Couverture de RPRE_204

Article de revue

Ignorance stratégique et post-vérité

Pages 83 à 96

Notes

  • [1]
    Littéralement, « science de l’ignorance », terme introduit par Robert Proctor pour désigner la « production culturelle de l’ignorance et son étude ». Voir Mathias Girel, « Agnotologie : mode d’emploi », Critique, 2013, vol. 799, p. 964‑977.
  • [2]
    Voir surtout : Robert Proctor, Golden Holocaust, La Conspiration des industriels du tabac, Paris, Les Équateurs, 2014. Gerald E. Markowitz, David Rosner, Deceit and denial: the deadly politics of industrial pollution, Berkeley, CA, University of California Press, 2002. Naomi Oreskes, Erik M. Conway, Merchants of doubt: how a handful of scientists obscured the truth on issues from tobacco smoke to global warming, New York, Bloomsbury Press, 2010 (traduction J. Treiner, Paris, Le Pommier, 2011).
  • [3]
    Un risque relatif de 2 correspond à un doublement du risque par rapport à l’échantillon de référence, soit une hausse de 100 %. Les estimations du risque relatif lié au tabagisme passif se situaient alors autour de 20 %, soit 1,2. Dire qu’en dessous de 2 il était prématuré de conclure aurait permis d’évacuer la recherche sur le tabagisme passif.
  • [4]
    Voir S. Foucart, La Fabrique du mensonge, Paris, Denoël, 2013.
  • [5]
    Selon ces collectifs militants, on peut être victime d’un syndrome caractérisé par des croissances de matière sous cutanée et fibreuse suite à l’exposition aux traînées des avions (chemtrails). Cette maladie est niée par le corps médical et infirmée par les scientifiques.
  • [6]
    David Roberts, America is facing an epistemic crisis, https://www.vox.com/policy-and-politics/2017/11/2/16588964/america-epistemic-crisis, 2 novembre 2017 (consulté le 3 novembre 2017).
  • [7]
    Scandale lié à des ventes d’armes illégales à l’Iran par des membres de l’administration Reagan pour financer le mouvement contre-révolutionnaire des Contras, au Nicaragua.
  • [8]
    Steve Tesich, The Watergate Syndrome. A Government of Lies, The Nation, 1992, 6 janvier, p. 12‑13. Le terme a été popularisé par R. Keyes, The Post-Truth Era, New York, St Martin’s Press, 2004.
  • [9]
    Chris Mooney, The Republican War on Science, Basic Books, 2006.
  • [10]
    Katharine Viner, How Technology disrupted the truth, The Guardian, 12 juillet 2016. Le périodique Courrier International (octobre-novembre-décembre 2017) a publié un numéro spécial « L’ère de la désinformation » qui constitue sans doute une des meilleures anthologies à ce jour concernant le traitement de cette question par la presse.
  • [11]
    Voir l’essai de T. Nichols, The Death of Expertise, Oxford, Oxford University Press, 2017.
  • [12]
    Voir A. C. Madrigal, What Facebook did to American Democracy, The Atlantic, 12 octobre 2017.
  • [13]
    J’utilise ici le terme de « savoir » en un sens neutre, qui peut couvrir information, croyances et connaissances.
  • [14]
    A. Rinaldi, To hype, or not to (o) hype, EMBO reports, 2012.
  • [15]
    Elena Sender, Exclusif: Une greffe de tête réalisée chez le singe, https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/exclusif-une-greffe-de-tete-realisee-chez-le-singe_19256, 19 janvier 2016, (consulté le 11 novembre 2017).
  • [16]
    Voir l’analyse de Robert L. Park, Voodoo science: The Road from Foolishness to Fraud, s.l., Oxford, Oxford University Press, 2000.
  • [17]
    Monya Baker, Is there a reproducibility crisis?, Nature, 2016, 533: 452‑454.
  • [18]
    Une autre possibilité serait que la réplicabilité ne joue finalement pas un rôle si central dans la fiabilité de publications scientifiques.
  • [19]
    Laura Maxim, Gérard Arnold, Comment les conflits d’intérêts peuvent influencer la recherche et l’expertise, Hermès, La Revue, 2 novembre 2013, 64: 48‑59.
  • [20]
    Sergio Sismondo, Ghosts in the Machine, Social Stud. Sci., 1 décembre 2009, 39(6): 949‑952. Voir aussi Sergio Sismondo, Post-truth?, Social Stud. Sci., 1 février 2017, 47(1): 3‑6.
  • [21]
    Cook J., Lewandowsky S., 2011, The Debunking Handbook. St. Lucia, Australia: University of Queensland. November 5. ISBN 978-0-646-56812-6. [http://sks.to/debunk] (consulté le 11 novembre 2017)
  • [22]
    Albert M., Shalom S., 2012, Conspirations ou institutions ? Le 11-septembre et au-delà, Agone, 47: 29-58.
  • [23]
    A. De Morgan, A Budget of Paradoxes, vol. II, Chicago, Open Court, 1872, 130 p.
  • [24]
    J. Dewey, Le Public et ses problèmes, 1927, Paris, Gallimard, Coll. Folio, 2010, p. 117. J’évoque de ce texte plus en détail dans « Progrès et méliorisme : l’enquête et les publics », Raison Présente, 2015, Le Progrès, 2e trimestre, p. 45-57.

