Réussite de la mobilité internationale : l’impact des caractéristiques individuelles liées à la carrière
1Dans le management de l’expatriation, la réussite de la mobilité internationale est une question importante pour les entreprises et les expatriés. Les premières recherches sur l’expatriation se sont essentiellement intéressées à la réussite de la mobilité internationale à travers l’adaptation internationale (e.g., Bhaskar-Shrinivas, Harrison, Shaffer, et Luk, 2005). Ces recherches ont permis de mieux comprendre les facteurs qui influencent l’adaptation internationale et la performance au travail. Cependant, les variables liées à la carrière des individus n’ont généralement pas été incluses parmi les déterminants de l’adaptation. En d’autres mots, la réussite des individus pendant la mobilité internationale est étudiée sans tenir suffisamment compte des variables issues de la théorie des carrières (e.g. Cerdin et Le Pargneux, 2009a ; 2009b). L’introduction de ces variables est devenue nécessaire du fait même de l’évolution des relations d’emplois et des carrières (Baruch, 2003 ; Cerdin et Le Pargneux, 2009a). L’étude des caractéristiques individuelles liées à la carrière éclaire de manière nouvelle la réussite de la mobilité internationale. Dans cet article, nous retenons les critères de réussite de la mobilité internationale selon deux perspectives, la perspective individuelle et la perspective organisationnelle. La définition de réussite pour l’individu peut être différente de la définition de réussite du point de vue de l’organisation (Kraimer et Shaffer, 2004 ; Suutari et Brewster, 2003 ; Yan, Zhu, et Hall, 2002). Pourtant cette distinction, prise en compte dans les recherches sur le retour d’expatriation, reste encore souvent inexploitée dans les recherches empiriques se concentrant sur le temps d’affectation à l’étranger. La réussite individuelle est appréhendée dans cet article par la satisfaction de carrière et la satisfaction au travail, et la réussite organisationnelle par la non intention de quitter son organisation. A partir de la théorie de la carrière et de la théorie de la congruence appliquée à la mobilité internationale, sur la base des travaux de Cerdin et Le Pargneux (2009a), nous retenons, dans cette recherche empirique, quatre variables liées à la carrière, susceptibles d’expliquer la réussite de la mobilité internationale : (1) les ancres de carrière, (2) l’attitude de carrière protéenne, (3) l’attitude de carrière sans frontières, et (4) l’orientation carriériste.
2Dans une première partie, nous examinons, le lien entre les caractéristiques individuelles liées à la carrière et les critères de réussite, en nous appuyant sur la théorie de la congruence personne-environnement (e.g. Krsitof, 1996) appliquée à la mobilité internationale. Définie par Cerdin et Le Pargneux (2009a) dans le contexte de la mobilité internationale, cette théorie indique que la compatibilité entre les caractéristiques de carrière individuelles et les caractéristiques de la mobilité internationale conduisent à la réussite de la mobilité internationale. Une incompatibilité conduit à l’échec de la mobilité internationale. Nous exposons ensuite la méthode et les résultats de notre recherche empirique sur un échantillon d’expatriés français, avant de terminer par les implications pratiques et les limites de la recherche.
1 – Congruence carrière – mobilité internationale
3Les caractéristiques individuelles liées à la carrière répondent à la carrière interne des individus. Dans un contexte où les valeurs, croyances et aspirations des individus sont devenues tout aussi importantes que la succession des postes qu’ils occupent (Suutari et Taka, 2004), l’étude des caractéristiques liées à la carrière est devenue nécessaire. Nous définissons la congruence entre la carrière et la mobilité internationale par la compatibilité entre certaines caractéristiques individuelles et les caractéristiques d’une mobilité internationale. Nous suggérons que cette congruence permet d’établir un lien entre les caractéristiques individuelles liées à la carrière et la réussite de la mobilité internationale. Comme nous l’avons déjà mentionné dans l’introduction, à partir de la théorie de la carrière et de la théorie de la congruence appliquée à la mobilité internationale, nous retenons quatre variables liées à la carrière, susceptibles d’expliquer la réussite de la mobilité internationale : (1) les ancres de carrière, (2) l’attitude de carrière protéenne, (3) l’attitude de carrière sans frontières, et (4) l’orientation carriériste (Cerdin et Le Pargneux, 2009a). Notre recherche met l’accent sur quatre variables qui caractérisent la carrière interne. Arthur et Rousseau (1996) trouvaient qu’une large majorité de recherches négligeait les aspects internes de la carrière. Depuis ce constat, les recherches ont davantage examiné cet aspect des carrières, mais les recherches empiriques sur les expatriés n’ont pas encore suffisamment étudié ces aspects en lien avec la réussite de la mobilité internationale.
