Notes
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[1]
On attribue généralement à cet ouvrage la première systématisation du concept.
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[2]
« Dans la conclusion de L’école primaire, j’hésitais à employer le terme forme scolaire au pluriel […]. Cette question, avec ses implications a été au centre de discussions organisées dans un comité de recherche de l’AISLF, qui ont abouti, en 1994, à l’ouvrage collectif, L’éducation prisonnière de la forme scolaire ? La discussion se poursuit » (Vincent, 2004, p. 114).
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[3]
Ici Vincent (1980, p. 32), ainsi que les chercheurs avec qui il a travaillé, se réfère explicitement aux typologies wébériennes des activités sociales et d’exercice du pouvoir (Weber, 1921/1995).
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[4]
Ceci montre bien que la « forme scolaire » s’articule avec des normes et valeurs sociales, donc aussi des conceptions de l’enfance qui évoluent avec le temps. Ces conceptions ne fonctionnent d’ailleurs pas toujours dans le sens d’une amélioration linéaire, par exemple d’un mépris supposé à une meilleure prise en compte de l’enfance, comme le montrent plusieurs travaux, tels que ceux, fondateurs et utilisés par Vincent, d’Ariès (1973) ou d’autres travaux plus contemporains (Dupeyron, 2010 ; Renaut, 2002).
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[5]
Cette notion de pratique correcte dans une pédagogie historique a été proposée par Henri Louis Go à propos de Freinet (Go, 2007), et travaillée en coopération depuis plusieurs années à partir de l’École Freinet de Vence et les pratiques Montessori au sein notamment du groupe de Nancy du « Séminaire Action » de la Théorie de l’Action Conjointe en Didactique, lui-même articulé à l’équipe « Normes et Valeurs » du Laboratoire Interuniversitaire des sciences de l’éducation et de la communication (LISEC). La notion de pratique correcte affirme qu’il existe une façon correcte de pratiquer des techniques formant un ensemble systématique au sein d’une pédagogie constituée. Il s’agit ici d’une entreprise critique permettant de mieux circonscrire l’objet dont on parle : il ne s’agit pas d’affirmer qu’il existe une orthodoxie intangible – les pratiques sont toujours appropriées et articulées à un contexte et ont de fait évolué dans le temps – mais qu’il est nécessaire toutefois de posséder des repères, une boussole (Fabre, 2011) pour s’orienter dans la multiplicité des pratiques se revendiquant de la pédagogie montessorienne.
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[6]
Ceci explique que les observations participantes que nous engageons depuis plusieurs années se font dans le privé sous contrat ou dans le public lorsque les pratiques sont suffisamment avancées. Ces contextes supposent l’articulation à une norme donc aussi une réflexion engagée par des praticiens à cette même norme scolaire (donc à la forme scolaire également) qui n’est pas nécessairement à l’œuvre dans les écoles hors contrat.
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[7]
« C’est en cela que consiste l’éducation comprise comme aide à la vie : une éducation qui prend place depuis la naissance, qui alimente une révolution privée de violence, et qui oriente chacun vers un but commun […]. Voilà l’espérance nouvelle et lumineuse de l’humanité » (Montessori, 1949, p. 19).
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[8]
Dans la conception montessorienne, qui est moniste, il n’y a pas d’opposition entre esprit et corps, jeu et travail, intellectuel et manuel.
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[9]
Joseph-Marie de Gérando (1772-1842) est un pédagogue et philanthrope qui initie les méthodes d’observation participante dans l’objectif de mieux connaitre et aider à résoudre les difficultés des plus pauvres. Pédagogue méconnu, « il est l’un des fondateurs de la Société pour l’instruction élémentaire (1815), qui prône l’enseignement mutuel et l’instruction des adultes » (Moreau, 2017).
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[10]
Cf. les réflexions de Vygotski sur les relations entre processus d’apprentissage, de développement et d’enseignement (Vygotski, 1934/1985, p. 97).
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[11]
Pour un exemple de trajectoire d’enfants, on pourra regarder une description publiée dans la revue Trema (Kolly, 2018b).
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[12]
Les fondements idéologiques de la pédagogie Montessori ne sont pas aussi aisés à saisir qu’on le croit généralement, tant la pédagogue a évolué entre 1907 et 1952, et tant les influences ont été multiples (socialisme utopiste des débuts, féminisme, catholicisme, influence de la pensée orientale et de l’Inde dans les dernières années de sa vie, diffusion dans des contextes nationaux, culturels, sociaux et religieux divers). Il convient sans doute de dire que cette pédagogie est avant tout un matérialisme pédagogique, c’est-à-dire qu’elle se fonde d’abord sur des techniques qui sont ensuite habitées par des intentions vis-à-vis de l’enfant (mise au jour des puissances inexplorées de l’enfant, refus des déviations par les interventions de l’adulte), et non l’inverse. Ceci peut expliquer une relative constance des pratiques et une relative mobilité des conceptions idéologiques de la pédagogue et des contextes dans lesquels la pédagogie a été utilisée, y compris des contextes politiques, ce qui peut être considéré comme problématique (voir Kolly & Go, 2020).