1S’il y a une robustesse de la science et de la connaissance, qui rend possible leur dimension cumulative, elles peuvent également être fragilisées. Nous allons évoquer ici deux cas de relativisation de la connaissance en apparence assez différents : l’« agnotologie » ou ignorance dite stratégique d’une part, la « post-vérité » d’autre part. Notre propos sera d’abord d’expliciter et d’illustrer leur histoire et leurs manifestations. Nous tenterons ensuite de montrer ce qui les relie dans leurs causes et évoquerons comment les combattre.

2Tous les cas étudiés dans la littérature « agnotologique » [1] ou dans les Ignorance Studies sont un paradoxal hommage à l’autorité du vrai : s’émouvoir d’une absence de savoir, parcourir les limites de la connaissance existante, mais aussi analyser la science « contraire » des dénégateurs de toute sorte, les tentatives de « capture » d’expertise ou de publication, tout cela n’a de sens que dans un univers où la science, celle qui prouve, qui explique et qui prédit, reste une valeur dominante. Les problèmes résultant de cette ignorance « fabriquée » semblent tout à fait distincts de ceux que pose le mouvement de fond contemporain de la « post-vérité ». Ce dernier, d’abord illustré dans le domaine de l’information et de la politique avant celui des sciences, se caractérise par un dédain, voire une totale indifférence, à l’égard du vrai. Nous tenterons de montrer que cette opposition de façade entre les deux formes d’ignorance étudiées ici ne doit pas masquer des problèmes communs : les discussions parfois confuses sur la post-vérité nous permettent de cerner une forme inédite d’ignorance, et les réponses envisagées actuellement pour la contrer peuvent également être utiles face à certaines formes d’ignorance fabriquée.

Ignorance stratégique

3De nombreux auteurs [2] ont mis en évidence des secteurs où l’apparence de la science et parfois de réelles recherches scientifiques sont utilisées pour brouiller des connaissances existantes. L’exemple paradigmatique était celui du tabac, où les cigarettiers ont financé pendant au moins quarante ans de la recherche « contraire » destinée à infirmer l’épidémiologie existante ou à en attaquer la solidité statistique. Cette « recherche-leurre », selon le mot de Proctor, s’est souvent concentrée sur les « autres facteurs », sur la « multifactorialité », pour trouver d’autres causes au cancer du poumon que la fumée : les virus, le mode de vie moderne, le terrain génétique, etc. Les « Projets spéciaux » du Comité de recherche de l’industrie du tabac ont financé des enquêtes sur les causes les plus insoupçonnées de la maladie, la reliant à des phénomènes tels qu’être chauve ou même « être né en mars » (sic !). Les cabinets d’avocats et de relations publiques, au plus fort de la controverse sur le tabagisme passif, ont même tenté de faire adopter, sans succès, de nouvelles normes par la communauté des épidémiologistes, comme par exemple la nécessité que le risque relatif soit strictement supérieur à 2 pour qu’une réglementation soit nécessaire [3]. On parle dans ce cas de création stratégique d’ignorance, que ce soit parce que des résultats importants apparaissant dans la recherche interne ont été cachés au public et aux instances réglementaires, ou parce que des éléments de connaissance fiable, chez le consommateur ou le décideur, ont été rendus douteux, et par là inutilisables pour justifier des inférences et des décisions, équivalant alors en pratique à de l’ignorance. La spécificité de ces formes étudiées par Proctor tient au fait qu’elles ne se réduisent pas au mensonge ou à la dissimulation, mais à la volonté nette et arrêtée de « jouer » la science – ou du moins les marques extérieures de la science – contre la science [4]. Nier ne suffisait pas, il fallait investir le terrain de la science, statistique, médicale ou réglementaire. Les exemples ne se limitent pas au tabac, on trouve des équivalents dans d’autres domaines, tels que le déni du changement climatique, ou de la dangerosité de certains composés chimiques, ou encore de fibres minérales telles que l’amiante. Dans tous ces cas, il s’agissait d’explorer d’« autres » causes que la cause principale, d’attaquer sur la solidité de données épidémiologiques, et parfois de fabriquer des controverses.

4On notera que si les exemples les plus documentés résultent de la saisie de milliers, voire de millions, de pages d’archives par des tribunaux, les acteurs industriels ne sont pas les seuls en cause. Il suffit qu’un collectif soit suffisamment puissant pour peser sur le financement de la recherche, sur la communication sur la science ou sur la constitution de comité d’experts pour que l’on repère les mêmes effets. Les gouvernements peuvent évidemment exercer ce genre d’influence. Certaines fondations versent des financements comparables à celui des projets financés par le Conseil de la Recherche européen pour que la dimension religieuse soit abordée dans le cadre de « dialogues entre science et religion ». Certaines activités de collectifs antivaccins, ou encore des tenants de la maladie des « Morgellons » [5] (soi-disant liée aux « traînées » des avions) s’en rapprochent parfois, par leur effet sur l’opinion ; mais il reste à prouver que leur effet réel sur la marche de la science ou sur les décisions politiques soit aussi puissant. C’est une question de faits, d’étude historique, qui est à trancher au cas par cas et certainement pas à partir d’arguments a priori.

5Si l’on s’arrêtait à ce niveau-là de description, lui-même assez sommaire, il serait assez aisé d’établir une distinction tranchée avec cet autre mouvement de fond contemporain, la post-vérité, que nous traitons ensuite.