1.1 – Ancres de carrière
4La théorie des ancres de carrière suggère que les individus ont une préférence à long terme concernant leur travail et leur environnement de travail (Schein, 1996). Une ancre de carrière a trois composantes, qui représentent la perception que l’individu porte sur lui-même, (1) les talents et capacités, (2) les motifs et besoins, (3) les attitudes et valeurs (Schein, 1990). La théorie des ancres de carrière se concentre sur la carrière interne de l’individu (Suutari et Taka, 2004). La congruence entre les ancres de carrière des individus et leur environnement de travail contribue à déterminer si ces individus seront satisfaits au travail, ou au contraire, s’ils expérimenteront des difficultés au travail comme l’anxiété ou le stress (Feldman et Bolino, 1996 ; Schein, 1990 ; Suutari et Taka, 2004). Différentes contraintes peuvent mener les individus à travailler dans un environnement qui ne correspond pas à leur ancre de carrière, comme les contraintes économiques ou une mauvaise évaluation du poste proposé. Schein (1990) identifie huit ancres de carrière : (1) compétence technique/fonctionnelle, (2) compétence managériale, (3) sécurité et stabilité, (4) créativité entrepreneuriale, (5) autonomie et indépendance, (6) dévouement à une cause, (7) défi pur, (8) style de vie. Suutari et Taka (2004) proposent une nouvelle ancre de carrière, l’ancre international, qui peut être ajoutée à la typologie de Schein.
5La plupart des recherches sur les ancres de carrière ont été réalisées dans un contexte national. Nous proposons que la notion de congruence devrait être appliquée aux individus quel que soit le contexte, qu’il soit national ou international. Lorsqu’il existe une congruence entre les ancres de carrière et l’environnement de travail international, l’affectation à l’étranger devrait avoir plus de chance d’être un succès pour l’individu. Dans la lignée du modèle théorique de Cerdin et Le Pargneux (2009a), certaines ancres de carrière devraient être favorables à la réussite alors que d’autres devraient engendrer des difficultés pour les individus pendant leur expatriation.
6Hypothèse 1 : Les ancres de carrière ont un impact sur la réussite de la mobilité internationale.
7Les individus ancrés compétence technique/fonctionnelle souhaitent progresser dans des postes qui correspondent à leurs capacités techniques et fonctionnelles (Schein, 1990). Ces individus ont une forte tendance à se concentrer sur les aspects techniques de leur travail et pourraient ne pas réussir à prendre en compte l’aspect interculturel de leur expatriation. La mobilité internationale requiert de la part des individus de développer leur capacité à tolérer l’ambiguïté et exige souvent d’interagir avec les personnes du pays d’accueil (Caligiuri et Lazarova, 2001). Le manque de congruence entre l’environnement international et cette ancre pourrait diminuer les chances de réussir leur expatriation.
8Hypothèse 1a : Plus une personne est ancrée compétence technique/fonctionnelle, moins sa probabilité de réussite de mobilité internationale est élevée.
9L’ancre compétence managériale caractérise les individus intéressés par la résolution des problèmes et par l’atteinte d’objectifs communs en menant une équipe de travail (Schein, 1990). Les individus ancrés compétence managériale sont à l’aise avec l’incertitude, ce qui est une caractéristique majeure de l’expatriation (Black et Mendenhall, 1990 ; Peltonen, 1997). Ils ont donc plus de chance de réussir leur expatriation.
10Hypothèse 1b : Plus une personne est ancrée compétence managériale, plus sa probabilité de réussite de mobilité internationale est élevée.
11Les individus ancrés sécurité et stabilité n’aiment pas les changements. Ils cherchent la sécurité dans leur carrière et une relation durable avec leur employeur (Schein, 1990). Ces individus n’aiment pas les situations d’incertitude et il est donc probable que leur expatriation sera un échec dans l’environnement incertain qu’ils rencontreront pendant l’expatriation (e.g. Black et Mendenhall, 1990 ; Peltonen, 1997).
12Hypothèse 1c : Plus une personne est ancrée sécurité/stabilité, moins sa probabilité de réussite de mobilité internationale est élevée.
13Les individus ancrés créativité entrepreneuriale sont motivés pour créer quelque chose, que ce soit le lancement d’une nouvelle affaire, de nouveaux produits ou services. Travailler dans un environnement international nécessite d’adopter une attitude entrepreneuriale qui correspond à l’ancre créativité. Par conséquent cette ancre devrait être favorable à la réussite de la mobilité internationale.
14Hypothèse 1d : Plus une personne est ancrée créativité entrepreneuriale, plus sa probabilité de réussite de mobilité internationale est élevée.
15La liberté dans leur travail, spécialement la liberté de travailler à leur propre rythme, est essentielle pour les individus ancrés autonomie et indépendance (Schein, 1990). L’environnement international offre plus d’autonomie et requiert plus de responsabilité que l’environnement national (Bossard et Peterson, 2005 ; Caligiuri, 1997 ; Dunbar, 1992 ; Yavas et Bodur, 1999). Par conséquent l’ancre autonomie a des chances d’être favorable à la réussite de la mobilité internationale pendant l’expatriation.
16Hypothèse 1e : Plus une personne est ancrée autonomie/indépendance, plus sa probabilité de réussite de mobilité internationale est élevée.
17Les individus ancrés dévouement à une cause souhaite travailler dans un environnement qui est compatible avec leurs valeurs,. Ils souhaitent améliorer le monde d’une manière ou d’une autre, particulièrement en aidant les autres (Schein, 1990). Contrairement à des mobilités internationales dans le cadre d’organisations de type ONG, il y a peu d’opportunités pour servir une cause dans le contexte d’une entreprise multinationale durant l’expatriation. Du fait de ce manque de congruence, l’ancre dévouement à une cause ne devrait pas être favorable à la réussite de la mobilité internationale.
18Hypothèse 1f : Plus une personne est ancrée dévouement à une cause, moins sa probabilité de réussite de mobilité internationale est élevée.