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[13]
Le « but indirect » travaille une habileté ou une connaissance qui sera soit mobilisée plus tard, soit dans un autre contexte. Pour une description plus détaillée du matériel et ses objectifs, voir Kolly (2018a).
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[14]
Dans un texte intitulé « Enseigner c’est faire le programme », dans Enseigner, ça s’apprend (2020) nous avons, avec Henri Louis Go, Frédérique Prot et Thibault Bouchet-Gimenez, proposé cette expression pour souligner une différence importante de certains modèles (comme à l’École Freinet de Vence ou chez Montessori) avec l’école plus classique.
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[15]
L’éducation maternelle dans l’école (1895), en particulier.
1 Lorsque dans le livre tiré de sa thèse d’État (Vincent, 1980), Guy Vincent systématise le concept de forme scolaire [1], il le fait pour répondre aux deux grandes questions suivantes, déjà posées au début du XXe siècle par Émile Durkheim : qu’est-ce que l’école « au sens propre du mot » (Durkheim, 1999, p. 40), « comme telle » (Vincent, 1980, p. 8) ? Et quand est-elle apparue ?
2 Les spécifications du concept que propose Vincent s’en ressentent dans la mesure où elles cherchent à caractériser ce qu’il y a de plus commun à toutes les institutions pouvant relever de la forme scolaire : de la première à réunir toutes ses caractéristiques aux plus contemporaines, voire à celles qui sont présentées (ou se présentent) comme étant les plus déviantes ou novatrices par rapport au plus « traditionnellement » scolaire. Il résulte de cette entreprise conceptuelle une spécification très générale – anthropologique diraient certains – de ce que peuvent être les traits les plus caractéristiques de l’école.
3 Si un tel point de vue s’est avéré précieux, comme le montre le succès du concept, il peut aussi être réducteur dès que l’on veut traiter d’autres questions. Le risque est alors de confondre l’école et la forme scolaire, voire la forme et le formalisme scolaires (Joigneaux, 2017). Parce que spécifié trop généralement, ce concept pourrait être utilisé pour décrire n’importe quelle institution scolaire, n’importe quelle pédagogie ou doctrine pédagogique. D’ailleurs, dans son ouvrage séminal, Guy Vincent se montre bien conscient des limites de sa montée en généralité, même si cela a été plutôt oublié par la suite : en comparant les écoles lasalliennes et les écoles mutuelles, et plus encore les classes qu’il a pu observer lui-même au milieu des années 1970 (Vincent, 1980, pp. 227-235), Vincent s’est parfois demandé s’il fallait parler ou pas d’une seule et unique forme scolaire, ou de « variantes » d’une même forme scolaire (p. 264), voire d’« éclatement » de la forme scolaire (p. 211). Une question qu’il n’a jamais résolue, comme il l’a reconnu après coup [2], et qui a pu être saisie par d’autres chercheurs par la suite, par exemple avec l’idée de variation de la forme scolaire (Seguy, 2018).
4 Nous faisons l’hypothèse que la cause principale de ces hésitations, de cette indécision, est que le concept de forme scolaire tel qu’il est défini par Guy Vincent n’est pas taillé pour traiter les questions visant à comparer des institutions ou des pédagogies scolaires ; il a été plutôt spécifié pour travailler les questions plus générales qu’on vient de rappeler. Si la forme scolaire doit être définie par une caractéristique aussi générique que « le rapport à des règles impersonnelles » [3] (Vincent et al., 1994, p. 13) censées régenter tout à la fois le temps, l’espace, la discipline, les enseignements scolaires ainsi que la relation pédagogique (Vincent, 1980, p. 43), alors il est très difficile de trouver des pratiques de classe qui n’entrent pas dans un cadre conceptuel aussi générique. On peut assez facilement voir « dissimulés » (p. 230) derrière des pratiques à priori plus singulières et personnelles, c’est-à-dire propres à leurs auteurs, des modes de régulation plus impersonnels, comme le fait Vincent dans l’avant-dernier chapitre de son ouvrage de 1980 (pp. 211-236)
5 Tout en usant de ce schème interprétatif, Vincent observe pourtant de nettes inflexions à mesure qu’apparaissent et se diffusent de nouvelles conceptions de l’enfance : viendraient entrer en tension avec le modèle de « l’enfant dressé », celui de « l’enfant raisonnable » puis celui de « l’enfant épanoui » (pp. 233-234). Non seulement donc de nouveaux rapports aux règles impersonnelles (p. 34) entrent en tension, mais aussi de nouvelles règles (p. 258) apparaissent, les deux mouvements convergeant vers une plus grande personnalisation de la régulation scolaire [4]. Ainsi, par exemple, Vincent observe que « l’intérêt des élèves prend le pas sur l’emploi du temps : le jour où ils s’intéressent à la lecture ou à un thème des activités d’éveil, on prolonge la leçon » (p. 226).
6 Ces mouvements conduisant à la remise en question de la nature impersonnelle des règles, on comprend mieux pourquoi Vincent voit dans cette évolution une tension, voire un risque d’éclatement de la forme scolaire… du moins telle qu’il l’a définie. Si, en effet, le premier « principe d’intelligibilité » (Vincent et al., 1994, p. 13) de la forme scolaire est la nature impersonnelle des règles et donc des rapports qu’elles peuvent construire, leur plus grande personnalisation peut être considérée comme un signe d’éclatement de la forme scolaire. Peut-on encore parler de forme scolaire dans ces conditions ? Comme le montrent les multiples hésitations, voire revirements de Vincent à propos de cette question, il semble que l’on ne puisse pas répondre tant que le concept reste spécifié au niveau aussi générique choisi par Vincent.