Post-vérité : naissance d’un terme

6Depuis quelques années, avec une accélération liée au Brexit et à l’élection de Donald Trump, apparaît l’idée que nous serions entrés dans une « ère de post-vérité », qu’un problème préoccupant serait celui des Fake News, des fausses informations dont nous serions bombardés. Le terme de post-vérité a été mis en avant comme « mot de l’année » en 2016 dans l’Oxford English Dictionary, ce qui a semblé conforter l’idée qu’il s’agissait d’une catégorie pertinente et nouvelles pour qualifier notre situation. La post-vérité y est définie comme ensemble de « circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins de poids, pour façonner l’opinion, que des appels à l’émotion ou à la croyance personnelle ». Le mot renvoie donc à un certain état du débat public et à ses déterminants, où la référence à des faits n’est plus l’élément central.

7Comme cela a été très vite remarqué, le terme de post-vérité n’est sans doute pas heureux : il semble présupposer que notre période prendrait la suite d’une autre où la vérité aurait été la seule et unique norme, comme si la Guerre froide, par exemple et pour ne remonter que jusque-là, avait été un modèle de communication transparente ! Il est sans doute également trop tôt pour caractériser ainsi notre époque, et tout diagnostic un peu nuancé devrait être attentif aux domaines épargnés par la post-vérité. Certains préféreront parler de « crise épistémique » [6] : une crise peut-être locale, elle peut durer ou au contraire être brève, peut concerner certains domaines et pas d’autres. Enfin, le mot recouvre des réalités très différentes, qui mériteraient des traitements séparés : des informations parodiques parfois reprises au premier degré, des opérations de propagande classiques qui trouvent de nouveaux canaux, la multiplication d’articles de presse publiant trop vite des informations fausses et non vérifiées, la circulation quasi-mécanique de propos relevant de la rumeur, amplifiée par les algorithmes des réseaux sociaux. Certains cas relèvent d’une volonté de tromper, d’autres d’une totale irresponsabilité à l’égard du vrai, le point le plus troublant tenant à ce qu’il est souvent difficile de déterminer immédiatement si nous sommes face à un phénomène du premier type ou du second.

8Le terme de post-vérité n’est en fait pas récent : il est apparu en 1992, bien avant la révolution numérique actuelle, et bien avant Donald Trump, sous la plume de Steve Tesich, dramaturge américano-serbe, dans les colonnes de The Nation. Il s’agissait d’une réflexion sur les conséquences intellectuelles du Watergate, du scandale Iran-Contra [7] et de la première guerre du Golfe, épisodes lors desquels, selon lui, les Américains s’étaient habitués à fuir les « mauvaises nouvelles » que représentaient ces vérités. Au-delà du mensonge, Tesich diagnostiquait, dans un texte extrêmement pessimiste et qu’il vaut la peine de relire, un acquiescement à la communication des gouvernements sur les affaires sensibles et les vérités dérangeantes. Il concluait :

9

« Nous sommes en train de devenir rapidement des prototypes d’un peuple sur lequel les monstres totalitaires ne pouvaient que saliver dans leurs rêves. Tous les dictateurs jusque-là s’évertuaient à faire disparaître la vérité. Par nos actions, nous sommes en train de dire que ce n’est plus nécessaire, que nous nous sommes dotés d’un mécanisme spirituel qui dépouille la vérité de toute importance. De manière très fondamentale, nous avons, en tant que peuple libre, librement décidé de vouloir vivre dans un monde de post-vérité [8] ».

10Lorsque le terme s’est popularisé, une dizaine d’années plus tard, le contexte était alors celui d’une vive critique des premières années de la présidence de G. W. Bush, où la question se posait pour certains de savoir s’il y avait une « guerre contre la science » de la part des Républicains [9]. La crainte était celle d’une banalisation du mensonge, mais aussi d’une « capture » de la science. Tesich se préoccupait avant tout du renoncement de citoyens qui n’opposeraient plus la vérité au pouvoir, et, peut-être, ne l’exigeraient plus d’eux-mêmes. Ainsi, en restant à ce niveau de description, il serait difficile de distinguer la post-vérité politique de l’ignorance stratégique que nous avons décrite dans la section précédente.

Propagande et viralité

11Les choses ont cependant changé depuis l’article de Tesich et le livre de Keyes. Il semble se jouer quelque chose de relativement nouveau avec la circulation mondiale et quasi-instantanée d’articles et d’opinions, dont on oublie parfois qu’elle ne date, pour son aspect massif, que du début des années 2000. On pointe souvent l’énorme développement des réseaux sociaux, Twitter et Facebook en priorité, tout comme la métamorphose de la presse à l’ère numérique. Le souci ne concerne plus tant le mensonge que l’autre analyse déjà présente dans le texte de Tesich : l’indifférence au vrai, qui prend alors un relief nouveau. Les déclarations de l’actuel président américain, qui n’a nulle crainte de se contredire ouvertement, ni d’être démenti par des documents publics, semblent l’illustrer. Le mensonge, la désinformation sans vergogne et la contradiction assumée se mêlent pour aboutir à une situation où l’intention de tromper et la simple incurie deviennent indiscernables. Dans un éditorial remarqué, la rédactrice en chef du Guardian[10], Katharine Viner, avait rassemblé nombre d’interrogations jusque-là disséminées et prenait deux exemples très parlants pour ses lecteurs britanniques qui, à la réflexion, nous semblent paradigmatiques.