19L’ancre défi pur caractérise les individus qui aiment résoudre des problèmes insolubles et qui voit leur carrière en termes de combats quotidiens ou de compétition, dans lesquels gagner représente tout (Schein, 1990). Pendant leur expatriation, les individus font face à des problèmes complexes et inattendus (e.g. Black et Mendenhall, 1990 ; Peltonen, 1997). Cette ancre est compatible avec l’environnement trouvé pendant l’expatriation. Elle devrait donc être favorable à la réussite de la mobilité internationale.
20Hypothèse 1g : Plus une personne est ancrée défi pur, plus sa probabilité de réussite de mobilité internationale est élevée.
21Les individus ancrés qualité de vie essaient d’atteindre un équilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle (Schein, 1990). L’expatriation peut rompre cet équilibre et rendre plus difficile pour les individus la combinaison de leurs besoins et des besoins de leur famille avec leur carrière. Dû à l’incompatibilité entre cette ancre de carrière et l’environnement d’expatriation, il est probable qu’elle ne favorise pas la réussite de la mobilité internationale.
22Hypothèse 1h : Plus une personne est ancrée style de vie, moins sa probabilité de réussite de mobilité internationale est élevée.
23L’ancre internationale caractérise les individus qui désirent travailler dans un environnement international. Ces individus sont particulièrement attirés par de nouvelles expériences à travers lesquelles ils peuvent découvrir de nouveaux pays et de nouvelles cultures (Suutari et Taka, 2004). Par définition, la congruence est maximale entre l’environnement international et cette ancre de carrière, qui a donc une forte probabilité de favoriser la réussite de l’expatriation.
24Hypothèse 1i : Plus une personne est ancrée internationale, plus sa probabilité de réussite de mobilité internationale est élevée.
1.2 – Attitude de carrière protéenne
25L’attitude de carrière protéenne a deux composantes : l’attitude liée aux valeurs propres aux individus, où les valeurs internes des individus guident leurs carrières et guident l’évaluation de la réussite de carrière, et l’attitude de management de carrière par soi-même (“self-management”), associée à la capacité de s’adapter en termes de performance et d’exigence d’apprentissage (Briscoe et Hall, 2006 ; Briscoe, Hall, et De Muth, 2006). Par définition, cette attitude a une forte probabilité d’être favorable à la satisfaction de carrière. Briscoe et al. (2006) montrent que l’attitude de carrière protéenne est fortement corrélée aux traits de personnalité “proactivité” et “ouverture sur de nouvelles expériences”. L’attitude de carrière protéenne conduit les individus à être proactifs en suivant leurs propres valeurs (Briscoe et al., 2006). Comme ces individus pilotent leur propre carrière, basée sur leurs priorités personnelles et non sur les priorités de l’organisation, ils sont en mesure d’anticiper comment leur expatriation affectera leur carrière. Le sentiment de crainte pour la carrière, commun aux expatriés, symbolisé par l’adage “loin des yeux, loin du cœur” (e.g., Bonache, 2005 ; Carpenter, Sanders, et Gregersen, 2001 ; Suutari et Brewster, 2003), pourrait leur être étranger. L’expatriation requiert de plus une capacité d’apprentissage permanent, une adaptabilité et flexibilité, qui sont des caractéristiques des carrières protéennes (Lazarova et Cerdin, 2007 ; Lazarova et Tarique, 2005). L’attitude de carrière protéenne est fortement compatible avec les caractéristiques de la mobilité internationale. Sous ses deux facettes, elle est donc susceptible d’être favorable à la réussite individuelle de la mobilité internationale en termes de satisfaction de carrière et de satisfaction au travail.
26Les carrières protéennes sont caractérisées pas un faible engagement organisationnel (Hall, 1996 ; Lazarova et Tarique, 2005). De ce fait, et du fait que les individus caractérisés par l’attitude de carrière protéenne conduisent leur carrière selon leurs propres valeurs, cette attitude devrait être défavorable à la réussite organisationnelle de la mobilité internationale en termes de rétention des expatriés.
27Hypothèse 2 : Plus les individus font preuve d’une attitude de carrière protéenne – valeurs propres aux individus et management de carrière par soi-même (self-management) – plus grande est la probabilité de réussite individuelle de la mobilité internationale, mais plus faible est la probabilité de réussite organisationnelle de la mobilité internationale.
1.3 – Attitude de carrière sans frontières
28L’attitude de carrière sans frontières a, comme l’attitude de carrière protéenne, deux composantes : l’état d’esprit sans frontières et la préférence pour la mobilité organisationnelle (Briscoe et al., 2006). Sullivan et Arthur (2006) distinguent deux types de mobilité dans le contexte des carrières sans frontières : (1) la mobilité physique, qui implique la traversée de frontières et (2) la mobilité psychologique, qui est la perception de l’individu sur sa capacité à franchir les frontières. La mobilité internationale implique avant tout une transition physique, par la traversée de plusieurs frontières, notamment nationales et organisationnelles. L’affectation à l’étranger implique pour l’individu la confrontation à de nouvelles expériences et de nouvelles situations. Les individus dont l’une des caractéristiques est l’attitude de carrière sans frontières sont en général stimulés par ces nouvelles expériences et situations (Briscoe et al., 2006). Ces individus ont le désir d’acquérir de nouvelles connaissances et compétences, de développer leur réseau de contacts et de maintenir une bonne employabilité (Bird, 1994 ; Lazarova et Tarique, 2005). En général l’affectation internationale peut faciliter l’atteinte de ces objectifs (Caligiuri et Di Santo, 2001 ; Caligiuri et Lazarova, 2001 ; Selmer, 1999). La congruence entre l’attitude de carrière sans frontières et les caractéristiques d’une mobilité internationale devrait être favorable à la réussite de la mobilité internationale en termes de satisfaction de carrière et satisfaction au travail. Cependant, cette attitude de carrière ne devrait pas être favorable à la rétention des employés, comme, par définition, les individus caractérisés par l’attitude de carrière sans frontières désirent travailler dans de multiples organisations au cours de leur carrière.
