Quelles que soient leurs revendications laïques, la République et le politique ne se sont jamais trouvés exempts de rituels. En France, deux fois l’an en moyenne, nous consacrons une partie de notre dimanche à la grand-messe démocratique. La liturgie est connue ; la plupart d’entre nous en est familier. Nous nous dirigeons, parfois en famille, pour certains au sortir du prêche et avant le repas dominical, vers le bureau de vote afin d’y officier notre devoir civique. Passé le sobre salut général au seuil de la salle, nous nous emparons d’une enveloppe, de quelques bulletins, puis, après un petit passage dans l’isoloir pour encastrer l’un de ceux-ci au creux de celle-là, nous glissons notre précieux pli dans l’urne, émargeons et sortons, sinon sous les vivats du peuple assemblé, tout du moins gratifié d’un « A voté ! » à la cantonade.
Tout se passe comme si ce moment du suffrage constituait l’acmé de la vie citoyenne, comme si, cristallisé en ce geste, gisait quasiment le paradigme de l’activité politique. D’un point de vue collectif, il faut d’ailleurs bien constater que plus s’approche la date fatidique et plus, avant que ne tombe le couperet et que la parole ne soit rendue aux comptables, fleurissent, sur les ondes comme au coin des rues, des discussions, disputes et débats consacrés aux affaires publiques. Pourquoi accordons-nous une telle centralité politique au vote à bulletin secret, dans nos communautés politiques démocratiques contemporaines ? En quoi réside son exemplarité, son caractère, visiblement, intrinsèquement, politiques …