12Le premier était une anecdote obscène, et apparemment fausse, concernant le premier ministre Cameron apparaissant dans sa biographie en septembre 2015. L’auteur de l’ouvrage avouait très candidement qu’elle n’avait pas pu « recouper » ses sources jusqu’au bout, allant jusqu’à déclarer : « c’est l’affaire des autres que de décider s’ils y accordent quelque crédibilité ou non ». On a donc un récit qui prend une forme virale, que l’auteur même rapporte sans s’engager sur la question de savoir s’il faut le croire ou non, tout en déléguant cette tâche à d’autres. Ce n’est plus l’auteur – voire l’institution à laquelle il appartient – qui est responsable de la vérification : le grand marché de l’information rectifiera, peut-être, ce qui est faux, un peu à la manière d’un processus darwinien où les informations vraies finiraient par surnager dans un océan de bruit.

13L’autre exemple concernait le Brexit : les sources mentionnées par Viner avouaient sans complexes « avoir pris des libertés » avec la vérité, notamment en affirmant que le Brexit ferait économiser 350 millions de Livres par semaine à la Grande-Bretagne. Arron Banks, fondateur du mouvement pour le Brexit (Leave) et sponsor du parti UKIP, résumait ainsi la stratégie des militants pour la sortie de l’Europe : « Cela revenait à avoir un plan-média américain. Ce qu’ils ont dit très tôt, c’était “Les faits, ça ne marche pas”, et c’est tout. La campagne pour rester dans l’Europe égrène un fait, un fait, puis un autre fait… Cela ne marche tout simplement pas, il vous faut toucher les gens sur le plan de l’émotion. C’est la réussite de Trump ». Dire sans croire, et convaincre sans avoir les faits de son côté, voire en créant au besoin des « faits de rechange » (alternative facts), selon l’expression de Kellyanne Conway, la conseillère en communication de Trump, tel semble être le cœur de ce que Viner cherchait à comprendre. Il est difficile de ne pas voir en filigrane derrière ce double mouvement l’effacement de l’autorité sociale de l’expertise [11].

La post-vérité et ses origines

14Il semble difficile de nier l’étendue du phénomène de la post-vérité. Qu’en est-il de ses origines ?

15La cause majeure du phénomène de post-vérité, du moins telle que peut l’observer la rédactrice en chef d’un grand journal, serait l’effacement des grands médias traditionnels dans un monde où les contenus sont fournis par les réseaux sociaux, et en particulier par Facebook. Ce changement de « consommation » de l’information est adossé à une réalité économique simple : aux États-Unis, 85 % de dépenses publicitaires en ligne vont à Google et Facebook ; les profits du New York Times au premier trimestre 2016 étaient de 51 millions de dollars, quand le revenu net de Facebook était de 1,51 milliards de dollars… Il est faux sans doute de dire que les lecteurs puisent maintenant majoritairement leurs informations auprès des réseaux sociaux : un sondage récent du Pew Center montrait que, s’il arrivait à 62 % des américains de puiser des informations sur ces réseaux, ils n’étaient qu’un sur cinq à le faire « souvent ». Mais le fait important est ailleurs : une part de plus en plus importante du trafic en direction des titres de presse provient de réseaux sociaux [12]. On estime en général que Facebook apporte environ 50 % du trafic vers les sites de Fake News, tels que Breitbart, et environ 20 % tout de même vers les sites « de référence ». Cette différence de support par rapport aux médias traditionnels va évidemment de pair avec une différence de fonctionnement : là où la presse classique pouvait mener une enquête sur une période longue, avec des « rubricards » chevronnés, et donc avec un « retour sur investissement » à long terme, le modèle économique des réseaux sociaux est la viralité, le « clic » sur une information ou un extrait, et un temps passé, le plus long possible, sur ces fils d’information se déroulant à l’infini, mêlant nouvelles et divertissement. C’est le cœur du modèle économique, dont l’architecture et les mécanismes se dévoilent peu à peu : à côté des « repentis » de la surveillance d’État comme Edward Snowden, on voit peu à peu émerger la figure du repenti de l’ingénierie numérique, tels Tristan Harris (ex-« philosophe produit » chez Google), ou Antonio Garcia Martinez (ex-cadre de la division publicité de Facebook). Ceux-ci expliquent comment les réseaux sociaux fonctionnent sur le modèle de la « trappe attentionnelle », enfermant l’internaute non seulement dans une bulle cognitive, mais aussi dans un défilement sans fin destinée à prolonger le temps passé sur un fil d’informations ou de divertissement.

16Sur cette base schématique, on peut donc estimer d’abord, en comparant l’ignorance stratégique et la post-vérité, que l’on a affaire à deux phénomènes très distincts, avec d’un côté une reconnaissance du vrai – car il y a encore un intérêt à le nier ou à le masquer – de l’autre une forme de cynisme. De plus, on pourrait croire que, dans le premier cas, on a bien quelque chose qui concerne la science au premier chef, alors que dans le second, on aurait un phénomène qui intéresse davantage le journalisme et la communication des gouvernements ou des entreprises, et même l’état de nos démocraties. Les choses ne sont cependant pas si simples.