29Hypothèse 3 : Plus les individus font preuve d’une attitude de carrière sans frontières – état d’esprit sans frontières et préférence pour la mobilité organisationnelle –, plus grande est la probabilité de réussite individuelle de la mobilité internationale, mais moins grande est la probabilité de réussite organisationnelle de la mobilité internationale.
1. 4 – Orientation carriériste
30Pour Chay et Aryee (1999), l’“orientation carriériste” a des implications sur les attitudes individuelles au travail. Les individus orientés carriéristes perçoivent une incompatibilité entre les objectifs de l’organisation et leur propres objectifs, et pensent qu’ils doivent, par conséquent, prendre soin de leur propre carrière. Feldman et Weitz (1991) suggèrent que l’orientation carriériste affectera négativement les attitudes au travail, ces individus ayant tendance à se focaliser sur les aspects négatifs de leur poste et sur les difficultés potentielles pour leur futur avancement de carrière. Les individus orientés carriéristes croient qu’il est nécessaire de s’appuyer sur les relations sociales, d’engager des comportements trompeurs, et d’utiliser des moyens non basés sur la performance et les compétences pour faire progresser leur carrière (Feldman et Weitz, 1991).
31Les individus orientés carriéristes peuvent être attirés par une expatriation, souvent perçue comme un préalable à l’avancement de carrière dans une entreprise multinationale. Cependant, il peut exister un écart important entre cette perception avant l’expatriation et la réalité trouvée pendant l’affectation. Contrairement aux individus qui présentent une attitude de carrière protéenne, les individus orientés carriéristes peuvent être particulièrement inquiets que l’adage “loin des yeux, loin du cœur” ne s’applique à eux. Alors que leur motivation pour partir est centrée sur l’avancement de carrière, ils peuvent être soucieux, une fois sur place, que l’expatriation compromette les opportunités réelles de développement de leur carrière future. Leur caractéristique de carrière peut avoir pour conséquence une insatisfaction de carrière lors d’une mobilité internationale.
32Comme les postes pourvus pendant l’expatriation impliquent de vivre une certaine incertitude, et comme les individus orientés carriériste ont tendance à se focaliser sur les aspects négatifs de leur travail, le risque que cette orientation individuelle soit incompatible avec les caractéristiques de la mobilité internationale est élevé. L’orientation carriériste devrait, par conséquent, être défavorable à la satisfaction au travail.
33Enfin, les individus orientés carriéristes sont susceptibles de quitter leur organisation si une meilleure opportunité d’avancement de carrière s’offre à eux. A ce titre, une incompatibilité entre les objectifs de l’organisation durant l’expatriation et leurs propres objectifs peut se produire. Par conséquent l’orientation carriériste devrait être défavorable à la réussite organisationnelle de la mobilité internationale en termes de rétention des expatriés.
34Hypothèse 4 : Plus les individus sont orientés carriéristes, moins élevée est la probabilité de réussite de la mobilité internationale individuelle et organisationnelle.
35La figure 1 présente le modèle de recherche qui résume l’ensemble des hypothèses développées dans cet article.
Modèle de réussite de la mobilité internationale
Modèle de réussite de la mobilité internationale
2 – Méthodologie
2.1 – Echantillon
36Afin de tester nos hypothèses 1 135 questionnaires ont été envoyés par mail à des expatriés francophones. L’échantillon a été constitué à partir de trois sources principales. Des expatriés ont reçu notre questionnaire par l’intervention de leur DRH dans six entreprises. La deuxième source est constituée par des associations professionnelles qui ont accepté de diffuser le questionnaire auprès de leurs membres expatriés. Les personnes qui ont reçu le questionnaire avaient enfin la possibilité d’indiquer en fin de questionnaire des contacts d’expatriés. Trois cent trente cinq questionnaires ont été exploitables, ce qui revient à un taux de réponses de près de 30 %. Les hommes représentent 67 % de l’échantillon, les femmes 33 %, et la moyenne d’âge est de 36 ans. Les 335 expatriés sont répartis dans 57 pays. Ils représentent une multitude de secteurs tels que l’information, la grande distribution, l’automobile, l’agro-alimentaire, la banque, les systèmes d’information, l’hôtellerie, la métallurgie. La durée moyenne de mobilité internationale est de 4,8 ans. Les répondants travaillent dans leur entreprise actuelle depuis en moyenne 8,3 ans.
