autre limite de taille est celle que portent les études transversales. Leur nature de photographie instantanée d’une situation n’autorise que des analyses dynamiques pourtant importantes dans un domaine où les attitudes des différents acteurs ne restent pas statiques.
51Enfin la taille de l’échantillon limite fortement la généralisation des résultats. Leur utilisation dans une perspective plus large et des contextes culturels et socio sanitaires différents exige de la prudence et de la hauteur, même dans un monde de plus en plus globalisé.
52Nonobstant ces limites, cette étude ouvre des perceptives de recherche et d’action intéressantes.
53Dans le domaine de l’action, ces résultats rappellent que la qualité du « mourir » et de la mort mérite d’être considérée comme un objectif de santé publique. Bien qu’encore peu documentés, les effets des morts violentes, suicides et de manière générale de « mauvaises » morts incitent à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques sociales et de santé intégrant la qualité de la mort dans leurs objectifs.
54La prévention des deuils compliqués, irrésolus et pathologiques est rendue importante par les coûts qu’ils induisent notamment en termes de morbidité. Estimée à environ 20 % dans une étude américaine [26] la prévalence des survivants, en particulier des personnes endeuillées développant des complications cliniques, devrait inciter les professionnels à plus d’attention dans la détection et le diagnostic des troubles et états de santé dus à la qualité des deuils vécus.
55Sur le plan de l’organisation des services, la recherche des conditions de bonnes morts couvre tous les services dans lesquels surviennent les décès, en particulier ceux des urgences et dans certains contextes de soins aigus. La formation à l’accompagnement des mourants ne saurait rester un terrain réservé aux seuls soignants travaillant dans les unités des soins palliatifs.
56Le soutien des professionnels dans la préparation à la mort, la présence des proches, la prise en compte de besoins religieux et d’autres caractéristiques mentionnées plus haut impliquent le développement des capacités de communication au sein des équipes de soins et en direction des patients et de leurs familles. Réussir à communiquer ensemble exige une connaissance du patient, de ses valeurs et principes, de son histoire de vie. Les fortes rotations dans les équipes de soins désarçonnent les patients et leurs familles qui perdent leurs repères et sont obligés de raconter la même histoire, le matin, à midi et le soir aux équipes, infirmier(es), médecins et aides infirmiers qui se succèdent….
57La lourdeur et la répétition des situations de décès aux quelles les soignants sont confrontés devrait susciter l’attention des administrations. Dans des environnements où les décès constituent les seules modalités de sortie des résidents et patients, les soignants tout aussi bien que les proches ont besoin de lieux de parole et d’appuis psychologiques afin de donner ou de retrouver du sens à leurs activités. Dans bien des cas, ces lieux n’existent pas et là où ils le sont, le temps manque.
58Dès lors, épuisés physiquement, diminués psychologiquement, dépaysés spirituellement, bien des soignants ne disposent plus de l’énergie et de la vitalité indispensables à l’accompagnement des mourants.
59Sur le plan de la recherche, cette étude ouvre plusieurs pistes. D’abord celle de la congruence de ces perceptions avec celles des soignants ne travaillant pas dans les institutions pour personnes âgées et de soins intensifs. Les résultats de pareils travaux pouvant permettre de standardiser les critères de bonne mort à l’intérieur des institutions de soins et de développer des programmes locaux de qualité de fin de vie.
60Ensuite, sur le plan méthodologique, il importe d’élargir la taille de l’échantillon mais aussi des professionnels de santé, y compris les médecins de famille dont le rôle d’accompagnant reste peu étudié et insuffisamment pris en compte dans l’organisation des soins en fin de vie.
61Nécessaire à la connaissance des niveaux de prévalence et d’incidence des deuils pathologiques, de leurs facteurs de risque ainsi que de leurs effets sur les états de santé, l’épidémiologie des deuils s’offre à nous comme un champ nouveau de recherche dont les résultats faciliteraient la mise en œuvre des politiques et programmes de prévention adaptés.
62Sous la poussée de la rationalisation des coûts, l’économie de fin de vie porte encore les marques d’une comptabilité à entrée unique où seules sont présentées, analysées, interprétées et utilisées les données des dépenses engendrées par les longues périodes d’hospitalisation et de soins. Les gains économiques pouvant résulter d’une meilleure qualité de fin de vie au niveau des collectivités publiques, des familles et des individus s’offrent à nous comme une piste de recherche utile afin que la logique comptable soit respectée et que des décisions politiques courageuses soient prises sur des bases moins partiales et partielles.
63Enfin, les différences de perceptions de la qualité de la mort, en fonction des cultures dans un monde multiculturel où soignants, patients et proches sont marqués par les rapports tout aussi différents à la vie et à la mort, nous interpellent. Comment dès lors et dans nos pratiques quotidiennes allier les exigences légales, l’état physique et psychologique du patient, ses souhaits et préférences, les besoins des familles, la déontologie et l’éthique professionnelle, les limites des ressources disponibles à la recherche de « bonnes morts » par des soins de qualité en fin de vie ?
Conclusion
64Cette étude avait pour objectifs de connaître les perceptions d’une bonne mort auprès de soignants travaillant dans les institutions de soins où surviennent aujourd’hui la majeure partie des décès d’une part et d’identifier les facteurs de différences de perceptions observées d’autre part.
65Les résultats obtenus permettent de considérer que le soulagement des symptômes, la douleur ; la présence des proches, le respect de dernières volontés apparaissent aux yeux des soignants comme le socle sur lequel la recherche et la réalisation des expériences de bonnes morts peuvent être construites.
66Au sein du collectif des répondants, de sensibles différences de perceptions sont apparues. Elles sont surtout modulées par leurs caractéristiques personnelles ainsi que par leurs lieux de travail.
67En raison des effets néfastes des « mauvaises morts » sur les mourants, leurs proches et les soignants, il importe désormais d’intégrer la recherche des conditions de réalisation des expériences de bonnes morts dans les objectifs de formation et de santé publique.
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