Le savoir et l’usage du savoir

17Lorsque l’on évoque l’agnotologie stratégique, on passe souvent un peu vite sur les « cibles » qu’elle vise et sur la manière dont elles peuvent être trompées. Il faudrait évoquer la manière dont citoyens, consommateurs, décideurs et chercheurs parfois, peuvent permettre, par manque de vigilance, à ces processus d’être couronnés de succès. Et lorsqu’elle le fait, l’analyse se limite souvent aux biais qui pèsent sur notre quête d’information, ainsi que sur les comportements individuels au sein de la « démocratie des crédules ».

18Or, une caractérisation insuffisante de ce que nous appelons « savoir » nous expose à une faiblesse majeure, qui nous semble être la suivante : on conviendra aisément qu’être au fait d’un résultat scientifique, fortement corroboré, ne suffit pas pour que nous puissions nous attribuer une pleine connaissance à son sujet (ni même, serions-nous tenté de dire, une connaissance minimale). Il ne suffit évidemment pas d’avoir quelque idée très générale sur la sélection naturelle ou la descendance avec modification pour pouvoir dire que l’on « connaît » la théorie de l’évolution. Dans le contexte scolaire, il y a une différence assez importante entre l’élève qui peut annoncer le résultat juste (ou le recopier sur son voisin) et celui qui a mené correctement la démonstration, même s’il a fait une erreur de calcul quelque part. Au-delà de la maîtrise présente d’une connaissance, il est clair qu’il ne suffit pas d’avoir appris ni même d’avoir su pour savoir. Nous avons tous en mémoire quelques résultats saillants, des lois, des théorèmes, mais il est assez probable, sauf si notre expérience professionnelle nous conduit à mobiliser quotidiennement ces connaissances, que nous soyons devenus incapables de les utiliser pour justifier des énoncés et pour les appliquer correctement. Il nous semble de ce fait tentant de dire que lorsque nous sommes devenus incapables d’utiliser un savoir[13] pour justifier des connaissances et en déduire de nouvelles, nous sommes ignorants à cet égard, cette ignorance étant plus pernicieuse que les premières évoquées, car elle peut nous échapper durablement. Quiconque se réclame d’un savoir qu’il n’est pas prêt à justifier ou à défendre se trouve au fond dans une situation proche de celles qui illustrent généralement la thématique de la post-vérité, car (1) cela revient à ne pas pouvoir évaluer nettement les angles morts de sa connaissance, (2) à ne pas pouvoir assumer une communication responsable à ce sujet, (3) à accepter une relative irresponsabilité quant à la vérité de ce qui est affirmé ou rapporté.

19Si l’on nous accorde cet argument, il en découle qu’il y a sans doute peu de domaines dans lesquels nous pouvons exercer cette maîtrise, ce qui n’est pas un scandale, en raison de la distribution de la connaissance à l’échelle de la société, mais cela devrait être une incitation supplémentaire à bien mesurer les limites de notre connaissance, lorsque l’on intègre cette dimension pratique. On pourrait cependant imaginer bloquer la ressemblance avec la post-vérité en disant qu’en matière de connaissances, on peut « déléguer » le travail de vérification et finalement l’autorité épistémique à la communauté concernée. Mais cette délégation doit s’effectuer de manière rationnelle et responsable, elle aussi, et ce principe fonctionne bien entendu lorsque l’on se rapproche de conditions idéales, cette délégation semblant plus difficile qu’auparavant dans sa pratique. En recenser tous les déterminants est impossible dans le présent format, mais on peut lister trois points saillants :

20– La communication parfois trop rapide sur les résultats de la science participe à un phénomène de surenchère (hype) [14]. Elle peut être le fait d’organes de presse, comme lorsque l’on annonce un peu vite qu’une greffe de tête de singe a « eu lieu », ouvrant des espoirs pour les para- et tétraplégiques, alors que cette opération n’a pas couvert la moelle épinière [15]. Cette surenchère peut être le cas de scientifiques eux-mêmes, si l’on pense aux déclarations sur la fusion froide par Pons et Fleischmann [16]. Elle peut également être le fait d’organes de communication d’institutions de recherche. Même si ces déclarations hardies sont ensuite rectifiées, par les auteurs ou par d’autres, cela aura un impact bien moindre que les premières déclarations.

21– La « crise » actuelle de réplication des résultats de la recherche inquiète des secteurs entiers et ne se limite pas à quelques expérimentations de psychologie sociale. Une intéressante enquête, publiée dans Nature[17] et reposant sur le témoignage de près de 1500 chercheurs, montrait que 70 % d’entre eux n’étaient pas parvenus à reproduire au moins une expérience d’un autre chercheur ou d’un autre laboratoire, et en outre que 50 % n’étaient pas parvenus à reproduire au moins une de leurs propres expérimentations. Les chiffres évoqués dans cet article montraient que les taux variaient fortement d’une discipline à l’autre. Bien sûr, cela ne signifie pas que ces disciplines seraient devenues tout à coup « non-scientifiques », et il faut être attentif au fait que les chiffres en question ne concernent pas « toutes les expériences », mais « au moins une » de ces expériences. Il reste qu’ils trahissent sans doute une pression à la publication qui rend difficile la production de connaissance fiable [18].