2.2 – Mesures
37Satisfaction au travail. Afin de mesurer la satisfaction au travail, nous utilisons la mesure de Mossholder, Settoon, et Henagan (2005) en trois items, avec pour exemple d’item : “Dans l’ensemble, je suis satisfait de mon travail”. Les individus répondent dans quelle mesure ils sont satisfaits avec leur emploi actuel, sur une échelle allant de 1 = tout à fait insatisfait à 5 = tout à fait satisfait. La cohérence interne est très satisfaisante (alpha = 0,90), et l’ACP confirme l’unidimensionnalité de la mesure.
38Satisfaction de carrière. La satisfaction de carrière est mesurée avec une échelle de 5 items (Greenhaus, Parasuraman, et Wormley, 1990). Un exemple d’item est : “Je suis satisfait(e) du succès que j’ai atteint dans ma carrière”. Les individus répondent dans quel mesure ils sont en accord avec les affirmations, sur une échelle de Likert en 5 points, (1 = tout à fait en désaccord, à 5 = tout à fait d’accord). L’alpha de Cronbach est égal à 0,86 pour notre échantillon et l’analyse factorielle en composantes principales (ACP) confirme la nature unidimensionnelle de la mesure.
39Intention de quitter. L’intention de quitter est mesurée à l’aide de l’échelle de 6 items de Wayne, Shore, et Linden (1997). Un exemple d’item est : “Je pense sérieusement à quitter mon travail”. Une ACP effectuée à partir de notre échantillon confirme la nature unidimensionnelle de l’échelle. La cohérence interne est satisfaisante, avec un alpha égal à 0,88.
40Ancres de carrière. Les huit ancres de carrière proposées par Schein sont mesurées par son instrument de mesure (1978, 1990), en 40 items (1 = tout à fait en désaccord à 5 = tout à fait d’accord), soit 5 items par ancre. L’ancre internationale, créée par Suutari et Taka (2004) de manière conceptuelle, est évaluée selon la mesure créée par Cerdin (2007) en 5 items. Pour chacune des ancres, nous présentons l’alpha de Cronbach, un item à titre d’illustration, et les résultats de l’ACP si tous les items correspondant à l’ancre n’apparaissent pas sur le même facteur. L’ACP dégage 11 facteurs, et hormis sur les trois derniers facteurs que nous ne retenons pas car ils n’ont pas de sens au niveau théorique, chaque ancre se trouve sur un facteur propre. Dans tous les cas, l’élimination de certains items permet une amélioration de l’alpha de Cronbach sur l’échelle retenue. L’ancre compétence technique/fonctionnelle (e.g. “Je suis pleinement satisfait(e) de mon travail quand j’ai été capable d’utiliser les compétences et talents rattachés à ma spécialisation”) a un alpha de Cronbach en deçà de 0,6 (? = 0,50). Les items apparaissent sur les derniers facteurs, il ne nous est pas possible de conserver cette mesure. Les autres ancres présentent de bons alpha, à savoir, l’ancre compétence managériale dont nous conservons 3 items (e.g. “J’estimerai avoir réussi dans ma carrière seulement si je deviens directeur général d’une organisation” ; ? = 0,83), l’ancre autonomie/indépendance (e.g. “J’estimerai avoir réussi dans ma carrière seulement si j’atteins une autonomie et une liberté totale” ; ? = 0,77), l’ancre sécurité et stabilité pour laquelle nous maintenons 4 items (e.g. “Je rêve d’avoir une carrière qui me permette d’éprouver un sentiment de sécurité et de stabilité” ; ? = 0,83), l’ancre créativité entrepreneuriale dont nous retenons 3 items (e.g. “Je rêve de démarrer et de développer ma propre affaire” ; ? = 0,89), l’ancre dévouement à une cause (e.g. “Je préférerais quitter mon entreprise plutôt que d’accepter une mission qui amoindrirait mes capacités d’être au service des autres” ; ? = 0,75), l’ancre défi pur (e.g. “J ‘ai le sentiment de réussir dans ma carrière seulement si je peux faire face et surmonter des défis particulièrement retors” ; ? = 0,75), l’ancre qualité de vie pour laquelle nous retenons 4 items (e.g. “Je rêve d’une carrière qui me permette d’intégrer mes besoins personnels, familiaux et professionnels” ; ? = 0,72), et enfin l’ancre internationale (e.g. “J’estimerai avoir réussi dans ma carrière seulement si je parviens à travailler dans un environnement international” ; ? = 0,81).
41Attitude de carrière protéenne et Attitude de carrière sans frontières. Les mesures de ces deux attitudes sont celles préposées par par Briscoe et al. (2006). L’attitude de carrière protéenne est appréciée selon ses deux facettes, les valeurs propres à l’individu en 6 items (e.g. “Ce que je pense être juste pour ma carrière est plus important que ce que mon entreprise pense être juste” ; ? = 0,75), et le management de la carrière par soi-même en 8 items (e.g. “Dans l’ensemble, je dirige ma carrière par moi-même, de manière très indépendante” ; ? = 0,76). L’ACP confirme les deux dimensions suggérées par les auteurs de la mesure. Pour l’attitude de carrière sans frontières, l’état d’esprit sans frontières est évalué avec 8 items. Un exemple est : “J’aime beaucoup travailler avec des personnes en dehors de mon organisation” (? = 0,86). La préférence pour la mobilité internationale est évaluée à l’aide de 5 items. Un exemple, dont les résultats ont été recodés, est “Je préfère rester dans l’entreprise qui m’est familière plutôt que de chercher un emploi ailleurs” (? = 0,85). L’ACP confirme que l’attitude de carrière sans frontières comporte deux dimensions.