7 C’est pourquoi, dans cet article, nous allons explorer des niveaux de spécification du concept de forme scolaire moins généralisants – qui cependant restent compatibles avec les définitions proposées par Vincent – à partir de l’analyse croisée du corpus présenté par Vincent dans son livre de 1980 et de notre corpus portant sur une pédagogie qu’il n’a pas étudiée, la pédagogie Montessori.
8 Précisons que nous réfléchissons ici à partir des pratiques Montessori « correctes », correspondant à l’esprit et la lettre de la pédagogie initiale. Le principe est de rappeler une chose simple mais importante : tout ce qui se dit Montessori n’est pas nécessairement du Montessori [5].
9 Ces pratiques sont étudiées ici dans un cadre contemporain, donc ayant de fait maille à partir avec l’école dans sa forme classique [6]. Il faut ici expliciter que les pratiques montessoriennes ont émergé dans un cadre de fait extérieur à la forme scolaire : nées dans le préscolaire et supposant une rupture radicale avec la conception de l’enfance de l’époque, elles se voulaient des « maisons des enfants » visant avant tout une « aide à la vie » [7] : elles n’étaient pas pensées comme des écoles. Le « matériel » montessorien, construit initialement à partir des techniques d’Édouard Séguin, visait ainsi en premier lieu l’éducation des sens (fondement pour l’éducation du peuple écrit Séguin dans Traitement moral, hygiène et éducation des idiots et des autres enfants arriérés en 1846), de l’attention, de l’être-là de l’enfant, le savoir intellectuel étant articulé à ces objectifs premiers [8]. Ainsi, ces « maisons » ont pu se déployer peu à peu comme des écoles, et c’est dans des écoles qu’elles se déploient aujourd’hui principalement – même si elles répugnent la plupart du temps à utiliser les syntagmes « élèves », « enseignants » ou « classe ».
10 Les pratiques montessoriennes constituent ainsi peut-être pour la forme scolaire un cas limite ou paradoxal. D’un côté, ces pratiques sont prises dans la forme scolaire de laquelle elles participent de fait. Dans ce sens, elles peuvent être lues en partie par le biais de modèles ayant été forgés à partir de l’observation de pratiques plus classiques en maternelle. D’un autre côté, ces classes proposent des résistances à la forme scolaire telle que Vincent l’a définie : rapport à des règles impersonnelles, mode d’enseignement simultané, discipline formelle et forme scripturale (Go, 2014 ; Lahire, 2008). En cela, ces pratiques proposent aussi une résistance, un dehors de la forme scolaire, qui reste difficile à décrire, précisément parce que n’entrant pas dans les oppositions binaires habituelles (discipline versus liberté, individualisme versus collectif par exemple).
Retours sur L’école primaire française
La forme scolaire et le mode d’enseignement simultané
11 Cela a été peu remarqué, mais Vincent, à la suite notamment des travaux de Roger Chartier, Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, a pensé le concept de forme scolaire à partir d’un dispositif bien particulier : le mode (ou la méthode) simultané(e) d’enseignement (Chartier et al., 1976, p. 129 ; Vincent, 1980, p. 21 ; Vincent et al., 1994, p. 17). La mise en place de ce dispositif correspond en effet à la période estimée d’apparition de la forme scolaire. Le plus souvent, Vincent et les chercheurs qui ont travaillé avec lui à la systématisation de ce concept font coïncider cette période avec celle de l’apparition du mode d’enseignement simultané dans les écoles latines des Frères de la vie commune au XIVe et XVe siècles (Chartier, et al., 1976, p. 120 ; Vincent, 1980, p. 57). En outre, les caractéristiques de ce modèle ou dispositif pédagogique sont celles qui sont retenues par Vincent pour définir la forme scolaire. Comme Vincent l’indique, ce modèle – par opposition au mode d’enseignement individuel qui aurait auparavant dominé dans le « primaire » – permet aux élèves d’apprendre « ensemble, simultanément, et non plus individuellement, à l’aide d’un matériel uniforme » (Vincent, 1980, p. 21), et donc impersonnel pourrait-on ajouter. En outre, pour que l’enseignement puisse être simultané, il faut que des élèves « de même force soit groupés par classes » (Chartier et al., 1976, p. 129) définies par des progressions et des emplois du temps spécifiques à chacun des « niveaux » de classe, sans autres considérations que ces derniers, donc impersonnels. On réunit ainsi presque toutes les caractéristiques propres à la forme scolaire, selon Vincent.
Vers un assouplissement du mode simultané ou vers son hybridation ?