22– L’expertise, on l’a dit, était un des types de « délégation », qui fait que s’en remettre à l’avis d’autrui n’est pas une démission intellectuelle, mais souvent, en plus d’être une nécessité, une forme de sagesse. Mais alors la manière dont un collectif gère les conflits d’intérêts (que ces derniers soient idéologiques, financiers, statutaires) ou les nie en dit long sur son rapport au vrai. Pour ne prendre que le plus évident et sans prétendre qu’il est le seul, le biais de financement peut avoir un effet très robuste sur le résultat des expertises fournies [19]. L’ignorer n’est plus possible, surtout dans un contexte où l’expertise, pour des raisons bien compréhensibles, fait l’objet de tentatives de « capture » qui peuvent aller jusqu’à la publication d’articles « fantômes », signés par un chercheur mais rédigés par d’autres [20].

23Ces trois points ne doivent pas conduire à nourrir un propos sombre sur les sciences, mais à comprendre que les principes habituels de démarcation sont menacés sur certains fronts, et que ne pas affronter ces défis reviendrait à une indifférence à l’égard des conditions de production de la connaissance que nous avons identifiée comme un des traits de la post-vérité. Le rapport avec la post-vérité nous semble même plus profond, si on l’étend cette fois non plus à l’échelle de l’individu mais à celle de la société, et nous reformulerions alors notre thèse ainsi : toute attente à l’égard du savoir qui ne s’accompagne pas d’une préoccupation à l’égard des conditions de production du savoir et de son partage – c’est-à-dire en gros de la recherche et de l’éducation – est plus proche de la post-vérité et de l’indifférence au vrai qu’elle ne le pense. Nous avons une responsabilité non seulement à l’égard de nos propres affirmations, mais nous sommes également convoqués par ce qui est dit, au sujet de nos connaissances, de nos domaines de spécialité ou d’expertise particuliers, dans l’espace public.

Quelles réponses apporter ?

24Si donc nous prenons au sérieux les points communs entre post-vérité et ignorance stratégique, les deux thèmes peuvent, pour les observateurs les plus attentifs, converger si l’on s’interroge cette fois sur les réponses qu’il convient d’apporter.

25Comme l’avait très bien montré Viner, il est illusoire de penser répondre à la post-vérité et aux Fake News uniquement par la réfutation ponctuelle. Les réponses peuvent être variées : la caricature ou la parodie appellent un discernement et parfois une dose raisonnable d’ironie qui peut être plus efficace que la critique « universitaire » ou savante. La dissémination d’informations fausses destinées à infléchir une décision politique ou le résultat d’un scrutin appelle sans doute une réponse des supports d’information mais aussi des acteurs politiques, voire dans certains cas des services chargés de répondre à ce type de déstabilisations. Il est possible de rectifier, de procéder à des décodages ou des déconstructions de hoaxes (littéralement : « intox »), mais il reste à prouver que ces décodages ne sont pas utiles avant tout à ceux qui ne seraient pas tombés dans le panneau dès de départ. Diverses observations tendent à montrer qu’une réfutation ponctuelle, si elle est nécessaire, ne suffit pas si elle n’est pas accompagnée d’une clarification des faits principaux, si elle n’affronte pas les objections en retour, si elle ne montre pas comment le mythe a pris naissance [21]. C’est un processus plus coûteux en temps que la simple dénonciation de théories fausses ou épistémologiquement négligentes, mais ce n’en est pas moins un devoir impérieux, qui échoit certes aux chercheurs et aux institutions chargées de la recherche ou de l’enseignement, mais aussi à la presse et pour tout dire à tout un chacun à raison de son expérience et de son expertise. Il vaut mieux, pour le faire efficacement, pouvoir occuper les espaces même où ces « informations » se diffusent, et on ne peut que louer des initiatives tout à fait fécondes et originales consistant, au moyen de vidéos souvent très bien réalisées, à « décortiquer » les erreurs les plus fréquentes.

26On peut prendre ici une analogie avec les réponses aux théories du complot : une partie de la gauche américaine, lorsqu’elle a été confrontée au complotisme [22], dans ses rangs parfois, a réagi en disant que, quel que soit le degré de vérification empirique d’un complot, l’avoir élucidé permettait seulement d’identifier des auteurs et des collectifs particuliers, un moment historique précis, bref, une « histoire » singulière au fond, avec un risque supplémentaire, qui leur semblait beaucoup plus dangereux politiquement. Ce risque était à leurs yeux le suivant : il serait en effet tentant de croire qu’une fois identifiés les acteurs déviants, leur simple neutralisation suffira à revenir à une situation vertueuse, en détournant l’attention de ses causes profondes. À l’inverse, l’idée de ces critiques était que, par rapport à des épisodes toujours uniques, les institutions avaient des effets permanents et répétables, si bien que ne pas modifier les institutions qui permettent et encouragent ces comportements déviants, c’est encourager le problème à se poursuivre éternellement. Il nous semble que cela vaut tout autant pour la post-vérité. Toute réponse à la question des fake news doit à notre sens être jugée à cette aune : quels sont les changements de fonctionnement, d’organisation et d’institution, préconisés, et quel est la crédibilité des auteurs de ce diagnostic pour les réaliser, ou au moins pour les amorcer ? Tant que cette question n’a pas été posée dans toute sa radicalité, nous vivons, nous aussi, dans le monde entrevu par Tesich.