42Les variables d’attitudes de carrière protéenne et sans frontières ont été mesurées en répondant à la question “dans quelle mesure êtes-vous d’accord avec les affirmations suivantes ?”, à partir d’une échelle du type Likert à cinq niveaux allant 1 = dans une très faible mesure ou pas du tout à 5 = dans une très large mesure.
43Orientation carriériste. Nous utilisons dans notre recherche la mesure créée par Feldman et Weitz (1991), composée de 23 items dont un exemple est : “La clé du succès est dans les personnes que vous connaissez et non pas dans les connaissances que vous avez”. Les répondants s’expriment face aux affirmations données sur une échelle de Likert, allant de 1 = tout à fait en désaccord à 5 = tout à fait d’accord. L’échelle présente une bonne cohérence interne, avec un alpha égal à 0,87. Nous avons vérifié l’unidimensionnalité de l’échelle en suivant les recommandations de Feldman et Weitz (1991). Nos résultats d’ACP sont similaires à ceux présentés par Feldman et Weitz (1991), et comme ces auteurs, nous concluons à l’unidimensionnalité de la mesure.
44Variables de contrôle. Nous avons également contrôlé trois variables dans cette recherche, à savoir l’âge, le genre, et la durée de l’expatriation mesurée en mois.
3 – Résultats
45Le tableau 1 présente les moyennes, écarts-type et corrélations des variables de cette étude. Ayant constaté des corrélations significatives parmi un certain nombre de variables, nous avons examiné les possibilités de multi-colinéarité en utilisant les VIF (Variance Inflation Factors). En règle générale les problèmes de multi-colinéarité sont écartés lorsque les VIF sont inférieurs à 10 dans des modèles de régression (Ryan, 1997). Le VIF maximum obtenu dans chacun de nos modèles de régression a largement été en dessous de ce seuil, ce qui signifie que la multi-colinéarité ne constitue pas un problème pour nos résultats.
Statistiques descriptives et corrélations*, **
Statistiques descriptives et corrélations*, **
* La corrélation est significative au niveau 0.05 (bilatéral).** La corrélation est significative au niveau 0.01 (bilatéral).
46L’hypothèse 1 prédit que les ancres de carrière ont un impact sur la réussite. Le support empirique pour l’ensemble des hypothèses 1 (1a à 1i) peut être vu dans le tableau 2. Parmi les neuf ancres de carrières, seule l’ancre défi pur est reliée positivement et de manière significative à la satisfaction de carrière (? = .17, p < .01) et à la satisfaction au travail (? = .18, p < .01). L’ancre autonomie est reliée de manière positive mais non significative à la satisfaction de carrière (? = .12, p < .10) et à la satisfaction au travail (? = .13, p < .10). Deux ancres sont reliées à l’intention de quitter l’entreprise, l’ancre internationale de manière négative et significative (? = -.13, p < .05) et l’ancre créativité de manière positive et significative (? = .18, p < .05). L’hypothèse 1 est partiellement vérifiée.
Régressions
Régressions
Notes : Coefficients de régression standardisés (b) présentés : ** p < .01, * p < .05, + p < .1047L’hypothèse 2 postule une relation entre l’attitude de carrière protéenne et la réussite de la mobilité internationale. Une dimension de l’attitude de carrière protéenne, le management de carrière par soi même (self-management), a une relation positive et significative avec la satisfaction de carrière (? = .21, p < .01). L’hypothèse 2 est vérifiée pour la satisfaction de carrière pour l’attitude de carrière protéenne mesurée par le self-management.
48L’hypothèse 3 propose une relation entre l’attitude de carrière sans frontières et la réussite de la mobilité internationale. L’attitude de carrière sans frontières, dans sa dimension préférence pour la mobilité organisationnelle, est négativement et significativement reliée à la satisfaction de carrière (? = -.15, p < .05). Cette même dimension est reliée de manière positive et significative à l’intention de quitter l’entreprise (? = .30, p < .01). L’hypothèse 3 est partiellement vérifiée.
49L’hypothèse 4 propose une relation entre l’orientation carriériste et la réussite de la mobilité internationale. L’orientation carriériste est bien reliée de manière négative et significative à la satisfaction de carrière (? = -.29, p < .01) et à la satisfaction au travail (? = -.35, p < .01), de manière positive et significative à l’intention de quitter l’entreprise (? = .30, p < .01). L’hypothèse 4 est confirmée pour la satisfaction de carrière, la satisfaction au travail et l’intention de quitter dans l’entreprise.
50Les variables de contrôle, rentrées dans une première étape, ne sont pas significatives pour la satisfaction de carrière et la satisfaction au travail. L’âge est relié de manière négative et significative à l’intention de quitter (? = -.17, p < .05), dans le premier modèle de régression qui n’inclut que les variables de contrôle. Cependant, l’âge n’explique plus l’intention de quitter lorsque les variables liées à la carrière sont introduites.