12 Et à y regarder de plus près, ce sont les « assouplissements » (Joigneaux, 2011) de cette méthode d’enseignement simultanée observés directement par Vincent qui le font se questionner sur la pérennité de la forme scolaire telle qu’il l’a définie. Ainsi, comme cela apparait dans la citation figurant dans notre introduction (Vincent, 1980, p. 226), il observe que la temporalité programmée (au sein de progressions) des activités et des apprentissages des élèves n’est pas la seule dont peuvent tenir compte les enseignants dans la mesure où ils ont de plus en plus eu tendance à prendre aussi en compte celle des envies et des apprentissages de leurs élèves. Comme si la progressivité des apprentissages était de plus en plus personnalisée (pour le groupe, au sens où le groupe peut en partie construire ses propres règles) et de moins en moins collective et simultanée. Vincent fait d’autres remarques allant dans le sens d’une plus grande personnalisation des règles ou des rapports à ces règles, comme la norme de conduite qui peut être « élaborée par le groupe grâce à la discussion du comportement ou des opinions de ses propres membres » (p. 231) ; « faisant travailler les élèves par petits groupes, elle [l’enseignante] a admis peu à peu que ceux qui n’étaient pas avec elle se déplaçaient et même parlaient » (p. 226)…
13 On le voit, dans les classes observées par Vincent dans les années 1970, les différents types de règles qu’il a distingués pour définir la forme scolaire peuvent varier : elles sont en partie fixées par les membres de ces classes, de manière relativement informelle. Comme nous l’avons déjà rappelé, Vincent en conclut que cette personnalisation des activités et des apprentissages des élèves est une manifestation d’une nouvelle conception de l’enfance marquée par un plus grand souci de l’« épanouissement » – le modèle de « l’enfant épanoui ». Cet épanouissement serait favorisé par un plus grand respect des envies, des temporalités propres des apprentissages de chaque élève. Il s’agit de ne plus confondre les appétences individuelles avec l’enseignement tel qu’il est programmé dans des progressions et des emplois du temps standardisés et impersonnels. Cela peut expliquer pourquoi, dans une perspective constructiviste, on laisse de plus en plus aux élèves le temps de « trouver » ou « découvrir », d’apprendre par eux-mêmes plutôt que de réciter ce qui leur a été appris « magistralement ». Autre conclusion qu’en tire Vincent : on basculerait ainsi dans « une sorte de mixte entre mode simultané, mode individuel et mode mutuel d’enseignement » (1980, p. 212). Compte tenu de l’arrimage de la spécification de la forme scolaire au mode d’enseignement simultané, on comprend mieux pourquoi il peut parler, au regard de ces évolutions, d’éclatement, voire d’hybridation ou de disparition de la forme scolaire.
14 Pourtant, comme Vincent le constate – puisqu’il parle de « mixte » entre plusieurs modes d’enseignement –, le mode d’enseignement simultané n’a pas complètement disparu. Les classes de niveau existent toujours. Existent encore également les progressions des apprentissages devant être réalisées durant chaque année scolaire, à chacun des niveaux distingués. De même, il remarque que survit l’impersonnalité de certaines règles régissant non seulement le temps scolaire, mais aussi les aménagements spatiaux des classes et les usages qui peuvent en être faits, les règles d’apprentissage des savoirs scolaires, les règlements disciplinaires… On peut mieux comprendre dans ces conditions les hésitations de Vincent et pourquoi il n’a jamais définitivement tranché entre l’usage au pluriel ou au singulier du syntagme de forme scolaire. Et pourquoi d’autres chercheurs après lui ont continué à utiliser le concept de forme scolaire au singulier, tout en en distinguant différentes « déclinaisons » (Joigneaux, 2011) ou « états » (Lahire, 2008).
Quelle spécification du concept de forme scolaire pour le rendre plus opératoire ?
15 Peut-on faire le même choix à propos du modèle de la pédagogie Montessori ou faut-il plutôt parler de plusieurs formes scolaires pour mieux le caractériser ? Comme cette pédagogie constitue un cas limite en raison du mode de régulation plus radicalement personnalisé qui la caractérise, tenter de répondre à cette question sans affiner la spécification de la forme scolaire risque de conduire aux mêmes apories que celles auxquelles aboutissent les réflexions de Vincent à propos (notamment) de l’autre cas limite que constituent les écoles mutuelles et leurs avatars pédagogiques ultérieurs. Mais on peut aussi, plus positivement, reconsidérer ces réflexions, les faire dialoguer, pour tenter d’affiner les spécifications du concept de forme scolaire et de la modélisation des pratiques montessoriennes.
16 Comme nous l’avons déjà suggéré, le corpus présenté par Vincent montre en effet que l’accent a été mis de moins en moins exclusivement sur le savoir scolaire à faire apprendre collectivement aux élèves, et davantage sur les particularités des temporalités et logiques d’apprentissages des élèves, voire de chaque élève. Vincent l’a montré en s’appuyant notamment sur l’expérience des écoles mutuelles au début du XXe siècle, ou plutôt à partir des réflexions pédagogiques de certains de leurs théoriciens, au premier rang desquels le baron de Gérando [9] (Vincent, 1980, pp. 97-102). Ainsi, peu à peu, l’enseignement et l’apprentissage ont cessé d’être confondus – et avec cette confusion, la conception behavioriste de leurs relations, au moment même où la complexité de leurs articulations temporelles a commencé à être perçue [10]. D’où les nouvelles figures, repérées par Vincent, de « l’enfant raisonnable » et de « l’enfant épanoui ». Ces figurations de l’enfant ont en commun de reconnaitre les particularités intellectuelles, physiologiques et affectives de l’enfant et donc la nécessité de les prendre en compte, au risque sinon d’une grande déperdition et d’un grand décalage entre enseignement et apprentissage, théorisés par exemple par Vygotski avec son concept de zone proximale de développement (Vygotski, 1934/1985, p. 109)… ou Montessori avec l’idée de « périodes sensibles » (Montessori, 1936, 1909/1952).