27Toute réponse doit sans doute faire preuve, au départ du moins, de modestie, ce qui impose de commencer par des domaines sur lesquels nous pouvons réellement agir. Le fait principal nous semble consister en l’idée, déjà esquissée plus haut, que chacun, à raison de son expertise ou de ses connaissances, est « convoqué » par les usages publics qui sont faits de sa discipline, que ce soit dans les réseaux sociaux, lorsqu’on s’y trouve, dans des débats publics, ou bien sûr dans la presse. On touche là trois points qui semblent mériter la discussion :

28(1) Bien que ce soit une question d’arbitrage personnel, certains ont fait le choix, dans le passé, de consacrer une partie de leur temps à la rectification d’idées erronées et cependant répandues. De Morgan, le célèbre mathématicien et logicien britannique, avait pris le parti de consacrer une partie de son temps à réfuter les « quadrateurs de cercle », et il comprenait cette tâche, à laquelle il a sacrifié rigoureusement au fil des ans, comme un service rendu à la collectivité [23]. Quel est le prix du faux, et quelle partie de notre temps sommes-nous disposés à consacrer à sa critique, parfois ardue et ingrate ?

29(2) Cet effort est d’autant moins lourd pour les individus qu’il est réparti collectivement. L’espace public est déjà saturé d’usages des sciences, dont nous avons vu que certains étaient intéressés et d’autres désinvoltes, pour dire le moins, à tel point qu’un effort individuel, aussi salutaire qu’il soit, a peu de chances de changer réellement les termes du débat. Le philosophe John Dewey avait ainsi mis en valeur la notion de « public », en insistant non pas sur la communauté ou sur la socialité, mais le fait que les publics apparaissaient, « existaient », lorsqu’une pluralité d’agents était concernée par les conséquences des actions en association, celles où les effets de nos actions se mêlent à ceux des actions de nos semblables [24]. Être ainsi concerné, c’est constituer un public, et les usages des sciences, par leurs conséquences, déterminent bien eux aussi des publics, sans doute variables selon les contextes, mais qui n’en sont pas moins décisifs. Comme l’avait bien vu Dewey, ces publics peuvent devenir « fantomatiques », soit parce que nous ne nous sentons pas concernés par ce qui, en fait, nous concerne, soit parce que la diversité des conséquences, et donc des domaines qui devraient être le terrain d’une critique, est infinie ou presque. Il n’y a pourtant de réponse, et cela était le troisième aperçu de Dewey, qu’à partir d’un terrain « local », ancré dans les pratiques ; cette réponse peut être incarnée par une association, une communauté de recherche, ou même des collectifs moins structurés mais soudés autour d’une question commune. Le mouvement dit des « Indivisibles » aux États-Unis, nous semble être une des réalisations les plus originales des dernières années : ces groupes de citoyens, unis par leur inquiétude devant la présidence actuelle, réinvestissent activement ce terrain local, au plus proche de la fabrique de la loi, en exerçant une pression non seulement sur leurs élus, sénateurs, représentants et maires, mais aussi sur les cabinets de ces derniers, en les interpellant lorsqu’un projet de loi est en examen. Ils reviennent également dans les conseils d’administration des écoles… Il s’agit en bref, loin des seuls réseaux sociaux, de réinvestir tous les espaces que les progressistes avaient abandonnés un peu vite au Tea Party, qui avait parfaitement saisi cet enjeu local, dans les mandatures précédentes. Il en va de même pour la critique du faux : il est sans doute illusoire d’attendre une solution globale, qu’elle repose sur les États ou sur la « gouvernance » de l’internet ; mettre ceux qui font preuve d’irresponsabilité intellectuelle devant les conséquences de leurs actes est une tâche qui ne saurait être infiniment déléguée.

30(3) Enfin, une institution, que ce soit une instance d’évaluation ou un organisme de recherche, peut encourager de la part de ses chercheurs ce type de service à la communauté sans avoir à repenser totalement ses structures et son fonctionnement. Il suffit de le prendre pleinement en compte pour ce qu’il est : une autre facette du travail de recherche et d’éducation. Ces institutions, plus que des titres de presse ou des réseaux éphémères, sont comptables de l’autorité de leur parole et de leurs publications sur le long terme, et un engagement net dans l’éclaircissement des termes des débats publics, sur des domaines qui peuvent varier d’une institution à l’autre, selon ses domaines d’excellence, peut faire la différence.

31Au total, telle serait la double vertu de l’ignorance stratégique et de la post-vérité : nous faire prendre conscience des angles morts à la fois de nos savoirs et de nos institutions, qui peuvent nous laisser démunis face aux instrumentalisations les plus décidées, comme nous l’avons vu dans le cas de l’ignorance stratégique, mais aussi face aux processus aveugles les plus puissants, comme le met en évidence l’économie actuelle de l’internet. Le plus menaçant, ce ne sont pas seulement les occultations du vrai, même si leur coût environnemental et sanitaire est exorbitant, ce n’est pas non plus uniquement la lente dissolution de la responsabilité des paroles et des écrits, qui a pourtant déjà un coût politique tout à fait patent, c’est l’apathie qui pourrait nous saisir, aussi bien individuellement que collectivement. C’est bien cette dernière que Tesich avait entrevue et il appartient à chacun, au fond, de le démentir et de montrer que, dans ce texte de 1992, son histoire n’était pas déjà écrite.