4 – Discussion
51Cette recherche avait pour objectif d’examiner le lien entre des variables liées à la carrière et la réussite de la mobilité internationale. Plus précisément, il s’agissait d’examiner quatre variables issues de la théorie des carrières, les ancres de carrières, l’attitude de carrière protéenne, l’attitude de carrière sans frontières, et l’orientation carriériste en relation avec la réussite de la mobilité internationale. Nos résultats montrent, sur un échantillon de personnes en cours d’expatriation, que certaines ancres de carrière sont bien reliées à la réussite de la mobilité internationale alors que d’autres n’ont pas l’impact anticipé. L’ancre défi pur apparaît comme l’ancre qui a le plus fort pouvoir explicatif de la réussite, en termes de satisfaction de carrière et de satisfaction au travail. Comme prédit dans l’hypothèse 1i, l’ancre internationale est défavorable à la réussite organisationnelle en termes d’intention de quitter. Au contraire, l’ancre créativité a un impact positif sur l’intention de quitter l’entreprise, ce qui va à l’encontre de notre hypothèse. Alors que pour formuler notre hypothèse nous nous sommes appuyés sur la théorie des ancres de carrière, la mesure utilisée dans notre questionnaire compte trois items qui se réfèrent directement à la volonté de l’individu de créer sa propre entreprise. Cette volonté peut expliquer le fait de vouloir quitter l’organisation. Globalement, les ancres de carrière n’ont qu’un faible pouvoir explicatif sur la satisfaction de carrière, la satisfaction au travail, et l’intention de quitter l’organisation.
52Dans le cas des attitudes de carrière protéenne et sans frontières, lorsque le lien est significatif, l’impact anticipé sur les variables dépendantes n’est pas toujours confirmé. Le self-management a, comme attendu, un lien positif avec la satisfaction de carrière et la satisfaction au travail. La préférence mobilité organisationnelle est reliée positivement à l’intention de quitter l’organisation, comme le prédit l’hypothèse H2, mais elle a un lien négatif avec la satisfaction de carrière. Une explication de ce résultat contraire à notre hypothèse se situe peut-être dans les causes de l’attitude de carrière sans frontière. Au vu de ce lien négatif, nous pourrions nous interroger sur la direction de la causalité entre la préférence mobilité organisationnelle et la satisfaction de carrière. De futures recherches pourraient permettre d’éclairer ce point.
53La variable de carrière qui a le plus grand pouvoir explicatif de la réussite de la mobilité internationale sur notre échantillon est l’orientation carriériste. L’orientation carriériste, comme anticipée par l’hypothèse H4, est fortement reliée de manière négative à la satisfaction de carrière, à la satisfaction au travail et est positivement reliée à l’intention de quitter l’organisation. Globalement, notre recherche empirique confirme partiellement l’ensemble des hypothèses posées.
4.1 – Contributions théoriques
54Notre article propose un modèle de recherche qui intègre deux littératures, celle sur les carrières et celle sur la mobilité internationale. Chacune de ces littératures est riche mais elles sont rarement intégrées dans les recherches sur la mobilité internationale, à quelques exceptions. L’intégration proposée dans cet article se fonde notamment sur la théorie de la congruence personne – environnement appliquée à la mobilité internationale à la suite des travaux de Cerdin et Le Pargneux, (2009a). La congruence entre les caractéristiques individuelles liées à la carrière et les caractéristiques d’une mobilité internationale conduit à la réussite de la mobilité internationale. Nous avons retenus, dans notre modèle théorique testé auprès d’expatriés français, les quatre variables centrales de la littérature sur les carrières identifiées par Cerdin et Le Pargneux (2009a). Nous avons aussi retenu du modèle théorique de ces chercheurs trois critères de la réussite d’une mobilité internationale pendant l’expatriation. Le résultat théorique est un modèle qui vise à expliquer la réussite de la mobilité internationale par quatre variables centrales de la littérature sur les carrières.
4.2 – Limites et indications pour de futures recherches
55Suite à la présentation de cette recherche, deux limites nous semblent particulièrement importantes à soulever.
56La première limite concerne les variables indépendantes de notre modèle, choisies en fonction de notre approche théorique, dans le cadre du modèle théorique proposé par Cerdin et Le Pargneux (2009a). Dans notre modèle, nous adoptons la perspective de la théorie de la congruence appliquée à la mobilité internationale, et n’intégrons pas, par conséquent, les variables individuelles comme les variables démographiques, les variables environnementales comme les opportunités d’emploi, ou les variables organisationnelles comme le soutien organisationnel apporté aux expatriés. Le fait que nous ne les intégrions pas ne signifie pas qu’elles ne peuvent pas avoir d’impact sur la réussite de la mobilité internationale. Certaines études ont examiné le lien entre les variables de personnalité et certains aspects de la réussite de la mobilité internationale (e.g. Huang, Chi, et Lawler, 2005 ; Shaffer, Harrison, Gregersen, Black, et Ferzandi, 2006). Ces différences individuelles peuvent être pertinentes pour déterminer la réussite de mobilité internationale. Cependant, dans notre modèle, nous n’incluons que les variables de carrière qui sont directement reliées au cadre théorique de l’article. Nous avons néanmoins contrôlé l’âge, le genre et la durée d’expatriation, qui n’ont pas d’impact significatif sur la réussite de la mobilité internationale.