17 Il nous semble donc que la prise en compte et la théorisation des relations entre les processus temporels d’enseignement et d’apprentissage, ainsi que de leurs individualisations au sein des collectifs que sont les classes permettraient de caractériser de façon affinée les derniers états de la forme scolaire. Nouvelles spécifications de cette dernière que nous allons maintenant mettre au travail pour tenter de mieux situer les pratiques montessoriennes par rapport à la forme scolaire.
Des pratiques montessoriennes de la forme scolaire ou un autre modèle ?
Trois caractéristiques dans l’organisation du travail
18 Les pratiques Montessori « correctes » contredisent en grande partie la forme scolaire telle qu’elle est définie par Vincent. Trois éléments permettent de le décrire : l’asynchronicité, le temps du sujet et le mélange des âges.
19 En premier lieu, ces classes ne fonctionnent pas, en principe, sur le mode de la simultanéité immédiate. Le « matériel » Montessori, sur lequel s’appuie la majorité du contenu transmis aux élèves, se présente, pour chaque activité, en un exemplaire unique (sous forme de plateaux présentés à hauteur d’enfant, ordonnés et disposés le long des murs de la classe). Pour cette raison, chaque enfant travaille, sauf exception, nécessairement une activité différente de celle de ses camarades. Il peut exister à la marge des formes plus restreintes de simultanéité, par exemple lorsque certaines activités de langage ou d’expression sont proposées en petits groupes, et toujours sous la forme du volontariat. En outre, dans certaines classes, des temps simultanés sont parfois organisés, pour des chants, des danses ou des activités artistiques réunissant l’ensemble de la classe : mais ces temps ne sont pas canoniques : ils relèvent plutôt d’habitudes prises par beaucoup de montessoriens (et relèvent peut-être d’une réponse à une commande sociale ou scolaire, ou encore à un besoin ressenti de compléter l’organisation canonique). Ainsi, dans son fonctionnement usuel, un environnement Montessori fonctionne non en simultanéité, mais au contraire en asynchronie, chacun vaquant à sa propre occupation, différente de celle des autres [11].
20 Ce fonctionnement en asynchronicité empêche de fait toute idée « d’enseignement simultané » au sens d’un programme préconstruit proposé à tout le monde en même temps. En revanche, le matériel continue de proposer une trame, en particulier pour les 3-6 ans ; ces fondamentaux de la « maison des enfants » permettent en pratique, pour les plus grands (6-12 ans), des explorations, des initiatives, des projets et des travaux, souvent de groupe, où l’imprévu sera le quotidien.
21 Pour les plus petits, dans le cadre qui est proposé par l’organisation matérielle (qui peut néanmoins varier selon les écoles, c’est-à-dire selon le matériel disponible), chaque enfant compose son emploi du temps selon la disponibilité du matériel, des autres enfants et de l’enseignant, donc de manière toujours souple. Ceci est rendu possible par le fonctionnement du matériel lui-même, qui n’est pas organisé de manière linéaire, mais en toile d’araignée, par correspondances (Kolly, 2018a). Cela ne signifie pas qu’il n’y a aucune organisation impersonnelle, puisque chaque enfant doit pouvoir se retrouver dans le matériel qui lui est proposé. Pour cette raison, l’ensemble du matériel est disposé dans l’espace en quatre grands domaines (vie pratique, vie sensorielle, langage et mathématiques, et pour les plus grands, « éducation cosmique » [12]). Si une partie de ce matériel, dans chaque domaine, peut être suivie de manière progressive et graduée, ce n’est pas toujours le cas ; des correspondances existent également entre certaines activités (correspondances de couleurs, de dimensions ou d’objectifs) venant faire des ponts ou venant renforcer des contenus de savoir ou des habiletés. En outre, chaque activité, qui n’est pas nécessairement autocorrective, possède un ou des buts « directs » et un ou des buts « indirects » [13], là encore permettant des liens avec d’autres domaines : le matériel propose ainsi une pluralité de sens et d’objectifs, donc une appropriation temporelle différente selon les enfants, qui pourront rester plus longuement sur une activité, ou faire une activité plus tardivement que d’autres, ou construire un chemin temporel spécifique dans la succession des activités. En conséquence, le rythme d’acquisition est totalement individualisé : chaque enfant choisit ses activités et ses progressions en fonction de ses appétences, de ses possibilités (il peut travailler uniquement le matériel qui lui a été présenté), mais également de la disponibilité du matériel (puisque chaque activité ne se trouve qu’en un seul exemplaire, une partie du matériel est en effet sortie des étagères au moment où les enfants font leur choix).