Notes

  • [1]
    Littéralement, « science de l’ignorance », terme introduit par Robert Proctor pour désigner la « production culturelle de l’ignorance et son étude ». Voir Mathias Girel, « Agnotologie : mode d’emploi », Critique, 2013, vol. 799, p. 964‑977.
  • [2]
    Voir surtout : Robert Proctor, Golden Holocaust, La Conspiration des industriels du tabac, Paris, Les Équateurs, 2014. Gerald E. Markowitz, David Rosner, Deceit and denial: the deadly politics of industrial pollution, Berkeley, CA, University of California Press, 2002. Naomi Oreskes, Erik M. Conway, Merchants of doubt: how a handful of scientists obscured the truth on issues from tobacco smoke to global warming, New York, Bloomsbury Press, 2010 (traduction J. Treiner, Paris, Le Pommier, 2011).
  • [3]
    Un risque relatif de 2 correspond à un doublement du risque par rapport à l’échantillon de référence, soit une hausse de 100 %. Les estimations du risque relatif lié au tabagisme passif se situaient alors autour de 20 %, soit 1,2. Dire qu’en dessous de 2 il était prématuré de conclure aurait permis d’évacuer la recherche sur le tabagisme passif.
  • [4]
    Voir S. Foucart, La Fabrique du mensonge, Paris, Denoël, 2013.
  • [5]
    Selon ces collectifs militants, on peut être victime d’un syndrome caractérisé par des croissances de matière sous cutanée et fibreuse suite à l’exposition aux traînées des avions (chemtrails). Cette maladie est niée par le corps médical et infirmée par les scientifiques.
  • [6]
    David Roberts, America is facing an epistemic crisis, https://www.vox.com/policy-and-politics/2017/11/2/16588964/america-epistemic-crisis, 2 novembre 2017 (consulté le 3 novembre 2017).
  • [7]
    Scandale lié à des ventes d’armes illégales à l’Iran par des membres de l’administration Reagan pour financer le mouvement contre-révolutionnaire des Contras, au Nicaragua.
  • [8]
    Steve Tesich, The Watergate Syndrome. A Government of Lies, The Nation, 1992, 6 janvier, p. 12‑13. Le terme a été popularisé par R. Keyes, The Post-Truth Era, New York, St Martin’s Press, 2004.
  • [9]
    Chris Mooney, The Republican War on Science, Basic Books, 2006.
  • [10]
    Katharine Viner, How Technology disrupted the truth, The Guardian, 12 juillet 2016. Le périodique Courrier International (octobre-novembre-décembre 2017) a publié un numéro spécial « L’ère de la désinformation » qui constitue sans doute une des meilleures anthologies à ce jour concernant le traitement de cette question par la presse.
  • [11]
    Voir l’essai de T. Nichols, The Death of Expertise, Oxford, Oxford University Press, 2017.
  • [12]
    Voir A. C. Madrigal, What Facebook did to American Democracy, The Atlantic, 12 octobre 2017.
  • [13]
    J’utilise ici le terme de « savoir » en un sens neutre, qui peut couvrir information, croyances et connaissances.
  • [14]
    A. Rinaldi, To hype, or not to (o) hype, EMBO reports, 2012.
  • [15]
    Elena Sender, Exclusif: Une greffe de tête réalisée chez le singe, https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/exclusif-une-greffe-de-tete-realisee-chez-le-singe_19256, 19 janvier 2016, (consulté le 11 novembre 2017).
  • [16]
    Voir l’analyse de Robert L. Park, Voodoo science: The Road from Foolishness to Fraud, s.l., Oxford, Oxford University Press, 2000.
  • [17]
    Monya Baker, Is there a reproducibility crisis?, Nature, 2016, 533: 452‑454.
  • [18]
    Une autre possibilité serait que la réplicabilité ne joue finalement pas un rôle si central dans la fiabilité de publications scientifiques.
  • [19]
    Laura Maxim, Gérard Arnold, Comment les conflits d’intérêts peuvent influencer la recherche et l’expertise, Hermès, La Revue, 2 novembre 2013, 64: 48‑59.
  • [20]
    Sergio Sismondo, Ghosts in the Machine, Social Stud. Sci., 1 décembre 2009, 39(6): 949‑952. Voir aussi Sergio Sismondo, Post-truth?, Social Stud. Sci., 1 février 2017, 47(1): 3‑6.
  • [21]
    Cook J., Lewandowsky S., 2011, The Debunking Handbook. St. Lucia, Australia: University of Queensland. November 5. ISBN 978-0-646-56812-6. [http://sks.to/debunk] (consulté le 11 novembre 2017)
  • [22]
    Albert M., Shalom S., 2012, Conspirations ou institutions ? Le 11-septembre et au-delà, Agone, 47: 29-58.
  • [23]
    A. De Morgan, A Budget of Paradoxes, vol. II, Chicago, Open Court, 1872, 130 p.
  • [24]
    J. Dewey, Le Public et ses problèmes, 1927, Paris, Gallimard, Coll. Folio, 2010, p. 117. J’évoque de ce texte plus en détail dans « Progrès et méliorisme : l’enquête et les publics », Raison Présente, 2015, Le Progrès, 2e trimestre, p. 45-57.
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