57Une seconde limite importante de notre étude est liée aux ancres de carrière. Nous examinons séparément l’impact de chaque ancre de carrière sur la réussite individuelle de la mobilité internationale, en ligne avec la théorie des ancres de carrière de Schein, qui affirme que chaque individu est caractérisé par une ancre dominante (Schein, 1978). Certaines recherches empiriques se concentrent sur l’ancre de carrière dominante (Danzinger et Valency, 2006 ; Erdogmus, 2004 ; Hudson et Inkson, 2006). Cependant, Feldman et Bolino (1996) insistent sur le fait que les résultats empiriques de Schein (1978) lui-même contredisent la réalité d’une ancre de carrière dominante. Tout en reconnaissant que la majorité des individus ont une unique ancre, les auteurs suggèrent que les individus peuvent avoir une ancre principale et une ancre secondaire. Certaines études empiriques semblent fournir l’évidence des ancres de carrières multiples (Ituma et Simpson, 2007 ; Ramakrishna et Potosky, 2003 ; Suutari et Taka, 2004). Dans notre recherche, le fait par exemple que l’ancre internationale ne soit pas reliée à la satisfaction de carrière et à la satisfaction au travail signifie probablement que cette ancre n’est pas l’ancre dominante. Il serait intéressant, dans une future recherche sur la relation entre les ancres de carrière et la réussite de la mobilité internationale, d’examiner la combinaison possible des ancres de carrière et l’interaction entre elles. D’autres recherches devraient également vérifier la fiabilité de l’échelle de Schein, notre recherche ayant montré que l’ancre technique a une cohérence interne en deçà des seuils recommandés.
58Notre étude ouvre d’autres opportunités pour de futures recherches. Une recherche longitudinale, suivant les expatriés à leur retour de mobilité internationale pourrait être la voie empirique la plus prometteuse. En effet, il est aujourd’hui admis que l’expérience de mobilité internationale inclut la période qui suit l’affectation à l’étranger, comme partie intégrante de cette expérience (e.g. Cerdin et Le Pargneux, 2009a). Il serait donc intéressant d’interroger les expatriés de retour de mobilité internationale, d’évaluer si leurs caractéristiques ont évolué et quel impact ces caractéristiques ont sur la réussite individuelle du retour de mobilité internationale. Il serait aussi utile d’examiner les différences entre les expatriés par l’organisation et les expatriés “de leur propre initiative”, c’est-à-dire sans le soutien de leur organisation (Cerdin et Le Pargneux, 2010, Suutari et Brewster, 2000, Tharenou et Caulfield, 2010). La population d’expatriés devient de plus en plus diverse avec une augmentation du nombre de personnes qui s’expatrient de leur propre initiative (Jokinen, Brewster et Suutari, 2008).
4.3 – Implications pour le management
59Notre étude soulève des implications utiles au domaine du management. Tout d’abord, il incombe aux individus et aux organisations d’examiner avec attention la compatibilité entre les caractéristiques liées à la carrière et les caractéristiques de la mobilité internationale. Les organisations peuvent par exemple atténuer les difficultés de l’expatriation en adaptant les supports organisationnels aux caractéristiques individuelles liées à la carrière. Les organisations devraient aider les individus à être conscients des caractéristiques de leur propre carrière et des implications que ces caractéristiques peuvent avoir sur la réussite de la mobilité internationale. Par exemple, des outils d’évaluation pourraient être fournis aux individus pour les aider à découvrir leurs caractéristiques liées à la carrière. Cela leur permettrait de mesurer la compatibilité potentielle entre ces caractéristiques et les caractéristiques d’une mobilité internationale. Dans le cas d’incompatibilités repérées, il serait préférable de renoncer à l’expatriation pour l’intérêt à la fois de ceux qui gèrent la mobilité internationale et des salariés. Aussi, nos résultats invitent les organisations à adopter un management de la mobilité internationale dans une logique de cogestion des carrières où le salarié devient un acteur de la gestion de sa carrière, en aidant l’organisation à la gérer (Cerdin, 2011). Il s’agit alors d’avoir une approche du management davantage orientée vers le développement des personnes que vers leur sélection. C’est en phase avec la perspective des carrières sans frontières (Arthur and Rousseau, 1996), qui caractériserait la gestion des carrières d’aujourd’hui, où les individus sont de plus en plus acteurs de leur carrière. Aussi, nos résultats invitent non seulement les organisations, mais surtout les expatriés, à mettre au cœur du management de la mobilité internationale, l’employabilité. En effet, la congruence entre ce qui caractérise leur carrière et l’environnement dans lequel évoluent les expatriés, devrait contribuer au développement de l’employabilité des salariés, pendant l’expatriation et au-delà.
Conclusion
60Cette recherche examine empiriquement, sur un échantillon de 335 expatriés, la relation entre des variables clés de carrière, à savoir les ancres de carrière, l’attitude de carrière protéenne, l’attitude de carrière sans frontière, l’orientation carriériste et la réussite de la mobilité internationale. Le modèle testé dans cette recherche se focalise sur certains aspects d’un modèle théorique de réussite de mobilité internationale plus large qui intègre les différentes phases d’une mobilité internationale, avant, pendant et après la mobilité internationale (Cerdin et Le Pargneux, 2009a). Notre étude empirique propose un premier test d’une partie de ce modèle limité à l’expatriation, sur un échantillon important d’expatriés français.
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Mots-clés éditeurs : carrière, mobilité internationale, réussite
Mise en ligne 08/11/2013
https://doi.org/10.3917/qdm.122.0011