22 C’est le deuxième point : l’asynchronie s’articule à un fonctionnement où c’est moins le temps d’objet qui rythme le temps didactique, à partir de l’enseignant qui organise le tout, mais le temps du sujet [14]. Si, au bout des trois années, chaque élève aura globalement maitrisé l’ensemble du matériel – permettant une égalité de tous dans les acquis, nous allons y revenir – la manière d’y parvenir sera différente selon les enfants, dans la succession des activités et/ou le rythme pris pour chaque activité (et la répétition de chaque activité). Pour le dire autrement, cette organisation autre du travail met la focale non plus sur l’objet, le savoir et sa progression, mais davantage sur l’appétence, le sujet et ses besoins, et sur l’enquête – au sens où les enfants se donnent un objectif et cherchent à découvrir quelque chose. Les élèves découvrant l’écriture passent par exemple de nombreux jours à explorer les mots et à les écrire grâce aux différentes activités qui sont à leur disposition ; ils le font parfois seul, parfois en binôme. Ainsi, le temps didactique peut se dilater ou au contraire s’accélérer selon le choix libre de chaque enfant.
23 Troisième point essentiel à ce fonctionnement spécifique, le mélange des âges, qui rend possible les deux premiers points et contredit l’organisation classique en classes d’âge. Les « ambiances » Montessori (à grand effectif, une trentaine généralement) mélangent en effet les enfants de 3 à 6 ans pour les plus petits, de 6 à 12 ans pour les plus grands. L’effet attendu, comme toujours chez Montessori, est à la fois à comprendre en termes de savoirs, de culture et d’éthique. Le mélange des âges s’articule à l’individualisation / personnalisation du travail, l’idée étant de la rendre possible par la projection dans le temps : les plus petits peuvent se projeter dans les activités des plus grands ; les plus grands se souviennent des activités des plus petits et peuvent aider ou présenter du matériel. Maria Montessori affirme – d’une manière proche de Pauline Kergomard [15] – que ce mélange des âges, sur le modèle de la fratrie, permet l’émulation et la solidarité, contre la compétition créée par les classes d’âge similaire. Ce mélange des âges est une composante qui vient accélérer et rendre possible le fonctionnement décrit plus haut, évitant aux enfants du même âge de s’intéresser aux mêmes activités. Par ailleurs, il fait des « maisons des enfants » un lieu social où les interactions doivent pouvoir se démultiplier.
24 À la suite de cette description, nous pourrions énoncer l’hypothèse que la pédagogie Montessori, pensée et pratiquée à partir de 1907, propose une forme scolaire autre, contredisant la majorité des composantes de la forme scolaire définie par Vincent (asynchronie et non simultanéité, mélange des âges sur le modèle de la famille, temps du sujet et liberté de temps et d’espace). Si cette autre forme scolaire possède des similarités avec l’assouplissement que l’on voit à l’œuvre dans l’école maternelle à partir des années 1970, parler d’assouplissement relèverait de l’anachronisme. En revanche, cette convergence contemporaine avec les assouplissements de la forme scolaire dans l’école plus classique serait un facteur d’explication de son succès.
25 Dans ce sens, la proposition montessorienne pourrait être comparée à celle de Pauline Kergomard, qui proposait également pour l’école maternelle une autre forme scolaire. Elle proposait également une autre « forme anthropologique de socialisation de l’enfance » (Go, 2014 ; Rey, 2014), questionnant la possibilité, comme le propose Go à partir de Freinet, d’une reconstruction de la forme scolaire (Go, 2007).
Composer avec des attendus scolaires
26 Nous l’avons déjà rappelé, Vincent a remarqué une relative personnalisation des règles gouvernant la temporalité des apprentissages scolaires. Il constatait en effet que les enseignants avaient de plus en plus tendance à prendre des libertés par rapport à la temporalité impersonnelle des programmes pour mieux s’adapter à celle des apprentissages et des envies des élèves, sans pour autant rompre totalement avec la première, qui demeurait une espère d’horizon régulateur. Cette dialectique commune entre temps scolaires programmés et adaptés que l’on trouve dans les classes montessoriennes et dans celles qui ont été observées par Vincent renvoie à un assouplissement de la mise en œuvre des règles temporelles de l’enseignement ainsi que du mode d’enseignement simultané. Il y aurait ici une explication possible du succès actuel de cette pédagogie, qui viendrait répondre d’une autre manière aux assouplissements contemporains de la forme scolaire. Car dans les deux cas, ces règles ne disparaissent pas : il demeure bien des progressions, des trames dans l’ordre des activités d’apprentissage proposées, inscrites dans l’impersonnalité de l’institution scolaire et garantissant une égalité des élèves. Il existe en effet des indications sur la logique temporelle de l’ordre des présentations, notamment chez les plus grands (par exemple, il est impossible de présenter le matériel des nombres premiers si les tables de multiplication ne sont pas à minima maitrisées). S’il s’agit bien de présenter le matériel à chacun au bon moment, l’enseignant suit une trame restant globalement égale, sur l’ensemble de la scolarité, pour chacun d’entre eux.
27 Deux points de divergence cependant : d’une part, les considérations de Vincent ne prennent pas en compte l’existence de pratiques alternatives bien avant les années 1970, les pratiques Montessori se développant en France dès 1910 ; d’autre part, il existe une inversion de la prévalence entre personnalisation et impersonnalité du cadre entre les deux modèles. S’il y a une trame, un cadre impersonnel dans la pédagogie Montessori, celui-ci relève davantage de l’après-coup et ne correspond jamais à une pré-organisation, à une programmation. Pour autant, il s’agit bien pour les enseignants de composer avec les attendus de l’institution : un élève qui n’avance pas, ou qui resterait toujours sur la même activité est incité à trouver d’autres activités. Un élève qui pourrait être tenté d’éviter les activités le mettant en difficulté sera accompagné. Ces exemples montrent que, sur les trois années de la maternelle (par exemple), la question des normes et des attendus doit s’articuler à l’individualisation des rythmes de chacun.
28 Cette dialectique constitue d’ailleurs sans doute un des éléments permettant d’effectuer des typologies entre les praticiens : certains vont jusqu’à utiliser le matériel à l’intérieur de plages horaires préprogrammées par l’enseignant et correspondant au programme, dans une forme d’hybridation entre matériel Montessori et programmation scolaire. Cette organisation est de fait un contresens du point de vue montessorien strict, puisqu’elle ôte toute liberté et toute initiative aux élèves : mais elle pourrait donner un exemple de la composition que les enseignants font entre « forme scolaire » classique et organisation alternative du travail. Cette dialectique se retrouve d’ailleurs dans les textes montessoriens, qui insistent en premier lieu sur la liberté enfantine et le retrait total de l’adulte, avant de se pencher, dans les années 1920, sur « la part active de la maitresse » et les conditions de possibilité de cette même liberté.
29 Ainsi, il parait évident que la pédagogie Montessori, qui s’effectue aujourd’hui principalement dans des écoles, doit composer avec la forme scolaire, notamment au regard des attendus, de la lutte contre les inégalités. Il ne lui resterait plus qu’à proposer des résistances à l’intérieur même de la forme scolaire, avec laquelle elle compose. Entre modèle autre et modèle de radicalité à l’intérieur de l’école plus classique, il y aurait ici une grille possible d’analyse de la pluralité des pratiques qui se rattachent (parfois de très loin) au nom Montessori.
Conclusion
30 Dans cet article nous avons cherché à (re)travailler le concept de forme scolaire à partir de nos observations de pratiques montessoriennes mais aussi de celles qui ont été faites par Guy Vincent lui-même dans les années 1970. Si on ne considère pas seulement l’impersonnalité des règles régissant les espaces, les temps, les relations pédagogiques, les normes de conduite et les savoirs scolaires – si donc on s’intéresse à ce qui peut aussi se construire de façon plus personnalisée et informelle dans les classes –, alors il faut reconsidérer le centre de gravité de la forme scolaire et de sa conceptualisation. À la lumière des analyses des deux ensembles de pratiques évoquées – mais aussi d’autres corpus (cf. Joigneaux, 2011 ; Lahire, 2008) –, il nous semble que ce centre de gravité est à rechercher du côté de l’assouplissement du mode simultané, et avec lui, de l’émergence de nouvelles articulations temporelles des processus d’enseignement et d’apprentissage, ainsi que de leurs personnalisations au sein des collectifs. Cela affleurait déjà dans les analyses des observations de classe faites par Vincent et les corpus plus récents le font apparaitre plus clairement : on enseigne de moins en moins simultanément à l’ensemble d’un même groupe-classe ; on personnalise et individualise le plus possible la relation pédagogique et on fait en sorte que la temporalité de l’enseignement s’approche de celle des apprentissages des élèves, en tenant donc compte de leurs « périodes sensibles » ou « zones proximales de développement ».
31 Pour autant, les classes Montessori, même « correctes », négocient de fait avec la forme scolaire, mais en conservant une résistance à cette organisation, même assouplie. Les « adaptations » de Montessori, pour leur part, relèvent bien souvent davantage d’un assouplissement de la forme scolaire, dans la continuité des évolutions pédagogiques observables depuis, au moins, les années 1970. Autrement dit, c’est bien le rapport à la forme scolaire classique (rupture vs assouplissement, question de la reconstruction) qui pourrait permettre de faire le distinguo, sur les objectifs comme dans leur forme concrète, entre les pratiques Montessori « correctes » les plus strictes et les autres pratiques, hybridées.
Bibliographie
Références bibliographiques
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Mots-clés éditeurs : pédagogie Montessori, personnalisation, forme scolaire, enseignement simultané
Mise en ligne 29/09/2023
https://doi.org/10.3917/raised.027.0115Notes
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[1]
On attribue généralement à cet ouvrage la première systématisation du concept.
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[2]
« Dans la conclusion de L’école primaire, j’hésitais à employer le terme forme scolaire au pluriel […]. Cette question, avec ses implications a été au centre de discussions organisées dans un comité de recherche de l’AISLF, qui ont abouti, en 1994, à l’ouvrage collectif, L’éducation prisonnière de la forme scolaire ? La discussion se poursuit » (Vincent, 2004, p. 114).
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[3]
Ici Vincent (1980, p. 32), ainsi que les chercheurs avec qui il a travaillé, se réfère explicitement aux typologies wébériennes des activités sociales et d’exercice du pouvoir (Weber, 1921/1995).
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[4]
Ceci montre bien que la « forme scolaire » s’articule avec des normes et valeurs sociales, donc aussi des conceptions de l’enfance qui évoluent avec le temps. Ces conceptions ne fonctionnent d’ailleurs pas toujours dans le sens d’une amélioration linéaire, par exemple d’un mépris supposé à une meilleure prise en compte de l’enfance, comme le montrent plusieurs travaux, tels que ceux, fondateurs et utilisés par Vincent, d’Ariès (1973) ou d’autres travaux plus contemporains (Dupeyron, 2010 ; Renaut, 2002).
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[5]
Cette notion de pratique correcte dans une pédagogie historique a été proposée par Henri Louis Go à propos de Freinet (Go, 2007), et travaillée en coopération depuis plusieurs années à partir de l’École Freinet de Vence et les pratiques Montessori au sein notamment du groupe de Nancy du « Séminaire Action » de la Théorie de l’Action Conjointe en Didactique, lui-même articulé à l’équipe « Normes et Valeurs » du Laboratoire Interuniversitaire des sciences de l’éducation et de la communication (LISEC). La notion de pratique correcte affirme qu’il existe une façon correcte de pratiquer des techniques formant un ensemble systématique au sein d’une pédagogie constituée. Il s’agit ici d’une entreprise critique permettant de mieux circonscrire l’objet dont on parle : il ne s’agit pas d’affirmer qu’il existe une orthodoxie intangible – les pratiques sont toujours appropriées et articulées à un contexte et ont de fait évolué dans le temps – mais qu’il est nécessaire toutefois de posséder des repères, une boussole (Fabre, 2011) pour s’orienter dans la multiplicité des pratiques se revendiquant de la pédagogie montessorienne.
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[6]
Ceci explique que les observations participantes que nous engageons depuis plusieurs années se font dans le privé sous contrat ou dans le public lorsque les pratiques sont suffisamment avancées. Ces contextes supposent l’articulation à une norme donc aussi une réflexion engagée par des praticiens à cette même norme scolaire (donc à la forme scolaire également) qui n’est pas nécessairement à l’œuvre dans les écoles hors contrat.
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[7]
« C’est en cela que consiste l’éducation comprise comme aide à la vie : une éducation qui prend place depuis la naissance, qui alimente une révolution privée de violence, et qui oriente chacun vers un but commun […]. Voilà l’espérance nouvelle et lumineuse de l’humanité » (Montessori, 1949, p. 19).
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[8]
Dans la conception montessorienne, qui est moniste, il n’y a pas d’opposition entre esprit et corps, jeu et travail, intellectuel et manuel.
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[9]
Joseph-Marie de Gérando (1772-1842) est un pédagogue et philanthrope qui initie les méthodes d’observation participante dans l’objectif de mieux connaitre et aider à résoudre les difficultés des plus pauvres. Pédagogue méconnu, « il est l’un des fondateurs de la Société pour l’instruction élémentaire (1815), qui prône l’enseignement mutuel et l’instruction des adultes » (Moreau, 2017).
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[10]
Cf. les réflexions de Vygotski sur les relations entre processus d’apprentissage, de développement et d’enseignement (Vygotski, 1934/1985, p. 97).
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[11]
Pour un exemple de trajectoire d’enfants, on pourra regarder une description publiée dans la revue Trema (Kolly, 2018b).
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[12]
Les fondements idéologiques de la pédagogie Montessori ne sont pas aussi aisés à saisir qu’on le croit généralement, tant la pédagogue a évolué entre 1907 et 1952, et tant les influences ont été multiples (socialisme utopiste des débuts, féminisme, catholicisme, influence de la pensée orientale et de l’Inde dans les dernières années de sa vie, diffusion dans des contextes nationaux, culturels, sociaux et religieux divers). Il convient sans doute de dire que cette pédagogie est avant tout un matérialisme pédagogique, c’est-à-dire qu’elle se fonde d’abord sur des techniques qui sont ensuite habitées par des intentions vis-à-vis de l’enfant (mise au jour des puissances inexplorées de l’enfant, refus des déviations par les interventions de l’adulte), et non l’inverse. Ceci peut expliquer une relative constance des pratiques et une relative mobilité des conceptions idéologiques de la pédagogue et des contextes dans lesquels la pédagogie a été utilisée, y compris des contextes politiques, ce qui peut être considéré comme problématique (voir Kolly & Go, 2020).
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[13]
Le « but indirect » travaille une habileté ou une connaissance qui sera soit mobilisée plus tard, soit dans un autre contexte. Pour une description plus détaillée du matériel et ses objectifs, voir Kolly (2018a).
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[14]
Dans un texte intitulé « Enseigner c’est faire le programme », dans Enseigner, ça s’apprend (2020) nous avons, avec Henri Louis Go, Frédérique Prot et Thibault Bouchet-Gimenez, proposé cette expression pour souligner une différence importante de certains modèles (comme à l’École Freinet de Vence ou chez Montessori) avec l’école plus classique.
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[15]
L’éducation maternelle dans l’école (1895), en particulier.